BP-431F

 

LE RECYCLAGE DES PNEUS

 

Rédaction :
William Murray
Division des sciences et de la technologie
Le 26 novembre 1996


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

LE RECYCLAGE : PROCÉDÉS ET PRODUITS

   A. Les pneus entiers

   B. Les pneus découpés

   C. Les pneus taillés en lamelles ou déchiquetés

   D. Les miettes de pneu

   E. La régénération

   F. La récupération (pyrolyse)

   G. La récupération d’énergie

L’INDUSTRIE CANADIENNE DU RECYCLAGE DES PNEUS

MESURES GOUVERNEMENTALES


 

LE RECYCLAGE DES PNEUS

 

INTRODUCTION

Même si les vieux pneus sont composés d’un matériau relativement inerte et qu’ils ne posent pas directement de danger pour l’environnement, les pneus entiers sont bannis de la plupart des décharges dans les régions fortement peuplées. Les propriétés physiques inhérentes des pneus, ainsi que le sol, les ordures, le mouvement des gaz et le gel et le dégel, provoquent le retour à la surface des pneus, si bien que quelques années ou quelques décennies après leur enfouissement, les pneus remontent, dans un fort pourcentage, à la surface de la décharge. À une certaine époque, les entreprises de gestion des déchets ramassaient les pneus moyennant une légère redevance. Les pneus étaient triés, les bons allant au rechapage et les autres étant mis au rebut et empilés dans des lieux d’entreposage en surface. Toutefois, les piles de pneus sont non seulement inesthétiques, mais elles font également courir un risque d’incendie si elles sont mal gérées. Les incendies de pneus se caractérisent par une combustion incomplète qui cause d’épais nuages de fumée noire toxique et entraîne la libération d’huiles elles aussi toxiques. Depuis l’incendie de pneus de Hagersville, survenu le 12 février 1990, un certain nombre de provinces canadiennes ont réexaminé leur approche en ce qui a trait à la gestion des vieux pneus et mis sur pied des programmes destinés à promouvoir le recyclage des pneus et le développement de marchés pour les produits des pneus recyclés.

LE RECYCLAGE : PROCÉDÉS ET PRODUITS

   A. Les pneus entiers

Au Canada, les pneus d’hiver ont été en grande partie remplacés par les pneus radiaux toutes saisons. À mesure que leur bande de roulement s’use, ces pneus ont une moins bonne traction sur les routes enneigées, et les automobilistes les remplacent souvent avant qu’ils ne soient complètement usés. Ces pneus partiellement usés sont ramassés, puis expédiés et revendus dans les pays « chauds » du tiers monde, où ils peuvent rouler sur des dizaines de milliers de kilomètres additionnels sur route sèche. Beaucoup de pneus usés mais non endommagés sont aussi renvoyés à l’usine pour y être rechapés; ainsi, en Ontario, on rechape chaque année plus d’un million de pneus de camion. Le marché des pneus d’auto rechapés est toutefois relativement limité, étant donné que les pneus neufs vendus au bas de la fourchette de prix peuvent être presque aussi peu coûteux que les pneus réchapés et que beaucoup de consommateurs estiment que ceux-ci sont moins sûrs que les pneus neufs.

Certains des pneus mis au rebut terminent leur vie utile comme défenses d’embarcation ou dans de l’équipement de terrains de jeux. Une autre application, qui nécessite, elle, une transformation légèrement plus poussée, consiste à fixer des groupes de trois pneus ou plus dans une assise en béton et à les couler dans l’océan pour en faire des récifs artificiels. Sur la côte est des États-Unis, on a, dans le cadre d’un projet de ce genre, utilisé 400 000 pneus afin de créer une série de récifs de la Nouvelle-Angleterre à la Floride. Ces pneus se sont avérés un habitat amélioré pour certains types de poissons sportifs et ont aussi contribué à remettre en état des fonds pollués. Au total, il en a coûté moins cher pour réaliser ce projet que ce n’aurait été le cas pour éliminer les pneus en question sur le marché(1). Au Canada, on utilise des rangées de pneus jointes les unes aux autres pour revêtir la surface des pentes de réservoirs fraîchement nettoyés de centrales hydro-électriques. Ces rangées de pneus stabilisent la pente sous-marine et constituent un habitat pour les animaux d’eau douce. On utilise aussi les pneus entiers pour lutter contre l’érosion et pour stabiliser les étangs de résidus miniers. Dans les Maritimes, on se sert souvent de vieux pneus pour construire des dragues pour la pêche au pétoncle. Toutes ces utilisations des vieux pneus ne représentent cependant qu’un pourcentage très limité des pneus mis au rebut chaque année.

   B. Les pneus découpés

Aux États-Unis, on découpe en morceaux environ 1,5 p. 100 des pneus mis au rebut pour fabriquer des produits comme des semelles de chaussure, des joints, des cales d’épaisseur et des pare-éclats qu’on pose sur les rochers avant de les dynamiter(2). On ne sait pas dans quelle mesure les pneus de rebut sont utilisés de cette façon au Canada.

   C. Les pneus taillés en lamelles ou déchiquetés

Un simple passage dans une déchiqueteuse de pneus produit des bandes de pneu de 15 à 40 centimètres de longueur. Si la demande sur le marché pour les lamelles ou les miettes de pneu est faible, les vieux pneus ne subiront aucune autre transformation et les lambeaux seront enfouis dans une décharge. Dans une décharge, les lambeaux de pneu occupent jusqu’à huit fois moins d’espace que les pneus entiers; de plus, ils ne remontent pas à la surface. Les usines de déchiquetage sont généralement construites à proximité des réserves de pneus étant donné que les lambeaux sont moins coûteux à transporter que les pneus entiers, qui sont encombrants.

Pour produire des lamelles de pneu, il faut faire passer les lambeaux dans une déchiqueteuse à deux étages ou les faire passer une deuxième fois dans la déchiqueteuse principale jusqu’à ce qu’ils soient réduits à une taille appropriée, ordinairement de deux à cinq centimètres. On peut transformer davantage les lamelles de pneu pour en faire des miettes, qu’on utilise comme combustible dans les incinérateurs produisant de l’énergie à partir de déchets ou qu’on emploie directement dans un certain nombre d’applications, par exemple, comme matériau de plate-forme (sur les routes) ou noyau de remblais en terre, ou encore dans les champs d’épuration des fosses septiques(3).

L’utilisation de lamelles de pneu comme matériau de plate-forme semble être une application prometteuse susceptible de consommer un grand nombre de vieux pneus. Au Minnesota, on a utilisé des lamelles de pneu sur une épaisseur de 0,6 à 2,5 mètres comme matériau de la base de fond, puis on les a recouvertes de gravier et des deux couches normales d’asphalte. On a constaté qu’en raison de leur nature ouverte, les lamelles drainaient bien l’eau à travers la base et qu’en conséquence, l’ampleur du soulèvement dû au gel était réduite. Lors d’un test contrôlé réalisé au Maine, l’emploi d’une couche de lamelles ayant de 15 à 30 centimètres d’épaisseur a ramené la pénétration du gel de 130 à 90 centimètres et les soulèvements subséquents dus au gel de 9 à 3,5 centimètres.

On utilise aussi actuellement des lamelles de pneu dans des applications techniques pour décharges. Dans certaines décharges, on place les lamelles sur la doublure en plastique du fond dans la partie la plus profonde, où elles jouent le rôle d’un filtre poreux, séparant le lixiviat des ordures qui se trouvent au-dessus. On pompe ensuite le lixiviat recueilli et on lui fait subir un traitement d’épuration. On peut aussi utiliser les lamelles comme couverture quotidienne de la décharge pour supprimer les odeurs et la poussière et écarter la vermine. On a en outre constaté que les lamelles de pneu sont supérieures aux copeaux de bois comme moyen d’améliorer l’aération dans les boues d’égout compostées(4).

   D. Les miettes de pneu

On peut produire des miettes de pneu mécaniquement ou par un procédé de surgélation cryogénique. Dans le procédé mécanique, on réduit les pneus en lamelles, puis on les fait ensuite passer dans des granulateurs qui séparent et enlèvent l’acier et la fibre lâches et réduisent davantage la taille des particules de caoutchouc. Finalement, on broie les petits fragments de caoutchouc dans un broyeur pour produire des miettes de caoutchouc d’un maillage de 30 à 40(5). Dans le procédé cryogénique, les lamelles de pneu sont congelées dans de l’azote liquide à mesure qu’elles passent dans un tunnel cryogénique. Elles passent ensuite dans une série de broyeurs où elles sont brisées en leurs trois éléments : caoutchouc, acier et tissu. Même s’il est le plus coûteux des deux, le procédé cryogénique produit des miettes plus lisses et plus petites(6).

Les miettes de caoutchouc sont vendues comme charges d’alimentation pour les procédés chimiques de régénération ou de récupération (de pyrolyse), sont ajoutées à l’asphalte pour le revêtement des routes ou aux bouche-pores de revêtement ou sont utilisées pour la production d’un grand nombre de produits recyclés renfermant du caoutchouc (voir le tableau 1).

Le marché du caoutchouc recyclé fait face à un important obstacle, en ce sens que les produits du caoutchouc recyclé sont de qualité égale ou inférieure aux produits faits à partir de caoutchouc pur, bien qu’ils soient généralement plus coûteux à fabriquer. C’est pourquoi beaucoup d’entreprises de recyclage du caoutchouc ont cessé leurs activités lorsque l’aide gouvernementale qui leur était accordée a été graduellement éliminée.

L’asphalte caoutchouté est plus coûteux que l’asphalte ordinaire, mais il ne s’est pas avéré jusqu’ici supérieur à ce dernier. En fait, beaucoup d’ingénieurs des transports doutent de sa valeur. Lorsqu’il est temps de poser un nouveau revêtement sur une route en asphalte caoutchouté, la couche supérieure ne peut être ni enlevée, ni chauffée et réutilisée, parce que la chaleur brûle le caoutchouc et dégage des émissions toxiques(7). Certains estiment en outre que l’asphalte caoutchouté est « non écologique », étant donné que son procédé de fabrication consomme 25 p. 100 plus de pétrole que celui de l’asphalte ordinaire. Les efforts de recherche et de développement visant à mettre au point de meilleures technologies de fabrication d’asphalte caoutchouté se poursuivent. On semble avoir obtenu de bons résultats avec la mise au point d’un processus de « recyclage à froid de l’asphalte sur place », qu’on dit rentable(8).

 

Tableau 1 - Applications pour le caoutchouc recyclé


Surfaces pour la pratique des sports :

  • Terrains de jeux de maternelles et aires de loisir
  • Aires scolaires de pratique des sports
  • Pistes d’athlétisme
  • Terrains de tennis et de basket-ball
  • Aires de départ pour le golf
  • Ceintures de piscine et allées de jardin
  • Verts pour jeu de boules
  • Surfaces de quais antidérapantes pour bateaux

Industrie automobile :

  • Pare-chocs
  • Matériaux de scellement et d’antirouille pour carrosseries d’auto
  • Garde-boues et défenses
  • Tapis pour autos et camions
  • Garnitures de plancher pour camions et fourgonnettes
  • Matériaux d’arrimage pour l’expédition

Construction :

  • Planchers d’hôpitaux, d’usines et de salles de bains
  • Carreaux de sol
  • Thibaudes (« sous-tapis »)
  • Composés étanches à l’eau pour toitures et murs
  • Imperméabilisation des fondations
  • Garnitures pour barrages, silos et toitures

Applications géotechniques/à l’asphalte :

  • Asphalte caoutchouté pour routes et allées de garage
  • Fondations pour pistes de course de chevaux
  • Drainage souterrain
  • Conduits d’évacuation
  • Conditionneurs de sol
  • Agent filtrant pour le mercure et les surfaces métalliques
  • Tuyaux d’irrigation poreux
  • Construction et réparation de routes

Adhésifs et produits de scellement :

  • Adhésifs et mastic d’étanchéité
  • Peintures texturées et antidérapantes
  • Ingrédient de mélange (mastic) pour moulures et profilés en caoutchouc
  • Composés pour la réparation des courroies de convoyeurs
  • Composés de joints de dilatation
  • Enduits et matériaux d’étanchéité à l’eau pour toitures

Produits d’amortissement et de sécurité :

  • Tampons amortisseurs pour voies ferrées et machineries
  • Murs de son pour routes
  • Glissières de sécurité
  • Garnitures d’abrasion dans l’équipement d’exploitation minière

Produits de caoutchouc et de plastique :

  • Isolant et garniture de tuyau
  • Plinthes et plaques de protection
  • Pots de fleurs
  • Poubelles
  • Semelles et talons de chaussure
  • Isolant de fil et de câble
  • Pneus industriels et agricoles
  • Tapis et planchers de grange
  • Rouleaux et roues folles de convoyeur
  • Mastic dans de nombreuses moulures et de nombreux profilés en plastique

   E. La régénération

Dans le processus de régénération, on ramène le vieux caoutchouc à son état brut, c’est-à-dire un matériau de plastique doux et collant, qui peut ensuite servir à la production d’une foule de matériaux en caoutchouc moulés ou découpés à l’emporte-pièce, comme des tapis, des cuves et des seaux. On a fait beaucoup de recherche dans le domaine de la régénération du caoutchouc; le matériau renouvelé final a cependant des propriétés chimiques légèrement différentes de celles du caoutchouc pur. Le matériau renouvelé est rigide, tandis que le caoutchouc pur est un composé de torons longs et souples(9). Le matériau régénéré ne respecte pas les exigences strictes de fabrication des pneus modernes et ne peut pas non plus servir à la fabrication de produits souples comme des boyaux. Étant donné que ces applications présentent 85 p. 100 du marché canadien du caoutchouc(10), l’offre potentielle de caoutchouc régénéré tend à dépasser la demande. Le coût de transformation en caoutchouc régénéré des vieux pneus, surtout des pneus radiaux modernes ceinturés d’acier, dépasse en outre le coût de production du caoutchouc pur.

   F. La récupération (pyrolyse)

La pyrolyse est un procédé thermique qui peut dégrader les vieux pneus jusqu’à leurs constituants chimiques. Le procédé traditionnel suppose la combustion des pneus dans des conditions d’oxygène limitées de façon à ce que le matériau des pneus ne soit pas complètement converti en gaz et en cendres. En 1994, une entreprise canadienne, la Exxadon/EWMC, a fait breveter un nouveau procédé de pyrolyse des pneus (le procédé à hyperfréquences Emery) qui décompose plus efficacement les pneus en leurs éléments constitutifs. Un pneu d’auto typique renferme environ quatre litres d’huile, à peu près 230 grammes de fibre, un kilogramme ou plus de noir de carbone et à peu près un kilogramme d’acier et un kilogramme de méthane. Dans plusieurs petites usines traditionnelles de pyrolyse en activité au Japon et aux États-Unis, on brûle le méthane pour produire de la chaleur humide et de l’électricité et on vend le noir de carbone et l’huile à des utilisateurs industriels. L’utilisation de noir de carbone recyclé est acceptable dans les boyaux, les tapis, les matériaux de couverture et les moulures de type industriel(11). L’industrie des pneus utilise beaucoup de noir de carbone pour donner de la force à son produit, mais le noir de carbone recyclé renferme malheureusement beaucoup trop de contaminants pour qu’on puisse l’utiliser dans les pneus neufs.

   G. La récupération d’énergie

La production d’énergie à partir de déchets, même s’il ne s’agit pas d’une forme de recyclage au sens strict du mot, est une utilisation finale économiquement saine dans le cas des vieux pneus qui ne sont pas assez bons pour être revendus dans les pays du tiers monde. En raison cependant de l’idée que se fait le public de l’incinération, il est difficile de la promouvoir en tant qu’option de gestion des déchets. Lorsque des pneus brûlent à l’air libre, comme lors de l’incendie de pneus d’Hagersville, la température de combustion n’est pas assez élevée pour qu’il y ait incinération complète, et des composés toxiques sont libérés dans l’air et le sol. Par ailleurs, la combustion complète jusqu’aux gaz inorganiques et aux cendres peut se faire par incinération à température élevée, comme cela se pratique dans les fours à ciment et les centrales thermo-électriques au charbon. Il est très peu fait mention des efforts de recherche montrant qu’on peut incinérer en toute sécurité des pneus à des températures élevées et utiliser l’énergie libérée pour des applications industrielles; les citoyens et les groupes environnementaux concernés tendent par conséquent à s’opposer à toute incinération des pneus parce que cela pourrait poser un risque pour la santé.

À poids égal, le vieux caoutchouc a un contenu énergétique de 15 à 20 p. 100 plus élevé que celui du charbon(12)(13). La teneur en soufre du caoutchouc vulcanisé est environ la même que celle du charbon des Appalaches que brûlent beaucoup d’entreprises ontariennes et elle est moins élevée que celle du charbon du Cap-Breton. Les inquiétudes au sujet des émissions d’anhydride sulfureux et d’oxyde nitreux produites par les entreprises alimentées au charbon et celles plus récentes au sujet du réchauffement planétaire attribuable aux émissions de dioxyde de carbone stimulent le développement de technologies d’utilisation du charbon non polluantes(14). Les progrès en matière de nouvelles technologies de combustion et les technologies de nettoyage après combustion (les épurateurs) ont grandement amélioré le rendement de combustion et réduit les émissions. Le contenu énergétique plus élevé du caoutchouc signifie que l’incinération des vieux pneus dans des chaudières au charbon « à la fine pointe de la technologie » libérerait moins de contaminants par unité d’énergie et réduirait l’utilisation de combustibles fossiles non renouvelables(15). Dans une étude scientifique commandée par la St. Marys Cement Company, en Ontario, on a comparé les émissions des fours à ciment alimentés aux combustibles fossiles conventionnels aux émissions de cinq cimenteries canadiennes et de deux cimenteries américaines où les vieux pneus servaient de combustible supplémentaire dans des proportions variant de 5 à 20 p. 100. Aucun écart important au niveau des émissions n’a pu être décelé et les niveaux des émissions dans le cas de toutes les cimenteries qui ont utilisé des vieux pneus étaient bien inférieurs aux limites fixées dans les normes et les lignes directrices ontariennes sur les émissions dans l’atmosphère et les lignes directrices du Conseil canadien des ministres de l’Environnement (CCME) relatives à l’utilisation de déchets dangereux et non dangereux dans les fours à ciment(16).

Dans la plupart des pays, on permet aux exploitants de fours à ciment d’utiliser des vieux pneus comme combustible. Les exploitants des fours à ciment situés au Québec, en Alberta et en Colombie-Britannique peuvent compenser une partie de leurs besoins en combustible fossile à l’aide de vieux pneus. Au Manitoba, on brûle les vieux pneus pour fondre de l’aluminium dans une petite usine de recyclage et à Charlottetown, à Île-du-Prince-Édouard, on brûle des pneus déchiquetés avec les déchets de la municipalité pour produire de l’électricité à l’incinérateur local. À Modesto, en Californie, on convertit chaque mois dans une usine produisant de l’énergie à partir de déchets 400 000 pneus en 14,5 mégawatts d’électricité. Cette usine, qui est entrée en activité en 1987, a nécessité des dépenses d’investissement de 42 millions de dollars US(17).

L’INDUSTRIE CANADIENNE DU RECYCLAGE DES PNEUS

Le recyclage des pneus au Canada est une industrie diversifiée allant d’usines « artisanales » à technologie rudimentaire aux entreprises qui possèdent des brevets internationaux pour de nouveaux procédés de recyclage et commercialisent leur technologie et leurs produits dans le monde entier. À l’extrémité de ce qu’on appelle la technologie rudimentaire de l’industrie se trouvent les petites entreprises qui tricotent des vieux pneus entiers en objets comme des pare-éclats et de l’équipement pour terrains de jeux. Mentionnons parmi les petites entreprises intéressantes la Gofor Supplies Ltd., de Courtenay, en Colombie-Britannique, qui, en enfilant des vieux pneus côte à côte sur des arbres centraux, produit des estacades flottantes en caoutchouc qu’on utilise comme pare-chocs entre un remorqueur et une estacade flottante.

La Recovery Technology Inc., de Mississauga, la Extruda-Rail, de Calgary, et la Exxadon/EWMC sont les entreprises canadiennes de recyclage des pneus aux technologies les plus avancées. La Recovery Technology a mis au point un nouveau procédé pour la conversion en miettes de caoutchouc des pneus ceinturés d’acier. Cette technologie, qui permet de récupérer 98 p. 100 du caoutchouc utilisable à partir des composants d’acier, de carbone et de tissu, a été commercialisée sous licence dans le monde entier. L’entreprise produit aussi des matériaux pour tapis à l’intention des lieux de travail industriels et pour les stalles et les enclos pour les animaux. La Extruda-Rail détient des brevets internationaux pour un procédé qu’elle a mis au point afin de convertir des miettes de caoutchouc en longueurs de caoutchouc repoussé destinées à des applications comme des panneaux pour passages à niveau et les raccords qui tiennent en place les rails. L’entreprise fournit tout le marché canadien, mais exporte la majeure partie de sa production aux États-Unis, en Asie et en Europe. Comme nous l’avons mentionné précédemment, la Exxadon/EWMC a mis au point un procédé de pyrolyse à hyperfréquences menant à la commercialisation des composants d’huile, du noir de carbone et d’acier des pneus et commercialisé sous licence sa technologie auprès d’autres entreprises d’Amérique du Nord, d’Europe, du Moyen-Orient et de Russie(18). Ces grosses entreprises réussissent actuellement assez bien dans le commerce du recyclage de pneus, comme le font certaines petites entreprises qui comblent les besoins dans un créneau bien précis.

MESURES GOUVERNEMENTALES

Étant donné qu’on classe les vieux pneus dans la catégorie des déchets solides des municipalités, leur élimination est de compétence provinciale et municipale. Le gouvernement fédéral considère que les vieux pneus sont des déchets non dangereux qui ne posent un problème pour l’environnement et la santé humaine que lorsqu’ils sont incorrectement gérés. Il n’y a pas de programmes fédéraux faisant expressément la promotion du recyclage des pneus. Au 1er avril 1996 cependant, des projets innovateurs de recherche et de développement pour ce qui est du recyclage des pneus pouvaient bénéficier d’aide aux termes du programme Partenariat Technologie Canada parrainé par Industrie Canada. Mentionnons, parmi les autres secteurs fédéraux d’intervention, le Programme de prévention des déversements dangereux et d’intervention d’Environnement Canada, dont le budget sert à appuyer les équipes régionales d’intervention, la prévention des déversements, la formation, la recherche sur les déversements, la mise au point d’instruments et de techniques de nettoyage, l’achat de meilleur équipement et l’élaboration d’une stratégie conjointe américano-canadienne pour les déversements sur terre et dans les fleuves, les rivières et les lacs transfrontaliers(19). Ce programme joue donc un rôle important au niveau de la prévention des incendies de pneus; on y a jusqu’ici fait appel pour faciliter les opérations de nettoyage.

Dans les régions moins peuplées du Canada, les vieux pneus n’ont pas jusqu’à maintenant posé de problème. Dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon, en Saskatchewan, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, il n’y a pas de restrictions relativement à l’enfouissement des vieux pneus. Dans le reste du Canada, on fait en sorte que les vieux pneus ne se retrouvent pas dans les décharges et on a établi des programmes de recyclage. Les programmes provinciaux fonctionnent isolément les uns des autres et varient en complexité. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, les vieux pneus se retrouvent pas parmi les déchets solides; on les recueille, on les taille en lamelles et on les utilise ensuite comme matériau de plate-forme (sur les routes) ou on les vend comme combustible à une usine de pâte du Maine. La Colombie-Britannique, l’Alberta, le Manitoba, le Québec et l’Île-du-Prince-Édouard financent des projets de recyclage par l’entremise d’un prélèvement spécial sur l’achat des pneus neufs. Le gouvernement de la Colombie-Britannique, par exemple, utilise sa taxe sur les pneus pour financer un programme de recherche, de démonstration et de développement portant sur le recyclage; il paie 60 cents le pneu pour compenser les coûts de transport, 90 cents le pneu aux entreprises qui utilisent des pneus comme combustible et jusqu’à 1,50 $ le pneu, suivant le degré de réutilisation des pneus, aux entreprises de recyclage. Le programme québécois est similaire, mais beaucoup plus complexe, parce qu’il faut conserver les factures de vente et les reçus de collecte de pneus pour voir à ce que les deniers publics ne soient pas consacrés à des pneus provenant de l’extérieur de la province. Les recycleurs doivent être en mesure de prouver que les pneus provenaient du Québec et que le produit final (des miettes de caoutchouc, par exemple) a été vendu avant que le gouvernement n’accorde la subvention. Les exigences en matière de rapports sont si détaillées que le gouvernement québécois a mis au point un progiciel pour aider les recycleurs de pneus du Québec. En Ontario, on a grandement réduit le vaste programme de subventions lancé pour établir une infrastructure de recyclage des pneus maintenant que cette infrastructure est en place et que le recyclage des pneus est essentiellement une industrie axée sur le marché. Les consommateurs paient aux vendeurs de pneus au détail des frais d’élimination qui couvrent le transport et le coût d’enfouissement des lamelles de pneu, s’il y a lieu. La plupart des pneus en Ontario (60 p. 100) sont aujourd’hui réutilisés ou recyclés d’une façon ou d’une autre et presque tout le reste est coupé en lamelles et exporté aux États-Unis.

Le CCME a abordé la question de la gestion des vieux pneus à la suite de l’incendie de pneus d’Hagersville, au départ aux termes de sa Stratégie nationale de gestion des déchets. Il a invité les provinces à adopter des plans et à faire en sorte que les mesures visant à ce que les vieux pneus ne se retrouvent plus parmi les déchets deviennent partie intégrante de l’objectif qu’il a proposé, soit une réduction de 50 p. 100 des déchets d’ici à l’an 2000. Le CCME a aussi mis sur pied un groupe de travail sur les vieux pneus pour étudier la gestion de ces derniers et pour en dresser un inventaire(20). Après la publication de ce rapport d’étude en octobre 1990, le groupe susmentionné a publié deux rapports d’étude de suivi : Proposed Guideline for the Outdoor Storage of Used Tires, en décembre 1990, et Processing Technologies and Manufactured Products from Used Tires, en janvier 1991.

Chacune des provinces qui a élaboré un programme de recyclage des pneus l’a fait isolément des autres. Certains ont alors craint que les pneus n’aboutissent dans les provinces accordant les subventions au recyclage les plus généreuses. En réaction, le CCME a financé la rédaction du document Harmonisation des outils d’intervention économique applicables aux pneus usés, qu’il a publié le 3 août 1994. L’une des principales conclusions du rapport c’est que même si les programmes provinciaux ne sont pas harmonisés, on a pas vraiment de preuve que les écarts entre les programmes entraînent d’importantes pertes d’efficacité sur le marché. Les auteurs du rapport ont décrit un certain nombre de modèles potentiels pour l’harmonisation des instruments économiques relatifs aux vieux pneus. Ces modèles pourraient être adoptés par les provinces qui jusqu’ici n’ont pas établi de programme de recyclage des vieux pneus ou par les autres provinces qui tentent de rendre leur programme plus autosuffisant.


(1) R.B. Stone, C.C. Buchanan et F.W. Steimle, Scrap Tires as Artificial Reefs, Agence de protection de l’environnement des États-Unis, 1974.

(2) Conseil canadien des ministres de l’environnement, Groupe de travail sur les vieux pneus, Processing Technologies and Manufactured Products From Used Tires, janvier 1991, 14 p.

(3) Ibid., (1991).

(4) Conseil canadien des ministres de l’Environnement, Harmonisation des outils d’intervention économique applicables aux pneus usés, 3 août 1994, 146 p.

(5) Le maillage désigne le nombre de trous par pouce linéaire dans un tamis à travers lequel les miettes de caoutchouc doivent passer; une maille de 40 est donc plus fine qu’une maille de 30.

(6) Conseil canadien des ministres de l’Environnement (1994).

(7) B. Reguly, «Blowout: Ontario’s Tire-recycling Scheme Skids Off Its Course», Financial Times, 29 juin 1992, p. 15.

(8) J. Emery, «Mix Design, Life Cycle Cost Analysis - Modified Cold In Place Asphalt Recycling», Technology Transfer Workshop on Cost Effective Cold In Place Recycling and Cold Recycling of Asphalt Pavement, Ottawa Palladium, Kanata (Ontario), 2 avril 1996.

(9) C. Mahood, «Provinces Stalled on Tire Disposal», Globe & Mail (Toronto), 2 janvier 1993, p. A1.

(10) Ibid.

(11) J.P. Hicks, «A Whole New Dimension to Retreads», New York Times, 17 novembre 1991, p. 9.

(12) M. Turgeon, Risques environnementaux associés au dépôt de pneus de Saint-Amable, Québec, ministère de l’Environnement du Québec, Direction de la récupération et du recyclage, 20 octobre 1988, p. 5.

(13) Environnement Manitoba, Direction de la réduction des déchets et de la prévention, Report of the Waste Reduction and Prevention Committee on Used Tires, avril 1991, p. 5-7.

(14) Département de l’Énergie des États-Unis, Technologie du charbon propre, Washington (D.C.), The New Coal Era, DOE/FE0217P, 1991, p. 8-29.

(15) Environnement Manitoba (1991).

(16) «TDF Found to Have Little Impact on Cement Kiln Emissions», Eco-Log Week, A Report on Waste Management & Industrial Pollution Control, vol. 23, 28 juillet 1995, p. 1.

(17) Environnement Manitoba (1991).

(18) «Permanent C of A Granted to Exxadon Tire Recycling Plant», Eco.Log Week, A Report on Waste Management & Industrial Pollution Control, 6 septembre 1996, p. 2.

(19) Environnement Canada, Annonce du programme pour la prévention des déversements dangereux et les interventions d’urgence, communiqué de presse CO-AC-091-35, 5 novembre 1991.

(20) Conseil canadien des ministres de l’Environnement, Groupe de travail sur les vieux pneus, Inventory and Management of Used Tires / Inventaire et gestion des vieux pneus, compilation de plusieurs documents, octobre 1990.