CIR 82-2F
LA PROSTITUTION
Rédaction :
James R. Robertson
Division du droit et du gouvernement
Révisé le 19 septembre 2003
TABLE DES MATIÈRES
B. Les propositions de modification
D. Le projet de loi C-49 (devenu l’article 23 du Code criminel)
FAITS NOUVEAUX DEPUIS LE PROJET DE LOI C-49
A. Les répercussions de la Charte
B. Suivi parlementaire du projet de loi C-49
D. Groupes de travail et règlements municipaux
H. Tourisme sexuel impliquant des enfants
A. Projet de loi C-127 (sanction royale le 27 octobre 1992)
B. Projet de loi C-49 (sanction royale et entrée en vigueur le 28 décembre 1985)
C. Projet de loi C-15 (sanction royale le 30 juin 1987 et entrée en vigueur le 1er janvier 1988)
D. Projet de loi C-61 (sanction royale le 13 septembre 1988 et entrée en vigueur le 1er janvier 1989)
E. Projet de loi C-27 : Loi modifiant le Code criminel (prostitution chez les enfants, tourisme sexuel impliquant des enfants, harcèlement criminel et mutilation d’organes génitaux féminins) (sanction royale le 25 avril 1997)
F. Projet de loi C-51 (sanction royale le 11 mars 1999)
G. Projet de loi C-15A (sanction royale le 19 mars 2002)
LA PROSTITUTION*
La prostitution est un sujet controversé qui fait intervenir des intérêts, des valeurs et des problèmes complexes et contradictoires. La sollicitation dans la rue – signe le plus évident de la prostitution – constitue un problème grave dans les grands centres urbains du Canada, où les prostitué(e)s ont fait de certains quartiers des endroits désagréables, encombrés et, selon certains, dangereux, des lieux propices à la toxicomanie et à la violence criminelle, maux qui accompagnent la prostitution. Cette situation oblige les pouvoirs publics à se poser de sérieuses questions dont celles-ci : De quelle compétence relève ce problème, et à quels pouvoirs faut‑il faire appel? Dans quelle mesure l’État peut‑il exercer ses pouvoirs afin de limiter la prostitution? La prostitution est-elle un problème en elle‑même ou, simplement, un aspect de problèmes plus vastes?
Certains croient que s’attaquer uniquement aux aspects les plus visibles et les plus offensants de la pratique du « plus vieux métier du monde » ne fera que déplacer le problème et que les prétendues conséquences nuisibles de la prostitution découlent moins de sa nature intrinsèque que de notre attitude et de notre conduite ambiguës face à elle. Les lois canadiennes ont donné à la prostitution un aspect de quasi‑légalité; à son égard, on adopte souvent une attitude où se mêlent l’humour, le mépris, l’indignation et l’indifférence.
La prostitution est un sujet qui, d’entrée de jeu, est du domaine du féminisme, des libertés individuelles et de l’ordre public. Elle soulève des questions relatives à la moralité ainsi qu’aux droits et aux libertés garanties dans la Constitution. C’est une des rares activités sexuelles consensuelles qui est encore assujettie à la loi et à des sanctions pénales, et elle continue de susciter des débats passionnés.
Le terme « prostitution » n’est pas défini dans le Code criminel, mais la jurisprudence a établi trois aspects principaux de cette activité : l’offre de services sexuels, le fait qu’elle s’adresse à un nombre indéterminé de personnes et la nécessité d’une forme quelconque de paiement.
Le fait de consentir à des rapports sexuels (entre adultes) moyennant rémunération n’a jamais été illégal aux termes du Code criminel canadien, qui, cependant, a tenu et tient encore compte des activités liées à la prostitution qui sont réputées menacer l’ordre public ou les bonnes moeurs. Le premier Code criminel du Canada, adopté en 1892, comprenait une disposition qui n’a pratiquement pas été modifiée jusqu’en 1972 et qui prévoyait que les activités d’une fille publique à la recherche de clients constituaient une forme de vagabondage. Selon l’alinéa 175(1)c), commettait un « acte de vagabondage » toute personne qui,
étant une fille publique ou coureuse de nuit, est trouvée dans un endroit public et, lorsqu’elle en est requise, ne rend pas à son sujet un compte satisfaisant.
Cet alinéa a permis de mettre un frein à la sollicitation dans la rue, mais il s’appliquait exclusivement aux femmes, qui pouvaient être tenues de se justifier essentiellement en fonction de leur condition et non de répondre d’un acte manifeste, ce qui est le fondement habituel de la responsabilité en matière pénale. En outre, cet alinéa obligeait la femme en cause à « rend[re] à son sujet un compte satisfaisant », ce qui pouvait entrer en conflit avec les privilèges de la common law relativement à l’auto‑incrimination et qui, depuis 1960, était contraire aux principes énoncés dans la Déclaration canadienne des droits. À la suite des critiques formulées par le pouvoir judiciaire et dans le rapport de la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada, cette disposition a été abrogée en 1972 et remplacée par l’article 195.1 qui disait ceci :
Toute personne qui sollicite une personne dans un endroit public aux fins de la prostitution est coupable d’une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité.
Cette disposition visait à punir un acte manifeste – la sollicitation – qui n’était toutefois pas défini. Elle semblait donner suite aux objections formulées relativement à l’ancien alinéa et porter sur la nuisance sociale de la prostitution. Elle n’obligeait pas un suspect à justifier ses actions et elle paraissait s’appliquer tant aux hommes qu’aux femmes.
Toutefois, d’après des critiques de toutes les tendances, l’article 195.1 a été un échec. Un premier problème consistait à définir le terme « sollicite ». Dans l’affaire Hutt c. R. (1978), 82 D.L.R. (3d) 95 (C.S.C.), la Cour suprême du Canada a statué que la conduite d’un(e) prostitué(e) devait être conforme à la définition de « solliciter » figurant dans le dictionnaire pour que ses activités constituent une infraction criminelle. Autrement dit, la personne devait importuner ou être « pressante ou persistante », et non indiquer simplement qu’elle est prête à se prostituer. Dans l’affaire en question, un policier en civil avait permis à l’appelante de monter dans sa voiture, où elle lui a alors dit qu’elle était une prostituée et elle a abordé la question de la rémunération de ses services. Selon la Cour suprême, cette conduite ne relevait certainement pas de la mesure pénale adoptée par le Parlement afin d’interdire des actes « qui pourraient gêner le public ». Quatre juges de la Cour suprême ont également indiqué que si la question s’était posée, ils auraient conclu que la voiture ne constituait pas un « endroit public », établissant ainsi, pour une deuxième raison, que la conduite de l’appelante ne relevait pas de l’article 195.1.
D’après bon nombre de critiques, cette décision a privé les forces policières de tout moyen d’enrayer la prostitution dans la rue, une activité en pleine expansion. Tant que la sollicitation ne se faisait pas d’une façon pressante, les prostitué(e)s pouvaient se rassembler et exercer leur métier sans crainte.
L’article 195.1 a aussi été interprété par les tribunaux comme ne s’appliquant qu’aux femmes. Cette lacune a été comblée par une modification apportée en 1983 pour préciser que le mot « prostitué » désigne une personne de l’un ou l’autre sexe qui se livre à la prostitution. Une autre question controversée était de déterminer si un « client » pouvait être accusé de sollicitation. La Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a statué que les mots « aux fins de la prostitution » visaient uniquement l’acte de la personne qui se prostitue (R. c. Dudak (1978), 3 C.R. (3d) 68 (C.A. C.‑B.)). Par ailleurs, la Cour d’appel de l’Ontario a estimé (R. c. DiPaola (1978), 4 C.R. (3d) 121 (C.A. Ont.)) que ces mots s’appliquaient à l’une ou l’autre partie à la transaction.
En 1985, le gouvernement a abrogé la disposition litigieuse et créé l’infraction qui consiste à « communiquer dans un endroit public à des fins de prostitution » (maintenant l’art. 213 du Code criminel). La nouvelle disposition s’est elle aussi avérée litigieuse, mais sa constitutionnalité a finalement été confirmée par la Cour suprême du Canada en 1990.
D’autres dispositions du Code criminel se rapportant à la prostitution sont moins controversées. Même si l’acte lui‑même est « licite », des sanctions pénales s’appliquent aux endroits où il est pratiqué : l’article 210 dispose en effet qu’est coupable d’un acte criminel quiconque « tient » une maison de débauche, en « habite » une, « est trouvé » dans un tel endroit ou, en qualité de propriétaire, permet qu’un local soit employé à cette fin. L’article 197 définit ainsi une maison de débauche : « local qui est tenu ou occupé, ou que fréquentent une ou plusieurs personnes, à des fins de prostitution ou pour la pratique d’actes d’indécence ». Les tribunaux ont statué que, pour correspondre à cette définition, un local doit être fréquenté d’une façon habituelle et régulière à des fins de prostitution (R. c. Patterson (1968), 67 D.L.R. (2d) 82 (C.S.C.)) Ainsi, une femme qui, seule mais de façon régulière, s’était servie de son appartement à des fins de prostitution a été accusée d’avoir tenu une maison de débauche (R. c. Worthington (1972), 22 C.R.N.S. 34 (C.A. Ont.)). Néanmoins, la simple participation aux activités illicites d’une maison de débauche n’étaiera pas une déclaration de culpabilité pour la « tenue d’une maison de débauche » aux termes du paragraphe 210(1) sans preuve que la personne assume en partie la charge des locaux. Voir à ce sujet, l’arrêt R. c. Corbeil, [1991] 1 R.C.S. 83.
Un élément des dispositions relatives aux maisons de débauche a été déclaré sans effet à la suite d’une contestation en vertu de la Charte. Selon la présomption législative à l’alinéa 198(1)d), une condamnation préalable relative à la tenue d’une maison de débauche équivaut à prouver la nature de ces lieux, dans le cadre de poursuites subséquentes intentées contre d’autres personnes accusées de fréquenter et d’habiter ces lieux. Il a été jugé que cette présomption contrevient à l’alinéa 11d) et à l’article 7 de la Charte (R. c. Janoff (1991), 68 C.C.C. (3d) 454 (C.A. Qc)). La cour d’appel du Québec a décidé qu’une telle présomption était en contradiction avec les règles de la preuve relatives à la preuve par ouï-dire, à la preuve sous forme d’opinion et à la pertinence, et priverait l’accusé d’un procès équitable. Comme aucune preuve justifiant l’infraction en vertu de l’article premier de la Charte n’a été présentée, cet alinéa a été déclaré inopérant.
Il est également illégal de tenir une maison de débauche pour l’accomplissement d’actes indécents. Cependant, ce qui est considéré comme « indécent » peut varier selon la norme de tolérance de la société. À en juger par la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Tremblay, [1993] 2 R.C.S. 932, le seuil de tolérance de la société peut être passablement élevé. Dans cette affaire, les propriétaires d’une boîte de nuit de Montréal avaient engagé des danseuses nues qui se produisaient dans des cabines individuelles. Les clients pouvaient se dévêtir et se masturber pendant le spectacle. La majorité des juges a soutenu que ces activités n’étaient pas indécentes parce qu’elles n’outrepassaient pas le seuil de tolérance de la société à cet égard. La Cour a examiné les circonstances entourant l’activité, le tort causé si la chose était rendue publique et les témoignages d’experts sur le sujet. Elle a fondé son jugement sur le fait qu’aucune plainte n’avait été reçue concernant les activités de la boîte, que le spectacle s’était déroulé en privé en présence uniquement d’adultes consentants, qu’il n’y avait eu aucun contact physique entre les clients et les danseuses, et que les experts, dans leurs témoignages, avaient déclaré qu’il s’agissait d’actes non pathologiques de voyeurisme et d’exhibitionnisme qui ne nuisaient à personne.
Citant la décision rendue dans l’affaire Tremblay, un juge de l’Ontario a établi que la danse-contact ou la danse aux tables ne constituait pas un acte d’indécence. Cette décision a soulevé beaucoup de controverse et a même conduit à l’adoption, à Toronto, d’un règlement interdisant les danses avec contact dans des lieux de divertissement pour adultes. La décision rendue par le juge de première instance a ultérieurement été renversée par la Cour d’appel de l’Ontario, qui a décrit la danse-contact comme une forme de prostitution (R. c. Mara, 27 O.R. 3d) 643). Reconnaissant que le Parlement a choisi de s’attaquer à la prostitution indirectement en criminalisant les activités qui y sont liées, la Cour d’appel a soutenu qu’il veut enrayer la prostitution parce qu’elle est néfaste et qu’il s’agit d’une forme de violence faite aux femmes qui est liée à la domination historique de l’homme sur la femme. Elle a conclu que la danse-contact équivaut à un acte d’indécence et dépasse clairement ce qui est acceptable pour le bon fonctionnement de la société canadienne.
En juin 1997, la Cour suprême du Canada a confirmé qu’un contact sexuel entre une danseuse et un client dans un endroit public constitue une forme de prostitution qui viole les normes de la société. Au nom de la Cour, le juge Sopinka a écrit : « [C]e type d’activité est nocif à la société sous de nombreux angles. Il dégrade et déshumanise les femmes, trivialise la sexualité et est incompatible avec la préservation de la dignité et de l’égalité de chaque être humain » (R. c. Mara, non publié, 26 juin 1997). Un certain nombre de questions connexes demeurent en suspens.
Le Code criminel tente non seulement de réglementer la sollicitation et les endroits où se pratique la prostitution, mais aussi d’englober toute une gamme d’activités connexes. Selon l’article 211, est coupable d’une infraction quiconque, sciemment, mène, transporte ou offre de mener ou de transporter une autre personne à une maison de débauche, ou encore dirige ou offre de diriger une autre personne vers cet endroit. Le paragraphe 212(1) énumère un certain nombre d’infractions relatives au proxénétisme et au fait de vivre des produits de la prostitution, tandis que le paragraphe 212(4) interdit l’achat de services sexuels d’une personne de moins de 18 ans. Le paragraphe 212(3) dispose en outre que la preuve qu’une personne « vit ou se trouve habituellement en compagnie d’un prostitué ou vit dans une maison de débauche ou une maison de rendez‑vous » constitue une preuve qu’elle vit des produits de la prostitution, « sauf preuve du contraire ». Cette disposition relative au fardeau inversé a été contestée devant les tribunaux parce qu’elle irait à l’encontre de la présomption d’innocence garantie par l’alinéa 11d) de la Charte. En 1992, la Cour suprême du Canada a statué que ce qui constitue maintenant le paragraphe 212(3) déroge à l’alinéa 11d) de la Charte, mais qu’il est justifiable en vertu de l’article premier (Downey c. R., [1992], 2 R.C.S. 10).
La majorité dans l’affaire Downey a accepté le fait qu’un accusé peut être déclaré coupable, malgré l’existence d’un doute sérieux sur sa culpabilité. Une personne peut partager un logement avec une prostituée sans nécessairement vivre des produits de la prostitution. La Cour a toutefois décidé que le paragraphe contesté constitue une limite raisonnable à la présomption d’innocence. L’objectif de la loi, qui consiste à refréner l’activité exploiteuse des proxénètes, est suffisamment important pour justifier l’annulation du droit protégé. La Cour a également décrété que le paragraphe 195(2) répond au critère de proportionnalité. L’atteinte au droit prévu en vertu de la Charte a été décrite comme minime. Selon le tribunal, il n’y a pas de danger réel que des personnes innocentes qui s’entendent pour vivre de façon légitime et non parasitaire avec des prostitués, soient déclarées coupables. Il suffit à l’accusé de présenter des preuves susceptibles de donner lieu à un doute sérieux. L’accusé n’a pas besoin de porter témoignage; on pourrait arriver à la preuve nécessaire simplement en contre-interrogeant les témoins à charge. Le paragraphe 212(3) ne vise pas seulement à régler les graves problèmes sociaux découlant de la prostitution, mais aussi à protéger les prostitué(e)s d’autres abus, étant donné qu’eux(elles)-mêmes n’auraient pas besoin de porter témoignage.
En résumé, le Code criminel du Canada aborde la question de la prostitution d’une façon ambiguë : l’acte comme tel n’est pas considéré comme une infraction criminelle, mais presque toutes les activités qui s’y rattachent nécessairement le sont.
B. Les propositions de modification
Après que la Cour suprême du Canada eut rendu sa décision dans l’affaire Hutt, la population a intensifié ses pressions pour que l’article 195.1 soit modifié de façon à étendre la portée de la définition de la sollicitation. Ces pressions étaient une riposte à ce que certains appellent le « fléau » de la prostitution dans la rue. Les forces policières et les gouvernements provinciaux voulaient que les modifications permettent de contrôler cette activité qui, d’après eux, constituait un véritable fléau dans les secteurs résidentiels et commerciaux et favorisait d’autres activités criminelles, comme le trafic de la drogue et l’exploitation des enfants.
L’inaction du gouvernement fédéral, ou sa lenteur à agir, a incité plusieurs villes canadiennes aux prises avec le problème de la sollicitation dans la rue à essayer d’agir directement. C’est ainsi que Montréal (en 1980) et Calgary (en 1981) ont adopté des arrêtés municipaux visant essentiellement à interdire l’usage des rues et autres lieux publics en vue de se prostituer ou d’obtenir les services de prostitué(e)s. Ces villes agissaient censément dans le cadre de leurs pouvoirs municipaux, dérivés des lois provinciales, pour réglementer l’usage des rues et réprimer les activités encourageant la criminalité. Selon les autorités policières et municipales des deux villes, ces arrêtés municipaux se révélaient efficaces, mais les tribunaux les ont tous deux jugés invalides. Dans l’affaire R. c. Westendorp (1983), 32 C.R. (3d) 97, la Cour suprême du Canada a rejeté l’arrêté de Calgary parce qu’il constituait, de la part de la municipalité, une tentative d’imposer des sanctions pénales, ce qui relève exclusivement de la compétence fédérale. Une décision semblable a été rendue en 1984 à l’égard de l’arrêté montréalais (Goldwax c. Ville de Montréal, [1984] 2 R.C.S. 525). Ces jugements ont eu pour effet d’invalider d’autres arrêtés municipaux similaires en vigueur ou projetés à Vancouver, Niagara Falls, Regina et Halifax.
En octobre 1983, la ville de Montréal a fait une autre tentative pour contrôler la prostitution au moyen d’un arrêté municipal, cette fois d’une façon beaucoup plus indirecte. Elle a promulgué un arrêté qui visait à interdire la vente sans permis de tout service dans les rues de la ville, ce qui revenait à interdire la prostitution en refusant de délivrer des permis de « sollicitation ». La validité de l’arrêté municipal a été confirmée par la Cour supérieure du Québec.
Au cours de l’été 1984, une nouvelle stratégie a été adoptée en Colombie‑Britannique pour essayer de régler le problème de la sollicitation dans la rue. Le procureur général a demandé à la Cour suprême de la province une injonction en vue de réprimer, à titre de nuisance publique reconnue par la common law, les activités de prostitution exercées dans un quartier résidentiel de Vancouver. Le tribunal a accordé une injonction provisoire (A.G.B.C. c. Couillard (1984), 42 C.R. (3d) 273) interdisant aux prostitué(e)s d’offrir leurs services à des fins de prostitution sur la voie publique ou de sembler le faire, directement ou indirectement. Cette injonction « temporaire » réprimait également diverses autres activités par lesquelles les prostitué(e)s troublaient la paix publique. Le tribunal a fondé son ordonnance sur les témoignages d’habitants du secteur ouest de Vancouver qui ont décrit les conséquences de la sollicitation sans restriction dans leur quartier. Les tribunaux n’ont pas eu à se prononcer sur l’imposition d’une injonction permanente parce que l’injonction provisoire a été annulée à la demande du procureur général, après l’adoption, en décembre 1985, du projet de loi C‑49.
En décembre 1984, le procureur général de la Nouvelle‑Écosse a demandé une injonction de la Cour suprême de cette province pour réprimer, à titre de nuisance publique, les activités des prostitué(e)s dans la ville de Halifax. La Cour a cependant rejeté la requête, affirmant que la province tentait de contrôler par voie de procédure civile une question de juridiction criminelle, donc de compétence fédérale. Plus tard, en mars 1985, la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse a rejeté un appel du procureur général (A.G. N.S. c. Beaver (1985), 67 N.S.R. (2d), 155 A.P.R. 281).
En juin 1983, le ministre de la Justice a créé un Comité spécial d’étude de la pornographie et de la prostitution. Ce comité, connu sous le nom de Comité Fraser du nom de son président, a publié son rapport en avril 1985.
Selon ce rapport, la prostitution, sous toutes ses formes, était un phénomène répandu au Canada, particulièrement dans les centres urbains. Le Comité a constaté qu’on manquait de renseignements empiriques sur la prostitution, mais que, selon toute probabilité, la misère était un facteur important qui poussait de nombreuses femmes à s’adonner à la prostitution. Le Comité a également conclu que la population canadienne était ambivalente sur la question : même si la plupart s’opposaient à une plus grande criminalisation de la prostitution et des activités connexes, bon nombre appuyaient en revanche des mesures susceptibles d’atténuer leurs aspects de « nuisance ».
Le Comité a examiné trois stratégies de lutte contre la prostitution : la criminalisation, la décriminalisation et la réglementation. La première interdirait toutes les formes de prostitution et d’activités connexes. Elle n’a pas retenu la faveur du Comité parce qu’elle ne jouirait pas de l’appui de la population, qu’elle serait pratiquement impossible à appliquer et qu’elle imposerait un jugement moral étroit au moyen de sanctions pénales.
D’autre part, s’il s’est dit bien disposé à l’égard des objectifs de la décriminalisation, le Comité ne l’a pas entièrement appuyée. Il a rejeté l’idée romantique selon laquelle tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes de la prostitution si l’on se contentait de supprimer purement et simplement le recours au droit pénal. Selon lui, tous les risques de dommages, d’abus et d’exploitation n’en disparaîtraient pas pour autant. Enfin, il a aussi rejeté l’approche basée uniquement sur la réglementation, c’est‑à‑dire le contrôle et la réglementation de la prostitution par l’État, comme au Nevada ou en Allemagne de l’Ouest.
Les recommandations du Comité ne découlaient exclusivement d’aucune de ces stratégies, mais empruntaient plutôt à toutes trois à divers degrés. Ce qui est le plus important, c’est que les recommandations proposaient des réformes économiques et sociales qui pourraient atténuer les causes de la prostitution. Par exemple, le Comité a recommandé que les gouvernements du Canada intensifient leur engagement moral et financier pour éliminer les inégalités économiques et sociales entre les sexes, veillent à mettre en place des programmes sociaux destinés aux femmes et aux jeunes dans le besoin et subventionnent davantage les groupes communautaires contribuant au bien‑être des personnes qui se prostituent ou se sont prostituées.
Tous les membres du Comité, sauf un, ont convenu qu’il serait mauvais d’abroger toutes les sanctions pénales concernant la prostitution. Ils ont toutefois proposé une révision approfondie et une mise à jour du droit pénal sur cette question, recommandant des sanctions pénales plus sévères dans le domaine de la prostitution dans la rue. Il a conclu que l’absence de restrictions touchant cette activité causait des torts sous forme de désordres et de nuisances, et qu’il serait déraisonnable de « relever les prostituées et leurs clients de toute responsabilité juridique à l’égard des actes criminels ou des nuisances spécifiques que peuvent entraîner leurs activités ». En conséquence, il a proposé la création d’une nouvelle infraction consistant à gêner ou à essayer de gêner, à plusieurs reprises, la libre circulation des piétons ou des véhicules afin de se livrer à la prostitution ou d’employer les services d’un(e) prostitué(e). Le Comité a rejeté la solution consistant à criminaliser la simple proposition ou la simple acceptation de services de prostitution : la modification exigerait un certain niveau de « désordre ».
Pour faire contrepoids au traitement plus sévère qu’il recommandait à l’égard de la sollicitation dans la rue, le Comité a proposé d’assouplir les autres restrictions imposées à l’exercice de la prostitution à proprement parler. Il a notamment proposé de remplacer les dispositions relatives aux maisons de débauche par d’autres qui criminaliseraient l’usage de locaux uniquement par plus de deux prostitué(e)s. Le Comité a en effet jugé qu’il est illogique de permettre des actes de prostitution tout en rendant illégale l’utilisation de certains locaux pour s’y livrer. En restreignant l’exploitation d’établissements de prostitution à un maximum de deux personnes, on éviterait censément la nuisance, et un(e) prostitué(e) pourrait utiliser son propre domicile. L’autre exception proposée, à savoir qu’on permette l’exploitation d’établissements de prostitution pourvu qu’ils soient munis d’une autorisation et exploités conformément à la réglementation établie par une assemblée législative provinciale ou territoriale, a été plus controversée. Ces établissements ne seraient pas assujettis à la réglementation globale d’autres niveaux de gouvernement, mais devraient simplement obtenir une autorisation et respecter le zonage comme les autres entreprises.
Le Comité a également recommandé d’abroger les dispositions relatives au proxénétisme et au fait de vivre des produits de la prostitution et de les remplacer par un article à portée bien plus limitée qui ne viserait que les actes accomplis en recourant à la violence, à des menaces ou à tout autre comportement coercitif ou menaçant. En outre, serait désormais coupable d’un acte criminel toute personne qui, par l’emploi de la menace ou de la force, en inciterait une autre à l’entretenir au moyen de la prostitution. La raison invoquée était que le proxénétisme ou le fait de vivre des produits de la prostitution d’une autre personne ne devraient pas être sanctionnés par une mesure pénale en l’absence d’une incitation indue de cette personne. Le Comité s’est également penché sur le problème de la prostitution des jeunes.
Le Comité a terminé son analyse en faisant l’observation suivante sur la façon dont les gouvernements devraient s’attaquer à la prostitution :
Le problème de la prostitution ne saurait être réglé par des dispositions pénales fragmentaires. Il convient au contraire de veiller à ce que toutes les dispositions visant la prostitution trouvent place dans un ensemble systématique.
D. Le projet de loi C‑49 (devenu l’article 213 du Code Criminel)
Peu après la publication du rapport, le ministre de la Justice a déposé le projet de loi C‑49, qui a été examiné par le Parlement en novembre et en décembre et adopté le 28 décembre 1985. Il a abrogé l’article 195.1 et l’a remplacé par une nouvelle infraction s’appliquant à quiconque, dans un endroit public ou situé à la vue du public et dans le but de se livrer à la prostitution ou de retenir les services sexuels d’une personne qui s’y livre :
En outre, la définition d’« endroit public » comprend les véhicules à moteur situés dans un endroit public.
Le projet de loi C‑49 prévoyait cependant que l’application de ses dispositions serait examinée par un comité de la Chambre des communes trois ans après son entrée en vigueur (c.‑à‑d. le 28 décembre 1988). Ce projet de loi a soulevé la controverse. Les groupes d’habitants de quartiers touchés par le problème de la prostitution, les forces de l’ordre ainsi que de nombreuses administrations municipales l’ont accueilli avec enthousiasme. En revanche, d’autres groupes se sont dits profondément opposés à cette mesure, soutenant qu’elle ne faisait que déplacer le problème de la prostitution, qu’elle conférait des pouvoirs discrétionnaires trop étendus aux forces policières et aux procureurs et qu’elle mettait en danger les prostitué(e)s en donnant plus d’importance au rôle des souteneurs. Bien que le Ministre ait indiqué au cours de l’étude du projet de loi en comité que d’autres modifications seraient apportées au Code criminel relativement au problème de la prostitution, aucune autre mesure visant à réprimer la prostitution chez les adultes n’a été proposée. Toutefois, les modifications apportées au Code criminel en 1988 (projet de loi C-15) ont interdit d’avoir recours ou de tenter d’avoir recours aux services sexuels d’un mineur; elles ont aussi porté à 14 ans la peine maximale prévue pour quiconque est reconnu coupable de vivre des produits de la prostitution d’une personne âgée de moins de 18 ans.
FAITS NOUVEAUX DEPUIS LE PROJET DE LOI C-49
A. Les répercussions de la Charte
En 1986, deux tribunaux inférieurs ont formulé des arrêts contradictoires sur la constitutionnalité du projet de loi C‑49 (R. c. McLean (1986), 28 C.C.C. (3d) 176; R. c. Bear (1986), 54 C.R. (3d) 68). En mai 1987, la Division d’appel de la Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse a statué que la loi portait atteinte aux garanties de la Charte canadienne des droits et libertés concernant la liberté d’expression, parce qu’elle restreignait de façon inhabituelle la communication relativement à une activité qui n’était pas illégale (R. c. Skinner (1987), 35 C.C.C. (3d) 203). Le 17 juillet 1987, la Cour d’appel de l’Alberta (R. c. Jahelka (1987), 79 A.R. 44), a rendu une décision contraire : selon elle, la loi restreignait effectivement la liberté d’expression, mais l’article de la Charte sur les limites justifiables s’appliquait dans ce cas, puisqu’il n’y avait pas d’autre moyen « évident » ou « plausible » de s’attaquer au problème de la prostitution dans les rues. Un troisième jugement d’un tribunal d’appel, intitulé Reference Re Sections 193 and 195.1(1)(c) of the Criminal Code [1987] 6 W.W.R. 289 (C.A. Man.), a été rendu par la Cour d’appel du Manitoba. À l’instar de celui de la Cour d’appel de l’Alberta, il admet la validité de l’alinéa 195.1(1)c), sans s’appuyer toutefois sur l’article premier de la Charte. La Cour a conclu que la « liberté d’expression » n’était même pas en cause à première vue et, dans l’ensemble, elle a interprété la Charte de façon restrictive. Il restait à la Cour suprême de trancher la question, ce qu’elle a fait en confirmant ces dispositions (Renvoi relatif à l’article 193 et à l’alinéa 195.1(1)c) du Code criminel, [1990] 1 R.C.S. 1123).
Le juge en chef Dickson a exposé les raisons de ce jugement majoritaire auquel madame le juge Wilson et madame le juge L’Heureux‑Dubé n’ont pas souscrit; il a expliqué que bien que l’article contesté (l’actuel alinéa 213(1)c) du Code criminel) empiète sur la liberté d’expression garantie par l’alinéa 2b) de la Charte des droits et libertés, il ne transgresse ni interdit la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d). Le juge en chef a en outre soutenu que l’article n’empiète pas sur le droit d’être traité équitablement lorsque la vie, la liberté et la sécurité sont menacées par une action gouvernementale, comme le garantit l’article 7 de la Charte. De l’avis du juge en chef Dickson, l’article du Code qui interdit d’exploiter ou d’être mêlé à l’exploitation d’une maison de débauche, et dont il était question notamment dans l’affaire du Manitoba, n’empiète pas sur la garantie de liberté d’expression accordée par l’alinéa 2b) de la Charte. Enfin, et ce qui est plus important encore, le juge a déclaré que l’empiétement de la disposition du Code criminel en cause sur la liberté d’expression garantie par l’alinéa 2b) de la Charte est justifié du fait que l’article premier de celle-ci dispose qu’il peut être imposé une limite raisonnable à la protection d’un droit si c’est manifestement justifié dans une société libre et démocratique.
S’inspirant d’une formule utilisée dans d’autres jugements de la Cour suprême, le juge en chef a indiqué les étapes qu’un tribunal devrait suivre pour évaluer si l’invocation de l’article premier, pour déroger à la Charte, est chaque fois justifiée. Premièrement, le tribunal doit caractériser le but de la disposition contestée, qui, selon Son Honneur le juge, dans ce cas‑ci consistait à s’attaquer à la sollicitation dans les endroits publics et à réprimer diverses formes de nuisance sociale causées par l’affichage de la vente de sexe. Le juge en chef a déclaré que l’article ne visait en fait qu’à chasser la prostitution de la rue et à la soustraire à la vue du public. Sur ce point, il était en désaccord avec un autre juge de la majorité pour qui l’objectif de la loi était de s’attaquer aux plus vastes questions de l’exploitation, de la dégradation et de l’avilissement des femmes, questions qui font partie de la réalité contemporaine de la prostitution.
Deuxièmement, le tribunal doit évaluer la pertinence de la loi contestée pour déterminer si les moyens mis en oeuvre dans la disposition sont bien conçus pour répondre aux objectifs; autrement dit, le tribunal doit juger si oui ou non les moyens entravent le moins possible l’exercice d’un droit (comme la liberté d’expression). Le juge en chef a décrété que la loi, dans ce cas‑ci, ne constituait pas une ingérence outrancière dans la vie de quiconque. Peu lui importait que la disposition ne fût pas parfaite, pourvu que la loi soit dûment et soigneusement adaptée au contexte du droit lésé.
Troisièmement, le tribunal doit déterminer si les effets de la loi s’opposent si gravement à un droit protégé que l’empiétement l’emporte sur l’objectif de la loi. Ici, le juge en chef a expliqué que l’empiétement ne l’emportait pas sur l’objectif, puisque la lutte contre la sollicitation dans la rue est dans l’intérêt d’un grand nombre de membres de la société pour qui la nuisance provoquée par la sollicitation apporte de graves problèmes.
B. Suivi parlementaire du projet de loi C-49
Entre‑temps, dans le cadre de l’examen obligatoire du projet de loi C‑49 prévue par une de ses dispositions, le ministère fédéral de la Justice a entrepris en 1987 et en 1988 un projet de recherche visant à déterminer si le projet de loi avait eu pour effet d’atténuer les aspects « nuisance » de la sollicitation dans la rue. Le Ministère a mené une série d’études dans cinq villes canadiennes (Vancouver, Calgary, Toronto, Montréal et Halifax) et d’autres recherches « moins approfondies » à Regina, Winnipeg, London, Niagara Falls, Ottawa, Trois‑Rivières et Québec. Figuraient parmi les principaux groupes interrogés des agents de police, des procureurs de la Couronne, des avocats de la défense, quelques juges, des prostitué(e)s, des clients, des proxénètes, des employés d’organismes de services sociaux, des gens d’affaires et des habitants des quartiers touchés par la sollicitation dans la rue. Les enquêteurs ont également eu accès à des données de base rassemblées en 1984 à l’intention du Comité Fraser.
Le ministère de la Justice a publié, en juillet 1989, un rapport intitulé La prostitution de rue : effets de la Loi, qui fournit une synthèse des résultats des études sur place. D’après la conclusion de ce rapport, la nouvelle loi sur la communication a modifié quelque peu la pratique de la prostitution de rue mais, dans la plupart des villes étudiées, ce phénomène demeure aussi répandu qu’avant l’adoption de la nouvelle loi. Cette conclusion revêt une importance considérable étant donné que l’objectif premier de cette loi, comme le font remarquer les auteurs du rapport, consistait à « chasser les prostituées de rue et leurs clients des quartiers résidentiels du centre‑ville ».
Le 5 avril 1989, la Chambre des communes a adopté un ordre de renvoi prescrivant au Comité permanent de la justice et du Solliciteur général d’effectuer une étude exhaustive du projet de loi C‑49. Les membres du Comité ont entendu plusieurs témoins, mais ont décidé, par un vote, d’attendre que la Cour suprême du Canada se soit prononcée sur la constitutionnalité du projet de loi C‑49 avant de déposer leur rapport à la Chambre des communes. Après que la Cour suprême a rendu sa décision, le Comité de la justice s’est réuni pour se pencher sur le rapport qu’il projetait déposer à la Chambre des communes.
Le 4 octobre 1990, le Comité a déposé un rapport de 31 pages dans lequel il recommandait d’apporter les trois changements qui suivent afin d’offrir des solutions de rechange aux personnes qui s’adonnent au commerce de la sollicitation et d’inciter davantage leurs clients à renoncer à l’achat de services sexuels et enfin, d’aider les organismes chargés de l’application de la loi à faire leur travail :
Le 1er mars 1991, le gouvernement a répondu au rapport et aux recommandations du Comité permanent de la justice et du Solliciteur général.
L’objet de la première recommandation a été jugé trop limité parce que les programmes proposés n’auraient pas répondu aux besoins des prostitué(e)s qui ne veulent pas renoncer au commerce de la sollicitation de rue ni ne réglaient les problèmes des « jeunes prostitué(e)s ». Le gouvernement s’est dit d’avis qu’il fallait avant tout continuer à mener des consultations auprès des prostitué(e)s, des organismes et d’autres ordres de gouvernement afin d’offrir les services qui permettront de répondre vraiment à leurs besoins.
Une recommandation pour l’infliction de peines plus lourdes pour les récidivistes a aussi été rejetée. Le gouvernement considérait que des peines plus sévères et les conséquences économiques de l’application de la recommandation iraient à l’encontre de l’objectif consistant à fournir aux prostitué(e)s les moyens nécessaires pour abandonner la sollicitation de rue.
Le gouvernement a refusé de donner suite à la dernière recommandation du Comité parce qu’il ne croyait pas que l’on puisse établir un « lien logique » entre l’infraction et la peine (l’utilisation d’un véhicule n’est pas un élément de l’infraction de la sollicitation de rue). Le gouvernement a aussi laissé entendre que le tribunal pourrait infliger une telle peine aux termes de la loi actuelle, comme condition de probation (lorsque le tribunal le juge bon). Le gouvernement a aussi estimé que l’arrestation pour sollicitation de rue et les poursuites subséquentes sont suffisantes pour dissuader le client moyen de récidiver.
Le gouvernement a toutefois ajouté que les questions relatives aux peines qui ont été soulevées dans les deux dernières recommandations seraient prises en considération dans un projet de loi concernant la réforme de la peine.
D. Groupes de travail et règlements municipaux
Malgré les conclusions du Comité Fraser et du Comité permanent de la justice et du Solliciteur général, les demandes d’intervention n’ont en rien diminué. La prostitution et ses activités connexes sont toujours l’objet de diverses études dans des collectivités un peu partout au Canada. En 1992, deux grandes villes, Ottawa et Edmonton, ont créé chacune un Groupe de travail chargé de s’attaquer aux problèmes liés à la prostitution dans les quartiers résidentiels. À Halifax, Montréal et Toronto, les services de police ont mis sur pied des groupes de travail chargés d’évaluer l’ampleur de la prostitution des jeunes dans leur ville et d’établir des programmes pour encourager les jeunes prostitué(e)s à renoncer au commerce des services sexuels.
Le Groupe de travail de la ville d’Ottawa, qui comptait des délégués d’associations de résidents, de groupes de femmes, de travailleurs sociaux, des forces policières et du Bureau du procureur de la Couronne, a publié ses recommandations le 16 octobre 1992. Dans bon nombre d’entre elles, le Groupe de travail demandait une application plus rigoureuse de la loi actuelle de la part de tous les intervenants du système de justice pénale, alors que dans d’autres, il insistait sur les programmes de prévention du crime, d’éducation et d’intervention en cas de crise. De nombreuses recommandations reprenaient des recommandations qui figuraient déjà dans des études antérieures. La plus digne de mention a trait à l’adoption d’une loi fédérale en vertu de laquelle seraient prises les empreintes digitales et la photo de toute personne accusée d’une infraction à l’article 213. Le Groupe de travail a également prié le ministre de la Justice de reprendre les recommandations du Comité Fraser. Cela voudrait dire :
Le Groupe de travail d’Ottawa a également exhorté la ministre de la Justice à examiner avec les représentants des grands centres urbains du pays s’il pourrait être avantageux de créer un Conseil national de la prévention du crime. Le Conseil municipal a pris des mesures administratives à la suite du dépôt du rapport. Afin de restreindre la circulation automobile dans un secteur fréquenté par des prostitué(e)s, la Municipalité d’Ottawa a entrepris de réorienter la circulation, malgré l’opposition de certains commerçants du quartier.
Le Edmonton Action Group on Prostitution a déposé un rapport intérimaire le 29 décembre 1992 dans lequel il se penche surtout sur la prostitution juvénile et examine les mesures prises par la ville et les organismes locaux pour répondre aux nombreux problèmes des jeunes prostitué(e)s. De plus, le groupe a adressé plusieurs recommandations aux gouvernements provinciaux et fédéral, dont des modifications aux lois sur l’aide à l’enfance et au Code criminel. Les auteurs du rapport ont aussi proposé que la ville adopte un règlement sur les services d’escorte, les spectacles exotiques et les salons de massage. Ainsi, tous les professionnels du sexe seraient tenus d’acheter un permis qui ne serait délivré qu’aux personnes de 18 ans ou plus avec l’autorisation écrite du chef de police. Le conseil municipal d’Edmonton a depuis adopté trois règlements qui régissent ce genre de services.
En juin 1995, le conseil de santé de Toronto a adopté plusieurs motions demandant au gouvernement de décriminaliser la prostitution et exhortant le conseil municipal de charger un groupe de travail de procéder à la décriminalisation et à la réglementation de la prostitution à Toronto. Ces motions ont été présentées en réponse au document de consultation produit en mars 1995 par le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution. Ce document, intitulé La prostitution au Canada, propose diverses mesures législatives pour enrayer la prostitution des jeunes et la prostitution de rue. Le conseil municipal de Toronto a endossé certaines des recommandations du conseil de santé, en précisant toutefois qu’il ne cherchait à obtenir la décriminalisation et la réglementation que dans le cas de la prostitution adulte. Il a appuyé les mesures présentées par le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial relativement aux jeunes se livrant à la prostitution.
Afin de limiter la danse-contact érotique, en août 1995, Toronto a adopté un règlement interdisant le contact physique, y compris les attouchements, entre clients et personnes offrant des services dans des salles réservées au divertissement des adultes. Tout établissement enfreignant ce règlement serait passible d’une amende maximale de 50 000 $ et pourrait perdre son permis. Une coalition de propriétaires de salles de divertissement pour adultes a tenté, en vain, de faire annuler ce règlement par un tribunal. En octobre 1995, une formation de la Cour divisionnaire a déclaré, dans l’affaire Ont. Adult Entertainment Bar Assn. c. Toronto, 26 O.R. (3d) 257, que le règlement avait été adopté pour répondre à des objectifs provinciaux valides concernant la réglementation des entreprises, dont la santé, la sécurité et la prévention du crime, qu’il n’usurpait pas le pouvoir exclusif du Parlement en matière de droit pénal et qu’il n’était pas non plus incompatible avec les dispositions en vigueur du Code criminel. De plus, la Cour a déclaré que le règlement ne violait pas la liberté d’expression des danseuses, étant donné que la danse-contact n’est pas un droit protégé par la Constitution. Après avoir entendu l’appel, la Cour d’appel a confirmé la décision initiale du tribunal inférieur.
Des règlements municipaux, comme ceux adoptés par Edmonton et Toronto pour encadrer les services d’escortes, les spectacles exotiques et les salons de massage, facilitent la surveillance de cette industrie et constituent un mécanisme par lequel les villes peuvent contrôler la prostitution sans toutefois empiéter sur les champs de compétence du fédéral. D’autres villes canadiennes ont suivi leur exemple : au cours des années 1990, Victoria, Vancouver, Calgary, Winnipeg, Sault Ste. Marie et Windsor ont commencé à réglementer les services d’escortes et les salons de massage et à leur délivrer des permis. Les poursuites au civil commencent cependant à se multiplier, car certains affirment que les municipalités gonflent le coût de leurs permis. En 2002, une personne pratiquant la prostitution à Edmonton a poursuivi la ville, exigeant qu’elle abaisse le coût de son permis d’escortes indépendantes, qui était de 1 600 $, et alléguant qu’en imposant un tel prix, lamunicipalité vit en fait « des produits de la prostitution ». Aucun jugement n’a encore été rendu à ce sujet.
Les provinces ont récemment commencé à chercher de nouveaux moyens pour contrôler la prostitution sans toutefois empiéter sur la compétence exclusive du Parlement en matière de droit pénal et sans contredire les dispositions du Code criminel. Par exemple, plusieurs provinces ont modifié leur code de la route pour autoriser la police à confisquer et à vendre les véhicules qui ont servi à ramasser des prostitué(e)s dans la rue. Le Manitoba a été la première province à emprunter cette voie, en 1999. En 2001 et en 2002, trois autres provinces (Nouvelle‑Écosse, Alberta et Saskatchewan) ont suivi son exemple et ont adopté des lois similaires ou projettent de le faire. L’Ontario a approuvé en avril 2002 une loi en matière civile qui est encore plus novatrice, la première du genre au Canada : grâce à cette loi, le gouvernement de l’Ontario peut demander à un tribunal civil de bloquer, de confisquer et de remettre à la Couronne tout bien qui découle d’une activité criminelle, comme la prostitution et le trafic de stupéfiants, sans que des accusations criminelles ne soient portées.
De plus, quelques provinces modifient actuellement leur code de la route afin d’autoriser la suspension du permis d’un conducteur reconnu coupable d’une infraction criminelle relative à la prostitution si le conducteur a utilisé son véhicule pour commettre l’infraction.
Le Centre canadien de la statistique juridique a publié, en août 1993, un rapport intitulé La prostitution de rue au Canada. Le rapport souligne que l’activité policière vise surtout à restreindre la sollicitation dans la rue. Plus de 10 000 incidents liés à la prostitution ont été signalés en 1992; dans 95 p. 100 des cas, il s’agissait d’infractions de communications, tandis que dans les autres, il s’agissait de la tenue d’une maison de débauche et de proxénétisme.
Une étude menée en 1997 sur la prostitution de rue par le Centre canadien de la statistique juridique a fait état d’une augmentation marquée du nombre d’incidents reliés à la prostitution enregistrés par la police en 1995, après deux années de baisse. Comme ces chiffres sont établis à partir des statistiques de la police, il se peut que cette progression soit attribuable à des changements dans l’application de la loi plutôt qu’à un accroissement des actes criminels. Cette étude a également montré que la prostitution de rue pouvait se révéler une activité mortelle : entre 1991 et 1995, 63 prostituées connues ont été tuées – soit 5 p. 100 de toutes les femmes ayant subi ce sort au Canada durant cette période.
Au cours des dernières années, on a recommencé à s’inquiéter de la prostitution chez les jeunes, en particulier dans les régions urbaines. Plusieurs provinces et municipalités ont formé des groupes de travail afin d’étudier ce problème. D’ailleurs, les autorités ne semblent plus considérer les prostitué(e)s juvéniles comme des criminel(le)s, mais plutôt comme des victimes. Diverses mesures législatives ont été prises afin de s’attaquer à ce problème; ainsi, en Alberta, la Child Welfare Act de la province a été modifiée en juin 1997 afin de faire de l’embauche de prostituées de moins de 18 ans une forme d’exploitation sexuelle passible d’une amende d’au plus 2 000 $ ou de six mois de prison, ou des deux, en plus des peines prévues dans le Code criminel.
Des modifications apportées au Code criminel en 1988 comprenaient de nouvelles dispositions concernant l’exploitation sexuelle des enfants de même que le recours à l’article traitant de « proxénétisme » de la partie du Code relative aux infractions d’exploitation de prostitué(e)s juvéniles. Dans un document de consultation de 1995, le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution a toutefois reconnu que bon nombre de ces dispositions « n’avaient pas permis de traduire devant les tribunaux les clients et les souteneurs des jeunes s’adonnant à la prostitution ». On y a signalé qu’il était rare que des accusations soient portées en vertu des nouvelles dispositions, et que les prostitué(e)s juvéniles et leurs clients, tout comme leurs homologues adultes, étaient toujours poursuivis au moyen de l’infraction générale punissable par procédure sommaire qui interdit la prostitution de rue. L’application des dispositions est difficile parce que les jeunes hésitent à venir témoigner contre leurs souteneurs, et parce qu’il est difficile de prendre les clients « sur le fait ».
En 1996, le gouvernement fédéral a déposé un projet de loi pour modifier le Code criminel, notamment pour répondre aux inquiétudes soulevées en 1995 par le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution. Le projet de loi C‑27 a défini une nouvelle infraction punissable : le proxénétisme grave, visant ainsi les proxénètes qui, par la violence et l’intimidation, forcent des adolescent(e)s à se prostituer. S’ils sont reconnus coupables, les proxénètes violents de prostitué(e)s adolescent(e)s reçoivent une sentence d’emprisonnement obligatoire d’un minimum de cinq ans et d’un maximum de 14 ans. Le projet de loi C‑27 a aussi élargi certaines garanties de procédure aux témoins mineurs qui comparaissent lors d’une poursuite relative à la prostitution. Dans certains cas, ces derniers peuvent témoigner à l’extérieur du tribunal, derrière un paravent ou sur vidéocassette. De plus, une interdiction de publication peut être rendue dans les dossiers de prostitution pour protéger l’identité du plaignant ou du témoin s’il a moins de 18 ans.
Le projet de loi C‑27 a aussi comblé d’autres lacunes signalées par le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution au sujet de la difficulté pour les forces policières de porter des accusations de prostitution juvénile en vertu du paragraphe 212(4) du Code criminel. Le projet de loi C‑27 a tenté de faciliter l’application du paragraphe 212(4) : est désormais passible d’une peine non seulement quiconque a obtenu ou tenté d’obtenir les services sexuels d’une personne âgée de moins de 18 ans, mais aussi quiconque a obtenu ou tenté d’obtenir les services sexuels d’une personne qu’il croyait être âgée de moins de 18 ans. Le projet de loi C‑27 a ajouté le paragraphe 212(5), qui dispose que la preuve que la personne de qui l’accusé a obtenu des services sexuels lui a été présentée comme ayant moins de 18 ans constitue, sauf preuve du contraire, la preuve que l’accusé croyait qu’elle avait moins de 18 ans. Ces deux modifications visaient à permettre le recours à des agents banalisés au lieu de prostitué(e)s mineur(e)s et de jeunes gens pour attraper sur le fait les personnes qui tentent d’obtenir les services sexuels de mineurs.
Après que le projet de loi C-27 a reçu la sanction royale en avril 1997, plusieurs provinces ont déclaré qu’il serait toujours difficile d’obtenir des condamnations en vertu des modifications apportées par le projet de loi C‑27, car les paragraphes 212(4) et (5) exigent que la Couronne prouve que l’accusé croyait que le plaignant avait moins de 18 ans. De plus, quelques membres du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution pensaient également que le paragraphe 212(5) pourrait être contraire à la Charte.
En juin 1998, pour corriger ces lacunes, la ministre de la Justice a déposé le projet de loi C‑51, un projet de loi omnibus renfermant des modifications au Code criminel. Le projet de loi C‑51 supprimait les mots « a tenté d’en obtenir » du paragraphe 212(4) et les remplaçait par « ou communique avec quiconque en vue d’obtenir ». Par ces éclaircissements, la modification visait à simplifier les poursuites en vertu du paragraphe 212(4) sur les infractions relatives à la prostitution juvénile. Elle continuait d’autoriser le recours aux agents banalisés qui se font passer pour des prostitué(e)s juvéniles ou des intermédiaires entre un enfant et un client, mais n’exigeait qu’une communication entre l’agent banalisé et l’accusé potentiel demandant les services sexuels d’un mineur. Cela signifie qu’il n’était plus nécessaire de prouver que l’accusé savait que la victime avait moins de 18 ans, comme l’exigeait la première modification au paragraphe 212(4) et l’ajout litigieux du paragraphe 212(5) (projet de loi C‑27). Le projet de loi C‑51 a simplifié davantage l’inculpation dans les cas de prostitution juvénile en autorisant la police à employer la surveillance électronique lorsqu’elle enquête sur des infractions relatives à la prostitution. Le projet de loi C‑51 a reçu la sanction royale en mars 1999.
Lors d’une réunion tenue à Québec en juin 1999, les leaders provinciaux et territoriaux ont exprimé leur engagement à assurer la sécurité des enfants et ont reconnu que les prostitué(e)s mineur(e)s sont en réalité victimes de violence. Ils ont convenu de demander à leurs fonctionnaires de revoir la législation en matière de protection des enfants dans le but d’harmoniser les lois provinciales concernant l’arrestation et la protection des prostitué(e)s juvéniles. Depuis cette rencontre, plusieurs provinces ont commencé à mettre en œuvre diverses mesures législatives pour combattre la prostitution juvénile. Plus précisément, elles ont adopté ou commencé à rédiger des lois prévoyant l’arrestation et la détention de toute personne de moins de 18 ans suspectée d’être engagée dans la prostitution. L’Alberta, la première se doter d’une telle loi, a adopté la Protection of Children Involved in Prostitution Act en février 1999. En vertu de cette loi, un enfant qui souhaite sortir du monde de la prostitution a droit à des programmes de soutien communautaire. Celui qui ne veut pas s’en sortir peut être arrêté par la police. La police place ensuite l’enfant dans un foyer d’hébergement fermé, où il est détenu pendant au plus 72 heures. Dans ce milieu sûr, l’enfant reçoit des soins et des traitements d’urgence et fait l’objet d’une évaluation. L’élaboration d’un plan d’aide à long terme peut alors débuter. La Loi prévoit aussi des peines pour les clients et les proxénètes des adolescent(e)s, qui peuvent être accusés de violence sexuelle à l’égard d’enfants et qui sont passibles d’une amende pouvant atteindre 25 000 $ ou d’une peine d’emprisonnement de deux ans, ou des deux.
En juillet 2000, la loi albertaine sur la protection des enfants a été jugée anticonstitutionnelle au motif qu’elle contrevenait aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. Un tribunal albertain a en effet déterminé que cette loi ne respectait pas les garanties juridiques que la Charte confère aux enfants, car elle ne prévoyait pas de « garanties de procédure » donnant aux jeunes le droit de répondre aux allégations et celui d’interjeter appel. En décembre 2000, la cour du banc de la Reine de l’Alberta a renversé cette décision. En réaction au premier jugement, cependant, le gouvernement de l’Alberta a proposé des modifications à la loi en novembre 2000. Le gouvernement voulait ainsi s’assurer que les droits des enfants étaient protégés dans la Protection of Children Involved in Prostitution Act. Dorénavant, dès qu’un enfant est détenu, il est informé par écrit de la raison de sa détention, de la durée de celle-ci, de la date de sa comparution devant un tribunal et de son droit de consulter un avocat. L’enfant peut aussi communiquer avec le service de l’aide juridique et il est averti qu’il peut demander à un tribunal de décider s’il doit ou non rester en détention.
En plus de celles qui permettaient de mieux protéger les garanties juridiques dont jouissent les enfants, d’autres modifications ont permis d’offrir plus de soins et de soutien aux enfants. Elles ont notamment prolongé la durée de la détention initiale, en la faisant passer de 72 heures à cinq jours. En outre, un directeur de la protection des enfants victimes de la prostitution peut désormais demander deux autres périodes de détention pouvant atteindre 21 jours chacune.
Depuis l’entrée en vigueur de la Protection of Children Involved in Prostitution Act de l’Alberta, plusieurs autres provinces, dont la Colombie‑Britannique, la Saskatchewan, le Manitoba, la Nouvelle‑Écosse et, tout récemment, l’Ontario, ont déposé ou adopté des lois similaires. Bien qu’elle ressemble à la loi albertaine, la loi ontarienne (juin 2002) va plus loin en autorisant le gouvernement ontarien à poursuivre les souteneurs et les autres personnes qui exploitent sexuellement les enfants afin de recouvrer le coût des traitements et des services dont leurs victimes ont besoin.
H. Tourisme sexuel impliquant des enfants
Comme c’est le cas pour les autres pays régis par la common law, la compétence criminelle du Canada est principalement fondée sur le territoire. Le Code criminel énonce une règle générale qui limite son application aux infractions commises au Canada. Il prévoit cependant des exceptions précises à ce principe (voir le par. 6(2)). Habituellement, les exceptions du Code criminel qui autorisent l’application extraterritoriale tiennent à l’aspect de l’infraction en question qui touche à la sécurité ou à la protection à l’échelle internationale ou nationale ou visent à respecter les obligations du Canada en vertu des traités internationaux ou à refléter la nature « universelle » d’une infraction précise. Par exemple, selon l’article 7, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, les prises d’otages, les détournements et les autres actes terroristes internationaux, même s’ils sont commis ailleurs, sont « réputés » avoir été accomplis au Canada. Parmi les autres infractions prévues au Code criminel et ayant une portée extraterritoriale, mais qui ne sont pas « réputées » avoir eu lieu au Canada, notons la trahison (art. 46) et la piraterie (art. 74).
Cependant, avant le dépôt du projet de loi C-27 en 1996, le Parlement a été exhorté à élargir sa compétence criminelle extraterritoriale de manière à punir l’exploitation sexuelle d’enfants étrangers par des touristes canadiens en voyage, un phénomène dont l’ampleur demeure en grande partie inconnue. À titre de pays signataire de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies, le Canada s’est engagé à prendre des mesures à l’échelle nationale et internationale afin de protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle; toutefois, le Canada n’est pas tenu d’adopter des lois pour criminaliser la conduite des Canadiens achetant les services sexuels de jeunes résidant à l’extérieur du pays. Les dispositions existantes du Code criminel qui avaient une incidence extraterritoriale sur certains aspects du commerce sexuel ne visaient pas cette pratique directement, mais selon les fonctionnaires du ministère de la Justice, elles pourraient être invoquées pour poursuivre les voyagistes ou agents de voyages qui commercialisent ou organisent des excursions à caractère sexuel à partir du Canada. Un certain nombre de projets de loi d’initiative parlementaire ont tenté de corriger cette lacune apparente du droit pénal, mais aucun n’avait dépassé l’étape de la première lecture à la Chambre des communes.
Le projet de loi C-27, qui a été présenté par le gouvernement en avril 1996, comprenait des dispositions visant à résoudre le problème du tourisme sexuel impliquant des enfants. Une nouvelle disposition aurait été ajoutée à l’article 7 du Code criminel afin de traiter de l’exploitation commerciale des enfants à l’étranger. Beaucoup appuyaient le principe de cette nouvelle disposition, mais certains s’inquiétaient au sujet de son applicabilité et de la valeur de telles mesures extraterritoriales en droit international. Durant l’étude du projet de loi en comité à la Chambre des communes, le gouvernement a proposé des amendements qui ont été inclus dans la version finale adoptée par la Chambre et le Sénat.
En vertu des nouvelles dispositions, le paragraphe 7(4.1) étendait la portée extraterritoriale des mesures à 11 infractions d’ordre sexuel visant des mineurs. Les infractions n’ont pas à satisfaire des critères particuliers : il faut qu’elles aient été commises à l’extérieur du Canada par un citoyen canadien ou un résident permanent du Canada et que l’acte par action ou omission constitue une infraction s’il était commis au Canada. La présumée infraction peut viser un mineur de nationalité étrangère ou canadienne; il n’est pas nécessaire qu’elle constitue aussi un crime dans le territoire où elle a été commise.
Deux autres amendements ont été apportés pour établir un mécanisme diplomatique afin d’engager toutes les poursuites en vertu du paragraphe 7(4.1) au Canada, sauf celles liées à l’infraction liée à la prostitution juvénile. On peut engager des poursuites au Canada concernant la prostitution d’enfants à l’étranger sans remplir ces formalités.
Après l’entrée en vigueur du projet de loi C‑27 en 1997, le ministère fédéral de la Justice a été très actif dans l’élaboration du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants. Ce Protocole des Nations Unies vise à élargir les mesures que les États membres devraient prendre pour garantir la protection des enfants et prévenir la vente d’enfants, la prostitution juvénile et la pornographie infantile.
En novembre 2001, le Canada a signé le Protocole facultatif; en janvier 2002, le Protocole est entré en vigueur. Le ministre de la Justice avait déposé auparavant le projet de loi C‑15, un projet de loi omnibus apportant des modifications au Code criminel. Ce projet de loi a par la suite été scindé en deux. Le projet de loi C‑15A, le premier des deux projets de loi produits par la scission, comprenait des modifications aux paragraphes 7(4.2) et (4.3) du Code criminel afin d’éliminer le mécanisme intergouvernemental créé initialement par le projet de loi C‑27, pour poursuivre au Canada les contrevenants qui ont commis à l’extérieur du Canada l’une des 11 infractions « non commerciales » d’ordre sexuel visant des mineurs énumérées au paragraphe 7(4.1) du Code criminel. Au début, ce mécanisme permettait d’inculper une personne en vertu du paragraphe 7(4.1) si le gouvernement du pays étranger où l’infraction avait été commise le demandait et si le procureur général du Canada l’autorisait, sauf s’il s’agissait d’une infraction de prostitution juvénile au sens du paragraphe 212(4) du Code. Le projet de loi C‑15A a été adopté par le Parlement et a reçu la sanction royale en juin 2002. La distinction entre les 11 infractions « non commerciales » d’ordre sexuel visant des mineurs et le tourisme sexuel impliquant des enfants a donc été supprimée; maintenant, il suffit d’obtenir l’autorisation du procureur général pour inculper une personne en vertu du paragraphe 7(4.1).
A. Projet de loi C‑127 (sanction royale le 27 octobre 1982)
L’article 11 de ce projet de loi, qui visait à modifier le Code criminel en matière d’infractions sexuelles, précisait que le terme prostitué désigne « une personne de l’un ou l’autre sexe qui se livre à la prostitution ». En outre, l’article 13 a rendu l’article 195 du Code (proxénétisme) applicable à l’un ou l’autre sexe.
B. Projet de loi C‑49 (sanction royale et entrée en vigueur le 28 décembre 1985)
Ce projet de loi a abrogé l’article 195.1 du Code criminel et l’a remplacé par une nouvelle disposition, applicable aux prostitué(e)s et à leurs clients, interdisant la sollicitation qui nuit de quelque manière que ce soit à l’usage des rues et des endroits publics.
C. Projet de loi C‑15 (sanction royale le 30 juin 1987 et entrée en vigueur le 1er janvier 1988)
Ce projet de loi a modifié le Code criminel pour interdire d’avoir recours aux services d’un(e) prostitué(e) de moins de 18 ans. Il a augmenté la peine prévue pour quiconque vit des produits de la prostitution d’une personne âgée de moins de 18 ans.
D. Projet de loi C‑61 (sanction royale le 13 septembre 1988 et entrée en vigueur le 1er janvier 1989)
Ce projet de loi, qui traite des produits de la criminalité, s’appliquait à certaines infractions prévues au Code criminel, notamment la tenue d’une maison de débauche et le proxénétisme.
E. Projet de loi C-27 : Loi modifiant le Code criminel (prostitution chez les enfants, tourisme sexuel impliquant des enfants, harcèlement criminel et mutilation d’organes génitaux féminins) (sanction royale le 25 avril 1997)
Ce projet de loi modifiait certaines dispositions du Code criminel concernant la prostitution juvénile au Canada et prévoit l’application extraterritoriale des dispositions du droit pénal canadien aux citoyens canadiens et aux résidents permanents du Canada qui obtiennent les services sexuels d’enfants à l’étranger.
F. Projet de loi C‑51 (sanction royale le 11 mars 1999)
Ce projet de loi omnibus renfermait des dispositions visant à faciliter les enquêtes et les poursuites dans le cas d’infractions mettant en cause des prostitué(e)s âgé(e)s de moins de 18 ans.
G. Projet de loi C‑15A (sanction royale le 19 mars 2002)
Le projet de loi C‑15A proposait des modifications aux paragraphes 7(4.2) et (4.3) du Code criminel afin d’éliminer le mécanisme intergouvernemental créé par le projet de loi C‑27 comme condition préalable pour inculper une personne d’une des infractions d’ordre sexuel visant des enfants énumérées au paragraphe 7(4.1) du Code criminel. Il suffit désormais de l’autorisation préalable du procureur général pour inculper une personne d’une des infractions d’ordre sexuel énumérées au paragraphe 7(4.1) du Code criminel.
1892 - Inclusion dans le premier Code criminel de dispositions concernant le vagabondage, les maisons de débauche et le proxénétisme, qui vont rester essentiellement les mêmes pendant 80 ans.
1970 - Le rapport de la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada recommande l’abrogation de la disposition relative au vagabondage pour contrôler la prostitution et propose la tenue d’une étude afin de déterminer la meilleure façon de régler ce problème.
15 juillet 1972 - Entrée en vigueur d’un projet de loi qui ajoute au Code criminel l’article 195.1 portant sur la sollicitation.
8 février 1978 - Dans l’affaire Hutt, la Cour suprême donne une interprétation restreinte du terme « sollicitation ».
novembre 1978 - Dans son Rapport sur les infractions sexuelles, la Commission de réforme du droit recommande de préciser que le terme « prostitué » s’applique aux hommes et aux femmes et propose également une étude plus globale de ce problème.
26 mai 1980 - La ville de Montréal adopte un arrêté municipal pour lutter contre la prostitution, qui vise à restreindre la sollicitation dans les rues de la ville.
25 juin 1981 - La ville de Calgary adopte deux arrêtés municipaux visant à contrôler la prostitution dans la rue, le premier portant sur la sollicitation et l’autre sur les flâneurs.
1er décembre 1981 - La Cour suprême rend sa décision dans les affaires Galjot et Whitter (1981), 129 D.L.R. (3d) 577, conservant la définition restrictive du terme « sollicitation ».
6 mai 1982 - La Chambre des communes adopte un ordre de renvoi demandant à son Comité permanent de la justice et des questions juridiques d’étudier « tous les moyens légaux » de traiter le problème de la sollicitation à des fins de prostitution.
25 janvier 1983 - La Cour suprême du Canada accueille l’appel interjeté dans l’affaire Westendorp et invalide l’arrêté municipal de Calgary.
24 mars 1983 - Le Comité de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes publie son rapport sur la sollicitation dans la rue à des fins de prostitution.
23 juin 1983 - Le ministre de la Justice dépose à la Chambre un avant‑projet de loi qui rejette la majeure partie des recommandations du Comité de la justice. En outre, il annonce la création d’un comité spécial chargé d’étudier le problème plus en détail et de faire rapport à la fin de 1984.
18 octobre 1983 - La ville de Montréal promulgue un nouvel arrêté qui vise indirectement à supprimer la sollicitation.
7 février 1984 - Le projet de loi C‑19, qui aurait apporté des modifications mineures à l’article 195.1, est lu pour la première fois.
4 juillet 1984 - La Cour suprême de la Colombie‑Britannique émet une injonction provisoire pour réprimer la prostitution à titre de nuisance publique dans certaines parties de la ville de Vancouver.
22 août 1984 - Le Comité Badgley publie son rapport, dans lequel il recommande des modifications au droit criminel pour s’attaquer à la prostitution juvénile.
12 décembre 1984 - La Cour suprême déclare invalide l’arrêté de 1980 de la ville de Montréal dans l’affaire Goldwax c. Ville de Montréal.
19 décembre 1984 - La Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse refuse d’émettre une injonction visant à réprimer la prostitution dans la ville de Halifax.
13 mars 1985 - La Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse rejette l’appel du procureur général provincial concernant l’injonction.
23 avril 1985 - Le Comité Fraser publie son rapport sur la pornographie et la prostitution.
28 décembre 1985 - Le projet de loi C‑49 reçoit la sanction royale et entre en vigueur.
mai 1986 - La Cour suprême de la Colombie‑Britannique confirme la validité constitutionnelle des modifications apportées par le projet de loi C‑49 (R. c. McLean).
29 octobre 1986 - Dépôt du projet de loi C‑15, visant à apporter certaines modifications au Code criminel en ce qui concerne la prostitution juvénile.
22 mai 1987 - La Division d’appel de la Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse déclare inconstitutionnelles les modifications apportées par le projet de loi C‑49 (R. c. Skinner).
17 juillet 1987 - La Cour d’appel de l’Alberta confirme la constitutionnalité des dispositions du projet de loi C‑49 (R. c. Jahelka).
23 septembre 1987 - La Cour d’appel du Manitoba confirme la constitutionnalité du projet de loi C‑49 (Reference Re Sections 193 and 195.1(1)(c) of the Criminal Code).
1er janvier 1988 - Entrée en vigueur du projet de loi C‑15, relatif à la prostitution juvénile.
1er-2 décembre 1988 - La Cour suprême du Canada entend l’affaire relative à la constitutionnalité du projet de loi C‑49 et la met en délibéré.
1er janvier 1989 - Promulgation du projet de loi C‑61 (produits de la criminalité).
5 avril 1989 - La Chambre des communes adopte un ordre de renvoi prescrivant au Comité permanent de la justice et du Solliciteur général de mener une étude exhaustive du projet de loi C‑49. Cet ordre découle d’une disposition du texte législatif même selon laquelle un comité de la Chambre des communes serait appelé à déterminer l’efficacité de la loi après les trois premières années de son application.
juillet 1989 - Le ministère fédéral de la Justice publie son rapport de synthèse intitulé : La prostitution de rue : effets de la Loi. Les auteurs de rapport concluent que, dans la plupart des villes ayant fait l’objet de l’étude, la prostitution de rue est aussi répandue qu’elle l’était avant l’entrée en vigueur du projet de loi C‑49 en 1985.
octobre‑décembre 1989 - Le Comité permanent de la justice et du Solliciteur général de la Chambre des communes tient des réunions publiques dans le cadre de l’étude de trois ans concernant l’effet de l’adoption du projet C‑49 sur la sollicitation dans la rue. Le Comité attend que la Cour suprême du Canada se soit prononcée sur la constitutionnalité du projet de loi C‑49 avant de déposer son rapport à la Chambre des communes.
31 mai 1990 - La Cour suprême du Canada affirme la constitutionnalité de la loi contestée (Reference Re ss. 193 and 195.1(1)(c) of the Criminal Code (Man.)).
4 octobre 1990 - Le Comité de la justice et du Solliciteur général dépose un rapport de 31 pages au Parlement, dans lequel il formule trois recommandations afin d’améliorer l’actuel régime législatif.
1er mars 1991 - Le gouvernement publie sa réponse au rapport du Comité permanent.
9 septembre 1991 - La cour d’appel du Québec déclare sans effet la présomption législative que renferme l’alinéa 198(1)d) (R. c. Janoff).
22 mai 1992 - La Cour suprême du Canada confirme la présomption législative selon laquelle le fait de vivre avec un(e) prostitué(e) prouve que l’on vit des produits de la prostitution (Downey c. R.).
2 juin 1992 - P.O.W.E.R. comparaît devant le Comité législatif sur le projet de loi C-49 (agression sexuelle).
16 octobre 1992 - Le Groupe de travail sur la prostitution de la ville d’Ottawa dépose son rapport, qui renferme 33 recommandations.
29 décembre 1992 - Le Edmonton Action Group on Prostitution dépose son rapport intérimaire, qui se divise en « Actions » et « Recommandations ». Il propose aussi l’adoption d’un règlement visant les professionnels du sexe dans la ville.
13 avril 1993 - Le conseil municipal d’Edmonton adopte trois règlements liés à la prostitution. Plusieurs autres villes canadiennes suivent son exemple et adoptent des règlements similaires.
août 1993 - Le Centre canadien de la statistique juridique publie un rapport intitulé La prostitution de rue au Canada.
2 septembre 1993 - La Cour suprême du Canada décide, dans l’affaire R. c. Tremblay, que la définition d’une boîte où des danseuses nues exécutent des danses lascives devant les clients ne correspond pas à celle d’une maison de débauche étant donné que les activités qui s’y déroulent n’outrepassent pas le seuil de tolérance de la société.
3 novembre 1993 - La municipalité d’Ottawa adopte un plan de détournement de la circulation pour combattre la prostitution.
mars 1995 - Le groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution publie son document de consultation dans lequel il présente diverses options pour traiter de la prostitution des jeunes et de la prostitution de rue.
14 juin 1995 - Le conseil de santé de Toronto demande au gouvernement fédéral de décriminaliser la prostitution.
27 juin 1995 - La ville de Toronto adopte une motion à l’appui de la décriminalisation de la prostitution adulte (18 ans et plus) et de sa réglementation par les gouvernements locaux. Elle convient de plus que la décriminalisation de la prostitution par le gouvernement fédéral ne devrait entrer en vigueur qu’une fois que le conseil municipal aura approuvé et mis en œuvre un plan de délivrance de permis et de contrôle réglementaire. Le conseil de la santé de Toronto entreprend de consulter les intervenants locaux afin d’évaluer la meilleure façon de mettre un tel plan en œuvre.
août 1995 - Toronto adopte un règlement interdisant la danse-contact dans des salles réservées au divertissement des adultes afin d’enrayer la prolifération de la danse-contact érotique.
30 octobre 1995 - La Cour divisionnaire de l’Ontario confirme le règlement de la ville de Toronto interdisant la danse-contact érotique (Ont. Adult Entertainment Bar Assn. c. Toronto). La permission d’appeler de cette décision est accordée ultérieurement.
décembre 1995 - Le ministre de la Justice présente le projet de loi C-119 qui modifie plusieurs dispositions du Code criminel se rapportant à la prostitution juvénile. Ce projet de loi meurt au Feuilleton lorsque le Parlement est prorogé, en février 1996.
9 février 1996 - La Cour d’appel de l’Ontario déclare que la danse-contact est une forme de prostitution et un acte clairement indécent interdit par le Code criminel(R. c. Mara).
4 mars 1996 - Dans l’affaire R. c. Ludacka, la Cour d’appel de l’Ontario rejette l’argument voulant que la danse-contact soit une forme d’expression protégée par l’alinéa 2b) de la Charte.
18 avril 1996 - Le ministre de la Justice présente le projet de loi C-27 (qui succède au projet de loi C-119) visant à modifier plusieurs dispositions du Code criminel afin de traiter de la prostitution chez les enfants et du tourisme sexuel impliquant des enfants.
25 avril 1997 - Le projet de loi C-27 reçoit la sanction royale.
26 juin 1997 - Dans l’arrêt Mara, la Cour suprême du Canada maintient le jugement déclarant que la danse-contact est un acte indécent.
décembre 1998 - Le groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution publie son rapport.
février 1999 - L’Alberta adopte la Protection of Children Involved in Prostitution Act.
mars 1999 - L’assemblée législative du Manitoba adopte une loi qui permet de saisir et de confisquer les véhicules utilisés pour perpétrer des infractions liées à la prostitution. Plusieurs autres provinces lui emboîtent le pas.
11 mars 1999 - Le projet de loi C-51, un projet de loi omnibus de modifications en matière de droit pénal, reçoit la sanction royale.
juin 1999 - Réunion des leaders provinciaux et territoriaux à Québec. Les leaders expriment leur engagement à assurer la sécurité des enfants et reconnaissent que les prostitué(e)s mineur(e)s sont victimes de violence. Plusieurs provinces commencent à adopter des lois similaires à la Protection of Children Involved in Prostitution Act de l’Alberta.
juillet 2000 - La Protection of Children Involved in Prostitution Act de l’Alberta est jugée anticonstitutionnelle par un tribunal provincial de l’Alberta.
décembre 2000 - La cour du banc de la Reine de l’Alberta renverse la décision du tribunal provincial de l’Alberta.
- En réponse au jugement du tribunal provincial de l’Alberta, le gouvernement albertain modifie la Protection of Children Involved in Prostitution Act afin d’y inscrire de meilleures garanties de procédure.
novembre 2001 - Le Canada signe le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants.
janvier 2002 - Entrée en vigueur du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants.
juin 2002 - Le projet de loi C‑15A reçoit la sanction royale. Il modifie les paragraphes 7(4.2) et (4.3) du Code criminel afin d’éliminer lemécanisme intergouvernemental créé par le projet de loi C‑27 pour inculper une personne qui a commis, à l’extérieur du Canada, l’une des 11 infractions « non commerciales » d’ordre sexuel visant des mineurs prévues au paragraphe 7(4.1) du Code criminel.
- Une personne pratiquant la prostitution à Edmonton accuse la ville d’exiger un prix déraisonnable pour les permis de services d’escortes et de « vivre des produits de la prostitution ».
- L’Ontario adopte une loi similaire à la Protection of Children Involved in Prostitution Act de l’Alberta. La loi ontarienne est plus exhaustive en ce qu’elle autorise la province à poursuivre les souteneurs et les autres personnes qui exploitent sexuellement les enfants afin de recouvrer le coût des traitements et des services dont leurs victimes ont besoin.
6 mai 2003 - Conformément à l’ordre de la Chambre des communes, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne crée le Sous‑comité de l’examen des lois sur le racolage.
Bibliothèque du Parlement. Juvenile Prostitution, Bibliographie no 291.
Bibliothèque du Parlement. La pornographie et la prostitution au Canada, Bibliographie no 241, ainsi que son supplément.
Centre canadien de la statistique juridique. « La prostitution de rue au Canada », Juristat, vol. 13, no 4.
Comité permanent de la justice et des questions juridiques. Quatrième rapport (concernant la sollicitation à des fins de prostitution), Procès‑verbaux et témoignages, fascicule no 126, 4 octobre 1990.
Comité spécial d’étude de la pornographie et de la prostitution. La pornographie et la prostitution au Canada, 2 vol., Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1985.
Comité sur les infractions sexuelles à l’égard des enfants et des jeunes. Infractions sexuelles à l’égard des enfants, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1984.
Convention relative aux droits de l’enfant. Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
Gardner, Dan.
Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution. Dealing with Prostitution in Canada: A Consultation Paper, Ottawa, ministère de la Justice, 1995.
Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution. Rapport et recommandations relatives à la législation, aux politiques et aux pratiques concernant les activités liées à la prostitution, ministère de la Justice, Ottawa, 1998.
Lewis, Jacqueline et Eleanor Maticka-Tyndale. « Licensing Sex Work: Public Policy and Women’s Lives », Canadian Public Policy, 26:437-449, décembre 2000.
Ministère de la Justice. La prostitution de rue : effets de la Loi, rapport de synthèse, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1989.
Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants, Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
Seabrook, Jeremy. No Hiding Place: Child Sex Tourism and the Role of Extra-territorial legislation, New York, Zed Books ltée, 2000.
* La première version de ce bulletin d’actualité a été publiée en février 1982. Le document a été périodiquement mis à jour depuis.