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MR-151F LA CONSERVATION DES SOLS
Rédaction :
TABLE DES MATIÈRES CAUSES ET CONSÉQUENCES DE LA
DÉGRADATION
LA CONSERVATION DES SOLS Au Canada, la dégradation des sols agricoles est un phénomène qui persiste depuis le début du siècle. Ses principales causes - le vent, le ruissellement de leau, la salinité, lacidité, le compactage et la perte de matière organique - entraînent des pertes de productivité quil faut compenser en utilisant davantage dengrais. Les mauvaises pratiques de gestion agricole sont également un facteur qui favorise la dégradation des sols. Ce nest que récemment que les agriculteurs et les pouvoirs publics se sont rendu compte du lien qui existe entre le rendement de léconomie agricole et le maintien de la qualité des sols. Mettre un terme à la dégradation des sols est devenu un élément important pour maintenir une activité agricole économiquement viable. À ce titre, la conservation des sols sinscrit dans la problématique de lagriculture durable, tout comme la gestion des fumiers, lutilisation raisonnée des pesticides et des engrais chimiques, etc. Le climat de lest du pays et le type dactivité quon y exerçait au début du siècle ont favorisé une bonne gestion des terres et une amélioration de la fertilité des sols. À linverse, la dégradation des sols est devenue un problème dans les Prairies où de vastes secteurs dherbages naturels ont été labourés sans égard pour la stabilité des sols ou leur capacité culturale. Les pratiques agricoles importées dEurope, de lest du Canada ou des États-Unis nétaient pas appropriées au terres arides des Prairies, et à mesure que la population de louest du Canada sest accrue, les problèmes liés à lagriculture sont devenus de plus en plus visibles. (À la fin des années 20, on comptait plus de 10 000 fermes abandonnées rien que dans le sud de lAlberta.) La sécheresse prolongée et la crise économique des années 30 ont fait subir de nouveaux revers à cette région. Létablissement, en 1922, dune station de recherche à Swift Current (Saskatchewan), qui mit au point des techniques culturales adaptées au « désert de poussière », et la création, en 1935, de lAdministration du rétablissement agricole des Prairies (ARAP) ont toutefois permis de faire de la conservation des sols une priorité pour louest du Canada. Après avoir survécu à la sécheresse dans louest et à la crise économique dans tout le pays, lagriculture canadienne est entrée dans une phase dexpansion, car il fallait augmenter la production pour pouvoir répondre à la demande des nouveaux marchés que la Seconde Guerre mondiale avait ouverts. Les progrès technologiques dans les domaines des pesticides, des engrais et des nouvelles variétés de semences ont alors totalement modifié les pratiques culturales. Lidée que certaines cultures appauvrissant le sol (maïs, soja) devaient alterner avec des cultures laméliorant (légumineuses) est soudain tombée en désuétude. Lère de la monoculture était née, et les pratiques culturales favorisant fortement la dégradation des sols sont alors apparues dans tout le pays. Le phénomène de la dégradation des sols ne se limitait donc plus à la région des Prairies, et même si le gouvernement adopta quelques initiatives en matière de conservation, celle-ci est passée au second plan en raison de la révolution technologique. En effet, des prix satisfaisants, ainsi que lutilisation dengrais et de pesticides qui semblaient compenser les effets ou les coûts de la dégradation des sols, ont fait que la ressource en terre a cessé dêtre vraiment une préoccupation. La sécheresse de 1977 puis celles des années 80, ainsi quune baisse des prix des produits ont rendu les gens plus conscients des problèmes dérosion et de salinité des sols. On a constaté que la technologie ne pouvait résoudre tous les problèmes des agriculteurs et que des coûts de production élevés, alliés à de faibles rendements exigeaient un accroissement de lefficience, ce qui a eu comme conséquence un regain dintérêt pour les techniques de conservation des sols tant chez les agriculteurs quau sein des administrations publiques. CAUSES ET CONSÉQUENCES DE LA
DÉGRADATION La sécheresse et le recours à la technique de la mise en jachère ont été les principales causes de lérosion éolienne qui sest produite dans les Prairies au cours des années 30. On sait maintenant que pendant les périodes durant lesquelles les champs sont en jachère, il peut y avoir dautres formes de dégradation des sols telles que la salinité, la perte de matière organique et lérosion par ruissellement de leau. Le travail excessif du sol, les cultures sur terres marginales, la culture de céréales à faible résidu, le brûlis des chaumes sont elles aussi toutes des pratiques répandues qui dégradent les sols. En 1983, la Direction de la conservation des sols et de leau de lARAP estimait que les pertes de revenus attribuables à la salinité des sols se montaient à 257 millions de dollars annuellement. Les pertes dues à lérosion éolienne et au ruissellement de leau étaient, quant à elles, estimées à 368 millions de dollars par année. Plus globalement, en 1987, Agriculture Canada estimait que la dégradation des sols coûtait 1,3 milliard de dollars par année et prévoyait que ce coût serait de deux milliards de dollars dici la fin du siècle. Au cours des années 80, lARAP a fait de nombreuses recommandations pour limiter limpact des conditions climatiques sur la dégradation des sols : laisser les chaumes en place, assurer un minimum de culture pour maintenir le couvert végétal, etc. Actuellement, de nombreux agriculteurs ont adopté des pratiques de conservation des sols. Le semis direct, le travail réduit du sol, lemploi de cultures fourragères sur les terres marginales sont des pratiques innovatrices qui diminuent limpact de lactivité sur le sol. Cependant, ces pratiques ne suffisent pas lorsquil y a sécheresse ou que lon cultive des céréales à faible résidu. Dans ces cas, il existe des solutions permanentes de conservation telles que les plantations brise-vent, les voies deau gazonnées, les cultures en bande alternante, ainsi que les barrières de graminées vivaces. Outre le recours aux techniques de conservation des sols, les spécialistes sefforcent, dans leurs recherches en biotechnologie, à mettre au point des variétés de semences qui pourraient sadapter aux conditions difficiles (terres à salinité plus forte, résistance à la sécheresse) ou qui supporteraient un semis sans travail du sol. Le premier engagement ferme en matière de politique de conservation des sols a été le renouvellement des Ententes de développement économique et régional (EDÉR) en 1984-1985. En effet, des dispositions relatives à la conservation des ressources en sols et en eau ont été intégrées dans les EDÉR que le gouvernement fédéral a conclues avec le Manitoba, lÎle-du-Prince-Édouard, la Colombie-Britannique, lAlberta et la Saskatchewan. Cette volonté du gouvernement fédéral de sattaquer au problème sest concrétisée à la fin de 1985 lorsque la Conférence des premiers ministres a mis la conservation des sols à son ordre du jour. Les conclusions ont été incluses dans la Stratégie agricole nationale publiée en novembre 1986. La mise en uvre de cette stratégie a permis la mise en place du Programme national de conservation des sols. Ce programme prévoyait la négociation, par le gouvernement fédéral et les provinces, daccords sur la conservation des sols et de leau afin de favoriser les démonstrations, la recherche, laide technique et financière, la surveillance de la situation ainsi que la sensibilisation du public. Des ententes ont été signées avec le Yukon, la Colombie-Britannique, lAlberta, la Saskatchewan, le Manitoba, lOntario, le Québec, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau Brunswick et lÎle-du-Prince-Édouard. Ces accords fédéraux-provinciaux ont été perçus comme des modèles dont lapplication devrait être élargie à tous les aspects de lagriculture intégrée. En 1993, ce programme a été remplacé par le Plan vert. En 1998, un nouveau Programme national de conservation du sol et de leau a vu le jour. Les dix millions de dollars affectés au programme doivent appuyer la Stratégie de développement durable dAgriculture et Agroalimentaire Canada, en finançant des projets ayant pour objet, entre autres, la conservation des sols agricoles. Daprès les résultats dune étude intitulée La santé de nos sols publiée par Agriculture et Agroalimentaire Canada en juillet 1995, un recours plus important aux méthodes dagriculture écologique pendant les dix dernières années a amélioré la qualité des sols dans certaines régions du pays. Létude a montré que la dégradation des sols est en grande partie attribuable à de mauvaises méthodes dexploitation agricole, et que la santé des sols continuera de se détériorer dans les régions où on pratique la culture intensive et dans les terres peu productives où les méthodes dagriculture écologique ne sont pas utilisées. Par contre, la santé des sols saméliore là où des méthodes de conservation des sols ont été adoptées. De telles méthodes sont déjà utilisées sur le tiers des terres cultivées au Canada. Le fait que les taux de terres en jachère aient régressé de 30 p. 100 en vingt ans a contribué à la diminution de lérosion. De plus, une plus grande rotation des cultures a permis laccroissement de la matière organique dans le sol. Selon létude susmentionnée, la région des Prairies a moins souffert de la dégradation des sols que les autres régions du Canada, grâce notamment à la diminution du taux de jachère mais aussi au développement de couvertures végétales permanentes sur certaines terres. Globalement, les provinces du Centre et celles de lAtlantique ont vu leurs sols se dégrader plus fortement en raison de la culture intensive qui sy pratique (phénomène accentué par des terres relativement pauvres dans les Maritimes), même si on remarque une nette amélioration du taux de matière organique dans le sol de certaines régions en raison dune meilleure rotation des cultures. Cependant les auteurs de létude insistent sur le fait que les méthodes de conservation doivent être adaptées aux besoins des exploitations agricoles. Le choix des cultures et des moyens de production joue aussi un rôle important dans la santé des sols et il doit être effectué de concert avec le choix de méthodes dagriculture écologique. Nous en arrivons ainsi au véritable enjeu de la conservation des sols, qui ne constitue quune partie de la durabilité de lagriculture. En raison de lapparition du concept dagriculture durable, il faudra adopter une nouvelle politique qui tienne compte des effets environnementaux de lagriculture et favorise la conservation des ressources et des rendements. |