BP-309F
LES AUTOCHTONES ET
Rédaction : TABLE
DES MATIÈRES SOURCES DEXEMPTION PROBABLES POUR LES AUTOCHTONES B. Droits ancestraux et issus de traités des autochtones
reconnus et 1. Nature et objet de lexemption 2. Application de larticle 87 3. Interprétation de larticle 87 par les tribunaux B. Loi de limpôt sur le revenu C. Loi sur la taxe daccise (TPS) EXEMPTIONS PROVINCIALES ET MUNICIPALES A. Régime dimposition provincial B. Régime dimposition municipal LES AUTOCHTONES ET LE RÉGIME DIMPOSITION Comme tous les Canadiens, les autochtones du Canada sont soumis à des lois fiscales. Dans la présente étude, nous présentons brièvement le cadre législatif de limposition au Canada, examinons les exemptions spéciales dont disposent actuellement les autochtones et indiquons quelques autres possibilités de sources dexemption. LÉtat tient le droit de lever des impôts de la Loi constitutionnelle de 1867 et de la Loi constitutionnelle de 1982; le Parlement du Canada a compétence pour prélever des sommes dargent par tout mode ou système de taxation, tandis que les provinces ont le pouvoir dimposer « la taxation directe dans les limites de la province ». Diverses lois, fédérales et provinciales, ont donc été adoptées à cet égard. Limpôt fédéral sapplique aux revenus des personnes et des sociétés (Loi de limpôt sur le revenu), aux achats de biens et de services (Loi sur la taxe daccise) et à limportation de marchandises (Tarif des douanes). Tout est assujetti aux lois fiscales des provinces, depuis les revenus, les ventes au détail jusquau tabac et à lalcool. Les municipalités ont compétence pour prélever des impôts en vertu des lois provinciales; limpôt foncier est le principal impôt municipal. Les gouvernements des Indiens, dans leurs diverses formes, ont divers pouvoirs fiscaux aux termes de lois fédérales. Les conseils de bande établis en vertu de la Loi sur les Indiens, peuvent, selon larticle 83 de cette loi, prendre des règlements administratifs(1) pour limposition de droits sur des terrains ou sur des intérêts dans des terrains à des fins locales dans la réserve. Les bandes jouissent depuis longtemps de ce pouvoir, mais elles nont commencé à lexercer que depuis vingt ans environ. En 1988, les modifications Kamloops ont clarifié la situation juridique des « terres cédées de façon conditionnelle », qui sont désormais connues sous le nom de « terres désignées »; la définition de « réserve » comprend désormais les terres désignées. Celles-ci peuvent être louées à des non-Indiens et il est évident que les règlements administratifs qui fixent des impôts fonciers sappliquent aussi à ces terres. Pour quelques bandes, cette précision a facilité lessor du commerce sur les terres de la réserve. Les textes législatifs fédéraux portant sur lautonomie gouvernementale autorisent deux bandes à prendre des règlements administratifs fiscaux à des fins locales : lalinéa 14(1)e) de la Loi sur lautonomie gouvernementale de la bande Sechelt, pour la bande Sechelt en Colombie-Britannique, et lalinéa 45(1)h) de la Loi sur les Cris et les Naskapi du Québec, pour les bandes Cri et Naskapi. Les lois fiscales précisent les conditions de limposition ainsi que celles des exemptions. Les facteurs qui déterminent lapplication dune loi diffèrent dans chaque cas : par exemple, le lieu de résidence est un facteur qui permet de déterminer si la Loi de limpôt sur le revenu fédérale sapplique à un contribuable en particulier. Lexemption contenue à larticle 87 de la Loi sur les Indiens dépend de la situation juridique individuelle. Lexemption que la Loi de limpôt sur le revenu fédérale accorde pour les « oeuvres de charité » et les « organismes de charité » constitue un bel exemple dexemption fiscale. Il existe des milliers doeuvres de charité au Canada; la plupart sont soit des fiducies, soit des personnes morales. La loi ne définit pas « oeuvre de charité » et il faut donc consulter la jurisprudence afin de décider si une oeuvre est admissible. Dans Native Communications Society of B.C. c. Canada (M.N.R.), [1986] 3 C. F. 471 (C.A.), la Section dappel de la Cour fédérale a accueilli lappel de la Native Communications Society of B.C. du refus du ministre du Revenu de la reconnaître comme oeuvre de charité au motif que lobjet de lassociation personnalisée allait au-delà de la charité. Cette association a pour objectif de produire des émissions de radio et de télévision et de publier un journal traitant de sujets intéressants les autochtones de la Colombie-Britannique. La Cour a précisé quil fallait tenir pour commencer compte des quatre grandes catégories « doeuvres de charité » de larrêt Commissioners of Income Tax Act c. Pemsel rendu en 1891 par la Chambre des Lords pour déterminer lobjet dune société sans but non lucratif. La Cour a jugé que lobjet de lappelante appartenait à la quatrième catégorie : « celle des fiducies constituées pour des fins utiles à lensemble de la société et ne faisant pas partie de lune des catégories susmentionnées ». La Cour a par ailleurs pris en compte la situation juridique spéciale des Indiens au Canada et le fait que lÉtat assume des responsabilités spéciales quant à leur bien-être. De même, dans Gull Bay Development Corporation c. La Reine, [1984] 1 C.N.L.R. 74, la Section de première instance de la Cour fédérale a jugé que le plaignant, constituée comme organisme sans but lucratif, avait droit à une exemption en vertu de lalinéa 149.1l) de la Loi de limpôt sur le revenu. Lassociation exploitait une société forestière dont les bénéfices lui servaient à financer ses activités non lucratives. SOURCES DEXEMPTION PROBABLES POUR LES AUTOCHTONES Outre les lois et les décrets dexécution du gouvernement fédéral et des provinces, les droits ancestraux et ceux issus de traités que reconnaît la Loi constitutionnelle de 1982 sont aussi des sources possibles dexemption fiscale pour les autochtones. On peut soutenir que quelques dispositions des traités accordent des exemptions fiscales à certains Indiens, même si cet argument na pas encore été soumis aux tribunaux. Le traité n° 8 de 1899, par exemple, est accompagné de relations de « présentations orales » qui exemptent de limpôt les Indiens visés par des traités(2). B. Droits ancestraux et issus de traités des autochtones
reconnus et Larticle 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les droits existants ancestraux et ceux qui sont issus de traités, mais nen précise pas la portée. On a soutenu que cette portée nest pas « un fourre-tout », mais quelle comprend un certain nombre de droits, notamment le droit à lautonomie gouvernementale, des droits fonciers et des droits de chasse et de pêche. Robert A. Reiter affirme quune exemption fiscale générale pour les Indiens se trouve dans la catégorie des droits autochtones touchant lautonomie gouvernementale et dans la reconnaissance accordée à la coutume autochtone. Il soutient que léconomie et le gouvernement des Indiens sont traditionnellement fondés sur le concept de la communauté, où lon sentraide pour acquérir ce qui est nécessaire à la vie. Limpôt est un mécanisme étranger à ce système, de même que lobligation faite aux Indiens de vivre dans des zones fixes, les réserves. Par conséquent, il soutient que les Indiens ayant des droits fonciers particuliers, il est juste quils aient aussi des droits spéciaux en matière de gouvernement et déconomie; ils devraient notamment jouir dexemptions fiscales(3). Si un droit existe, il sagit dun droit ancestral des bandes indiennes dassujettir leurs membres à limpôt. Lauteur précise que le droit à une exemption générale ne sest jamais éteint et cite à lappui larticle 87 de la Loi sur les Indiens. Selon lui, larticle 35 reconnaît donc le droit ancestral général des Indiens à lexemption. La Cour suprême du Canada a jugé dans Francis c. La Reine, [1956] R.C.S. 618 que les Indiens nétaient pas exemptés de lobligation de payer des droits de douane sur des articles importés. On sétait appuyé jusqualors sur le Traité de Jay de 1794 entre la Grande-Bretagne et les États-Unis pour accorder lexemption. La Cour a cependant décidé quil nétait pas possible de sappuyer sur ce traité, puisquil navait pas été mis en vigueur au Canada par voie législative. La Cour a statué en outre que larticle 87 de la Loi sur les Indiens ne dispensait pas les Indiens des droits de douane, parce que ceux-ci ne constituent pas un impôt touchant les biens personnels dun Indien se trouvant dans une réserve. Le décret de remise dont bénéficient les habitants dAkwesasne vivant au Canada autorise la remise des droits payés ou payables sur certaines marchandises achetées aux États-Unis et importées au Canada; il tient compte de la situation géographique particulière de la réserve St-Régis/Akwesasne, qui se trouve à cheval sur les deux pays. Le décret sapplique notamment à la nourriture et aux vêtements, mais non au tabac ou à lalcool. Robert A. Reiter fait remarquer que des arguments dordre constitutionnel pourraient être avancés pour demander une exemption des droits de douane. Il ajoute que lon a fait valoir que lattitude qua adoptée Revenu Canada à propos de la réserve dAkwesasne montre bien quelle reconnaît un droit ancestral à une dexemption. La décision R. c. Sparrow, dans laquelle il a été arrêté quun droit ancestral limité par règlement existe toujours, va dans le même sens(4). 1. Nature et objet de lexemption Larticle 87 de la Loi sur les Indiens énonce quelques exemptions fiscales accordées aux Indiens :
Les tribunaux ont analysé la signification de cet article à plusieurs occasions, à propos des questions suivantes : Un revenu tiré dun emploi ou des prestations dassurance-chômage, qui sont incorporels, sont-ils des « biens meubles »? Comment détermine-t-on si des biens corporels tels quune automobile ou un bail, « sont situés sur une réserve »? Lexemption remonte au moins aux lois de la Province du Canada, qui prévoyaient quaucun Indien habitant des terres indiennes ni aucun Indien, à propos de terres indiennes au Haut-Canada, ne serait assujetti à limpôt(6). Jack Woodward fait remarquer que lexemption a pu se justifier du fait de la situation spéciale que lon attribuait aux Indiens, qui ressemblait à celle des nations indiennes américaines, qui étaient considérées autonomes mais dépendantes et nétaient pas assujetties à limpôt sur leurs terres ni sur leurs biens(7). Dans Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85, la Cour suprême du Canada a analysé la question de savoir si des fonds détenus par lÉtat à remettre à la bande Peguis à la suite de limposition dune taxe provinciale de vente non valide, pouvaient être saisis par un tiers. La Cour devait décider si, en vertu de lalinéa 90(1)b), les sommes étaient réputées situées sur une réserve et donc protégées de toute saisie-arrêt par larticle 89. En se prononçant en faveur de lintimée, la bande indienne, le juge La Forest a élaboré un raisonnement pour étudier la question fondé sur la jurisprudence portant sur les articles 87, 89 et 90 de la Loi sur les Indiens (la présomption de larticle 90 sappliquant également à larticle 87) :
Le juge La Forest poursuit en énonçant que lobjet de la loi nest pas de remédier à la situation économiquement défavorable des Indiens en leur assurant le pouvoir daliéner des biens sur le marché à des conditions différentes de celles qui sappliquent à leurs concitoyens; selon lui, un examen des décisions portant sur ces articles confirme que les Indiens qui acquièrent et aliènent des biens situés à lextérieur de terres réservées à leur usage le font aux mêmes conditions que tous les autres Canadiens. Il souligne quil faut éviter daccorder une portée trop large aux articles 87 et 89. 2. Application de larticle 87 La définition d« Indien » à larticle 2 de la Loi sur les Indiens sentend de quiconque est inscrit à titre dIndien ou a le droit de lêtre et ne sapplique ni Inuit ni aux Métis. Le paragraphe 4(1) de cette loi précise que la mention « Indien » à lalinéa 87(1)a) inclut ceux qui ont le droit de sinscrire sur une liste de bande ou ceux dont le nom y figure. Puisque la Loi sur les Indiens autorise ceux-ci à contrôler la composition de leurs bandes, il leur est possible dadmettre des non-Indiens en vertu des règles régissant la composition. Il sensuit que bien que les exemptions de larticle 87 concernent les Indiens inscrits, celle de lalinéa 87(1)a) peut aussi sappliquer à des personnes non inscrites(8). Dans larrêt La Reine c. Kinookimaw Beach Association (1979), 102 D.L.R. (3d) 333, il a été jugé que la définition d« Indien » ne sappliquait pas aux sociétés, même si les actionnaires sont Indiens. 3. Interprétation de larticle 87 par les tribunaux Les tribunaux se sont penchés à plusieurs reprises sur cet article. Laffaire principale demeure larrêt de la Cour suprême du Canada dans Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29. Selon la Cour, larticle 87 exempte certains biens de limposition et exempte aussi certaines personnes dimposition quant à ces biens. Cette interprétation soppose à lopinion selon laquelle larticle porte sur des exemptions dimposition directe de biens fonciers ou personnels. Cet arrêt fournit également des principes généraux dinterprétation des lois. Il y est mentionné, à la page 36, que « les traités et les lois visant les Indiens doivent recevoir une interprétation libérale et que toute ambiguïté doit profiter aux Indiens. Si la loi contient des dispositions qui, suivant une interprétation raisonnable, peuvent conférer une exemption dimpôts, il faut selon moi, préférer cette interprétation à une interprétation plus stricte qui pourrait être utilisée pour refuser lexemption ». Larrêt Nowegijick concernait un Indien employé par Gull Bay Development Corporation, dont le siège social était sur la réserve, mais dont lexploitation forestière était située en dehors de celle-ci. Une cotisation dimpôt avait été fixée à légard du revenu de M. Nowegijick. Il a dabord été jugé que son revenu était un « bien personnel », puis que, comme larticle 87 crée une exemption tant pour les personnes que pour les biens, il nimportait pas de savoir si limposition du revenu sappliquait à des personnes ou à des biens. Les parties avaient convenu que le situs du salaire était la réserve et la Cour a donc statué que le droit à lexemption existait. Elle a discuté, sans toutefois lappliquer du critère à appliquer pour déterminer si le revenu était situé sur la réserve et a noté que la résidence du débiteur déterminait le situs du revenu : « Le situs du salaire [...] était la réserve parce que cest là où la débitrice [...] avait sa résidence ou son lieu daffaires et parce que cest là que le salaire devait être payé » (p. 34). La décision de la Cour canadienne de limpôt dans laffaire Horn c. MRN en 1989 portait elle aussi sur la question de savoir si des biens incorporels sont « personnels ». Une fonctionnaire du ministère des Affaires indiennes, qui travaillait et résidait habituellement à Ottawa, a fait valoir que son revenu imposable ne devait pas comprendre la part de son salaire ayant porté sur des congés annuels et de maladie passés dans la réserve. La contribuable a donc demandé une exemption pour trois motifs : que ses compétences, sa formation et ses antécédents professionnels devaient être considérés comme étant toujours situés dans une réserve, puisquil sagissait de biens personnels achetés par lÉtat avec des fonds indiens affectés par le Parlement à lusage et au bénéfice des bandes indiennes; que ses compétences et sa formation étaient des biens personnels situés dans une réserve et donc exemptés dimpôt en vertu de larticle 87; et enfin que le situs de son salaire était la réserve. La Cour a rejeté largument selon lequel les compétences et la formation auraient été des biens personnels que lÉtat pouvait acheter. Elle a indiqué à propos du deuxième argument que les compétences et la formation ne sont pas des biens personnels et que, même si elles létaient, ce ne sont pas ces biens-là qui sont imposables et que de toute façon elles nétaient pas situées dans la réserve quand elles ont engendré un revenu. À propos du troisième argument, la Cour a indiqué que depuis larrêt Nowegijick, il nimporte pas de savoir si limposition du revenu sappliquait à des personnes ou à des biens; il sagit de décider si le bien est situé dans la réserve. La Cour a appliqué le critère du lieu de résidence du débiteur et a jugé que celui-ci, cest-à-dire en lespèce lÉtat, ne résidait pas dans la réserve. Dans Williams c. Canada, [1992] 1 R.C.S. 877, la Cour suprême du Canada a jugé que les prestations dassurance-chômage étaient des biens personnels situés dans une réserve et donc exempts dimpôt en vertu de larticle 87. Dans le rendu de sa décision, la Cour a défini un nouveau critère pour déterminer le situs dun bien de cette nature, tout en précisant cependant quil ne convenait pas en lespèce détablir un critère pour déterminer lemplacement dun revenu demploi. Le juge Gonthier mentionne le raisonnement du juge La Forest dans Mitchell c. Bande indienne Peguis, à propos de la nature et de lobjet de lexemption fiscale :
Pour établir le critère du situs, il faut évaluer les facteurs pertinents qui rattachent le bien à un emplacement ou à un autre. Il sagit dun compromis entre un critère rigide qui nenvisagerait quun ou deux facteurs et un critère flexible qui soupèserait dans chaque cas tous les facteurs de rattachement pertinents. La méthode retenue par la Cour analyse la situation sous le rapport des catégories de biens et des types dimposition. Il faut dabord identifier les divers facteurs de rattachement qui peuvent être pertinents. On analyse ensuite ces facteurs pour déterminer le poids à leur accorder afin didentifier lemplacement du bien, en tenant compte de trois choses : 1) lobjet de lexemption prévue dans la Loi sur les Indiens; 2) le genre de bien en cause; et 3) la nature de limposition de ce bien. Il sagit de déterminer le poids à accorder à chaque facteur pour décider si limposition en cause de ce type de bien représenterait une atteinte aux droits de lIndien à titre dIndien sur une réserve. La Cour a appliqué le critère pour déterminer le situs des prestations. Elle a notamment analysé les facteurs de la résidence du débiteur (le critère traditionnel), de la résidence du prestataire et du lieu du versement des prestations. La Cour a estimé que les deux facteurs les plus importants étaient le lieu du revenu demploi ayant donné droit aux prestations et la résidence du prestataire. La Cour a jugé quil existe un lien étroit entre la réception des prestations et le lieu de lemploi à lorigine du versement de ces prestations; le régime dassurance-chômage est fondé sur des cotisations perçues au moment de lemploi. La façon dont les prestations dassurance-chômage sont imposées renforce davantage ce lien puisquil y a concordance dans limposition des cotisations et des prestations. Les cotisations sont en effet déductibles et les prestations, imposables, ce qui a pour effet de réduire linfluence du régime sur les recettes fiscales générales. Lemplacement du revenu demploi donnant droit aux prestations est donc un facteur important pour déterminer si limposition des prestations porte atteinte aux droits dun Indien à titre dIndien sur la réserve. En effet, dans le cas dun Indien dont le revenu demploi qui donne droit à des prestations était situé sur la réserve, la concordance disparaît car, pour cet Indien, le revenu demploi initial était exonéré dimpôt. Limpôt payé sur les prestations fait donc plus que compenser les économies dimpôt réalisées grâce au versement des cotisations. Il sagit dune atteinte aux droits engendrés par le fait quun Indien travaillait sur la réserve. De plus, puisque la durée et le montant des prestations sont liés aux conditions demploi pendant une période précise, cest lemplacement du revenu demploi donnant droit aux prestations qui est pertinent. La Cour a estimé quil ne sagissait pas dun cas qui justifiait de définir un critère pour déterminer le situs de la réception dun revenu demploi. Les facteurs pertinents ne sopposaient pas vraiment; lemployeur était situé sur la réserve, le travail avait été accompli sur la réserve, lappelant habitait la réserve et cest sur la réserve quil avait été payé. La question de la pertinence de la résidence du prestataire ne se posait donc pas. Jack Woodward a suggéré, à propos de lexemption des personnes, que le fait quun Indien vive ou travaille hors de la réserve ou de quelque autre façon ne soit pas lié à la réserve peut ne pas importer pour déterminer si lexemption fiscale sapplique. Il soutient que lexemption porte sur des biens personnels situés dans une réserve et sur le droit dun Indien dans une réserve ou des terres cédées et donc que la résidence de lIndien ne devrait pas être pertinente dans lun ou lautre cas(9). Le Décret de remise visant les Indiens autorise une exemption fiscale en cas de revenu gagné sur une réserve lorsque lemployeur est situé hors de la réserve. Le décret de 1991 remet certains impôts et le paiement dintérêt et de pénalités à un Indien dont le revenu demploi provient de fonctions ou dun emploi exercés dans une réserve. Pour 1991, le décret portait également sur des prestations de retraite ou de pension et sur des allocations de formation reçues pendant que lIndien résidait dans une réserve. B. Loi de limpôt sur le revenu Lalinéa 81(1)a) de la Loi de limpôt sur le revenu autorise une exemption pour le montant que toute autre loi du Parlement exempte dimpôt sur le revenu. Une exemption de cette nature est prévue par larticle 87 de la Loi sur les Indiens. La Loi de limpôt sur le revenu ne prévoit cependant aucune exemption pour les Métis et les Inuit. Comme il a été vu plus haut, il a été décidé dans larrêt Nowegijick que lappelant, un Indien inscrit, qui habitait une réserve mais travaillait hors de celle-ci pour une société indienne, nétait pas tenu de payer des impôts sur son revenu. Dans Williams c. Canada, la Cour a statué que des prestations dassurance-chômage sont des biens personnels situés dans une réserve et exemptés dimpôt aux termes de la Loi de limpôt sur le revenu, en vertu de larticle 87 de la Loi sur les Indiens. Le travail ayant donné droit aux prestations avait été exécuté dans une réserve pour une société située elle aussi dans une réserve. C. Loi sur la taxe daccise (TPS) La taxe sur les produits et services (TPS) a été établie en 1991 aux termes de la Loi sur la taxe daccise. Des politiques administratives touchant lapplication de la TPS aux achats effectués par des Indiens ont été annoncées en 1990. Le Bulletin B-039 paru le 4 janvier 1991 contient le détail de ces politiques. Le bulletin comprend les définitions suivantes : « Indien », « bande indienne », « écoles, hôpitaux et entités de service social administrés par les bandes », « réserve », « bien » et « immeuble ». Le terme « conseil de tribu » y est expliqué lui aussi. Il faut noter que la TPS ne sapplique pas aux cas suivants :
EXEMPTIONS PROVINCIALES ET MUNICIPALES Larticle 87 de la Loi sur les Indiens prévoit une exemption fiscale provinciale. La plupart des provinces ont reconnu cette exemption, mais toutes ne saccordent pas sur la portée de celle-ci, que ce soit dans leurs lois ou dans leurs politiques administratives. A. Régime dimposition provincial Lapplication de larticle 87 prime celle de toute loi provinciale. Bien que lon puisse soutenir que cette clause sapplique uniquement au paragraphe 87(1) à lexclusion des paragraphes 87(2) et (3) depuis la refonte de larticle en 1985, les tribunaux nont pas encore retenu cette interprétation(10). Il est clair que larticle 87 prévient limposition des réserves par les provinces(11); celles-ci ont toutefois essayé dimposer loccupation des réserves par des non Indiens(12). Depuis lentrée en vigueur du projet de loi C-115 en 1988 (les modifications de Kamloops), la définition de « réserve » sentend également des terres désignées. Celles-ci peuvent être louées à des non Indiens. Les bandes peuvent désormais adopter des règlements administratifs à propos de ces terres et de nombreuses bandes ont pris des règlements administratifs aux fins dimposer loccupation par des non Indiens. Larticle 88 de la Loi sur les Indiens prévoit que les lois provinciales sappliquent aux Indiens, sauf règlement administratif de la bande; si un conseil de bande a pris un règlement administratif à cet effet, on peut soutenir que la province ne peut imposer loccupation par des non-Indiens. La modification exempte par ailleurs les achats de biens personnels effectués par des Indiens habitant des terres désignées. La Loi sur les Indiens ne se prononce pas sur limposition de biens achetés par des Indiens et situés à lextérieur dune réserve, quoique jusquen 1951, une de ses dispositions précisait le degré de limposition des biens fonciers et personnels des Indiens situés à lextérieur dune réserve. Diverses taxes, celles portant par exemple sur les ventes, le tabac et le combustible, que les provinces ont tenté dimposer aux autochtones ont été contestées en justice. Ces affaires ont apporté des éclaircissements, mais comme nous lavons indiqué plus haut, chaque province applique une politique différente dans limposition des autochtones et la présente étude ne se propose pas danalyser toutes les lois ni toutes les politiques de chaque province. Nous pouvons tout de même indiquer quelques points dordre général. Au Manitoba, par exemple, les Indiens sont en principe soumis à la taxe provinciale sur lessence achetée dans les 60 réserves de la province. En 1992, la province a négocié une entente avec les Indiens au sens des traités de la Réserve Peguis, qui prévoit la remise de la taxe aux résidents. Dautres ententes sont en voie de négociation(13). Depuis le 1er juin 1991, en Alberta, les Indiens et les bandes admissibles peuvent acheter du combustible et du tabac sans avoir à acquitter la TPS dans les magasins des réserves. Il faut présenter une carte didentité aux fins dexemption fiscale et il est interdit de revendre le tabac ou le combustible(14). En Colombie-Britannique, la Cour dappel a, à deux reprises(15), jugé que des achats nétaient pas assujettis à la taxe de ventes provinciale en vertu de larticle 87 de la Loi sur les Indiens. Dans une affaire, une voiture achetée dans une réserve était utilisée à lextérieur de celle-ci. Dans lautre, la Cour a jugé que, dans le cas dun traversier loué par une bande et utilisé en dehors de la réserve, le situs du bail était la réserve; larticle 87 interdisait donc limposition des paiements de la location. La common law a été appliquée pour déterminer le situs de ce bien incorporel. Des modifications ont été apportées en 1987, donc après ces deux affaires, à la loi sur limposition des services sociaux de la Colombie-Britannique, (la Social Services Tax Act), qui impose une taxe de vente au détail. Les modifications tentaient dassujettir à limpôt lutilisation à lextérieur des réserves par des Indiens et des bandes de leurs biens personnels, qui sinon ne pourraient être imposables en vertu de larticle 87. Dans Leighton c. The Queen (1989), D.L.R. (4th) 657, la Cour dappel de la Colombie-Britannique a statué que les restrictions étaient invalides et sopposaient à larticle 87 de la Loi sur les Indiens. À propos du critère permettant de déterminer le situs principal du bien, la Cour a précisé quil y a lieu danalyser à la fois les schémas dusage et de garde des biens. En Nouvelle-Écosse, la Cour provinciale a eu récemment à étudier si la Nova Scotia Diesel Oil and Tax Act sappliquait aux Indiens. Elle a jugé que lIndien inculpé pouvait acheter du gazole dans la réserve sans acquitter la taxe et en outre, lutiliser à lextérieur de la réserve sans encourir de peine aux termes de la Loi. Selon le même raisonnement, dans une affaire de 1989 en Colombie-Britannique, le tribunal a accordé une déclaration confirmant que la vente dessence dans une réserve à des Indiens à des fins de consommation personnelle était exemptée(16). Les régimes de recouvrement des taxes provinciales sur le tabac ont été contestés devant les tribunaux. Selon ces régimes, le vendeur est en général chargé du recouvrement. Des déclarations ont été obtenues indiquant que des vendeurs Indiens ne sont pas tenus de verser la taxe aux grossistes(17). Dans Bomberry c. MRN, [1989] 3 C.N.L.R. 27, il sagissait de décider si les quota de tabac autorisés par la Loi de la taxe sur le tabac de lOntario sappliquaient à des Indiens inscrits habitant la Réserve des Six Nations. La loi impose une taxe sur le tabac, à payer par le consommateur; cependant, le règlement établit un système de quota qui limite les achats de produits de tabac exemptés par des détaillants indiens. Lappelant a prouvé que le système des quota visait à limiter les achats de cigarettes exemptées par des non-Indiens. Le tribunal a jugé que la loi nautorisait pas le système des quota, qui était donc un exercice de pouvoir illégal et, quen outre, la disposition outrepassait les pouvoirs de la province garantis par la Constitution en empiétant dans un domaine de compétence fédérale. B. Régime dimposition municipal Dans laffaire Campbell River c. Nanakim, [1984] 2 C.N.L.R. 85 (Cour provinciale de la Colombie-Britannique), le tribunal a décidé que les municipalités ne peuvent imposer des entreprises situées dans des réserves à lintérieur des limites de la municipalité. Laffaire Keewatin Tribal Council c. Thompson (City), [1989] 3 C.N.L.R. 12 présente un exemple dexemption fiscale municipale : une société autochtone a soutenu avec succès que lexemption au titre de terres détenues en fiducie pour des tribus ou des groupes dIndiens prévue par la Loi sur lévaluation municipale du Manitoba lautorisait à être exemptée dimpôt pour les terres quelle détenait dans la municipalité, pas seulement pour les terres réservées aux Indiens. La fiscalité des peuples autochtones canadiens est quelque peu inégale. Larticle 87 de la Loi sur les Indiens accorde certes des exemptions aux Indiens, mais la portée de cet article nest pas claire. Les tribunaux ont interprété à plusieurs reprises la signification de larticle 87 et ont souvent conclu que larticle prévoyait des exemptions par rapport à certaines lois fédérales et provinciales. Il est probable que les lois fédérales et provinciales qui assujettissent les peuples autochtones à limpôt continueront de faire lobjet de contestations judiciaires pour une variété de motifs. (1) Règlement administratif: mesure législative fédérale qui nest pas soumise à lexamen du Comité mixte permanent dexamen de la réglementation aux termes de la Loi sur les textes réglementaires. (2) Robert A. Reiter, Tax Manual for Canadian Indians, First Nations Resource Council, Edmonton, 1989, p. 2.8. (3) Ibid, p. 2.14. (4) Ibid, p. 8.3. (5) Ni les autorités fédérales ni les provinces nimposent actuellement de droit de succession. (6) S.C. 1850, c. 74, art. 4. (7) Jack Woodward, Native Law, Toronto, Carswell, 1989, p. 302. (8) Ibid, p. 302. (9) Ibid., p. 303. (10) « Aboriginal Law », Continuing Legal Education Society of British Columbia, p. 2.2.02. (11) Kamsack c. Can. Nor. Town Properties Co., [1924] S.C.R. 80. (12) City of Vancouver c. Chow Chee (1942), 1 W.W.R. 72 (C.A. C.-B.) (13) Winnipeg Free Press, 15 février 1992. (14) Robert A. Reiter, Vol. II, The Fundamental Principles of Indian Law, Indian Law Bulletin 7/91, « Indian Exemption to Alberta Provincial Sales Tax », Edmonton, First Nations Resource Council, 1991. (15) Danes c. The Queen in Right of B.C.; Watts c. The Queen in Right of B.C. (1985), 18 D.L.R. (4th) 253 et Metlakatia Ferry Ltd. c. The Queen in Right of B.C. (1987), 37 D.L.R. (4th) 322. (16) Chehalis Indian Band c. The Queen, [1989] 3 C.N.L.R. 44 (C.S. C.-B.). Le pourvoi ultérieur ne portait pas sur la déclaration. (17) Johnson c. Nova Scotia, [1990] 2 C.N.L.R. 63. |