PRB 01-17F

 

LE DROIT PÉNAL INTERNATIONAL

 

Rédaction :
David Goetz
Division du droit et du gouvernement
Le 15 octobre 2001


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

ASPECTS INTERNATIONAUX DU DROIT PÉNAL INTERNE

   A.  Aperçu

   B.  Compétence extraterritoriale en matière pénale

      1.  Aperçu

      2.  Compétence extraterritoriale du Canada

   C.  Extradition

   D.  Entraide juridique

CRIMES ET TRIBUNAUX INTERNATIONAUX

   A.  Crimes internationaux

   B.  Les tribunaux pénaux internationaux

      1.  Les tribunaux spéciaux

      2.  Le chemin de Rome : l’institution d’une cour pénale internationale permanente


LE DROIT PÉNAL INTERNATIONAL

INTRODUCTION

Le concept du droit pénal international s’applique habituellement à deux domaines distincts du droit : les dimensions internationales du droit pénal interne, et ce qu’on pourrait appeler le droit pénal international proprement dit, c’est-à-dire le droit pénal substantiel et les institutions judiciaires pénales au niveau international lui-même.

ASPECTS INTERNATIONAUX DU DROIT PÉNAL INTERNE

   A.  Aperçu

Alors que les forces policières, les procureurs et les tribunaux d’un pays ne peuvent exercer leurs fonctions qu’à l’intérieur du territoire relevant de leur compétence, la criminalité ne tient pas compte des frontières.  C’est pourquoi les États ont dû concevoir des outils juridiques susceptibles de servir dans les cas où un ou plusieurs des éléments suivants se trouvent ou se déroulent à l’étranger : le lieu du crime, l’accusé, les éléments de preuve ou les procédures pénales.

Les aspects internationaux de l’application du droit pénal national comprennent la compétence extraterritoriale ainsi que divers mécanismes de coopération interétatique en matière pénale tels que l’extradition, l’entraide juridique, et la saisie et confiscation des produits de la criminalité.

   B.  Compétence extraterritoriale en matière pénale

      1.  Aperçu

Chaque État a compétence pour ce qui est des poursuites et des sanctions relativement à des crimes commis à l’intérieur de ses frontières (le principe territorial).

De plus, les États revendiquent habituellement une certaine compétence en matière pénale à l’égard d’au moins quelques-uns de leurs ressortissants qui commettent des crimes à l’étranger (le principe de la personnalité active).  La compétence mondiale en matière pénale des États sur leur personnel militaire en est un exemple.   Certains États, notamment de nombreux pays de l’Europe continentale, exercent une compétence extraterritoriale générale en matière pénale sur tous leurs citoyens.

Les États revendiquent parfois une compétence extraterritoriale lorsqu’un de leurs ressortissants est victime d’un crime (le principe de la personnalité passive).  Toutefois, ce principe est  invoqué  moins souvent que le principe territorial ou le principe de la personnalité active.

Pour des pays comme le Canada où le droit pénal se base sur le droit anglais, le principe territorial est la règle et la compétence extraterritoriale, l’exception.  Le paragraphe 6(2) du Code criminel (L.R.C. 1985, ch. C-46, modifié) prévoit que, sous réserve du Code ou d’autres lois fédérales, nul ne peut être déclaré coupable d’une infraction commise à l’extérieur du Canada.  Toutefois, même les États qui, comme le Canada, privilégient le principe territorial tendent à revendiquer de plus en plus fréquemment une compétence extraterritoriale en matière pénale relativement à des crimes internationaux et transnationaux, souvent par suite d’engagements découlant de traités internationaux.

      2. Compétence extraterritoriale du Canada

Le droit canadien actuel prévoit une compétence extraterritoriale générale dans les contextes suivants :

Contexte

Disposition législative

Infractions commises par des membres du personnel militaire canadien et d’autres personnes soumises au Code de discipline militaire

Loi sur la défense nationale, L.R.C. 1985, ch. N-5, modifiée, articles 67, 130 et 132

Tout acte criminel commis par un fonctionnaire fédéral canadien

Code criminel, paragraphe 7(4)

Tout acte criminel commis relativement à un aéronef canadien ou à bord d’un tel aéronef

Code criminel, alinéa 7(1)a)

Tout acte criminel commis à bord d’un aéronef en vol, si l’appareil atterrit au Canada

Code criminel, alinéa 7(1)b)

Diverses infractions ayant trait à la zone économique exclusive du Canada ou à son plateau continental

Code criminel, alinéas 477.1a) et b)

Infractions commises au cours d’une « poursuite immédiate » à partir du Canada

Code criminel, alinéa 477.1d)

Toute infraction commise par un citoyen canadien à l’extérieur du territoire de tout État

Code criminel, alinéa 477.1e)

Tout acte criminel commis au cours d’un vol spatial relatif à la Station spatiale internationale civile par un membre d’équipage canadien

Code criminel, paragraphe 7(2.3)

Tout acte criminel commis au cours d’un vol spatial relatif à la Station spatiale internationale civile par un membre d’équipage non canadien contre un membre d’équipage canadien, ou commis à bord d’un élément de vol fourni par le Canada ou relativement à un tel élément de la Station spatiale

Code criminel, paragraphe 7(2.31)

Le Canada revendique aussi une compétence extraterritoriale spécifique à l’égard des infractions suivantes, lorsqu’il y a un lien déterminé entre le Canada et le contrevenant, la victime ou la victime prévue ou les circonstances de l’infraction :

Infraction

Disposition législative

Haute trahison ou trahison contre le Canada

Code criminel, paragraphe 46(3)

Piraterie

Code criminel, articles 74 et 75

Contrefaçon ou fraude relativement à des passeports canadiens

Code criminel, article 57

Emploi frauduleux du certificat de citoyenneté canadienne

Code criminel, article 58

Bigamie

Code criminel, article 290

Détournement d’un aéronef ou atteinte à la sécurité des aéronefs ou des aéroports

Code criminel, paragraphe 7(2)

Prise d’un navire ou d’une plate-forme fixe en mer ou acte portant atteinte à leur sécurité

Code criminel, paragraphes 7(2.1) et (2.2)

Diverses infractions contre des « personnes jouissant d’une protection internationale » (c.-à-d. les officiels nationaux et internationaux et leurs familles)

Code criminel, paragraphe 7(3)

Prises d’otages

Code criminel, paragraphe 7(3.1)

Diverses infractions concernant des matières nucléaires

Code criminel, paragraphes 7(3.2), (3.3) et (3.4)

Torture

Code criminel, paragraphe 7(3.7)

Génocide

Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, L.C. 2000, ch. 24, articles 6 et 8

Crimes contre l’humanité

Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, articles 6 et 8

Crimes de guerre

Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, articles 6 et 8

Manquement à la responsabilité du commandement relativement à un génocide, à un crime contre l’humanité ou à un crime de guerre

Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, articles 7 et 8

Diverses infractions d’ordre sexuel impliquant des enfants

Code criminel, paragraphe 7(4.1)

Complot en vue de commettre une infraction

Code criminel, paragraphes 465(3) et (4)

   C.  Extradition

L’extradition est le fait pour un État de livrer une personne en vue d’un procès ou d’une sanction dans un autre État ou devant un tribunal international.

Les obligations des États en matière d’extradition sont en général établies par des traités bilatéraux ou des conventions multilatérales bien que, à l’intérieur du pays, l’extradition soit régie par des lois internes.

Un État n’est habituellement pas tenu d’extrader une personne pour une conduite qui ne constitue pas un crime en vertu de ses propres lois (règle de la double criminalité).  Par ailleurs, il arrive souvent que les États qui exercent une compétence extraterritoriale générale en matière pénale sur leurs propres ressortissants (p. ex. plusieurs États de l’Europe continentale) ne procèdent pas à leur extradition, mais leur intentent plutôt un procès au pays.

Au Canada, l’extradition est régie par la Loi sur l’extradition (L.C. 1999, ch. 18) (On trouvera davantage de renseignements sur cette loi dans le résumé législatif LS-320F produit par la Direction de la recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement).   Le processus d’extradition comporte deux phases :

L’extradition et les droits de la personne

Le Canada, comme d’autres pays, s’est réservé le droit de demander des assurances que certaines peines (comme la peine de mortet les punitions corporelles) ne seront pas imposées si une personne est extradée.  Cette mesure a pour but de donner au Canada la souplesse nécessaire pour s’assurer qu’il ne livre pas à des pays étrangers des personnes à qui l’on imposera des traitements ou des peines inacceptables au regard des normes canadiennes ou internationales en matière de droits de la personne, tout en veillant à ce que les contrevenants n’échappent pas entièrement à la justice.

Toutefois, les gouvernements canadiens successifs se sont relativement peu prévalus de cette option.  On s’inquiétait de ce que, si de telles assurances étaient trop souvent réclamées à l’égard de fugitifs étrangers, le Canada puisse devenir une destination de choix, un refuge sûr pour les pires criminels du monde.  En règle générale, les tribunaux ont soutenu cette approche, décrétant que c’est seulement lorsque le châtiment « choque la conscience » des Canadiens que la Charte canadienne des droits et libertés oblige le gouvernement à exercer cette option.  Dans ce contexte, les tribunaux ont statué que les longues périodes d’incarcération obligatoires pour les auteurs d’une infraction liée aux drogues (voir Johnson c. United States of America (18 septembre 1997), Doc. CA C23556, C24767 (C.A. Ont.), demande de pourvoi refusée 111 O.A.C. 396 (note) (C.S.C.); et United States of America c. Whitley (28 juin 1993) (Div. gén. Ont.), confirmé (1994), 94 C.C.C. (3d) 447, 119 D.L.R. (4th) 693 (C.A. Ont.), confirmé [1996] 1 R.C.S. 467) ne « choquent pas la conscience » des Canadiens; et, jusqu’à tout récemment, la Cour suprême du Canada en était arrivée à la même conclusion concernant l’extradition de personnes passibles de la peine de mort pour meurtre au premier degré (voir Kindler c. Canada (ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779).

Toutefois, le 15 février 2001, la Cour suprême du Canada a revu sa précédente opinion sur l’extradition en cas de peine de mort et a décidé que – vu le renforcement du sentiment abolitionniste sur la scène internationale, et la finalité de la peine conjuguée aux preuves croissantes de la faillibilité des systèmes de justice pénale même les plus perfectionnés – l’extradition pouvant mener à la peine de mort « choque la conscience » d’une façon générale et est, par conséquent, contraire aux principes de justice fondamentale garantie par l’article 7 de la Charte (voir United States c. Burns, [2001] 1 R.C.S. 283).

   D.  Entraide juridique

L’expression « entraide juridique » s’entend des formes judiciaires – abstraction faite de l’extradition – que prend la coopération entre États pour l’application des lois pénales.  Au Canada, la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle (L.R.C. 1985, ch. 30 (4e suppl.), modifiée) permet, dans le cadre de cette entraide :

En général, le Canada ne peut donner suite à ce genre de demandes d’entraide juridique que s’il existe une entente bilatérale ou multilatérale d’entraide réciproque et si le  ministre de la Justice donne son autorisation, et si les tribunaux canadiens et les autorités fédérales et provinciales compétentes chargées de l’application des lois participent au processus.

Les dispositions du Code criminel canadien qui concernent la saisie et la confiscation des produits de la criminalité s’appliquent aussi aux actes criminels commis à l’étranger (voir la définition de « produits de la criminalité » dans la partie XII.2, article 462.3).  L’article 11 de la Loi sur l’administration des biens saisis (L.C. 1993, ch. 37) permet au Canada et aux gouvernements étrangers de partager, de façon réciproque, les produits de la criminalité confisqués lorsque les organismes d’application de la loi de part et d’autre ont contribué à l’enquête sur les infractions à l’origine de la confiscation.

Une coopération moins officielle entre corps policiers de plusieurs pays est également possible, soit à titre ponctuel et bilatéral, soit à titre multilatéral par l’intermédiaire de l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol).

CRIMES ET TRIBUNAUX INTERNATIONAUX

   A.  Crimes internationaux

L’élaboration d’un droit pénal international substantiel résulte de la reconnaissance assez récente du fait que les particuliers, comme les États, sont des sujets de droit international.  À l’instar du droit international en général, le droit pénal international découle notamment du droit international conventionnel (c.-à-d. les traités), du droit international coutumier et des principes généraux du droit qui sont reconnus par les principaux systèmes juridiques nationaux du monde (voir le Statut de la Cour internationale de justice, Article 38).  Le droit international coutumier englobe un corpus de règles impératives du droit international appelées jus cogens (« le droit contraignant ») auxquelles les États ne peuvent déroger.  Le droit pénal international émane avant tout des conventions internationales et du jus cogens.

Or, il n’est pas toujours facile de déterminer ce qui constitue un crime aux yeux du droit international.

Les traités internationaux précisent rarement de façon expresse les actes qui constituent des crimes internationaux.  Ils imposent plutôt aux pays signataires certaines obligations pénales relatives à ces actes : la criminalisation, l’établissement de certains fondements de compétence pénale, les poursuites, l’extradition et l’entraide juridique.

Pour savoir si un crime relève du jus cogens, il faut tenir compte : des jugements internationaux qui statuent que ce crime est visé par le droit international coutumier (ce qu’on appelle la preuve opinio juris); des passages des traités selon lesquels il ferait l’objet d’une interdiction qui prime sur d’autres règles du droit international; du nombre d’États qui ont ratifié des traités concernant le crime en question; des rapports des enquêtes ou des procès internationaux dont le crime a fait l’objet; des ouvrages de recherche traitant du sujet(1).  Selon le droit international, les crimes visés par le jus cogens sont en général ceux qui portent atteinte aux intérêts de la communauté mondiale dans son ensemble du fait qu’ils constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales ou qu’ils choquent la conscience de l’humanité (2).

L’examen des conventions internationales pertinentes et des indices du jus cogens permet de croire que le droit international reconnaît l’existence des catégories suivantes de crime :

  1. l’agression;

  2. le génocide;

  3. les crimes contre l’humanité;

  4. les crimes de guerre;

  5. les crimes contre le personnel de l’ONU et le personnel qui lui est associé;

  6. l’usage ou la possession illicites d’armes prohibées;

  7. le vol de matières nucléaires;

  8. l’apartheid;

  9. l’esclavage;

  10. la torture et les autres formes de traitement cruel, inhumain ou dégradant;

  11. la piraterie;

  12. le détournement d’avion et d’autres actes contraires à la sécurité des transports aériens internationaux;

  13. les actes contraires à la sécurité de la navigation et des plates-formes maritimes;

  14. la menace du recours à la force et le recours à la force contre des personnes jouissant d’une protection internationale;

  15. la prise d’otages civils;

  16. l’utilisation illicite de la poste;

  17. le trafic illicite des stupéfiants;

  18. la destruction ou le vol de trésors nationaux;

  19. les actes illicites préjudiciables à certains éléments protégés de l’environnement;

  20. le commerce international de matières obscènes;

  21. la falsification et la contrefaçon;

  22. l’altération illicite du fonctionnement des câbles sous-marins;

  23. la corruption de fonctionnaires étrangers(3).

Parmi les crimes précités, on estime que les suivants relèvent du jus cogens : l’agression, le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, la piraterie, l’esclavage et la torture(4).  En d’autres termes, les États ont des obligations pénales incontournables à l’égard de ces crimes, indépendamment de leurs obligations en vertu de traités et nonobstant celles-ci.

Contrairement à ce que l’on constate dans la plupart des systèmes juridiques nationaux, les infractions et les principes de la responsabilité ne font encore l’objet, au niveau international, d’aucune codification exhaustive faisant autorité.  Toutefois, le Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité élaboré en 1996 par la Commission du droit international et, plus récemment, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998 représentent à tout le moins des tentatives partielles de création d’une telle codification.

   B.  Les tribunaux pénaux internationaux

      1.  Les tribunaux spéciaux

L’idée de constituer un tribunal international pour juger les personnes accusées de crimes internationaux remonte à 1919, lorsqu’on a demandé, dans le Traité de Versailles, que soit institué un tribunal international spécial pour juger les criminels de guerre allemands de la Première Guerre mondiale, dont le kaiser allemand.  Aucun tribunal du genre n’a été créé, mais on a recouru à une solution de rechange en vertu de laquelle les criminels de guerre allemands seraient jugés par un tribunal allemand.

Après la Seconde Guerre mondiale, des tribunaux internationaux ont été institués à Nuremberg et à Tokyo pour juger les « principaux » criminels de guerre des puissances de l’Axe accusés de crimes contre la paix (agression), de crimes contre l’humanité (notamment le génocide) et des crimes de guerre traditionnels.

Près de cinquante ans après l’institution des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, les guerres civiles particulièrement cruelles qui ont ravagé la Yougoslavie et le Rwanda ont de nouveau incité la communauté internationale à agir dans ce domaine.  En 1993 et 1994 respectivement, le Conseil de sécurité de l’ONU a établi des tribunaux pénaux internationaux pour juger les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis dans l’ex-Yougoslavie et au Rwanda.

Or, comme ces initiatives ont toujours été ponctuelles et provisoires, la justice pénale internationale a jusqu’à maintenant été fondamentalement sélective.  Ce qui fait défaut depuis toujours, c’est un tribunal permanent et indépendant de ressort mondial.

      2.  Le chemin de Rome : l’institution d’une cour pénale internationale permanente

À la fin des années 40 et au début des années 50, fortes des initiatives de Nuremberg et de Tokyo, les Nations Unies ont tenté de codifier les principes de droit pénal international qui avaient été élaborés et qui étaient pertinents et de créer un tribunal pénal international permanent.  Toutefois, le début de la guerre froide a affaibli la volonté politique de créer ce tribunal, et le projet a piétiné pendant des décennies.

En 1989, l’Assemblée générale de l’ONU a demandé à la Commission du droit international (CDI) de produire un rapport sur la création d’un tribunal pénal international chargé de régler le problème du trafic international des stupéfiants.  La CDI a donc publié, en 1990, un rapport sur la question plus générale d’une cour internationale permanente compétente pour juger les auteurs de crimes internationaux en général.  Le mandat de la CDI a été prolongé, et en 1994, elle avait rédigé un projet de statut portant établissement d’une cour pénale internationale.  En 1996, l’Assemblée générale a renvoyé la question à un comité préparatoire, qui a poursuivi la rédaction du projet de statut.  Enfin, en décembre 1997, l’Assemblée générale a convoqué une conférence diplomatique, qui allait avoir lieu à Rome du 15 juin au 17 juillet 1998, pour examiner le projet de statut.

C’est à la conférence diplomatique de Rome, le 17 juillet 1998, que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale a été adopté par les représentants des 120 pays présents.  Sept États ont voté contre le Statut et 21 se sont abstenus.

Le 15 octobre 2001, 139 pays avaient signé le Statut de Rome, et 43 États l’avaient ratifié.  La Cour pénale internationale (CPI), sera officiellement créée dès que 60 États auront ratifié le Statut de Rome.

La CPI ne sera compétente qu’en matière d’agression (non encore définie pour l’application du Statut de Rome), de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, et sa compétence servira de complément à celle des systèmes de justice pénale nationaux, auxquels il incombera au premier chef de poursuivre les auteurs de crimes internationaux.  La Cour aura pour raison d’être de combler les lacunes du système actuel en intervenant là où les États qui auraient la compétence voulue ne voudront pas ou ne pourront pas le faire.  De plus, sauf lorsque l’affaire dont elle est saisie lui aura été déférée par le Conseil de sécurité de l’ONU, la Cour ne sera compétente que lorsque l’État où le crime a été commis (l’État territorial) ou celui dont l’accusé est ressortissant sera partie au Statut de la CPI.

Tout comme les tribunaux spéciaux créés par l’ONU qui jugent actuellement les auteurs des crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda, la CPI sera largement tributaire de la coopération volontaire des États.  Toutefois, il est concevable que le refus d’un État d’honorer ses obligations envers la CPI ou les tribunaux spéciaux puisse être soumis au Conseil de sécurité de l’ONU et traité comme une menace à la paix et à la sécurité internationales, ce qui pourrait exposer l’État récalcitrant à des mesures coercitives.

Le Canada a signé le Statut de Rome le 18 décembre 1998.   En juin 1999, le Parlement a adopté le projet de loi C-40 (1re session, 36e législature; L.C. 1999, ch. 18), qui modifie les lois canadiennes en matière d’extradition et d’entraide juridique de manière à permettre au Canada d’accéder aux demandes de coopération des tribunaux pénaux internationaux au même titre qu’à celles des pays étrangers (on trouvera davantage de renseignements sur cette loi dans le résumé législatif LS-320F produit par la Direction de la recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement).  En juin 2000, il a aussi adopté le projet de loi C-19 (2e session, 36e législature; L.C. 2000, ch. 24), grâce auquel le Canada est maintenant en mesure de coopérer pleinement avec la CPI (on trouvera davantage de renseignements sur cette loi dans le résumé législatif LS-360F produit par la Direction de la recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement).  L’adoption du projet de loi C-19 a permis au Canada de ratifier le Statut de la CPI, ce qu’il a fait le 7 juillet 2000, devenant ainsi le quatorzième État à le faire.


(1)  M. Cherif Bassiouni, International Criminal Law, 2e éd., vol. 1 : « Crimes », Ardsley (N.Y.), Transnational Publishers Inc., 1999, p. 41.

(2)  Ibid., p. 42.

(3)  Ibid., p. 32-33.

(4)  Ibid., p. 41.