BP-303F
CONFLITS
INTERNATIONAUX :
Rédaction : TABLE
DES MATIÈRES A. La Première Guerre mondiale 3. Le Japon, la Hongrie, la Roumanie et la Finlande 4. Le consensus au sujet de la procédure LA SITUATION DEPUIS LA SECONDE GUERRE MONDIALE A. La participation au conflit coréen B. Les répercussions de la Charte des Nations Unies 1. Le conflit coréen et la Charte de lONU LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE A. La mise en service actif déléments des Forces canadiennes C. Le service actif depuis 1950 D. Le service actif pour les opérations de maintien de la paix et autres MOTIONS
PARLEMENTAIRES CONCERNANT CONFLITS INTERNATIONAUX :
Après linvasion du Koweït par lIraq, le 2 août 1990, le gouvernement du Canada a décidé denvoyer trois navires participer, dans le golfe Persique, à lapplication des sanctions décrétées contre lIraq par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Il y a alors eu au pays une controverse non seulement au sujet de la décision de contribuer aux initiatives internationales contre lIraq, et plus tard à laccroissement de lintervention militaire, mais également quant au rôle que joue le Parlement pour ce qui est dautoriser le déploiement dunités des forces canadiennes et de les mettre en service actif. De lavis dun certain nombre de Canadiens, il fallait une déclaration de guerre avant quon puisse agir de la sorte, tandis que pour dautres le Parlement aurait dû être mis à contribution beaucoup plus tôt. Dans le présent document, nous analysons le rôle que le Parlement a joué lorsque le Canada décidé de participer aux deux conflits mondiaux ainsi que lincidence de la Charte des Nations Unies sur la procédure établie pour proclamer une déclaration de guerre. Nous examinons également les dispositions de la Loi sur la défense nationale traitant de la mise en service actif des militaires canadiens ainsi que les mesures prises par le Parlement pendant la crise du golfe Persique. Nous pourrons ainsi constater jusquà quel point la procédure établie a été suivie. A. La Première Guerre mondiale La procédure parlementaire qui a présidé à lengagement du Canada dans les deux grands conflits mondiaux est essentiellement la même, sauf que le contexte politique avait évolué énormément entre ces deux événements. En 1914, le Canada était une colonie de la Grande-Bretagne et, comme dautres colonies, il entra en guerre le 4 août 1914, le même jour que cette dernière. Ce jour-là, le gouvernement du Canada prit un décret proclamant que le pays était en guerre et, dans les jours qui suivirent, il prit dautres décrets visant les mesures liées à la guerre. Quand la guerre éclata, le Parlement ne siégeait pas et les décrets furent donc déposés à la Chambre des communes lorsque le Parlement fut rappelé le 18 août 1914 (au lieu du 28 août, selon le calendrier prévu). Le 18 août, le gouverneur général prononça, dans la salle du Sénat, un discours dans lequel il fit état des mesures que le gouvernement entendait prendre relativement à la guerre. Les deux chambres du Parlement débatirent une Adresse en réponse au discours du Trône, puis le 19 août, la Chambre des communes adopta une motion portant approbation de lAdresse(1). Le contexte politique nétait plus le même au début de la Seconde Guerre mondiale parce quen 1939, le Canada était un pays indépendant. Il existait encore de forts liens économiques, culturels et diplomatiques avec la Grande-Bretagne et il ne faisait guère de doute que le Canada, comme les autres pays du Commonwealth britannique, sallierait à cette dernière; néanmoins, le pays ne fit pas sa déclaration de guerre le même jour que la Grande-Bretagne, comme en 1914. Les leaders politiques canadiens voulurent attendre lapprobation du Parlement, en partie pour témoigner de lindépendance du Canada. Ainsi, bien que la Grande-Bretagne ait déclaré la guerre à lAllemagne le 3 septembre 1939 (après linvasion de la Pologne le 1er septembre), ce nest que le 10 septembre que le Canada déclara la guerre à ce pays. Le Canada demeura officiellement neutre pendant les 10 premiers jours de la Seconde Guerre mondiale, même sil était évident quil se préparait à y participer. Lorsque la guerre éclata en Europe, le Parlement ne siègeait et ne devait pas revenir avant le 2 octobre; il fut toutefois rappelé pour le 7 septembre 1939. Comme en 1914, le gouverneur général lut un discours du Trône et on débattit dune Adresse en réponse au discours du Trône. Au cours de ce débat, qui débuta le 8 septembre, le premier ministre Mackenzie King expliqua comment lapprobation par le Parlement de lAdresse en réponse au discours du Trône allait ouvrir la voie à une déclaration de guerre officielle :
La motion dacceptation de lAdresse fut adoptée au Sénat, tandis que la Chambre des communes poursuivit le débat sur la motion et ladopta tard dans la soirée du 9 septembre. Le jour suivant, le gouvernement prit un décret indiquant que le Canada était en guerre avec lAllemagne. Puisque le 10 septembre tombait un dimanche, le décret ne fut déposé à la Chambre que le 11 septembre; le premier ministre informa alors la Chambre que le Cabinet avait pris le décret peu après ladoption de la motion et que le gouvernement avait été informé à 11h15 le 10 septembre du fait que le Roi avait accédé à la demande qui lui avait été faite dapprouver la proclamation(3). La démarche suivie en 1939 ne fixa aucun calendrier précis pour les déclarations de guerre ou des déclarations semblables, mais ladoption par les deux chambres du Parlement dune Adresse en réponse au discours du Trône devint une pratique confirmée et un nouveau précédent fut établi pour la série dévénements menant à la prise du décret. En 1914, le décret fut pris le jour où la guerre débuta et fut suivi dun débat parlementaire; toutefois, en 1939, le débat parlementaire précéda le décret portant déclaration de la guerre. On suivit la même procédure pour la déclaration de guerre contre lItalie en 1940. Le 10 juin 1940, tandis que les troupes allemandes poursuivaient leur avancée en France, lItalie déclara la guerre à la Grande-Bretagne et à ses alliés. Le même jour, le premier ministre Mackenzie King proposa la motion suivante à la Chambre des communes :
Après avoir proposé la motion, le Premier ministre expliqua la procédure quon allait suivre :
Les deux chambres du Parlement débattirent et adoptèrent la motion le même jour et le Cabinet prit rapidement un décret proclamant létat de guerre entre le Canada et lItalie à compter de ce jour. Le jour suivant, le premier ministre lut à la Chambre des communes le texte de la proclamation imprimé dans la Gazette du Canada. Ainsi, comme dans le cas de la déclaration de guerre contre lAllemagne, le gouvernement proclama que le Canada était en guerre contre un autre pays seulement après que le Parlement eut débattu et adopté une motion à cet effet. 3. Le Japon, la Hongrie, la Roumanie et la Finlande Les déclarations de guerre que fit ensuite le Canada au cours de la Seconde Guerre mondiale ne donnèrent pas lieu à un débat parlementaire. Lorsque les Japonais attaquèrent Pearl Harbour, le 7 décembre 1941, le Parlement ne siègait depuis le 14 novembre et ne devait pas reprendre ses travaux avant le 21 janvier 1942. Il y eut bien une réunion spéciale des deux chambres le 30 décembre, mais elle eut lieu pour permettre au premier ministre britannique, Winston Churchill, de sadresser au Parlement canadien. Lorsque le Parlement reprit ses travaux comme prévu le 21 janvier 1942, le premier ministre Mackenzie King déposa à la Chambre des communes une proclamation datée du 8 décembre 1941 déclarant létat de guerre entre le Canada et le Japon à compter du 7 décembre(5). Le 21 janvier 1942, le premier ministre Mackenzie King déposa également des proclamations datées du 7 décembre 1941 et déclarant létat de guerre à compter de ce jour entre le Canada et trois pays dEurope, soit la Roumanie, la Hongrie et la Finlande, qui venaient de sallier à lAllemagne nazie. Il semble que le premier ministre Mackenzie King ait été préoccupé du fait que le Parlement ne siégeait pas au moment de la déclaration de guerre au Japon et à ces trois autres pays. Toutefois, daprès son journal, il sest rassuré en se disant que ces déclarations procédaient toutes de « la même guerre », cest-à-dire celle qui avait débuté pour le Canada le 10 septembre 1939, avec ladoption par le Parlement de lAdresse en réponse au discours du Trône(6). Il décida donc quil navait pas besoin de rappeler le Parlement plus tôt que prévu pour lui faire approuver les dernières déclarations de guerre. 4. Le consensus au sujet de la procédure Les Débats de la Chambre des communes nindiquent pas que lopposition ait protesté contre le fait que le Parlement nait pas été rappelé pour adopter les motions à légard du Japon, de la Hongrie, de la Roumanie et de la Finlande. En fait, à ce moment-là de la guerre, lopinion publique canadienne en était venue à accepter que le Canada navait dautre choix que de poursuivre son effort de guerre contre lagression ininterrompue de lAllemagne, du Japon, de lItalie et de leurs alliés. Si lon avait rappelé le Parlement peu après le 7 décembre 1941, il ne fait guère de doute quil aurait approuvé sans délai les déclarations de guerre contre les alliés du Japon et de lAllemagne. En effet, il ny eut en règle générale que peu de critiques concernant la procédure suivie par le gouvernement pour indiquer officiellement que le Canada était en guerre. En 1939, la Fédération du Commonwealth coopératif (CCF) sopposa à lenvoi de militaires canadiens à létranger, mais le parti décida, après maintes discussions, dappuyer avec réserves leffort de guerre. J.S. Woodsworth, chef du parti, naccepta pas la position de son parti et fit à la Chambre des communes un discours dans lequel il déclara quil continuait à désapprouver fortement la guerre. Toutefois, à la suite de linvasion de la Belgique, de la Hollande et de la France par lAllemagne en 1940, la plupart des hésitations touchant la participation du Canada à la guerre sévanouirent rapidement. Par exemple, au cours du débat sur la motion concernant la déclaration de guerre à lItalie, le 10 juin 1940, M.J. Coldwell, porte-parole du parti CCF, déclara :
La critique la plus vive peut-être de la procédure adoptée pour officialiser la déclaration de guerre du Canada vint du professeur Frank Scott, qui, en 1939, fit parvenir une lettre au premier ministre dans laquelle il soutint ce qui suit :
Le professeur Scott était également contrarié du fait que le gouvernement avait annoncé sa décision denvoyer une force expéditionnaire à létranger le 13 septembre, après la prorogation du Parlement. Dans les premiers jours de la guerre, lenvoi dune force expéditionnaire suscita une controverse, principalement parce quon craignait que cela ne provoque une crise de la conscription semblable à celle qui sétait produite au cours de la Première Guerre mondiale. En fait, le professeur Scott avait sous-estimé limportance accordée par le gouvernement au rôle du Parlement dans le processus politique. Lors dune réunion du Comité de la défense du Cabinet le 5 septembre, le gouvernement avait clairement indiqué aux militaires que les décisions importantes, comme celle denvoyer un corps expéditionnaire à létranger, ne seraient pas envisagées avant le retour du Parlement le 7 septembre pour approuver la déclaration de guerre(9). Si le professeur Scott estimait que le Parlement avait été laissé pour compte, dautres Canadiens auraient mal pris que le gouvernement tarde à se ranger du côté britannique dès léclatement de la guerre. Autrement dit, les opinions divergeaient quant à limportance du rôle du Parlement dans le processus. Le gouvernement, en insistant pour rappeler le Parlement avant de déclarer réellement la guerre, avait fait valoir limportance de ce dernier dans le processus politique, ce qui fut généralement accepté par les Canadiens. Toutefois, certaines mesures demeurent la prérogative du gouverneur en conseil, cest-à-dire du Cabinet. On peut être davis quun débat parlementaire doit précéder chaque décision du gouvernement, mais les lois du pays (y compris la Loi sur la défense nationale, dont il sera question plus loin) autorisent certainement le Cabinet à décider de certaines mesures, notamment celles de nature militaire où entrent en jeu la sécurité et la rapidité dintervention, et ce avant de consulter le Parlement. LA SITUATION DEPUIS LA SECONDE GUERRE MONDIALE A. La participation au conflit coréen Alors que les déclarations de guerre à loccasion des deux grands conflits mondiaux avaient établi un certain nombre de précédents parlementaires, la situation a complètement changé après 1945, puisque le Canada a participé à un certain nombre de conflits internationaux, mais na jamais déclaré la guerre. Lexamen de la façon dont le Canada sest engagé dans le conflit coréen entre 1950 et 1953 permet de saisir le processus qui a abouti à cet état de fait. Par suite de linvasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord le 25 juin 1950, le Conseil de sécurité des Nations Unies adopta une résolution demandant aux pays membres de lONU daider la Corée du Sud à résister à lagression nord-coréenne et à rétablir la paix dans la région. Le représentant de lUnion soviétique au Conseil de sécurité, qui boycottait les réunions depuis un certain temps, nétait pas présent. Le 26 juin, le secrétaire dÉtat aux Affaires extérieures, L.B. Pearson, fit une déclaration à la Chambre des communes concernant la situation en Corée et lut aux fins du compte rendu le texte de la résolution du Conseil de sécurité. Le 30 juin, le premier ministre Saint-Laurent, déclara ce qui suit au sujet de la situation en Corée et de la résolution du Conseil de sécurité :
Il indiqua également :
Bref, le premier ministre indiqua clairement que le Canada était prêt à envoyer du personnel et de léquipement militaires afin daider la Corée du Sud à résister à lagression si les Nations Unies le jugeaient approprié. Toutefois, le Canada naurait pas à déclarer la guerre à la Corée du Nord parce que ses forces militaires participeraient alors à une intervention collective, conformément à la Charte de lONU. Le 30 juin, cependant, à la veille du congé dété, le premier ministre signala que le Parlement pourrait être rappelé pour envisager de nouvelles mesures si des faits nouveaux se produisaient :
Au début de juillet, le gouvernement décida denvoyer trois navires en Corée, puis, quelques jours plus tard, engagea dans la mission un escadron daéronefs de transport. Le 29 août 1950, le Parlement reprit ses travaux dans le cadre dune session spéciale pour traiter dune grève nationale des chemins de fer ainsi que de la situation en Corée; toutefois, il était clair dans le discours du Trône que le sujet principal était la situation en Corée. Les troupes américaines et alliées étaient mises en déroute et, parce quon craignait dans les pays de lOuest que cela nannonce dautres actes dagression de la part du bloc soviétique, le gouvernement du Canada voulait un accroissement rapide des forces militaires canadiennes dans leur ensemble ainsi quun accroissement du nombre de Canadiens participant à lintervention en Corée. Le gouvernement décida par conséquent de présenter de nouveaux textes de loi, dont la Loi concernant les forces canadiennes afin de modifier la Loi sur la défense nationale et la Loi sur les crédits de défense pour accroître le budget de la défense. Toutefois, au moment de cette session spéciale, le Parlement ne discuta ni nadopta une motion visant précisément la décision du gouvernement de faire participer le Canada à lintervention de lONU en Corée. De fait, au cours du débat sur la Loi concernant les forces canadiennes, un député de lopposition demanda au premier ministre sil y aurait une résolution autorisant lenvoi de troupes en Corée, ce à quoi M. Saint-Laurent répondit :
Le Parlement adopta la Loi sur les crédits de défense, autorisant les voies et moyens pour la concrétisation de la politique gouvernementale touchant le conflit coréen. B. Les répercussions de la Charte des Nations Unies 1. Le conflit coréen et la Charte de lONU Le Canada a participé au conflit coréen sans aucune déclaration de guerre, un signe de la nouvelle dimension sétant ajoutée aux conflits internationaux après la Seconde Guerre mondiale. Avec la signature de la Charte des Nations Unies en 1945, on avait été une nouvelle base pour une intervention internationale à lencontre dun pays agresseur. Si rien nempêche un pays de déclarer la guerre à un autre, la notion générale de sécurité collective prévue dans la Charte des Nations Unies signifie que les pays membres peuvent intervenir collectivement pour mettre fin à lagression dun pays et restaurer la paix sans poser lacte de déclarer la guerre. Comme le premier ministre Saint-Laurent la indiqué dans sa déclaration du 30 juin 1950, le Canada peut participer à une intervention collective contre un État sans nécessairement déclarer la guerre à cet État. En effet, les Nations Unies sont par-dessus tout préoccupées par le rétablissement de la paix et peuvent presser des forces dinvasion de se retirer dun territoire adjacent dabord par des voies diplomatiques, puis, si nécessaire, par des moyens militaires. Lorsquon rédigea la Charte de lONU dans les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale, une vision idéaliste du monde de laprès-guerre présidait à lédification dun système pour la paix et la sécurité internationales. Lusage collectif de la force pour contrer les menaces à la paix et les actes dagression constituait lun des piliers du nouveau système. La renonciation par les gouvernements à lusage de la force et son remplacement par le règlement pacifique des différends en constituait un autre. En vertu de la Charte, le Conseil de sécurité assurerait la supervision et lexécution du processus, tandis que la Cour internationale de justice serait larbitre des aspects juridiques des différends(13). Toutefois, le système international de laprès-guerre envisagé dans la Charte de lONU ne sest jamais réellement matérialisé. La guerre froide, caractérisée par le face-à-face menaçant du bloc occidental dirigé par les États-Unis et du bloc soviétique, créa une distorsion qui paralysa presque complètement les Nations Unies. On ne parvint jamais à sentendre sur la mise en oeuvre de larticle 43 de la Charte, qui aurait eu pour effet de placer les forces armées de divers pays sous lautorité des Nations Unies pour des opérations de sécurité collective. En outre, les membres de lONU ne parvinrent pas à utiliser, conformément aux dispositions de larticle 47, le Comité détat-major qui était censé donner avis et conseils au Conseil de sécurité sur les questions militaires. Par conséquent, certains éléments du dispositif de sécurité collective arrêté dans la Charte nétaient pas en place lorsque le conflit coréen éclata en 1950. Néanmoins, il demeurait possible, en vertu de larticle 42, dentreprendre « au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action [jugée] nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales ». Certains ont soutenu que lintervention militaire de lONU en Corée, la seule intervention de cette nature décrétée par lONU contre un agresseur jusquà la récente crise du golfe Persique, ne fut possible que parce que, à lépoque de linvasion, lUnion soviétique boycottait les réunions du Conseil de sécurité; si elle avait été présente, il est presque certain quelle aurait opposé son veto à la décision des autres membres du Conseil. On a donc dit que le conflit coréen nétait « pas une guerre de lONU, mais une guerre dÉtats occidentaux acceptée par lONU »(14). Par ailleurs, daucuns pourraient soutenir quen agissant de la sorte, lONU na pas respecté la lettre de la Charte. Toutefois, étant donné que la situation internationale existant en 1950 navait pas été envisagée au moment de la rédaction de la Charte et puisquun certain nombre de ses dispositions nétaient donc pas pleinement en vigueur, il est difficile dimaginer comment lONU aurait pu y adhérer strictement sur les questions de sécurité collective. La crédibilité de lONU, sans mentionner le respect du droit international, auraient pris un dur coup si lon avait laissé la Corée du Nord poursuivre son agression. LONU décida donc dagir suivant la notion générale de sécurité collective contenue dans la Charte, même si les mesures prises ne correspondaient pas exactement à celles qui étaient prévues à lorigine. Le conflit coréen nest pas le seul cas où lONU na pas respecté strictement la lettre de la Charte. On peut citer de nombreux exemples de mesures improvisées de la part de lONU en réponse à des événements internationaux non prévus en 1945. Par exemple, la Charte ne mentionne pas précisément les opérations de maintien de la paix, mais tout le monde les accepte maintenant comme des mesures utiles et nécessaires. Lélargissement du rôle du Secrétaire général, qui sest avéré souhaitable lorsque la Guerre froide paralysait de nombreux éléments constitutifs de lONU, constitue un autre facteur nouveau qui ne correspond pas à la lettre de la Charte(15). Le 2 août 1990, lorsque lIraq a envahi le Koweit, lONU a dû encore une fois faire face à une situation pas tout à fait prévue en 1945. Comme en 1950, la majorité de membres de lONU sentendaient sur la nécessité dagir. Le Conseil de sécurité a donc adopté des résolutions imposant des sanctions économiques à lIraq et demandant que des mesures soient prises pour forcer les forces iraquiennes à quitter le Koweit. On peut débattre de linterprétation de la Charte par la communauté internationale ainsi que des mesures prises, mais il reste que le Conseil de sécurité a effectivement adopté des résolutions qui admettaient une intervention militaire dans le golfe Persique par une coalition de pays membres de lONU. Encore une fois, les mesures prises ne correspondaient pas exactement à la lettre de la Charte. Quoique en raison de la fin de la Guerre froide, le contexte international ait été, en 1990-1991, peut-être été plus près que jamais de celui qui existait en 1945, il demeurait tout de même assez différent de celui-ci pour forcer lONU à agir essentiellement de la même façon quau moment du conflit coréen. LUnion soviétique nopposa son veto à aucune résolution au sein du Conseil de sécurité, et les cinq membres permanents prirent tous part aux décisions; la validité des initiatives de lONU en fut donc rehaussée. On peut remettre en question le bien-fondé de pouvoirs aussi étendus pour le Conseil de sécurité, mais il faut souligner quil y avait consensus au sein de la communauté internationale (aussi ténu quil ait pu apparaître à certains moments) sur la nécessité de réagir à lagression de lIraq contre le Koweit. Le Canada a toujours soutenu avec ferveur lONU et plaidé en faveur dune action collective pour assurer la paix internationale. En outre, le Canada a en règle générale accepté la position de ses alliés, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, sur les grandes questions touchant la sécurité collective. Il sensuit que la décision que le Canada a prise en août 1990 de participer à lintervention internationale contre lIraq sinscrivait dans la ligne de sa politique étrangère depuis 1945. En effet, après sêtre fait pendant des années le défenseur de lONU et de mesures collectives à léchelle internationale, le Canada naurait pas été conséquent avec lui-même sil sétait opposé à la décision de lONU. Puisque les mesures prises contre lIraq, tout comme celles qui ont été prises contre la Corée du Nord en 1950, nexigeaient pas de déclaration de guerre de la part du Canada, le Parlement na pas eu à débattre une telle déclaration. Le gouvernement avait également le pouvoir, sans rappeler le Parlement, dautoriser que le pays prenne dautres mesures peu après linvasion du Koweit. Par exemple, lorsque le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté, le 6 août 1990, la résolution 661 qui obligeait les membres de lOrganisation à imposer de strictes sanctions économiques contre lIraq, le gouvernement du Canada a invoqué la Loi sur les Nations Unies, qui stipule seulement que les décrets et règlements pris sous son régime seront déposés dès le retour des chambres. La Loi sur les Nations Unies ne peut être invoquée que dans la mesure où le Conseil de sécurité vote des sanctions obligatoires; le gouvernement aurait pu imposer des sanctions qui étaient simplement recommandées, mais à lépoque la procédure en cause était plus complexe. Une nouvelle loi, la Loi sur les mesures économiques spéciales, adoptée par la Chambre des communes le 6 mai 1992, rend désormais plus facile limposition de sanctions dans les cas où il savère impossible dinvoquer la Loi sur les Nations Unies. Les deux lois peuvent être invoquées sans le rappel du Parlement. Au moment de la crise du Golfe, il nétait pas nécessaire de déclarer une urgence internationale ou une urgence de guerre (à ne pas confondre avec une déclaration de guerre). La Loi sur les mesures durgence (qui a remplacé la Loi sur les mesures de guerre) précise quil faut rappeler le Parlement dans les sept jours suivant de telles déclarations. Il aurait pu y avoir déclaration durgence internationale ou de guerre si la crise du golfe Persique avait menacé de dégénérer en conflit mondial, par exemple entre les É.-U. et le bloc soviétique. Le gouvernement aurait alors pu invoquer la Loi sur les mesures durgence pour se doter de pouvoirs spéciaux lui permettant de matérialiser leffort de guerre du Canada, de contrôler les ressources et de faire régner la loi et lordre au sein du pays. La sécurité du Canada nétait toutefois pas menacée, et lapprobation par lUnion soviétique et la Chine des mesures décrétées par le Conseil de sécurité signifiait quune guerre mondiale était peu probable. De fait, on peut dire maintenant quavoir invoqué la Loi sur les mesures durgence à ce moment-là aurait constitué une mesure excessive. Lapplication de sanctions globales supposait le recours à la force militaire, principalement des navires chargés de surveiller les voies maritimes à proximité de lIraq. Le 10 août 1990, le gouvernement annonça que le Canada, comme dautres pays membres de lONU, enverrait des navires pour veiller à lapplication des sanctions. Le 25 août, le Conseil de sécurité adopta la résolution 665, qui invitait la force multinationale à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer lefficacité des sanctions. La décision du gouvernement denvoyer des navires pour assurer le respect des sanctions dans le Golfe a soulevé la controverse au Canada. Entre autres, on a soutenu que le Parlement devait être rappelé avant la date prévue du 24 septembre afin dexaminer la situation. Larticle 32 de la Loi sur la défense nationale stipule que le Parlement, sil ne siège pas, doit se réunir dans les dix jours suivant la mise en service actif des forces canadiennes. On a donc beaucoup discuté, en août et septembre 1990, du moment où les unités militaires déployés dans le golfe Persique devaient être mis en service actif et où le Parlement devait être rappelé. Afin de clarifier les questions soulevées à ce moment-là, il est nécessaire de faire lhistorique de la Loi sur la défense nationale. LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE A. La mise en service actif déléments des Forces canadiennes La Loi sur la défense nationale, qui constitue le fondement législatif des mesures prises par le ministre et le ministère de la Défense nationale, énonce les règles qui régissent les membres des Forces canadiennes. Entre autres, elle autorise le gouvernement à mettre en service actif des éléments de ces Forces. Larticle 31 de la Loi sur la défense nationale énonce en effet :
Larticle 32 stipule que si le Parlement ne siège pas au moment de la mise en service actif des militaires canadiens, « celui-ci doit se réunir dans les dix jours de la proclamation le convoquant ». Avant la modification de la Loi en 1950, on pouvait mettre les militaires en service actif uniquement sil y avait urgence, cest-à-dire guerre, invasion, émeute ou insurrection, réelle ou appréhendée, concernant la défense du Canada. La tâche de déterminer si le Canada faisait face à une situation durgence revenait au Cabinet, qui pouvait mettre les militaires en service actif avant que le Parlement ne débatte de la question. Le 1er septembre 1939, le gouvernement plaça les militaires en service actif, mais les décrets à cet effet ne furent déposés à la Chambre des communes que le 7 septembre, à la reprise des travaux du Parlement(16). Le 25 août, toutefois, bien avant dêtre mis en service actif, les militaires canadiens avaient déjà pris des mesures de précaution devant la montée des tensions internationales(17). En septembre 1950, le gouvernement présenta un projet de loi visant à modifier la Loi sur la défense nationale pour tenir compte non seulement du conflit coréen, qui avait débuté quelques mois auparavant, mais également de la nouvelle situation créée par la Charte des Nations Unies, rédigée en 1945, et du Traité de lAtlantique Nord, signé en 1948. La Loi concernant les forces canadiennes venait ajouter lalinéa 31(1)b) à la Loi sur la défense nationale, modifiant celle-ci de façon que les Forces armées puissent être mises en service actif non seulement dans les situations où la sécurité du Canada était menacée, mais également dans léventualité dune action collective en vertu de la Charte des Nations Unies, du Traité de lAtlantique Nord ou dautres accords de défense collective. On avait également modifié plus tôt au cours de la même année la Loi sur la défense nationale, entre autres, pour exiger le rappel du Parlement dans un délai de 10 jours au lieu de 15. Néanmoins, le débat sur la Loi concernant les forces canadiennes porta principalement sur le rôle du Parlement à légard du service actif, entre autres, dans les cas de rappel après une mise en service actif des militaires. Un député de lopposition, Stanley Knowles, déclara que « tout ce que la loi prescrit cest, semble-t-il, que le Parlement siège dans les quinze jours, maintenant dix jours, après la proclamation qui place les troupes en activité de service »(18). Plus tard au cours du même débat, le premier ministre Saint-Laurent confirma : « Voici ce qui en est, à mon sens, de la position constitutionnelle. Le parlement na pas à prendre de mesure spécifique sous forme de décision dans laffirmative »(19). Le travail à accomplir par le Parlement après la reprise des travaux nétait pas tout à fait évident, mais le gouvernement nen affirma pas moins son engagement à rappeler le Parlement en cas durgence. Faisant référence aux engagements pris par le Canada en vertu du Traité de lAtlantique Nord de venir en aide à tout allié de lOTAN faisant lobjet dune attaque par un autre pays, le secrétaire dÉtat aux Affaires extérieures, Lester B. Pearson, déclara :
Le jour suivant, le ministre de la Défense nationale signala que le Parlement avait accepté ces engagements lorsquil avait ratifié la décision canadienne de signer la Charte des Nations Unies et le Traité de lAtlantique Nord, mais que cela navait pas dincidence sur lobligation de rappeler le Parlement dans les 10 jours de la mise en service actif des Forces armées(21). On discuta également de la difficulté de définir avec exactitude le service actif. Comme il a été mentionné ci-dessus, les militaires peuvent, avant dêtre mis en service actif, prendre des mesures et participer à des combats. En fait, au moment où le Parlement débattait la Loi concernant les forces canadiennes au début de septembre 1950, les Forces armées navaient pas été mises en service actif, mais trois navires canadiens se trouvaient déjà dans les eaux coréennes et participaient aux combats. Le ministre de la Défense nationale, Brooke Claxton, faisant allusion aux navires et aux avions de transport déjà déployés, indiqua : « le ministère de la Justice ma fait part quil était tout à fait possible de les envoyer en Corée sans les mettre en activité de service »(22). En fait, la mise en service actif seffectue pour des raisons administratives. Certains Canadiens ont limpression que les militaires ne peuvent participer à des combats ou ne peuvent être déployés avant dêtre en service actif, mais la notion de service actif est importante pour dautres raisons. Au cours du débat sur la Loi concernant les forces canadiennes, le ministre de la Défense nationale déclara :
Le Ministre indiqua plus tard que les militaires ne seraient pas officiellement en service actif avant la date du décret pris à cet effet, mais que les pensions et autres avantages seraient calculés à partir du 5 juillet, date de lenvoi des troupes en Corée(24). La Chambre des communes adopta la Loi concernant les forces canadiennes le 8 septembre 1950 et, peu après que la sanction royale fut donnée le jour suivant, on prit le décret C.P. 1950-4365 concernant les militaires canadiens affectés à lopération en Corée. Le décret limitait le nombre total de militaires appelés à participer à lopération et mettait tout leffectif militaire canadien en service actif :
C. Le service actif depuis 1950 Par suite du décret 1950-4365 et des modifications subséquentes, les Forces armées canadiennes sont de fait en service actif depuis 1950, surtout parce que les tensions de la Guerre froide et les progrès des techniques militaires rendaient plus vraisemblables des attaques-surprises dévastatrices. Le souvenir de lattaque-surprise contre Pearl Harbour, en 1941, a grandement influencé les planificateurs militaires occidentaux de laprès-guerre et, pendant la majeure partie de lépoque qui suivit, les pays occidentaux craignirent une attaque-surprise de la part de lUnion soviétique. Étant donné quon craignait que lagression de la Corée du Nord ne soit le prélude à dautres attaques contre des intérêts occidentaux par le bloc soviétique, le gouvernement du Canada décida denvoyer des troupes et des escadrons de chasse pour renforcer les défenses de lOTAN le long de la frontière séparant lAllemagne de lOuest de lAllemagne de lEst. Ce déploiement a fait lobjet du décret C.P 1951-5598 du 18 octobre 1951, lequel a été remplacé plus tard par le décret C.P. 1961-1276 du 7 septembre 1961; toutefois, les militaires canadiens étaient en fait toujours en service actif par suite du décret C.P. 1950-4365. Au cours du débat sur la Loi concernant les forces canadiennes, le premier ministre Saint-Laurent avait donné à un député de lopposition lassurance que le décret C.P. 1950-4365 ne mettrait les militaires en service actif que pour la situation coréenne(25). Cependant, la menace dune agression soviétique ailleurs dans le monde et la Guerre froide en général élargirent en fait la définition de lexpression « situation coréenne ». Étant donné que les forces militaires canadiennes stationnées en Europe près du front central après octobre 1951 pourraient à tout moment faire lobjet dune attaque-surprise de la part des Soviétiques, il semblait indiqué de les maintenir en service actif. En outre, après que lUnion soviétique eut mis au point des armes nucléaires et des bombardiers à longue portée capable datteindre lAmérique du Nord, il devint fort possible que les pilotes dinterception canadiens soient un jour obligés dattaquer des bombardiers soviétiques en train deffectuer une attaque-surprise dans lespace aérien canadien. À cause des tensions de la Guerre froide et des percées de la technologie militaire, il était opportun de maintenir les forces militaires en état de grande préparation et, puisquelles pouvaient théoriquement être appelées à intervenir à tout moment, leur maintien en service actif était indiqué(26). En fait, le gouvernement annula le décret C.P. 1950-4365 le 20 novembre 1973 et le remplaça le même jour par le décret C.P. 1973-3641. Ce dernier avait pour effet, afin de satisfaire aux obligations du Canada dans le cadre du Traité de lAtlantique Nord, de mettre les militaires des Forces régulières en service actif partout au Canada et à létranger. Lorsque les forces de réserve devinrent plus importantes dans la planification de défense du Canada vers la fin des années 80, on révoqua le décret C.P. 1973-3641 au moyen du décret C.P. 1989-582 et on le remplaça par le décret C.P. 1989-583, pris le 6 avril 1989. Ces mesures eurent pour effet de mettre à la fois les forces régulières et les forces de réserve des Forces canadiennes en service actif afin de satisfaire aux obligations du Canada dans le cadre de lOTAN. D. Le service actif pour les opérations de maintien de la paix et autres Même si les militaires canadiens étaient déjà en service actif pour les opérations de lOTAN, on adopta la pratique de prendre des décrets chaque fois quun nombre important de militaires canadiens furent appelés à participer à des missions précises, comme les opérations de maintien de la paix de lONU. À titre dexemple, mentionnons les cas suivants: le décret C.P. 1956-1712, pour la mission de maintien de la paix à Suez en 1956; le décret C.P. 1960-1080, pour lopération au Congo en 1960; et le décret C.P. 1964-389, pour la mission à Chypre en 1964. Cette pratique a cours encore aujourdhui. Le C.P. 1989-584 du 6 avril 1989 avait pour objet la force détachée en Namibie pour participer à lopération du Groupe dassistance des Nations Unies pour la période de transition (GANUPT). Le décret fut déposé à la Chambre des communes le 12 avril 1989 et débattu le même jour, même si la décision du gouvernement de fournir du personnel pour la mission du GANUPT avait été annoncée le 1er mars, soit plus dun mois auparavant. Mentionnons enfin le décret C.P. 1990-192 du 1er février 1990, concernant le personnel affecté au Groupe dobservateurs des Nations Unies en Amérique centrale (ONUCA). Pourtant, en août et en septembre 1990, lorsque le gouvernement annonça que des navires et des CF-18 canadiens allaient se joindre à dautres forces dans le golfe Persique pour mettre à exécution les mesures arrêtées par le Conseil de sécurité de lONU, il y eut une énorme controverse au sujet du moment de la mise en service actif des forces canadiennes. Après quon eut annoncé le 10 août 1990 que trois navires canadiens seraient détachés dans la région du Golfe, des voix sélevèrent pour demander que le Parlement soit rappelé immédiatement, au lieu du 24 septembre comme prévu. Ces critiques omirent de se souvenir quau début de juillet 1950, trois navires avaient quitté le Canada pour les eaux coréennes, soit deux mois avant que soit pris un décret pour mettre les marins en service actif. Les navires ne quittèrent pas Halifax avant la fin daoût et arrivèrent à lentrée du canal de Suez à la mi-septembre. Techniquement, il nétait pas nécessaire que les marins se trouvant sur ces bateaux soient en service actif avant de se trouver dans la zone des opérations. Quoi quil en soit, pendant quils traversaient lAtlantique et sentraînaient dans le détroit de Gibraltar, on aurait pu dire quils étaient en service actif, en train de servir lOTAN conformément au décret C.P. 1989-583. Selon certains rapports de presse de lépoque, il y eut en effet beaucoup de confusion autour de cette question, même au sein du ministère de la Défense nationale. De toute façon, le 15 septembre 1990, le gouvernement adopta le décret C.P. 1990-1995 et le Parlement fut rappelé le 24 septembre, cest-à-dire dans le délai de 10 jours prévu dans la Loi sur la défense nationale. Certains ont déclaré que lorsque les navires étaient sur le point dentrer dans le canal de Suez et quils approchaient par conséquent de la zone dangereuse, le gouvernement adopta le décret C.P. 1990-1995 pour mettre les marins en service actif et non plus en affectation de maintien de la paix(27). Cependant, ce nétait tout simplement pas le cas. Bien quelle stipule que le Parlement doit se réunir dans les 10 jours suivant la mise en service actif des Forces armées, la Loi sur la défense nationale ne précise pas quand cette mesure doit être prise. Dailleurs, même si certains souhaiteraient que les militaires canadiens soient mis en service actif aussitôt prise la décision de les déployer à létranger et que le Parlement soit immédiatement appelé à prendre part au processus, il se peut que trop dattention soit portée au statut de service actif, qui à trait surtout aux avantages accordés aux militaires des Forces canadiennes. Comme il a été démontré en 1950, la mise en service actif peut se faire de façon rétroactive, de sorte quun décret en conseil peut être adopté nimporte quand. Ainsi, même si le Parlement a un rôle à jouer dans lapprobation de la mise en service actif des militaires, sa tâche la plus importante est de considérer la décision du gouvernement en ce qui concerne la participation du Canada à des conflits internationaux. MOTIONS
PARLEMENTAIRES CONCERNANT LA PARTICIPATION Le jour (24 septembre 1990) où le ministre de la Défense nationale déposa à la Chambre des communes le décret C.P. 1990-1995(28), le secrétaire dÉtat aux Affaires extérieures proposa une motion visant « lenvoi de membres des Forces canadiennes pour prendre part à leffort militaire multinational dans la région de la péninsule arabique »(29). On modifia par la suite le libellé de la motion au cours du débat à la Chambre des communes et après discussion entre des représentants du gouvernement et de lopposition. La nouvelle motion appuyait, entre autres, « lenvoi de membres, de navires et dappareils des Forces armées canadiennes pour prendre part à leffort militaire multinational dans la région de la péninsule arabique ». On ajouta un nouveau élément qui demandait au gouvernement « de déposer une nouvelle résolution devant la Chambre dans léventualité du déclenchement dhostilités mettant en cause les Forces armées canadiennes dans la région de la péninsule arabique »(30). La motion révisée fut adoptée le 23 octobre 1990. Essentiellement, la motion approuvait les mesures prises par le gouvernement face à la crise du golfe Persique, y compris lenvoi de militaires canadiens. Malgré que les Nations Unies aient exigé quelles se retirent du Koweit pour le 15 janvier 1991, les forces iraquiennes refusèrent dobtempérer; dautres motions furent adoptées, le 29 novembre 1990 et le 22 janvier 1991 (dépôt le 15 janvier), pour réitérer lappui du Canada aux interventions des Nations Unies, y compris le recours à la force militaire. La motion adoptée le 22 janvier 1991 était en fait la nouvelle résolution quil fallait prendre « dans léventualité du déclenchement dhostilités mettant en cause les Forces armées canadiennes » en raison de la motion adoptée le 23 octobre 1990. Bien quil ny ait pas eu de déclaration de guerre officielle, on débattit au Parlement de la participation du Canada au conflit du golfe Persique et on adopta des motions approuvant les mesures prises aux fins de lintervention de lONU. Le Parlement fut également informé que les militaires canadiens avaient été mis en service actif. La procédure suivie ne fut pas exactement la même que celle qui avait été adoptée pour lintervention de 1950, mais, en 1990-1991, le Parlement adopta des motions précises et participa donc plus directement au processus. En 1990-1991, cest la complexité du problème du golfe Persique et la controverse soulevée qui rendirent nécessaires des motions réaffirmant des motions antérieures. La demande dune nouvelle résolution « dans léventualité du déclenchement dhostilités mettant en cause les Forces armées canadiennes », même si les militaires étaient déjà en service actif, a créé un important précédent. Le Parlement a adopté non seulement une motion pour approuver les mesures gouvernementales (comme le déploiement de troupes) prises relativement au conflit, mais également une motion approuvant la participation effective des forces canadiennes se trouvant déjà dans la zone de combat. Une telle motion était le fruit des conditions particulières qui marquèrent le conflit du golfe Persique: après lenvahissement rapide dun territoire, le pays agresseur et une coalition des Nations Unies se firent face pendant plusieurs mois avant que cette dernière nintervienne militairement. Toutefois, un conflit futur pourrait ressembler davantage à la situation en Corée, où les forces américaines et alliées avaient engagé le combat et étaient presque refoulées jusquà la mer alors que le Parlement était en train de siéger. Dans une telle situation, le Parlement naurait peut-être pas le temps dadopter une motion avant le "déclenchement dhostilités mettant en cause les Forces armées canadiennes". Bref, il faudrait peut-être réexaminer le rôle du Parlement pour ce qui est dapprouver la participation du Canada aux conflits internationaux et dexaminer les décisions gouvernementales sur la mise en service actif des Forces armées non seulement pour protéger les droits du Parlement, mais aussi pour clarifier le statut des militaires canadiens dans déventuels conflits. (1) Canada, Chambre des communes, Débats, 19 août 1914, p. 19. (2) Canada, Chambre des communes, Débats, 9 septembre 1939, p. 54. (3) Canada, Chambre des communes, Débats, 11 septembre 1939, p. 92-93. (4) Canada, Chambre des communes, Débats, 10 juin 1940, p. 671. (5) Canada, Chambre des communes, Débats, 21 janvier 1942, p. 4557. (6) C.P Stacey, Canada and the Age of Conflict, volume 2: 1921-1948, Toronto, University of Toronto Press, 1981, p. 320. (7) Canada, Chambre des communes, Débats, 10 juin 1940, p. 671. (8) J.L. Granatstein, Canadas War: The Politics of the Mackenzie King Government, 1939-1945, Toronto, Oxford University Press, 1975, p. 26 (traduction). (9) C.P. Stacey, Armes, hommes et gouvernements: les politiques de guerre du Canada, 1939-1945, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1970, p. 11. (10) Canada, Chambre des communes, Débats, 30 juin 1950, p. 4585. (11) Ibid. (12) Canada, Chambre des communes, Débats, 8 septembre 1950, p. 514. (13) Brian Urquhart, « Beyond the Sheriffs Posse », Survival, vol. 32, no 3, mai/ juin 1990, p. 196. (14) Hans Arnold, « The Gulf Crisis and the United Nations », Aussenpolitik, vol. 42, no 1, 1991, p. 69. (15) Urquhart (1990), p. 197. (16) Canada, Chambre des communes, Débats, 7 septembre 1939, p. 2 et 3. (17) H. Lt.-gen. Maurice A. Pope, Soldiers and Politicians: The Memoirs of Lt.-Gen. Maurice A. Pope, Toronto, University of Toronto Press, 1962, p. 137. (18) Canada, Chambre des communes, Débats, 8 septembre 1950, p. 512. (19) Ibid., p. 515. (20) Canada, Chambre des communes, Débats, 6 septembre 1950, p. 362. (21) Canada, Chambre des communes, Débats, 7 septembre 1950, p. 457. (22) Canada, Chambre des communes, Débats, 8 septembre 1950, p. 519. (23) Canada, Chambre des communes, Débats, 7 septembre 1950, p. 455. (24) Canada, Chambre des communes, Débats, 8 septembre 1950, p. 520 et 521. (25) Ibid., p. 516. (26) Il ne faut pas confondre le service actif avec létat de préparation accrue des intercepteurs canadiens dans le cadre du NORAD, qui devint sujet de controverse pendant la crise des missiles de Cuba, en 1962. (27) Thomas Lynch, « Canada and the Gulf, Operation Friction", Navy International, vol. 95, no 11, novembre 1990, p. 394. (28) Canada, Chambre des communes, Débats, 24 septembre 1990, p. 13218. (30) Canada, Chambre des communes, Débats, 23 octobre 1990, p. 14612. |