PRB 01-05F

 

L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE AU CANADA :
LES TROIS DERNIÈRES DÉCENNIES (1969-1999)

 

Rédaction :
Alexandre Laurin, Jean Soucy
Division de l'économie
Le 8 août 2000


 

TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES GRAPHIQUES ET DES TABLEAUX

INTRODUCTION

CROISSANCE ÉCONOMIQUE

EMPLOI, RÉMUNÉRATION ET REVENU DU TRAVAIL

LE MARCHÉ DU TRAVAIL ET LA PRODUCTIVITÉ

   A. Changements structurels du marché du travail

   B. Hausse de la productivité

CONSOMMATION ET ÉPARGNE DES MÉNAGES

   A. Dépenses personnelles et crédit à la consommation

   B. Taux d’épargne

SANTÉ FINANCIÈRE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES AU CANADA

   A. Déficit et dette

   B. Inflation, dette publique et contexte défavorable à l’investissement

CONCLUSION


TABLE DES GRAPHIQUES ET DES TABLEAUX

GRAPHIQUES

Graphique 1 – Taux de croissance de l’économie canadienne, période 1969-1999, mesuré en variation annuelle du PIB, dollars 1992

Graphique 2 – PIB réel par habitant

Graphique 3 – Taux de chômage, moyenne annuelle, en pourcentage de la population active

Graphique 4 – Taux d’activité, moyenne annuelle, en pourcentage de la population âgée de 15 ans et plus

Graphique 5 – Revenu moyen du travail par heure, en dollars de 1992

Graphique 6 – Part des impôts directs (avec et sans cotisations sociales) sur le revenu personnel

Graphique 7 – Revenu personnel disponible en termes réels, par habitant

Graphique 8 – Nombre d’ordinateurs par 1 000 habitants

Graphique 9 – Évolution de la productivité comme mesurée par le PIB en dollars 1992 par heure travaillée (1992 = 100)

Graphique 10 – Crédit à la consommation en pourcentage du revenu disponible

Graphique 11 – Taux d’épargne, en pourcentage du revenu personnel disponible

Graphique 12 – Épargne domestique, en pourcentage du PIB

Graphique 13 – Négatif des actifs financiers nets des administrations publiques au Canada, en pourcentage du PIB

Graphique 14 – Intérêts sur la dette des gouvernements au Canada, en pourcentage du PIB

Graphique 15 – Revenus fiscaux des administrations publiques au Canada, en pourcentage du PIB

Graphique 16 – Taux d’inflation, basé sur l’indice des prix à la consommation (IPC), moyenne annuelle

Graphique 17 – Taux de rendement sur les titres du gouvernement fédéral, moyenne annuelle

Graphique 18 – Formation brute en capital fixe et stock, en pourcentage du PIB

TABLEAUX

Tableau 1 : Croissance du PIB réel au Canada de 1969-1999, en pourcentage

Tableau 2 : Évolution du temps alloué au travail rémunéré dans les familles canadiennes

Tableau 3 : Croissance des heures totales travaillées et de la population au Canada, en pourcentage

Tableau 4 : Croissance des heures totales travaillées au Canada, par grand secteur d’activité, en pourcentage

Tableau 5 : Croissance de la productivité au Canada, en pourcentage

Tableau 6 : Croissance du PIB réel par heure travaillée au Canada et aux États-Unis, secteur des entreprises, en pourcentage

Tableau 7 : Croissance réelle de la consommation, du revenu disponible et du crédit des ménages canadiens, en pourcentage


L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE AU CANADA :
LES TROIS DERNIÈRES DÉCENNIES (1969-1999)

INTRODUCTION

Dans une allocution prononcée devant la Chambre de commerce régionale de Sainte-Foy en avril 2000, le gouverneur de la Banque du Canada, Gordon Thiessen, a souligné l’importance qu’avait prise, au début des années 90, le besoin de régler « les problèmes qui avaient nui à la tenue de [l’économie canadienne] durant la majeure partie des années soixante-dix et quatre-vingt »(1).

Un simple examen de l’évolution de quelques-unes des variables les plus importantes de l’économie canadienne au cours des trois dernières décennies permet de mieux comprendre les propos du gouverneur.  Tout le long de cette période, de profonds bouleversements ont modifié la structure même de l’économie canadienne.  Alors que plusieurs de ces changements ont stimulé l’activité économique au pays, la détérioration marquée de la situation financière des administrations publiques – tant fédérale que provinciales – a eu l’effet contraire, entraînant un déclin graduel de la santé économique nationale. 

Depuis quelques années, l’économie canadienne connaît une amélioration notable, qui coïncide avec le redressement des finances publiques des différents ordres de gouvernement.  En outre, la situation économique actuelle des ménages canadiens, dans un contexte de croissance économique soutenue et d’inflation faible, augure bien pour les prochaines années.  Bref, la situation actuelle est bien différente du marasme financier des vingt dernières années.

Ce document analyse brièvement l’évolution de l’économie canadienne depuis une trentaine d’années – c’est-à-dire de 1969 à 1999.  Les variables étudiées se rapportent surtout à la production nationale, aux revenus, au marché du travail, à la productivité, à la consommation, à l’épargne, à la situation financière des administrations publiques et à l’investissement en général.  Le lien étroit entre niveau de vie et productivité motivera un examen plus attentif de cette dernière(2).

CROISSANCE ÉCONOMIQUE

Le graphique 1 présente l’évolution de la production nationale, mesurée par la variation du produit intérieur brut (PIB) en termes réels (données corrigées de l’inflation) entre 1969 et 1999.

Source : Statistique Canada

Des trois décennies qui nous intéressent, seule la première (1969-1979) n’a pas connu de récession majeure(3).  Les deux autres ont chacune été marquées par une récession – la première en 1982 et la seconde en 1991 –, qui a été de mauvais augure dans les deux cas(4).

Afin de tenir compte de la croissance de la population, le PIB réel est divisé par la population totale, ce qui donne le PIB réel par habitant.   Cette mesure est fréquemment associée à l’évolution générale du niveau de vie (graphique 2).

Source : Statistique Canada

Le droite qui coupe la courbe du graphique 2 représente la tendance observée au cours des trois décennies.  La baisse prononcée enregistrée au début des années 90 a été suivie d’une lente remontée et la courbe n’a rejoint la tendance qu’au cours de 1999.  Le graphique illustre à quel point la croissance économique a été insuffisante au début des années 90 pour maintenir le niveau de vie des Canadiens.

Le tableau qui suit complète la vue d’ensemble qu’offrent les deux premiers graphiques en résumant les chiffres pour chacune des trois décennies et toute la période.

Tableau 1 : Croissance du PIB réel au Canada de 1969-1999, en pourcentage

Période

Croissance du PIB réel

Moyenne annuelle

Croissance du PIB réel par habitant

Moyenne annuelle

1969-1979

1979-1989

1989-1999

54,1

33,3

24,1

4,4

2,9

2,2

33,8

18,4

11,0

3,0

1,7

1,0

Vingt dernières années

65,5

2,6

31,4

1,4

Trente dernières années

155,0

3,2

75,8

1,9

Source : Statistique Canada

Au cours de la période entière, la valeur réelle des biens et services produits annuellement au Canada a augmenté de 155 p. 100, ce qui, globalement, représente une performance remarquable.  Cependant, le taux de croissance de l’économie décroît à mesure que l’on avance dans le temps, passant d’un peu plus de 54 p. 100 dans la première décennie, à 33 p. 100 au cours de la suivante, et à seulement 24 p. 100 durant la dernière.

Les deux colonnes de droite du tableau 1 représentent le PIB réel par habitant, dont le ralentissement est encore plus marqué.  En effet, entre 1989 et 1999, cet indicateur du niveau de vie semble avoir stagné, enregistrant une faible croissance de seulement 1 p. 100 par année en moyenne, soit à peine plus de la moitié du gain enregistré au cours de la période précédente, et le tiers seulement de la performance moyenne enregistrée au cours des années 70(5).

Les chiffres présentés dans le tableau 1 et les graphiques 1 et 2 indiquent bien que l’économie canadienne s’est très difficilement rétablie après la récession du début des années 90, contribuant au ralentissement de la croissance du niveau de vie au Canada. 

EMPLOI, RÉMUNÉRATION ET REVENU DU TRAVAIL

Nous examinerons maintenant l’évolution de l’emploi et des revenus tirés du travail entre 1969 et 1999.  Puisque les salaires et les avantages sociaux dont bénéficient les travailleurs sont généralement considérés comme la principale composante du PIB, cet examen nous aidera à mieux comprendre à la fois les causes du ralentissement économique ainsi que ses effets sur le niveau de vie des travailleurs.

Reflétant avec un certain retard la conjoncture, l’emploi a changé de façon importante au cours des trois dernières décennies.  Même s’il est un indicateur imparfait, n’offrant pas toute l’information sur les facteurs qui ont influé sur le marché du travail à travers le temps, le taux de chômage a affiché une tendance clairement à la hausse entre 1969 et 1999 (graphique 3).

Source : Statistique Canada

La moyenne annuelle du taux de chômage est passée d’un peu plus de 4 p. 100 en 1969 à plus de 7 p. 100 en 1999.  À deux reprises, au cours des récessions qui ont marqué le début des deux dernières décennies, le taux de chômage a légèrement dépassé 11 p. 100.

Cette performance globale médiocre de l’emploi sur 30 ans s’explique, en partie, par une participation accrue de la population au marché du travail.  Alors que les jeunes ont eu tendance à rester plus longtemps aux études qu’auparavant, la participation des conjoints – surtout des femmes – a augmenté considérablement.   L’évolution du taux d’activité reflète bien cette situation (graphique 4).

Source : Statistique Canada

Le chômage – la portion insatisfaite de l’emploi – a augmenté, ce qui indique un accroissement des ressources humaines inutilisées sur une longue période, et un niveau de production en deçà de la capacité de l’ensemble des travailleurs.

Une fois cette constatation générale établie, on peut examiner d’autres variables relatives au marché du travail.  Dans un premier temps, on peut se demander comment a évolué, en moyenne, la rémunération des travailleurs au cours des trois décennies.  Les données de Statistique Canada permettent de constater que le revenu moyen du travail, en dollars de 1992, est demeuré presque constant entre 1979 et 1999, passant de 16,04 $ de l’heure en 1979 à 16,84 $ en 1999.  Le salaire réel n’a pas augmenté depuis 1976, et il n’a jamais dépassé 17 $ l’heure, toujours en dollars de 1992 (graphique 5).

Source : Statistique Canada

La production de l’économie canadienne a enregistré une augmentation annuelle moyenne de 2,6 p. 100 entre 1979 et 1999, mais cette croissance n’a pas été accompagnée d’une augmentation similaire de la rémunération réelle moyenne des travailleurs.  La conjonction de ce phénomène et des politiques fiscales restrictives appliquées au cours des années 90 – qui se sont traduites par des charges fiscales plus élevées – explique la perception populaire selon laquelle le niveau de vie aurait diminué au Canada.

Le graphique 6 montre la part croissante que les impôts directs ont prélevée sur le revenu personnel des Canadiens.  De 1969 à 1999, la part des impôts directs sur le revenu personnel est passée de 12 à 17 p. 100 – ou de 15 à 23 p. 100, si l’on tient compte des cotisations sociales telles que l’assurance emploi (auparavant l’assurance chômage).

Source : Statistique Canada

Bref, la croissance anémique des salaires et l’augmentation des impôts ont eu pour résultat une piètre performance du revenu personnel disponible (après impôts) par habitant en termes réels.  Au cours des trois décennies, le revenu annuel après impôt par habitant, compte tenu de l’inflation, n’a jamais dépassé 18 000 dollars en valeur de 1992.

Le ralentissement de la croissance du revenu disponible par habitant a commencé vers la fin des années 70, et la récession de 1981-1982 – considérée comme la pire période de ralentissement économique depuis la Grande Crise des années 30 – a fortement infléchi la performance de cette variable, qui a connu un déclin marqué.  Les bénéfices de la reprise subséquente, menant au sommet atteint en 1989, ont tout simplement été éliminés au cours des années 90.  Malgré une légère remontée depuis 1997, le revenu disponible réel par habitant demeure, en 1999, inférieur au sommet atteint dix ans auparavant, et il aurait été plus faible encore sans les paiements de transfert versés aux ménages, par exemple les prestations d’assurance emploi/assurance chômage (graphique 7).

Source : Statistique Canada

LE MARCHÉ DU TRAVAIL ET LA PRODUCTIVITÉ

Alors que l’augmentation des impôts et la stagnation des salaires et de l’emploi ont affaibli la santé économique des Canadiens, d’autres facteurs ont joué en sens contraire, par exemple les changements structurels du marché du travail et de la technologie, ainsi que la demande de biens de consommation.   Ils feront l’objet de la présente section et des sections suivantes.

   A. Changements structurels du marché du travail

Autrefois dans la majorité des ménages, seul le chef de famille était actif à temps plein sur le marché du travail, alors que le conjoint consacrait la plus grande partie de son temps à des occupations relatives à la famille et non rénumérées sur le marché.  Or, l’organisation du travail au sein des ménages canadiens a subi d’importantes transformations depuis les années 60.

Les ménages canadiens – plus particulièrement durant les années 60, 70 et 80 – ont augmenté le temps qu’ils consacrent aux occupations rémunérées sur le marché du travail.  Le tableau 2 résume cette évolution entre 1971 et 1994, une période qui représente bien les trois dernières décennies et au cours de laquelle le temps alloué par les familles au travail rémunéré a augmenté de 20 p. 100 en moyenne.   Les chefs de famille (surtout des hommes) ont peut-être légèrement réduit, en moyenne, le temps qu’ils passent sur le marché du travail, mais leurs conjoints – surtout des femmes – ont plus que doublé le leur.

Tableau 2 : Évolution du temps alloué au travail rémunéré
dans les familles canadiennes

Année

Heures moyennes hebdomadaires allouées au marché du travail*

Variation (en %)

Chef de
famille

Conjoint(e)

Ensemble
(famille)

Chef

Conjoint(e)

Ensemble
(famille)

1971

41,4

11,7

53,1

1994

38,6

25,1

63,7

-7 %

115 %

20 %

*  Les familles qui n’ont rapporté aucune heure de travail ou composées uniquement d’un chef (sans conjoint) ne sont pas incluses dans l’échantillon qui a servi au calcul des moyennes.

Source : Statistique Canada, Enquête sur les finances des consommateurs, 1971, 1994.

En revanche, un examen des données sur les travailleurs individuels au Canada ne révèle aucune augmentation des heures de travail moyennes, mais plutôt une légère diminution(6).  Or, cette statistique peut s’avérer trompeuse puisque les ménages canadiens ont sensiblement augmenté le temps qu’ils consacrent au travail rémunéré.

Le tableau 3 montre la croissance – 63,4 p. 100 – des heures totales travaillées annuellement par l’ensemble des Canadiens entre 1969 et 1999.  Entre 1979 et 1999, cette croissance était de 34,1 p. 100.  Une telle croissance a sans aucun doute contribué fortement à l’augmentation du niveau de la production nationale, et donc également à celle du PIB réel (voir le tableau 1).

Il est intéressant de noter que le taux de croissance enregistré entre 1989 et 1999 –10,4 p. 100 – est moins de la moitié de celui qui avait été enregistré au cours la période précédente – 21,5 p. 100 – même si la population a augmenté de près de 12 p. 100.  En conséquence, le rythme de croissance de l’emploi a été inférieur à celui de la population au cours de la dernière décennie.  La quasi-absence de progrès du PIB réel par habitant pour cette période s’explique donc par la très faible performance de l’emploi, qui a progressé moins rapidement que l’augmentation de la population.  Cette constatation cadre avec les chiffres relatifs au taux de chômage et au taux d’activité.  De 1989 à 1999, la production par heure travaillée a tout de même progressé de 10 p. 100, une excellente performance, sans laquelle le PIB par habitant aurait évidemment diminué.

Tableau 3 : Croissance des heures totales travaillées et de la population
au Canada, en pourcentage

Période

Heures
travaillées

Population

1969-1979

21,8

15,1

1979-1989

21,5

12,6

1989-1999

10,4

11,9

Vingt dernières années (1979-1999)

34,1

26,0

Trente dernières années (1969-1999)

63,4

45,1

Source : Statistique Canada

Le lent développement économique des dernières années, par rapport aux périodes précédentes, est attribuable au temps qu’a exigé la reprise de l’emploi après la récession du début des années 90.  Cela tient peut-être aux nombreuses suppressions de postes dans le secteur public durant cette période, au vieillissement de la population ou tout simplement à une baisse de l’offre de nouveaux emplois dans le secteur privé.  Il est également possible que la main d’œuvre ait augmenté trop rapidement – compte tenu de la conjoncture – au cours des périodes précédentes, lorsque les ménages ont décidé de consacrer plus de temps aux occupations rémunérées, créant ainsi un surplus de main d’œuvre disponible.

Il convient de souligner que la plupart des nouveaux emplois ont été créés dans les industries productrices de services (tableau 4) : le nombre d’heures travaillées dans le secteur des biens n’a que très légèrement augmenté, alors que, dans le secteur des services, il a doublé en presque trente ans (les données les plus récentes sont de 1996).  De surcroît, la récession du début des années 90 a durement touché l’emploi dans le secteur des biens, alors que les services – y compris l’ensemble des administrations publiques et des services gouvernementaux – ont affiché une bien meilleure performance.

Tableau 4 : Croissance des heures totales travaillées au Canada,
par grand secteur d’activité, en pourcentage

Période

Biens

Services

1969-1979

7,3

38,2

1979-1989

8,2

28,5

1989-1996

-6,8

8,5

1979-1996

0,8

39,4

1969-1996

8,2

92,6

Source : Statistique Canada

La nouvelle dominance des industries productrices de services – phénomène également appelé « tertiairisation de l’économie » – constitue une caractéristique majeure de la croissance économique des dernières décennies.  La tertiairisation de l’activité économique au Canada est le reflet du changement de relations entre les méthodes matérielles et immatérielles de production et de destruction de valeur : la transition d’une économie industrielle vers une économie du savoir.   Ces transformations contribuent à ce que les économistes appellent des « changements structurels », c’est-à-dire des modifications fondamentales des processus de production, causées à la fois par les progrès technologiques et les changements qui touchent la main-d’œuvre et les habiletés.  Cela s’est traduit, en partie, par des restructurations d’entreprises, un processus qui a été favorisé en partie par la déréglementation d’industries-clés à partir des années 80 et qui s’est accéléré au cours des années 90, comme l’a signalé la plus récente enquête du département des Recherches de la Banque du Canada(7).  Tous ces bouleversements devraient avoir une incidence directe sur la productivité.

   B. Hausse de la productivité

Le terme « productivité » désigne généralement une mesure de l’efficacité des facteurs de production – tels que la main-d’œuvre, le capital ou plus récemment la technologie – pour ce qui est de produire des biens et services dans une économie.  L’éducation et la formation de la main-d’œuvre, l’accumulation du capital et la capacité d’absorption de nouvelles technologies sont autant de facteurs qui favorisent l’augmentation de la productivité et à l’égard desquels le Canada a affiché une bonne performance entre 1969 et 1999.

La plupart des entreprises canadiennes – du moins les entreprises du savoir – ont fait des nouvelles technologies de l’information et des communications un élément central de leur production.  De plus, plusieurs ont également contribué au développement et à l’explosion technologique des dernières années.  Le Canada est un leader mondial dans l’utilisation des nouvelles technologies, comme en témoignent les statistiques sur l’utilisation des ordinateurs par habitant, selon lesquelles le Canada se classe parmi les cinq premiers d’année en année (graphique 8).

 

Source : Computer Industry Almanac, Inc.

Une étude spéciale de Statistique Canada réalisée en 1999(8) a démontré que la croissance de la productivité au Canada a été similaire à celle observée aux États-Unis, et ce, au cours des 40 dernières années.  (Cette performance relativement bonne ne peut toutefois occulter le fait, par exemple, que le Canada réussit moins bien dans certains domaines reliés à la haute technologie, comme celui des dépenses en équipement de communication(9).)  Par contre, le Rapport sur la politique monétaire de mai 2000 de la Banque du Canada mentionne que la performance canadienne au chapitre de la productivité a été plutôt terne devant celle des américains au cours des années 90(10).  Toutefois, les autorités monétaires partagent un optimisme prudent relativement aux conditions globales d’une meilleure productivité au cours des années à venir.

L’évolution du PIB réel par heure travaillée – communément appelé « productivité du travail » – est un indicateur utilisé pour mesurer le degré de compétitivité de l’économie (graphique 9).  Cependant, cette mesure de productivité reflète aussi les variations des autres facteurs de production tels que la quantité et la qualité du capital.

Source : Statistique Canada

Malgré un ralentissement récent par rapport à la tendance pour la période, le niveau de production par heure travaillée a augmenté de plus de 50 p. 100 entre 1969 et 1999 (tableau 5), ce qui témoigne d’une augmentation assez soutenue de la productivité du travail au Canada.  Il s’agit là d’une performance étonnante, compte tenu de l’accélération du rythme des changements structurels qui se sont opérés dans l’économie au cours de ces années.

Tableau 5 : Croissance de la productivité
au Canada, en pourcentage

PIB réel (dollar 1992)
par heure travaillée

Productivité multifactorielle*

1969-1979

              25,6

1967-1977

              21,7

1979-1989

                8,8

1977-1987

                4,8

1989-1999

              10,2

1987-1997

                6,3

Total

              50,6

Total

              35,6

*  L’indice de productivité multifactorielle mesure la partie de la croissance du PIB réel qui est supérieure à la somme de la croissance du travail et du capital.  Cette mesure capte donc des effets indirects comme l’éducation et la technologie.

Source : Statistique Canada

La deuxième rubrique du tableau est la croissance de la productivité « multifactorielle », une autre mesure qu’utilise Statistique Canada.  Il s’agit de la partie de la croissance de la production qui n’est pas expliquée par la main-d’œuvre, le capital ou d’autres intrants intermédiaires, mais plutôt par des facteurs tels que la technologie, les changements organisationnels en entreprise, le capital humain, etc.  Encore une fois, le Canada fait bonne figure avec une croissance de 11,4 p. 100 de 1977 à 1997, et de 35,6 p. 100 de 1967 à 1997.

Dans le tableau 6, la productivité du travail est calculée uniquement pour le secteur des entreprises, ce qui permet de comparer les performances du Canada et des États-Unis.

Tableau 6 : Croissance du PIB réel
par heure travaillée au Canada et aux États-Unis,
secteur des entreprises, en pourcentage

Période

États-Unis

Canada

1969-1979

23,0

27,9

1979-1989

17,1

10,0

1989-1999

21,5

12,1

Vingt dernières années (1979-1999)

42,2

23,2

Trente dernières années (1969-1999)

74,9

57,6

Sources : 2000 Economic Report of the President (États-Unis) et Statistique Canada (Canada)

Cette analyse semble un peu moins favorable pour le Canada et rejoint la constatation faite par la Banque du Canada, selon laquelle la productivité aurait augmenté moins rapidement au Canada qu’aux États-Unis. Le tableau indique que la production par heure travaillée a augmenté de près de 60 p. 100 au Canada entre 1969 et 1999, mais que cette performance est inférieure de plus de 15 points de pourcentage à celle des États-Unis.  Au cours de la période 1979-1999, cet écart se situerait même à près de 20 points.  Il faut noter, cependant, que cet écart tient principalement au fait que les États-Unis ont adopté une nouvelle méthode de calcul du PIB en 2000.  Par conséquent, certains observateurs sont d’avis qu’il n’est pas vraiment possible de comparer la croissance de la productivité au Canada et aux États-Unis.  D’aucuns croient même que si les méthodes adoptées par les deux pays pour le calcul du PIB étaient plus semblables, la croissance de la productivité aurait été à peu près la même au Canada et aux États-Unis entre 1969 et 1999.

Les statistiques sur la productivité au Canada suggèrent donc un bilan mitigé : l’économie canadienne a certes profité des nouvelles technologies et de la libéralisation du commerce mondial, mais elle a probablement aussi montré certaines faiblesses par rapport à celle des États-Unis, surtout au cours de la dernière décennie.

CONSOMMATION ET ÉPARGNE DES MÉNAGES

   A. Dépenses personnelles et crédit à la consommation

Ce qui reste du revenu des ménages après impôt doit être dépensé ou épargné.  Les dépenses de consommation – les dépenses effectuées par les ménages pour acheter des biens et des services, constituent la principale composante de la demande intérieure, les deux autres étant les dépenses en biens d’équipement, en outillage et en immeubles faites par les firmes et les dépenses des administrations publiques (dépenses gouvernementales). 

La croissance soutenue de la demande intérieure de biens et de services a sans doute stimulé la croissance économique depuis quelques années.   Le tableau 7 montre la croissance des dépenses personnelles de consommation par habitant (les chiffres sont ajustés pour tenir compte de l’inflation).

Tableau 7 : Croissance réelle de la consommation,
du revenu disponible et du crédit des ménages canadiens, en pourcentage

Période

Dépense
personnelle
(biens et services)
par habitant

Revenu
disponible
par habitant

Crédit à la consommation par habitant

1969-1979

35,3

47,6

56,6

1979-1989

18,6

13,7

8,7

1989-1999

11,1

-2,0

20,4

Vingt dernières années

31,8

11,4

30,9

Trente dernières années

78,4

64,5

104,9

Source : Statistique Canada.

Les dépenses réelles par habitant ont grimpé en moyenne de 78 p. 100 de 1969 à 1999, mais de seulement 10 p. 100 entre 1989 et 1999.

Le déclin du revenu réel disponible par habitant a déjà été illustré au graphique 7.  Le tableau 7 indique en plus que le revenu disponible par habitant, compte tenu de l’inflation, n’a augmenté que d’un peu plus de 11 p. 100 entre 1979 et 1999, et a même diminué au cours des dix années suivantes.  Comment s’explique cette hausse tout de même notable de la consommation des ménages, alors que le revenu n’a pas beaucoup augmenté?

Une première explication vient du crédit à la consommation, qui a connu des augmentations moyennes par habitant en termes réels de 105 p. 100 entre 1969 et 1999, de 31 p. 100 entre 1979 et 1999, et de 20 p. 100 entre 1989 et 1999.  La hausse du crédit à la consommation a donc compensé le manque de revenu disponible, plus particulièrement au cours des années 90.  Ce phénomène se traduit par une part croissante du crédit à la consommation par rapport au revenu disponible (graphique 10).

Le crédit à la consommation pour les particuliers et les entreprises individuelles représente maintenant plus de 26 p. 100 du revenu disponible, un sommet depuis que Statistique Canada a commencé à produire ce genre de données en 1967.  Le fait que l’augmentation du niveau d’endettement s’ajoute à la stagnation du revenu disponible a évidemment une incidence sur l’épargne effectuée par les ménages, comme il est mentionné sous la prochaine rubrique.

 

Source : Statistique Canada

L’accroissement de la consommation accrue peut aussi tenir à l’organisation du travail dans les ménages.  Plusieurs biens et services peuvent être produits autant sur le marché qu’à la maison.   Par exemple, le soin des enfants, l’entretien de la maison (nettoyage, entretien de la pelouse, réparations, etc.), la préparation des repas, les vêtements ou les services financiers sont autant de biens ou de services que l’on peut se procurer soit sur le marché ou à la maison.  Comme les ménages canadiens ont augmenté sensiblement le nombre d’heures qu’ils passent  sur le marché du travail, ils ont des revenus plus élevés et moins d’heures à consacrer aux travaux domestiques.  Faute de temps donc, une partie de ce qui était produit à la maison doit maintenant être obtenue sur le marché.  Une étude publiée en 1999 a démontré que plus les ménages travaillent à l’extérieur et accroissent leur revenu, plus la proportion de leur revenu courant qu’ils tendent à consommer est forte(11).

   B. Taux d’épargne

Au cours des trente dernières années, l’épargne individuelle a augmenté pour atteindre un sommet en 1982 – plus de 20 p. 100 du revenu personnel après impôts – et redescendre ensuite de façon soutenue jusque vers 3 p. 100, si l’on se fie aux données de Statistique Canada révisées en 2000 (graphique 11)(12).

Le recul de l’épargne est sans doute en partie attribuable à la diminution du revenu personnel disponible.  Cependant, le sommet atteint en 1982 coïncide aussi avec des taux élevés d’inflation enregistrés au cours de la même période.  Il s’agirait là d’une autre preuve de l’effet pernicieux qu’exerce l’inflation sur les décisions de consommation et d’épargne, étant donné l’incertitude plus grande au sujet des revenus à recevoir dans l’avenir(13).

Source : Statistique Canada

L’épargne domestique totale est le fait non seulement des particuliers, mais également des compagnies constituées en personnes morales et des gouvernements.  Or, l’épargne domestique totale – qui exclut celle des non-résidents – a augmenté de façon substantielle au cours de la deuxième moitié des années 90 (graphique 12 – afin de ne pas alourdir la présentation, la portion de l’épargne attribuable aux compagnies n’est pas représentée).

Source : Statistique Canada

Mesurée en pourcentage du PIB cette fois, l’épargne domestique a dépassé 7 p. 100, rejoignant pratiquement les niveaux atteints au début des années 90.  Si les particuliers n’ont pas été capables d’accroître leurs économies depuis plus de 15 ans, les administrations publiques, au contraire, ont redressé leur situation financière de façon remarquable.  À la fin des années 90, elles affichaient un excédent budgétaire, ce qui ne s’était pas produit depuis près de trente ans.

Il est intéressant de comparer le comportement des administrations publiques et celui des particuliers en matière d’épargne.  Dès le début des années 70, l’épargne publique diminuait, au moment où les gouvernements commençaient à enregistrer des déficits, alors que, en contrepartie, l’épargne individuelle augmentait considérablement.  Le début des années 80 a été marqué par une récession, qui a contribué à creuser davantage les déficits gouvernementaux et à freiner la croissance du taux d’épargne des particuliers.  L’épargne individuelle a alors atteint son sommet, pour commencer ensuite un long déclin.  Les administrations publiques ont continué d’enregistrer des déficits, jusqu’à ce que la récession du début des années 90 aggrave considérablement la situation et que les gouvernements fédéral et provinciaux décident de prendre les mesures qui s’imposaient pour arrêter la détérioration des finances publiques.  Un redressement remarquable a alors suivi les politiques budgétaires restrictives.   Cette situation a coïncidé avec l’accélération du déclin de l’épargne personnelle. 

D’une certaine façon, l’épargne des particuliers et l’épargne publique se compensent.  En bout ligne, le déclin de l’épargne personnelle au cours des années 90 doit être vu à la lumière de l’augmentation appréciable de l’épargne domestique totale durant cette même période, et cette augmentation ne peut vraiment s’expliquer que par la meilleure santé financière de l’ensemble des administrations publiques au Canada.

SANTÉ FINANCIÈRE DES AMINISTRATIONS PUBLIQUES AU CANADA

   A. Déficit et dette

La dette croissante des diverses administrations publiques du pays est le résultat des déficits qui se sont accumulés sur pratiquement toute la période des trois décennies. L’ampleur qu’a prise la dette combinée des trois ordres de gouvernement est très bien représentée par l’évolution du négatif de leurs actifs financiers nets (donc de leurs passifs nets) par rapport au PIB (graphique 13).

La notion d’« actifs financiers nets » présente l’avantage d’être relativement facile à interpréter.  Afin de financer leurs activités, les gouvernements émettent des titres qui constituent l’essentiel de la dette financière.  Cette dette – le passif – dépasse largement la valeur des titres et des espèces que possèdent les gouvernements – l’actif –, d’où la valeur négative.  Les émissions soutenues de nouveaux titres, surtout constituées d’obligations négociables sur les marchés financiers, ont été de beaucoup supérieures aux émissions qui venaient à échéance, ce qui a fait croître sensiblement la valeur négative des actifs financiers nets, en particulier pour le gouvernement fédéral. 

Source : Statistique Canada

Les actifs financiers nets des trois ordres de gouvernement représentaient 24,4 p. 100 du PIB en 1969.  En 1995, ce ratio a atteint un sommet, soit un peu plus de 95 p. 100 du PIB, un niveau qui ne s’était pas vu depuis les lendemains de la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’effort de guerre justifiait un emprunt massif par le gouvernement fédéral.  Depuis lors, l’amélioration marquée de la situation budgétaire des gouvernements fédéral et provinciaux – dans un contexte de croissance économique soutenue – ont fait tomber ce ratio aux environs de 81 p. 100.  Malgré cette baisse de près de 14 points de pourcentage, le ratio reste très élevé, tant sur le plan historique que par rapport à celui des autres pays du G-7.

Cet endettement croissant des administrations publiques a eu pour effet d’accroître les montants versés en intérêts sur les titres émis, qui constituent la majeure partie des intérêts sur la dette publique combinée de toutes les administrations publiques au pays.  L’importance des intérêts par rapport au PIB n’a cessé de croître (graphique 14).

Le graphique 14 illustre à quel point la ponction exercée sur l’économie par les intérêts sur la dette a réduit la marge de manœuvre des administrations publiques.  Dépassant à peine 3 p. 100 au début des années 70, les intérêts sur la dette publique sont passés à l’équivalent de près de 10 p. 100 du PIB en 1995.  Comme il a été mentionné auparavant, la meilleure performance économique des dernières années, ainsi qu’un retour à l’équilibre budgétaire dans la plupart des administrations publiques, ont contribué à un allégement de ce fardeau, qui a diminué à 8 p. 100 du PIB en 1999.

Source : Statistique Canada

Afin de parvenir à une meilleure situation financière, les administrations publiques ont comprimé les dépenses publiques et accru la ponction fiscale, cette dernière leur permettant d’accroître leurs recettes.  Les recettes fiscales ont ainsi représenté une part sans cesse croissante du PIB (graphique 15). 

Cette proportion n’était que de 26 p. 100 en 1969, sans tenir compte des cotisations au régime d’assurance emploi/assurance chômage.  Trente ans plus tard, elle dépassait 32 p. 100 – et 37 p. 100 si l’on tient compte des cotisations.  Ces chiffres concordent avec ceux présentés au graphique 6 et confirment l’impression qu’ont les Canadiens de voir une part toujours plus grande de leur revenu finir dans les coffres des divers gouvernements. 

Source : Statistique Canada

   B. Inflation, dette publique et contexte défavorable à l’investissement

Au moment même où la situation financière des administrations publiques commençait à se dégrader de façon sérieuse au cours des années 70, l’économie canadienne était aux prises avec des taux d’inflation élevés.   Comme le montre le graphique 16, l’inflation – mesurée par la variation annuelle de l’indice des prix à la consommation (IPC) – a atteint ses plus hauts niveaux au début des années 80.

Toutefois, ce n’est pas avant le milieu des années 90 qu’on estimera avoir maîtrisé la croissance du niveau général des prix.  Le dommage causé par l’inflation élevée des années 70 et 80 se résume essentiellement à ce que « les entreprises et les particuliers finissent par consacrer plus de temps et d’argent à essayer de se protéger, ou encore de profiter, de l’inflation »(14).

Source : Statistique Canada

L’inflation est un problème sérieux, notamment à cause des effets pervers qu’elle entraîne sur les décisions à long terme, que ce soit relativement à l’épargne – comme nous l’avons déjà discuté – ou aux investissements par les entreprises :

  • les consommateurs auront tendance à épargner davantage afin de se protéger contre l’incertitude de leurs revenus futurs;

  • les entreprises prendront de mauvaises décisions d’investissement, étant donné l’incertitude qui entoure les mouvements de trésorerie futurs associés aux projets d’investissement;

  • les investisseurs auront tendance à se méfier des gouvernements, surtout si ces derniers sont en perpétuelle situation de déficit budgétaire (le gouvernement fédéral, seul émetteur de la monnaie, peut être soupçonné de vouloir financer sa dette en émettant plus de monnaie, encourageant ainsi l’inflation).

Facteur encore plus important, une atmosphère d’incertitude devant l’inflation future et des taux d’inflation anticipés élevés créent des pressions à la hausse sur les taux d’intérêt nominaux, portant de la sorte préjudice aux investissements.

Par ailleurs, les titres négociables déjà émis par le gouvernement fédéral afin de financer sa dette croissante devenaient moins intéressants pour les investisseurs institutionnels, ce qui contribuait à augmenter leur rendement ou bien à le garder élevé (graphique 17).  Il en est résulté, encore une fois, une augmentation des taux d’intérêt.  C’est donc dire que l’alourdissement de la dette publique et l’inflation élevée ont mené à un coût d’emprunt beaucoup plus élevé pour le financement des projets d’investissement, décourageant ainsi les investissements productifs, surtout ceux des entreprises.

 

Source : Banque du Canada.

Le contexte défavorable à l’investissement créé par l’inflation et les fortes compressions budgétaires qui ont suivi – conduisant à la baisse des dépenses en biens, en équipements et en infrastructure du secteur public – ont amené une chute des investissements réalisés au pays entre 1969 et 1999.   Le graphique 18 illustre le ralentissement de l’investissement ou de la « formation brute en capital fixe » – c’est-à-dire des dépenses qui font augmenter les stocks en capital, ou d’actifs physiques comme des biens d’équipement – en pourcentage du PIB.

Source : Statistique Canada

La part des investissements privés et publics au Canada par rapport au PIB tournait autour de 24 p. 100 au cours des années 70, mais n’a jamais dépassé 20 p. 100 entre 1989 et 1999.  De plus, la chute marquée des investissements publics au cours de la récession du début des années 80 n’a jamais été vraiment compensée par la reprise subséquente des investissements privés qui, par ailleurs, n’a pas résisté à la récession du début des années 90.  En fait, le ratio des investissements privés atteindra des niveaux encore plus faibles durant les années 90 et – même avec la reprise de l’investissement privé amorcée de façon sérieuse depuis 1997 – demeure à 17,2 p. 100 du PIB en 1999, encore loin des 19,5 p. 100 atteints en 1989.

Le fait que les investissements n’augmentent pas, comblant à peine la désuétude normale des infrastructures, des installations, des équipements et de l’outillage(15), crée un contexte peu propice à l’amélioration de la productivité, qui est pourtant une condition essentielle à une croissance économique soutenue.  Cette situation défavorable, en plus de la pression fiscale énorme devenue nécessaire afin de régler le déficit budgétaire, explique en partie la plus faible performance – par comparaison avec celle des États-Unis – de l’économie et de la productivité canadiennes au cours des années 90.

CONCLUSION

La période de 1969 à 1999 a été dominée par une performance économique déclinante et une mauvaise santé financière, surtout dans le secteur public.  Cette mauvaise performance globale s’est manifestée, à long terme, par un fléchissement du niveau de vie et de la productivité des Canadiens.

Cependant, les mécanismes de création de la valeur ont connu des changements structurels importants, notamment la transition d’une économie industrielle vers une économie du savoir.  Cette période a également été marquée par une augmentation importante du temps que les familles consacrent au marché du travail. 

Les ajustements apportés à la structure de l’économie canadienne pour faire face à la concurrence mondiale ainsi qu’une amélioration de la santé des finances publiques ont permis de mieux conclure une décennie 90 qui avait fort mal commencé, étant donné les problèmes accumulés au cours des deux décennies précédentes.  Selon John McCallum, la décennie 90 a été une decadis horribilis(16), mais il faut convenir que la meilleure note sur laquelle elle s’est terminée laisse entrevoir des perspectives intéressantes pour l’économie canadienne.

Il s’agira maintenant de voir si la bonne performance financière des gouvernements se maintiendra, en dépit, entre autres, de la pression de plus en plus forte qu’exercera le vieillissement de la population sur les finances publiques en accroissant les coûts des soins de santé(17).  L’incidence de cette pression ainsi que la tendance que connaîtra la productivité au cours de la prochaine décennie permettront de vérifier si l’optimisme actuel est justifié.


(1) Gordon Thiessen, « La voie à suivre pour assurer la prospérité future de l’économie canadienne », allocution prononcée devant la Chambre de commerce régionale de Sainte-Foy, Québec, 26 avril 2000.

(2) Les données utilisées dans cette étude proviennent principalement des Comptes nationaux des revenus et dépenses et des Comptes du bilan national, documents publiés par Statistique Canada. Elles sont aussi tirées d’autres publications de la même agence, telles que L’indice des prix à la consommation et l’Enquête sur la population active, ou encore des Statistiques financières de la Banque du Canada.

(3) La croissance du PIB réel a été négative durant deux trimestres de 1979, mais la croissance positive des deux autres trimestres donne une croissance positive pour l’année entière.

(4) Dans leurs prévisions trimestrielles, les économistes principaux de la Banque TD sont parmi ceux, assez nombreux, qui soulèvent cette coïncidence.  Voir le TD Quarterly Economic Forecast du 22 juin 2000
(http://www.td.com/economics/economic_forecasts/forecasts/qefju00.pdf, en anglais).

(5) Dans le bulletin économique trimestriel de la Banque Scotia, l’économiste principale Adrienne Warren, tout en faisant le même constat, ajoute que la performance du PIB par habitant au cours de la dernière décennie dépasse à peine le quart de celle enregistrée au cours des années 60. Voir le Canadian Quarterly du 6 juillet 2000 (en anglais seulement).

(6) À titre d’exemple, la semaine de travail du travailleur canadien typique est passée de 39 à 37,4 heures en moyenne entre 1976 à 1998.

(7) Article paru dans le numéro d’été 2000 de la Revue de la Banque du Canada, et dont un résumé est affiché sur le site suivant :
http://www.banqueducanada.ca/fr/revue/revlis-f.htm#00-3-b.

(8) J. Baldwin, J.-P. Maynard et J.S. Wells, « Croissance de la productivité au Canada et aux États-Unis », L’observateur économique canadien, Statistique Canada, Ottawa, septembre 1999.

(9) Les forces et les faiblesses du Canada par rapport aux États-Unis en ce qui concerne la haute technologie actuelle sont résumées dans « Les défis que pose l’évolution rapide de la technologie : se mettre à l’heure des Jetsons », numéro spécial du Moniteur micro- économique, publié par la Direction générale de l’analyse de la politique micro-économique d’Industrie Canada
(http://strategis.ic.gc.ca/pics/raf/sp99q4_f.pdf).

(10) Consulter la note technique 2, page 25 (http://www.bank-banque-canada.ca/french/pdf/mpr0500-f.pdf).

(11) Marianne Baxter et Urban J. Jermin, « Household Production and the Excess Sensitivity of Consumption to Current Income », The American Economic Review, septembre 1999, p. 903-920.

(12) Avant cette révision, le taux d’épargne pour 1999 avait été fixé à 1,4 p. 100.

(13) Une explication plausible, parmi d’autres, de la relation entre l’épargne des ménages et l’inflation, rapportée dans le document de travail 2000-3 de la Banque du Canada, intitulé : « Long-Term Determinants of the Personal Savings Rate: Literature Review and Some Empirical Results for Canada », par Gilles Bérubé et Denise Côté, février 2000
(http://www.bank-banque-canada.ca/publications/working.papers/2000/wp00-3.pdf, en anglais).

(14) Gordon Thiessen, gouverneur de la Banque du Canada, « L’économie canadienne à la recherche du juste équilibre », allocution donnée le 15 juin 2000, devant la chambre de commerce de Kelowna, Colombie-Britannique.

(15) Phénomène appelé « dépréciation », mesurée de façon approximative par l’amortissement.

(16) L’économiste en chef de la Banque Royale paraphrasait ainsi Sa Majesté la Reine à la lumière du constat de la baisse du revenu disponible réel par habitant.  (« Le Canada comptera-t-il pour quelque chose en 2020? », Conjonctures (bulletin économique de la Banque Royale du Canada), février 2000, p. 4 (http://www.banqueroyale.com/economie/marche/pdf/can2020f.pdf).

(17) Dans l’édition de août 2000 de son bulletin intitulé : L’équilibre des finances publiques au Canada (http://www.fin.gc.ca/fiscbal/fiscbal_f.pdf), le ministère des Finances du Canada rappelle que : « Les deux paliers de gouvernements subiront des pressions accrues en raison du vieillissement de la population » (p. 15), tout en soulignant que, pour l’année financière 1999-2000, les gouvernements fédéral et provinciaux ont affiché le premier excédent budgétaire, basé sur les comptes publics, depuis au moins 30 ans (p. 3).