LS-410F
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PROJET DE LOI C-15A :
LOI MODIFIANT LE CODE CRIMINEL ET D'AUTRES LOIS
Rédaction :
David Goetz, Gérald Lafrenière, Division du droit et du gouvernement
Le 12 octobre 2001
Révisé le 27 mars 2002
HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-15A
CHAMBRE DES COMMUNES |
SÉNAT |
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Étape du projet de loi | Date | Étape du projet de loi | Date |
Première lecture : | 14 mars 2001 | Première lecture : | 23 octobre 2001 |
Deuxième lecture : | 26 septembre 2001 | Deuxième lecture : | 6 novembre 2001 |
Rapport du comité : | 5 octobre 2001 | Rapport du comité : | 19 février 2002 |
Étape du rapport : | 18 octobre 2001 | Étape du rapport : | 20 février 2002 |
Troisième lecture : | 18 octobre 2001 | Troisième lecture : | 19 mars 2002 |
* Message
envoyé à la Chambre des communes : le 19 mars 2002 |
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TABLE DES
MATIÈRES
A.
Lexploitation sexuelle des enfants
1. Le tourisme sexuel impliquant des enfants :
suppression de la condition procédurale pour la poursuite
2. Pornographie juvénile et Internet
3.
Le fait de leurrer les enfants sur lInternet
4. La suppression de la pornographie
juvénile des sites Internet sur ordre dun tribunal
5.
Saisie et confiscation de produits obscènes et de biens employés pour perpétrer
des infractions liées à la pornographie juvénile
6. Les ordonnances préventives
B. Le fait de désarmer un agent de la paix
C. Lexploitation sexuelle des personnes handicapées
F. La procédure
criminelle
1. Comparutions à distance et dépôt électronique
de documents
a. Aperçu
b. Solutions de rechange à la comparution
en personne des accusés devant le tribunal
c. Les documents électroniques
2. Conditions dacceptation des plaidoyers
de culpabilité
3. La gestion des cas
4. Les poursuites privées
5. Les enquêtes préliminaires
a. Introduction
b. Enquêtes préliminaires facultatives et
susceptibles dêtre limitées sur entente
c. Le déroulement des enquêtes préliminaires
6. La sélection du jury
7.
Avis de témoignage dexpert
8. Limitation du recours à des représentants
9. Les engagements de ne pas troubler
lordre public
G. Les erreurs
judiciaires
1.
Aperçu
2. Les demandes de révision adressées au
Ministre en vertu de larticle 690
3. Modifications administratives récentes
au processus de demande en vertu de larticle 690
4. Modifications législatives proposées
dans le projet de loi C-15A (art. 71)
H. Infractions à la Loi sur la capitale nationale
I. Système de justice militaire (Identification des criminels)
A. Exploitation sexuelle des enfants et lInternet
B. Le fait de désarmer un agent de la paix
C. Réforme de la procédure criminelle
D. Révision des condamnations injustifiées
PROJET DE LOI C-15A : LOI MODIFIANT
LE
CODE CRIMINEL ET DAUTRES LOIS*
Le projet de loi C-15 : Loi modifiant le Code criminel et dautres lois (Loi de 2001 modifiant le droit criminel) a été présenté à la Chambre des Communes et lu pour la première fois le 14 mars 2001. Il proposait de nouveau des mesures qui figuraient dans le projet de loi C-17 : Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux, désarmement dun agent de la paix et autres modifications) et la Loi sur les armes à feu (modifications matérielles), et le projet de loi C-36 : Loi modifiant le Code criminel (harcèlement criminel, invasion de domicile, demandes dexamen auprès du ministre erreurs judiciaires et procédure criminelle) et dautres lois. Présentés au cours de la dernière législature, les projets de loi C-17 et C-36 sont morts au Feuilleton à la dissolution du Parlement. Le projet de loi C-15 propose également dajouter au Code criminel des dispositions visant à lutter contre lexploitation sexuelle des enfants au moyen de lInternet et dapporter dautres modifications à la Loi sur les armes à feu.
Le 26 septembre 2001, la Chambre des communes a adopté une motion demandant au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de scinder en deux mesures distrinctes le projet de loi C-15 : Loi modifiant le Code criminel et dautres lois. Le 3 octobre suivant, le Comité permanent a fait rapport à la Chambre indiquant quil avait scindé le projet de loi C-15 en deux mesures, cest-à-dire le projet de loi C-15A : Loi modifiant le Code criminel et dautres lois, et le projet de loi C-15B : Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux et armes à feu) et la Loi sur les armes à feu. Le Comité a fait rapport du projet de loi C-15A à la Chambre le 5 octobre 2001, avec des propositions damendements.
Les points saillants du projet de loi C-15A sont les suivants :
créer de nouvelles infractions et de nouvelles mesures dexécution de la loi en matière dexploitation sexuelle des enfants, en particulier au moyen de lInternet;
porter de cinq à dix ans de prison la peine maximale applicable au harcèlement criminel;
faire du « vol avec invasion de domicile » une circonstance aggravante dans la détermination de la peine;
créer une infraction consistant à désarmer ou à tenter de désarmer un agent de la paix;
faciliter lusage de la technologie pour le dépôt électronique des documents et la comparution « virtuelle » devant un tribunal au moyen de liens audiovisuels;
permettre aux procureurs de la Couronne de participer aux poursuites privées;
rendre les enquêtes préliminaires facultatives et éventuellement plus circonscrites;
exiger un avis préalable du recours à un témoin expert par lune ou lautre partie;
clarifier la procédure de révision des condamnations au criminel par le ministre de la Justice (art. 690 du Code criminel) et létendre aux déclarations de culpabilité par procédure sommaire;
aligner davantage le système de justice militaire sur le système civil en prévoyant la prise dempreintes digitales des personnes accusées de certaines infractions militaires ou condamnées pour certaines infractions militaires prévues par la Loi sur la défense nationale.
A. Lexploitation sexuelle des enfants
En 1997, le Parlement a modifié le Code criminel pour étendre aux actes commis par des Canadiens à létranger la responsabilité criminelle relative à certaines infractions sexuelles (voir le par. 7(4.1)). Les paragraphes 7(4.2) et (4.3), ajoutés au même moment, prévoyaient que, pour quune poursuite soit entamée en vertu du paragraphe 7(4.1), il fallait recevoir une demande du gouvernement du pays où linfraction avait été commise et obtenir le consentement du procureur général du Canada, sauf dans les cas de prostitution juvénile visés par le paragraphe 212(4) du Code.
Le paragraphe 3(2) du projet de loi modifie les paragraphes 7(4.2) et (4.3) du Code pour éliminer cette distinction et exiger dans tous les cas le seul consentement du procureur général du Canada comme préalable à une poursuite entamée en vertu du paragraphe 7(4.1).
2. Pornographie juvénile et Internet
Larticle 163.1 du Code interdit la production, la distribution et la possession de la pornographie juvénile. Les paragraphes 5(2) et (3) du projet de loi modifient larticle 163.1 pour que ces interdits dordre pénal sappliquent également à toute conduite analogue dans le cadre de lInternet.
Le paragraphe 5(2) ajoute des éléments au paragraphe 163.1(3) du Code qui interdit diverses formes de distribution de pornographie juvénile pour le rendre applicable à des comportements comme ceux de « transmettre » et de « rendre accessible » la pornographie juvénile, afin de garantir que linfraction vise aussi la distribution de pornographie juvénile sous forme électronique sur lInternet, par exemple par courriel ou par affichage sur des sites Web. Pour des raisons de clarté, le paragraphe 5(3.1) précise que le gardien dun ordinateur (c.-à-d. un fournisseur de services Internet) ne commet pas une infraction du simple fait de fournir les moyens ou les installations de télécommunications utilisés par autrui pour commettre une infraction.
Le paragraphe 5(3) ajoute de nouvelles dispositions (par. 163.1(4.1) et (4.2)) au sujet du fait daccéder à la pornographie juvénile. Selon le nouveau paragraphe 163.1(4.1), le fait daccéder à de la pornographie juvénile constitue une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire (amende maximale de 2 000 $ ou peine maximale de six mois de prison ou les deux peines) ou par mise en accusation (peine maximale de cinq ans de prison). Contrairement à linfraction actuelle de possession qui, dans le contexte de lInternet, exige tout au moins, comme on peut le comprendre, que laccusé ait téléchargé le contenu sur le disque dur dun ordinateur ou sur une disquette ou lait imprimé, la nouvelle infraction relative au fait daccéder sapplique à ceux qui ne font que consulter les sites en question au moyen de leur fureteur. Le nouveau paragraphe 163.1(4.2) précise cependant que, pour que le fait daccéder à des sites de pornographie juvénile tombe sous le coup du paragraphe 163.1(4.1), il doit être intentionnel. Autrement dit, laccusé doit savoir, avant de consulter ou de se transmettre à lui-même le contenu dun site, quil sagit de pornographie juvénile. Le paragraphe 5(3) apporte dautres modifications corrélatives aux paragraphes 163.1(6) et (7) du Code criminel afin détendre, à la nouvelle infraction d« accès » à la pornographie juvénile, les moyens de défense fondés sur la valeur artistique, le but éducatif, scientifique ou médical et le bien public, lesquels sappliquent aux infractions actuelles relatives à la pornographie juvénile.
Larticle 76 modifie les dispositions du Code relatives aux « délinquants à contrôler » (art. 753.1) pour ajouter les infractions en matière de pornographie juvénile prévues à larticle 163.1 notamment la nouvelle infraction relative au fait daccéder énoncée au paragraphe 163.1(4.1) à la liste des infractions au titre desquelles il est possible de délivrer une ordonnance de délinquant à contrôler. Ce type dordonnance sapplique aux délinquants qui ont été condamnés à au moins deux ans de prison pour certaines infractions sexuelles, si le tribunal estime quil y a un risque important de récidive. Dans ce cas, le tribunal qui a rendu le verdict peut ordonner une plus longue période (jusquà concurrence de dix ans) de surveillance communautaire du délinquant une fois quil est remis en liberté.
3. Le fait de leurrer les enfants sur lInternet
Larticle 8 du projet de loi ajoute larticle 172.1 au Code : il sagit de faire une infraction de toute communication « au moyen dun ordinateur » avec des personnes au-dessous dun certain âge, ou que laccusé croit au-dessous dun certain âge, dans le but de faciliter la perpétration de certaines infractions sexuelles impliquant des enfants ou lenlèvement denfants. Lâge ou lâge supposé de la victime varie selon linfraction facilitée : il peut être de 18, 16 ou 14 ans. Comme dans le cas des autres infractions où lâge ou lâge supposé de la victime ou de la victime visée est un élément de linfraction, larticle 172.1 prévoit :
que lidée que laccusé se faisait de lâge de la victime peut être inférée dobservations à cet effet adressées à laccusé;
que laccusé ne peut pas invoquer lerreur de fait relativement à lâge de la victime comme moyen de défense à moins quil ait pris des mesures raisonnables pour sassurer de son âge.
Le fait de leurrer des enfants sur lInternet, qui est interdit par larticle 172.1, est punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire (amende maximale de 2 000 $ ou peine maximale de six mois de prison ou les deux peines) ou par mise en accusation (peine maximale de cinq ans de prison).
Larticle 76 du projet de loi modifie les dispositions du Code relatives aux « délinquants à contrôler » (art. 753.1) pour ajouter la nouvelle infraction relative au fait de leurrer les enfants sur lInternet (art. 172.1) à la liste des infractions au titre desquelles il est possible de délivrer une ordonnance de délinquant à contrôler. Ce type dordonnance sapplique aux délinquants qui ont été condamnés à au moins deux ans de prison pour certaines infractions sexuelles, si le tribunal estime quil y a un risque important de récidive. Dans ce cas, le tribunal qui rendu le verdict peut ordonner une plus longue période (jusquà concurrence de dix ans) de surveillance communautaire du délinquant une fois quil est remis en liberté.
4. La suppression de la pornographie juvénile des sites Internet sur ordre dun tribunal
Larticle 7 du projet de loi ajoute larticle 164.1 au Code criminel : cette nouvelle disposition prévoit que le tribunal compétent peut ordonner la suppression de tout contenu constituant de la pornographie juvénile dans nimporte quel système informatique.
Si, daprès linformation fournie sous serment, le juge estime quil y a des motifs raisonnables de croire que ce genre de contenu se trouve ou est rendu accessible dans un système informatique situé dans le ressort du tribunal, il peut délivrer un mandat de saisie ordonnant au gardien du système (p. ex. un fournisseur de services Internet ou FSI) :
de fournir une copie électronique du contenu au tribunal;
de supprimer le contenu en question dans le système;
de fournir de linformation sur lidentité de la personne qui a affiché le contenu en question dans le système et sur lendroit où elle se trouve.
Le tribunal doit ensuite aviser la personne qui a affiché le contenu et lui donner la possibilité dexpliquer pourquoi il ny a pas lieu de supprimer ce contenu. Sil nest pas possible didentifier ou de trouver cette personne ou si elle réside à létranger, le juge peut ordonner au gardien du système informatique dafficher un avis sur le site où se trouve le contenu incriminé. Si la personne qui a affiché le contenu en question ne comparaît pas, laudience peut avoir lieu, et le tribunal peut trancher laffaire en son absence.
Si, selon la prépondérance des probabilités (norme de preuve civile), le tribunal estime que le contenu en question est de la pornographie juvénile ou des données électroniques donnant accès à de la pornographie juvénile, il peut ordonner au gardien du système deffacer ce contenu. Sinon, le tribunal doit ordonner le renvoi de la copie électronique du contenu au gardien du système et annuler lordonnance exigeant la suppression de ce contenu. La décision du tribunal dans ce cas peut faire lobjet dun appel, et les dispositions du Code relatives aux appels dans les cas dinfractions punissables sur déclaration de culpabilité par mise en accusation sappliquent généralement. Une ordonnance selon laquelle il faut effacer un contenu nentre en vigueur quaprès lexpiration du délai dappel conforme aux règles de procédure de la province ou du territoire en question.
Larticle 6 du projet de loi modifie le paragraphe 164(4) du Code pour préciser que, eu égard à la confiscation, le tribunal doit simplement être convaincu, selon la norme de preuve civile (prépondérance des probabilités), que le produit en question est obscène et constitue de la pornographie juvénile. Le paragraphe 164(4) modifié prévoit que le pouvoir du tribunal dordonner une confiscation est discrétionnaire.
Larticle 7 du projet de loi (nouveaux art. 164.2 et 164.3) prévoit la confiscation de biens mobiliers employés en vue de la perpétration des infractions liées à la pornographie juvénile décrites à larticle 163.1. À lheure actuelle, la confiscation de ces biens nest possible que si linfraction a été commise dans le cadre des activités dune organisation criminelle (voir les articles 490.1 à 490.9 du Code).
Les nouvelles dispositions relatives à la confiscation et à la restitution proposées dans larticle 7 du projet de loi sont semblables à celles que lon retrouve ailleurs dans le Code criminel et dans dautres lois fédérales. La confiscation par la Couronne de biens employés pour perpétrer des infractions liées à la pornographie juvénile peut être ordonnée, à la demande du procureur de la Couronne, par un tribunal qui ayant reconnu coupable le propriétaire dun bien employé pour perpétrer une infraction liée à la pornographie juvénile aux termes de larticle 163.1 estime, selon la prépondérance des probabilités, que les articles en question ont servi à la perpétration de linfraction. Ce genre de bien peut également être confisqué si le propriétaire nest pas reconnu coupable dune infraction, mais la acquis dune personne reconnue coupable dans des circonstances qui laissent entendre que le transfert de propriété visait à éviter la confiscation. La tierce partie innocente aura 30 jours à partir de la date de la confiscation pour demander une ordonnance déclarant que son intérêt dans le bien en question nest pas touché par la confiscation.
Les articles 63 et 69 apportent les modifications corrélatives qui prévoient lapplication des dispositions du Code relatives aux appels dordonnances.
6. Les ordonnances préventives
Le Code criminel permet aux tribunaux dordonner la limitation, dans certaines circonstances, de certains comportements par ailleurs légaux, soit dans le cadre dune sanction, soit pour prévenir dautres infractions, ou à ces deux fins. Deux dispositions de cette nature visent précisément à protéger les enfants des prédateurs sexuels :
Larticle 161 permet aux tribunaux qui ont condamné des personnes pour certaines infractions sexuelles commises à légard denfants de moins de 14 ans de leur interdire diverses activités qui risqueraient de les mettre en contact avec des jeunes de cet âge, pour une période déterminée, voire indéfiniment.
Larticle 810.1 permet au tribunal dordonner à une personne de prendre lengagement formel de sabstenir de diverses activités susceptibles de la mettre en contact avec des jeunes de moins de 14 ans. Contrairement aux ordonnances prévues à larticle 161, une ordonnance rendue aux termes de larticle 810.1 ne suppose pas lexistence dune reconnaissance de culpabilité pour une infraction ni même daccusations : elle peut être obtenue par quiconque peut prouver quil a des motifs valables de craindre que la personne en question commette une ou plusieurs des infractions sexuelles contre des jeunes de moins de 14 ans énumérées dans la loi. Cependant, une ordonnance rendue aux termes de larticle 810.1 a une durée maximale de 12 mois.
Les articles 4 et 81 du projet de loi modifient respectivement les articles 161 et 810.1 du Code pour :
ajouter les infractions liées à la pornographie juvénile (art. 163.1) et la nouvelle infraction proposée à larticle 8 concernant le fait de leurrer les enfants sur lInternet (nouvel art. 172.1) à la liste des infractions (ou des infractions éventuelles dans le cas de lart. 810.1) au titre desquelles ce genre dordonnance peut être délivrée;
ajouter à la liste des activités interdites par ce genre dordonnance lusage dun système informatique (Internet) pour communiquer avec des enfants de moins de 14 ans.
B. Le fait de désarmer un agent de la paix
Larticle 11 du projet de loi crée une nouvelle infraction : le fait de désarmer un agent de la paix. Cette disposition est à peu près la même que celle que prévoyait le projet de loi C-17 et elle vise à reconnaître « les risques graves auxquels les policiers font face dans lexercice de leurs fonctions »(1). Aux termes du paragraphe 270.1(1) proposé, commet une infraction quiconque prend ou tente de prendre larme dun agent de la paix sans son consentement lorsque celui-ci est dans lexercice de ses fonctions.
Selon le nouveau paragraphe 270.1(2), « arme » sentend, pour lapplication du paragraphe (1), « de toute chose conçue pour blesser ou tuer quelquun ou pour le rendre temporairement incapable dagir ». Cette définition vise non seulement les armes à feu, mais aussi le gaz poivré et dautres produits destinés à blesser ou tuer ou à rendre une personne temporairement incapable dagir.
Le nouveau paragraphe 270.1(3) énonce la peine prévue pour cette infraction mixte, soit une peine maximale de cinq de prison sur déclaration de culpabilité par mise en accusation ou une peine maximale de 18 mois de prison sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
La nouvelle infraction a été proposée par suite dune démarche de lAssociation canadienne des policiers, qui, à son assemblée générale annuelle de 1999 tenue à Regina, a adopté la résolution suivante :
ATTENDU QUE |
Le
fait pour un délinquant denlever ses armes à feu à un agent de
la paix ou dutiliser léquipement qui lui est fourni est
un acte grave quil faut interdire en en faisant un acte criminel
en soi.
|
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QUIL SOIT RÉSOLU QUE |
Que lon modifie le Code criminel du Canada en y créant lacte criminel consistant à désarmer un agent de police ou à utiliser léquipement qui lui est fourni et quon en modifie larticle 553 de manière à ce que cette infraction figure au nombre de celles qui relèvent de la compétence absolue des cours provinciales. |
Linfraction, telle que lAssociation proposait de la formuler, ressemble, sans y être identique, à celle que propose le projet de loi C-15 :
VOIES DE FAIT CONTRE UN AGENT DE LA PAIX
270.1(1) Commet une infraction quiconque :
a) désarme un agent de la paix dans lexercice de ses fonctions ou tente de le faire,
b) utilise léquipement fourni à un agent de la paix.
270(3) Quiconque commet une infraction visée à larticle 270.1 est coupable dun acte criminel et passible dun emprisonnement maximal de cinq ans.
C. Lexploitation sexuelle des personnes handicapées
Les articles 12, 13, 14 et 20 du projet de loi ajoutent linfraction énoncée à larticle 153.1 du Code criminel (exploitation sexuelle des personnes handicapées) à la liste des autres infractions sexuelles visées par certaines règles particulières en matière de preuve. Ces modifications figuraient également dans le projet de loi C-17. Ainsi, toute personne handicapée victime dexploitation sexuelle jouit de la même protection en matière de preuve que les autres victimes dinfractions sexuelles. Les dispositions suivantes du Code criminel sont modifiées :
Larticle 274, selon lequel, dans le cas des infractions énumérées, la corroboration nest pas nécessaire pour faire condamner laccusé et le juge ne doit pas informer le jury quil ne serait pas prudent de déclarer laccusé coupable en labsence de corroboration.
Larticle 275, qui abolit les règles de preuve concernant la plainte spontanée à légard des infractions énumérées.
Larticle 276, selon lequel, dans le cas des infractions énumérées, la preuve de ce que le plaignant a eu une activité sexuelle avec laccusé ou un tiers est irrecevable comme preuve que le plaignant est plus susceptible davoir consenti à lactivité à lorigine de laccusation ou moins digne de foi. Larticle énonce aussi le critère quil faut respecter pour quune preuve que le plaignant a eu une autre activité sexuelle avec laccusé ou un tiers puisse être présentée par laccusé ou en son nom.
Larticle 277, selon lequel une preuve de réputation sexuelle visant à attaquer ou à défendre la crédibilité du plaignant est irrecevable dans le cas des infractions énumérées.
Le paragraphe 486(2.1), selon lequel le tribunal peut en certaines circonstances ordonner que le plaignant ou un témoin âgé de moins de dix-huit ans témoigne à lextérieur de la salle daudience ou derrière un écran ou un dispositif lui permettant de ne pas voir laccusé.
Larticle 10 du projet de loi porte de cinq à dix ans de prison la peine maximale pour harcèlement criminel. Le harcèlement criminel devenu un délit distinct en 1993 (L.C. 1993, ch. 45, art. 2) consiste à suivre et à observer sans arrêt une personne ou à communiquer sans cesse avec elle de telle sorte que celle-ci en vient logiquement à craindre pour sa sécurité ou la sécurité dun de ses proches.
Larticle 15 du projet de loi vise à faire de l« invasion de domicile » une circonstance aggravante dans la détermination de la peine applicable à certaines infractions plutôt quune infraction distincte. Le tribunal qui condamne une personne pour séquestration, vol qualifié, extorsion ou introduction par effraction devra considérer comme circonstance aggravante le fait que linfraction a été commise dans une maison dhabitation occupée, si le délinquant savait quelle était occupée ou ne sen est pas soucié et sil a fait usage de violence ou de menaces contre une personne ou des biens. Autrement dit, la présence de ces éléments militera en faveur dune peine plus lourde.
1. Comparutions à distance et dépôt électronique de documents
Lun des principaux aspects du projet de loi est daccroître lefficacité du système de justice pénale grâce à lutilisation et au dépôt de documents électroniques devant les tribunaux et à lélimination des comparutions inutiles daccusés, notamment de ceux qui sont sous garde.
À titre général, larticle 2 du projet de loi vise à garantir la légalité et lefficacité immédiate des mesures judiciaires à partir du moment où elles sont prises, quelles soient ou non consignées. Cette disposition garantit la validité des mesures judiciaires prises dans un certain nombre de circonstances où la preuve documentaire sur papier dun acte judiciaire nest pas produite immédiatement. Il peut sagir de décisions judiciaires sous la forme dordonnances ou de mandats qui peuvent être délivrés par voie électronique, en personne ou par téléphone ou par tout autre moyen de communication audio ou audiovisuelle.
b. Solutions de rechange à la comparution en personne des accusés devant le tribunal
Larticle 27 permet à laccusé de choisir ou de changer son mode de procès par écrit, sans comparaître personnellement en cour.
Le paragraphe 49(2) permet à laccusé de présenter son plaidoyer par le truchement de la télévision en circuit fermé ou de tout autre moyen permettant à laccusé et au tribunal davoir des échanges audiovisuels simultanés à distance. Ce genre de comparution à distance doit faire lobjet dune ordonnance du tribunal et de laccord de laccusé.
Les articles 60 et 61 permettent à laccusé dêtre représenté par son avocat au cours de nimporte quelle procédure, sauf sil faut rendre un témoignage oral, pendant la sélection du jury ou pendant laudition dune demande de bref dhabeas corpus (si laccusé conteste la validité de sa détention)(2). Cependant, le tribunal conserve le pouvoir discrétionnaire dordonner à laccusé dêtre présent au cours de nimporte quelle partie de la procédure, et laccusé doit être présent pour présenter un plaidoyer de culpabilité et pour entendre le verdict, sauf décision contraire du tribunal.
Larticle 61 du projet de loi permet également à lavocat de la défense ou au procureur de comparaître devant le tribunal par tout moyen technologique jugé acceptable par le tribunal et qui permet au tribunal et à lavocat de communiquer simultanément.
Les articles 67 et 68 prévoient la comparution à distance des accusés dans les procédures dappels en matière criminelle. Dans les instances où il y a lieu dentendre des preuves, larticle 67 du projet de loi permet à la cour dappel dordonner que nimporte quelle partie puisse comparaître par un moyen technologique jugé acceptable par le tribunal et qui permet au tribunal et aux parties de communiquer simultanément. Une disposition semblable pourrait sappliquer à laudition des appels pour les accusés qui sont sous garde et qui ont le droit dêtre présents. Au moment de la demande dautorisation de faire appel et dans toute autre procédure préliminaire ou accessoire, laccusé peut comparaître au moyen dun système de télécommunications convenable, y compris le téléphone.
Larticle 84 du projet de loi (nouvel art. 848) prévoit que, dans toute instance où un accusé incarcéré na pas accès à des conseils juridiques pendant la procédure, avant de lui permettre de comparaître par un moyen audiovisuel, le tribunal devra être convaincu que laccusé peut comprendre la procédure et que les décisions quil prend au cours de cette procédure sont volontaires.
Larticle 19 du projet de loi a trait aux éventuels problèmes juridiques de nature technique soulevés par lutilisation de solutions de rechange à la comparution en personne dans la salle du tribunal (« physique ») de laccusé dans certains cas. Pour que le tribunal donne suite à des accusations au criminel, il doit être compétent à légard de linfraction et à légard de laccusé. Jusquici, dans la procédure criminelle anglo-canadienne, un tribunal pouvait ne plus être compétent à légard de laccusé si celui-ci nétait pas présent en personne pendant la procédure. À lheure actuelle, le paragraphe 485(1.1) du Code prévoit que cette compétence nest pas perdue en raison de la non-comparution en personne de laccusé dans certains cas. Larticle 19 du projet de loi élargit la portée de cette disposition réparatrice et lapplique à dautres situations où laccusé est autorisé à être physiquement absent de la salle du tribunal et à y être représenté par son avocat. Ces situations comprennent :
la comparution à distance pour une audience de cautionnement;
la comparution à distance ou labsence autorisée pour une enquête préliminaire;
la comparution à distance ou la comparution par lintermédiaire de lavocat au procès;
labsence autorisée du procès;
la comparution à distance pour la procédure dappel.
c. Les documents électroniques
Larticle 84 du projet de loi (nouveaux art. 841 à 847) facilite lutilisation de documents électroniques dans les procédures criminelles. Selon les nouvelles dispositions proposées, les documents électroniques et le dépôt électronique de documents seront réputés être visés dans les mentions du Code criminel relatives aux preuves documentaires et au dépôt de documents, pourvu que cette utilisation et ce dépôt de documents électroniques soient conformes aux dispositions légales ou aux règles de procédure applicables.
2. Conditions dacceptation des plaidoyers de culpabilité
Le paragraphe 49(1) du projet de loi dispose que les tribunaux doivent être convaincus, avant daccepter des plaidoyers de culpabilité :
que laccusé fait volontairement le plaidoyer;
que laccusé :
a. comprend que, en le faisant, il admet sa culpabilité à légard des éléments essentiels de linfraction;
b. comprend la nature et les conséquences de sa décision;
c. sait que le tribunal nest lié par aucun accord conclu entre laccusé et le procureur (eu égard à la détermination de la peine).
Cependant, si le tribunal ne sassurait pas entièrement de ce qui précède, cela ninvaliderait pas le plaidoyer de culpabilité.
Larticle 18 du projet de loi prévoit lapplication des principes de la gestion des cas aux affaires criminelles. Il sagit dun système de gestion des affaires litigieuses par lapplication déchéanciers stricts pour laudition des causes selon leur nature et leur complexité. Ce genre de système est actuellement appliqué aux affaires civiles par les tribunaux de divers ressorts. Larticle 18 prévoit ladoption de règles de procédure relatives à la gestion des affaires criminelles dans les provinces et les territoires.
Au Canada, la plupart des poursuites pénales sont prises en charge par le bureau du procureur général provincial ou fédéral ou pour son compte. Elles peuvent cependant aussi être entamées ou dirigées par des particuliers ou pour leur compte. Les agents de la paix et les procureurs de la Couronne ont des responsabilités spéciales et des pouvoirs particuliers dans le système de justice pénale, mais la Couronne na pas pour autant le monopole de lexécution de la loi (quoique, pour certaines infractions, il faut, pour entamer une poursuite, obtenir laccord du procureur général provincial ou fédéral). Larticle 504 du Code criminel dispose que « quiconque » a des motifs valables de le croire peut faire une dénonciation auprès dun juge de paix en alléguant la perpétration dun crime par une autre personne. Le procureur général a cependant le pouvoir dintervenir dans ce genre de poursuite et il peut ordonner la suspension de linstance et a le loisir de reprendre la cause dans le cadre dune poursuite publique (voir les art. 579 et 579.1 du Code criminel).
Les articles 21 et 22 du projet de loi apportent certaines modifications au processus des poursuites privées, qui est actuellement identique à celui des poursuites publiques. Premièrement, les dénonciations privées doivent être adressées à un juge dun tribunal provincial ou à un juge de paix spécialement désigné. Deuxièmement, le procureur général provincial ou fédéral doit en être informé et avoir le loisir dêtre entendu avant que le juge ou le juge de paix désigné puisse accepter la dénonciation et délivrer une sommation ou un mandat darrestation. Enfin, si le juge ou le juge de paix désigné ne donne pas suite à la dénonciation, laccusateur, sil veut poursuivre, doit contester la légalité de cette décision devant un tribunal supérieur ou produire de nouveaux éléments de preuve à lappui de ses allégations. Laccusateur ou tout autre plaignant éventuel dans la cause ne peut pas simplement sadresser à un autre juge ou à un autre juge de paix désigné avec les mêmes éléments de preuve.
Larticle 47 du projet de loi permet au procureur général dintervenir dans une poursuite privée dans la mesure où il est autorisé à appeler des témoins à la barre, à interroger et contre-interroger des témoins, à produire des éléments de preuve et à présenter des observations , mais sans être réputé avoir pris la poursuite en charge.
Les enquêtes préliminaires sont des audiences antérieures aux procès, au cours desquelles le poursuivant doit montrer quil existe des preuves justifiant le procès de laccusé. On ne procède à des enquêtes préliminaires quen cas de mise en accusation.
Pour réduire les délais de procédure et la mesure dans laquelle les plaignants (surtout dans les affaires dagression sexuelle) sont interrogés et contre-interrogés, les gouvernements provinciaux et fédéral ont envisagé des moyens de réduire le nombre et la durée des enquêtes préliminaires, y compris en les abolissant complètement. Il semble cependant pour linstant que le gouvernement fédéral préfère restreindre la portée de ces enquêtes et réduire leur nombre. Les propositions contenues dans le projet de loi C-15A reflètent cette perspective. Cette stratégie législative comporte dautres éléments, par exemple augmenter la peine maximale pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et reclassifier comme mixtes un grand nombre dinfractions punissables sur déclaration de culpabilité par mise en accusation (la Couronne ayant dans ce cas le loisir de procéder par voie de déclaration de culpabilité par procédure sommaire et déviter ainsi les enquêtes préliminaires). Ces éléments ne sont cependant pas abordés dans le projet de loi.
b. Enquêtes préliminaires facultatives et susceptibles dêtre limitées sur entente
Les articles 24 à 26 du projet de loi assujettissent les enquêtes préliminaires, dans les affaires criminelles, à une demande expresse de la défense ou du poursuivant. Un certain nombre dautres dispositions du projet de loi sont généralement accessoires à cette nouvelle disposition, y compris les articles 33 à 46, 59, 89 et 90.
Si une enquête préliminaire est demandée, les articles 27 et 30 et le paragraphe 28(1) permettent de limiter sa portée en fonction dententes conclues entre la défense et le poursuivant. Il semble cependant que cette limitation des enquêtes préliminaires soit facultative. La partie qui a demandé lenquête préliminaire (généralement la défense) est tenue de circonscrire les questions à légard desquelles elle désire quon produise des preuves et de préciser les témoins quelle désire entendre, mais aucune disposition du projet de loi ne contraint la partie qui demande lenquête à le faire de façon à limiter la portée de cette enquête. Cependant, pour faciliter ce genre dentente, une audience préalable à lenquête peut avoir lieu en présence du juge chargé de lenquête préliminaire, à la demande de lune ou lautre partie ou du juge lui-même.
c. Le déroulement des enquêtes préliminaires
Le paragraphe 28(2) donne au juge chargé de lenquête préliminaire le pouvoir de permettre à laccusé, à la demande de ce dernier, dêtre absent de lenquête ou dune partie quelconque de celle-ci. Le paragraphe 28(3) exige que le juge chargé de lenquête préliminaire ordonne la cessation immédiate de linterrogatoire ou du contre-interrogatoire dun témoin ou dune partie de cette procédure sil estime que le témoin est injurieux, excessivement répétitif ou par ailleurs inconvenant.
Larticle 29 du projet de loi permet au juge chargé dune enquête préliminaire de recevoir des preuves par ailleurs irrecevables quil estime plausibles et dignes de foi, par exemple la déclaration enregistrée dun témoin, pourvu que la partie qui produit la preuve ait informé les autres parties suffisamment à lavance ou que le juge en ait décidé autrement. Dans ce cas, cependant, une partie peut demander au juge de faire comparaître le témoin en question pour interrogatoire ou contre-interogatoire. Selon larticle 72 du projet de loi, les preuves admises en vertu de larticle 29 (sauf, probablement, si le contre-interrogatoire a été autorisé) ne peuvent être admises au procès en vertu de larticle 715 du Code, qui autorise ladmission au procès, dans certains cas, de preuves admises à lenquête préliminaire (p. ex. si le témoin refuse dêtre assermenté ou de rendre un témoignage ou sil ne peut pas témoigner en raison de son décès, de son état mental, de son absence du Canada, etc.).
Si le juge qui préside un tribunal lestime indiqué, les articles 52 et 57 du projet de loi lui permettent dinviter deux jurés suppléants à rester disponibles jusquau début du procès. Une fois le procès sur le point de commencer, ces jurés suppléants seront soit remerciés soit invités à remplacer des jurés absents du procès.
Larticle 51 du projet de loi permet quun autre juge que celui qui a présidé à la sélection du jury préside le procès.
7. Avis de témoignage dexpert
Larticle 62 du projet de loi prévoit que les parties donneront un préavis si un témoin expert est appelé à la barre. Cette disposition sadresse surtout à la défense, puisque le poursuivant est déjà tenu, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés,de révéler les éléments de sa cause et, plus généralement, de communiquer toute information pouvant raisonnablement servir à la défense de laccusé(3).
Lavis doit être donné au moins 30 jours avant le début du procès ou dans le délai fixé par le tribunal. Il doit comporter le nom du témoin expert proposé, une description du domaine de compétence du témoin et une énumération de ses compétences. De plus, il faut fournir à lavance à lautre partie un exemplaire du rapport rédigé par le témoin ou, sil ny a pas de rapport, un résumé de lopinion quil est censé fournir. Certaines restrictions sappliquent à lusage de linformation révélée en vertu de cette disposition : ces renseignements ne peuvent pas être utilisés dans dautres instances, à moins quun tribunal lait ordonné, et, à défaut du consentement de laccusé, le poursuivant na pas le droit de produire en preuve le rapport ou le résumé de lopinion dun témoin expert si celui-ci ne témoigne pas.
8. Limitation du recours à des représentants
Larticle 79 du projet de loi limite le droit des non-avocats (représentants) à représenter des accusés dans des instances de déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Dans ces cas, si laccusé risque une peine de plus de six mois de prison, il ne peut faire appel à un représentant que si laccusé est une société ou si le représentant y a été autorisé aux termes dun programme approuvé par le lieutenant gouverneur en conseil de la province. Les représentants nont déjà pas le droit de représenter des accusés dans des instances de mise en accusation(4).
9. Les engagements de ne pas troubler lordre public
Les paragraphes 80(1), 80(2), 81(1), 81(2), 82(1) et 82(2) apportent des modifications dordre technique au Code criminel pour que certaines dispositions fassent mention d« un juge de la cour provinciale » ou de « tout juge de la cour provinciale » plutôt que de « le juge » (de la cour provinciale). Il sagit des dénonciations déposées devant des juges de tribunaux provinciaux par des personnes qui craignent quune autre personne commette un acte de gangstérisme (5) ou une infraction sexuelle énumérée dans le Code(6) ou fasse subir des sévices graves à une personne(7). Du fait de ces modifications, un juge dun tribunal provincial qui reçoit ce genre dinformation peut imposer aux parties de comparaître devant un autre juge. De plus, « tout juge de la cour provinciale » plutôt que « le juge » qui les a fixées peut modifier les conditions dun engagement visé par ces dispositions.
Larticle 71 du projet de loi ajoute une nouvelle partie au Code criminel : la partie XXI.1 (nouveaux art. 696.1 à 696.6) sintitule « Demandes de révision auprès du ministre erreurs judiciaires ». Les nouvelles dispositions remplacent larticle 690 du Code, qui a trait aux demandes adressées au ministre fédéral de la Justice (le Ministre) concernant des allégations de condamnations injustifiées. Aux termes de cet article, si le Ministre décide dintervenir dans une affaire, il peut prendre lune des mesures suivantes ou les deux :
ordonner un nouveau procès ou lappel du jugement;
renvoyer toute question concernant la demande à la cour dappel compétente, qui tranchera.
2. Les demandes de révision adressées au Ministre en vertu de larticle 690
Le Ministre reçoit, estime-t-on, entre 50 et 70 demandes de révision par an(8). En règle générale, le ministère de la Justice demande que lon joigne les éléments dinformation suivants à lappui dune demande : une description des motifs pour lesquels il y aurait eu erreur judiciaire et toute nouvelle information à lappui de la demande, la transcription du procès, un exemplaire de tous les jugements des tribunaux dans la cause et les mémoires déposés en appel(9). Une fois en possession de tous ces documents, les avocats du Ministère procèdent à une évaluation préliminaire du dossier pour déterminer si la demande du requérant a « une apparence de réalité », fondée sur de nouveaux renseignements importants qui nétaient pas disponibles au procès(10). Si cette condition est remplie, la demande sera examinée et une recommandation sera faite au Ministre(11).
Avant 1994, le Ministère traitait les demandes qui lui étaient adressées en vertu de larticle 690 selon une approche plus ou moins improvisée. Il nexistait pas de procédure établie et personne nétait affecté spécialement à ces demandes. Les demandes étaient confiées à des avocats du Ministère à titre de responsabilité spéciale supplémentaire. Cest ainsi que le processus a commencé à faire lobjet de critiques pour les raisons suivantes :
les requérants ne connaissaient pas les conditions à remplir pour obtenir gain de cause ou ignoraient ce que contenait la recommandation finale faite au Ministre;
le délai de traitement des demandes par le Ministère(12);
les avocats chargés de traiter les demandes avaient tendance à pencher du côté de la poursuite(13).
3. Modifications administratives récentes au processus de demande en vertu de larticle 690
En 1994, le Ministère a instauré un certain nombre de mesures pour régler les plaintes relatives au processus de traitement des demandes adressées en vertu de larticle 690.
Il a engagé dautres avocats, et le Groupe dexamen des condamnations (GEC) a été formé au sein du Ministère et chargé exclusivement des révisions en vertu de larticle 690(14). De plus, pour le rendre encore plus indépendant de la fonction de poursuite du Ministère, on a établi le Groupe dans le Secteur des politiques du Ministère(15). Le Ministère a par ailleurs commencé à avoir davantage recours à des avocats de lextérieur(16), ce qui est particulièrement important dans les causes où il avait lui-même intenté la poursuite (toutes les poursuites criminelles dans les trois territoires et toutes les poursuites pour des infractions fédérales ne relevant pas du Code criminel, dans tout le Canada).
Le Ministère a publié un guide consultable sur son site Web qui indique les documents à produire, les directives à suivre et le processus de révision sous le régime de larticle 690(17).
Enfin, le GEC sest donné pour pratique de communiquer au requérant le résumé de lenquête, qui précise tous les renseignements réunis au cours de lexamen qui seront communiqués au Ministre avant que celui-ci prenne une décision définitive(18). Le requérant a ensuite la possibilité de faire des commentaires au sujet du résumé et de présenter ses dernières observations au Ministre(19).
4. Modifications législatives proposées dans le projet de loi C-15A (art. 71)
Larticle 71 préserve les éléments de base du système actuel de demandes de révision auprès du Ministre prévu à larticle 690. La révision des condamnations par le Ministre demeure une mesure extraordinaire et discrétionnaire à laquelle on ne peut recourir que lorsque toutes les voies ordinaires dappel et de recours ont été épuisées, et le Ministre continue à pouvoir :
rejeter la demande;
ordonner un nouveau procès;
envoyer la cause devant la cour dappel;
renvoyer toute question relative à la demande devant la cour dappel.
Cependant, larticle 71 apporte certains changements pour accroître lefficacité et la transparence du processus.
Larticle 71 étend à toutes les infractions à une loi fédérale la possibilité de présenter au Ministre une demande de révision fondée sur la présomption dune erreur judiciaire. À lheure actuelle, larticle 690 ne sapplique quaux infractions faisant lobjet de poursuites par mise en accusation.
Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements concernant la forme et le contenu de la demande de révision auprès du Ministre, les documents qui doivent laccompagner et le processus dinstruction en général.
Le Ministre :
se voit accorder les pouvoirs dun commissaire en vertu de la Loi sur les enquêtes, cest-à-dire le pouvoir de recueillir des témoignages, de délivrer des assignations et de contraindre les témoins à comparaître et à faire des dépositions et dobliger à produire des documents et dautres preuves;
est autorisé à déléguer ces pouvoirs à ceux qui instruisent les demandes en son nom (ces personnes doivent être des avocats, des juges à la retraite ou dautres personnes qui possèdent une expérience ou des connaissances similaires).
Le projet de loi énumère des critères sur lesquels le Ministre doit fonder sa décision à légard dune demande. Pour autoriser un des recours qui soffrent au requérant, le Ministre doit être convaincu « quil y a des motifs raisonnables de conclure quune erreur judiciaire sest probablement produite » (art. 71, nouveau par. 696.3(3)). Lorsquil prend une telle décision, le Ministre prend en compte :
la question de savoir si la demande repose sur de nouvelles questions « importantes » qui nont pas déjà été étudiées;
la pertinence et la fiabilité des renseignements présentés relativement à la demande;
le fait que la procédure de révision ministérielle soit un recours extraordinaire et ne doive pas tenir lieu dappel ultérieur (art. 71, nouvel art. 696.4).
Ces principes cadrent avec ceux qui ont été énoncés par Allan Rock, alors ministre de la Justice, en avril 1994, lorsquil a expliqué les raisons de sa décision au sujet de la demande présentée par W. Colin Thatcher en vertu de larticle 690(20).
Bien que les considérations et les critères qui précèdent ne soient pas particulièrement précis, ils aideront le Ministre (et appuieront le processus de révision judiciaire de la décision du Ministre) davantage que les dispositions actuelles. Larticle 71 (nouveau par. 696.3(4)) dispose que la décision du Ministre est sans appel, mais son libellé ne semble pas exclure une révision judiciaire.
Enfin, larticle 71 (nouvel art. 696.5) oblige le Ministre à présenter un rapport annuel au Parlement sur les demandes de révision ministérielle.
Conformément aux conclusions dun rapport publié en 1991 par un groupe de travail fédéral-provincial-territorial chargé détudier la question, le gouvernement a rejeté la demande de certains y compris une commission denquête provinciale(21) de confier lexamen des erreurs judiciaires présumées à un organisme indépendant, comme la fait le Royaume-Uni en créant la Criminal Cases Review Commission. Il a soutenu, entre autres, que le Ministre na pas le même problème de conflit dintérêts que le secrétaire de lIntérieur du Royaume-Uni (qui soccupait auparavant de ces demandes), car, au Canada, la vaste majorité des poursuites criminelles sont menées par les provinces. Malgré tout, le ministère de la Justice a indiqué quil avait lintention de nommer un conseiller spécial externe pour surveiller le processus de révision(22); cependant, ni larticle 71 ni les autres dispositions du projet de loi nobligent le gouvernement à le faire.
H. Infractions à la Loi sur la capitale nationale
Larticle 87 modifie la Loi sur la capitale nationale, L.R.C. 1985, ch. N-4, pour que la peine maximale pour violation des règlements adoptés en vertu de cette loi passe de 500 $ à 2 000 $.
I. Système de justice militaire (Identification des criminels)
Larticle 88 du projet de loi modifie la Loi sur la défense nationale, L.R.C. 1985, ch. N-5, de manière à autoriser la prise des empreintes digitales, de photographies et de toute autre mensuration sur les personnes accusées ou déclarées coupables dinfractions graves au Code de discipline militaire. Larticle 88 ajoute essentiellement à cette loi des dispositions analogues à celles de la Loi sur lidentification des criminels, L.R.C. 1985, ch. I-1, qui sapplique aux personnes accusées ou déclarées coupables dinfractions au Code criminel.
A. Exploitation sexuelle des enfants et lInternet
Bien que les dispositions du projet de loi C-15A (art. 8) relatives au fait de leurrer les enfants au moyen de lInternet aient mérité les éloges de certaines personnes qui oeuvrent dans les secteurs de lapplication de la loi et de la recherche des enfants disparus(23), la nouvelle infraction qui consiste à accéder à de la pornographie juvénile (par. 5(3)) a suscité la critique de certains criminalistes et défenseurs des libertés civiles; des craintes ont aussi été exprimées dans les éditoriaux(24). Les dispositions relatives au fait de leurrer et celles qui autorisent le tribunal à ordonner la suppression de la pornographie juvénile sur lInternet (art. 7) ont reçu lagrément de lAssociation canadienne des fournisseurs Internet, qui souscrit notamment à lidée que ce soient les juges et non les fournisseurs privés de services Internet qui décident de la matière à supprimer(25).
B. Le fait de désarmer un agent de la paix
La nouvelle infraction qui consiste à désarmer un agent de la paix ne devrait pas soulever une trop grande controverse. David Griffin, dirigeant de lAssociation canadienne des policiers (ACP), lorganisation qui a entamé le processus qui a mené à la création de linfraction proposée, a indiqué que lACP est « tout à fait en faveur de cette disposition »(26).
C. Réforme de la procédure criminelle
La Criminal Lawyers Association (CLA) de lOntario appuie certaines initiatives du projet de loi facilitation du dépôt électronique de documents et de la comparution à distance devant le tribunal, établissement dune procédure denquête relative au plaidoyer de culpabilité et plus grande possibilité dintervention des procureurs généraux dans les poursuites privées et ne conteste pas la notion dexiger préavis de témoignage dexpert(27). Toutefois, et la CLA et lAssociation in Defence of the Wrongfully Convicted sopposent à toute nouvelle restriction de la possibilité denquêtes préliminaires(28). Ces groupes croient quen plus déliminer ou de réduire les accusations qui ne sont pas étayées par des preuves, lenquête préliminaire continue à jouer un rôle utile en permettant à laccusé dobtenir plus de renseignements, dévaluer la crédibilité des témoins et de soupeser de manière générale les arguments de la poursuite avant le procès(29). En fait, la CLA préconise que lon renforce le rôle de « clarification » joué par lenquête préliminaire en relevant la norme pour que laccusé soit cité à procès et en permettant au juge chargé de lenquête dapprécier la preuve et den exclure tout élément qui ne serait pas recevable au procès(30).
D. Révision des condamnations injustifiées
En ce qui concerne les modifications proposées au processus de révision au motif dune erreur judiciaire prévu par larticle 690, des groupes soccupant des personnes condamnées injustement, comme lAssociation in Defence of the Wrongfully Convicted, ont critiqué le fait quelles ne vont pas assez loin dans létablissement dun processus de révision indépendant. En particulier, lAssociation sest dite en faveur du modèle britannique dune commission indépendante qui prendrait la relève du ministre de la Justice et soutient que les modifications proposées dans le projet de loi ne représentent pas un changement substantiel par rapport au processus existant(31).
(1) Ministère de la Justice, Points saillants du projet de loi omnibus, note dinformation, mars 2001, p. 5.
(2) Voir aussi lart. 77 du projet de loi, qui précise quune personne faisant lobjet dun bref dhabeas corpus doit comparaître personnellement devant le tribunal, nonobstant toute autre disposition du Code.
(3) R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326, 68 C.C.C. (3d) 1; et R. c. Dixon, [1998] 1 R.C.S. 244, 122 C.C.C. (3d) 1.
(4) Les paragraphes 800(2) et 802(2) du Code, qui ont trait aux procédures sommaires, disposent que laccusé peut comparaître et interroger et contre-interroger des témoins personnellement ou par lintermédiaire dun avocat ou dun représentant, mais le par. 650(3), qui a trait aux instances de mise en accusation, dispose que laccusé a droit à une défense pleine et entière, quil parle en son propre nom ou soit défendu par un avocat (il nest pas question dun représentant).
(5) Code criminel, art. 810.01.
(6) Ibid., art. 810.1.
(7) Ibid., art. 810.2.
(8) Ministère de la Justice, Correction des erreurs judiciaires : possibilités de réforme de larticle 690 du Code criminel,document de consultation, Ottawa, octobre 1998.
(9) Ibid.
(10) Ibid.
(11) Ibid.
(12) Voir, par exemple, Carl Karp et Cecil Rosner, When Justice Fails, The David Milgaard Story, McClelland & Stewart, Toronto, 1991, ch. 17-22.
(13) Ibid., ch. 18.
(14) Ministère de la justice, Correction des erreurs judiciaires.
(15) Ibid.
(16) Ibid.
(17) Ibid.
(18) Ibid.
(19) Ibid.
(20) Voir Ministère de la Justice, Correction des erreurs judiciaires.
(21) Royal Commission on the Donald Marshall, Jr., Prosecution (Commission royale denquête sur la poursuite intentée contre Donald Marshall), Rapport des commissaires, Halifax, décembre 1989, vol. 1 (recommandations 1 et 2). Une autre commission provinciale chargée denquêter sur une condamnation injustifiée a recommandé que le gouvernement fédéral étudie au moins la création dun tel organisme : lhonorable Fred Kaufman, Commission sur les poursuites contre Guy Paul Morin : Rapport, Toronto, mars 1998, vol. 2 (recommandation 117).
(22) Ministère de la Justice, Des modifications au Code criminel renforceront le système de justice, Ottawa, communiqué, 8 juin 2000.
(23) Tonda MacCharles, « Child porn viewers on Net may be charged », Toronto Star, 15 mars 2001, p. A1; Tonda MacCharles, « Child porn targeted in new law; Will be offence to display on computer », The Hamilton Spectator, 15 mars 2001, p. B3; et Paul Samyn, « Grits aim to tame Net; Ottawas massive crime bill targets cyberstalkers, child porn on Web », Winnipeg Free Press, 15 mars 2001, p. A1.
(24) MacCharles, « Child porn viewers on Net may be charged »; MacCharles, « Child porn targeted in new law »; Tim Naumetz, « New laws target Internet child porn: Criminal Code changes aim to curb rising cyber-sex trade », The Calgary Herald, 15 mars 2001, p. A1; et « Too much for one bill », The Gazette (Montréal), 16 mars 2001, p. B2.
(25) MacCharles, « Child porn viewers on Net may be charged »; MacCharles, « Child porn targeted in new law »; Samyn, « Grits aim to tame Net »; et Mark MacKinnon, « Web cleanup law targets child porn », The Globe and Mail, 15 mars 2001, p. A1.
(26) Conversation téléphonique avec lauteur le 24 avril 2001.
(27) Criminal Lawyers Association, « Submissions on Behalf of the Criminal Lawyers Association Regarding Criminal Procedural Reforms », par. 1-6.
(28) Ibid.,par.12-26.
(29) Ibid., par. 15-23.
(30) Ibid., par. 26.
(31) Kaufman, vol. 2, p. 1237; et Lynne Cohen, « Courage of Convictions », Canadian Lawyer, vol. 24, no 11 (novembre/décembre 2000), p. 47.