Direction de la recherche parlementaire

 

PRB 98-2F

LES RELATIONS COMMERCIALES CANADA-ÉTATS-UNIS
EN MATIÈRE DE CÉRÉALES

Rédaction :
Sonya Dakers, Division des sciences et de la technologie
Jean-Denis Fréchette, Division de l'économie
Septembre 1998


Lorsque deux pays s’échangent quotidiennement pour environ un milliard de dollars de marchandises et de services de toutes sortes, il faut s’attendre à ce que certaines frictions se produisent ponctuellement. L’industrie agroalimentaire ne fait pas exception à la règle à cet égard et le secteur des céréales a notamment éprouvé plus que sa part d’attaques depuis quelques années. Comme une image vaut mille mots, laissons parler le graphique suivant, qui illustre bien la raison des attaques américaines.

Des exportations canadiennes de blé particulièrement élevées en 1993-1994 ont tellement exacerbé ces attaques que les deux pays ont signé un accord commercial limitant les exportations canadiennes au mois d’août 1994. Cet accord commercial, d’une durée d’un an, prévoyait que le Canada pouvait exporter un total de 300 000 tonnes métriques de blé dur (durum) au tarif minimum de 3,08 $ US la tonne métrique, soit le tarif alors prévu dans l’ALÉNA; il était aussi prévu que ce tarif serait ramené à 2,31 $ US en 1995. Pour les exportations se situant dans la fourchette de 300 000 à 450 000 tonnes métriques, l’Accord prévoyait un tarif de 23 dollars US, et pour toutes les exportations excédant ce niveau, un tarif prohibitif de 50 dollars US la tonne métrique. Toujours en vertu de l’accord, pour toutes les autres catégories de blé, le tarif minimum de l’ALÉNA s’appliquait jusqu’à concurrence de 1,05 million de tonnes métriques; au-delà de ce seuil, un tarif prohibitif de 50 dollars US était en vigueur.

En 1996-1997, lorsque les Américains ont constaté que le rythme des exportations canadiennes de blé suivait sensiblement la même tendance que celle de 1993-1994, ils ont à nouveau réclamé qu’une limite soit mise en vigueur. Cette réaction semble indiquer que, même si l’entente de 1994 ne visait qu’une seule année, elle a créé un précédent qui est devenu un point de référence pour les Américains. Aucune mesure n’a dû finalement être prise parce que le rythme des exportations a diminué vers la fin de l’année céréalière 1996-1997, au cours de laquelle le niveau total d’expédition de blé s’est en fin de compte établi à environ 1,6 million de tonnes métriques.

En juillet 1995, après la signature de l’accord commercial, le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de l’époque, M. Ralph Goodale, a mis sur pied un comité chargé de procéder à un examen approfondi de questions ayant trait à la mise en marché des grains de l’Ouest. Dans son rapport, publié un an plus tard, le Comité de mise en marché des grains de l’Ouest a fait une série de recommandations qui, dans l’ensemble, ont été bien accueillies par l’industrie céréalière. Bien que le gouvernement se soit fortement inspiré du rapport lorsqu’il a rédigé le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé, celui-ci a reçu un accueil beaucoup plus froid que celui qui avait été réservé au rapport; il semblait que les rédacteurs du projet de loi n’étaient pas allés aussi loin, dans leur restructuration de la CCB et en ce qui concerne la mise en marché du blé en général, que l’industrie ne l’aurait voulu. Le projet de loi est mort au Feuilleton lorsque la trente-cinquième législature a été dissoute.

Le projet de loi C-4, qui a remplacé le projet de loi C-72, a reçu sa sanction royale le 11 juin 1998. Même si en vertu de la nouvelle loi, la « nouvelle » CCB n’est plus une société d’État, il y a fort à parier que ce changement de statut ne sera pas suffisant pour que les Américains cessent leurs attaques.

L’utilisation, par le gouvernement des États-Unis, du programme d’exportation des céréales (Export Enhancement Program) crée souvent une rareté au niveau intérieur; le blé canadien peut alors pénétrer sans encombre sur le marché américain. Bien que le blé canadien ne vienne alors que combler une demande normale, certains Américains estiment que ce flux est le résultat d’une politique canadienne visant à déloger le blé américain. Les exportations canadiennes de blé sont donc régulièrement dénoncées par les politiciens américains représentant les États frontaliers et, conséquemment, les relations commerciales entre les deux pays sont tendues.