PRB 01-14F
Rédaction
:
Peter Niemczak
Philip Rosen, Analyste principal
Division du droit et du gouvernement
Le 10 octobre 2001
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ DE LA LOI SUR LES MESURES DURGENCE
D. État de crise internationale
H. Contrôle parlementaire des décrets et des règlements
LA LOI SUR LES MESURES D'URGENCE (1)
La Loi sur les mesures durgence(2) définit les mesures à prendre pour proclamer, proroger et abroger des déclarations de sinistre, détat durgence, détat de crise internationale et détat de guerre. Elle a reçu la sanction royale le 21 juillet 1988.
Le Parlement a adopté la Loi sur les mesures de guerre en août 1914, peu après le début de la Première Guerre mondiale. Cette loi, qui sinspirait en partie de la loi britannique intitulée Defence of the Realm Act, avait pour but dassurer la sécurité nationale et de permettre les préparatifs voulus en temps de guerre. Avant dêtre abrogée, elle :
autorisait le gouverneur en conseil à proclamer lexistence réelle ou appréhendée de létat de guerre, dune invasion ou dune insurrection;
prévoyait que la proclamation de ces conditions était une preuve concluante de leur existence;
permettait au gouverneur en conseil de prendre les décrets et règlements jugés nécessaires à la sécurité, à la défense, à la paix, à lordre et au bien-être du Canada.
La Loi sur les mesures de guerre a été modifiée en 1960 par la Déclaration canadienne des droits. Sa version modifiée prévoyait que toutes les mesures prises en vertu de ses dispositions étaient réputées ne pas constituer une transgression, une suppression ni même une réduction des libertés et des droits reconnus par la Déclaration canadienne des droits. Elle disposait aussi que la proclamation faite en vertu de ses dispositions devait par la suite être déposée au Parlement et que le Sénat et la Chambre des communes pouvaient étudier la possibilité de la révoquer.
On a invoqué la Loi sur les mesures de guerre à trois moments de lhistoire canadienne : pendant et après la Première Guerre mondiale, la Deuxième Guerre mondiale et la Crise doctobre 1970. Ainsi, elle a été en vigueur du 4 août 1914 au 10 janvier 1920, date de la fin de la guerre avec lAllemagne, proclamée dans un décret impérial. La révolution bolchevique qui sévissait en Russie en 1917 a donné lieu à ladoption dun certain nombre de règlements et de décrets en vertu desquels ladhésion à certains organismes a été interdite et des personnes ont été internées. La Loi a ensuite été en vigueur du 25 août 1939 jusquen 1945, année de la promulgation de la Loi sur les pouvoirs résultant de circonstances critiques nationales, qui est demeurée en vigueur jusquau 31 mars 1947. En 1947, la Loi sur le maintien des mesures transitoires a été adoptée pour maintenir certains décrets et règlements pris pendant la guerre et a cessé de sappliquer le 30 avril 1951. Durant la guerre de Corée, la Loi sur les mesures de guerre na pas été invoquée, mais certains pouvoirs limités ont été consentis au Cabinet de mars 1951 à mai 1954 dans la Loi sur les pouvoirs durgence.
Enfin, on a eu recours à la Loi sur les mesures de guerre en octobre 1970 pour résoudre la crise nationale provoquée par le F.L.Q. La Loi a été remplacée le 1er décembre 1970 par la Loi sur lordre public (pouvoirs durgence provisoires), qui renfermait en gros les mesures adoptées plus tôt en application de la Loi sur les mesures de guerre et qui a cessé de sappliquer le 30 avril 1971.
En mai 1981, le gouverneur en conseil a pris le Décret sur la planification durgence, qui conférait à divers ministres, ministères et agences gouvernementales la responsabilité de planifier les mesures visant à répondre aux exigences de différentes situations durgence.
La Loi sur les mesures durgence et la mesure qui la complétait, le projet de loi C-76, intitulé Loi sur la protection civile, visaient à créer un nouveau cadre juridique applicable dans les situations de crise. La Loi sur les mesures de guerre, contestée parce quelle conférait au gouvernement des pouvoirs pratiquement illimités, a été abrogée par le projet de loi C-77, car elle allait devenir inutile.
RÉSUMÉ DE LA LOI SUR LES MESURES DURGENCE
La Loi sur les mesures durgence comporte un préambule qui expose le vaste contexte de son application et de son interprétation. La Loi :
établit le cadre législatif dans lequel les sinistres, létat durgence, létat de crise internationale et létat de guerre sont déclarés par proclamation, prorogés, abrogés et soumis à lexamen du Parlement;
crée un mécanisme dindemnisation des personnes qui subissent des dommages par suite dactes posés en application de ses dispositions;
apporte un certain nombre de modifications corrélatives à la Loi durgence de 1979 sur les approvisionnements dénergie, à la Loi sur la défense nationale et à la Loi sur la radio;
abroge la Loi sur les mesures de guerre.
Le préambule de la Loi :
énonce les obligations générales qua le gouvernement à légard de la sécurité des individus, de la protection des valeurs du corps politique et de la préservation de la souveraineté, de la sécurité et de lintégrité territoriale du pays;
signale que le respect de ces obligations peut être gravement compromis lorsquune situation de crise nationale met temporairement en péril la prospérité de lensemble du pays ou excède la capacité ou les pouvoirs dintervention des provinces;
énonce le principe général selon lequel le gouverneur en conseil doit être habilité, sous le contrôle du Parlement, à prendre à titre temporaire des mesures extraordinaires pour faire face à ces situations;
prévoit que, dans lapplication de telles mesures, le gouverneur en conseil est assujetti à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Déclaration canadienne des droits et quil doit tenir compte des droits fondamentaux garantis dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont le Canada est signataire et par lequel il est lié, droits auxquels il ne saurait être porté atteinte même dans des situations de crise nationale ces droits, dont le préambule ne fait pas état, étant :
le droit à la vie;
le droit à la protection contre les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
le droit à la protection contre lesclavage;
le droit à la protection contre lemprisonnement pour dettes;
le droit à la protection contre la criminalisation rétroactive de certains actes;
le droit de chacun à la reconnaissance de sa personnalité juridique;
les libertés de pensée, de conscience et de religion.
Lorsque le gouverneur en conseil a des motifs raisonnables de croire quil se produit au Canada un sinistre justifiant en loccurrence la prise à titre temporaire de mesures extraordinaires, il peut, par proclamation, après avoir consulté le lieutenant-gouverneur en conseil de la province ou des provinces touchées, faire une déclaration à cet effet (par. 6(1) et art. 14). Si le sinistre ne touche quune province, le gouverneur en conseil ne peut faire de déclaration que si le lieutenant-gouverneur en conseil de la province lui signale que le sinistre échappe à la capacité ou aux pouvoirs dintervention de la province (par. 14(2)).
Le sinistre est défini comme une situation de crise comportant le risque de pertes humaines et matérielles, de bouleversements sociaux ou dune interruption de lacheminement des denrées, ressources et services essentiels, dune gravité telle que ces événements constituent une situation de crise nationale, causée par lexistence ou limminence :
de catastrophes naturelles;
de maladies affectant les humains, les animaux ou les végétaux;
daccidents ou de pollution (art. 5).
La déclaration de sinistre doit comporter :
une description de létat de choses qui constitue le sinistre;
lindication des mesures dintervention spéciales et temporaires que le gouverneur en conseil juge nécessaire de prendre pour y faire face;
si le sinistre nest pas denvergure nationale, la désignation de la zone directement touchée (par. 6(2)).
Tant que la déclaration de sinistre est valide, le gouverneur en conseil peut prendre des décrets ou des règlements concernant :
1) la réglementation ou linterdiction des déplacements, si cela est nécessaire pour la protection de la santé et de la sécurité de personnes physiques;
2) lévacuation de personnes et lenlèvement de biens mobiliers;
3) la réquisition, lusage ou laliénation de biens;
4) la prestation des services essentiels et le versement dune indemnité raisonnable pour ces services;
5) le versement de paiements durgence;
6) la mise sur pied dabris et dhôpitaux durgence;
7) la distribution des biens et services essentiels;
8) lévaluation des dommages causés à des ouvrages ou entreprises et leur réparation, remplacement ou remise en activité;
9) lévaluation et latténuation des dommages causés à lenvironnement;
10) limposition, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, dune amende maximale de 500 $ et dun emprisonnement maximal de six mois ou de lune de ces peines ou, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, dune amende maximale de 5 000 $ et dun emprisonnement maximal de cinq ans ou de lune de ces peines, en cas de contravention aux décrets ou règlements (par. 8(1)).
Lorsque le gouverneur en conseil a des motifs raisonnables de croire quil se produit au Canada un état durgence, il peut, par proclamation, après avoir consulté le lieutenant-gouverneur en conseil de chaque province touchée, faire une déclaration à cet effet. Si létat durgence ne touche quune province, la déclaration ne peut être faite quavec laccord de son lieutenant-gouverneur en conseil (par. 17(1) et art. 25). La déclaration doit comporter :
une description des circonstances la justifiant;
lindication des mesures dintervention spéciales et temporaires que le gouverneur en conseil entend prendre;
si létat durgence ne touche pas tout le Canada, la désignation de la zone touchée (par. 17(2)).
Létat durgence est défini comme une situation de crise causée par des menaces envers la sécurité du Canada (au sens de larticle 2 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité) dune gravité telle quelle constitue une situation de crise nationale (art. 16).
Le gouverneur en conseil peut, par décret ou règlement :
1) réglementer ou interdire les déplacements, lutilisation de biens désignés et les assemblées publiques dont il est raisonnable de penser quelles auraient pour effet de troubler la paix;
2) désigner et aménager des lieux protégés;
3) prendre le contrôle des services publics ou en assurer la restauration et lentretien;
4) autoriser ou ordonner la fourniture de services essentiels et le versement dune indemnité raisonnable pour ces services;
5) imposer, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 500 $ et un emprisonnement maximal de six mois ou lune de ces peines ou, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, une amende maximale de 5 000 $ et un emprisonnement maximal de cinq ans ou lune de ces peines, en cas de contravention aux décrets ou règlements (par. 19(1)).
D. État de crise internationale
Sil a des motifs raisonnables de croire quil existe un état de crise internationale et sil a consulté le lieutenant-gouverneur en conseil de chaque province, le gouverneur en conseil peut, par proclamation, faire une déclaration à cet effet (par. 28(1) et art. 35). Létat de crise internationale est défini comme une situation de crise à laquelle sont mêlés le Canada et un ou plusieurs autres pays, à la suite dactes dintimidation ou de coercition ou de lusage, effectif ou imminent, de force ou de violence grave et qui est suffisamment grave pour constituer une situation de crise nationale (art. 27). La déclaration détat de crise internationale doit décrire la situation qui la justifie et indiquer les mesures dintervention spéciales et temporaires quenvisage le gouverneur en conseil (par. 28(2)).
Une fois quil a déclaré un état de crise internationale, le gouverneur en conseil peut, par décret ou règlement :
1) contrôler ou réglementer des industries ou des services désignés;
2) réquisitionner, contrôler, confisquer, utiliser et aliéner des biens ou des services;
3) autoriser la conduite denquêtes relatives aux contrats de défense et aux matériels de défense ainsi quau stockage et aux pratiques de marché noir;
4) autoriser la fouille de lieux ou de véhicules, ou encore de personnes sy trouvant, à la recherche déléments de preuve utiles dans une enquête visée au point 3);
5) autoriser ou ordonner la prestation de services essentiels, ainsi que le versement dune indemnité raisonnable pour ces services;
6) désigner et aménager des lieux protégés;
7) réglementer ou interdire les déplacements à létranger et ladmission au Canada;
8) renvoyer du Canada des personnes autres que les citoyens canadiens, les résidents permanents au sens de la Loi sur limmigration et les personnes à qui le statut de réfugié au sens de la Convention a été reconnu et qui respectent certains critères(3);
9) contrôler ou réglementer au Canada des éléments internationaux dactivités financières;
10) autoriser des dépenses dépassant les limites fixées par le Parlement;
11) habiliter des ministres à assumer des responsabilités particulières;
12) imposer, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 500 $ et un emprisonnement maximal de six mois ou lune de ces peines ou, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, une amende maximale de 5 000 $ et un emprisonnement maximal de cinq ans ou lune de ces peines, en cas de contravention aux décrets ou règlements (par. 30(1)).
Lorsque le gouverneur en conseil a des motifs raisonnables de croire quil existe un état de guerre, il peut, par proclamation, faire une déclaration à cet effet, après avoir consulté le lieutenant-gouverneur en conseil de chaque province (par. 38(1) et art. 44). Dans la déclaration, il doit décrire, dans la mesure où il est opportun de le faire sans nuire aux mesures extraordinaires envisagées, la situation de crise qui est à lorigine de sa décision (par. 38(2)).
Tant que la déclaration détat de guerre est valide, le gouverneur en conseil peut, par décret ou règlement, prendre toute mesure fondée pour faire face à la crise. Le Sénat a modifié larticle 40 en y ajoutant une disposition précisant que les décrets et les règlements pris par le gouverneur en conseil en vertu du paragraphe 40(1) ne peuvent être appliqués de façon à obliger des personnes à servir dans les Forces canadiennes. Le gouverneur en conseil peut en outre imposer, en cas de contravention aux décrets ou règlements, une amende maximale de 5 000 $ et un emprisonnement maximal de cinq ans ou lune de ces peines, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, ou une amende maximale de 500 $ et un emprisonnement maximal de six mois ou lune de ces peines, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire (art. 40).
La déclaration dune situation de crise prend effet à la date de sa proclamation par le gouverneur en conseil et, sauf abrogation ou prorogation antérieure, cesse davoir effet après 90 jours dans le cas dun sinistre (art. 7), 30 jours dans le cas dun état durgence (art. 18), 60 jours dans le cas dun état de crise internationale (art. 29) et 120 jours dans le cas dun état de guerre (art. 39). Une motion de ratification de la déclaration doit être déposée au Parlement dans les sept jours de séance suivant la date de la proclamation de la situation de crise par le gouverneur en conseil. La motion doit être déposée devant les deux chambres du Parlement et comporter un exposé des motifs de la déclaration ainsi quun compte rendu des consultations qui peuvent avoir été nécessaires avec les lieutenants-gouverneurs en conseil. Si, après en avoir débattu, une des deux chambres rejette la motion, la déclaration est réputée abrogée à compter de la date du vote de rejet (art. 58).
Si au moins dix sénateurs ou vingt députés signent une motion demandant labrogation dune déclaration de situation de crise, la motion doit être débattue dans les six jours de séance suivant sa présentation. Si, après en avoir débattu, les deux chambres du Parlement adoptent la motion, la déclaration est abrogée à compter de la date du vote (art. 59). Lorsque le gouverneur en conseil est convaincu que la situation de crise a pris fin, il peut abroger la déclaration par décret (art. 11, 22, 33 et 42).
Une proclamation du gouverneur en conseil modifiant ou prorogeant une déclaration de situation de crise pour une période égale à celle qui était visée par la proclamation initiale doit être déposée devant chacune des deux chambres du Parlement dans les sept jours de séance suivant sa prise. Si lune des deux chambres rejette la motion de ratification de la proclamation, cette dernière est réputée abrogée à compter de la date du vote de rejet (art. 60). Aucune disposition ne prévoit la modification des déclarations détat de crise internationale et détat de guerre.
Aux termes de la Loi sur les mesures durgence, aucune action pour dommages-intérêts ne peut être intentée contre un ministre, un préposé ou un mandataire de la Couronne, ou contre une personne qui fournit des services conformément à un règlement, pour un fait accompli pendant la durée dune situation de crise (art. 47). Par contre, le ministre doit accorder une indemnité raisonnable à quiconque a subi des dommages corporels ou matériels occasionnés par des actes posés en application de la Loi, à condition que lintéressé ait signé une renonciation. En pareil cas, la Couronne est subrogée dans les droits du bénéficiaire de lindemnité (par. 48(1), (2) et (3)). Aux termes de la Loi, le demandeur qui nest pas satisfait de la décision du ministre en matière dindemnité peut en appeler à un appréciateur choisi parmi les juges de la Cour fédérale du Canada par le gouverneur en conseil (art. 50 et 51).
Après audition de lappel, lappréciateur peut :
confirmer la décision du ministre;
sans dépasser le montant maximal établi par règlement pour lindemnité, modifier la décision du ministre;
renvoyer laffaire au ministre pour exécution des directives quil (lappréciateur) pourrait donner, notamment quant au versement dune indemnité supérieure à lindemnité maximale prévue par règlement (art. 52)(4).
Le gouverneur en conseil peut, par règlement :
1) déterminer les modalités de présentation des demandes dindemnisation ;
2) fixer le délai de présentation des demandes dindemnisation ;
3) déterminer les critères dévaluation susceptibles de justifier une indemnisation;
4) fixer lindemnité maximale qui peut être versée;
5) fixer les conditions du versement des indemnités;
6) prévoir que des indemnités ne pourront être versées à des catégories de personnes ou pour des catégories de dommages;
7) prévoir la notification aux personnes touchées par des demandes dindemnisation (art. 49).
H. Contrôle parlementaire des décrets et des règlements
Tous les décrets ou règlements pris par le gouverneur en conseil en application de la Loi doivent être déposés devant chaque chambre du Parlement dans les deux jours de séance suivant la date de leur prise (par. 61(1)). Si le gouverneur en conseil est davis que la Loi sur les textes réglementaires soustrait un décret ou un règlement dapplication de la Loi à la publication dans la Gazette du Canada, le décret ou le règlement est renvoyé au comité dexamen parlementaire dans les deux jours suivant sa prise (par. 61(2)). Le comité dexamen parlementaire (qui peut être mixte ou être établi par lune ou lautre chambre du Parlement) examine à huis clos les décrets et règlements qui lui sont renvoyés aux termes du paragraphe 61(1). Si, dans les 30 jours suivant le renvoi au comité dun décret ou dun règlement, une motion portant modification ou abrogation du texte réglementaire est adoptée, le décret ou le règlement est réputé modifié ou abrogé dès la date prévue dans la motion (laquelle ne peut être antérieure à celle de ladoption de la motion) (art. 62). Le Sénat a modifié larticle 62 de manière à ce que le comité dexamen parlementaire soit composé dun député de chacun des partis reconnus aux Communes et dau moins un sénateur de chacun des partis représentés au Sénat dont un député siège au comité.
Si au moins dix sénateurs ou vingt députés proposent par voie de motion labrogation dun décret ou dun règlement déposé devant le Parlement, la motion doit être mise à létude et débattue. Si les deux chambres ladoptent, le décret ou le règlement visé est réputé abrogé dès la date prévue dans la motion, laquelle ne peut être antérieure à celle du vote dadoption (par. 61(3)-(8)).
La Loi sur les mesures de guerre a suscité des controverses pour ainsi dire dès son adoption par le Parlement, en 1914. On a promis pendant de nombreuses années dabroger ou de remplacer cette loi, qui ne traitait que de situations de crise survenant seulement en temps de guerre, dinvasion ou dinsurrection, réelle ou appréhendée. On lui reprochait de conférer trop de pouvoirs au gouvernement qui linvoquait, de donner trop peu de contrôle au Parlement, de ne pas prévoir dexamen judiciaire et détablir un mécanisme dindemnisation insuffisant. La Loi sur les mesures durgence a pour objet de combler les lacunes de la Loi sur les mesures de guerre :
en établissant les modalités dun suivi parlementaire;
en faisant état dans son préambule de la Déclaration canadienne des droits, de la Charte canadienne des droits et libertés et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques;
en créant un mécanisme dindemnisation.
Certains soutiennent que la mention de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Déclaration canadienne des droits dans le préambule fait en sorte que tout recours à la Loi sur les mesures durgence par un gouvernement sera soumis à lexamen des tribunaux. Dautres affirment que lexamen judiciaire aurait plus de poids sil était fait mention de ces deux documents de protection des droits de la personne dans une disposition de fond de la Loi, comme cest le cas dans la Loi sur laccès à linformation et la Loi sur les jeunes contrevenants. En effet, le préambule dune loi sert uniquement à en faire connaître lobjet, tandis quune déclaration dintention dans le corps même de la loi est contraignante pour les tribunaux chargés de linterpréter.
Dans la version de la Loi qui a été présentée en première lecture, lexpression « situation de crise nationale » était définie dans le préambule par la mention dun « concours de circonstances tel quil met temporairement en péril la prospérité de lensemble du pays ». Comme il a été signalé que cette définition sappliquait aux quatre types de situation de crise visés par la Loi, le Ministre a proposé eu égard à ces critiques de lendroit où était énoncée cette définition et pour clarifier les choses que la notion de « crise nationale » soit définie à larticle 3 de la Loi, amendement que le comité législatif a accepté.
En réponse aux critiques, on a modifié la Loi de manière à limiter certains des vastes pouvoirs de réglementation du gouverneur en conseil. Ainsi, les pouvoirs de fouille et de saisie ne sappliquent plus quaux enquêtes portant sur des pratiques de marché noir (al. 30(1)c) et d)); les assemblées publiques ne peuvent être réglementées que sil est raisonnable de penser quelles auraient pour effet de troubler la paix (al. 19(1)a)); une modification au pouvoir de réglementation conféré à larticle 8 (sinistres) précise que les règlements ne peuvent servir à mettre fin à une grève ou à un lock-out. Les pouvoirs conférés en cas détat de crise internationale ne peuvent servir à des fins de censure (al. 30(2)b)).
Selon le texte présenté en première lecture, lexercice de nombreux pouvoirs reposait sur le jugement du gouverneur en conseil. Les mêmes dispositions exigent maintenant que le gouverneur en conseil ait « des motifs raisonnables de croire » quune certaine situation existe. Selon le Ministre, cette modification permet de soumettre la décision aux tribunaux.
Une autre série de modifications a précisé les pouvoirs des provinces, et le gouvernement fédéral est maintenant tenu de consulter ces dernières avant de prendre des mesures (art. 6, 17, 28 et 38).
Certaines dispositions contestées sont toutefois demeurées dans la Loi. Par exemple, on déplore quaucune disposition relative à létat de guerre ne précise à quels égards le gouverneur en conseil peut prendre des règlements. Selon les détracteurs de ces critiques, le suivi parlementaire et la possibilité dun examen judiciaire, tous deux prévus par la Loi, suffiront à contrôler la portée des règlements.
Ceux qui contestaient la définition de lexpression « état durgence » ont affirmé quen y intégrant celle des « menaces envers la sécurité du Canada », qui figure à larticle 2 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, on perpétue lambiguïté de cette définition lorsquil sagit des « activités influencées par létranger » et de la « subversion ». Dautres ont dénoncé cette critique et soutenu quen interprétant cette définition à la lumière de celle de « situation de crise nationale », on fait en sorte de ne pas transposer la même ambiguïté dans la Loi.
Certains ont souligné quun des points forts de la Loi est le suivi parlementaire de son invocation, lequel serait, dit-on, dune portée beaucoup plus grande que celui que prévoyait la Loi sur les mesures de guerre avant son abrogation. Dautres affirment que cette garantie est illusoire, étant donné quun gouvernement majoritaire fera presque toujours en sorte quune déclaration de situation de crise reste en vigueur tant quil le voudra bien.
Selon certains observateurs, les dispositions relatives à lindemnisation sont moins rudimentaires que celles que prévoyait la Loi sur les mesures de guerre dans la mesure où elles établissent des règles de base et un mécanisme pour létablissement des indemnités. Dautres assurent au contraire quelles sont lacunaires, car elles confèrent trop de pouvoirs de réglementation au gouverneur en conseil.
(1) La présente étude est basée sur un document produit par la Direction de la recherche parlementaire et intitulé Projet de loi C-77 : Loi sur les mesures durgence (modifié par la Chambre des communes), Résumé législatif LS-16F, Philip Rosen, 1er décembre 1987, révisé le 31 mai 1988.
(2) S.C. 1988, ch. 29.
(3) Cet alinéa a été modifié par la Loi modifiant la Loi sur limmigration, S.C. 1992, ch. 49, art. 125.
(4) La Loi corrective de 1993, S.C. 1993, ch. 34, art. 61, a apporté de légères modifications au libellé de cet article.