BP-322F

 

LA CONVENTION SUR LE DROIT DE LA MER

 

Rédaction :
Eric LeGresley
Division du droit et du gouvernement
Février 1993


 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

   A. Importance

   B. Historique de la Convention sur le droit de la mer

   C. Lien avec le reste du droit international

   D. Principes fondamentaux de la Convention sur le droit de la mer

   E. Structure de l'entente

   F. Situation actuelle de l'entente

LA SOUVERAINETÉ DES ÉTATS SUR LES MERS

   A. Le partage territorial de la mer, des fonds marins et du sous-sol marin

      1. Eaux intérieures

      2. Mer territoriale

      3. Zone contiguë

      4. Plateau continental

      5. Zone économique exclusive

      6. Haute mer

      7. Cas intéressant plus particulièrement le Canada

         a. Zones recouvertes de glaces

         b. Détroits servant à la navigation internationale

         c. Archipels

         d. États sans littoral

   B. Définition des limites entre les États adjacents

      1. Principes en cause

      2. Exemples canadiens

         a. Le différend du golfe du Maine

         b. Le différend au sujet de Saint-Pierre-et-Miquelon

         c. Le différend de la mer de Beaufort

   C. La compétence de l'État à bord des navires en mer

      1. Compétence de l'État du pavillon

      2. Compétence de l'État côtier

EXPLOITATION DES RESSOURCES MARINES

   A. Droits et obligations en matière de pêche

      1. Obligations relatives à la conservation générale et au partage

         a. Conservation

         b. Partage

      2. Droits à l'intérieur de la mer territoriale et de la zone économique exclusive

   B. Ressources non biologiques des fonds marins

      1. Plateau continental

         a. Droits pétroliers

         b. Droits minéraux

      2. Minéraux des grands fonds océaniques

CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT MARIN

   A. Obligation générale

   B. Pollution marine

      1. Établissement de normes

      2. La pollution et les risques

      3. Autorité législative

      4. Application

      5. Responsabilité

NAVIGATION

   A. Nationalité des navires

   B. Voies de passage en transit et voies de navigation

   C. Piraterie

UTILISATION DES MERS À DES FINS MILITAIRES

   A. Navires de guerre

   B. Activités militaires

RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

   A. Obligations en matière de règlement

   B. Conciliation et arbitrage obligatoire

      1. Tribunal international du droit de la mer

      2. Chambre de règlement des différends relatifs aux fonds marins

 


LA CONVENTION SUR LE DROIT DE LA MER

 

La Convention de 1982 sur le droit de la mer est un traité international extrêmement complexe qui aborde de nombreuses questions contemporaines importantes : la souveraineté des États, la mise en valeur des ressources, le commerce international, la protection de l'environnement et les activités militaires. Ce traité, qui devrait entrer en vigueur bientôt, sera le principal texte de loi régissant une superficie trois fois grande comme l'ensemble des continents.

Le Canada est une importante nation maritime. Il a le plus long littoral côtier, des revendications en matière de compétence territoriale les sur les mers parmi les plus importantes, ainsi que de nombreuses économies régionales intimement liées à la mer. Ainsi, la Convention a une importance vitale pour le bien-être économique, politique et environnemental du pays.

Le présent document fournit un aperçu général de la Convention, notamment dans le contexte canadien. On ne saurait espérer aborder, dans un seul document, toutes les questions visées par l'entente, ce qui veut dire que nous avons mis l'accent sur les aspects qui revêtent une importance particulière pour le Canada : la compétence du Canada en matière territoriale et de navigation sur les mers, les différends territoriaux maritimes passés et présents mettant en cause le Canada, les droits de pêche et l'exploitation pétrolière, ainsi que la responsabilité de l'État en matière de protection de l'environnement.

INTRODUCTION

   A. Importance

L'océan recouvre les trois quarts de la surface de la planète. Ces immenses étendues d'eau ont constitué un moyen de déplacement international et une importante source commune d'aliments depuis des millénaires. En conséquence, les sociétés ont développé des normes de comportement international sur l'océan longtemps avant que n'apparaissent des normes de comportement internationales sur terre(1). Les changements technologiques récents et la croissance de la population ont engendré de nouvelles utilisations et exercé de nouvelles pressions sur les ressources océaniques mondiales. En conséquence, le droit de la mer est un ancien domaine du droit qui connaît présentement une évolution rapide.

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (la Convention ou  l'entente)(2) comble le faussé entre les droits et obligations séculaires et la sensibilisation nouvelle au fait que les mers ne constituent pas une source inépuisable de ressources pour ceux qui, en raison de leur situation géographique ou de leur développement économique, peuvent facilement exploiter les océans. La Convention représente une contribution exceptionnellement importante aux relations internationales, notamment pour le Canada, qui a le plus long littoral côtier au monde et dont les frontières bordent trois océans. Dans le présent document, nous faisons un examen des nombreux aspects importants de la Convention, y compris ceux qui appartiennent également au droit plus général de la mer.

   B. Historique de la Convention sur le droit de la mer

Des conférences des Nations Unies ont eu lieu en 1958 (UNCLOS I) et en 1960 (UNCLOS II) afin de codifier divers aspects du droit de la mer. La conférence de Genève de 1958 a mené à des traités internationaux distincts portant sur la mer territoriale, la zone contiguë, la haute mer, le plateau continental et la conservation des ressources biologiques de la mer.(3) Comme ces titres l'indiquent, la préoccupation primordiale à l'époque était le partage territorial des mers en vue de répondre à certaines revendications très vastes et disparates en matière de souveraineté présentées par de nombreux pays durant les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale. La convention UNCLOS II n'a réussi à résoudre aucune des préoccupations qui se posaient alors.

Entre la fin des années 60 et le début des années 80, des négociations ont eu lieu en vue d'élaborer plus en détail le droit de la mer. Tout d'abord, les discussions ont été limitées aux grands fonds océaniques mais les États nouvellement constitués ont pu parvenir à un accord sur une vaste gamme de questions de fond soulevées par l'utilisation historique et moderne de la mer. En décembre 1982, une troisième conférence des Nations Unies (UNCLOS III) a été convoquée et la convention qui en est issue a été paraphée par 119 États, bien que de nombreuses nations européennes se soient abstenues. Cette large adhésion témoigne de l'importance de la question et du succès des négociations visant à établir une base commune. Bien que la Convention reprenne presque mot pour mot bon nombre des conventions de Genève de 1958, elle a une portée beaucoup plus étendue et comprend des dispositions qui traitent de développements qui ne sont pas encore au point au niveau technologique mais que l'on anticipe d'ici quelques décennies. Le large soutien accordé à la Convention a été obtenu sans avoir à affaiblir l'entente au point où elle ne stipulerait plus rien de substantiel.

En termes simples, la Convention est le traité international de la plus grande envergure à jamais avoir été signé. Il se classe au même rang que la Charte des Nations Unies (la Charte) et la Déclaration universelle des droits de l'homme (la Déclaration universelle) comme étant l'une des grandes réalisations du présent siècle en matière de collaboration internationale. Elle est peut-être encore plus remarquable que ces documents fondamentaux des Nations Unies. La Charte et la Déclaration universelle ont été reconnues à l'origine par seulement quelque douzaines de nations occidentales développées qui partageaient des valeurs et des préoccupations communes; elles ont été adoptées par les pays nouvellement créés qu'après la décolonisation. La Convention sur le droit de la mer est cependant une entende d'une portée et d'une complexité très grandes qui a été négociée par un très grand nombre d'États ayant des situations économiques, des points de vue politiques et des intérêts très variés.

   C. Lien avec le reste du droit international

Bien que la Convention sur le droit de la mer soit un traité très détaillé qui codifie une bonne partie du droit international reconnu en la matière tel qu'il existait en 1982, ce n'est pas la seule source du droit international de la mer. Le droit international coutumier(4), constitué au fil de la pratique des États plutôt que dans des traités, demeure une importante source à cet égard. Des coutumes respectées systématiquement peuvent se révéler importantes dans des régions où les pratiques ont historiquement dévié des normes internationales définies dans les traités. De même, une partie importante du droit coutumier et du droit des traités qui déborde la Convention a trait au droit de la guerre, au contrôle de la pollution et aux questions générales de sécurité et elles peuvent s'appliquer dans un contexte maritime. Pour ce qui est de la définition des frontières, il existe une importante jurisprudence qui, si elle n'est pas exécutoire pour tout tribunal subséquent, n'en est pas moins persuasive; certains éléments fondamentaux qui en découlent doivent être considérés comme faisant partie du droit coutumier. Enfin, le droit relatif aux eaux riches en ressources qui sont situées sous le 60e degré de latitude sud entourant l'Antarctique est influencé par le Traité de l'Antarctique, qui a récemment été reconfirmé(5).

   D. Principes fondamentaux de la Convention sur le droit de la mer

Trois principes fondamentaux animent la Convention sur le droit de la mer. Le premier principe est que le États ont certains droits souverains à une certaine partie de la mer qui borde leur littoral. Le deuxième principe sert à limiter le premier; il affirme qu'une certaine partie de la mer, soit le fond de la mer et les grands fonds océaniques sont partagés en tant que «patrimoine commun de l'humanité». Le dernier principe est que les droits des États sont assortis d'obligations de préserver les mers et de tenir compte des besoins des autres États.

   E. Structure de l'entente

L'entente afférente à la Convention sur le droit de la mer comprend de nombreuses parties et annexes qui traitent des questions de relations internationales au sujet des océans de plusieurs points de vue. L'entente se divise à peu près en deux. Les onze premières parties traitent de questions spatiales et ont tendance à reprendre des préoccupations de longue date au sujet des mers. Les dernières parties traitent de questions fonctionnelles liées à l'utilisation et à la coopération et abordent plus directement des préoccupations récentes.

Les parties II à VI définissent l'étendue et la nature des intérêts exclusifs des États côtiers sur les mers(6). Les parties VII à XI traitent des régions maritimes de propriété commune et du fond de la mer, y compris les droits économiques de tous les États dans ces régions.

La partie XII, par ailleurs, décrit la responsabilité des États en matière de protection de l'environnement marin. Les parties XIII et XIV ont trait à la recherche scientifique effectuée en mer, y compris le transfert de technologies au monde en développement. La partie XV présente les mécanismes de règlement des différends. Les autres parties et annexes traitent de problèmes particuliers, de structures institutionnelles, de détails relatifs au règlement des différends et du fonctionnement de l'entente elle-même.

   F. Situation actuelle de l'entente

La Convention sur le droit de la mer stipule qu'elle n'entrera pas en vigueur avant 12 mois suivant sa ratification par un soixantième État. Les États qui ont ratifié l'entente sont désignés par l'expression «États Parties». Le Canada a signé la Convention mais ne l'a pas encore ratifiée. En janvier 1993, 54 États l'avait ratifiée mais peu d'entre eux étaient de grandes nations industrialisées ou des puissances maritimes de premier plan, dont bon nombre sont opposées au régime applicable aux grands fonds océaniques.

En dépit de cela, quatre arguments militent en faveur de l'application des principes de la Convention sur le droit de la mer, sinon de la Convention elle-même, aux relations internationales en matière océanique. Premièrement, de nombreux États sont déjà liés par les diverses conventions de Genève, décrites précédemment, qui comptent pour une part importante de la première section de la Convention. Deuxièmement, la Convention représente une codification d'une partie importante du droit international coutumier(7) en matière maritime tel qu'il existait en 1982. Troisièmement, la Cour internationale de justice (CIJ) a statué que la pratique répandue d'un État signifie que l'importante nouvelle notion de la Zone économique exclusive (ZEE) que renferme la convention, sinon les détails particuliers de cette notion, fait maintenant partie du droit international coutumier. Enfin, la Convention de Vienne sur le droit des traités, qui appartient elle-même au droit international coutumier, stipule que les États qui ont signé mais non encore ratifié un traité doivent s'abstenir de poser des gestes qui iraient à l'encontre de l'objet et du but du traité.

LA SOUVERAINETÉ DES ÉTATS SUR LES MERS

   A. Le partage territorial de la mer, des fonds marins et du sous-sol marin

La question la plus fondamentale soulevée par le droit de la mer est : qu'est-ce qui constitue un océan? La définition internationale légale n'est pas la même que celle que donnerait un océanographe. En vertu de la Convention sur le droit de la mer, la mer est définie comme étant la partie de l'océan qui est située au large de la «ligne de base».

Les règles servant à tracer les lignes de base sont nécessairement complexes puisqu'elles tiennent compte d'une géographie infiniment variable. Pour l'essentiel, cependant, la ligne de base correspond à la laisse de marée basse. Les règles spéciales qui s'appliquent aux baies, aux embouchures de rivières, aux estuaires, aux fjords, aux récifs, aux îles situées en bordure du littoral, aux petits rochers, projettent une ligne de base droite à travers une étendue d'eaux ouverte(8). Les lignes de base droites doivent suivre le profil général de la côte mais il n'y a pas de limite rigoureuse quant à la longueur permise(9). Cependant, plus la ligne de base est longue, plus est grande la zone maritime soustraite à l'utilisation de l'ensemble des nations et, en conséquence, de nombreux États s'opposent énergiquement aux longues projections de la ligne de base droite. Toutes les mesures de distance vers le large qui délimitent le partage territorial de la mer partent de la ligne de base(10), tout comme de nombreuses mesures employées pour définir une frontière contestée entre des États voisins. Les droits d'un État côtier dans les zones territoriales maritimes sont progressivement limités à mesure que l'on s'éloigne du littoral.

      1. Eaux intérieures

Les eaux intérieures (EI) sont toutes les eaux situées en deça de la ligne de base. En droit international, elles sont l'équivalent juridique du territoire de l'État, sauf que dans certains cas très restreints, des nations étrangères peuvent conserver un droit de passage historique. Les lois intérieures s'appliquent habituellement aux eaux intérieures d'un État. Les ports d'expédition sont situés dans les eaux intérieures, mais la Convention ne prévoit pas un droit général d'entrée pour les navires en détresse bien qu'un tel droit puisse exister en droit international coutumier.

FIGURE 1
LA CONSTRUCTION DES LIGNES DE BASE

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Source : Churchill et Lowe, The Law of the Sea, 2e édition, Manchester University Press, Manchester, R.-U., 1988.

 

FIGURE 2
PARTAGE TERRITORIAL DE LA MER, DES FONDS MARINS ET DU SOUS-SOL MARIN

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Source : Version modifiée d'un extrait de l'ouvrage de Churchill et Lowe, The Law of the Sea, 2e édition, Manchester University Press, Manchester, R.-U., 1988.

Selon les lignes de base droites tracées, de grandes étendues d'eaux entourant le Canada, notamment dans l'Arctique, pourraient faire partie des eaux intérieures du Canada. Ainsi, le gouvernement du Canada trace une ligne de base droite à partir de l'île Resolution (située juste au sud-est de l'île de Baffin) sur une longueur de 38 milles nautiques(11) (ci-après désignés simplement «milles») en direction sud vers le cap Chidley, à la pointe la plus septentrionale du Labrador. Cette ligne de base droite, si elle est acceptée par la communauté internationale, englobera un important plan d'eau comprenant toute la baie d'Ungava, le détroit d'Hudson, le bassin Foxe et la baie d'Hudson.

      2. Mer territoriale

La Mer territoriale (MT) est une bande de mer immédiatement adjacente à la ligne de base. En l'absence de tout empiétement de la part d'un autre État, un État côtier pourrait revendiquer une MT d'une largeur maximale de 12 milles. Il n'y a pas de minimum fixé à la largeur de la MT qu'un État peut revendiquer. La plupart des États, dont le Canada, ont revendiqué le maximum permis. Les îles, les îlots et les rochers d'origine naturelle qui ne peuvent soutenir la vie engendrent tous une MT, pourvu qu'ils ne soient pas recouverts par la mer à marée haute.

À l'intérieur de la MT, l'État côtier a les mêmes droits souverains que sur terre, sauf que les navires de tous les États y ont un droit de passage inoffensif(12). Le passage inoffensif ne comprend que le transit et l'État côtier peut établir des voies de navigation dans lesquelles les navires revendiquant le droit de passage inoffensif doivent demeurer. Les activités telles que la pêche, la recherche, l'utilisation d'armes, le chargement ou le déchargement de marchandises ou toute menace à la stabilité de l'État côtier constituent une violation du droit de passage inoffensif. Si de telles activités ont lieu, l'État côtier a le droit de prendre des mesures pour empêcher tout passage ou présence supplémentaire dans la MT. Les navires de guerre, bien qu'ils ne soient pas explicitement mentionnés dans la Convention, ont probablement un droit de passage inoffensif car la Convention permet le passage inoffensif des navires et des sous-marins à propulsion nucléaire. L'État côtier a aussi la responsabilité de faire connaître les dangers à la navigation situés dans sa MT; cela comprend une obligation de maintenir des phares ou d'autres dispositifs d'avertissement.

      3. Zone contiguë

La zone contiguë (ZC) est une bande de mer d'une largeur allant jusqu'à 12 milles située immédiatement au large de la ligne extérieure de la MT; elle peut être revendiquée par l'État côtier aux fins d'appliquer ses lois intérieures en matière de douanes, d'immigration, de pêche et d'hygiène. Bien que l'État côtier ne puisse exercer sa réglementation dans la ZC, il peut toutefois intervenir dans cette zone lorsqu'il y a eu violation de ses lois sur son territoire ou à l'intérieur de sa MT. Cette zone de transition empêche les navires d'enfreindre la loi et de prendre rapidement le large pour se mettre hors de portée de l'État côtier. Avec la création de la zone économique exclusive (examinée ci-dessous), la plupart des États ont abandonné leur ancien recours à la notion d'une ZC.

      4. Plateau continental

Bien que le plateau continental géologique soit simplement le prolongement du continent sous la mer avoisinante, la définition juridique du plateau continental (PC) est plus complexe. Auparavant, le droit international établissait la frange extérieure du PC à la ligne isobathe de 200 mètres (une ligne de contour correspondant à une profondeur de 200 mètres) ou à la profondeur à laquelle la technologie permettait l'exploitation des ressources. La Convention sur le droit de la mer a remplacé cette définition par une formule très complexe qui est liée à la pente du fond de la mer ou à l'épaisseur des roches situées au fond de l'eau. La Convention a également établi une largeur minimum et maximum pour le PC, respectivement de 200 et de 350 milles. Cependant, lorsque le plateau continental géologique s'étend au delà de 200 milles, on peut encore considérer la ligne isobathe de 200 mètres comme étant approximativement la limite du PC car c'est habituellement à ce niveau que l'on observe un changement rapide dans la pente du fond de la mer. Les rochers qui ne peuvent être habités par l'homme n'engendrent pas un PC.

Les droits d'un État sur le PC existent même en l'absence de toute revendication expresse à cet égard. Les droits au PC ont trait au fond de la mer et au sous-sol marin, mais non la colonne d'eau surjacente, bien que les droits relatifs à la zone économique exclusive puissent englober la colonne d'eau. Un État côtier peut ne pas exercer sa pleine souveraineté sur le plateau continental, mais il a le droit exclusif d'explorer et d'exploiter ses ressources biologiques et non biologiques, y compris les minéraux, le pétrole et les espèces vivantes telles que les palourdes qui vivent fixées au fond de la mer. D'autres nations peuvent poser des câbles et des pipelines sous-marins sur le plateau continental d'un État côtier.

Dans de rares cas, tel que le nez et la queue des Grands Bancs au Canada, le plateau continental s'étend au delà de la zone économique exclusive. Cela confère à l'État côtier un droit exclusif sur les ressources du fond de la mer sur le plateau continental, tandis que les ressources de la colonne d'eau surjacente appartiennent à toutes les nations.

      5. Zone économique exclusive

La Zone économique exclusive (ZEE) représente peut-être le plus grand progrès réalisé en droit international dans l'immédiat, à la suite de la conclusion de la Convention sur le droit de la mer. Une ZEE est une bande d'une largeur allant jusqu'à 200 milles qui s'étend au large de la ligne de base et qui peut être revendiquée par l'État côtier voisin. La plupart des États ont revendiqué le maximum permis. Dans presque tous les cas, la MT et la ZC sont comprises dans la ZEE. La plupart des PC ont moins de 200 milles de largeur, de sorte que les eaux surjacentes (ce qui comprend la grande majorité de tous les stocks de poisson économiquement exploitables) se trouvent aussi dans la ZEE. Les rochers qui ne permettent pas de soutenir la vie n'engendrent pas de ZEE bien qu'ils créent une MT.

Dans la ZEE, l'État côtier possède deux droits fondamentaux : un d'ordre économique et un de compétence. Sur le plan économique, l'État côtier a des droits souverains(13) aux fins d'explorer, d'exploiter, de conserver et de gérer les ressources biologiques et non biologiques de la colonne d'eau, du fond de la mer et du sous-sol marin, ainsi que d'autres activités liées à l'exploitation économique. Sur le plan des compétences, l'État côtier a juridiction sur les structures artificielles, la recherche marine et la protection de l'environnement marin. On peut aussi interpréter ce droit de protéger l'environnement comme étant une obligation, ce qui serait compatible avec l'intitulé de la disposition pertinente de la Convention sur le droit de la mer. En somme, ces droits sont loin de constituer une souveraineté complète.

Contrairement à l'opinion répandue, le Canada n'a pas réclamé de ZEE, mais plutôt une zone de pêche exclusive de 200 milles (ZPE), même si ces termes sont substitués presque librement l'un pour l'autre. L'origine des ZPE remonte à avant la Convention, qui est aussi plus récente que la ZPE réclamée par le Canada; mais aujourd'hui, de nombreux États revendiquent une ZPE aussi étendue que la ZEE permissible.

La revendication d'une ZPE, conjuguée aux droits exercés sur le PC, confère à un État côtier tous les droits économiques sur la région (sauf pour les «autres activités», telles que la production d'énergie à partir des vagues) sans qu'il n'ait à assumer d'autres responsabilités que celles imposées à tous les États. En retour d'une revendication portant sur le droit moins étendu associé à une ZPE comparativement à une ZEE, l'État côtier cède sa compétence sur les structures artificielles pouvant être construites et la recherche marine qui peut être entreprise dans la zone.

      6. Haute mer

La liberté en haute mer (HM) est une très vielle notion juridique; les modifications récentes apportées à la loi de la mer équivalent à une redéfinition des limites de la HM sans toucher aux droits des États en HM. La HM comprend toutes les régions océaniques où aucune compétence n'est exercée par un État côtier; habituellement cela veut dire toutes les eaux situées au large de la frange extérieure de la ZEE de l'État côtier avoisinant.

La HM appartient à l'ensemble de l'humanité. Elle se caractérise par la liberté qu'ont tous les États, enclavés ou côtiers, de naviguer sur ces eaux, de les survoler, d'y pêcher, d'y faire de la recherche scientifique, d'y poser des câbles, de construire des îles artificielles, etc., pourvu que ces activités se déroulent en tenant dûment compte des droits des autres États et qu'elles servent des fins pacifiques.

Les États ne peuvent revendiquer de compétence sur la HM; cependant, dans le contexte assez rare d'une «poursuite», un État côtier qui fait la chasse en haute mer à un navire étranger ayant transgressé ses lois dans la ZEE ou la MT peut y appliquer celles-ci. Lors d'une poursuite, la chasse doit avoir commencé alors que le navire étranger se trouvait dans les eaux de l'État qui a engagé la poursuite et peut se poursuive jusqu'à ce que le navire ait été arraisonné. L'utilisation de la force nécessaire pour arraisonner un navire n'est pas considérée comme une violation de l'obligation de l'État d'utiliser la HM uniquement à des fins pacifiques.

Il est devenu populaire, chez de nombreux gouvernements et meneurs d'opinion, de réclamer des sanctions économiques, y compris l'application de sanctions commerciales, contre un État considéré comme ayant enfreint l'ordre public international. De telles mesures ont récemment été prises contre l'Iraq et la Serbie. Cependant, un blocus naval est, à prime abord, une violation du principe de la liberté en HM. Ces initiatives constituent un violation du droit international si elles ne se déroulent pas avec l'autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies en vertu du chapitre VII de la Charte.

      7. Cas intéressant plus particulièrement le Canada

         a. Zones recouvertes de glaces

Les amoncellements de glace, en particulier ceux de nature permanente, soulèvent un problème en droit car ils possèdent à la fois beaucoup des caractéristiques de la mer (ils permettent la navigation des sous-marin) et de la terre (en particulier pour les populations indigènes vivant dans les latitudes polaires). En l'absence de toute disposition à l'effet contraire dans la Convention, les régions couvertes de glaces en permanence, du moins celles qui flottent à la surface des océans(14), seront vraisemblablement considérées comme appartenant à la mer pour les fins de la Convention.

La Convention sur le droit de la mer accorde à un État côtier, dans les régions couvertes de glaces, un droit de légiférer à l'égard de la ZEE dans le but de protéger l'écosystème fragile contre les dommages que pourrait y causer la pollution. Ailleurs dans la ZEE, les États possèdent un droit économique mais non un droit de législation. Cela assure la cohérence de la Convention avec le droit affirmé par le Canada dans la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques(15) adoptée avant la Convention.

         b. Détroits servant à la navigation internationale

Les détroits sont des passages étroits reliant deux grandes étendues d'eau. De par leur nature, ils revêtent une importance considérable pour la navigation commerciale et les force navales. Mais, nonobstant le fait qu'ils servent à la navigation internationale, les détroits sont généralement situés dans la ZEE ou la MT de l'État côtier riverain. Comme il n'y a pas de règle établie pour déterminer ce qui constitue un détroit, de nombreux États divergeront d'avis sur cette question. Le Canada considère que cette question a une importance capitale pour l'affirmation de sa souveraineté dans les îles de l'Arctique, notamment en ce qui a trait au statut du soi-disant passage du Nord-Ouest.

La Convention définit les droits des États navigant dans les détroits internationaux; ces droits ont trait uniquement au passage et, à tous les autres égards, un détroit conserve les caractéristiques juridiques de la zone dans laquelle il est situé.

         c. Archipels

Les archipels sont des groupements d'îles situés à proximité relative les unes des autres et ayant un lien géographique, historique, économique ou politique. Les îles de l'Arctique canadien et les îles grecques en sont des exemples. Les États archipélagiques, tels l'Indonésie, sont constitués entièrement d'archipels. Ils font l'objet d'un traitement spécial dans la Convention sur le droit de la mer, qui leur accorde la compétence sur les «eaux archipélagiques». Les eaux archipélagiques ressemblent à une MT et, avec certaines restrictions, elles englobent les eaux situées à l'intérieur des lignes de base droites tracées entre les îles situées aux confins de l'archipel. Les îles de l'Arctique canadien, qui ne sont pas un État, ne donnent pas lieu à des eaux archipélagiques.

         d. États sans littoral

Bien que les États sans littoral n'aient pas de MT ni de ZEE propres, la Convention sur le droit de la mer leur confère bon nombre des droits et privilèges des États côtiers, y compris la liberté de circuler en HM, un droit de passage inoffensif et le droit de partager les richesses des grands fonds océaniques. Ces droits seraient sans substance si les États enclavés ne pouvaient avoir accès à la mer. La Convention exige des États côtiers qu'ils permettent aux États sans littoral d'avoir accès à la mer par tous les moyens de transport.

En outre, les États sans littoral ont droit à une part équitable de l'exploitation des ressources halieutiques excédentaires dans la ZEE des États côtiers de leur région. Bien que le terme «région» ne soit pas défini dans la Convention, les États sans littoral les plus rapprochés du Canada sont situés en Europe; il est donc peu vraisemblable qu'ils soient visés par une définition quelconque de la région canadienne. Toutefois les Canadiens devraient être conscients qu'en dépit de l'appellation «zone économique exclusive», le Canada n'a pas, dans tous les cas, un droit absolu sur l'ensemble des ressources halieutiques situées dans sa ZEE de 200 milles.

   B. Définition des limites entre les États adjacents

Les différends frontaliers existent depuis que nous avons commencé à tracer des frontières. Cependant, lorsque la ZEE a porté les droits d'un État côtier de 12 à 200 milles, elle a créé de nombreuses nouvelles possibilités de différends, soit : i) lorsque deux côtes opposées sont situées à plus de 24 milles mais à moins de 400 milles de distance; ou 2) lorsque des États voisins ont convenu d'une limite pour les premiers 12 milles mais ne peuvent s'entendre sur les 188 milles restant. Ajoutez à cela les ressources pétrolières nouvellement découvertes dans le sous-sol marin et vous avez, réunies, toutes les conditions requises pour engendrer des différends frontaliers.

Même si la détermination d'une frontière globale est souhaitable sur le plan de la gestion, chaque division territoriale de la mer justifie le tracé de sa propre frontière. Les frontières situées près de la côte, comme c'est le cas entre des États adjacents ou situés à peu de distance l'un de l'autre, ne sont habituellement pas trop litigieuses; dans ces cas, il y a habituellement suffisamment de preuves historiques pour étayer une revendication. Plus au large, cependant, les possibilités de désaccord sont plus grandes. C'est principalement dans ces situations que le droit international doit s'appuyer sur des principes plutôt que l'histoire pour régler le différend.

      1. Principes en cause

La Convention sur le droit de la mer ne fait aucune nouvelle contribution importante au droit de la délimitation des frontières marines entre États opposés ou adjacents. L'entente prévoit un traitement légèrement différent pour la délimitation des frontières de la MT que pour celles du PC ou de la ZEE. Dans tous les cas, la Convention invite les parties à résoudre leurs différends frontaliers d'un commun accord. Pour la MT et la ZEE, il existe une disposition supplémentaire stipulant qu'une telle entente doit être fondée sur le droit international et représenter une solution équitable. S'il est impossible de parvenir à une entente au sujet de la frontière de la MT ou de la ZEE, les parties doivent s'en remettre aux procédures générales de règlement des différends de la Convention(16). Dans le cas de la MT, la Convention précise seulement que, de façon générale, en l'absence d'une entente, ni l'un ni l'autre État ne peut établir de frontière située au delà du point équidistant(17).

Étant donné que les lignes de démarcation de la ZEE et du PC sont à la base de la plupart des différends frontaliers, la Convention adopte tout simplement, comme principe de règlement des différends, les éléments du droit international relatif à la délimitation des frontières qui existent déjà. Ce principe a une portée extrêmement vaste, mais il a été appliqué de façon systématique à un grand nombre de règlements de différends frontaliers. Il peut s'exprimer le plus clairement de la façon suivante : les parties doivent recourir à des principes d'équité ou à des critères équitables, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, afin d'en arriver à un résultat équitable dans le règlement de leurs différends frontaliers(18). Manifestement, c'est le résultat plutôt que les moyens qui constitue le principal critère d'évaluation du caractère approprié de la frontière.

S'appuyer sur des principes d'équité pour en arriver à un résultat équitable n'impose pas beaucoup de contraintes quant à la méthode employée en pratique. Cela est probablement souhaitable car il est alors possible d'adapter vraiment la solution à la situation géographique particulière de chaque cas soumis au tribunal. De par sa définition même, l'équité variera selon chaque situation et, bien sûr, la géographie peut varier infiniment. Dans les situations où les données géographiques sont très simples et où il n'y a pas de «circonstances spéciales», le droit international semble en être arrivé à la constatation de fait que l'équidistance devrait être le principe retenu pour délimiter les frontières entre des côtes opposées.

Voici quelques-uns des nombreux principes qui ont été invoqués comme principes d'équité devant s'appliquer : égalité souveraine entre les États; statut politique du territoire; «pondération» différente entre la terre ferme et les îles; équidistance; longueur relative du littoral; non- empiétement(19) du littoral côtier; prolongement naturel du territoire terrestre; utilisation historique et intérêts économiques, degré de chevauchement frontal(20). Aucun principe unique n'est équitable dans tous les cas. On peut faire valoir que dans des contextes différents, un résultat équitable sera celui qui permet de répartir l'espace marin en litige : i) également; ii) proportionnellement à la longueur des littoraux pertinents; ou iii) proportionnellement à la surface terrestre avoisinante.

Devant autant de «principes d'équité», il est facile de voir pourquoi ces questions sont si litigieuses et pourquoi, à certains moments, on semble ne discerner aucune tendance dans les jugements des tribunaux. La façon dont les principes d'équité sont appliqués peu le mieux être illustrée en faisant appel à des exemples concrets qui montrent qu'il n'y a pas solution unique aux différends portant sur les frontières maritimes.

      2. Exemples canadiens

Partout(21) où le Canada a une frontière maritime avec un autre État, il existe un différend frontalier ou un tel différend a été réglé récemment. Ces frontières sont : dans le golfe du Maine, au large de la pointe sud de la Nouvelle-Écosse; autour des îles françaises de Saint-Pierre-et-Miquelon au large de Terre-Neuve; dans la mer de Beaufort, au large de la côte nord de l'Alaska et du Yukon; dans le détroit de Davis et les eaux avoisinantes qui séparent l'Arctique oriental du Groenland, dans le détroit de Juan de Fuca au sud de l'Île de Vancouver; et à l'entrée Dixon entre la pointe sud du prolongement méridional de l'Alaska et les îles de la Reine-Charlotte.

Les différends portant sur le golfe du Maine et les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon ont récemment été réglés au terme d'un procès; ces deux cas seront décrits plus en détail dans ce qui suit. Le différend de la mer de Beaufort risque d'avoir des ramifications économiques considérables en raison des ressources pétrolières qui pourraient se trouver sous les eaux en litige; ce cas est également examiné dans ce qui suit. Les règlements visant le détroit de Davis et le détroit de Juan de Fuca ont trait à des ajustements relativement peu importants de la ligne de démarcation et, comme il est peu probable qu'il donnent lieu à un litige important, ils ne sont pas examinés dans le présent document; nous n'avons pas non plus examiné le différend portant sur l'entrée Dixon, qui a pris une dimension politique beaucoup plus grande que son importance économique réelle en raison de la présence voisine d'une base de sous-marins américains.

         a. Le différend du golfe du Maine

Dans le golfe du Maine, dans la région située au sud de la Nouvelle-Écosse et au nord de Cape Cod (voir la figure 3), un différend frontalier oppose depuis longtemps le Canada et les États-Unis. La géographie côtière complexe, des caractéristiques géologiques sous-marines complexes, le potentiel pétrolier et des ressources halieutiques très importantes ont conjugué leurs effets pour rendre difficile le règlement de ce différend.

Après avoir convenu d'une courte ligne frontalière à proximité de la terre ferme, les pays ont soumis leur différend à une Chambre(22) de la CIJ en demandant que l'on établisse un frontière unique pour le PC et les eaux surjacentes(23). Devant le tribunal, le Canada a invoqué le principe de l'équidistance. Les Américains ont d'abord fait valoir le principe du prolongement naturel de la terre ferme, mais ont par la suite modifié leur revendication en raison d'un jugement de la CIJ qui rejetait en grande partie ce principe. La revendication modifiée des É.-U. invoquait des frontières normales par rapport à la tendance côtière régionale en faisant abstraction des péninsules et des îles. Mais en définitive, la ligne modifiée fondée sur ce nouveau principe était très rapprochée de l'ancien tracé revendiqué par les Américains.

FIGURE 3
LE DIFFÉREND DU GOLFE DU MAINE

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Source : Tiré de l'ouvrage de Kapoor et Kerr, A Guide to Maritime Boundary Delimitation, Carswell, Toronto, 1986.

En rejetant les revendications des deux parties, le Tribunal a fait preuve d'une grande souplesse. Il a lui-même tracé une frontière qui comprend trois segments : une section intérieure qui est perpendiculaire à la côte, une section intermédiaire qui est à peu près à équidistance des deux côtes opposées et une section extérieure faisant face à la haute mer qui est tracée perpendiculairement à une ligne imaginaire qui rejoint les deux points les plus avancés de la terre ferme et qui se trouve ainsi à englober le golfe. La décision a fait ressortir la primauté des facteurs géographiques. Elle a été considérée équitable parce qu'elle répartissait à peu près également la région contestée en segments proportionnels à la longueur des littoraux respectifs.

         b. Le différend au sujet de Saint-Pierre-et-Miquelon

Saint-Pierre-et-Miquelon sont deux petite îles françaises situées au sud de Terre-Neuve (voir la figure 4). Elles se trouvent à 12 milles du sol canadien mais à plusieurs milliers de milles de la France métropolitaine.

Dans les années 70, le Canada et la France ont convenu d'une frontière équidistante du côté intérieur mais n'ont pu s'entendre sur le tracé de la frontière au large des îles. Cette frontière a été déterminée par un tribunal d'arbitrage formé d'éminents juristes des deux pays et de trois pays neutres. Devant la Cour, la France a invoqué le principe de l'équidistance. Le Canada, se fondant sur une décision d'arbitrage à peu près analogue rendue au sujet des îles Anglo-Normandes(24), a revendiqué l'enclavement des îles(25).

FIGURE 4
LE DIFFÉREND AU SUJET DES ÎLES SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

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Source : Communiqué de presse du ministère des Affaires extérieures.

Dans son jugement rendu à la majorité le 10 juin 1992(26), le tribunal a rejeté les arguments des deux États. Cependant, la décision renfermait des éléments importants tirés de l'argument de l'enclavement invoqué par le Canada même si le tribunal en a conclu que la cause portant sur les îles Anglo-Normandes ne constituait pas un précédent pertinent. Le jugement du tribunal a accordé à la France deux zones : une enclave de 24 milles (12 milles de MT et 12 milles de ZEE) autour de la plus grande partie des îles, en plus d'un mince «couloir» en direction sud sur une longueur de 200 milles. Le couloir est tracé perpendiculairement à la tendance générale de la côte sud de l'île de Terre-Neuve. La largeur du couloir correspond à la largeur des îles mesurée parallèlement à la tendance générale de la côte sud de l'île de Terre-Neuve; cela permet de minimiser le découpage. Le tribunal a conclu que la zone accordée à la France était équitable, étant à peu près proportionnelle aux longueurs respectives des lignes côtières telles qu'établies par le tribunal.

Plusieurs conclusions qui peuvent influer sur l'application générale de ce principe ont été tirées : i) les droits maritimes d'un territoire ne dépendent pas de son statut politique (partie intégrante de l'État métropolitain ou possession d'outre-mer) ou de sa situation géographique (île ou continent); ii) le Traité de Versailles (en vertu duquel les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon ont été cédées à la France) ne limite pas les droits maritimes actuels de la France; iii) la dépendance économique sur les pêcheries n'a pas d'effet sur le tracé des frontières; et iv) la division de la région en cause devrait être à peu près proportionnelle à la longueur des côtes respectives. La teneur du jugement privilégie l'équité plutôt que les principes juridiques.

         c. Le différend de la mer de Beaufort

La frontière terrestre entre l'Alaska et le Yukon correspond au 141e degré de longitude nord. La façon dont cette frontière se prolonge vers le nord dans la mer de Beaufort et l'océan Arctique a une importance vitale car les données scientifiques indiquent que le sous-sol de la mer de Beaufort pourrait renfermer des ressources pétrolières considérables(27). On a déjà fait des découvertes pétrolières et gazières importantes plus à l'est, dans la partie canadienne de la mer de Beaufort qui n'est pas visée par le différend.

Les positions respectives des deux gouvernements sont claires. Le Canada fait valoir que la frontière maritime devrait suivre la frontière terrestre le long du 141e méridien sur une distance de 200 milles. À divers moments, cette revendication s'est appuyée sur les arguments suivants : i) l'intention du traité de 1825(28), qui fixe la frontière terrestre au niveau du 141e méridien, devait inclure à la fois la partie terrestre et maritime; ii) une ligne semblable divise les eaux entre la Russie et l'Alaska; iii) le Canada a historiquement utilisé ces eaux; iv) les deux États ont convenu de ce tracé; et v) les régions polaires sont uniques, ce qui veut dire que les principes de délimitation des frontières qui s'appliquent aux régions non polaires ne s'y appliquent pas. L'argument des États-Unis est fondé exclusivement sur l'équidistance(29).

Les conséquences d'une décision défavorable au sujet de la frontière traversant la mer de Beaufort sont énormes. Par ailleurs, la production pétrolière dans le territoire contesté n'est pas imminente. Ces deux éléments signifient que les deux pays n'auront probablement pas recours à un tribunal d'arbitrage pour régler ce différend. Une solution négociée servira vraisemblablement les intérêts des deux pays.

   C. La compétence de l'État à bord des navires en mer

La compétence des États se répartit entre deux domaines : la législation et l'application de la loi. Dans de nombreuses situations, cela devient plus complexe car il y a deux États en cause : l'État représentant la nationalité du navire (l'État du pavillon) et l'État qui a juridiction sur les eaux dans lesquelles se trouve le navire (l'État côtier). Les navires ont la nationalité de l'État où ils sont enregistrés; autrement dit, dans le jargon maritime, les navires ont la nationalité de la nation dont ils arborent le drapeau.

FIGURE 5
LE DIFFÉREND DE LA MER DE BEAUFORT

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Source : Figure modifiée tirée de l'ouvrage de Rothwell, Maritime Boundaries and Resource Development: Options for the Beaufort Sea, Canadian Institute of Resources Law, 1988.

      1. Compétence de l'État du pavillon

L'État du pavillon peut exercer une compétence législative sur ses navires partout où ils se trouvent. Habituellement, cela comprend la réglementation des questions sociales, d'emploi, de sécurité et des questions techniques à bord des navires; dans ce dernier cas, selon les termes de la Convention, la réglementation doit être conforme aux normes internationales. Le pouvoir législatif de l'État-pavillon se double d'une responsabilité internationale à l'égard des activités de ses navires.

Cependant, l'État du pavillon ne peut exercer sa compétence que lorsque ses navires se trouvent dans sa MT, sa ZEE ou en HM. Tenter d'exercer sa juridiction dans des eaux appartenant à un autre État constituerait un empiétement sur le droit souverain de cet État.

      2. Compétence de l'État côtier

Les navires qui passent dans les eaux relevant de la compétence des États côtiers présentent des risques de conflits de juridiction. Ainsi, l'État du pavillon peut imposer à ses navires une réglementation visant à lutter contre la pollution, mais lorsque ceux-ci se trouvent dans les eaux d'un État côtier, ils peuvent être assujettis à la réglementation anti- pollution de cet État.

Même si les navires en mer ont un droit de passage inoffensif dans une MT, ce passage doit s'effectuer conformément à toute loi pertinente de l'État côtier. Les États côtiers ont le pouvoir législatif nécessaire pour adopter des lois s'appliquant aux navires étrangers qui se trouvent dans leur MT en ce qui a trait, notamment, à la sécurité de la navigation, à la réglementation du trafic maritime, à l'hygiène et à la protection des câbles et pipelines. La compétence au chapitre de l'application des lois vise principalement les infractions commises aux lois en matière d'hygiène; cet aspect est examiné ci-après dans la section du chapitre sur la pollution maritime consacré à l'application de la loi.

EXPLOITATION DES RESSOURCES MARINES

L'exploitation des ressources marines soulève deux problèmes importants. Premièrement, il y a la tendance à la surutilisation des ressources limitées de la HM. Le deuxième problème a trait à la migration transfrontière des ressources halieutiques. La Convention tente de réglementer ces deux aspects problématiques.

   A. Droits et obligations en matière de pêche

      1. Obligations relatives à la conservation générale et au partage

         a. Conservation

Avant l'adoption de la Convention, des obligations internationales avaient été établies en vue de conserver les ressources halieutiques(30), au moins dans les régions où il y avait propriété commune. La Convention sur le droit de la mer étend la portée de ces obligations en matière de conservation, en définissant diverses obligations visant la MT, la ZEE et la HM. L'entente n'impose pas la conservation des stocks de poissons à l'intérieur de la MT; elle stipule seulement que l'État côtier peut adopter des lois de conservation du poisson. Cependant, étant donné que l'État côtier a seul le droit d'exploiter ces pêcheries, des pratiques de prudence devraient prévaloir. À l'intérieur de la ZEE, l'État côtier doit établir un volume admissible de captures, fondé sur des données scientifiques, qui vise à maintenir ou à rétablir les espèces à des niveaux qui permettent de soutenir le rendement constant maximal (RCM). Le RCM n'a pas à être établi uniquement en fonction de données scientifiques, il peut aussi tenir compte de facteurs économiques. Pour les stocks de poissons qui chevauchent les frontières entre deux ZEE ou entre une ZEE et la HM, les États doivent collaborer en vue de définir un plan de conservation global. En HM, les États ont l'obligation de collaborer, de consulter, de négocier et de mettre en oeuvre un plan de gestion qui vise à maintenir ou à rétablir les espèces à des niveaux qui permettent de soutenir le RCM. À noter qu'il s'agit d'une obligation de collaborer à cette fin et nom d'atteindre celle-ci.

Cependant, il y a de sérieuses lacunes dans le cas des espèces sédentaires, des grands migrateurs et des stocks d'espèces anadromes (tels que le saumon). Premièrement, les espèces sédentaires(31), même celles qui sont situées à l'intérieur d'une ZEE sont exemptées des obligations relatives à la conservation. Deuxièmement, même si les États côtiers doivent conserver les grands migrateurs et les espèces anadromes (qui se déplacent dans la MT et la ZEE vers d'autres étendues d'eau) situées dans la ZEE, il n'y a pas d'obligation correspondante dans la MT.

         b. Partage

Tel que mentionné précédemment, la ZEE est une extension importante des droits des États côtiers et la plupart des pêcheries du monde sont situées à l'intérieur de ZEE. L'État côtier a toutefois des obligations en ce qui a trait au partage des ressources vivantes excédentaires de la ZEE. Dans la ZEE, l'État côtier doit promouvoir une utilisation optimale des ressources halieutiques. Ce terme signifie que l'État côtier a l'obligation de mettre à la disposition des autres pays tout stock de poissons supplémentaire qu'il n'est pas en mesure de récolter. Ce reliquat peut être mis à la disposition des autres pays selon une formule équitable, en accordant une attention particulière aux obligations distinctes qui lui sont faites de partager les surplus avec les États enclavés et les États qui sont désavantagés sur le plan de la géographie. L'État côtier peut toujours réglementer la prise de ces excédents par des navires étrangers. La Convention sur le droit de la mer n'exige pas et n'interdit pas de demander de dédommagement pour la capture des stocks excédentaires de poisson.

      2. Droits à l'intérieur de la mer territoriale et de la zone économique exclusive

Même si les droits de pêche dans la MT et la ZEE sont exclusifs, c'est-à-dire qu'aucun autre État ne peut pêcher dans ces zones sans l'approbation de l'État côtier, le droit de l'État côtier d'exploiter les pêcheries n'est pas illimité. Ainsi, dans la MT, où l'État côtier est souverain et possède un droit économique, la souveraineté doit être exercée sous réserve des dispositions de la Convention et des autres lois internationales(32). Le texte de la Convention sur le droit de la mer est clair : même si le droit de pêcher peut être exclusif, le poisson «n'appartient pas» à l'État côtier. Plutôt, l'État côtier a le droit de pêcher, mais le poisson demeure sans propriétaire jusqu'à ce qu'il soit capturé. En d'autres termes, un État côtier qui n'est pas partie à une entente bilatérale(33), ne peut revendiquer le poisson qui migre de ses eaux vers celles d'un autre État.

   B. Ressources non biologiques des fonds marins

      1. Plateau continental

         a. Droits pétroliers

Les structures géologiques renfermant des gisements d'hydrocarbures sont situées à la fois sur les continents et sous le plateau continental. Le potentiel pétrolier du sous-sol marin du plateau continental est très important, beaucoup plus que celui de la pente continentale et des grands fonds océaniques. Les hydrocarbures, qu'il s'agisse de gaz naturel, de pétrole ou de condensats, sont dans tous les cas des ressources naturelles non biologiques que l'État côtier a le droit exclusif d'explorer et de mettre en valeur sans qu'il lui soit nécessaire de faire à cette fin une proclamation explicite. L'expression «droit d'explorer et de mettre en valeur» est curieuse car on pourrait l'interpréter comme voulant dire qu'à défaut de mettre en valeur ses ressources, l'État côtier ne les possèdent pas.

         b. Droits minéraux

Les minéraux exploitables sur le PC appartiennent à trois catégories : i) les minéraux in situ, tels que le charbon se trouvant dans les strates rocheuses; ii) les gisements alluviaux de minéraux et éléments lourds, tels que l'or, qui peuvent s'accumuler dans les sédiments du fond de la mer; et iii) le sable et le gravier qui se trouvent au fond de la mer. Les mines in situ exploitées sous la mer (comme à l'Île du Cap Breton) débutent habituellement sur terre et suivent la ressource sous le fond de l'océan; il est rare que ces mines se prolongent au delà de la limite de la MT. Les gisements alluviaux sous-marins n'ont pas encore été mis en valeur de façon intensive. Le sable et le gravier représentent probablement la catégorie qui offre le plus grand potentiel parce que la technologie d'exploitation est simple, les coûts de récupération sont faibles et la demande de matériaux de construction est élevée. Les États côtiers possèdent un droit exclusif d'explorer et de mettre en valeur ces minéraux sous-marins du PC.

La situation est quelque peu différente dans les régions où le PC se prolonge au delà de 200 milles. Dans ces cas, l'État côtier qui exploite une ressource minérale doit verser annuellement à l'ensemble des États-parties à la Convention 1 % du produit annuel de la ressource entre la 6e et la 12e année de production et 7 % annuellement par la suite.

      2. Minéraux des grands fonds océaniques

Les grands fonds océaniques (GFO) correspondent à la partie du fond de la mer qui est située au large du plateau continental, habituellement à des milliers de mètres sous le niveau de l'eau. Des accrétions métalliques, connues sous le nom de nodules de manganèse(34), ont été découvertes dans les GFO et pourraient représenter une valeur considérable. Lorsque cette vaste ressource a été découverte, des efforts ont été déployés pour empêcher que ces nodules ne soient extraits par quelques nations riches et techniquement avancées qui disposeraient bientôt de la technologie requise pour le faire. De l'avis de plusieurs, les nodules de manganèse pourraient servir à réduire une partie de l'écart de richesse entre les nations du monde.

La Convention traite de cette ressource dans le cadre du régime nouvellement constitué à l'égard des GFO. La partie XI de l'entente établit une autorité internationale des fonds marins (l'«Autorité») pour coordonner et superviser la mise en valeur des ressources minérales des fonds marins et du sous-sol marin en haute mer(35). Cette partie des fonds marins est appelée la «Zone» dans la Convention. Les décisions de politique générale au sujet de la Zone sont prises par un vote aux deux tiers de l'«Assemblée», où chaque État-partie à la Convention possède un droit de vote. L'Assemblée est le principal organe de l'Autorité. Les décisions relatives à l'exécution des politiques générales sont prises par le Conseil, dont la composition est établie lors d'un vote de l'Assemblée, mais qui vise à représenter tous les niveaux de développement économique et de composition sociale, ainsi que les importants producteurs terrestres de minéraux, les principaux consommateurs de minéraux et les diverses régions géographiques.

Les opérations minières de l'Autorité doivent être menées par des exploitants commerciaux et une entité commerciale internationale connue sous le nom d'«Entreprise», qui assurerait l'exploitation dans la Zone pour le bienfait général de l'humanité. Les bénéfices de l'Entreprise seraient répartis de façon équitable entre les États-parties. L'Entreprise doit être financée pour la moitié par des garanties de prêt offertes par les États-parties, proportionnellement à leurs cotisations respectives aux Nations Unies et pour la moitié par des emprunts commerciaux. On prévoit que les opérations de l'Entreprise s'autofinanceront après un certain temps. Les détails de l'attribution des sites d'exploitation minière et des contingents de production sont extrêmement complexes et débordent la portée du présent document.

Les GFO sont l'élément de la Convention qui pourrait vraisemblablement avoir la plus grande incidence économique sur le monde à long terme. Bien qu'il n'y ait pas, à l'heure actuelle, d'opérations minières en cours dans les GFO, de nombreuses nations, y compris les États-Unis, ont refusé de ratifier la Convention sur le droit de la mer en raison des dispositions qu'elle renferme sur l'exploitation minière dans les GFO. Sans la participation active des principales puissances économiques du monde, la viabilité d'une entreprise minière dans les GFO, telle qu'envisagée dans la Convention, est douteuse.

CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT MARIN

   A. Obligation générale

L'obligation juridique internationale de préserver et de protéger l'environnement marin est antérieure à la Convention et remonte au jugement rendu dans la cause Trail Smelter Arbitration(36), qui affirme qu'aucun État ne doit permettre que son territoire soit utilisé de manière à causer un préjudice au territoire d'un autre État. Le principe 21 de la Déclaration de Stockholm(37), que l'on considère généralement comme une codification du droit international coutumier (en vigueur à l'époque), a étendu la portée de ce principe en exhortant les États à faire en sorte que les «zones relevant de leur compétence ou de leur contrôle ne causent pas de dommage à l'environnement d'autres États ou de zones situées au-delà des limites de leur juridiction nationale». Manifestement, cela comprend les dommages causés aux navires et les dommages en haute mer. La Convention sur le droit de la mer reprend cette obligation et assujettit le droit d'exploiter les ressources naturelles à une obligation générale de protéger et de préserver l'environnement marin.

   B. Pollution marine

La Convention sur le droit de la mer renferme une définition large de la «pollution de l'environnement marin», en la décrivant comme étant

l'introduction directe ou indirecte, par l'homme, de substances ou d'énergie dans le milieu marin... lorsqu'elle a ou peut avoir des effets nuisibles tels que dommages aux ressources biologiques et à la faune et la flore marine, risques pour la santé de l'homme, entrave aux activités maritimes..., altération de la qualité de l'eau de mer du point de vue de son utilisation et dégradation des valeurs d'agrément(38).

L'entente renferme des dispositions qui traitent expressément de la pollution marine provenant de sources terrestres, des activités liées aux fonds marins dans la MT ou la ZEE, des navires et de l'atmosphère. Il y a également une obligation d'établir des règles quant à la pollution provenant de l'exploitation minière des grands fonds océaniques.

      1. Établissement de normes

En vertu de la Convention, la compétence relative à la prescription de normes de pollution marine est essentiellement la même que celle mentionnée précédemment à la section intitulée «Compétence des États à bord des navires en mer» et, sauf pour un ajout important, elle est identique à celle qui existait avant l'Entente. L'État du pavillon peut établir des normes minimales que devront respecter ses navires partout où ils se déplacent.

Les États côtiers peuvent établir des normes applicables à leur MT. Les États portuaires peuvent établir des normes pour leurs ports. Cependant, tous les États ayant juridiction, qu'il s'agisse de l'État du pavillon, de l'État côtier ou de l'État portuaire, doivent «adopter des lois et des règlements visant à prévenir, réduire et contrôler la pollution de l'environnement marin... (qui) ne doivent pas être moins efficaces que les règles et normes internationales généralement acceptées...»(39). Ces normes signifient probablement les grands traités multilatéraux au sujet de la pollution des mers(40), ce qui aurait pour effet d'imposer aux parties à la Convention les dispositions de ces traités qui n'ont pas reçues une adhésion aussi large que la Convention sur le droit de la mer.

      2. La pollution et les risques

L'obligation internationale d'exercer une surveillance sur la pollution marine est relativement faible. Les États n'ont qu'à exercer une surveillance, dans la mesure de leurs moyens pratiques, et d'évaluer scientifiquement les risques et les effets de la pollution marine. De fait, les États les plus pauvres ont une responsabilité moins grande et il n'est pas sûr qu'il y ait une obligation relative à la surveillance de la zone située à l'extérieur de la ZEE. L'obligation de surveillance englobe toutefois la pollution et les activités qui pourraient polluer l'environnement marin. Bien qu'il y ait une obligation de mettre à la disposition des autres États les rapports de surveillance, bon nombre des risques de pollution proviendront d'opérations militaires et on peut supposer avec assez de certitude que les intéressés auront tendance à ne pas les déclarer ou à le faire de façon inadéquate.

      3. Autorité législative

L'obligation générale que renferme la Convention stipule que, pour prévenir la pollution, i) les États doivent prendre toutes les mesures nécessaires qui sont compatibles avec la Convention; ii) le caractère approprié des mesures prises peut être restreint en fonction des moyens pratiques et des capacités dont dispose l'État; et iii) les États doivent s'efforcer d'harmoniser leurs politiques. On peut faire valoir que l'obligation de «prendre toutes les mesures nécessaires» comprend l'obligation d'adopter des règles visant à protéger l'environnement marin avant que la pollution ne survienne. Cela aurait pour effet d'harmoniser la Convention avec les obligations découlant de la Convention sur la HM(41). La section 5 de la partie XII de la Convention sur le droit de la mer stipule que «les États adoptent des lois et règlements pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin (de nombreuses sources différentes).» Il n'est pas clair qu'en consultant uniquement le texte de la section 5, le terme «adoptent» ait un caractère obligatoire ou permissif. Toutefois, si on lit la section 5 dans le contexte de l'obligation d'harmoniser les politiques, l'argument selon lequel le terme «adoptent» a un caractère obligatoire a plus de poids. Les États ont aussi l'obligation de collaborer aux niveaux régional et mondial pour établir des normes internationales.

Deux grands groupes d'États ont le droit et (ou) l'obligation de légiférer des mesures préventives : les États côtiers et les États du pavillon. Le droit de l'État côtier varie selon l'espace maritime en cause (MT, ZEE, détroit international, etc.). Cependant, de façon générale, la réglementation doit être rendue publique et ne doit pas être appliquée de façon discriminatoire ou dans des zones qui débordent la juridiction nationale(42), ou qui excèdent les normes internationales généralement acceptées. Par exemple, l'État côtier outrepasserait probablement sa juridiction s'il tentait d'appliquer aux navires se déplaçant dans la ZEE sa réglementation sur la conception des navires; la conception des navires est un aspect qu'il convient davantage de laisser à la réglementation de l'État du pavillon. La compétence législative de l'État côtier dans la ZEE et sur le plateau continental est limitée par les lois relatives au déversement de déchets dans les océans.

Les régions couvertes de glaces qui se trouvent dans les limites de la ZEE font l'objet d'une attention spéciale en vertu des dispositions de la Convention relatives à la lutte à la pollution. Dans ces zones, les États côtiers peuvent légiférer pour protéger l'environnement de façon non discriminatoire. Cela peut être considéré comme une approbation après le fait de l'initiative que le Canada a prise en 1970 en proclamant la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques(43), qui vise à réglementer la navigation dans la bande de 100 milles au large des côtes de l'Arctique canadien dans le but de préserver ce milieu fragile.

      4. Application

Avant l'adoption de la Convention, seul l'État du pavillon avait juridiction pour intervenir dans les cas de violation des lois sur la pollution marine qui se produisaient à l'extérieur de la MT. Étant donné que la plus grande partie du transit, que de nombreux accidents et que presque tous les incidents de déversement intentionnel de déchets dans les océans se produisent à l'extérieur de la MT, il s'ensuit qu'une grande partie de la pollution se déroulait sans que des pénalités puissent être appliquées. De même, les pays offrant des pavillons de complaisance étaient peu incités à prendre des mesures légales contre leurs navires qui enfreignaient les règles de pollution; de fait, certains de ces pays cherchaient à attirer les enregistrements de navires en évitant systématiquement d'entamer des poursuites dans ces cas. Cependant, en vertu de la Convention sur le droit de la mer, l'État du pavillon a l'obligation d'appliquer ses lois en matière de pollution.

Bien que les États côtiers puissent établir des règles au sujet du déversement de déchets dans leur ZEE et sur le plateau continental, leur compétence au chapitre de l'application de la loi est limitée. Souvent, l'État côtier doit attendre qu'un navire entre dans un port. Lorsque le navire ayant commis l'infraction se trouve dans la ZEE, l'État côtier peut demander des renseignements au sujet de l'identité du navire, de son enregistrement et de son prochain port d'attache. S'il y a déversement important ou menace sérieuse de déversement de matières polluantes, l'État côtier peut procéder à une inspection du navire. S'il trouve des «preuves claires et objectives» d'une menace de déversement ou de dommages importants causés, l'État côtier peut arraisonner le navire et entreprendre des poursuites judiciaires. Ces mesures doivent être prises avec prudence, cependant, car les États qui ont l'intention d'appliquer leurs lois en matière de lutte à la pollution peuvent être tenus responsables des pertes résultant de l'application de ces mesures, si elles excèdent celles qui sont raisonnablement requises à la lumière des renseignements disponibles.

Les États côtiers n'ont pas juridiction en matière d'application de la loi en haute mer ni à l'endroit des navires de guerre; cependant, lorsque les navires marchands se trouvent dans leurs ports, ces États peuvent prendre des mesures pour violation des normes internationales de pollution qui ayant eu lieu à l'extérieur de la ZEE, y compris en haute mer.

      5. Responsabilité

Les parties à la Convention sont des États, ce qui signifie que seuls des États peuvent être responsables en vertu de l'entente pour les dommages causés à l'environnement marin. La Convention stipule que les États sont responsables «conformément au droit international». Succinctement, en vertu du droit de la responsabilité des États, ce sont les États qui sont responsables de la plupart(44) des agissements de leurs ressortissants (y compris les sociétés) qui exercent une autorité gouvernementale quelconque et des organismes d'État. Lorsqu'il y a violation d'une obligation internationale, telles que celles prévues dans les dispositions de la Convention, l'État a la responsabilité de verser des dommages(45).

NAVIGATION

   A. Nationalité des navires

Le droit international exige depuis longtemps que les navires arborent le pavillon d'un État ou, plus récemment et dans des circonstances restreintes, le pavillon des Nations Unies ou de l'un de ses organismes constituants. La Convention maintient cette exigence. Tel que mentionné précédemment, les navires ont la nationalité de l'État dont ils battent pavillon. Les navires qui arborent le pavillon de plus d'un État sont considérés comme étant des navires sans nationalité.

Les navires portent parfois un «pavillon de complaisance»(46), plutôt que le pavillon d'un État quelconque avec lequel le navire, le propriétaire du navire ou l'équipage a un lien de longue date.

   B. Voies de passage en transit et voies de navigation

Les droits de navigation ont nécessairement été abordés dans ce qui précède, lors de l'examen du partage territorial de la mer. À mesure que l'on s'approche de la terre en provenance de la haute mer, les droits de navigation d'un État non côtier deviennent généralement plus restreints.

En haute mer, une liberté de navigation prévaut. Dans la ZEE, la liberté de navigation est limitée par les zones de sécurité de l'État côtier (d'un rayon allant jusqu'à 500 mètres autour des structures artificielles) et la législation anti-pollution qui a une incidence sur la navigation. Dans la MT, les États étrangers ont seulement un droit de passage inoffensif, lequel peut être restreint si l'État côtier définit les voies de navigation qui doivent être empruntées ou qu'il ferme temporairement une partie de la MT pour des raisons de sécurité. Tel qu'indiqué précédemment, les détroits internationaux (par exemple, celui de Gibraltar) sont assujettis à un droit de transit qui, contrairement au passage inoffensif, n'a pas à avoir un caractère «inoffensif».

   C. Piraterie

Les lois sur la piraterie distinctes des lois sur le vol ont existé depuis près de 2 500 ans, ce qui fait de la piraterie le crime international le plus ancien. Historiquement, les lois sur la piraterie ont été justifiées par des souverains qui revendiquaient une juridiction universelle sur leurs navires et le droit de défendre ces navires où qu'ils se trouvaient. La pendaison en mer était la peine applicable, et elle était habituellement décernée assez rapidement. Historiquement, on a fait une distinction entre les pirates et les corsaires, lesquels détenaient une lettre de marque de leur souverain leur permettant de piller les bâtiments de commerce de leurs ennemis en période de guerre. Les corsaires qui outrepassaient l'autorité que leur avait déléguée le souverain, par exemple en attaquant des navires marchands neutres, n'étaient pas considérés comme des pirates. Bien que le droit international ait depuis aboli toute distinction entre les corsaires et les pirates, les tribunaux de ce siècle ont jugé que les attaques des sous-marins allemands contre les navires marchands alliés durant la première guerre mondiale n'étaient pas des actes de piraterie.

La Convention sur le droit de la mer reprend les dispositions juridiques sur la piraterie qui figurent dans la Convention sur la HM. La piraterie doit maintenant comporter six éléments précis. L'acte doit : i) être illégal; ii) être commis par un navire ou un aéronef privé (ou un navire public si son équipage s'est mutiné); iii) être dirigé contre un autre navire ou un aéronef; iv) survenir dans une région qui déborde la compétence de tout État (habituellement en HM); v) viser des fins privées; et vi) entraîner la détention du navire ou la violence ou le pillage dirigé contre le navire, ses passagers ou son équipage, ou leurs biens. L'exigence limitative à l'effet qu'il y ait un «acte illégal» semble destinée à permettre que des actes ressemblant à de la piraterie aient une apparente légitimité en temps de guerre. Il est intéressant de noter que la Convention sur le droit de la mer laisse la question de la nationalité des navires pirates aux lois intérieures sur la nationalité des navires. Les lois de certains États pourraient ainsi stipuler qu'un acte de piraterie prive un navire de sa nationalité et, ainsi, élimine la responsabilité internationale de l'État pour les actes posés par le navire pirate.

Les navires de guerre qui ont des motifs raisonnables de soupçonner qu'un navire (autre qu'un autre navire de guerre) s'adonne à la piraterie a le droit d'aborder le navire suspect s'il se trouve en haute mer. Un droit semblable d'abordage existe contre les soit-disants «radiodiffuseurs pirates», qui diffusent des émissions non autorisées à partir de navires postés en haute mer. Ces émissions, qui ne constituent pas de la piraterie en soi, entrent dans une catégorie d'activités interdites qui s'apparentent à de la piraterie.

La loi canadienne adopte la définition juridique internationale de la piraterie et la traite comme un acte criminel passible d'emprisonnement à vie(47).

UTILISATION DES MERS À DES FINS MILITAIRES

En dépit des énoncés généraux de la Convention sur le droit de la mer selon lesquels la haute mer doit être réservée à des fins pacifiques, cette disposition n'a pas été adoptée par de nombreux États (sinon aucun). L'existence même d'une force navale peut constituer une menace et, en conséquence, une violation de la disposition relative à l'utilisation pacifique. La Convention stipule aussi que

les États-parties... (sont) convaincus... que la Convention contribuera au renforcement de la paix... conformément... à la Charte (des Nations Unies)(48).

L'article 2(4) de la Charte interdit toutefois le recours aux menaces ou à la force d'un État contre un autre. Cela en a amené certains à postuler qu'il pourrait ne pas y avoir d'utilisation militaire légale des mers(49). La conclusion intermédiaire serait que les activités navales militaires sont réglementées par la Convention sur le droit de la mer en temps de paix, le droit de la guerre entrant en vigueur une fois les hostilités déclarées.

   A. Navires de guerre

Les navires de guerre(50) sont exemptés de bon nombre des exigences de la Convention s'appliquant aux eaux situées au delà de la juridiction d'un État. Ainsi, les navires de guerre qui sont en service commandé pour leurs États sont exemptés des dispositions de l'entente relatives à la protection de l'environnement marin. En haute mer, les navires de guerre jouissent d'une immunité complète à l'égard de l'application de la juridiction de tout autre État. À l'intérieur de la MT d'un État côtier, les navires de guerre jouissent d'une immunité absolue contre les poursuites de l'État côtier, bien que la Convention permette à ces derniers de pratiquer l'équivalent, dans un contexte maritime, d'une déclaration de persona non grata, en ordonnant au navire de guerre de sortir de sa MT.

   B. Activités militaires

Quatre types d'activités militaires se déroulent en mer : i) des manoeuvres de guerre agressives en période d'hostilités, ii) le passage en transit, iii) des manoeuvres et des essais portant sur des armes en temps de paix et iv) des blocus navals, qui surviennent habituellement au cours des périodes de tension qui précèdent une guerre. La première catégorie fait partie du droit de la guerre et déborde du cadre du présent document. Les navires de guerre en transit sont réglementés comme tout autre navire : ils ont la liberté de passer en transit dans les détroits internationaux, de naviguer en haute mer et, ce qui peut être contestable, dans les ZEE. Tel qu'indiqué précédemment, les navires militaires peuvent vraisemblablement répondre aux exigences du «passage inoffensif» et, en conséquence, avoir le droit de passer dans une MT.

Les manoeuvres (y compris de surveillance) et les essais portant sur des armes ne constituent certes pas un passage inoffensif. Certains navires militaires, notamment ceux qui transportent des armes nucléaires et chimiques, sont réglementés par des ententes multilatérales ou bilatérales, que de nombreuses nations considèrent comme étant hors du cadre d'application de la Convention sur le droit de la mer. Outre les restrictions découlant de traités particuliers sur les armes, les manoeuvres militaires, y compris l'utilisation d'armes, constituent une utilisation légitime de la mer en vertu de la Convention. Les blocus navals, tels ceux imposés durant la crise des missiles de Cuba et la récente guerre du Golfe persique, sont des moyens militaires populaires pour forcer le respect de certaines politiques. Toutefois, les blocus constituent, à prime abord, des infractions à la Convention car ils font obstacle à la liberté de navigation en haute mer. Le droit de la mer n'existe pas isolément du reste du droit international; les blocus navals peuvent constituer des actes légitimes s'ils s'appuient sur une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, en vertu du chapitre VII de la Charte. Le blocus imposé à l'Iraq était fondé sur une telle autorité(51); le blocus contre Cuba ne l'était pas.

RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

   A. Obligations en matière de règlement

La Convention sur le droit de la mer intègre les principes de la Charte des Nations Unies dans la façon dont elle traite de la question des différends maritimes. En vertu de la Charte, les États ont les deux obligations suivantes : régler leurs différends et les régler par des moyens pacifiques. Les différends peuvent être considérés comme réglés lorsqu'ils ne menacent plus la paix internationale, la sécurité et la justice. Étant donné que chaque différend est unique, le droit international laisse libre choix quant aux moyens choisis et cela peut signifier toute mesure pacifique acceptée par les parties(52). Cette souplesse est importante. Bien que certaines parties de la Convention puissent être considérées comme appartenant au droit coutumier, les dispositions détaillées de l'entente en matière de conciliation et d'arbitrage (examinées ci-dessous) ne seront vraisemblablement pas considérées comme telles. Ces dispositions ne prendront effet qu'après l'entrée en vigueur de l'entente.

   B. Conciliation et arbitrage obligatoire

Suite à un échange de vues obligatoire, les parties au litige peuvent, d'un commun accord, entreprendre des procédures officielles de conciliation. Bien que la Convention définisse la façon dont les conciliateurs doivent être choisis, la forme du rapport et la responsabilité relative aux coûts, elle laisse une assez grande marge de manoeuvre en ce qui a trait au processus de conciliation lui-même. Les parties sont libres de rejeter la recommandation des conciliateurs. Si l'une ou l'autre des parties choisit de ne pas recourir à la conciliation ou si celle-ci échoue, l'une ou l'autre des parties peut soumettre la question à l'arbitrage exécutoire.

Lorsqu'il devient partie à la Convention sur le droit de la mer, un État peut, dans une déclaration écrite, exercer le choix d'une procédure de règlement obligatoire des différends portant sur des droits prévus dans l'entente. Les règlements peuvent être résolus soit selon des principes juridiques soit en équité. Les parties sont libres de choisir entre le Tribunal international du droit de la mer (dont il est question ci-après), la Cour internationale de justice(53), un tribunal d'arbitrage en vertu de l'annexe VIII lorsque l'objet du différend à trait aux pêches, à la protection et à la préservation du milieu marin, à la recherche scientifique ou à la pollution(54), ou un tribunal d'arbitrage en vertu de l'annexe VII, qui est le choix par défaut. Si les parties en litige ont choisi des procédures différentes alors, en l'absence d'une entente à l'effet contraire, le différend sera soumis à l'arbitrage en vertu de l'annexe VII. Dans un tel cas, les parties en litige comparaissent habituellement devant un tribunal composé de cinq personnes choisies à partir d'une liste permanente d'arbitres qualifiés. Chaque partie peut nommer un arbitre, les autres étant généralement choisis de façon conjointe. Le tribunal entend la preuve et rend un jugement final en en précisant les motifs. Il n'y a pas d'appel.

En tout temps, les parties peuvent décider de ne pas permettre que les différends portant sur l'un ou l'autre des domaines suivants soient soumis à l'arbitrage : la délimitation des frontières maritimes, pourvu que les parties acceptent des procédures de conciliation; les activités militaires ou les questions sur lesquelles le Conseil de sécurité exerce son mandat(55).

      1. Tribunal international du droit de la mer

Le Tribunal international du droit de la mer (le «Tribunal du DM») est le tribunal permanent qui tranche les différends maritimes internationaux. Le tribunal siège à Hambourg, en Allemagne. Le banc se compose de 21 magistrats indépendants, qui ont le statut de diplomate et qui sont choisis par les États-parties par vote secret. Tous proviennent de pays différents et le banc doit, dans l'ensemble, être représentatif de la géographie et des principaux systèmes juridiques du monde. Les membres ne peuvent entendre de causes qui portent sur des questions auxquelles ils ont auparavant été liés mais ils ne sont pas tenus de se destituer uniquement parce que l'État dont ils sont ressortissant est l'une des parties impliquée dans un différend.

Les grandes décisions font habituellement intervenir l'ensemble des magistrats disponibles, bien que le tribunal puisse siéger en chambre de cinq magistrats, soit avec l'accord des parties soit pour traiter de questions de façon sommaire. Les différends peuvent être résolus soit en conformité avec le droit international, y compris la Convention sur le droit de la mer, soit, si les parties en conviennent, en équité. Le jugement prend la forme d'une décision fondée sur des motifs rendue par une majorité du banc. Il n'y a pas de procédure d'appel.

      2. Chambre de règlement des différends relatifs aux fonds marins

Le coût élevé et les perspectives de rendement que pourrait comporter l'exploitation minière commerciale des fonds marins(56) constituent un terrain propice aux différends. Les parties dans une entreprise d'exploitation minière pourront d'abord tenter de s'entendre sur un mécanisme de règlement d'un différend particulier portant sur l'interprétation de la Convention en ce qu'elle s'applique à la Zone. S'ils ne peuvent s'entendre, le différend sera soumis à la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins, qui est composée de 11 membres du Tribunal du DM choisis par ce dernier. Le fonctionnement de la Chambre est semblable à celui du Tribunal du DM mais, outre le droit international, elle applique aussi les règles, les règlements et les procédures de l'Autorité dans ses délibérations. Les différends de nature contractuelle portant sur l'exploitation minière dans la Zone sont réglés par voie d'arbitrage, conformément aux règles de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international(57).

 


(1) Le premier travail de fond visant à définir le droit de la mer est un traité remontant à 1609, Mare Liberum, de Hugo Groitius.

(2) Montego Bay, 10 décembre 1982, non encore entrée en vigueur, 21 I.L.M., 1245, 1982. Ce document est issu de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer; parfois désigné UNCLOS dans d'autres ouvrages, la Convention issue de la troisième conférence est appelée exclusivement, dans le présent document, la Convention. UNCLOS I, UNCLOS II ET UNCLOS III se rapportent aux trois conférences, respectivement.

(3) Convention sur la mer territoriale et la zone contiguë, Genève, 29 avril 1958, entrée en vigueur le 10 septembre 1964, 516, R.T.N.U., 205 (la Convention sur la MT); la Convention sur la haute mer, Genève, 29 avril 1958, entrée en vigueur le 30 septembre 1962, 450, R.T.N.U., 82 (la Convention sur la HM); la Convention sur le plateau continental, Genève, 29 avril 1958, entrée en vigueur le 10 juin 1964, 499, R.T.N.U., 311 (la Convention sur le PC); et la Convention sur la pêche et la conservation des ressources biologiques de la haute mer, Genève, 29 avril 1958, entrée en vigueur le 20 mars 1966, 599, R.T.N.U., 285 (la Convention sur la pêche en HM).

(4) En particulier, voir l'article 38(1)(b) du Statut de la Cour internationale de justice.

(5) 402, R.T.N.U., 71.

(6) L'expression «État côtier» employé dans le présent document signifie les États dont le littoral engendre un intérêt de souveraineté ou un intérêt économique à l'égard du plan d'eau en cause.

(7) Le lecteur devrait prendre note que toutes les pratiques systématiques n'engendrent pas de droit coutumier exécutoire pour tous les États. Les États en cause doivent non seulement avoir agi de façon systématique, mais ils doivent aussi être d'avis que le droit international l'exige. Même à cela, les États qui se sont systématiquement objectés à cette pratique peuvent ne pas être considérés comme étant liés par le droit coutumier en voie de formation.

(8) Une illustration est présentée à la figure 1.

(9) Dans le cas des archipels uniquement, la Convention sur le droit de la mer établit une limite supérieure de 125 milles pour ce qui est de la longueur de toute ligne de base droite. Il peut être raisonnable d'en déduire que cela pourrait aussi devenir la limite supérieure des projections de la ligne de base droite dans les situations où il n'y a pas d'archipel.

(10) A la figure 2, nous présentons une illustration du partage territorial dont il est question dans la présente section.

(11) Un mile nautique est d'environ 14 % plus long qu'un mile terrestre, qui est la mesure linéaire utilisée sur terre. Douze miles nautiques équivalent à un peu plus de 22 kilomètres.

(12) Ce droit de passage inoffensif s'accompagne d'une restriction imposée au droit de l'État côtier de réglementer la navigation, par exemple la conception des navires dans sa MT, ou d'imposer des frais de passage de manière à écarter de fait les navires étrangers. Cependant, l'État côtier peut adopter des normes intérieures comparables aux normes internationales reconnues.

(13) Même si ce droit économique est limité de deux façons : i) l'État côtier doit exercer ce droit en tenant dûment compte du droit des autres États (p.ex., le droit de passage) et 2) l'accès aux ressources halieutiques excédentaires doit être offert équitablement aux États sans littoral de la région.

(14) Cependant, la question de la glace fixée au sol se pose toujours; autrement dit, la glace qui descend jusqu'au fond de la mer et qui est fixée à cet endroit devrait-elle être considérée comme de l'eau ou de la terre.

(15) S.R.C. 1985, ch. A-12.

(16) Voir l'analyse présentée ci-après, à la section intitulée «Règlement des différends».

(17) Le point équidistant est le point situé à une distance égale de la ligne de base la plus rapprochée de chacun des États opposés. Bien que, de façon abstraite, une ligne équidistante donne un résultat équitable, en particulier lorsqu'il s'agit de côtes opposées, elle peut être influencée sensiblement par des caractéristiques géographiques mineures se trouvant à proximité (tel qu'un promontoire situé près de la frontière) qui constituent une déviation par rapport à la géographie générale de la côte.

(18) Libye c Malte, Rapports de la C.I.J., 1985, par. 114, selon le Juge Mosler.

(19) Il y a empiétement lorsque la projection vers le large de la côte d'un État chevauche la projection vers le large de la côte d'un autre État. Le principe du non-empiétement signifie que les frontières doivent être tracées de manière à réduire au minimum ce chevauchement.

(20) Des «degrés plus élevés de chevauchement» surviennent lorsque la projection frontale de plus d'une côte géographiquement séparée chevauche la projection frontale d'un autre État. Ainsi, les projections de la côte de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve chevauchent la projection simple de la côte des îles françaises de Saint-Pierre-et-Miquelon.

(21) En principe, si la théorie des secteurs est acceptée par la communauté internationale, le Canada et la Russie auraient une frontière maritime ponctuelle au Pôle Nord.

(22) Une Chambre du tribunal est une partie (mais non la totalité) du tribunal, choisie par le tribunal et siégeant pour entendre une cause ou une catégorie particulière de causes. La CIJ comprend en tout quinze magistrats. Dans la cause portant sur le golfe du Maine, la Chambre était constituée de cinq juges. Pour un examen du fonctionnement de la CIJ, voir le document de E.M. LeGresley, La Cour internationale de justice, Bibliothèque du Parlement, BP-17F, juillet 1992.

(23) La Cause du golfe du Maine, 1984, Rapports de la CIJ, p. 246-390.

(24) English Channel Arbitration, 18 I.L.M. 397, 1979.

(25) L'enclavement consiste à accorder à un État des droits territoriaux sur des eaux se trouvant entièrement dans les eaux d'un autre État. Elle se produit le plus souvent lorsqu'une petite île est située à proximité de la côte d'un plus grand État continental. Par définition, il ne peut y avoir enclavement que lorsque l'État enclavé reçoit moins de territoire marin que l'État adjacent (par exemple, une ZEE plus étroite).

(26) Les représentants du Canada et de la France au tribunal ont émis un avis dissident de celui de la majorité.

(27) Le champ pétrolifère de Prudhoe Bay, en Alaska, situé en partie au large des côtes et de loin le plus important gisement pétrolifère des États-Unis, se trouve à proximité de la région contestée de la mer de Beaufort. Ce champ pétrolifère est plus grand que celui d'Hibernia.

(28) Convention between Great Britain and Russia concerning the Limits of their Respective Possessions on the North-West Coast of America and the Navigation of the Pacitif Ocean, 16 février 1825, 75, C.T.S., 95. L'Alaska a appartenu à la Russie jusqu'à ce que ce territoire soit cédé aux États-Unis en 1867.

(29) Voir l'ouvrage de D.R. Rothwell, Maritime Boundaries and Resource Development: Options for the Beaufort Sea, Canadian Institute of Resources Law, 1988.

(30) La Convention sur la pêche en haute mer, note 3. Convention internationale concernant les pêcheries hauturières de l'océan Pacifique nord, Tokyo, 9 mai 1952, entrée en vigueur le 12 juin 1953. T.I.A.S., 9242 236.

(31) Les espèces sédentaires sont les organismes vivants qui, à l'étape où on peut les pêcher, sont soit immobiles soit incapables de se déplacer sauf si elles sont en contact physique constant ave le fond de la mer ou le sous-sol. Les palourdes et les crabes sont des espèces sédentaires, le poisson de l'est pas. Le statut du homard est imprécis parce que même s'il se déplace presque exclusivement en étant en contact ave le fond de la mer, il peut, pour de brèves périodes, se déplacer dans la colonne d'eau située près du fond de la mer.

(32) Notamment, le principe 21 de la Déclaration de Stockholm; voir la note 37 et le texte s'y rapportant.

(33) Par exemple, le traité canado-américain sur le saumon du Pacifique conclu à Ottawa le 28 janvier 1985 et entré en vigueur le 18 mars 1985.

(34) Les «nodules de manganèse» renferment en fait des quantités importantes de nickel et de cuivre. En tant que plus important producteur mondial de nickel et important producteur de cuivre, les conditions économiques d'exploitation terrestre du nickel et du cuivre au Canada seront probablement touchées lorsque l'exploitation minière des GFM débutera.

(35) Voir la section intitulée «Chambre de règlement des différends portant sur les grands fonds océaniques» qui renferme une analyse du règlement des différends portant sur les opérations minières dans les GFM.

(36) U.S.A. v. Canada, 1941, 3 R.I.A.A., 1905.

(37) Document des Nations-Unies A/Conf. 48/14, 1972, 11, I.L.M., 1416, adoptée le 16 juin 1974.

(38) Convention sur le droit de la mer, article 1. 4).

(39) Convention sur le droit de la mer, article 211.2.

(40) À titre d'exemple, il y aurait, entre autres, la Convention sur la HM, dont il est question à la note 3 supra; la Convention internationale de 1969 sur l'intervention en haute mer en cas d'accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures (Convention sur l'intervention), 9 I.L.M. 25, 1969, que le Canada n'a ni signée ni ratifiée et qui est entrée en vigueur en 1972; la Convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dûs à la pollution par les hydrocarbures (Convention sur la responsabilité civile), 9 I.L.M. 45, 1970, à laquelle le Canada a accédé le 29 avril 1989 et qui est entrée en vigueur en 1975; et la Convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et autres matières (Convention de Londres sur l'immersion de déchets), 11 I.L.M. 1291, 1972, entrée en vigueur pour le Canada le 13 novembre 1975; et la Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires (la convention MARPOL), 12 I.L.M. 1319, 1973, entrée en vigueur en 1983 et à laquelle le Canada a accédé le 16 février 1993. Il est moins probable que cela comprendrait l'un ou l'autre des divers traités régionaux traitant de la pollution dans la mer Méditerranée, la mer du Nord ou la mer Baltique ou encore toute entente bilatérale.

(41) L'article 24 de la Convention sur la HM affirme, entre autres, que «chaque État doit concevoir des règlements visant à prévenir la pollution des mers...».

(42) Le terme «juridiction» est utilisé ici au sens large et comprend les zones à l'égard desquelles l'État possède certains droits exclusifs, y comprend la ZEE.

(43) Voir la note 15.

(44) Dans la fameuse cause Home Missionary Society Claim (opposant les É.-U. à la Grande Bretagne, 1920, 7 Moore's International Law Digest, 1956), le tribunal a soutenu que les gouvernements ne sont pas responsables des actes de rébellion contre l'autorité lorsque l'État ne viole pas le principe de la bonne foi ni ne fait preuve de négligence dans ses tentatives en vue de réprimer ces actes de rébellion. On pourrait conclure de ce jugement que le Canada ne devrait pas être responsable envers le Royaume-Uni de la détention, en 1970, d'un diplomate britannique par le FLQ, pourvu qu'il n'ait pas été négligent dans son devoir de protéger les diplomates en poste au Canada ou de réprimer le terrorisme au pays. Toutefois, plus récemment, la Commission du droit international semble avoir adopté le point de vue selon lequel même la portée de cet argument, invoqué en défense, peut être restreinte dans les causes portant sur des actes posés par des organismes d'État. L'article 10 des Draft Articles on State Responsibility (2 Y.B.I.L.C. 90, 1979) affirme que les actes posés par des organismes d'État sont des actes de l'État même si ces organismes désobéissent aux instructions ou outrepassent leur pouvoir.

(45) Chorzow Factory Case (dédommagement, mérites), Allemagne c. Pologne, 1928, 17 P.C.I.J., série réimprimée A 29.

(46) Les pavillons de complaisance permettent aux États qui les offrent, tel le Libéria et Panama, de se procurer des devises fortes. En échange de frais d'enregistrement, les États assument la responsabilité internationale des activités du navire. Habituellement, seuls des États très pauvres offrent des pavillons de complaisance. En considérant le fait que les dommages résultant de certains déversements peuvent être considérables, les pavillons de complaisance constituent un moyen pour les expéditeurs de chercher à éviter que l'on puisse prendre certains recours contre eux.

(47) Code criminel, S.R.C., 1985, ch. C-46, article 74(1). L'article 75 du Code criminel décrit aussi l'infraction moins bien définie que constitue un «acte de piraterie», passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 14 ans.

(48) Convention sur le droit de la mer, septième paragraphe du préambule.

(49) R.R. Churchill et A.V. Lowe, The Law of the Sea, 2e édition, Manchester University Press, Manchester, R.-U., 1988, p. 307.

(50) La Convention sur le droit de la mer définit un «navire de guerre» comme étant un navire appartenant aux forces armées d'un État, qui porte des marques extérieures distinctes et qui est placé sous le commandement d'un officier dûment autorisé de l'État et dont le fonctionnement est assuré par un équipage des forces armées.

(51) C.S.N.U., résolution 665 du 25 août 1990 et résolution 670 du 25 septembre 1990.

(52) Voir l'article 33(1) de la Charte des Nations Unies.

(53) Voir la note 20.

(54) Les tribunaux d'arbitrage en vertu de l'annexe VIII opèrent de la même façon que tout autre tribunal d'arbitrage en vertu de la Convention sur le droit de la mer avec, en outre, l'accès à des spécialistes dans chacune des disciplines pertinentes.

(55) Voir, en particulier, les articles 33 à 38 de la Charte.

(56) Voir l'analyse de la question de l'exploitation minière des grands fonds marins et de la «Zone» dans la section consacrée aux «Minéraux des grands fonds marins».

(57) Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, A.G.N.U., résolution 31/98 du 15 décembre 1976.