BP-345F

 

PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS :
DÉTERMINATION DU QUANTUM,
EXÉCUTION ET IMPOSITION

 

Rédaction  Jane May Allain
Division du droit et du gouvernement

Octobre 1996

                                      


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

EXAMEN DE L'ACTUEL DROIT DES PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANT

   A.  Détermination du quantum des pensions
      1.   Pratique actuelle
      2.  Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants

   B.  Exécution des ordonnances alimentaires pour enfants

   C.  Imposition des pensions alimentaires pour enfants

CONCLUSION

 


PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS :
DÉTERMINATION DU QUANTUM, EXÉCUTION ET IMPOSITION

 

INTRODUCTION

Lorsqu’il a décrit la nouvelle stratégie fédérale touchant les pensions alimentaires pour enfants annoncée dans le Budget fédéral du 6 mars 1996(1), le ministre de la Justice, M. Allan Rock, a insisté sur l'importance de répondre aux besoins des enfants. Cette stratégie à quatre volets comprend des changements depuis longtemps attendus au traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants et l'introduction de lignes directrices sur ces pensions, ainsi que de nouvelles mesures d'exécution et une majoration de la prestation fiscale pour enfants dont bénéficient les enfants des travailleurs à faible revenu. Ces mesures, qui devraient entrer en vigueur au cours des deux prochaines années, ont suscité une réaction immédiate des avocats, des parents, des militants contre la pauvreté, des universitaires et d'autres commentateurs. Dans le présent document, nous examinons les dispositions législatives applicables aux pensions alimentaires pour enfants sous les trois aspects qui influent sur leur capacité de répondre aux besoins des enfants, soit la détermination du quantum, l'exécution et l'imposition. Nous y traitons également des changements annoncés dans le dernier budget et y soulevons un certain nombre de problèmes qui seront mis en évidence au cours de la période de transition pendant laquelle les mesures budgétaires de 1996 seront débattues et adoptées.

Le droit de la famille, dont le droit des pensions alimentaires pour enfants est un élément important, évolue rapidement au Canada. Cette évolution traduit les efforts qu'a déployés l'appareil judiciaire pour suivre les changements radicaux qui sont survenus au sein de la société canadienne, notamment dans les familles. Le droit des pensions alimentaires pour enfants dicte les sommes que les parents sont tenus de contribuer au soutien financier de leurs enfants après une séparation ou un divorce. Ces paiements sont assujettis à l'impôt fédéral sur le revenu, et toute obligation non remplie peut être exécutée en vertu de la législation provinciale.

La Constitution prévoit le partage du pouvoir de légiférer dans ces domaines entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le divorce et les mesures accessoires en découlant - garde et pension alimentaire - sont régis par la Loi sur le divorce de 1985. Les lois provinciales régissent les droits patrimoniaux, ainsi que la pension alimentaire et la garde dans les cas où les conjoints ne demandent pas le divorce. L'exécution des obligations alimentaires est de la compétence des provinces, et les lois provinciales traitent également de questions comme l'adoption, la protection des enfants et le changement de nom. Cependant, bon nombre des règles de common law qui influent sur les décisions prises au regard du droit de la famille ont été élaborées dans un système judiciaire à l'intérieur duquel il y a souvent chevauchement des compétences fédérales et provinciales.

Au cours des 20 dernières années, la plupart des gouvernements au Canada ont réexaminé et modifié en profondeur leur législation relative au droit de la famille. Ils se sont sérieusement efforcés de tenir compte de divers changements sociaux, dont le fait que la famille nucléaire se présente plus fréquemment de nos jours sous des formes variées, l'accroissement de la participation des femmes à la vie active et la reconnaissance du fait que le divorce peut avoir des répercussions à long terme pour les parents et les enfants. Les organismes législatifs canadiens ont cherché à modifier la législation liée au droit de la famille afin qu'elle pourvoie plus efficacement aux besoins des familles se trouvant dans ces circonstances. Non seulement les lois dans ce domaine ont-elles été modifiées fréquemment ces dernières années, mais il ne s'est pas écoulé suffisamment de temps pour que l'on puisse déterminer quelles mesures ont été efficaces, ni à quel degré.

EXAMEN DE L’ACTUEL DROIT DES PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS

Jusqu'à la fin de la première moitié du siècle actuel, le droit des pensions alimentaires pour enfants au Canada a été inspiré par le désir de l'État de pourvoir aux besoins des femmes et des enfants nécessiteux, abandonnés par un mari ou un père. À partir des années 70, la nouvelle législation en matière de droit de la famille aux paliers fédéral et provincial a commencé à être axée sur l'obligation des parents, père ou mère, de subvenir aux besoins de leurs enfants. Toutefois, parce que la plupart des enfants habitent avec leur mère après que leurs parents se sont séparés, ce sont surtout les pères qui ont à payer des pensions alimentaires pour les enfants. De nombreux observateurs en sont arrivés à la conclusion que le montant inadéquat des pensions alimentaires pour enfants et une exécution inefficace des obligations alimentaires ont grandement contribué à la pauvreté des enfants au Canada.

La situation économique à laquelle doivent faire face les familles après une séparation varie considérablement selon les circonstances. Si le couple est très riche, les parents ne se trouvent nullement démunis après une séparation, et les questions financières à régler peuvent englober le partage des responsabilités quant au paiement de ce que certains considéreraient comme un luxe, par exemple les frais de scolarité d'écoles privées et les dépenses associées au placement dans des camps de vacances exclusifs. Dans ces familles, tant le père que la mère peuvent gagner un revenu élevé, de sorte que l'un des conjoints n'a pas à compter sur la pension alimentaire de l'autre, et ils ont chacun suffisamment d'argent pour subvenir pleinement aux besoins des enfants. Cependant, ces cas sont l'exception et, même là, le droit de la famille ne prévoit pas toujours le partage équitable des responsabilités en ce qui concerne les enfants.

Certaines grandes tendances se dégagent quant aux réalités économiques auxquelles sont confrontées les familles séparées. Un nombre important d'enfants canadiens vivent dans la pauvreté - un sur cinq en 1985(2) et un lien a été établi entre la pauvreté chez les enfants et l'échec du mariage. Les familles monoparentales dirigées par des femmes constituent le groupe le plus menacé par la pauvreté au Canada : 59 p. 100 d'entre elles vivent en deçà du seuil de pauvreté(3). Les auteurs d'études portant sur les pensions alimentaires pour enfants au Canada ont fait ressortir que celles-ci ne représentent même pas en moyenne la moitié des dépenses réelles engagées et que c'est habituellement le conjoint ayant la garde des enfants qui doit absorber la différence(4). Étant donné qu'une majorité écrasante des conjoints ayant la garde des enfants sont des femmes et que leur revenu ne représente en moyenne que les deux tiers de celui des hommes, il est évident qu'un fardeau inéquitable est imposé aux femmes devant élever seules leurs enfants.

Comme l'a observé Lenore Weitzman aux États-Unis, le divorce, sur le plan économique, "est injuste pour les femmes et les enfants. [...] Les données font ressortir un écart considérable entre la situation financière des hommes divorcés et celle des femmes divorcées à tous les niveaux de revenu, peu importe la durée du mariage. Les femmes de tous âges et de toutes les couches socio-économiques doivent faire face à une baisse soudaine de leur niveau de vie [...] alors que celui de leur ex-mari s'améliore. [...] Ces changements d'ordre économique ont des répercussions psychosociales dramatiques sur les enfants du divorce"(5). Cette dynamique est également observable au Canada, et pour bon nombre des mêmes raisons.

Un certain nombre de commentateurs ont cependant fait remarquer que le droit de la famille ne peut, à lui seul, expliquer la pauvreté chez les enfants et la «féminisation de la pauvreté», c'est-à-dire la présence disproportionnée de femmes parmi les pauvres. Comme l'explique la professeure E. Diane Pask, malgré les énormes modifications dont a fait l'objet le droit de la famille au cours des 15 dernières années, il n'y a guère eu de changement dans l'inégalité sociale et économique entre les hommes, les femmes et les enfants au Canada(6). Analysant deux récents livres américains au sujet de la pauvreté chez les enfants et du droit de la famille, la professeure de droit des États-Unis Marsha Garrison a signalé que l'amélioration des mesures législatives relatives aux pensions alimentaires pour enfants ne peut soulager radicalement la pauvreté chez les enfants parce que trop de parents ont des salaires insuffisants et que faire vivre deux familles coûtera toujours plus qu’en faire vivre une seule(7). On ne peut s'attendre à ce que l'amélioration des dispositions législatives relatives aux pensions alimentaires pour enfants tire de la pauvreté un nombre important d'enfants étant donné que ce sont les enfants les moins nécessiteux qui en profitent le plus. Cependant, la politique sur les pensions alimentaires continue d'avoir sa place, car elle aura peut-être pour effet de répartir équitablement entre les membres d'une famille la charge économique découlant d'une séparation ou d'un divorce et de garantir que les enfants ne souffrent pas d'une façon disproportionnée de la dissolution du mariage(8).

   A. Détermination du quantum des pensions

      1. Pratique actuelle

Les pensions alimentaires pour enfants s'établissent de différentes façons : volontairement par les parties qui ont accepté de régler leurs affaires dans un accord de séparation ou un jugement convenu, ou alors par la décision d'un juge qui applique les mesures provinciales du droit de la famille ou les dispositions de la Loi sur le divorce. Lorsque les parties ne parviennent pas à régler la question des pensions alimentaires pour enfants, c'est alors que, comme dans la plupart des litiges en droit de la famille, les décisions sont laissées à la discrétion du juge. Étant donné la complexité des questions que soulève l'échec d'un mariage, le juge doit disposer d'un pouvoir discrétionnaire de manière à tenir compte de tous les aspects de la situation. Le juge doit avoir une marge de manoeuvre suffisamment grande pour examiner toutes les variables mais, conséquence malheureuse de l'exercice du pouvoir discrétionnaire, il risque de ne pas y avoir d'uniformité d'un juge à l'autre. Si les montants des pensions alimentaires pour enfants étaient plus uniformes, comme on espère qu'ils le seront en vertu du système proposé dans le Budget de 1996, les résultats seraient plus prévisibles et les parties pourraient régler leurs affaires à l'amiable.

Le juge James Williams, du Tribunal de la famille de Dartmouth (N.-É.), a trouvé dans un sondage de 1989 que les mots les plus communément utilisés par les auteurs, les avocats et les juges pour décrire les pensions alimentaires pour enfants étaient insuffisant, inégal et arbitraire(9). Les pensions alimentaires pour enfants sont insuffisantes au moment où elles sont établies, et la situation ne fait qu'empirer sous l'effet de l'inflation et à mesure que les enfants vieillissent et que leurs besoins financiers augmentent. La professeure Pask a établi que le commentaire de la cour et les données d'enquête appuient l'hypothèse selon laquelle les coûts augmentent à mesure que l'enfant avance en âge(10). Les ordonnances alimentaires pour enfants sont arbitraires, car les montants ne sont pas fixés par des lignes directrices et ne sont pas fondés, dans la plupart des cas, sur des principes judiciairement énoncés. Et il y a un grand manque d'uniformité entre les juges et entre les zones de compétence.

Au Canada, ce manque d'uniformité est fortement accentué par le nombre de tribunaux qui rendent des décisions sur les pensions alimentaires pour enfants, par le nombre de lois provinciales et fédérales qui interviennent dans ces décisions, par les disparités régionales dans le coût de la vie, et ainsi de suite.

Les problèmes liés aux dispositions législatives qui président à la détermination du quantum par les juges ont été examinés en détail par le juge L'Heureux-Dubé, dans un jugement concordant rendu en 1994 dans l'affaire Willick c. Willick(11). Dans les motifs qu'elle invoque, Mme L'Heureux-Dubé dit que, en matière de pension alimentaire pour enfants, on ne saurait fermer les yeux sur la réalité, soit que nombre de femmes et d'enfants éprouvent des difficultés financières à la suite d'un divorce. Elle cite une étude dans laquelle le ministère de la Justice évalue la Loi sur le divorce et qui montre que les montants de prestations alimentaires pour enfants se sont détériorés entre 1985 et 1988, augmentant d'autant le fardeau des parents qui ont la garde(12). Elle cite par ailleurs d'autres autorités qui ont traité de l'insuffisance des pensions alimentaires pour enfants au Canada et décrit les solutions tentées, comme les efforts de différentes provinces pour quantifier les coûts réels de l'éducation des enfants(13), l’existence d'un «plafond de verre», barrière invisible qui maintient les ordonnances alimentaires pour enfants en deçà d'un montant maximum(14), et l'ignorance générale des juges quant à ce qui devrait être calculé dans les coûts de l'entretien des enfants. Mme  L'Heureux-Dubé s'est vigoureusement élevée contre le fait que des enfants vivent près du seuil de pauvreté quand les parents non gardiens ont les moyens de répondre à leurs besoins : «[...] ce n'est pas sur les enfants et les parents qui ont la garde que devrait reposer principalement le fardeau financier du divorce»(15).

Les juges qui tranchent les demandes de pension alimentaire pour enfants, en vertu de la Loi sur le divorce, doivent le faire en appliquant les paragraphes 15(5) et (8) :

(5) En rendant une ordonnance conformément au présent article, le tribunal tient compte des ressources, des besoins et, d'une façon générale, de la situation de chacun des époux et de tout enfant à charge qui fait l'objet d'une demande alimentaire, y compris :

a) la durée de la cohabitation des époux;

b) les fonctions qu'ils ont remplies au cours de celle-ci;

c) toute ordonnance, entente ou autre arrangement alimentaire au profit de l'époux ou de tout enfant à charge; [...]

(8) L'ordonnance rendue pour les aliments d'un enfant à charge conformément au présent article vise :

a) à prendre en compte l'obligation financière commune des époux de subvenir aux besoins de l'enfant;

b) à répartir cette obligation entre eux en proportion de leurs ressources.

La première étape à franchir pour déterminer le montant approprié de la pension alimentaire pour l'enfant consiste à évaluer les besoins de ce dernier. Cette démarche comprend l'examen de questions d'une complexité considérable. Les besoins d'un enfant seront déterminés dans une certaine mesure en fonction de la situation financière des parents. Dans des affaires du genre, voici quelques-unes des questions sur lesquelles on s'est longuement interrogé : Quel pourcentage des frais fixes du conjoint ayant la garde, comme le loyer et les services, a trait au soutien de l'enfant? Dans quelle mesure la pension alimentaire attribuée à l'enfant devrait-elle dépasser les frais de subsistance? Quelles dépenses, comme les leçons de musique ou les frais d'orthodontie, sont légitimes?

Les avocats spécialisés dans le droit de la famille se plaignent souvent que les juges ne savent pas au juste combien il en coûte pour élever des enfants. L'appareil judiciaire au Canada est "dans l'ensemble ignorant des coûts devant être engagés pour les enfants, et comme de nombreux juges sont des hommes qui proviennent de familles intactes, ils n'ont guère d'expérience, sinon aucune, de l'entretien des enfants"(16). Par conséquent, de nombreux observateurs ont prôné la sensibilisation de l'appareil judiciaire dans ce domaine, ou l'établissement de règles de fixation des pensions alimentaires pour enfants, qui remplaceraient le pouvoir discrétionnaire. Par ailleurs, tout en insistant dans Willick(17) sur l'importance du pouvoir discrétionnaire du juge, Mme L'Heureux-Dubé a discuté en détail des sources d'information sur les coûts de l'éducation des enfants que l'avocat doit faire connaître au juge, y compris divers types de données et le commentaire sur l'insuffisance des ordonnances alimentaires pour enfants et les coûts de l'éducation des enfants.

En pratique, l'avocat et du père et celui de la mère sont chacun tenus de présenter un état de la situation financière de leur client ou de leur cliente qui renferme des détails sur leur budget, les biens dont il ou elle est propriétaire et leurs dettes. La plupart des avocats des conjoints à qui la garde d'un enfant a été confiée produisent également un état des dépenses de l'enfant, entre autres, celles qui sont engagées pour les aliments, le logement et le vêtement, et d'autres dépenses comme celles qui doivent être engagées pour les leçons de hockey et les divertissements. Parce que les décisions sont prises dans le contexte de la procédure judiciaire contradictoire, c'est le travail de l'avocat de la partie adverse d'essayer de réduire ou d'éliminer ces dépenses, ce qui résulte souvent en une évaluation globale moins élevée des besoins de l'enfant.

Les tribunaux ont établi très peu de règles générales à cet égard. Il n'est pas clair si tous les conjoints n'ayant pas la garde de leurs enfants sont tenus de contribuer à l'alimentation de ceux-ci, peu importe leurs moyens financiers, ou si seuls ceux qui ont acquis une certaine indépendance financière sont obligés de le faire. Dans bien des cas, le conjoint n'ayant pas la garde présentera ses affaires de manière à laisser croire qu'il ne peut contribuer au soutien financier d'un enfant. Comme le juge Williams l'a fait observer, pour compenser, les tribunaux ont imputé un revenu aux parties qui ont délibérément réduit leur capacité de payer (par exemple, en quittant leur emploi ou en retournant aux études), les ont obligées à vendre leurs biens, ont accordé des paiements forfaitaires déduits des biens matrimoniaux lorsqu'un conjoint répugnait à verser une pension alimentaire, et ont rendu des ordonnances alimentaires fondées sur un réarrangement des dettes du payeur(18).

Les calculs sont encore plus complexes lorsque l'un des conjoints, quand ce n'est pas les deux, vit avec un nouveau partenaire. Dans quelle mesure faut-il tenir compte des moyens financiers et des besoins combinés du nouveau ménage? De toute évidence, des obligations et des sources de revenu nouvelles doivent intervenir dans l'évaluation du style de vie d'une partie ou de l'autre. L'objectif de la décision relative à la détermination du quantum est d'assurer que les enfants ont un niveau de vie se rapprochant le plus possible de celui qu'ils avaient avant la séparation. En outre, il se peut que les enfants aient des sources de revenu indépendantes, comme le crédit d'impôt pour enfants ou un travail à temps partiel. Par ailleurs, une personne qui n'est ni le père ni la mère d'un enfant peut être tenue par la loi de subvenir au besoin de celui-ci parce qu'elle "tient lieu" de parent(19). Dans de nombreux cas, la détermination de la pension alimentaire se fait en fonction d'actions en modification. La tâche du tribunal est alors compliquée par le fait qu'il doit tenir compte des ordonnances ou ententes antérieures lorsqu'il détermine le nouveau montant de la pension alimentaire pour enfants.

On a déjà cherché par la voie judiciaire à établir une formule pour la détermination de la pension alimentaire pour enfants. Dans l'affaire Paras(20) notamment, une formule a été énoncée, laquelle prévoit la répartition entre les parents, selon leur revenu respectif, du montant requis pour répondre aux besoins des enfants. Cette formule est couramment utilisée et elle a le mérite d'être juste, mais elle ne tient pas compte des cas où les revenus sont élevés, des tierces parties, de l'inflation ou du problème de l'évaluation des coûts de l'entretien des enfants. Étant donné que le nombre des formules auxquelles les juges peuvent avoir recours est illimité, le choix d'une formule est lui aussi assujetti au pouvoir discrétionnaire du juge et peut entraîner un manque d'uniformité.

Dans le cadre d'une étude exhaustive de l'interprétation judiciaire des dispositions de la Loi sur le divorce de 1985 relatives aux pensions alimentaires pour enfants, Carol Rogerson en est arrivée à la conclusion que dans la plupart des cas le montant de la pension accordée ne foyer où vit l'enfant et de celui de l'ex-conjoint n'en ayant pas la garde, voire qu'il est en deçà contribue pas à l'égalisation du niveau de vie du même de la norme Paras. Selon elle, "[i]l arrive fréquemment que le revenu du ménage du conjoint ayant la garde (habituellement la mère) se situe entre 40 et 80 p. 100 de celui de l'autre conjoint"(21). Comme elle le fait ressortir, cela veut dire que la famille se composant de deux personnes ou plus (habituellement celle de la mère) doit survivre avec un revenu moindre qu'un ménage ne se composant que d'une seule personne (habituellement celle du père à moins qu’il ne se remarie).

L'application par les tribunaux de la formule énoncée dans l'affaire Paras, laquelle prévoit l'attribution aux parents d'une part strictement proportionnelle des coûts liés à la garde des enfant, a amené Rogerson à conclure que cette formule est injuste à deux égards : 1) les tribunaux ne tiennent habituellement pas compte du revenu relativement faible des mères ayant la garde de leurs enfants, de sorte qu'un fardeau financier disproportionné leur est imposé; et 2) aucun crédit n'est accordé à la contribution non financière de la mère pour les soins donnés à ses enfants, sauf dans les rares cas où le conjoint n'en ayant pas la garde n'exerce pas son droit d'accès.

L'étude de Carol Rogerson était fondée sur l'examen de la jurisprudence en droit de la famille. Mme Rogerson a fait remarquer que même si, dans l'échantillon évalué, les pensions alimentaires étaient probablement plus élevées que la norme parce que ce ne sont habituellement que les mieux nantis qui peuvent se permettre la litigation, les objectifs de l'ordonnance alimentaire rendue au profit des enfants, énoncés dans la Loi sur le divorce, sont rarement atteints. En fait, les seuls cas où la réalité se rapproche le plus de la théorie sont ceux où la pension alimentaire du conjoint est généreuse ou ceux où le conjoint ayant la garde gagne un revenu relativement élevé. Selon Mme Rogerson, "[i]l est rare que les enfants aient le même niveau de vie qu'avant la rupture du mariage, voire un niveau de vie équivalant à celui du conjoint n'en ayant pas la garde"(22).

Dans l'affaire Syvitski c. Syvitski, que Mme L'Heureux-Dubé cite favorablement dans l'affaire Willick, le juge Williams a établi une liste de vérification exhaustive à examiner en fixant les prestations alimentaires pour enfants(23). Parmi les points de la liste se trouvent l'appréciation des besoins des enfants, dont le mode de vie; l'appréciation de l'autonomie du parent gardien et du parent non gardien; la prise en considération des incidences fiscales de la prestation; les dépenses d'accès; les responsabilités quant à l'entretien d'autres personnes; et les contributions non financières aux soins et à l'éducation des enfants.

Dans bien des cas, l'incidence de l'impôt sur le revenu des deux parents, une question que nous abordons plus en détail ci-dessous, vient compliquer la décision relative à la détermination du quantum. Les avocats et les juges sont censés tenir compte de l'incidence de l'impôt lorsqu'ils déterminent le montant des pensions alimentaires pour enfants, mais la complexité des règles de l'impôt sur le revenu, à laquelle s'ajoutent les crédits de TPS et d'impôt pour enfants, et de nombreux éléments nouveaux dans la vie des parties pouvant contribuer à fausser la cotisation établie, comme l'ajout d'autres enfants, de nouveaux partenaires, de nouvelles sources de revenu et ainsi de suite, peuvent faire qu'il n'est pas tenu adéquatement compte des répercussions de l'impôt. La pension alimentaire pour enfants attribuée par un tribunal, ou dont les parties à un accord ont convenu, est censée incorporer tous les faits nouveaux qu'il est raisonnablement possible de prévoir.

Mis à part l'incertitude du processus judiciaire, il est d'autres problèmes qui peuvent contribuer à l'insuffisance des pensions alimentaires pour enfants. En pratique, les besoins raisonnables d'un enfant peuvent être de loin supérieurs à la capacité combinée de ses parents d'y subvenir. Lorsque les moyens du conjoint n'ayant pas la garde de l'enfant sont insuffisants, l'analyse du tribunal porte souvent sur sa capacité de payer. La procédure administrative utilisée par les tribunaux, y compris les états financiers que doit présenter chaque partie, met l'accent sur la situation financière des parents. Les tribunaux ont tendance à s'attacher au revenu disponible du conjoint non gardien, et le conjoint qui a la garde peut devoir, peu importe ses moyens financiers, payer la partie des dépenses de subsistance qui ne peut être prélevée sur le revenu disponible du conjoint payeur.

      2. Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants

Afin de corriger l'arbitraire de l'actuelle façon de déterminer le montant des pensions, le gouvernement fédéral a annoncé, dans le cadre du Budget du 6 mars 1996, qu'il incorporera des lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants à la Loi sur le divorce. Ces lignes directrices, énoncées dans l'annexe du document budgétaire intitulé «Budget 1996 : Le nouveau système de pensions alimentaires pour enfants», permettraient aux couples qui se divorcent de déterminer immédiatement le montant qu'il convient de payer pour les aliments de l'enfant, en fonction du revenu du conjoint payeur. Ainsi, il sera possible de remplacer le système par lequel les juges, usant de leur pouvoir discrétionnaire, déterminent les coûts précis liés à l'éducation d'un enfant par un autre grâce auquel les parties seront guidées par des tableaux dont les chiffres se fondent sur les dépenses moyennes occasionnées par les enfants; cependant, ce système ne vaudra que pour les cas décidés en vertu de la Loi sur le divorce. Les documents du budget précisent que les autorités fédérales travaillent avec les provinces et les territoires pour les encourager à adopter eux aussi des lignes directrices. Selon le gouvernement, grâce à l'application des lignes directrices, les montants des pensions alimentaires pour enfants seront plus uniformes pour des niveaux de revenu semblables, et plus d'enfants recevront une prestation adéquate(24).

C'est le Comité fédéral-provincial-territorial du droit de la famille qui a recommandé l'adoption au Canada de règles sur les pensions alimentaires pour enfants. Le Comité, qui avait commencé en juin 1990 à étudier la question, a produit son rapport final en janvier 1995(25). Il a jugé que les règles constituent la meilleure façon d'uniformiser les ordonnances alimentaires pour enfants, ainsi qu'un moyen d'augmenter les montants des pensions en général. Le Comité espère que, grâce à cet outil d'uniformisation, les particuliers pourront, dans une grande proportion des cas, régler leurs affaires sans avoir recours aux litiges. Les documents du budget ont eux aussi fait valoir comme un des avantages du nouveau système le fait que l'établissement des lignes directrices pourrait faciliter les règlements et réduire les frais juridiques(26).

Les États-Unis ont des règles de détermination des pensions alimentaires pour enfants depuis 1987, chaque État ayant dû adopter des lignes directrices en ce sens. Le juge Williams a étudié deux articles de juristes américains(27), et il a énoncé les modèles de règles suivants dont se sont dotés les États-Unis :

  • Modèle fondé sur un pourcentage fixe du revenu

Le conjoint n'ayant pas la garde des enfants est tenu de verser un pourcentage fixe de son revenu brut ou net, peu importe le revenu du conjoint qui a la garde.

  • Modèle fondé sur le partage du revenu

Les revenus des parents sont additionnés et les dépenses liées aux soins des enfants sont évaluées en fonction de la somme qui leur aurait été consacrée avant la rupture du mariage; les dépenses sont ensuite réparties entre les parents au prorata de leur part respective du revenu combiné.

  • Formule Delaware (Melson)

Après avoir retranché du revenu respectif des parents le montant dont chacun a besoin pour subvenir à ses propres besoins, on établit les besoins fondamentaux des enfants (il y a un minimum); ces derniers reçoivent ensuite un pourcentage du revenu du conjoint n'en ayant pas la garde, une fois les deux premières sommes déduites.

  • Modèle fondé sur l'égalisation des revenus (Cassetty)

On égalise le revenu net du ménage de chacun des parents, et l’on retranche de celui-ci un montant permettant d'assurer la subsistance de chacun des membres de chaque ménage au niveau du seuil de pauvreté.

Aux États-Unis, comme cela serait le cas en vertu de la proposition de 1996, les tribunaux ne sont pas tenus de suivre les lignes directrices, ces dernières étant plutôt considérées comme des présomptions réfutables. Ainsi, dans le contexte de la procédure contradictoire, les parties peuvent chercher à se soustraire à leur application en démontrant qu'elles sont en quelque sorte injustes. Les lignes directrices semblent cependant demeurer souhaitables parce qu'elles mettent l'accent sur le revenu plutôt que sur les dépenses et que les tribunaux partagent le revenu au lieu d'évaluer arbitrairement la légitimité des dépenses(28).

Le Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille a étudié ces lignes directrices, ainsi que d'autres règles de détermination des pensions alimentaires pour enfants, et leur application selon divers modèles économiques. Les lignes directrices atteignent l'objectif qui consiste à simplifier le système des pensions alimentaires pour enfants à divers degrés. L'un des plus grands problèmes que comporte l'application de cette solution dans le contexte canadien est énoncé dans le rapport de recherche du Comité intitulé Les incidences économiques des règles de fixation des pensions alimentaires pour enfants : "[...] bien que des règles de fixation des pensions alimentaires pour enfants cherchent à simplifier la méthode de détermination de ces pensions et les rendre plus équitables, dans le cadre du régime d'imposition actuel, cette tâche demeure assez complexe"(29). Le problème fiscal n'a pas été complètement résolu par le Comité dans son rapport final, et il en est davantage question dans la prochaine partie du présent document. Le gouvernement fédéral, dans son projet de réforme des pensions alimentaires pour enfants de mars 1996, a tenté de corriger le chevauchement détermination du quantum-imposition en adoptant des lignes directrices et en éliminant la nécessité pour le récipiendaire de calculer comme revenu les paiements versés à titre de pensions alimentaires pour enfants et la nécessité pour le payeur de déduire ces pensions.

Les lignes directrices annoncées dans le Budget de 1996 sont semblables aux règles qu’a recommandées le Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille, mais elles s’éloignent de celles-ci de façon significative sur plusieurs points. Tel que le Comité l'a proposé, les lignes directrices contiennent des tableaux de chiffres fondés sur une formule mathématique qui «permet de calculer le montant convenable de la pension, en tenant compte des données économiques sur les dépenses moyennes occasionnées par les enfants pour différents niveaux de revenu»(30). La formule réserve sur le revenu du parent payeur un montant de base pour ses besoins personnels et tient compte des impôts fédéral et provincial à payer. Des tableaux distincts s'appliquent à chaque province conformément aux taux d'imposition de chacune, mais aucun calcul supplémentaire ne semble avoir été fait pour tenir compte les différences régionales relatives au coût de la vie. Les chiffres énumérés dans les lignes directrices ne seraient pas obligatoires pour les couples qui négocient un règlement hors cour; par contre, ils serviraient de guide à un juge qui a à trancher une requête en vertu de la Loi sur le divorce. Par ailleurs, dans certaines circonstances, le juge pourrait redresser le montant fixé par les lignes directrices.

Quatre types de dépenses spéciales liées aux enfants pourraient être ajoutés au montant figurant dans les tableaux («Tableaux des pensions alimentaires pour enfants»)(31) : les frais de garde nets des enfants ne fréquentant pas l'école à temps plein ou ayant des besoins spéciaux; les frais médicaux dépassant 200 $ par année et non couverts par des régimes d'assurance-maladie gouvernementaux; les frais d'études; et les «frais extraordinaires» engagés pour des activités parascolaires qui permettent à l'enfant de développer un intérêt ou un talent particulier»(32). Ce dernier point entraînera probablement beaucoup de requêtes devant les tribunaux, étant donné le nombre d'enfants inscrits à des cours de toutes sortes. Si le juge le considère approprié, la contribution du parent payeur à l'une ou l'autre de ces dépenses spéciales sera ajoutée au montant figurant dans le tableau. Par contre, afin de faire réduire le montant du tableau, un payeur pourrait invoquer la contrainte excessive fondée notamment sur trois types de situations. Les documents budgétaires précisent que ces situations pourraient comprendre, entre autres choses, un niveau d'endettement anormalement élevé, des frais importants liés à l'exercice du droit de visite ou des obligations alimentaires envers d'autres enfants ou un conjoint(33).

Des professeurs, des avocats et d'autres commentateurs ont publié des articles concernant les options offertes au Canada en matière de lignes directrices et les recommandations du Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille(34).

Certains ont découragé l'adoption de règles rigides qui risquent de nuire à l'anticipation de changements économiques ou d'empêcher une réaction appropriée(35); d'autres se sont dits inquiets que, dans certains cas, les lignes directrices ne fassent diminuer les montants accordés(36); et l'un des commentateurs a signalé que les tableaux établis par le Comité ne tenaient pas compte du revenu du parent gardien et, par conséquent, entraîneraient un résultat injuste dans tous les cas où les parents n'ont pas un revenu semblable(37). Dans les jours qui ont suivi l'annonce de leur adoption proposée, dans le cadre du budget 1996, les lignes directrices n'ont pas attiré autant d'attention que les autres mesures budgétaires relatives aux pensions alimentaires pour enfants; cependant, les deux principales critiques exprimées ont été l'absence de rétroactivité (pour pouvoir profiter du nouveau système, les parents gardiens doivent essayer de faire modifier les ententes existantes et les montants établis) et l'imprécision des montants (insuffisants ou excessifs, selon la personne qui les commente) établis par les lignes directrices.

En évaluant les recommandations du Comité, le professeur Ross Finnie a laissé entendre que, même si la formule de base était valable, les problèmes liés aux recommandations risquaient d'empirer plutôt que d'améliorer la situation des pensions alimentaires pour enfants au Canada(38). Les inquiétudes de M. Finnie sont les suivantes : 1) les recommandations ne tiennent pas suffisamment compte des dépenses des parents non gardiens qui passent beaucoup de temps avec les enfants, mais moins que les 40 p. 100 du temps donnant droit à un redressement (un redressement intervient seulement dans les cas où le parent non gardien passe plus de 40 p. 100 du temps avec les enfants); 2) il est inapproprié, comme le recommande le rapport du Comité, d'augmenter les montants au-delà des niveaux prévus par la formule de base pour les parents non gardiens à faible revenu; 3) l'inclusion du revenu d'un nouveau conjoint dans le calcul du revenu familial est injuste et pourrait décourager les remariages; 4) les conditions de contraintes excessives s'appliquent seulement aux parents non gardiens à faible revenu, plutôt qu'à tous les parents non gardiens; et 5) le Comité n'a pas déterminé quelle incidence le traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants devrait avoir sur les lignes directrices. Ces problèmes, particulièrement les trois derniers, semblent avoir été résolus jusqu'à un certain point par les propositions du Budget de 1996.

En recommandant l'adoption de règles, ou d'une formule de détermination des pensions alimentaires pour enfants comme il l’a nommée, le Comité fédéral-provincial-territorial a prédit qu'il en résulterait l'attribution de montants plus justes et plus uniformes. C'est sur ce même raisonnement que s'est fondé le gouvernement fédéral. En éliminant comme source de conflits au moment de la séparation les négociations à l'égard des pensions alimentaires pour enfants, la formule améliore les relations familiales et abaisse les coûts juridiques, y compris ceux que doit assumer l'État par le biais de l'aide juridique et de l'administration des tribunaux(39). Le professeur Finnie signale toutefois que si les lignes directrices ont eu un effet positif dans certains pays, dans d'autres, les résultats ont été plutôt désastreux(40).

La professeure Garrison a examiné un certain nombre de conséquences négatives découlant de l'imposition de lignes directrices dans quelques États américains. Après étude de la situation actuelle des pensions alimentaires pour enfants et de la pauvreté chez les enfants, elle en est arrivée à la conclusion que, même si la majorité des enfants pauvres vivent dans des foyers qui seraient admissibles aux prestations alimentaires pour enfants, la plupart ne reçoivent pas un montant suffisant et que plusieurs ne reçoivent absolument rien(41). Elle a également signalé que le montant moyen de pension alimentaire pour enfants en 1989, même s'il était plus haut dans les États qui appliquent des lignes directrices, était en-deçà de sa valeur de 1978 en dollars constants(42). Dans les États pourvus de lignes directrices, le montant moyen des pensions alimentaires pour enfants était supérieur de 228 $ par année, et la proportion de femmes bénéficiant d'une quelconque pension était elle aussi un peu plus élevée; cependant, on a remarqué une baisse dans le respect des ordonnances liées à la pension alimentaire pour enfants. En outre, pour les mères noires et celles qui ne se sont jamais mariées, les lignes directrices entraînaient un taux de prestations inférieur(43). Ces résultats montrent combien il est important d'examiner attentivement l'incidence qu'aura la formule adoptée sur les différents types de familles.

La Section nationale du droit de la famille, de l'Association du Barreau canadien (ABC) a suggéré, en 1992, un modèle différent de lignes directrices relatives aux pensions alimentaires pour enfants(44). L'ABC a proposé des lignes directrices fondées sur une égalisation du niveau de vie des deux unités de la famille divisée. Pour faire les calculs, on combine le revenu brut des parents et on le partage comme suit : trois parties au père, trois parties à la mère et une partie à chacun des enfants. La proposition se fonde sur le principe selon lequel, si les parents se séparent, les enfants doivent éprouver le moins de difficultés économiques possible et conserver autant que peut se faire le niveau de vie qui caractérisait la famille avant la séparation. Il n'est pas précisé ce qu'il adviendrait des situations de familles multiples, quelle serait l'interaction avec la pension du conjoint ni ce qu'il en serait du traitement fiscal de la prestation alimentaire pour enfants. Les propositions du Budget de 1996 incorporent un élément du principe de l'égalisation du niveau de vie des ménages. Lorsqu'un payeur invoque la contrainte excessive pour obtenir une variation du montant payable en vertu de l'Annexe, il aura à prouver que son niveau de vie est inférieur à celui du parent qui a la garde(45).

Le gouvernement fédéral a annoncé dans le Budget de 1996 la création d'un fonds de 50 millions de dollars destiné à élaborer, avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, de nouveaux mécanismes administratifs au niveau provincial afin de faciliter la mise à jour et la modification des ordonnances et des ententes actuelles en matière de prestations alimentaires pour enfants, lesquelles ne seraient normalement pas touchées par l'adoption des lignes directrices. On espère qu'un tel système permettra à tous les enfants et à tous les parents gardiens de profiter du régime amélioré, mais il faudra voir dans quelle mesure cela se produira. Le gouvernement a également promis que Justice Canada surveillera et évaluera l'application des lignes directrices, qu'on procédera à des recherches sur leur incidence et que les parents, les médiateurs, les juges et les avocats seront invités à fournir des renseignements à cet égard. Les résultats de cette évaluation seront soumis au Parlement afin que les législateurs et le public puissent y avoir accès. Justice Canada constituera un Comité consultatif qui le secondera pour la mise en oeuvre des lignes directrices.

L'introduction simultanée de lignes directrices, en tant que présomption réfutable du montant de pensions alimentaires approprié, et d'un nouveau régime fiscal éliminant la déclaration obligatoire imposée au parent gardien qui reçoit une pension ne réussira peut-être pas à régler le problème d'insuffisance des prestations alimentaires pour enfants. Il se peut que les difficultés d'exécution demeurent, même si le budget a prévu également des améliorations dans ce domaine (comme il en sera question dans la prochaine partie), et il continuera d'y avoir des difficultés dans la détermination des pensions alimentaires du conjoint et des enfants, des revenus des parents et d'autres données comme le temps que chaque parent passe avec les enfants. L'étude du Comité et le débat de principe qui en résulte auront au moins un avantage pour les parties et leurs enfants : les Canadiens, y compris les avocats, les juges et les parents, sont de plus en plus conscients de ce qu'il en coûte pour élever des enfants et des conséquences dévastatrices de prestations insuffisantes.

Le juge Williams, après avoir constaté que la frustration éprouvée en Nouvelle-Écosse à propos du manque d'uniformité, du caractère arbitraire et de la complexité des décisions liées à la fixation des pensions alimentaires pour enfants est commune à toutes les autorités nord-américaines, en est arrivé à la conclusion qu'il n'y a pas de solution toute faite au problème(46). Néanmoins, il a proposé un certain nombre de mesures, entre autres, la réduction des instances ayant compétence pour juger des questions de pensions alimentaires pour enfants, l'établissement de règles de fixation des prestations dans chaque province, ainsi que la mise en oeuvre de diverses initiatives par les avocats et les juges pour mieux servir les clients et leurs enfants. Par exemple, les juges devraient, à son avis, se spécialiser comme le font les avocats, de manière à en connaître davantage sur le droit de la famille et les réalités sociales et économiques auxquelles sont confrontées les familles auprès une séparation ou un divorce.

   B. Exécution des ordonnances alimentaires pour enfants

L'exécution des ordonnances alimentaires pour enfants est essentiellement de la compétence des provinces, que les ordonnances aient été rendues en vertu d'une loi provinciale ou de la Loi sur le divorce fédérale. Le rôle du fédéral dans ce domaine a consisté à faciliter les efforts des provinces en assurant aux autorités provinciales l'accès à ses sources d'information au sujet des conjoints ayant manqué à leurs obligations et en veillant à ce que les paiements fédéraux à des particuliers soient assujettis aux dispositions de saisie-arrêt.

La plupart des provinces ont opté ces dernières années pour la création de systèmes gouvernementaux automatiques d'exécution des ordonnances et des ententes alimentaires pour enfants et conjoints. Avant l'adoption de ces nouveaux programmes, les ordonnances alimentaires, comme toutes les ordonnances rendues par les tribunaux dans des causes civiles, ne pouvaient être exécutées qu'à la demande et aux frais du créancier. Autrement dit, la perception des sommes qui lui étaient dues conformément à une telle ordonnance dépendait du succès des efforts du créancier pour la faire exécuter. Les méthodes d'exécution s'offrant au créancier, et dont peuvent toujours se prévaloir ceux qui ont choisi de ne pas participer aux programmes d'exécution administrés par l'État, sont les suivantes : l'examen du débiteur, en vertu duquel celui-ci est tenu de donner, sous serment, des renseignements au sujet de ses biens et de son revenu; la saisie et la vente des biens, y compris des comptes en banque, par le bureau du shérif; la saisie-arrêt du salaire du débiteur ou d'autres sommes qui lui sont dues; et des audiences au cours desquelles le débiteur est tenu d'exposer les motifs du défaut de paiement.

La plupart des assemblées législatives provinciales, en commençant par celle du Manitoba en 1985, ont entrepris de mettre en place un système gouvernemental d'exécution des ordonnances alimentaires en raison d'un grave problème de non-paiement à l'échelle du pays. En 1974, la Commission de réforme du droit estimait qu'il y avait un manquement quelconque aux obligations de paiement dans jusqu’à 75 p. 100 de tous les cas(47). Un certain nombre d'autres études ont confirmé cette tendance, quoiqu'elles aient fait ressortir un taux de non-respect se situant entre 50 et 85 p. 100 à un moment ou à un autre(48). Cette lacune a affaibli tout le régime du droit de la famille, et les législateurs ont reconnu la difficulté que constitue, pour les conjoints qui ont la garde et ne reçoivent pas leur pension, la prise de moyens d'exécution coûteux et inefficaces.

Le fait qu’un si grand nombre de ces parents gardiens aient dû avoir recours à l'assistance publique a peut-être persuadé les gouvernements provinciaux que l'exécution des ordonnances alimentaires ne pouvait désormais plus être considérée comme une question d'intérêt privé. Les coûts que la société devait assumer devenaient de moins en moins tolérables étant donné que l'augmentation du nombre de couples séparés ne s'accompagnait pas d'une augmentation de l'efficacité du régime du droit familial à veiller à ce que les parents continuent de subvenir adéquatement aux besoins de leurs enfants. Plusieurs études ont fait ressortir le coût élevé du système traditionnel d'exécution des ordonnances alimentaires(49).

Les nouveaux systèmes d'exécution provinciaux comportaient certains éléments de base communs inspirés des travaux du Comité fédéral-provincial sur l'exécution au Canada des ordonnances de pensions alimentaires et de garde d'enfants entre 1981 et 1983. Tous les accords de séparation pouvaient être déposés auprès des autorités provinciales, et les ordonnances des tribunaux l'étaient automatiquement. Le créancier ou la créancière cédait son droit d'exécution à l'organisme qui prenait ensuite les mesures les plus efficaces possibles pour que le payeur s'acquitte de ses obligations. Les sommes recueillies étaient ensuite envoyées au créancier ou à la créancière. L'organisme provincial se chargerait de toutes les procédures judiciaires nécessaires, à moins que le débiteur ne demande la modification de l'ordonnance alimentaire ou de l'accord lui-même. Cela voulait donc dire que les créanciers n'avaient pas à retenir les services d'un avocat et n'étaient pas tenus d'amorcer la procédure d'exécution.

On s'attendait à des résultats spectaculaires. D'après les recherches, on savait que les taux élevés d'omission n'étaient pas attribuables à l'incapacité des débiteurs de payer. Dans une étude empirique du système d'exécution de droit privé en Alberta, l'Institute for Law Research and Reform en est arrivé à la conclusion que 80 p. 100 des conjoints séparés ou divorcés disposaient d'un revenu suffisant pour s'acquitter de leurs obligations envers leur ex-conjoint et leurs enfants(50). Parce que les raisons du non-paiement avaient peu à voir avec la capacité de payer, on espérait que des méthodes d'exécution efficaces garantiraient suffisamment d'argent aux conjoints gardiens et à leurs enfants.

Au palier fédéral, des mesures législatives ont également été prises. La Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions, L.R.C. 1985, c. G-2, autorise la saisie-arrêt du salaire et des prestations de pension des fonctionnaires fédéraux. La Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, L.R.C. 1985, c. F-1.4, assure aux autorités provinciales l'accès aux fichiers fédéraux pour les aider à retracer les conjoints ayant failli à leurs obligations. Elle autorise également la saisie-arrêt de "sommes saisissables" qui englobent, depuis l'adoption du règlement d’application en 1988, les remboursements d'impôt, les prestations d'assurance-chômage, les paiements au titre de la sécurité de la vieillesse et les allocations de formation. Depuis janvier 1991, les crédits de TPS sont inclus et, en juin 1991, les pouvoirs de saisie-arrêt ont été étendus aux prestations du Régime de pensions du Canada. Le ministère de la Justice compte maintenant une section chargée de fournir des données de localisation et de pratiquer la saisie-arrêt de sommes fédérales désignées par les dispositions législatives. Selon le rapport du Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille, la section traite maintenant 10 000 demandes de localisation par année et saisit annuellement quelque 37 millions de dollars(51).

Les nouvelles mesures fédérales d'exécution, qui font partie du Budget de 1996, comprennent la suspension des licences et permis fédéraux, le renforcement des moyens pour dépister les débiteurs défaillants et l'extension des pouvoirs de distraction des prestations de retraite fédérales. L'initiative de suspension des licences et permis habilitera le gouvernement fédéral, à la demande d'un organisme provincial ou territorial d'exécution des ordonnances alimentaires, à suspendre les permis, privilèges et certificats appartenant à un débiteur qui a manqué à ses obligations alimentaires au cours de trois mois consécutifs ou qui a accumulé des arrérages de 3 000 $(52). L'organisme d'exécution en cause avisera le payeur défaillant de l'intention de recourir à ce moyen pour que le débiteur ait la possibilité d'éviter la suspension en prenant des dispositions de paiement. La mesure s'appliquera d'abord aux passeports et à certains permis et certificats d'aviation et de marine, mais pourra plus tard inclure d'autres pièces.

Outre l'aide au dépistage des débiteurs déjà consentie par le gouvernement fédéral aux organismes d'exécution des ordonnances alimentaires, les mesures annoncées en mars 1996 signifient que Revenu Canada sera ajouté à la liste des ministères fédéraux dont les banques de données peuvent être scrutées à la demande d'un organisme provincial d'exécution. Les renseignements obtenus, comme l'adresse du débiteur et le nom de son employeur, restent confidentiels et ne servent qu'à localiser le payeur défaillant et à l'amener à verser sa pension alimentaire. Les nouvelles mesures de distraction des prestations de retraite exigeront la modification des actuelles dispositions en matière de pensions de retraite de manière à permettre la distraction de telles prestations dans un plus grand nombre de cas et à maximiser les prestations de retraite qui peuvent être appliquées aux obligations alimentaires(53).

Plusieurs autres mesures d'exécution ont été annoncées, dont une étude de faisabilité sur la possibilité d'adopter un mécanisme américain d'exécution des ordonnances dans le cadre duquel tous les organismes gouvernementaux sont obligés de transmettre à un registre national leurs données sur les nouveaux employés et sur les employés réembauchés. Par ailleurs, le gouvernement fédéral financera une campagne nationale de sensibilisation du public, conçue avec la collaboration des provinces et des territoires et visant à modifier les attitudes de la société à l'égard des obligations alimentaires. Il versera également jusqu'à 13,7 millions de dollars à l'égard des projets fédéraux-provinciaux-territoriaux conjoints qui favorisent des méthodes novatrices et plus rigoureuses d'exécution des ordonnances ou la perception rationalisée des pensions établies en vertu d'ordonnances rendues à l'extérieur de la province. Un nouveau poste de directeur fédéral d'exécution des ordonnances alimentaires sera créé au ministère de la Justice, et le titulaire sera chargé de coordonner les efforts et services d'exécution à l'échelon fédéral ainsi que de collaborer avec les provinces et les territoires. Un certain nombre d'améliorations au niveau des aspects techniques et de la recherche seront également adoptées.

Les autorités d'exécution provinciales n'ont pas considérablement contribué à l'amélioration du taux global d’application des ordonnances alimentaires. Le volume énorme des cas qui leur sont confiés explique vraisemblablement en partie les résultats décevants obtenus jusqu'à maintenant. Un système informatique assure le suivi de toutes les ordonnances déposées, et les paiements sont versés à l'autorité provinciale, qui les fait parvenir au créancier. En raison des milliers et des milliers de paiements traités, le système peut difficilement tenir compte de facteurs comme des ententes entre débiteurs et créanciers, des changements dans la situation financière de l'une des parties, ou un décès. Le Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille offre d'autres explications dont l'incapacité des débiteurs de verser les pensions et les difficultés qu'ils éprouvent à payer les frais juridiques nécessaires pour faire modifier une ordonnance, les problèmes de localisation des conjoints payeurs et la difficulté de faire saisir les travailleurs autonomes, l'attitude du conjoint débiteur qui n'attache pas suffisamment d'importance aux pensions alimentaires des enfants et, enfin, la complexité d'une collaboration interprovinciale et internationale(54).

Certaines provinces ont modifié en profondeur, plus récemment encore, leurs systèmes d'exécution. L'Ontario a adopté la Loi sur le régime des obligations alimentaires envers la famille, L.O. 1991, c. 5, qui est entrée en vigueur le 1er mars 1992 et qui a pour objet de rationaliser l'exécution aux fins de l'amélioration du service aux créanciers. Ce nouveau système controversé comporte des déductions automatiques de la pension, ce qui veut dire que toutes les ordonnances alimentaires doivent contenir des dispositions exigeant une retenue à la source sur le revenu du débiteur en faveur du bureau du Régime des obligations alimentaires envers la famille, retenue que celui-ci verse directement au créancier. Cette solution s'apparente à la saisie-arrêt, sauf que le revenu de chaque débiteur est affecté, qu'il ait failli ou non à ses obligations. Des amendes plus sévères sont prévues en cas d'infraction à la Loi, lesquelles peuvent aller jusqu'à 10 000 $ ou à une peine d’emprisonnement. La Loi renferme également une nouvelle disposition en vertu de laquelle il est très difficile pour un couple de se soustraire à l'application du système : il lui faut arriver à convaincre un juge du bien-fondé de ses motifs, et le débiteur doit déposer en guise de garantie un montant égal à quatre mois de pension alimentaire.

La Saskatchewan a pour sa part apporté des modifications moins radicales à son Enforcement of Maintenance Orders Act, S.S. 1984-85-86, c. E-9.2, les dernières étant entrées en vigueur en novembre 1992. Les pouvoirs d'exécution du bureau d'exécution des ordonnances alimentaires et de son directeur ont été accrus. Le directeur peut désormais fixer un montant ne dépassant pas 15 p. 100 du revenu brut du payeur, jusqu'à concurrence de 500 $ par mois, montant qui peut faire l'objet d'une saisie-arrêt parallèlement à une obligation alimentaire en cours. Le bref de saisie-arrêt peut être émis et exécuté par le directeur, qui n'a pas à demander une ordonnance au tribunal. En outre, le pouvoir du directeur d'exiger des renseignements au cours d'audiences auxquelles le débiteur est convoqué a été élargi. Selon des porte-parole du ministère de la Justice de la Saskatchewan, le régime d'exécution fonctionne très bien: depuis 1986, le taux des défauts de paiement aurait été ramené de 80 à 32 p. 100(55). La Saskatchewan examine en ce moment des projets de modifications législatives dont la suspension des permis de conduire des débiteurs défaillants(56).

La Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Alberta et la Colombie-Britannique ont aussi proposé ou adopté des mesures plus rigoureuses d'exécution des ordonnances alimentaires, et le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest sont en train de revoir leurs dispositions législatives et d'élaborer des campagnes de sensibilisation(57). Le gouvernement fédéral continue de fournir des fonds aux provinces et aux territoires, principaux percepteurs des pensions alimentaires, afin de les aider à améliorer leurs mécanismes d'exécution. Il a également pris d'autres engagements au niveau de la recherche, du rassemblement de statistiques et de la collaboration, comme le décrit l'annexe qui traite des questions d'exécution des ordonnances alimentaires dans le rapport du Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille(58).

Aucune de ces mesures n'est en place depuis suffisamment de temps pour que les chercheurs puissent tirer des conclusions quant aux modèles les plus susceptibles de contribuer au respect de la loi. En général, des améliorations ont été observées un peu partout au Canada, et la plupart des avocats et des conjoints ayant la garde de leurs enfants ont au moins l'impression que de grands efforts sont faits pour régler le problème du défaut de paiement des débiteurs. L'attention du public a été attirée sur la question de sorte que les obligations alimentaires sont prises plus au sérieux, tant au moment où elles sont établies que par la suite. Le fait que l'on se demande dans bien des cas si les pensions sont suffisantes tient peut-être à ce qu'il est beaucoup plus facile désormais de faire respecter ces obligations alimentaires, et les dernières mesures fédérales indiquent que la tendance se maintient.

Les ouvrages dont la professeure Garrison a fait la critique et qui traitent des expériences américaines concernant la politique sur les pensions alimentaires pour enfants et la pauvreté chez les enfants au cours des 15 dernières années ont mis en évidence l'incapacité des mesures renforcées d'exécution à améliorer, entre autres choses, la situation des enfants pauvres. Certaines techniques nouvelles ont réussi à accroître le respect des obligations, mais d'autres ont échoué. Les retenues salariales automatiques ou obligatoires, méthode largement appliquée au Canada, et l'imposition de privilèges sur la propriété se sont révélées efficaces pour ce qui est de faire respecter les ordonnances et les ententes de prestations pour enfants(59). Les peines criminelles ont semblé perdre de l'efficacité à mesure que les États se dotaient d'autres mécanismes d'exécution. Par contre, les cessions volontaires de salaire ainsi que les sûretés, cautionnements et autres garanties de paiement ont semblé indirectement encourager la hausse des taux de prestations(60). Au Canada, il faudra au fur et à mesure surveiller attentivement les effets des nouvelles méthodes d'exécution, en s'attachant précisément à l'incidence variable des diverses réformes.

   C. Imposition des pensions alimentaires pour enfants

De toutes les mesures annoncées dans le Budget de 1996 au sujet des prestations alimentaires pour enfants, la plus radicale est le changement dans le traitement fiscal de ces prestations. La mesure s'appliquera à toutes les nouvelles ordonnances et ententes finales en matière d'obligations alimentaires pour enfants, prises en vertu des dispositions législatives provinciales ou fédérales, par ordonnance des tribunaux ou accord de séparation, après le 1er mai 1997. En raison de ses profondes conséquences et de l'intérêt qu'ont suscités dans le public les événements qui ont mené à cette modification, dont l'affaire Thibaudeau, la réaction, tant positive que négative, a été intense.

Jusqu'en mai 1997, le mécanisme d'inclusion et de déduction restera en place, de sorte que les pensions alimentaires seront toujours généralement déductibles du revenu imposable du payeur et incluses dans le calcul du revenu du bénéficiaire. Cet arrangement est controversé parce qu'il augmente l'impôt que doivent payer les bénéficiaires, qui sont par définition financièrement dépendants, et qu'il peut atténuer leur capacité d'assumer leurs propres dépenses et celles de leurs enfants. Par contre, il peut avoir pour effet un fractionnement du revenu et l'on en a justifié l'existence en expliquant qu'il réduisait l'obligation fiscale globale de la famille désormais séparée.

Le Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille a examiné, dans son rapport Les incidences économiques des règles de fixation des pensions alimentaires pour enfants, le traitement que le régime fiscal canadien réserve aux pensions versées en faveur des enfants. On y lit que la politique concernant l'inclusion et la déduction des paiements de pensions alimentaires pour enfants a été adoptée en 1942, année où les taux d'impôt sur le revenu des particuliers augmentaient rapidement à cause de la guerre. Divers critères sont venus s'ajouter depuis à la Loi de l'impôt sur le revenu, mais la politique de l'inclusion et de la déduction a été maintenue jusqu’à l’annonce des mesures budgétaires de 1996.

Cette politique d’inclusion et de déduction, comme l'a expliqué le ministère des Finances, reposait sur quatre principes(61). Premièrement, c'est un principe fiscal que, lorsqu'une déduction est demandée par un payeur à l'égard d'une dépense, le bénéficiaire doit payer de l'impôt sur celle-ci. Deuxièmement, les bénéficiaires de pensions alimentaires doivent être imposés au même taux que d'autres contribuables ayant les mêmes revenus provenant d'autres sources.

Le ministère des Finances a présenté deux autres explications à l'appui de cette politique : la théorie selon laquelle la déduction fiscale accordée au payeur rendra plus attrayante l'idée d'une pension alimentaire, théorie qui, compte tenu du pourcentage élevé de ceux qui se soustraient à leurs obligations alimentaires, est à rejeter, et la théorie selon laquelle le traitement fiscal constitue une subvention qui profite aux enfants puisqu'elle encourage le payeur à effectuer des paiements de pensions alimentaires plus élevés. Cette dernière théorie est elle aussi illusoire puisque, comme nous l'avons expliqué plus haut, toute augmentation de la pension alimentaire pour enfants en raison de la prise en considération des conséquences fiscales du soutien des enfants sera consacrée au paiement de l'impôt par le bénéficiaire et non à celui des dépenses engagées pour les enfants.

Lorsque la politique de l'inclusion et de la déduction a été élaborée, la majorité des personnes qui payaient des pensions alimentaires se trouvaient dans une tranche d'imposition plus élevée que celle des bénéficiaires. Le versement d'une pension alimentaire pour ses enfants permettait au payeur de déduire de son impôt un montant supérieur à celui que le bénéficiaire devait ajouter au sien, d'où une réduction de l'impôt pour le couple, et peut-être plus d'argent pour les enfants. La société canadienne a changé énormément depuis 1942, tout comme d'ailleurs d'autres dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, de sorte que cette raison d'être de la politique d'inclusion et de déduction est moins défendable que jadis.

Le nombre de tranches d'imposition a en effet été considérablement réduit, et il peut arriver que les créanciers et les débiteurs soient soumis aux mêmes taux d'imposition malgré que les uns peuvent avoir des revenus supérieurs à ceux des autres. Le Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille a examiné les statistiques sur l'imposition de 1988 pour déterminer dans quelle mesure la politique en vigueur profite aux enfants. Il s'est aperçu que 60 p. 100 des payeurs se trouvaient dans les deux tranches d'imposition supérieures avant la déduction des paiements de pensions alimentaires et que près de 90 p. 100 des bénéficiaires étaient soit non imposables, soit dans la tranche d'imposition la plus basse. Après la déduction par le payeur et l'inclusion par le bénéficiaire des paiements de pensions alimentaires, 50 p. 100 des payeurs étaient toujours dans les deux tranches d'imposition les plus élevées et 80 p. 100 des bénéficiaires restaient non imposables ou se trouvaient encore dans la tranche d'imposition la plus basse. Par conséquent, même si une nette majorité des contribuables a pu bénéficier de l'effet de fractionnement du revenu qu'entraîne de la politique, les enfants n'en ont, eux, que peu ou pas profité.

L'obligation pour les bénéficiaires d'inclure les paiements de pensions alimentaires pour enfants dans leur revenu découle des articles 56 et 56.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, modifiés. Les alinéas 56(1)b), c) et c.1) déterminent quels paiements doivent être considérés comme une pension alimentaire au sens de la Loi et, par conséquent, inclus dans le revenu. Les articles 60 et 60.1 stipulent que les paiements qui satisfont aux mêmes exigences peuvent être déduits par le payeur. La validité de ces dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu a été confirmée par la Cour suprême du Canada dans sa décision sur l’affaire Thibaudeau c. La Reine(62).

En 1991, Suzanne Thibaudeau en a appelé de l'évaluation faite par le ministre du Revenu de son obligation fiscale pour l'année d'imposition 1989 et selon laquelle les pensions alimentaires qu'elle avait reçues pour ses deux enfants avaient été ajoutées à son revenu imposable. D'après elle, il s'agissait en fait du revenu de ses enfants, et elle avait même ouvert un compte de banque distinct et soumis des déclarations d'impôt expressément pour ses enfants. La Cour canadienne de l'impôt a rejeté l'appel de Mme Thibaudeau, maintenant le système d'inclusion et de déduction, mais proposant que, si l'impact fiscal des montants accordés pour les aliments des enfants n'avait pas été pris en considération, Mme Thibaudeau devait en appeler de la décision concernant les pensions alimentaires pour enfants et non pas essayer d'obtenir un allégement de Revenu Canada(63). La Cour fédérale du Canada a renversé cette décision, décrétant que l'alinéa 56(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu portait atteinte au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés et ne pouvait se justifier en vertu de l'article 1 de la Charte(64). Le gouvernement fédéral en a appelé de la décision de la Cour fédérale à la Cour suprême du Canada, dont la décision infirmant le jugement rendu a été transmise le 25 mai 1995.

Les juges de la Cour suprême ont en majorité confirmé la validité des dispositions d'inclusion et de déduction, déclarant qu'il n'y avait pas de violation du droit à l'égalité garanti par la Charte. D'après leurs jugements, s'il y a un impact disproportionné sur l'obligation fiscale des mères, lesquelles forment la grande partie de la population des parents gardiens, il ne faut pas blâmer le régime fiscal mais celui du droit de la famille. Le professeur James McLeod, dans son annotation contenue dans les Reports of Family Law, avance que le droit de la famille n'est pas non plus à blâmer étant donné que les renseignements sur les conséquences fiscales sont faciles à obtenir et que, si l'impact fiscal n'est pas adéquatement calculé dans les montants des prestations, c'est aux avocats et aux juges qu'il faut s'en prendre(65).  En attribuant ainsi une responsabilité, on risque en outre de banaliser la complexité des négociations en droit de la famille, dans lesquelles entrent en jeu des rapports de force inégaux ainsi que des luttes affectives et personnelles. Le professeur McLeod a prédit que le traitement fiscal des prestations pour enfants serait modifié par le Parlement et dit espérer que l'avantage tiré par la plupart des familles du fractionnement du revenu serait reconnu et conservé. Il a en outre exprimé une mise en garde : si le traitement fiscal était modifié sans l'appui de lignes directrices, les tribunaux seraient débordés de requêtes de modification étant donné que la plupart des ordonnances alimentaires comprennent une majoration au regard de l'impôt(66).

Les juges L'Heureux-Dubé et McLachlin se sont dissociées de la décision de la majorité dans l’affaire Thibaudeau. Les deux ont maintenu que, en imposant le fardeau fiscal uniquement à un conjoint, l'alinéa 56(1)b) portait atteinte au paragraphe 15(1) de la Charte, sans que cela ne soit justifié aux termes de l'article 1. Le juge McLachlin aurait donné de l'alinéa 56(1)b) une interprétation atténuée de manière à exclure de son application les montants versés pour la pension alimentaire des enfants, tandis que le juge L'Heureux-Dubé aurait déclaré la disposition invalide mais aurait suspendu les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité pour une période de 12 mois afin de permettre au Parlement d'instaurer un régime moins discriminatoire. Les juges dissidentes ont reconnu que le fractionnement du revenu produit par le système d'inclusion et de déduction constitue un avantage pour la plupart des familles séparées; cependant, c'est un avantage inégalement réparti entre les conjoints, le payeur étant celui qui en profite le plus. Les deux juges ont admis un grand nombre de témoignages extérieurs au sujet de l'incidence du mécanisme d'inclusion et de déduction sur les mères divorcées ou séparées et sur leurs enfants.

Lorsque les tribunaux ont refusé de modifier le traitement fiscal des prestations périodiques pour enfants au Canada, les porte-parole des femmes et autres parties intéressées ont poursuivi leurs pressions en s'adressant aux instances politiques. Depuis la fin des années 70, l'Association nationale de la femme et du droit et le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme demandent au Parlement de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu de façon que les prestations alimentaires pour enfants ne soient plus considérées comme un revenu imposable pour le bénéficiaire(67). Des députés, dont Dawn Black et Beryl Gaffney, ont présenté des motions à la Chambre des communes réclamant que soient apportées les modifications nécessaires à la Loi de l'impôt sur le revenu afin que les prestations alimentaires pour enfants ne soient plus imposables pour les parents gardiens. La motion de Beryl Gaffney à cet effet a été adoptée à la majorité à la Chambre des communes le 30 mai 1994.

La plupart des requêtes de changement dans le traitement fiscal des prestations pour enfants, ces dernières années, dont la motion d'initiative parlementaire de Mme Gaffney, étaient étayées par les recherches d'Ellen Zweibel et de Richard Shillington, qui, en 1993, ont publié une étude concernant l'impact financier du système d'inclusion et de déduction sur les couples divorcés et leurs familles. Zweibel et Shillington ont déterminé qu'il fallait examiner l'incidence des politiques relatives à l'impôt sur le revenu, combinée à celle des mesures prises en matière de pensions alimentaires pour enfants, à la lumière des conséquences que ces dispositions ont eu réellement sur le niveau de vie dans de vraies affaires touchant le droit de la famille(68). Ils ont procédé à une analyse critique des fondements de l'appui soutenu que le ministère des Finances accorde au mécanisme d'inclusion et de déduction fiscales des paiements de pensions alimentaires pour garde d'enfants. Confirmant ce qui avait souvent été observé par les femmes et leurs porte-parole, la recherche a révélé que, par suite de l'application de ce mécanisme, seuls 51 p. 100 des couples ayant fait l'objet de l'étude pouvaient bénéficier d'économies d'impôts, les 49 p. 100 autres ne profitant d'aucun avantage.

Le traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants par inclusion et déduction n’a généré des économies d'impôt globales que si le payeur se trouve dans une tranche d'imposition supérieure à celle où se situe le bénéficiaire de la pension. Par conséquent, dans les situations où les ressources financières ont existé, mais qu’elles ont été partagées d'une façon qui produisaient une inégalité entre les deux parents divorcés (le père dispose seul de plus de ressources que le foyer formé de la mère et des enfants), il y a eu économie d'impôts. Par contre, aucun allégement fiscal n'a été possible quand les parents se situent dans la même tranche d'imposition après versement de la pension et l’a enregistré même une pénalité fiscale quand le bénéficiaire de la pension se trouve dans une tranche d'imposition supérieure à celle du payeur.

Comme le font remarquer Zweibel et Shillington, les politiques fiscales ne doivent pas produire des résultats qui vont à l'encontre d'autres politiques fédérales. Le droit de la famille a clairement pour objectif de faire en sorte que, dans la mesure du possible, le niveau de vie des deux foyers formés par les parents divorcés soit égal. Par conséquent, le foyer du parent qui a la garde des enfants devrait avoir à sa disposition plus de ressources que celui formé seulement du parent non gardien. Si cet objectif était plus souvent atteint, on enregistrerait un nombre encore plus réduit de parents bénéficiant d'épargnes fiscales.

Mme Zweibel et M. Shillington ont également dénoncé un certain nombre d'erreurs flagrantes dans la politique qui sous-tend le mécanisme d'inclusion et de déduction.

La politique actuelle omet également de tenir compte du fait que la pension alimentaire pour enfants est une question controversée, et les pères qui n'ont pas la garde de leurs enfants et qui cherchent à réduire leurs paiements ne seront peut-être pas disposés soit à subir une majoration de leur impôt ou à partager avec la mère les économies d'impôt qui dépassent cette majoration. Le ministère des Finances ne tient pas compte non plus du cas des ex-conjoints qui définissent seuls les modalités relatives à la pension alimentaire, sans l'aide d'avocats ou de comptables, du grand nombre d'avocats et de juges qui se fondent sur des estimations imprécises, ni des cas où, malgré le fait que l'avocat de la mère gardienne ait soigneusement calculé le montant des impôts, le "plafond de verre" entre en jeu(69).

La thèse du ministère des Finances selon laquelle le mécanisme actuel encourage les parents non gardiens à verser des montants plus élevés, n'est tout simplement pas corroborée par l'expérience. Comme le montre le mémoire remis par l'Association nationale de la femme et du droit au Comité législatif de la Chambre des communes sur le projet de loi C-79 (modifications de la Loi sur le divorce) "[l]e mythe selon, lequel la déduction fiscale encouragerait le paiement des pensions alimentaires a été détruit, la preuve ayant été faite que 85 p. 100 des personnes n'ayant pas la garde de leurs enfants préfèrent ne pas payer de pension plutôt que de profiter de la déduction fiscale"(70).

À la lumière des données dont ils disposaient, Mme Zweibel et M. Shillington ont étudié un certain nombre de réformes possibles du régime d'imposition du revenu ainsi que plusieurs mesures de lutte contre la pauvreté, pour déterminer quelles combinaisons de facteurs étaient le plus susceptibles d'améliorer la situation économique des mères gardiennes et de leurs enfants, sans pour autant pénaliser les pères non gardiens. Ils ont également examiné un certain nombre de modèles de règles et en sont arrivés à la conclusion suivante : les seules lignes dictrices susceptibles de mieux faire correpondre le quantum des pensions alimentaires aux besoins des enfants et d’accroître l’impartialité du traitement des deux familles sont celles qui sont fondées sur des estimations réalistes des frais liés à l’éducation des enfants.

Les deux chercheurs ont fait ressortir l'importance de pousser la recherche sur certains points cruciaux, y compris la façon dont le fisc traite la pension alimentaire versée à un ex-conjoint. En effet, si le mécanisme d'inclusion et de déduction continuait de s'appliquer à cette pension, après avoir cessé s'appliquer à la pension alimentaire pour enfants, on pourrait devoir élaborer des méthodes de lutte contre l'évasion fiscale pour éviter que la pension alimentaire pour enfants ne soit faussement déclarée à titre de pension pour conjoint. On pourrait également considérer d'autres méthodes de réforme fiscale, notamment le système de la France où la pension alimentaire pour enfants est déduite des impôts du payeur, mais n’a être déclarée par le bénéficiaire qu’en partie seulement.

Bien qu'ils laissent de côté un grand nombre d'autres domaines pouvant être étudiés, Mme Zweibel et M. Shillington en arrivent à une conclusion importante :

Notre recherche est encourageante, car elle a prouvé que quelque chose peut être fait. Allier des mesures de réforme fiscale qui tiennent compte des inégalités provoquées par le mécanisme d'inclusion et de déduction et qui ont pour objectif de lutter contre la pauvreté peut rendre mieux adapté et plus juste le système de pension alimentaire pour enfants(71).

Une étude du traitement fiscal des versements périodiques des prestations pour enfants, effectuée par le Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille, a donné lieu à un «Document de travail sur le traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants», publié en annexe au rapport établi par le Comité en 1995(72). Dans ce document, le Comité examine les avantages et les inconvénients du traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants alors en place et étudie un certain nombre d'options de réforme. Il conclut qu'il y a un conflit fondamental entre le traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants et le principe du droit de la famille selon lequel les deux parents qui divorcent ont l'obligation de pourvoir aux besoins financiers de leurs enfants à la suite de la dissolution de la famille. L'obligation est divisée, et le parent non gardien profite d'un allégement fiscal en ce qui a trait à la part qu'il assume des coûts des enfants, mais ce n'est pas le cas pour le parent gardien. Le droit de la famille, note le Comité, est un régime discrétionnaire tandis que le droit fiscal ne l'est pas, et il sera toujours difficile de tenter d'obtenir des résultats précis dans un régime discrétionnaire.

Le Comité recommande que soient abrogées les dispositions d'inclusion et de déduction contenues dans la Loi de l'impôt sur le revenu, mais que soit maintenue la valeur de la subvention actuelle pour les familles qui en bénéficient, laquelle irait aux enfants dans le besoin. Le Comité considère important de ne pas perdre la valeur de la subvention et de la transmettre plus efficacement aux enfants. À cette fin, il énumère trois options - augmenter la prestation fiscale pour enfants dans le cas de toutes les familles à faible revenu, augmenter le crédit équivalent pour personne entièrement à charge et créer un nouveau crédit pour enfants de familles séparées et divorcées - et il recommande que ces options soient étudiées plus à fond.

S'appuyant sur les consultations menées par le Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille et par le Groupe de travail sur le régime fiscal des pensions alimentaires pour enfants, le gouvernement fédéral reconnaît, dans les documents du Budget de 1996, que la plupart des Canadiens ne sont plus en faveur de l'application du mécanisme d'inclusion et de déduction par rapport aux prestations alimentaires pour enfants. Par conséquent, la pension alimentaire versée en vertu d'une ordonnance rendue ou d'un accord écrit, conclu après le 1er mai 1997, ne pourra plus être déduite par le payeur et ne sera pas incluse dans le revenu du bénéficiaire. Le décalage a pour but de permettre la promulgation de lignes directrices en matière de pensions alimentaires et la préparation en prévision d'une augmentation des demandes de modification des ordonnances et des ententes existantes.

Les ordonnances rendues et les accords conclus avant le 1er mai 1997 peuvent être modifiés de façon à intégrer les changements fiscaux qui entreront en vigueur à cette date, ou peuvent préciser que les parties désirent que les nouvelles règles fiscales s'appliquent à compter de cette date. En outre, les parties liées par une ordonnance ou un accord peuvent signer et déposer auprès de Revenu Canada un formulaire indiquant que les nouvelles règles fiscales s'appliqueront aux paiements effectués après une date précise (qui ne peut être antérieure au 30 avril 1997). Les parties ne seront pas autorisées à appliquer de nouveau les anciennes règles une fois le changement apporté.

Comme la modification ne touche pas la pension alimentaire au profit du conjoint, les tribunaux auront à séparer clairement les pensions alimentaires selon qu'elles sont destinées aux enfants ou au conjoint dans toutes les ordonnances qu'ils rendront après le 1er mai 1997. En ce moment, les tribunaux de certains ressorts rendent des ordonnances regroupant la pension alimentaire pour les enfants et le conjoint. Après le 1er mai 1997, toute pension alimentaire qui n'est pas identifiée comme étant accordée exclusivement au profit du conjoint sera traitée comme une pension alimentaire pour enfants aux fins de l'impôt. Les paiements à un tiers seront également traités comme une pension pour enfants à moins d'être clairement désignés comme engagés exclusivement au profit du conjoint. Lorsqu'un accord ou une ordonnance prévoit le versement d'une pension alimentaire pour les enfants et le conjoint et qu'il y a défaut de paiement pour une année d'imposition, les paiements seront imputés en priorité à la pension alimentaire pour enfants aux fins de l'impôt.

Dans «Budget 1996 : Le nouveau système de pensions alimentaires pour enfants», le gouvernement précise que le mécanisme d'inclusion et de déduction relatif au traitement fiscal de la pension alimentaire pour enfants coûte aux autorités fédérales et provinciales environ 410 millions de dollars par année en pertes de recettes fiscales, la part supportée par le gouvernement fédéral étant de 240 millions de dollars(73). On s'attend à ce que ces coûts diminuent graduellement à mesure que s'appliquera le nouveau traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants. Le gouvernement précise que les fonds ainsi libérés couvriront la mise en application des lignes directrices et des nouvelles mesures d'exécution, et serviront à doubler le Supplément du revenu gagné (SRG) sous forme de prestation fiscale fédérale pour enfants.

La prestation fiscale fédérale pour enfants a été établie conformément au Budget de 1992 et elle est versée mensuellement depuis janvier 1993. Les familles dont le revenu net est inférieur à 25 921 $ obtiennent le maximum de la prestation et le SRG est un paiement additionnel, remis aux travailleurs à faible revenu. Le SRG consiste en un paiement mensuel maximal de 500 $ non imposable, assujetti à une formule de réduction en fonction du revenu familial. En vertu des changements annoncés en mars 1996, le SRG maximal doublera. D'après les documents du Budget, le gouvernement montre ainsi qu'il comprend les difficultés auxquelles font face les parents qui travaillent pour un faible revenu et accorde de l'importance à l'amélioration du niveau de vie des familles à faible revenu. Il s'agit donc d'aider les parents de ces familles à compenser les frais supplémentaires découlant de leurs emplois. On s'attend à ce que plus de 700 000 familles bénéficient de la majoration du SRG, majoration qui coûtera au gouvernement 250 millions de dollars par année une fois appliquée en totalité, en juillet 1998.

L'augmentation du SRG a été applaudie par le Conseil canadien du développement social dans son rapport «Child Poverty : What Are the Consequences?», publié le 12 mars 1996; toutefois, le versement de fonds additionnels seulement aux enfants dont les parents travaillent est considéré comme un avantage injustement accordé aux parents qui ont un emploi, aux dépens des enfants pauvres dont les parents ne travaillent pas(74). En effet, la nouvelle mesure n'aide d'aucune façon les enfants dont les parents dépendent de l'assistance sociale. De toute évidence, ce mécanisme ne cadre pas avec ce que le Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille avait recommandé comme étant un moyen approprié de transmettre aux enfants la subvention perdue à la modification du traitement fiscal de la pension alimentaire pour enfants. Le Comité avait proposé soit que la prestation fiscale pour enfants soit augmentée pour toutes les familles à faible revenu, soit qu'il y ait une augmentation du crédit équivalent pour personne entièrement à charge, soit qu'un nouveau crédit pour enfants de familles séparées ou divorcées soit établi.

CONCLUSION

Des trois aspects de la pension alimentaire pour enfants dont il a été question dans le présent document, seules la détermination du quantum et l'imposition peuvent être influencées de façon marquée par des changements législatifs fédéraux. Les auteurs cités dans le document ont, à maintes reprises, souligné que tout changement à la législation en matière de prestations alimentaires pour enfants, aussi approprié et bien intentionné soit-il, n'aura qu'un effet limité sur le bien-être économique des enfants car bien des causes de pauvreté juvénile se situent à l'extérieur du système du droit familial. Le droit de la famille est néanmoins important pour bon nombre de Canadiens, et il est également indéniable que la distribution égale du fardeau financier résultant de l'échec du mariage reste un but juridique et stratégique vital.

Les conséquences néfastes du divorce et de la pauvreté des enfants ne font pas de doute. Aux États-Unis, on a associé le fait de vivre dans une famille monoparentale à une mauvaise santé, à des problèmes de comportement dans l'enfance, à la délinquance, à un niveau d'instruction réduit, à de faibles revenus ainsi qu'à des taux élevés de pauvreté, de maternité précoce et de divorce(75). De semblables tendances s'observent également au Canada, et les difficultés économiques susceptibles d'éprouver même les jeunes familles intactes se sont révélées particulièrement aiguës dans les années 90(76). De toute évidence, les législateurs et les décideurs ont l'obligation d'améliorer la capacité du système du droit familial de répartir équitablement les conséquences de l'échec du mariage.

Plusieurs commentateurs ont déconseillé de réformer simultanément les divers domaines législatifs ayant trait aux pensions alimentaires pour enfants. Se fondant sur la recherche américaine qui montre l'incidence variable des diverses mesures de réforme, les effets avantageux de certaines étant annulés par les répercussions des autres, la professeure Garrison a souligné qu'il fallait attentivement surveiller les répercussions de chaque mesure si l'on en adoptait plusieurs à la fois(77). D'après la professeure Zweibel, certaines réformes peuvent avantager des sous-groupes particuliers de mères gardiennes, alors que d'autres n'en ressentent aucun bienfait et en sont même désavantagées(78). Elle donne comme exemple celui d'Ontariennes vivant complètement ou partiellement d'aide sociale et qu'un montant supérieur de pension n'avantagerait pas parce que leurs paiements d'assistance sociale seraient proportionnellement réduits(79). L'avocate de droit de la famille d'Ottawa, Catherine Aitken, a prédit que, si le gouvernement choisit de modifier le traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants en même temps qu'il applique des lignes directrices relatives aux prestations, comme il l’a fait effectivement, et de permettre des actions en modification à l'égard des ordonnances et des accords existants, les avocats ne manqueront sûrement pas de travail et ce sera la cohue dans les tribunaux(80).

Au moins un universitaire canadien a remis en question la pertinence d'une réforme du système du droit familial en vue d'améliorer la situation économique des mères seules et de leurs enfants. La professeure Jane Pulkingham fait remarquer que, même si le nombre de femmes pauvres a augmenté, les femmes ont toujours été plus pauvres que les hommes et que, en fait, la proportion des femmes pauvres a diminué(81). Selon elle, traiter le problème qui est à la base de la pauvreté chez les femmes et les enfants comme étant un échec du régime du droit de la famille découle de l'hypothèse fautive selon laquelle c'est la responsabilité de chaque homme soutien de famille de pourvoir aux besoins des femmes et des enfants, et non la responsabilité de la société. La professeure Pulkingham soutient qu'il faut assumer une responsabilité collective et adopter un vaste programme de changement social et économique. Dans son article publié en 1994, elle montre aussi que le traitement des prestations alimentaires pour enfants par inclusion et déduction coûte au gouvernement fédéral environ 250 millions de dollars par année, ce qui est presque autant que la somme dépensée en 1992-1993 au titre des transferts aux provinces dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada pour les soins aux enfants. En outre, les gouvernements engagent passablement d'argent dans l'exécution des obligations alimentaires pour enfants, argent qui serait peut-être mieux employé, selon elle, à l'application de mesures davantage susceptibles de soulager la pauvreté chez les enfants.

Si l'objectif de la réforme concernant cet élément de la loi est d'améliorer la situation financière des enfants dont les parents sont séparés ou divorcés, il est bien évident que des modifications à la législation fiscale et familiale ne suffiront pas. Comme l'a souligné la professeure Zweibel, dans la majorité des cas, le besoin qu'ont les enfants d'un revenu familial systématique et stable ne peut être satisfait au moyen des ressources financières combinées de leurs parents gardien et non gardien(82). Certains pensent qu'un système de paiements anticipés, comme en Suède, aiderait davantage les bénéficiaires à faible revenu parce qu'il les mettrait à l'abri des incertitudes de paiement et d'exécution qui persistent toujours(83).

Au départ, le mandat du Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille comprenait la nécessité d'examiner les pensions alimentaires pour enfants dans le contexte plus vaste de la dissolution de la famille, car il était entendu que les prestations pour enfants ne pouvaient à elles seules résoudre le problème de l'insuffisance des ressources privées(84). Dans son étude, le Comité n'a pas couvert cet aspect, lequel a été renvoyé à l'Examen de la sécurité sociale du gouvernement fédéral. Pourtant, il continue d'y avoir des chevauchements entre ces secteurs d'intervention. Si l'objectif de la réforme des pensions alimentaires pour enfants est de mieux répartir le fardeau financier de la dissolution du mariage entre les membres de la famille plutôt que de réduire la pauvreté chez les enfants, comme cela doit être le cas, la sensibilisation à cette réalité devrait éclairer ceux qui élaborent des options de réforme.

L'adoption d'une solution législative particulière pour résoudre les problèmes identifiés dans la législation relative à la prestation alimentaire de l'enfant peut comporter des risques. Dans certains cas, les nouvelles mesures peuvent entraîner une situation guère meilleure, voire pire, que les actuelles dispositions n'ont produite. Toutefois, si l'on prend garde d'éviter ces résultats négatifs, il est possible de choisir une option gagnante parmi la gamme des possibilités élaborées ces dernières années, en se basant sur les changements qui découleront du Budget de 1996. Toute mesure entraînant des résultats plus uniformes et plus prévisibles contribuera à réduire les coûts, affectifs et financiers, que doivent supporter les parties en cause. Pour éviter les litiges, cependant, il est essentiel de prendre en considération les conséquences de la mesure sur les arrangements actuels et futurs. Quelles que soient les dispositions adoptées, elles gagneront en efficacité s'il y a consultati on constante entre les autorités fédérales et provinciales, les parents, les avocats, les juges et les enfants, ce qui permettra d'en surveiller les effets et, au besoin, d'effectuer des rajustements.


(1) Gouvernement du Canada, «Le gouvernement annonce une nouvelle stratégie touchant les pensions alimentaires pour enfants», Communiqué, Ottawa, 6 mars 1996.

(2) «Répartition du revenu au Canada selon la taille du revenu», Catalogue des publications de Statistique Canada, 13-207, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1985, p. 16. Le pourcentage des enfants canadiens qui vivent dans la pauvreté est passé de 14,5 p. 100 en 1989 à 18,9 p. 100 en 1992, ce qui signifie 331 000 enfants pauvres de plus, selon les données de Statistique Canada contenues dans le rapport de novembre 1994 du Centre de statistiques internationales sur le bien-être social et économique au Conseil canadien de développement social, intitulé Baromètre 1994 : Rapport des indicateurs de la pauvreté des enfants - Campagne 2000.

(3) Phillippe Dubuissons, «Hausse de 66 p.c. des mères seules avec des enfants à charge en 15 ans», La Presse, 9 mars 1993, Le chiffre correspondant était de 57 p. 100 en 1990, comme en fait foi le rapport du Conseil national du bien-être intitulé La femme et la pauvreté, dix ans plus tard, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1990, p. 2.

(4) E. Diane Pask et M.L. McCall, «How Much and Why? An Overview», Challenging Our Assumptions, Winnipeg, The Association of Family and Conciliation Courts, 1990, p. 142.

(5) Lenore Weitzman, The Divorce Revolution: The Unexpected Social and Economic Consequences for Women and Children in America, New York, The Free Press, 1985, p. 400 (traduction).

(6) E. Diane Pask, «Gender bias and Child Support: Sharing the Poverty?», Canadian Family Law Quarterly, vol. 10, 1994, p. 33-121, à la p. 36.

(7) Marsha Garrison, «Child Support and Children's Poverty - A Review of Small Change: The Economics of Child Support and America's Children: Resources from Family, Government, and the Economy», automne 1994, Family Law Quarterly, vol. 28, no 3, p. 475-507, à la p. 502.

(8) Ibid., p. 503.

(9) R. James Williams, «Quantification of Child Support», (1989), 18 R.F.L. (3d) p. 234.

(10) Pask (1994), p. 81.

(11) (1994), 6 R.L.F. 4th 161 (C.S.C.). Dans un article intitulé «Support After Moge, Willick and Levesque» (1995), 12 C.F.L.Q. 261, le professeur Julien Payne précise que, même si les raisons invoquées par le juge L'Heureux-Dubé ont été appuyées par seulement trois des sept juges de la Cour suprême du Canada, elles seront sans doute citées favorablement dans les cours du Canada (p. 287).

(12) Ministère de la Justice, «Évaluation de la Loi sur le divorce - Étape II : Contrôle et évaluation», Ottawa, 1990, cité au par. 66 de Willick.

(13) Edmonton Social Planning Council, Family Budgeting Guide, Edmonton, mars 1992, et un projet semblable dans la région métropolitaine de Toronto, cités comme ayant été discutés dans Ellen B. Zweibel, «Child Support Guidelines: An Ineffective and Potentially Gender-Biased Response to Child Support Issues», dans Family Law Voodoo: Economics for Women - Feminist Analysis Conference, Association du Barreau canadien, Ontario, 1993.

(14) Myriam Grassby, «Women in Their Forties: The Extent of Their Rights to Alimentary Support», 1991, 30 R.F.L. (3d) 369, et Rosalie S. Abella, «Economic Adjustment on Marriage Breakdown: Support», Fam. L. Rev., vol. 4, no 1, 1981.

(15) Willick, par. 71.

(16) Carole Curtis, «Workshop on Limits of the System: Women in Family Law», présentation à la conférence de l'Association nationale de la femme et du droit, Toronto, février 1991, p. 2 (traduction).

(17) Willick, par. 60.

(18) Williams (1989), p. 246.

(19) Loi sur le divorce de 1985, L.R.C. 1985, c. 27 (2e supplément), par. 2(2).

(20) Paras c. Paras, [1971] 1 O.R. 130, 2 R.F.L. 328 (C.A.).

(21) Carol Rogerson, «Judicial Interpretation of the Spousal and Child Support Provisions of the Divorce Act, 1985», (Partie II) C. Fam. Law Q., vol. 7, p. 271, à la p. 174 (traduction).

(22) Ibid., p. 304 (traduction)

(23) (1988), 86 N.S.R. (2d) 248 (Fam. Ct.).

(24) Gouvernement du Canada, «Budget 1996 : Le nouveau système de pensions alimentaires pour enfants», Ottawa, 6 mars 1996, p. 14.

(25) Rapport et recommandations du Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille au sujet des pensions alimentaires pour enfants, Ottawa, ministère de la Justice, 1995. Dans ce rapport, le Comité signale que la méthode recommandée pour partager entre les parents les coûts de l'éducation des enfants, appelée «règle» dans ses précédents travaux, s'apparente davantage à une «formule», car il recommande, en plus d'un principe de répartition, l'adoption d'une formule mathématique pour le calcul des coûts occasionnés par les enfants (Rapport, p. 1).

(26) «Budget 1996 : Le nouveau système de pensions alimentaires pour enfants», p. 11.

(27) Elrod, «Kansas Child Support Guidelines: An Elusive Search for Fairness in Support Orders», Washburn Law J., vol. 27, 1987, p. 104 et Williams, «Guidelines for Setting Levels of Child Support Orders», Fam. Law Q., vol. 21, 1987, p. 281, cité dans Williams (1989), p. 267.

(28) Williams (1989), p. 271.

(29) Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille, Les incidences économiques des règles de fixation des pensions alimentaires pour enfants : Rapport de recherche, mai 1992.

(30) «Budget 1996 : Le nouveau système de pensions alimentaires pour enfants», p. 13.

(31) Ibid., p. 15 et 16.

(32) Ibid.

(33) Ibid., p. 16.

(34) Par exemple, Ross Finnie et al., Child Support: The Guideline Options, Institut de recherches en politiques publiques, Montréal, 1994.

(35) Gordon Jarenko, «Child Support Plan Details Questioned», Calgary Herald, 28 janvier 1995, p. B6.

(36) Anita Elash, «Legal Update: Family Law», Canadian Lawyer, vol. 18, no 8, octobre 1994, p. 36; Catherine Aitken, «Will Federal Child Support Guidelines Lead to Pandemonium?», The Lawyers Weekly, 23 février 1996, p. 22.

(37) Stephen L.P. Sanderson, «Proposed Support Guidelines Don't Jibe with Current Law», Law Times, 26 juin - 2 juillet 1995, p. 8.

(38) Ross Finnie, «Child Support Guidelines: An Evaluation of Recent Government Proposals», Reports of Family Law (4th), vol. 11, 1995, p. 317, à la p. 318.

(39) Résumé : Rapport et recommandations sur les pensions alimentaires pour enfants du Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille, ministère de la Justice, Ottawa, 1995, p. 3.

(40) Finnie et al., (1994), p. 13.

(41) Garrison (1994), p. 480.

(42) Ibid., p. 489, citant Andrea H. Beller et John W. Graham, Small Change: The Economics of Child Support, Yale University Press, 1993.

(43) Ibid., p. 485.

(44) Association du Barreau canadien, présentation de la Section nationale du droit de la famille de l'ABC sur Child Maintenance Guidelines, Toronto, décembre 1992, cité dans Pask (1994), p. 114.

(45) «Budget 1996 : Le nouveau système de pensions alimentaires pour enfants», p. 16.

(46) Williams (1989), p. 271.

(47) Commission de réforme du droit du Canada, Le tribunal de la famille, Document de travail no  1, Ottawa, Commission de réforme du droit, 1974, p. 53.

(48) F.M. Steel, «An Overview of Provincial and Federal Maintenance Enforcement Legislation», Challenging Our Assumptions, Winnipeg, The Association of Family and Conciliation Courts, 1990, p. 262.

(49) Freda M. Steel, «Maintenance Enforcement in Canada», Ottawa Law Review, vol. 17, 1985, p. 504.

(50) The Institute of Law Research and Reform, Matrimonial Support Failures: Reasons, Profiles and Perceptions of Individuals Involved, vol. 1, Edmonton, 1981, cité dans F.M. Steel (1990), p. 264.

(51) Rapport et recommandations du Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille, p. D-2.

(52) «Budget 1996 : Le nouveau système de pensions alimentaires pour enfants», p. 20.

(53) Ibid., p. 21.

(54) Rapport et recommandations du Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille, p. D-3.

(55) Susan Amrud, ministère de la Justice, Direction des services législatifs, Saskatchewan, communication personnelle, 2 novembre 1992.

(56) Rapport et recommandations du Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille, p. D-6.

(57) Ibid., p. D-8.

(58) Ibid., annexe D.

(59) Garrison (1994), p. 484.

(60) Ibid.

(61) Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille (1992), p. 93.

(62) (1995), 12 R.F.L. (4th) 1.

(63) Thibaudeau c. R., 92 D.T.C. 2111.

(64) 94 D.T.C. 6230.

(65) James G. McLeod, «Annotation», Thibaudeau c. R. (1995), 12 R.F.L. (4th) p. 1, à la p. 12.

(66) Ibid., p. 13.

(67) Voir Ellen B. Zweibel, «Child Support Policy and Child Support Guidelines: Broadening the Agenda», Canadian Journal of Women and the Law, vol. 6, no 2, 1993, p. 371, note 9; Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, «Commentaires sur le Rapport et recommandations du Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille concernant les pensions alimentaires pour enfants», mars 1995, p. 12; et Association nationale de la femme et du droit, «Résumé des résolutions», dixième Conférence biennale - «Remontons le courant du passé, naviguons vers l'avenir», 19-21 février 1993.

(68) Ellen B. Zweibel et Richard Shillington, «Child Support Policy: Income Tax Treatment and Child Support Guidelines», document ayant obtenu l'aval du Policy Research Centre on Children, Youth and Families, 1993, p. 2.

(69) Ibid., p. 17 (traduction).

(70) L'Association nationale de la femme et du droit, mémoire sur le projet de loi C-79, Loi modifiant la Loi sur le divorce et la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, février 1993, p. 5.

(71) Zweibel et Shillington (1993), p. 50 (traduction).

(72) Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille, «Document de travail sur le traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants», Rapport et recommandations concernant les pensions alimentaires pour enfants, janvier 1995, annexe E. À noter que le document de travail est paru avant la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Thibaudeau.

(73) Estimation de 1996-1997, «Budget 1996 : Le nouveau système de pensions alimentaires pour enfants», p. 10.

(74) Derek Ferguson, «Budget No Help to Many Kids, Report Says», Toronto Star, 12 mars 1996.

(75) Garrison (1994), p. 503.

(76) Susan McGrath et al., «The Prospects of Young Families», Transition, vol. 25, décembre 1995, p. 12.

(77) Garrison (1994), p. 487.

(78) Zweibel, «Child Support Policy...» (1993), p. 374.

(79) Évidemment, ces femmes y gagneraient si les prestations supérieures dépassaient le montant total de leurs allocations d'assistance.

(80) Aitken (1996), p. 21.

(81) Jane Pulkingham, «Private Troubles, Private Solutions: Poverty Amoung Divorced Women and the Politics of Support Enforcement and Child Custody Determination», Canadian Journal of Law and Society, vol. 9, no 2, automne 1994, p. 73, à la p. 80.

(82) Zweibel, «Child Support Policy...» (1993), p. 401.

(83) Pask (1994), p. 118.

(84) Conseil consultatif canadien de la situation de la femme (1995), p. 13.