LS-383F
PROJET DE LOI C-6 :
LOI MODIFIANT LA LOI DU TRAITÉ
HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-6
TABLE DES MATIÈRES
D. Prohibition des prélèvements deaux limitrophes F. Pouvoirs du ministre des Affaires étrangères H. Droits ancestraux et issus de traités PROJET DE LOI C-6 : LOI MODIFIANT
LA LOI DU TRAITÉ Le 5 février 2001, le projet de loi C-6 : Loi modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales, a été déposé à la Chambre des communes au nom du ministre des Affaires étrangères, lhonorable John Manley(1). Le projet de loi vise à clarifier la Loi actuelle et à rendre plus efficace la mise en uvre du Traité relatif aux eaux limitrophes et aux questions originant le long de la frontière entre le Canada et les États-Unis de 1909 (communément appelé le Traité des eaux limitrophes internationales) : a) en interdisant le captage et le transfert deaux limitrophes hors de leur bassin hydrographique; b) en assujettissant à lobtention dune licence auprès du ministre des Affaires étrangères les activités qui ont pour effet de modifier le débit ou le niveau naturels des eaux du côté américain de la frontière; et c) en prévoyant des sanctions et peines précises en cas dinfraction. Linterdiction de capter des eaux limitrophes sappliquerait principalement aux Grands Lacs, mais toucherait également dautres eaux limitrophes, notamment une partie du Saint-Laurent, la rivière Ste-Croix, la partie amont du fleuve St-Jean et le lac des Bois. Les modifications à la Loi du traité des eaux limitrophes internationales proposées dans le projet de loi C-6 sinscrivent dans une grande stratégie à trois volets annoncée par le gouvernement fédéral le 10 février 1999 en vue dinterdire les prélèvements à grande échelle, y compris à des fins dexportation, de tous les bassins hydrographiques canadiens. La gestion des ressources hydriques relève avant tout des provinces; toutefois, le Traité des eaux limitrophes accorde au gouvernement fédéral une nette compétence sur les eaux limitrophes dans les limites établies dans le traité. Conformément à larticle 132 de la Loi constitutionnelle de 1867, seul le gouvernement fédéral a le pouvoir de donner suite aux obligations prévues au traité concernant les eaux limitrophes. En plus de proposer des modifications à la Loi du traité des eaux limitrophes internationales et dinterdire ainsi le captage à grande échelle des eaux limitrophes canadiennes, y compris celles des Grands Lacs, la stratégie fédérale prévoyait également un renvoi binational pour demander à la Commission mixte internationale (CMI) détudier les effets de la consommation, de la dérivation et du prélèvement deau provenant des plans deau limitrophes, notamment à des fins dexportation, avec insistance initiale sur les Grands Lacs. Dans son rapport final La protection des Grands Lacs (février 2000), la CMI concluait quil faut protéger les Grands Lacs, surtout à la lumière des incertitudes, des pressions et des répercussions cumulatives des prélèvements, de la consommation et de la croissance démographique et économique ainsi que du changement climatique. Le rapport renferme notamment les conclusions suivantes :
Les recommandations formulées par la CMI concernant la protection de lintégrité écologique du bassin des Grands Lacs sadressaient à tous les paliers de gouvernement du Canada et des États-Unis, et devaient permettre détablir une stratégie cohérente de protection des eaux des Grands Lacs des deux côtés de la frontière. Ces recommandations, si elles sont mises en uvre, empêcheraient les prélèvements sur une grande échelle ou une grande distance davoir lieu. Selon des sources fédérales, les modifications proposées à la Loi du traité des eaux limitrophes internationales dans le projet de loi C-6 sont conformes aux conclusions et recommandations la CMI. Comme il a déjà été mentionné, au Canada, la gestion de leau constitue une compétence partagée. Cest pourquoi, dans le troisième volet de la stratégie du gouvernement fédéral, le ministre fédéral de lEnvironnement, lhonorable David Anderson, a cherché à obtenir ladhésion des provinces et des territoires à une entente pancanadienne interdisant les prélèvements massifs deau de tous les bassins hydrographiques majeurs du Canada. Toujours selon des sources fédérales, à la suite de cette initiative, toutes les provinces ont mis en place ou élaborent actuellement des lois ou des règlements pour atteindre cet objectif. De la même façon, les territoires, de concert avec le ministère fédéral des Affaires indiennes et du Nord canadien, mettent en uvre diverses politiques pour atteindre eux aussi cet objectif. Le Traité des eaux limitrophes (« le Traité »), signé par la Grande-Bretagne (au nom du Canada) et les États-Unis en 1909, établissait les principes et les procédures de la prévention et du règlement des différends, particulièrement en ce qui touche à la quantité et à la qualité des eaux limitrophes, entre le Canada et les États-Unis. La Commission mixte internationale (CMI) a également été créée aux termes du traité pour faciliter la mise en uvre des ses dispositions. Par le traité, le Canada et les États-Unis sengagent mutuellement à protéger le niveau ou le débit naturel des eaux partagées par les deux pays. Sauf quelques exceptions, larticle III du traité affirme quaucun usage, obstruction ou dérivation des eaux limitrophes modifiant leur niveau ou leur débit naturels du côté opposé de la frontière ne se fait sauf avec lautorisation du gouvernement du pays concerné et lapprobation de la Commission mixte internationale. Conformément à larticle IV du traité, les pays conviennent que, sauf dans les cas prévus dans une entente spéciale entre eux, ou avec lapprobation de la CMI, ils ne permettront pas, de leur côté respectif de la frontière, la construction ou lentretien de tout ouvrage de réfection ou de protection, ou de tout barrage ou autre obstacle, dans des eaux provenant deaux limitrophes ou dans des eaux dont le niveau à la frontière est inférieur à celui de cours deau transfrontaliers, ce qui pourrait entraîner une hausse du niveau naturel des eaux de lautre côté de la frontière. Le Parlement a adopté la Loi du traité des eaux limitrophes internationales en 1911 pour mettre en uvre le Traité. La Loi reconnaît la compétence du gouvernement fédéral sur les eaux limitrophes, tels que les Grands Lacs, pour que le Canada respecte son obligation en vertu du Traité de ne pas modifier unilatéralement le niveau et le débit des eaux du côté américain de la frontière. Le projet de loi C-6 contient deux articles. Larticle 1 modifierait la Loi par adjonction des nouveaux articles 10 à 26, alors que larticle 2 a trait à lentrée en vigueur du projet de loi. Le nouvel article 10 définirait certains termes aux fins des articles 11 à 26 proposés de la Loi. « Eaux limitrophes » sentendrait au sens du traité :
Elles comprennent ainsi le lac des Bois, les Grands Lacs, la partie du Saint-Laurent comprise entre lexutoire du lac Ontario et Cornwall (Ontario)-Massena (New York), la partie amont de la rivière St-Jean (Québec-Nouveau-Brunswick) et la rivière Ste-Croix (Nouveau-Brunswick). Une rivière qui constitue la frontière ou qui sécoule le long de celle-ci sans la franchir est une eau limitrophe (p. ex., une section du Saint-Laurent). « Licence » sentendrait dune licence délivrée en vertu de larticle 16. « Ministre » désignerait le ministre des Affaires étrangères. Les modifications proposées à la Loi du traité des eaux limitrophes internationales dans le projet de loi C-6 officialiseraient une démarche de 90 ans selon laquelle le gouvernement fédéral (et la CMI, de son propre chef) a, aux termes du Traité des eaux limitrophes, examiné et approuvé ou rejeté officieusement certains projets relatifs aux eaux limitrophes ou transfrontalières, qui auraient pour effet de modifier le niveau ou le débit naturel des eaux du côté américain de la frontière. Ces projets ont toujours nécessité lapprobation du gouvernement fédéral. Ce dernier a respecté à sa façon ses obligations internationales en vertu du Traité. Toutefois, devant les pressions croissantes qui sexercent sur les ressources en eau douce, le gouvernement fédéral croit maintenant quil faut renforcer les mesures de protection et officialiser les conditions des licences. Par conséquent, le projet de loi C-6 propose que ces projets soient assujettis à lobtention dune licence auprès du ministre des Affaires étrangères (nouvel article 16). Nul ne pourrait, sauf en conformité avec une licence, utiliser, obstruer ou dériver des eaux limitrophes dune manière qui modifie ou est susceptible de modifier, de quelque façon que ce soit, le débit ou le niveau naturels de ces eaux de lautre côté de la frontière internationale (paragraphe 11(1) proposé). Ce paragraphe ne sappliquerait toutefois pas lorsque les eaux sont utilisées normalement à des fins domestiques ou sanitaires (conformément à larticle III du traité) ni dans les cas dexception prévus par règlement (paragraphe 11(2) proposé). Le régime dattribution des licences ne sappliquerait pas aux utilisations traditionnelles, tels les prélèvements à des fins agricoles et industrielles à lintérieur du bassin. Cette disposition permettrait de mettre plus efficacement en uvre larticle III du Traité des eaux limitrophes. De même, nul ne pourrait, sauf en conformité avec une licence délivrée en vertu de larticle 16 proposé, établir ou maintenir dans les eaux qui sortent des eaux limitrophes ou dans des eaux en aval de la frontière internationale des rivières transfrontalières, des ouvrages de protection ou de réfection, ou des barrages ou autres obstacles faisant obstruction de nature à exhausser le niveau naturel des eaux de lautre côté de la frontière (paragraphe 12(1) proposé). Ce paragraphe ne sappliquerait pas dans les cas dexception prévus par règlement (paragraphe 12(2) proposé). Cette disposition ne sappliquerait ni aux prélèvements deau ni aux eaux limitrophes. Elle permettrait de mettre plus efficacement en uvre le premier paragraphe de larticle IV du traité. D. Prohibition des prélèvements deaux limitrophes De lavis du gouvernement, il faut interdire définitivement les prélèvements deaux limitrophes en grandes quantités pour protéger lintégrité écologique de ces bassins partagés. Le projet de loi prévoit donc que, malgré larticle 11 proposé, nul ne pourrait prélever les eaux limitrophes dun bassin hydrographique (paragraphe 13(1) proposé). Pour lapplication de ce paragraphe et du traité, le captage et le transfert deaux limitrophes à lextérieur de leurs bassins hydrographiques sont réputés, étant donné leffet cumulatif de ce type dactivité sur les eaux limitrophes, modifier le débit ou le niveau naturels de ces eaux de lautre côté de la frontière internationale (paragraphe 13(2) proposé). Le paragraphe 13(1) ne sappliquerait quaux bassins hydrographiques décrits par règlement (paragraphe 13(3) proposé). De plus, il ne sappliquerait pas dans les cas dexception prévus par règlement (paragraphe 13(4) proposé); parmi les exceptions possibles, notons leau de ballast, leau nécessaire à des fins humanitaires à court terme et leau utilisée pour fabriquer un produit à lintérieur du bassin hydrographnique. Selon des documents dinformation du gouvernement, la prohibition susmentionnée permettrait de reconnaître que le prélèvement à grande échelle deau hors dun bassin hydrographique doit être géré autrement que le prélèvement deau utilisée à lintérieur du bassin. Le prélèvement à grande échelle entraîne une perte permanente deau du bassin. Compte tenu du fait que les écosystèmes et les collectivités à lintérieur du bassin dépendent de cet approvisionnement en eau, le prélèvement en grandes quantités est considéré comme une utilisation non écologique de la ressource. Le gouvernement maintient quinterdire le prélèvement à grande échelle deaux limitrophes va aussi dans le sens de ses obligations commerciales internationales telles que définies dans la Déclaration commune des gouvernements du Canada, du Mexique et des États-Unis de 1993. À lépoque, les trois pays ont déclaré que, dans son état naturel, leau nest ni un bien ni un produit et nest assujettie à aucun accord commercial, y compris lALENA. Les articles 11 à 13 proposés sur le régime dattribution des licences et la prohibition lieraient Sa Majesté du chef du Canada ou dune province (article 14 proposé). Les articles 11 à 13 proposés ne sappliqueraient pas aux utilisations, dérivations ou obstructions antérieures à la date de leur entrée en vigueur respective, sauf en cas de modifications importantes de celles-ci après cette date (article 15 proposé). F. Pouvoirs du ministre des Affaires étrangères Sous réserve de règlements, le ministre pourrait, sur demande, délivrer, renouveler ou modifier une licence pour les activités visées par la Loi et lassortir des conditions quil estime indiquées (article 16 proposé). Il est à prévoir que le régime dattribution des licences serait conforme au présent système officieux des demandes dapprobation des projets touchant les eaux limitrophes. La licence ne serait pas transférable sans le consentement du ministre (article 17 proposé). Sil a des motifs raisonnables de croire que le titulaire dune licence a contrevenu à la Loi ou aux conditions de la licence, le ministre pourrait suspendre ou révoquer celle-ci après, dune part, lui avoir donné un avis écrit motivant la prise de cette mesure et, dautre part, lui avoir accordé la possibilité de lui présenter ses observations (paragraphe 18(1) proposé). Il pourrait en outre suspendre ou révoquer la licence sur demande du titulaire ou avec son consentement (paragraphe 18(2) proposé). Dans les cas où une personne contrevient aux paragraphes 11(1), 12(1) ou 13(1) proposés, le ministre pourrait lui enjoindre : a) denlever les ouvrages ou obstacles qui font lobjet de la contravention ou de les modifier; b) darrêter les travaux de construction ou autres ou lutilisation ou la dérivation qui font lobjet de la contravention (paragraphe 19(1) proposé). Si la personne nobtempère pas, il pourrait soit modifier ou enlever, soit confisquer au profit de Sa Majesté du chef du Canada, toute chose visée à lalinéa 1a) ou ayant servi aux activités visées à lalinéa 1b) (paragraphe 19(2) proposé). Les choses confisquées pourraient être enlevées ou détruites ou il pourrait en être autrement disposé conformément aux instructions du ministre (paragraphe 19(3) proposé). Les frais occasionnés par toute modification ou tout enlèvement au titre du paragraphe 19(2) proposé ou par lenlèvement, la destruction ou laliénation au titre du paragraphe 19(3) proposé, ainsi que tous frais connexes, déduction faite du produit éventuel de toute aliénation, constitueraient des créances de Sa Majesté du chef du Canada dont le recouvrement pourrait être poursuivi à ce titre contre la personne visée au paragraphe 19(1) devant toute juridiction compétente (paragraphe 19(4) proposé). Aux termes de larticle 20 proposé, le ministre pourrait, avec lagrément du gouverneur en conseil, conclure avec une ou plusieurs provinces un accord ou une entente portant sur les activités visées aux articles 11 à 13 proposés. La disposition permettrait donc de conclure avec les provinces des ententes de collaboration visant à réduire les doubles emplois et les frais associés à lexamen des projets dans le cadre du régime dattribution des licences et des prohibitions. Les modifications proposées à la Loi du traité des eaux limitrophes internationales dans le projet de loi C-6 permettraient la prise de règlements, ce que ne prévoit pas la Loi actuelle. Conformément au paragraphe 21(1) proposé, le gouverneur en conseil (le Cabinet), aurait le pouvoir de prendre, sur recommandation du ministre, des règlements sur une foule de sujets. Dans ces règlements, il pourrait notamment :
H. Droits ancestraux et issus de traités Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes a ajouté une disposition de non-dérogation semblable à celles que comportent un certain nombre de lois fédérales. Larticle 21.1 proposé prévoit que la loi ne porte pas atteinte à la protection des droits existants ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones du Canada découlant de leur reconnaissance et de leur confirmation au titre de larticle 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Quiconque contreviendrait aux paragraphes 11(1), 12(1) ou 13(1) commettrait une infraction et encourrait, sur déclaration de culpabilité : a) par mise en accusation, une amende maximale dun million de dollars et un emprisonnement maximal de trois ans, ou lune de ces peines; b) par procédure sommaire, une amende maximale de 300 000 $ et un emprisonnement maximal de six mois, ou lune de ces deux peines (article 22(1) proposé). Il serait compté une infraction distincte pour chacun des jours au cours desquels se commettrait ou se continuerait une contravention à ces paragraphes (paragraphe 22(2) proposé). Le tribunal saisi dune poursuite pour contravention aux paragraphes 11(1), 121) ou 13(1) pourrait, sil était convaincu que le contrevenant a tiré des avantages financiers de la perpétration de celle-ci, lui infliger, en plus de lamende maximale qui peut être infligée en vertu de larticle 22 proposé, une amende supplémentaire dun montant quil jugerait égal à ces avantages (article 23 proposé). En cas de perpétration par une personne morale dune infraction à la Loi, ceux de ses dirigeants, administrateurs ou mandataires qui lont ordonnée ou autorisée ou qui y ont consenti ou participé, seraient considérés comme des co-auteurs de linfraction et encourraient, sur déclaration de culpabilité, la peine prévue, que la personne morale ait été ou non poursuivie (article 24 proposé). Dans les poursuites pour infraction à la Loi, il suffirait, pour établir la responsabilité pénale de laccusé, détablir que linfraction a été commise par son employé ou son mandataire, que celui-ci ait été ou non identifié ou poursuivi. Laccusé pourrait se disculper en prouvant quil avait pris les mesures nécessaires pour empêcher linfraction (article 25 proposé). Si, sur demande présentée par un ministre, il conclut à lexistence, à limminence ou à la probabilité dun fait constituant une infraction à la loi, ou tendant à sa perpétration, le tribunal compétent pourrait, par ordonnance, enjoindre à la personne nommée dans la demande : a) de sabstenir de tout acte susceptible de constituer linfraction; b) daccomplir tout acte susceptible, selon lui, dempêcher la perpétration de linfraction (paragraphe 26(1) proposé). Toutefois, linjonction serait subordonnée à la signification dun préavis dau moins 48 heures aux parties nommées dans la demande, sauf lorsque cela serait contraire à lintérêt public en raison de lurgence de la situation (paragraphe 26(2) proposé). Aux termes de larticle 2 du projet de loi, larticle 1 (articles 10 à 26 proposés de la Loi du traité des eaux limitrophes internationales), ou telle des dispositions édictées par cet article, entreraient en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret. Le projet de loi a été promulgué, ayant reçu la sanction royale le 18 décembre 2001, mais il nest pas encore entré en vigueur. Cela devrait se faire au cours du printemps de 2002, lorsque les règlements nécessaires à son application auront été promulgués. Le 23 novembre 1999, le lendemain du dépôt du projet de loi C-15 (version antérieure du projet de loi C-6) à la Chambre des communes, M. Bill Blaikie, député, a attiré lattention du gouvernement sur la motion suivante, qui avait été adoptée par la Chambre le 9 février 1999 :
Notant que le projet de loi ne reflétait pas exactement sa motion, M. Blaikie a demandé au gouvernement pourquoi il abandonnait maintenant « son engagement à légard dun moratoire national sur les exportations de grandes quantités deau [ ] quil a appuyé il y a quelques mois à peine [ ] Pourquoi les Libéraux ne veulent-ils absolument pas reconnaître que, à cause de lALENA, ils sont incapables dadopter les mesures quils avaient dit vouloir prendre? » Le ministre des Affaires étrangères dalors, lhonorable Lloyd Axworthy, a répondu en partie :
Le gouvernement a abordé précisément cette question dans son document dinformation sur le projet de loi C-6 et, auparavant, sur le projet de loi C-15. Il a déclaré publiquement quil est daccord que des mesures doivent être prises pour protéger lintégrité de ressources en eau du Canada, mais quil estime que cet objectif sera mieux atteint dans le cadre de sa stratégie visant à interdire le captage et le transfert de grandes quantités deau de tous les grands bassins hydrographiques du Canada. De lavis du gouvernement, cette interdiction vaudrait mieux que dinterdire les exportations « parce quil sagit dune mesure plus complète, respectueuse de lenvironnement, et conforme au partage des compétences défini par la Constitution et aux obligations du Canada en matière de commerce international. [ ] Leau est protégée dans son bassin hydrographique avant que la question de son exportation ne se pose ». De lavis du gouvernement, il sagit dune mesure de protection de lenvironnement dapplication générale visant à préserver lintégrité des écosystèmes. Elle protégerait leau à sa source en prévenant son transfert en grandes quantités à lextérieur du bassin par toute partie, canadienne ou étrangère. Comme il a déjà été mentionné, toutes les provinces et tous les territoires au Canada ont mis en place ou élaborent actuellement des lois ou politiques pour interdire les prélèvements massifs deau des principaux bassins hydrographiques canadiens. Leau est ainsi réglementée dans son état naturel, avant de devenir un produit commercial ou une marchandise commercialisable. Le gouvernement fédéral maintient que cela est conforme aux obligations commerciales du Canada et à la déclaration de 1993 des trois pays de lALENA :
À largument voulant quil impose une interdiction légale immédiate à toute exportation deau canadienne, le gouvernement fédéral répond que cette solution apparemment simple et commode « ne met pas laccent sur la dimension environnementale, comporte déventuelles limitations pour des motifs constitutionnels et peut être contestée sur le plan commercial ». Le gouvernement maintient quune interdiction de lexportation « viserait leau une fois quelle est devenue un bien et est, de fait, assujettie aux accords commerciaux internationaux. Comme ces accords limitent la capacité des gouvernements de contrôler les exportations de biens, interdire les exportations pourrait être contraire aux obligations commerciales internationales du Canada. Cette mesure diverge de manière marquée de lapproche retenue par le gouvernement fédéral ». Des sources du gouvernement fédéral ont fait remarquer que les opinions du Canada sur les questions commerciales ont été appuyées par tout un éventail dexperts. Ils signalent que la CMI est arrivée à des conclusions analogues dans son rapport final Protection de leau des Grands Lacs (février 2000) après avoir tenu de longues audiences publiques et étudié de nombreux mémoires, ce qui lui a permis dentendre le point de vue dexperts gouvernementaux et indépendants de toutes les tendances. Ils soulignent également que le principe selon lequel les gouvernements restent entièrement souverains en ce qui concerne la gestion de leau à létat naturel a été confirmé de nouveau par ladjoint du représentant américain du commerce dans son mémoire officiel à la CMI, où il a fait valoir quen droit commercial coutumier :
Maude Barlow, présidente nationale du Conseil des Canadiens(3), prétend que certaines dispositions importantes de lALENA menacent les eaux canadiennes. Elle soutient que si une seule province révoquait son interdiction deffectuer des prélèvements massifs deau et entreprenait dexporter de leau, les interdictions des autres provinces feraient lobjet de contestations de la part des compagnies désireuses dacheter de leau canadienne. Selon elle, le gouvernement fédéral doit imposer une interdiction générale exécutoire sur les exportations deau à grande échelle et chercher à soustraire leau de tout accord commercial pernicieux [comme lALENA et le GATT] qui aurait pour effet de privatiser et de commercialiser nos précieuses ressources en eau, et de les vendre sur le marché mondial libre au meilleur offrant. Le gouvernement fédéral est davis contraire. Il soutient que rien dans les obligations commerciales internationales du Canada nexige que les projets futurs de prélèvement de grandes quantités deau à des fins dexportation soient approuvés au seul motif que des projets antérieurs de ce genre ont été approuvés. Il souligne que les gouvernements canadiens, fédéral et provinciaux, conservent leur entière souveraineté sur leau à létat naturel au Canada. Selon le gouvernement, leau dans son état naturel nest pas une marchandise et elle nest donc pas visée par les dispositions des accords commerciaux. Il maintient que « selon les obligations du Canada en matière de commerce international, le fait que certains projets aient été approuvés ne signifie nullement que des projets futurs de prélèvement deau en vrac pour lexportation doivent lêtre aussi (par lui ou par un autre gouvernement au sein du Canada) ». Des sources du gouvernement fédéral indiquent que lALENA nexige pas que toutes les provinces adoptent le même régime réglementaire : une province est simplement tenue de ne pas traiter les biens ou les investisseurs étrangers moins favorablement que les biens ou les investisseurs de son ressort. Lorsque le Sénat et son Comité des transports ont étudié le projet de loi C-6, des sénateurs conservateurs ont formulé un certain nombre de réserves. Ils appuyaient son objet principal interdire les prélèvements massifs deau dans les eaux limitrophes , mais redoutaient ce quils appelaient « lautorisation générale » que la loi conférerait au gouverneur en conseil de faire des exceptions à lapplication de ses dispositions sur les licences et les prohibitions (articles 11 à 13 proposés). Estimant que ces exceptions pourraient dans les faits violer lesprit du projet de loi, ils ont proposé des amendements aux étapes du rapport et de la troisième lecture au Sénat, mais ces amendements ont tous été rejetés. (1) Le projet de loi C-6 est similaire au projet de loi C-15 qui a été déposé au cours de la deuxième session de la 36e législature, mais est mort au Feuilleton lors de la dissolution du Parlement. (2) Pour une analyse plus détaillée de certains des points abordés, consulter : David Johansen, Les prélèvements massifs deau, les exportations deau et lALENA, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement, PRB 00-41F, 20 février 2001. (3) Le Conseil des Canadiens un organisme de protection de lintérêt du citoyen sest distingué en 1985 par sa lutte contre le libre-échange. |