Rédaction :
Marc-André Pigeon
Division de l'économie
Le 23 août 2001
TABLE DES MATIÈRES
PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU RÉGIME FISCAL EN VIGUEUR AU CANADA
LES CONSÉQUENCES BUDGÉTAIRES DUN IMPÔT UNIFORME
L'IMPÔT UNIFORME VU DE PLUS PRÈS
Les réformes visant à instaurer un impôt uniforme visent essentiellement à mettre en place un régime fiscal unique et simple comprenant deux caractéristiques fondamentales :
un taux marginal dimposition unique qui sappliquerait aux entreprises comme aux particuliers, remplaçant de fait tout le régime fiscal, y compris lensemble des déductions et des crédits dimpôt;
une importante exemption de base, par souci déquité envers les familles et les particuliers à faible revenu.
Pour les champions de limpôt uniforme, ce dernier mènera à un régime fiscal plus simple, tout en améliorant lefficacité de léconomie, ce qui signifie que les entreprises pourront plus facilement prendre leurs décisions en se fondant uniquement sur des raisons économiques et les particuliers, sur des préférences. En réalité, la plupart des projets dimpôt uniforme natteignent pas ces objectifs et comportent un taux marginal dimposition uniforme assorti dun grand nombre et dans certains cas de la totalité des déductions et crédits actuels. Depuis au moins le début des années 1980, des projets hybrides dimpôt uniforme sont apparus à plusieurs reprises aux États-Unis. Au Canada, lAlliance canadienne a remis la question à lordre du jour en proposant récemment un impôt uniforme; elle a depuis mis lidée de côté, du moins temporairement(1). À en juger par ce qui se passe aux États-Unis, cette question devrait réapparaître dans larène politique, compte tenu surtout de la nature évolutive et toujours plus complexe du régime fiscal et des fortes pressions qui sexercent en vue dune harmonisation internationale des impôts et des règlements.
Dans le présent document, nous avons trois objectifs :
Fournir sur la question un point de vue historique et international qui fait grandement défaut. De quand date cette idée dun impôt uniforme? Doù vient-elle? A-t-elle déjà été appliquée et où?
Exposer les arguments théoriques et pratiques pour et contre un impôt uniforme. Pourquoi certains le prônent-ils, tandis que dautres sy opposent?
Établir le coût dun impôt uniforme réaliste au Canada, à partir dhypothèses raisonnables.
Avant de répondre à ces questions, il serait bon de revoir brièvement deux concepts clés déquité fiscale issus de la théorie des finances publiques.
Léquité horizontale, cest-à-dire que des personnes égales devraient être traitées également par le fisc. Bien quil ny ait jamais deux personnes qui soient parfaitement égales, le terme sapplique dhabitude à deux personnes ou deux familles ayant plus ou moins le même revenu et la même situation sociale.
Léquité verticale, le pendant de léquité horizontale, cest-à-dire que les particuliers doivent être imposés selon leur capacité contributive. Par exemple, une famille gagnant 60 000 $ et nayant pas denfant peut verser davantage en impôts quune famille gagnant 60 000 $ et ayant quatre enfants, toutes choses étant égales par ailleurs(2).
Il convient également de définir dautres concepts notamment ceux de régime fiscal progressif, proportionnel et régressif , car ceux-ci sont souvent utilisés dans les débats et peuvent être aisément confondus ou mal utilisés. Pour la plupart des économistes, un régime fiscal progressif est un régime où les personnes ou les familles à faible revenu paient une part moindre de leur revenu total en impôts que celles à revenu élevé. Un régime fiscal régressif est à lopposé : les personnes ou les familles à faible revenu paient une portion plus importante de leur revenu en impôts que celles à revenu élevé. Un régime fiscal proportionnel est un régime dans lequel le même taux marginal dimposition sapplique à tous, quel que soit leur revenu, si bien que chacun paie la même proportion de son revenu en impôts.
En poussant les choses à lextrême, un régime régressif signifierait que les particuliers à faible revenu paieraient un taux dimposition plus élevé que ceux à revenu élevé. Les régimes régressifs sont plus courants quon ne le pense en général. Les taxes sur les aliments sont les mêmes pour tous et sont considérées comme régressives, car les aliments représentent une portion plus importante du revenu total pour les particuliers ou les familles à faible revenu que pour les mieux nantis. Le tableau ci-après illustre les différences entre chaque type dimpôt.
Progressif |
Proportionnel |
Régressif |
|
Famille A Revenu élevé | |||
Revenu | 150 000 $ |
150 000 $ |
150 000 $ |
Montant imposable | 150 000 $ |
150 000 $ |
10 000 $ |
Taux dimposition | 26 % |
17 % |
6 % |
Impôt payé | 39 000 $ |
25 500 $ |
600 $ |
Pourcentage du revenu | 26 % |
17 % |
0,4 % |
Revenu après impôt | 111 000 $ |
124 500 $ |
149 400 $ |
Famille B Revenu plus modeste | |||
Revenu | 40 000 $ |
40 000 $ |
40 000 $ |
Montant imposable | 40 000 $ |
40 000 $ |
10 000 $ |
Taux dimposition | 22 % |
17 % |
6 % |
Impôt payé | 8 800 $ |
6 800 $ |
600 $ |
Pourcentage du revenu | 22 % |
17 % |
1,5 % |
Revenu après impôt | 31 200 $ |
33 200 $ |
39 400 $ |
On sinterroge souvent sur la progressivité effective dun impôt uniforme, cest-à-dire proportionnel au sens strict. Par exemple, une famille ou une personne à faible revenu paierait-elle effectivement une proportion moindre de son revenu global en impôts quune famille ou une personne à revenu élevé? Cela est certain si lon applique une exemption de base suffisamment importante(3). Pour savoir pourquoi, il convient détudier le tableau ci-après, où nous comparons un régime fiscal régressif avec un régime fiscal proportionnel pour deux familles (les Dupont et les Tremblay, ayant chacune un seul revenu).
Régime fiscal progressif à deux vitesses |
Impôt uniforme assorti dexemptions importantes |
Impôt uniforme sans exemption |
|
Famille Dupont Revenu élevé | |||
Revenu | 150 000 $ |
150 000 $ |
150 000 $ |
Revenu exonéré | 10 000 $ |
20 000 $ |
0 $ |
Revenu imposable | 140 000 $ |
130 000 $ |
150 000 $ |
Taux marginal dimposition | 17 % et 25 % |
17 % |
17 % |
Impôt payé | 27 000 $ |
22 100 $ |
25 500 $ |
Taux marginal dimposition effectif | 18,0 % |
14,7 % |
17,0 % |
Économies en impôts par rapport à un régime progressif | s/o |
4 900 $ |
1 500 $ |
Famille Tremblay Revenu plus modeste | |||
Revenu | 40 000 $ |
40 000 $ |
40 000 $ |
Revenu exonéré | 10 000 $ |
20 000 $ |
0 $ |
Revenu imposable | 30 000 $ |
20 000 $ |
40 000 $ |
Taux marginal dimposition | 17 % |
17 % |
17 % |
Impôt payé | 5 100 $ |
3 400 $ |
6 800 $ |
Taux marginal dimposition effectif | 12,8 % |
8,5 % |
17,0 % |
Économies en impôts par rapport à un régime progressif | s/o |
1 700 $ |
-1 700 $ |
La première colonne illustre un hypothétique régime fiscal progressif (avec une exemption de base de 10 000 $) qui prévoit un taux marginal dimposition de 17 p. 100 sur la première tranche de revenu de 100 000 $ et de 25 p. 100 au-delà. Parce que les Dupont gagnent plus de 100 000 $, ils paient des impôts sur les deux tranches, soit en tout 27 000 $ ou 18 p. 100 de leur revenu. Les Tremblay, quant à eux, ne paient que 5 100 $ ou 12,8 p. 100 de leur revenu. Ce système est progressif à deux égards. Premièrement, il est progressif « au sens strict », selon la définition de William Vickrey, cest-à-dire quil impose des taux marginaux dimposition distincts à des niveaux de revenu distincts (17 p. 100 et 25 p. 100). Deuxièmement, le taux dimposition moyen (après prise en compte des exemptions de base) est moindre pour les familles à faible revenu. Que les Dupont paient un montant dimpôts supérieur à celui des Tremblay est peu révélateur de la progressivité réelle du régime, du moins dans le sens que donnent à ce terme la plupart des économistes. Les Dupont paieraient davantage que les Tremblay même dans un système extrêmement régressif (et improbable) qui imposerait un taux de 4 p. 100 sur tous les revenus des familles à revenu élevé mais un taux dimposition de 17 p. 100 sur les revenus des familles à faible revenu. Dans ce cas extrême, les Dupont paieraient 5 600 $ dimpôts et les Tremblay, 5 100 $.
Supposons maintenant que lon passe à un système dimpôt uniforme. La deuxième colonne illustre la façon dont un impôt uniforme ou proportionnel étant donné une exemption de base suffisamment importante (dans lexemple, lexemption a été portée des 10 000 $ du régime progressif à 20 000 $) peut être au moins aussi progressif, sinon plus, quun impôt progressif au sens strict(4). Selon ce scénario, les Dupont paient des impôts à un taux effectif moindre de 14,7 p. 100 et réalisent une économie nette de 4 900 $ par rapport au régime progressif, tandis que les Tremblay paient des impôts à un taux effectif moindre de 8,5 p. 100 et réalisent une économie nette de 1 700 $ par rapport au régime progressif. Il faut de nouveau insister sur le fait que ce nest pas parce que les Dupont économisent davantage que les Tremblay que le régime est régressif. Les Dupont consacrent toujours une proportion plus importante de leur revenu aux impôts que les Tremblay et il serait difficile déviter que la famille à revenu élevé réalise une économie dimpôt plus importante en termes absolus lorsque les taux marginaux dimposition sont abaissés de façon importante. De façon générale, le meilleur moyen de donner plus aux familles à faible revenu sans permettre aux mieux nanties de réaliser des économies encore plus importantes est dinstaurer des déductions et des exemptions ciblées.
La troisième colonne illustre ce que lon pourrait appeler un impôt uniforme « pur », car il ne sassortit daucune déduction de base. Dans ce régime, la situation des Tremblay est de toute évidence pire que dans les deux autres. Les Dupont, quant à eux, sen tirent mieux que dans le régime progressif, mais pas aussi bien que dans le régime dimpôt uniforme assorti de déductions de base importantes. Cette analyse illustre deux points fondamentaux:
Premièrement, un impôt uniforme peut être effectivement progressif sil sassortit dexemptions de base importantes ou dune combinaison dexemptions et de déductions.
Deuxièmement, pour que les particuliers à faible revenu épargnent davantage en termes absolus que les particuliers à revenu élevé, il faut instaurer des allégements fiscaux ciblés (plutôt que les allégements universels que supposent les réductions de limpôt marginal) comme des crédits dimpôt ou des transferts dassistance.
Lidée dun impôt uniforme sest répandue surtout depuis 1981, année où Robert Hall et Alvin Rabushka lont présentée sur la tribune politique. Ces deux universitaires de Stanford ont publié un livre intitulé The Flat Tax, dans lequel ils décrivaient les principales caractéristiques de leur projet, qui peuvent être résumées ainsi :
Premièrement, abaisser le taux dimposition des sociétés et des particuliers à 19 p. 100.
Deuxièmement, remplacer les plans damortissement ciblés par une provision pour amortissement ponctuel la première année afin que les entreprises soient imposées sur leurs liquidités.
Troisièmement, éliminer toutes les déductions fiscales et tous les crédits dimpôt des entreprises et des particuliers qui entravent létablissement dune véritable taxe assise sur la consommation, pour que les particuliers ne soient imposés que sur ce quils dépensent ou sortent de léconomie. Pour les entreprises, les impôts seraient calculés sur les profits nets ou, autrement dit, sur les revenus globaux moins les coûts totaux (intrants, salaires et traitements et nouvel équipement). Les impôts des particuliers seraient calculés sur le total des salaires, des traitements et des revenus de pensions, dont serait défalquée une exemption de base (voir ci-après).
Quatrièmement, éliminer la double imposition des dividendes (ce qui est déjà en partie le cas au Canada) et des gains en capital. Les particuliers nauraient plus à verser dimpôts sur les revenus de dividendes ou les gains en capital. La raison en est fort simple : parce que les dividendes proviennent de profits nets après impôt, il ny a aucune raison de les imposer de nouveau lorsquils se trouvent entre les mains des actionnaires. Lexonération des gains en capital (pour les particuliers) se justifie pour les mêmes raisons et est traitée plus loin dans le présent document.
Cinquièmement, créer dimportantes exemptions de base pour que le régime fiscal soit progressif.
Pour Hall et Rabushka, limpôt uniforme naurait pas seulement lavantage de la simplicité les déclarations dimpôt pour la plupart des particuliers et des entreprises feraient au plus une demi-page , mais il favoriserait également lefficacité et donc, à long terme, la croissance économique. Pour eux, le système actuel est trop complexe et mal conçu, et il a des conséquences inattendues et négatives. Par exemple, les avantages complémentaires sont de plus en plus courants aux États-Unis comme forme de rémunération, car ils sont déductibles à titre de dépenses pour les employeurs et exonérés dimpôt pour les employés. Un régime dimpôt uniforme sappliquerait également à ces formes de rémunération, de sorte que les employés toucheraient une rémunération plus importante et auraient plus de latitude pour prendre les décisions qui correspondent à leurs intérêts (assurance-vie par exemple) plutôt que de se les voir imposer par un employeur dont la motivation dépend uniquement du régime fiscal. Léconomie y gagnerait en efficacité.
De même, Hall et Rabushka estiment que la provision pour amortissement ponctuel la première année augmenterait linvestissement, puisque les entreprises seraient fortement encouragées à accroître leur capital physique (machines, bâtiments, usines) pour moins payer dimpôts. Les deux universitaires affirment également que linvestissement augmenterait, car leur régime fiscal constitue un véritable impôt sur la consommation. Dans la mesure où léconomie souffre dune épargne insuffisante, un impôt uniforme améliorerait les chances de croissance de léconomie en encourageant lépargne, ce qui permettrait dabaisser les taux dintérêt et stimulerait linvestissement en capital physique.
Vers le milieu des années 1990, il y avait aux États-Unis au moins huit projets dimpôt uniforme, la plupart se situant entre la proposition de Hall et Rabushka et le régime fiscal du moment. Ce sont essentiellement les candidats républicains à la présidence qui ont avancé ces projets, bien que certains aient été présentés par des représentants du Parti démocratique (Banks, 1996). Le fait que ces projets soient provenus des deux partis montre bien que limpôt uniforme est susceptible dêtre équitable pour les familles et les particuliers à faible revenu, à condition de comporter une déduction de base importante. La plupart des propositions étaient fidèles à lesprit du plan Hall-Rabushka, mais néliminaient pas les déductions clés, lune des plus importantes étant celle des paiements dintérêt sur les emprunts hypothécaires à lhabitation, si chère au cur des Américains; le secteur de la construction a dailleurs tout intérêt à conserver cette particularité du régime fiscal. Il en est résulté des projets dimpôt uniforme qui nétaient pas neutres du point de vue des recettes : sans baisse radicale des dépenses, ils auraient entraîné des déficits plus importants, ce qui nétait pas au goût des politiciens de lépoque.
Lidée dun impôt uniforme sur le revenu, sans en porter le nom, remonte à beaucoup plus loin. En fait, lidée dimposer tous les revenus des particuliers et des entreprises au même taux est aussi vieille que limpôt sur le revenu lui-même, du moins aux États-Unis. À la fin du XIXe siècle, par exemple, les défenseurs dun impôt proportionnel (ou uniforme) aux États-Unis y voyaient essentiellement le moyen de corriger leffet régressif des taxes daccise et des droits tarifaires, qui constituaient à lépoque le gros des revenus du gouvernement(5). Dans le contexte de lépoque, tout type dimpôt sur le revenu, y compris limpôt uniforme, était considéré comme un moyen juste de corriger la montée spectaculaire de linégalité qui a accompagné lévolution technologique rapide et lindustrialisation vers la fin du XIXe siècle(6).
Au Canada, cest en 1917 que le gouvernement fédéral a commencé à imposer le revenu des particuliers, de manière à pouvoir assurer les grandes dépenses requises par leffort de guerre(7). Jusque là, les ministres des Finances avaient cherché presque chaque année, dans leur discours de présentation du budget et à laide des statistiques les plus inadéquates, de prouver à leur satisfaction que le Canada était un des pays les moins imposés au monde (Perry, 1955, p. 144)(8). Bien que considérés à lorigine uniquement comme une mesure temporaire destinée à répondre à des besoins pressants, les impôts sur les revenus sont vite devenus un moyen pour le gouvernement de se procurer des fonds, surtout lors de la Grande crise et de la Seconde Guerre mondiale, qui ont toutes deux contribué à consolider le pouvoir du gouvernement fédéral dans ce domaine(9).
Dès le début, le régime dimposition du revenu canadien a été progressif, peut-être du fait quun grand nombre de personnes craignaient que les industriels senrichissent indûment grâce à leffort de guerre. Tous les revenus étaient imposés au taux dit normal de 4 p. 100, avec des surtaxes progressives après certains seuils, allant de 2 p. 100 sur les revenus de 6 000 $ à 25 p. 100 sur les revenus de 100 000 $ ou plus. Le régime fiscal comprenait également des exemptions personnelles de base de 3 000 $ pour les personnes mariées et de 1 500 $ pour les célibataires à légard du taux dimposition normal (et non des surtaxes), ce qui a ajouté un autre élément important de progressivité. Il semblerait que le régime dimpôt sur le revenu touchait à lorigine au plus 1 p. 100 de la population(10).
La Loi de limpôt de guerre sur le revenu dorigine était un document simple, qui comptait une dizaine de pages. Elle a peu varié jusquen 1962, date à laquelle la Commission Carter a recommandé une assiette fiscale plus large. Après diverses audiences publiques et un livre blanc sur la réforme fiscale, une nouvelle loi a été présentée en 1972; elle a actualisé lancienne, en abrogeant et remplaçant la quasi-totalité de lancienne législation fiscale, et constitué le fondement du système actuellement en vigueur au Canada(11).
Malgré lattrait que présente au premier abord lidée dun impôt uniforme et la grande visibilité du débat sur le sujet aux États-Unis, une poignée de pays seulement ont adopté ce genre dimpôt. Lexemple le plus souvent cité est celui de Hong Kong, où le taux maximal dimposition est de 15 p. 100(12). Le milieu des affaires estime que ce régime dimpôt est une composante importante de léconomie de Hong Kong, dont la vigueur tient toutefois à bien dautres facteurs. En fait, il est peu probable que limpôt uniforme explique, en tout ou même en partie, le succès de Hong Kong, car dautres économies ayant des structures fiscales bien différentes mais des caractéristiques culturelles et géographiques similaires (comme le Japon) affichent des comportements analogues en matière de commerce.
Les économies en transition (anciens pays de lEst) semblent être les plus disposées à faire lexpérience dun impôt uniforme. LEstonie la fait en 1994, suivie par la Lettonie en 1995. En août 2000, la Russie a décidé de taxer tous les revenus au taux de 13 p. 100 dans le but de répondre à ses besoins de trésorerie. Dans lancien régime fiscal russe, qui comportait un taux dimposition progressif variant entre 12 et 30 p. 100, le gouvernement manquait systématiquement de recettes fiscales, du fait de lévasion fiscale et de son incapacité de faire appliquer les lois fiscales. Il est trop tôt pour dire si limpôt uniforme a un effet positif sur la croissance économique ou les recettes publiques en Russie; à notre connaissance, aucune étude ne la encore démontré.
À la lumière des données historiques mentionnées plus tôt, lattrait que présente limpôt uniforme pour les économies en transition sinscrit dans une certaine logique : lidée dun impôt uniforme a fait son apparition pratiquement au même moment que limpôt sur le revenu et cest peut-être à ce moment quelle aurait eu les meilleures chances de simplanter(13). Dans la mesure où le capitalisme est relativement nouveau pour les économies de transition et que celles-ci repartent sur des bases entièrement nouvelles, il ny aurait guère dobstacles à limposition dun régime dimpôt uniforme. Un grand nombre des défenseurs de ce régime aux États-Unis et au Canada reconnaissent que le plus grand obstacle politique est que le régime fiscal en vigueur est ancré au niveau institutionnel et personnel, étant donné quun grand nombre de gens vivent de la complexité du système (fiscalistes et comptables, par exemple) ou sont subventionnés par le régime (secteur de la construction aux États-Unis, par exemple).
PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU RÉGIME FISCAL EN VIGUEUR AU CANADA
Lessentiel du régime fiscal canadien a peu changé depuis 1988. Entre 1988 et le début de 2001, trois taux marginaux dimposition se sont appliqués, à savoir 17 p. 100, 26 p. 100 et 29 p. 100(14). Les taux dimposition et les seuils dimposition ont peu varié pendant cette période(15), apportant un élément de régressivité à un système fiscal par ailleurs progressif : en effet, les particuliers dont le revenu augmentait parallèlement à un taux dinflation inférieur à 3 p. 100 se retrouvaient souvent dans une tranche dimposition plus élevée, bien que leur revenu réel (après inflation mais avant impôt) nait pas varié(16). Le Budget de 2000 représente donc, faute dautres changements importants au fil des ans, un des changements les plus fondamentaux du régime dimpôt sur le revenu survenus depuis 1988.
Premièrement, lindexation complète de tous les seuils et de lexemption de base est rétablie.
Deuxièmement, il prévoit la réduction des taux marginaux dimposition, en commençant par une réduction du taux intermédiaire pour le porter à 25 p. 100 à compter du 1er juillet 2000.
Troisièmement, les seuils dimposition à partir desquels les taux marginaux sappliquent sont relevés. Le taux inférieur sapplique à la première tranche de revenu de 30 004 $, le taux intermédiaire à la tranche suivante de 30 004 $ et le taux supérieur aux revenus dépassant 60 008 $.
Quatrièmement, le taux dinclusion des gains en capital tombe de 75 à 66,6 p. 100(17).
Depuis, le gouvernement a procédé à dautres réductions dimpôt. En janvier 2001, le taux dimposition le plus bas est tombé à 16 p. 100, le taux intermédiaire a été abaissé à 22 p. 100 et le taux marginal dimposition de 29 p. 100 sur la tranche de revenu située entre 60 000 et 100 000 $ est passé à 26 p. 100. Les revenus de plus de 100 000 $ seront toujours imposés au taux de 29 p. 100. Le taux dinclusion des gains en capital a été de nouveau diminué, soit à 50 p. 100, et le plan de réduction de tous les taux dimposition des sociétés pour les porter à 21 p. 100 a été accéléré (les entreprises dans le secteur des services et les entreprises de haute technologie sont généralement taxées à un taux plus élevé dans le Budget de 2000 ce taux est tombé à 27 p. 100).
Comme tout projet de politique, le projet dimpôt uniforme(18) a ses détracteurs et ses défenseurs. Du point de vue politique, ses champions affirment quil présente trois grands avantages :
La simplicité : Un impôt véritablement uniforme éliminera les longues heures passées à essayer de comprendre des lois extrêmement complexes, ce qui devrait réduire, voire éliminer, la nécessité de recourir à des fiscalistes, quils soient planificateurs, consultants ou avocats.
Léquité : Limpôt uniforme est tout aussi, si ce nest plus, équitable horizontalement que le régime actuel, qui est parfois discriminatoire à légard des ménages constitués dune seule personne. Par exemple, une famille dont le revenu combiné est de 60 000 $ (chaque conjoint gagnant 30 000 $) versera moins dimpôts dans un système progressif quun célibataire gagnant le même revenu. Léquité verticale (progressivité) peut également être assurée si lon met en place des exemptions suffisamment importantes.
La neutralité du point de vue des recettes : Limpôt uniforme peut assurer cette neutralité pour deux raisons. Premièrement, un taux dimposition inférieur et plus direct signifie quil y aura moins dévasion fiscale. Deuxièmement, de par sa conception, un impôt véritablement uniforme aura une assiette plus large, même sil est inférieur. En dautres termes, un éventail plus large de revenus est imposé que dans le régime actuel, ce qui compense le taux moindre dimposition.
Il existe un certain nombre darguments économiques moins tangibles en faveur dun impôt uniforme, qui portent pour la plupart sur des considérations defficacité. Ce type dimpôt signifie :
Moins de distorsions économiques : Le régime fiscal actuel encourage parfois des comportements qui nont guère de sens économique, notamment :
La rémunération au moyen davantages complémentaires par opposition à un traitement ou un salaire (voir plus haut). Cette pratique manque defficacité dans la mesure où lemployeur effectue des choix pour ses employés qui ne sont pas nécessairement ceux que les employés auraient faits sils avaient touché des salaires plus importants.
La double imposition des économies. Selon limpôt uniforme, les revenus sous la forme de dividendes ne seraient imposés quune seule fois, tout comme les gains en capital qui seraient imposés au niveau de la société et non pas au niveau du particulier(19). Les sociétés pourraient alors prendre leurs décisions en matière financière (emprunts, vente dactions ou émission dobligations) indépendamment de la structure fiscale.
Les distorsions du marché du travail. Dans un régime progressif, certains employés hésitent parfois à accepter un travail mieux rémunéré si cela signifie quils devront payer plus dimpôts. Lorsque cela se produit, le système actuel entraîne une perte defficacité, car la société dans son ensemble gagne à ce que ses membres donnent toute la mesure de leur talent.
Des prix plus exacts : Un impôt uniforme atténuerait les distorsions de prix dorigine fiscale. Les décisions seraient prises pour des raisons purement économiques ou en fonction de préférences. Les prix refléteraient donc de façon plus exacte loffre et la demande.
Hausse de lépargne et des investissements : Les revenus nétant imposés quune seule fois, lépargne augmenterait, ce qui mènerait, en théorie, à une baisse des taux dintérêt et à une hausse des investissements. La provision pour amortissement sur un an devrait également stimuler linvestissement.
Croissance plus rapide et productivité plus forte : Toutes choses étant égales par ailleurs, un impôt uniforme se traduirait par une hausse des investissements, qui devrait améliorer la productivité et stimuler la croissance économique, ce qui aurait des effets sur la position budgétaire du gouvernement fédéral.
Transparence accrue : Un impôt uniforme signifierait que toutes les hausses (et les baisses) dimpôt seraient tout à fait visibles et claires, ce qui nest pas le cas actuellement. Pour les défenseurs de limpôt uniforme qui sont en faveur dune intervention moindre de lÉtat, cest là un argument de taille, car toutes les hausses dimpôt visant à financer les dépenses publiques auraient un coût politique beaucoup plus grand.
Il existe bien sûr plusieurs arguments contre un impôt uniforme, dont les détracteurs invoquent généralement deux raisonnements populaires.
Un impôt uniforme est contraire à lidée que lon se fait généralement de léquité, laquelle diffère de la définition quutilisent les économistes(20). Sil est vrai quun impôt uniforme peut présenter un caractère progressif, il reste que, dans un régime dimpôt uniforme, tout allégement de limpôt rapporte le plus, en termes absolus, aux familles à revenu élevé. Comme nous lavons dit précédemment, ce phénomène est dans une certaine mesure inévitable du fait que même une toute petite réduction du taux de limpôt représente, pour les familles à revenu très élevé, une économie dimpôt importante en chiffres absolus. Or, le fait de donner « davantage » aux riches est demblée contraire aux idées reçues sur léquité, tout comme dailleurs limage dune personne riche vivant de ses économies (provenant soit de gains en capital soit de paiements dintérêt) sans avoir à acquitter personnellement un sou dimpôt sur le revenu(21), surtout si elle a hérité de cet argent ou le doit à sa bonne fortune plus quà son labeur.
Les partisans de limpôt uniforme en exagèrent les avantages.
La plupart des gens remplissent déjà une déclaration de revenus très simple Aux États-Unis par exemple, les contribuables peuvent utiliser un formulaire de déclaration simplifié dune seule page. Cette « simplification » du régime fiscal ne concerne donc que les contribuables aisés.
Les régimes dimpôt uniforme sont difficilement neutres du point de vue des recettes de lÉtat puisque, au départ, ils visent à réduire le taux marginal dimposition supérieur et comportent par ailleurs dimportantes exemptions de base pour les contribuables à faible revenu. De ce fait, lélargissement de lassiette fiscale ne suffit pas à compenser le manque à gagner, non plus que la croissance économique, les économies et la meilleure observation de limpôt que lon fait miroiter. En supposant que cet impôt ne soit pas neutre, il risque donc dentraîner une diminution des dépenses consacrées aux programmes sociaux, notamment à ceux qui ciblent les gagne-petit. En conséquence, les personnes à faible revenu paieront peut-être moins dimpôt (et recevront en fait peut-être des remboursements dimpôt plus importants), mais elles perdront au moins autant par la réduction des transferts.
Il existe bien sûr un certain nombre darguments économiques contre limpôt uniforme.
Un impôt uniforme risque datténuer les effets contracycliques du régime actuel. Par exemple, en période dexpansion, les recettes publiques ont tendance à augmenter rapidement dans un régime fiscal progressif proprement dit, ce qui a pour effet de tempérer certains des excès du cycle conjoncturel; linverse se produit en période de ralentissement. Personne ne peut prédire avec certitude les effets dynamiques dun impôt uniforme durant un cycle conjoncturel, mais il semble plausible de supposer que leffet modérateur ne serait pas aussi prononcé. Par exemple, les investissements ont tendance à suivre le cycle, et donc à augmenter lorsque le cycle est sur le point de culminer et à reculer durant un creux. Toutes choses égales par ailleurs, lamortissement ponctuel prévu dans la proposition dimpôt uniforme de Hall et Rabushka aurait pour effet de réduire les recettes publiques (par rapport au régime actuel) au sommet du cycle et de les accroître durant le creux, avec le résultat que lexpansion et la contraction économiques sen trouveraient accentuées.
Bien que les idées reçues sur léquité ne correspondent pas à la définition quutilisent les économistes, on ne doit pas les écarter demblée. Comme la dit lancien président de lAssociation canadienne déconomique Lars Osberg dans un exposé sur laggravation des inégalités sociales au Canada(22), la société civile (le bénévolat; la volonté de payer ses impôts, de respecter la loi, daider son prochain) est peut-être plus fragile quon le pensait. Comme le montre lexemple de la Russie et dautres pays en développement, il existe un risque réel de désagrégation de la société civile lorsque les autorités imposent des changements abrupts des structures institutionnelles, dont le régime fiscal est un élément important. Par ailleurs, un impôt uniforme entraîne inévitablement une plus forte réduction dimpôt en termes absolus pour les familles et les personnes à revenu élevé et pour les riches, ce qui risque de creuser les inégalités, surtout si limpôt uniforme fait baisser les recettes publiques et, partant, entraîne une réduction des programmes sociaux. Même si limpôt est sans effet sur les recettes fiscales, il pourrait quand même aggraver les inégalités à long terme ne serait-ce que du fait que les personnes à revenu élevé et les riches sont généralement mieux en mesure dinvestir limpôt épargné et de le faire fructifier rapidement que les personnes à faible revenu.
Un impôt uniforme a des effets ambigus sur le marché du travail. Si la plupart des économistes conviennent quun impôt uniforme aurait un effet de substitution positif (c.-à-d. que les gens seraient encouragés à travailler davantage sachant que leur taux dimposition est moindre), leffet de revenu est moins certain : en effet, sils disposent dun plus grand revenu disponible, les travailleurs pourraient être tentés de travailler moins puisquils pourraient de toute façon jouir du même niveau de consommation quavant. Il est impossible de déterminer a priori lequel des deux effets lemportera, ni même sils sont pertinents; ce sont peut-être des facteurs sociologiques qui domineraient. Certains arguments en faveur de limpôt uniforme témoignent clairement de cette ambiguïté. Par exemple, on invoque souvent le fait que le régime fiscal actuel est discriminatoire envers les ménages à deux parents mais à revenu unique et quil incite les deux partenaires à travailler à un salaire moindre que ce ne serait le cas dans un régime plus juste. Ainsi, la disparition de cet incitatif avec linstauration dun impôt uniforme pourrait, par un effet pervers, réduire le taux dactivité(23).
Labsence dimpôt sur les gains en capital pourrait aggraver les inégalités (et donner limpression dun manque déquité) dans la mesure où le marché ne saisit pas parfaitement les gains futurs. Autrement dit, si les acteurs des marchés ont tendance à avoir un comportement grégaire comme le donnent à penser le récent effondrement des « point.com » et des recherches sur la psychologie des investisseurs, il peut arriver que des investisseurs réalisent dimportants gains en capital ne reposant sur aucun actif sous-jacent, cest-à-dire quils obtiennent de largent sans réelle contrepartie (il arrive souvent que les sociétés dont les actions montent en flèche finissent par faire faillite, comme en témoigne lexemple devenu classique de la société canadienne Bre-X). Cest là une forme perverse de redistribution des revenus fondée non pas sur leffort mais sur la chance et ladresse au jeu(24).
On peut arguer que le Canada a déjà une sorte dimpôt uniforme pour les personnes dont le revenu dépasse le seuil de la tranche dimposition supérieure (qui passera bientôt à 100 000 $, mais qui est encore 60 008 $). Toutes choses égales par ailleurs, cela devrait attirer des gens dans la population active. Autrement dit, un régime progressif assorti dun impôt uniforme au niveau supérieur pourrait inciter les gens à travailler davantage, particulièrement si leur utilité se trouve grandie par le niveau social supérieur généralement associé à un revenu élevé.
LES CONSÉQUENCES BUDGÉTAIRES DUN IMPÔT UNIFORME
Nous avons parlé jusquici de notions plutôt abstraites. Nous nous efforcerons maintenant de donner une idée des conséquences concrètes dun régime dimpôt uniforme qui conserverait une bonne partie du système actuel de déductions et de crédits dimpôt. Il importe de souligner que ce type de régime est très différent de celui que proposent Hall et Rabushka et que nous avons étudié dans le présent document. Cependant, il est utile détudier ce système hybride dimpôt uniforme quand on sait quon apporte rarement des changements radicaux, sauf en période de crise. Il importe de se poser dabord la question suivante : quel est le taux dimposition uniforme le plus bas possible si lon veut conserver tous les éléments (réductions dimpôts et mesures de dépenses) mis en oeuvre dans les plus récents documents budgétaires (le Budget et la Mise à jour économique de 2000) et si lon part de lhypothèse que les gouvernements futurs tiendront a) à préserver un budget équilibré, b) à augmenter les dépenses nominales en fonction de laccroissement démographique augmenté de linflation et c) à réduire la dette dau moins 6 milliards de dollars par an? Il est manifestement très difficile de répondre à cette question en raison de la complexité du régime fiscal. Fort heureusement, Statistique Canada a élaboré un modèle appelé Base de données et modèle de simulation de politique sociale (BD/MSPS) qui permet de se faire une idée du coût dun régime dimpôt uniforme dans ces conditions. Avant détudier les résultats, il importe de faire deux mises en garde.
Premièrement, comme cest le cas pour tous les modèles de ce genre, il faut se méfier grandement de toute projection sur plus dun ou deux ans pour la simple raison que les hypothèses qui sous-tendent le modèle sont rapidement rendues obsolètes par les événements. Les projections les plus courtes sont les plus sûres.
Deuxièmement, le MSPS est statique dans la mesure où il est impossible dy prévoir une croissance économique. Toutes les augmentations des recettes publiques prévues proviennent de changements nominaux (inflationnistes) de la production mesurée. La précision est importante, car les partisans de limpôt uniforme affirment souvent que les mesures quils proposent stimuleraient léconomie grâce à lamélioration de lefficacité et éventuellement à laugmentation des dépenses(25).
Les graphiques 1 et 2 illustrent les résultats pour les années civiles 2000 et 2001(26). Ils montrent clairement quun impôt uniforme neutre sur le plan des recettes fiscales compte tenu des augmentations prévues des dépenses publiques, des plans de réduction de la dette et du système actuel de déductions et de crédits devrait se situer autour de 19 ou 20 p. 100. Rappelons encore une fois que les chiffres mentionnés dans le présent document ont été calculés par rapport au cas de référence, à savoir le régime fiscal modifié en fonction des changements annoncés dans le Budget et dans la Mise à jour économique de lautomne de 2000. Il faut aussi noter que les chiffres sur les coûts totaux tiennent compte des effets de linstauration dun impôt uniforme, dune augmentation annuelle de 1 p. 100 des dépenses publiques (correspondant à laccroissement démographique) et dune réduction annuelle de la dette publique de 6 milliards de dollars.
Nous avons tenté ici de brosser un tableau contextuel relativement complet de limpôt uniforme en étudiant dabord ses origines, ses usages contemporains et le pour et le contre de ce type dimpôt. Nous avons aussi analysé certaines des conséquences budgétaires probables de limpôt uniforme en fonction dun projet politiquement plausible et du régime fiscal courant. Ces calculs ne sont là quà titre indicatif. Bien des choses peuvent se passer en un ou deux ans qui pourraient rendre ce type de solution plus ou moins faisable. Sil faut tirer une conclusion de cette analyse, cest la suivante : les données historiques et internationales montrent que la probabilité de ladoption dun régime dimpôt uniforme est le plus élevée après un échec brutal et retentissant du régime fiscal courant (Russie) ou dans les premiers stades de létablissement dun régime fiscal (Estonie, Lettonie et Hong Kong). En dehors de ces cas, linertie inhérente au régime fiscal courant a invariablement pour effet de rendre méconnaissables les projets dimpôt uniforme au point damoindrir ou de faire carrément disparaître la plupart des avantages de ce type dimpôt et, en dernière analyse, de compromettre le potentiel de génération de recettes de ce type de régime, ce qui ne peut que mettre en danger les programmes essentiels et, partant, entraîner éventuellement des coûts politiques élevés.
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(1) Le député Dennis Mills a également proposé un impôt uniforme. Le Parti progressiste-conservateur a brièvement envisagé lidée, tout comme le Parti réformiste, prédécesseur de lAlliance canadienne.
(2) Il peut évidemment arriver que la famille sans enfant ait dimportants frais médicaux, pour lun ou lautre conjoint, ou soccupe de grands-parents malades.
(3) Voir, par exemple, la définition de fiscalité progressive et régressive que donne le lauréat du prix Nobel William Vickrey dans le dictionnaire New Palgrave. Ce quil appelle un régime « progressif au sens strict » comporte des taux marginaux dimposition différents selon les catégories de revenu. Il note toutefois que même les impôts et les régimes fiscaux normalement considérés comme régressifs peuvent être modifiés pour réduire leur degré de régressivité ou même les rendre modérément progressifs. Il y aurait une autre façon dobtenir un impôt uniforme progressif : imposer tous les revenus (sans exemption) également, mais assortir ce système dun crédit dimpôt important, et instaurer ainsi un impôt négatif ou un revenu de base garanti. Voir, par exemple, S. Lerner, C.M.A. Clark et W.R. Needham « Basic Income: Economic Security for All Canadians ». Selon une autre formule, un régime fiscal comportant des exemptions et/ou des déductions adéquates comme celui que proposent Robert Hall et Alain Rabushka et certaines de ses variantes pourrait combiner équité horizontale et équité verticale dans les mêmes proportions.
(4) En supposant que, toutes choses étant égales par ailleurs, limpôt uniforme ne mène pas forcément à des compressions des programmes daide sociale qui transfèrent des fonds directement aux familles à faible revenu.
(5) Cela était également vrai au Canada; voir Perry (1997). Les droits tarifaires et les taxes daccise étaient et sont toujours régressifs lorsquils sappliquent aux biens et services auxquels est consacrée une portion plus importante du revenu dune famille ou dun particulier à faible revenu que de celui dune famille ou dun particulier plus à laise, car les fabricants sont en général capables de répercuter les taxes sous forme de hausse de prix. Par exemple, les taxes daccise sur lessence sont généralement considérées comme régressives, car les familles et les particuliers à faible revenu dépensent une portion plus grande de leur revenu en essence que les familles ou particuliers à revenu élevé. Toutefois, comme lindique Gillespie (1991), les Canadiens ont de tout temps hésité à imposer des taxes daccise sur des articles de base (café, thé, alimentation) par souci dattirer et de retenir les immigrants qui avaient tendance à consacrer une plus forte proportion de leur revenu à ces articles. La plupart des taxes visaient des produits associés au « péché », comme lalcool, ce qui a été possible sur le plan politique en raison des forces encourageant la prohibition.
(6) Cest en Grande-Bretagne, en 1799, que le premier impôt généralisé sur le revenu a été instauré, pour financer en loccurrence les Guerres napoléoniennes. Limpôt a ensuite été abrogé puis réintroduit dans les années 1880, et est devenu un trait permanent des finances publiques.
(7) Dans certaines provinces, des impôts sur le revenu ont été perçus avant la Première Guerre mondiale.
(8) Perry estime quil y a lieu de douter des déclarations selon lesquelles le Canada davant-guerre aurait été un paradis fiscal, citant le travail de O.D. Skelton, daprès lequel le montant moyen dimpôt par habitant était de 31,50 $ au Canada, de 24,63 $ en Angleterre et de 30,90 $ aux États-Unis (p. 145).
(9) Voir David B. Perry, « Financing the Canadian Federation, 1867-1995: Setting the Stage for Change », Toronto, Association canadienne détudes fiscales, 1997.
(10) Cet apercu historique est de Gillespie (1991).
(11) Le résumé de la Loi de limpôt sur le revenu de la CCH Canadienne Limitée notes techniques, amendements à venir, communiqués du ministère des Finances et avis des voies et moyens compris compte environ 1 890 pages.
(12) Les résidents de Hong Kong peuvent choisir entre un taux dimposition uniforme de 15 p. 100 de leur revenu ou un régime fiscal plus traditionnel, avec déductions et exemptions. Certains ont proposé ce modèle, appelé MAXTAX, pour les États-Unis. Voir Moore (1997) pour en savoir plus sur ce projet.
(13) Le concept dimpôt uniforme est inextricablement lié à celui dimpôt sur le revenu, même sil soppose à un certain régime dimpôt sur le revenu (taxes à la consommation).
(14) Avant 1988, il existait dix taux marginaux dimposition allant de 6 p. 100 sur la première tranche de 1 320 $ à 34 p. 100 sur les revenus imposables supérieurs à 63 347 $.
(15) En 1988, les seuils étaient de 27 500 et de 55 000 $, alors quils se situaient à 29 590 et 59 180 $ au début de 2000. Cela représente une hausse de 7,6 p. 100 sur 12 ans, alors que lindice des prix à la consommation a augmenté de 30 p. 100 pendant la même période.
(16) Bien que les fourchettes de revenu aient été indexées sur linflation lorsque celle-ci était supérieure à 3 p. 100, cela a eu peu deffet, puisque la Banque du Canada a mené une politique de maintien de linflation au-dessous de ce chiffre et y est parvenue pendant la majeure partie de la décennie.
(17) Ce sont les effets à court terme du plan fiscal. Le plan à moyen terme visait à réduire à 23 p. 100 le taux dimposition des revenus moyens et de relever à 35 000 $ le plafond de la tranche de revenu imposée au taux marginal le plus bas et à une fourchette de 35 000 à 70 000 $ la tranche de revenu imposée au taux intermédiaire. Ces chiffres plus élevés résultent dun relèvement des seuils et du rétablissement de la pleine indexation. Lindexation devait également accroître lexemption personnelle de base pour la porter de 7 131 $ à 8 000 $ dici cinq ans. Le plan prévoyait également laugmentation de la prestation canadienne fiscale pour enfants, la portant à 2 400 $ dici 2004, et lélimination de la surtaxe de 5 p. 100 pour les particuliers dont le revenu est dau plus 85 000 $.
(18) Le terme dimpôt uniforme fait référence au projet de Hall et Rabushka qui semble être le système proposé le plus complet et le plus débattu.
(19) Largument est le même que pour limposition unique des dividendes. Prenons lexemple des actions dentreprises, qui représentent en théorie la valeur actuelle capitalisée des gains futurs après impôt. Il y a gain en capital lorsque le prix des actions augmente du fait que lon sattend à une hausse des profits futurs. Ces profits seront imposés le moment venu, sils se réalisent (il arrive que les marchés se trompent). Parce que lobjectif est de nimposer quune fois tous les revenus, il nest pas logique de les imposer lorsquils se trouvent entre les mains des actionnaires qui réalisent ce gain en capital.
(20) Daprès des recherches récentes dans le domaine en expansion rapide de léconomie et de la psychologie, lidée que les gens se font de léquité diverge considérablement de la définition quutilisent les économistes.
(21) Ce revenu, cependant, est imposé à la source (c.-à-d. au niveau de la société).
(22) Lars Osberg, « Poverty in Canada and the USA: Measurement, Trends and Implications », exposé du président devant lAssociation canadienne déconomique, Vancouver, 3 juin 2000, disponible en anglais sur Internet à ladresse http://is.dal.ca/~osberg/uploads/Povtrend.PDF.
(23) Cet argument plaît à certains des partisans de limpôt uniforme qui y voient une façon dencourager les mères ou les pères qui restent à la maison pour soccuper de leurs enfants.
(24) Linégalité peut aussi avoir des conséquences économiques directes. Par exemple, J. Barkley Rosser et Marina Vcherashnaya Rosser (2001) présentent des données empiriques selon lesquelles le creusement des inégalités pourrait encourager le développement de léconomie souterraine, phénomène qui prive le gouvernement de recettes fiscales.
(25) Certains économistes sont davis que les avantages proviendraient des gains defficacité puisque limpôt a des effets nuls à long terme.
(26) Il importe de noter quil sagit ici dannées civiles, tandis que les projections budgétaires portent généralement sur des exercices financiers se terminant le 31 mars. Pour compenser, nous posons en hypothèse que le quart de lexcédent pour 1999-2000 et les trois quarts de lexcédent projeté pour 2000-2001 représentent léquivalent de lexcédent de lannée civile 2000. Cela produit des excédents projetés de 12 milliards de dollars pour lannée civile 2000, au lieu de 11,9 milliards de dollars pour 2000-2001, et de 9,2 milliards de dollars pour lannée civile 2001, au lieu de 8,3 milliards de dollars pour 2001-2002.