BP-357F

 

L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE EN EUROPE DE L'EST
ET EN EUROPE CENTRALE

 

Rédaction  Lynne C. Myers
Division des sciences et de la technologie

Novembre 1993

 


TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

LA TECHNOLOGIE

   A. Les réacteurs RBMK

   B. Les réacteurs VVER

QUESTIONS RELATIVES À LA SÉCURITÉ

LES CENTRALES NUCLÉAIRES DE CONCEPTION SOVIÉTIQUE EN
EUROPE CENTRALE ET EN EUROPE DE L'EST

   A. La Russie

   B. L'Ukraine

   C. La Lituanie

   D. L'Arménie

   E. La Bulgarie

   F. La Tchécoslovaquie

   G. La Hongrie

L'AIDE INTERNATIONALE VISANT À AMÉLIORER LA SÉCURITÉ

CONCLUSION

ANNEXE


 

L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE EN EUROPE DE L'EST
ET EN EUROPE CENTRALE

 

INTRODUCTION

L'éclatement de l'ancienne Union soviétique et les autres changements politiques survenus en Europe de l'Est et en Europe centrale ont ouvert l'accès à la région et permis un examen plus détaillé que celui qu'il avait été possible de mener jusqu'à maintenant. En raison de l'accident survenu à Tchernobyl, l'énergie nucléaire est l'un des aspects que les pays occidentaux ont été plus particulièrement intéressées à explorer. L'ancienne Union soviétique a conçu ou aidé à construire plus de 60 réacteurs civils dans la région. La plupart de ces réacteurs appartiennent à l'une ou l'autre de deux séries de modèles différents: le VVER, qui est un réacteur à eau sous pression, et le RBMK, qui est un réacteur à canalisations multiples modéré au graphite (modèle installé à la centrale de Tchernobyl). En outre, deux réacteurs surgénérateurs à neutrons rapides et quatre réacteurs à eau bouillante modérés au graphite sont exploités en Russie pour produire simultanément de la chaleur et de l'énergie. Ces deux derniers modèles ne sont pas largement répandus et ne sont pas examinés en détail dans le présent document.

Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, la sécurité des réacteurs de modèle soviétique a été une source de grande préoccupation dans le monde depuis les événements catastrophiques survenus à Tchernobyl en 1986. Dans ce document, nous décrivons brièvement la technologie employée dans ces réacteurs. Nous examinons aussi les principales questions que soulèvent chacun de ces types de réacteurs en matière de sécurité, tant du point de vue organisationnel que du point de vue technique. En outre, nous passons en revue les programmes d'énergie nucléaire dans les nouveaux pays issus de l'ancienne Union soviétique et dans les pays qui étaient ses satellites et analysons les efforts présentement déployés à l'échelle internationale pour tenter de répondre aux problèmes les plus urgents.

LA TECHNOLOGIE (1)

   A. Les réacteurs RBMK

Une traduction libre de l'acronyme RBMK pourrait être « réacteur à canalisations de très grande dimension». Ce modèle est issu des premiers réacteurs militaires soviétiques qui ont servi à produire le plutonium employé dans la fabrication des armes. La première génération de réacteurs, conçue uniquement en vue de la production de plutonium, utilisait le graphite comme modérateur neutronique, et son combustible était refroidi par de l'eau ordinaire. Dans la deuxième génération, le combustible était contenu dans des canalisations pressurisées en alliage de zirconium, qui permettaient d'utiliser l'eau à des pressions et à des températures élevées.

Dans ce modèle soviétique, l'eau utilisée comme fluide de refroidissement est en ébullition et la vapeur produite sert à alimenter directement les turbines à vapeur qui, elles-mêmes, actionnent les génératrices qui produisent de l'électricité. Le succès des premiers réacteurs militaires de 100 et de 200 MW ont incité les Soviétiques à mettre au point un réacteur RBMK « commercial » de 1 000 MW. Les deux premières unités, installées près de Leningrad, sont entrées en production en 1973 et 1975.

Le réacteur RBMK consiste en un vaste arrangement cylindrique de blocs de graphite qui servent de modérateur neutronique et qui sont traversés verticalement par 1 600 canalisations pressurisées en alliage de zirconium. Le combustible nucléaire, du dioxyde d'uranium enrichi, est placé dans les canalisations pressurisées; de l'eau ordinaire est pompée vers le haut dans ces canalisations et agit comme liquide de refroidissement. L'eau absorbe la chaleur émise par la réaction nucléaire, ce qui produit une certaine quantité de vapeur. Le mélange de vapeur et d'eau passe ensuite dans des collecteurs de vapeur où la vapeur est séparée de l'eau pour être acheminée vers les turbines où elle actionne les génératrices.

Le réacteur est contrôlé au moyen d'un grand nombre de tiges qui influent sur le rythme auquel se déroule la réaction nucléaire. À mesure que les tiges sont insérées dans le réacteur, le taux de fission diminue. Les tiges sont le principal dispositif de sécurité du réacteur RBMK et elles peuvent être utilisées pour arrêter complètement le réacteur au besoin. Mais, dans certaines circonstances, le taux de ralentissement est insuffisant. Le fonctionnement inadéquat du réacteur de Tchernobyl durant une expérience scientifique a provoqué une telle situation. Le système de sécurité n'a pu réagir assez rapidement pour empêcher le réacteur de s'emballer, avec les conséquences désastreuses que l'on sait. Les modifications apportées subséquemment, y compris l'accélération du dispositif d'arrêt, la reformulation du combustible et l'ajout d'absorbeurs de neutrons fixes semblent avoir permis, dans une large mesure, de corriger cette lacune particulière.

Contrairement à la plupart des réacteurs nucléaires de conception occidentale, le modèle RBMK ne comporte pas de structure de confinement en béton qui pourrait agir de manière à empêcher la dispersion de la radioactivité à la suite d'un accident. La taille et la disposition des centrales RBMK existantes ne permettent pas de modifier ces structures, de sorte que le problème persiste.

   B. Les réacteurs VVER

Le deuxième type de réacteur de conception soviétique est le VVER. Cet acronyme signifie « réacteur eau-eau », du fait qu'il emploie de l'eau ordinaire à la fois comme absorbeur de neutrons (au lieu du graphite employé dans les réacteurs de type RBMK) et comme fluide de refroidissement du combustible. Ce modèle de réacteur est très semblable aux réacteurs à eau sous pression (REP) utilisés dans de nombreux pays occidentaux. Il a aussi la même origine, ayant d'abord été mis au point pour être installé dans les sous-marins à propulsion nucléaire.

Les prototypes terrestres du réacteur VVER avaient des puissances de 210 et de 365 MW. Par la suite, le modèle a été standardisé à une puissance nominale de 440 MW. Les premiers réacteurs VVER, soit ceux du modèle 230, ont été construits dans les années 60; après 1970, ils ont été remplacés par des réacteurs de deuxième génération, ceux du modèle 213. Une troisième génération de « petits » réacteurs (440 MW) a suivi, puis une autre, la série de réacteurs VVER 320 de 1 000 MW. Des dispositifs de sécurité améliorés ont été ajoutés à chaque série successive mais, comme nous en faisons état ailleurs dans la présente étude, des préoccupations subsistent à cet égard.

Comme nous l'avons déjà indiqué, le réacteur VVER est très semblable aux réacteurs à eau sous pression que l'on retrouve communément dans les pays occidentaux autres que le Canada. Le réacteur consiste en une grande cuve pressurisée à paroi très épaisse qui renferme le combustible et de l'eau ordinaire. Le combustible utilisé dans les réacteurs VVER est enrichi à un niveau correspondant à environ quatre fois le niveau naturel de l'uranium-235. L'eau agit à la fois comme modérateur neutronique, qui entretient la réaction nucléaire, et comme liquide de refroidissement servant à retirer la chaleur émise par la réaction qui se déroule dans la cuve. L'eau chaude, qui se trouve aussi sous pression dans la cuve, est ensuite expulsée pour passer dans des échangeurs thermiques. La chaleur est utilisée pour faire bouillir de l'eau, produisant la vapeur qui alimente les turbines à vapeur et, par la suite, les génératrices. L'eau refroidie est ensuite recirculée dans la cuve pressurisée pour reprendre le même cycle.

QUESTIONS RELATIVES À LA SÉCURITÉ

Divers problèmes d'ordre technique et organisationnel associés au programme d'énergie nucléaire de l'ancienne Union soviétique et des pays qui étaient ses satellites ont suscité de sérieuses inquiétudes au sujet de la sécurité des réacteurs en exploitation dans cette partie du monde. Depuis l'éclatement de l'Union soviétique, des spécialistes de l'Europe de l'Est et de l'Occident ont eu l'occasion de travailler en étroite collaboration avec les scientifiques soviétiques pour évaluer les lacunes fondamentales en matière de sécurité et déterminer les mesures correctives qui pourraient être prises. La contribution de l'Occident s'est faite à la fois au niveau bilatéral et au niveau multilatéral, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIÉA) jouant un rôle de premier plan dans l'exécution de nombreuses études. Les résultats de ces enquêtes ont permis de brosser un tableau assez clair de la situation.

Une étude menée conjointement par l'Allemagne et la Russie a donné un aperçu succinct des causes fondamentales de ces lacunes en matière de sécurité(2). Selon ce rapport, quatre principaux facteurs ont contribué aux problèmes de sécurité que posent les réacteurs nucléaires de conception soviétique. Le premier facteur est la confiance qu'avaient les autorités soviétiques dans la qualité de leur technologie. En concevant leurs réacteurs, les Soviétiques n'ont tenu compte que des accidents les plus probables et ont incorporé des systèmes de sécurité destinés à réagir uniquement à ces éventualités. Dans la technologie occidentale, même les accidents n'ayant qu'une chance très minime de survenir sont analysés et des dispositifs de sécurité visant à les contrer sont intégrés à la conception des réacteurs.

Une deuxième difficulté vient du fait que la technologie soviétique fait largement appel au facteur humain. Les systèmes occidentaux sont davantage automatisés, pour tenir compte de la possibilité d'une erreur humaine dans l'utilisation de cette technologie complexe. Dans le modèle soviétique, le personnel en poste dans la salle de contrôle peut intervenir dans la plupart des processus liés au fonctionnement du réacteur. Ainsi, comme il est arrivé à Tchernobyl, le principal système de contrôle sécuritaire pouvait facilement être désactivé par le personnel de la salle de contrôle. Cela ne peut se faire dans les réacteurs de conception occidentale.

Le « retard technologique » de l'économie soviétique a aussi engendré un certain nombre de problèmes de sécurité. Cela est notamment vrai dans les domaines de l'instrumentation et du contrôle, de l'électronique et de l'informatique. Ainsi, en raison des lacunes qui existaient dans ces domaines, les Soviétiques ont eu des difficultés à intégrer des dispositifs d'automatisation perfectionnés à leurs réacteurs. Ils ont donc été portés à compter encore davantage sur l'intervention humaine dans l'exploitation des réacteurs; il leur a par ailleurs été impossible de concevoir des simulateurs de formation complexes qui auraient permis d'améliorer la formation technique des opérateurs en leur donnant la chance de perfectionner les procédures d'intervention en cas d'accident(3).

Le quatrième problème décelé, dont font état d'autres rapports, est le manque de « critique corrective ». Au sein de la structure gouvernementale soviétique, une agence ou un ministère avait la responsabilité de tous les aspects du développement de l'énergie nucléaire; il n'y avait pas d'organisme indépendant chargé de vérifier la sécurité des réacteurs de conception soviétique. Dans les pays nouvellement créés d'Europe de l'Est, beaucoup d'efforts sont présentement déployés pour mettre en place le cadre de réglementation nécessaire à l'exploitation sécuritaire des centrales nucléaires.

Un certain nombre de rapports techniques très détaillés portant sur la sécurité des réacteurs de conception soviétique ont été publiés ces dernières années. L'Agence internationale de l'énergie a servi d'organisme de coordination dans bon nombre de cas, ayant inauguré en 1990 un programme visant à aider les pays d'Europe de l'Est et l'ancienne Union soviétique à évaluer la sécurité des réacteurs VVER 230 de première génération. Voici les objectifs de ce programme: faire ressortir tout problème important sur le plan de la conception et de l'exploitation; établir un consensus international au sujet des priorités en matière d'amélioration de la sécurité et, enfin, fournir de l'aide en vue de la mise en oeuvre de ces mesures(4).

L'intérêt de la communauté internationale a d'abord porté sur les réacteurs de la série VVER 230, en dépit des sérieuses inquiétudes suscitées par la sécurité de la technologie RBMK après l'accident de Tchernobyl. La plupart des spécialistes étaient d'avis que les réacteurs RBMK étaient si peu sécuritaires dans leur conception même que leur utilisation devait et allait effectivement être abandonnée à brève échéance. Seules les mesures de renforcement de la sécurité les plus urgentes ont été envisagées, afin de maintenir ces centrales en exploitation jusqu'à ce qu'elles puissent être remplacées. L'attention s'est portée vers les réacteurs de type VVER-230 qui, tout en étant aussi jugés non sécuritaires, allaient vraisemblablement être exploités plus longtemps et, en conséquence, justifiaient davantage un effort de réflexion. Mais comme il ressort des sections suivantes de notre document, les circonstances économiques font en sorte que les réacteurs RBMK resteront en exploitation plus longtemps qu'on ne l'avait d'abord prévu. La recherche de moyens visant à assurer leur exploitation sécuritaire à long terme a donc récemment acquis une dimension prioritaire. Ainsi, en 1992, le programme de l'AIÉA a été élargi pour de manière à englober aussi la question de la sécurité des réacteurs RBMK(5).

Le rapport de l'AIÉA sur la sécurité des réacteurs VVER-230 est à la fois très détaillé et technique. Seuls les points saillants seront présentés ici afin d'illustrer les problèmes qui se posent. À l'appendice 1, nous avons reproduit une liste plus détaillée des préoccupations génériques en matière de sécurité suscitées par ces réacteurs. Comme nous l'avons déjà indiqué, des trois générations de réacteurs VVER, ce modèle semble être celui qui soulève le plus grand nombre de problèmes de sécurité et, par conséquent, qui nécessite les changements les plus urgents.

L'une des principales préoccupations liées aux réacteurs VVER-230 est l'absence de structure de confinement, tels les dômes en béton servant habituellement à abriter les réacteurs CANDU et les autres réacteurs occidentaux, qui permettrait de limiter la diffusion des contaminants radioactifs en cas d'accident. Une deuxième faiblesse est le niveau insuffisant de « redondance » (réserve) dans les systèmes de sécurité. En outre, aucune solution de rechange n'a été prévue en cas de panne - qui serait attribuable à des causes ordinaires - du système d'alimentation électrique du dispositif de sécurité ou du réacteur lui-même. La capacité limitée de refroidissement du coeur, les mesures de protection insuffisantes contre les incendies et un système inadéquat d'instrumentation et de contrôle ont aussi été reconnus comme des problèmes exigeant une attention immédiate(6).

Outre les préoccupations portant sur les aspects techniques de la sécurité, un certain nombre de lacunes opérationnelles importantes ont aussi été décrites dans le rapport de l'AIÉA. Ainsi, les spécialistes ont jugé qu'il n'y avait pas de structure de gestion efficace pour détecter et corriger les problèmes de sécurité dans les centrales nucléaires. En outre, ces spécialistes ont décelé des problèmes au niveau du matériel utilisé dans les centrales. Celui-ci n'était pas toujours entretenu convenablement. Les procédures d'exploitation n'étaient pas toujours bien ou entièrement documentées, ou leur application n'était pas surveillée de façon adéquate. Le manque de formation appropriée, notamment l'absence de simulateurs, est une autre préoccupation dont on a fait état, de même que le caractère inadéquat des inspections et de l'application de la réglementation(7).

Un certain nombre de spécialistes ont déclaré que le coût des améliorations en matière de sécurité requises par les réacteurs VVER-230 en vue de leur exploitation à long terme était trop élevé(8). Ils ont recommandé que l'on procède plutôt à une réfection de ces installations pour les maintenir en exploitation seulement aussi longtemps qu'il sera nécessaire pour répondre aux besoins énergétiques(9). Comme dans le cas des réacteurs RBMK, toutefois, la demande énergétique et les conditions économiques qui existent actuellement dans les pays qui utilisent ce modèle de réacteur sont telles que les réacteurs VVER-230 pourraient demeurer en usage plus longtemps que ne le souhaiteraient les experts occidentaux.

L'évaluation faite par l'AIÉA des réacteurs VVER de deuxième génération, soit le modèle 213, révèle qu'ils sont assortis de mesures de sécurité beaucoup plus importantes que l'ancien modèle; par conséquent, ils suscitent une moins grande préoccupation dans l'immédiat. Néanmoins, un certain nombre de mesures doivent être mises en oeuvre pour permettre d'exploiter ces réacteurs de façon sécuritaire jusqu'au terme de leur durée utile prévue. La liste des mesures urgentes comprend l'installation de systèmes d'instrumentation et de contrôle de conception occidentale en remplacement partiel de la technologie en place, l'installation d'un système d'extraction de la chaleur résiduelle, l'amélioration du système d'alimentation électrique d'urgence, le renforcement des mesures de protection contre les incendies, la formation du personnel, la production de manuels d'exploitation, d'entretien et d'inspection, ainsi que des analyses plus complètes des accidents(10). Un certain nombre de mesures à moyen terme ont aussi été définies; elles permettraient d'ajouter des dispositifs de sécurité encore plus perfectionnés.

Selon tous les rapports, le réacteur VVER 1000, qui est le plus récent et le plus perfectionné des réacteurs de conception soviétique, incorpore de nombreuses mesures de sécurité que l'on retrouve dans les réacteurs à eau sous pression occidentaux. En conséquence, aucune amélioration majeure n'est jugée nécessaire, bien qu'un certain nombre de modifications aient été suggérées. Ainsi, la conception fondamentale du réacteur VVER 1000 fait qu'il est très important d'exercer, à tout instant, un contrôle minutieux sur les conditions d'exploitation. Pour faire en sorte que les opérateurs soient pleinement informés de ce qui se passe dans le coeur du réacteur, il est recommandé que des systèmes d'instrumentation et de contrôle modernes, de conception occidentale, soient installés. Les autres recommandations portent davantage sur des détails non techniques tels qu'une meilleure formation des opérateurs et des manuels d'exploitation, d'entretien et de contrôle(11).

Comme nous l'avons indiqué précédemment, la sécurité des réacteurs RBMK demeure préoccupante, puisque la période estimative au cours de laquelle ils demeureront en exploitation semble s'allonger. Toutefois, il faut signaler que depuis l'accident de Tchernobyl, un certain nombre de changements importants ont été apportés au niveau du fonctionnement des réacteurs RBMK; un certain nombre de nouveaux réacteurs RBMK sont par ailleurs entrés en exploitation. Ces nouveaux réacteurs renferment les dispositifs de sécurité améliorés qui ont été installés sur les anciennes unités et qui devraient faire en sorte que leur exploitation soit plus sécuritaire que celle de leurs prédécesseurs. Le modèle RBMK a évolué avec le temps, même avant l'accident de Tchernobyl, de sorte que toutes les unités ne soulèvent pas les mêmes problèmes. Les préoccupations portent principalement sur les six plus vieux réacteurs RBMK, soit deux unités à chacun des trois sites suivants: Kursk et Smolensk, en Russie, et Ignalina, en Lituanie.

Dans son étude sur la sécurité des réacteurs RBMK, publiée en mars 1993, l'AIÉA examine les améliorations déjà apportées à ces réacteurs sur le plan de la sécurité et en évalue le succès. Elle examine aussi les mesures supplémentaires qui seraient requises pour accroître encore davantage la sécurité de ces installations. De façon générale, la plupart des changements déjà mis en oeuvre ont permis de corriger les principaux problèmes de conception et d'exploitation des réacteurs RBMK qui sont à l'origine de l'accident de Tchernobyl. Parmi ceux-ci, il y a les importants flux d'énergie, inadéquatement surveillés, produits dans le coeur même du réacteur, la réaction lente et encore une fois insuffisante du matériel de sécurité servant à arrêter le réacteur, ainsi que la part imputable à l'erreur humaine.

L'erreur humaine ne peut être supprimée, mais avec les nouvelles procédures de gestion et d'exploitation mises en place, les chances que se produise une telle erreur ont été réduites. En outre, grâce à certaines des modifications techniques apportées, les systèmes de sécurité sont moins vulnérables à une erreur humaine. Ainsi, dans la conception originale du réacteur RBMK, l'opérateur pouvait arrêter manuellement le réacteur en poussant un bouton et en le maintenant enfoncé jusqu'à ce que le réacteur soit complètement arrêté. Ce bouton a été remplacé par un autre sur lequel on n'a qu'à appuyer une fois pour que l'arrêt se poursuive automatiquement.

Du nouveau matériel a été ajouté pour surveiller les conditions ambiantes dans le coeur du réacteur à intervalle de cinq minutes plutôt que de quinze minutes, tandis que des améliorations ont été apportées au matériel qui sert à contrôler les propriétés physiques du coeur du réacteur. Afin de solutionner le problème de l'arrêt du réacteur, les tiges de contrôle qui sont insérées dans le réacteur pour ralentir et, éventuellement, interrompre la réaction en chaîne, ont été sensiblement modifiées. On a installé un nouveau système rapide d'arrêt d'urgence, qui comprend entre 21 et 24 tiges de contrôle à action rapide dont le délai de réponse n'est que 2,5 secondes. En outre, il y a maintenant un plus grand nombre de tiges de contrôle insérées à partir de la base et du sommet du réacteur et leur délai de réponse a été ramené de 19 secondes à 12 secondes.

D'autres modifications ont permis d'améliorer la fiabilité du système d'alimentation électrique des dispositifs de sécurité et le système extérieur d'approvisionnement en eau relié au dispositif amélioré de refroidissement d'urgence du coeur du réacteur, de renforcer les systèmes de protection contre les incendies, d'accroître la résistance des installations aux secousses sismiques et d'ajouter un dispositif automatisé de détection des radiations sur les lieux(12). Dans au moins un cas, soit à l'unité 1 de la centrale de Leningrad, la totalité des 1 693 canalisations de combustible ont été remplacées en vue de respecter les normes de conception originale(13).

En dépit de ces modifications importantes apportées aux réacteurs RBMK, les spécialistes occidentaux demeurent inquiets au sujet de leur sécurité. Dans son rapport, l'AIÉA reconnaît les efforts faits jusqu'à maintenant mais énumère aussi les mesures qui sont toujours requises. Certaines de ces mesures ont trait à la nécessité de disposer d'un meilleur matériel de traitement des données pour permettre aux opérateurs d'être constamment informés des changements rapides qui se produisent lorsque le réacteur est en activité. Les systèmes informatiques actuels sont décrits comme étant « surchargés », ce qui se traduit par une capacité inadéquate de traitement des données. Les spécialistes estiment que la sécurité des installations dépend trop de l'intervention des opérateurs et recommandent que l'on fasse des efforts d'automatisation supplémentaires. Le remplacement des systèmes d'instrumentation et de contrôle actuels figure aussi au nombre des recommandations. Les spécialistes responsables de l'évaluation de la sécurité des réacteurs RBMK ont également noté qu'ils avaient besoin de renseignements plus détaillés de la part des autorités des pays en cause afin de compléter leur évaluation et de mettre leurs recommandations en forme finale(14).

LES CENTRALES NUCLÉAIRES DE CONCEPTION SOVIÉTIQUE EN EUROPE
CENTRALE ET EN EUROPE DE L'EST

Le tableau 1 renferme des données détaillées sur l'emplacement, la taille et le modèle des réacteurs de conception soviétique qui sont ou qui pourraient être en exploitation dans les pays d'Europe de l'Est et d'Europe centrale. La situation de chaque pays diffère quant au rôle actuel et futur de l'énergie nucléaire et à la nature des problèmes qui se posent; nous en ferons donc un bref examen.

   A. La Russie

En Russie, il y a présentement 28 centrales nucléaires en exploitation à neuf endroits, ce qui constitue une puissance totale installée de quelque 19 342 MWe (megawatts d'électricité). Les 28 réacteurs comprennent onze réacteurs de type RBMK, soit quatre à Kursk, quatre à Leningrad et trois à Smolensk. Douze réacteurs sont de type VVER, c'est-à-dire à eau sous pression, et il y a un réacteur surgénérateur installé à Beloyarsk. Les quatre derniers réacteurs sont de conception spéciale, c'est-à-dire de petits réacteurs à graphite à eau bouillante utilisés pour la production combinée de chaleur et d'électricité, une technologie utilisée nulle part ailleurs dans l'ancienne Union soviétique(15).

Dans l'ensemble du pays, l'énergie nucléaire représente environ 11 p. 100 de la production d'électricité; cependant, au niveau régional, son importance peut être beaucoup plus grande. Ainsi, dans la région de Saint-Petersbourg, l'énergie nucléaire fournit 33 p. 100 de l'électricité, tandis qu'à Moscou elle en fournit 22 p. 100. Cette dépendance régionale signifie que les préoccupations exprimées en Occident au sujet de la sécurité ne vont pas mener à la fermeture des centrales nucléaires à brève échéance. Le pays n'a tout simplement pas d'autre choix à court terme. En fait, non seulement n'envisage-t-on pas la fermeture des réacteurs, mais cinq autres réacteurs VVER 1000 sont en construction en Russie, outre deux réacteurs qui doivent servir uniquement à produire de la chaleur à Voronezh. Ces sept réacteurs pourraient entrer en exploitation d’ici l’an 2000. Les plans prévoient aussi la construction de deux autres réacteurs surgénérateurs dans le sud de l'Oural, mais l'avenir de ce projet est encore incertain à l'heure actuelle(16).

Les autorités locales ont déjà approuvé la construction de nouveaux réacteurs, en remplacement des vieilles unités, aux complexes nucléaires de Kola, de Novovoronezh et de Leningrad. Le programme d'investissement de la Fédération de Russie pour 1992 prévoit la construction de trois ou quatre nouvelles centrales nucléaires, à Kostroma, en Carélie, dans la région extrême orientale et, probablement, à Rostov(17).

Compte tenu de l'expérience de l'ancienne Union soviétique au chapitre des accidents nucléaires, notamment à Tchernobyl, et de l'explosion plus récente survenue à Tomsk, on peut se demander pourquoi l'une des anciennes républiques entrevoit encore des plans de construction de centrales nucléaires aussi ambitieux. La réponse est tout simplement que l'on a besoin d'énergie. La Russie produit maintenant 80 p. 100 de son électricité dans des centrales vieillissantes alimentées au pétrole; or, la production de pétrole en Russie a chuté à un taux annuel alarmant de 15 p. 100 ces dernières années. Ajoutons à ce fait que, de plus en plus, le pétrole russe est vendu sur le marché d'exportation en échange de devises fortes, et que le prix intérieur du pétrole a augmenté de 300 p. 100 au cours de la dernière année; l'attrait que présente la production d'électricité dans des centrales nucléaires ressort alors plus clairement. Toutes les républiques de l'ancienne Union soviétique sont aux prises avec des problèmes semblables et, dans leur cas également, l'énergie nucléaire continuera d'être une source indispensable d'énergie dans l'avenir prévisible(18).

 

Tableau 1
Réacteurs nucléaires de conception soviétique
en exploitation ou exploitables, 1992

Pays

MWe

Type1

Modèle

Ex-URSS

Russie

Balakovo 1

Balakovo 2

Balakovo 3

Kalinin 1

Kalinin 2

Kola 1

Kola 2

Kola 3

Kola 4

Novovoronezh 3

Novovoronezh 4

Novovoronezh 5

Kursk 1

Kursk 2

Kursk 3

Kursk 4

Leningrad 1

Leningrad 2

Leningrad 3

Leningrad 4

Smolensk 1

Smolensk 2

Smolensk 3

Beloyarsk 3

Bilibino 14

Bilibino 24

Bilibino 34

Bilibino 44

Ukraine

Tchernobyl 1

Tchernobyl 3

Khmelnitsky 1

Rovno 1

Rovno 2

Rovno 3

Ukraine-Sud 1

Ukraine-Sud 2

Ukraine-Sud 3

 

1 000

1 000

1 000

1 000

1 000

440

440

440

440

417

417

1 000

7003

7003

1 000

1 000

1 000

7003

1 000

1 000

1 000

1 000

1 000

600

12

12

12

12

7003

1 000

1 000

392

416

1 000

1 000

1 000

1 000

1 000

1 000

 

REP

REP

REP

REP

REP

REP

REP

REP

REP

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REP

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RGEO

RGEO

RGEO

RGEO

RGEO

RGEO

RGEO

RGEO

RGEO

RGEO

RGEO

RSNR

RGEB

RGEB

RGEB

RGEB

RGEO

RGEO

REP

REP

REP

REP

REP

REP

REP

REP

REP

 

V-3202

V-320

V-320

V-338

V-338

V-230

V-230

V-213

V-213

V-179

V-179

V-187

RBMK-1000

RBMK-1000

RBMK-1000

RBMK-1000

RBMK-1000

RBMK-1000

RBMK-1000

RBMK-1000

RBMK-1000

RBMK-1000

RBMK-1000

BN-600

EGP-6

EGP-6

EGP-6

EGP-6

RBMK-1000

RBMK-1000

V-320

V-213

V-213

V-320

V-302

V-302

V-320

V-320

V-320

Zaporozhe 1

Zaporozhe 2

Zaporozhe 3

Zaporozhe 4

Zaporozhe 5

Lituanie

Ignalina 1

Ignalina 2

Arménie

Arménie 15

Arménie 25

Kazakhstan

Shevchenko6

Autres7

Bulgarie

Kozloduy 1

Kozloduy 2

Kozloduy 3

Kozloduy 4

Kozloduy 5

Kozloduy 6

Républiques tchèque et slovaque

Bohunice 1

Bohunice 2

Bohunice 3

Bohunice 4

Dukovny 1

Dukovny 2

Dukovny 3

Dukovny 4

Hongrie

Paks 1

Paks 2

Paks 3

Paks 4

Finlande

Loviisa 1

Loviisa 2

1 000

1 000

1 000

1 000

1 000

 

1 2502

1 2502

 

408

408

 

150

 

 

440

440

440

440

1 000

1 000

 

 

 

440

440

440

440

440

440

440

440


440

440

440

440

 

440

440

REP

REP

REP

REP

REP

 

RGEO

RGEO

 

REP

REP

 

RSNR

 

 

REP

REP

REP

REP

REP

REP

 

 

 

REP

REP

REP

REP

REP

REP

REP

REP


REP

REP

REP

REP

 

REP

REP

V-320

V-320

V-320

V-320

V-320

 

RBMK-1500

RBMK-1500

 

V-270

V-270

 

BN-350

 

 

V-230

V-230

V-230

V-230

V-230

V-230

 

 

 

V-230

V-230

V-213

V-213

V-213

V-213

V-213

V-213


V-213

V-213

V-213

V-213

 

V-213

V-213

1  REP = réacteur à eau sous pression
   RGEO = réacteur à graphite à eau ordinaire
   RSNR = réacteur surgénérateur à neutrons rapides
   RGEB = réacteur à graphite à eau bouillante

2 Les réacteurs VVER de modèle V-179, V-230 et V-270 sont des modèles de première génération, le
   réacteur V-213 est un modèle de deuxième génération, les réacteurs V-187, V-338 et V-302 sont
  des modèles de troisième génération de taille « restreinte », tandis que le réacteur V-320 est un modèle
  de troisième génération de « grande » taille.

3 Puissance réduite par les responsables de la réglementation pour des raisons de sécurité.

4 Réacteur à graphite à eau bouillante servant à la production simultanée de chaleur et d'énergie
  électrique.

5 Ces réacteurs ont été fermés en 1989, mais le gouvernement arménien a récemment décidé d'étudier
   la possibilité de les remettre en exploitation.

6 Servant aussi à dessaler 80 000 m3 d'eau par jour.

7 Quatre unités V-230 ont été construites à Greifswald dans l'ancienne Allemagne de l'Est mais elle
  ont été fermées depuis la réunification de l'Allemagne, pour des raisons de sécurité.

 

Sources:      1. «Datafile: Ex-USSR», Nuclear Engineering International, août 1992, p. 37;

2. Morris Rosen, «International Nuclear Safety Assistance to Eastern Europe», Special Session, Nuclear Power in Eastern Europe and CIS - An International Challenge?, Conférence mondiale sur l'énergie, Madrid (Espagne), septembre 1992, p. 10-12.

   B. L'Ukraine

Lorsqu'elle est devenue un pays indépendant, l'Ukraine a assumé la responsabilité de la centrale de Tchernobyl, qui a été le théâtre de l'accident le plus grave jamais survenu dans une centrale nucléaire dans le monde. Le gouvernement de l'Ukraine a pris le contrôle de cette centrale et de quatre autres complexes nucléaires, auparavant gérés par l'ancien ministère soviétique de l'Énergie et de l'Industrie nucléaire, en novembre 1991. Comme il ressort du tableau 1, l'Ukraine a maintenant quatorze réacteurs nucléaires en exploitation. Ces réacteurs possèdent une puissance installée de 12 802 MWe et fournissent 25 p. 100 de l'électricité du pays.

Les deux unités encore en exploitation à Tchernobyl, les unités 1 et 3, devaient être fermées à la fin de 1993. Cependant, à l'instar de la Russie, l'Ukraine a désespérément besoin de l'énergie que peuvent produire ces unités. Le pays importe environ 50 p. 100 de ses besoins primaires en énergie, dont 90 p. 100 de la Russie. La Russie exige maintenant d'être payée en devises fortes pour le pétrole et le gaz qu'elle exporte, une condition que l'Ukraine, dont l'économie est pratiquement au bord de la désintégration, ne peut remplir. Ce dilemme a amené le Parlement à revenir sur sa décision de fermer les deux derniers réacteurs de la centrale de Tchernobyl et d'entreprendre la réparation d'une troisième unité qui a été mise hors service pendant deux ans à la suite d'un incendie(19). L'Ukraine a si désespérément besoin d'énergie électrique qu'elle est allée encore plus loin et a levé le moratoire imposé sur la construction de nouvelles centrales nucléaires après la catastrophe de Tchernobyl(20). En raison de ce changement d'orientation, les trois réacteurs VVER de 1 000 MWe, dont la construction est pratiquement terminée (un à Khmelnytsky, un à Rovno et un à Zaporozhye) pourraient être complétés et entrer en production entre 1993 et 1995 si l'on réussit à trouver les fonds nécessaires. Certains ont fait valoir que la communauté internationale pourrait avoir intérêt à prêter les sommes requises pour mener à terme la construction de ces réacteurs parce qu'ils respecteront des normes de sécurité beaucoup plus élevées que les unités de la centrale de Tchernobyl qu'ils pourraient remplacer(21).

À la suite du démantèlement de l'Union soviétique, l'Ukraine a dû mettre en place sa propre bureaucratie pour réglementer et gérer le secteur de l'énergie nucléaire. Au niveau de la gestion, les centrales nucléaires ont été regroupées au sein d'un consortium qui a conclu des accords contractuels avec des organismes de Russie en vue d'obtenir les services requis pour maintenir ces centrales en exploitation. Certaines difficultés ont surgi en Russie au sujet de l'acceptation des faisceaux de combustible irradiés provenant des réacteurs ukrainiens. Cette question n'est toujours pas réglée, mais des pourparlers sont en cours en vue de créer des co-entreprises qui auraient la responsabilité de trouver une solution à ce problème(22).

En ce qui a trait au site de Tchernobyl, Moscou a retiré tout soutien financier à la fin de 1991. Les efforts de nettoyage en cours imposent au peuple de l'Ukraine un coût élevé -une taxe de 12 p. 100 prélevée auprès de tous les citoyens (nous ne disposons d'aucun renseignement qui permettrait de préciser s'il s'agit d'une taxe à la consommation ou d'un impôt sur le revenu, etc.). Toutefois, même ce lourd impôt ne suffit pas à produire le montant requis pour supprimer les séquelles de l'accident. Au cours des deux dernières années, de nouveaux organismes ont été mis sur pied pour superviser les opérations de nettoyage. Le ministère responsable de la protection de la population contre les répercussions de Tchernobyl (connu sous le nom de MinChernobyl) et le Comité gouvernemental de l'énergie nucléaire tentent de départager la responsabilité des divers aspects des opérations de nettoyage; ce dernier organisme estime qu'il devrait avoir la responsabilité des restes de l'unité 4 et de son sarcophage, tandis que MinChernobyl devrait s'occuper exclusivement du nettoyage de la zone contaminée, qui s'étend sur 43 000 kilomètres carrés. Sans se préoccuper de ce que sera l'issue cette lutte bureaucratique, MinChernobyl a mis au point un programme d'intervention d'ici l'an 2000 et a commencé à l'appliquer(23).

Le programme comporte trois grands volets: la protection contre les radiations, qui comprend la réinstallation des habitants de la zone contaminée; la sécurité sociale, qui traite des problèmes de santé des personnes touchées par les radiations ou qui craignent d'être contaminées par les radiations; et, enfin, le programme à long terme, qui englobe la décontamination, la gestion des déchets, la protection de l'eau contre le risque de contamination et (à l'heure actuelle) les travaux effectués sur le sarcophage et l'unité 4. Manifestement, le nettoyage et la gestion du réacteur endommagé seront une opération à la fois longue et coûteuse. Pourtant, en dépit de cet héritage amer, l'Ukraine n'a d'autre choix que de continuer à recourir à l'énergie nucléaire pour une part importante de sa production d'électricité.

   C. La Lituanie

La Lituanie exploite deux réacteurs de type RBMK, le modèle des réacteurs de Tchernobyl, chacun d'une puissance nominale de 1 500 MWe. Tous les autres réacteurs RBMK sont des unités d'une puissance de seulement 1 000 MW. Une troisième unité est partiellement complétée, mais sa construction a été interrompue depuis quelque temps; le gouvernement a récemment annoncé sa décision de ne pas en terminer la construction. Les autorités responsables de la centrale ont obtenu la permission de vendre le matériel qui n'est plus requis(24).

La sécurité des deux unités en exploitation soulève beaucoup d'inquiétude, notamment en Suède, parce qu'elles sont installées à proximité de ce pays. Par mesure de précaution, ces unités ont été ramenées à une puissance nominale de 1 250 MWe chacune. Même à cela, ils fournissent la plus grande partie de l'électricité du pays et permettent d'obtenir des devises étrangères précieuses étant donné que 42 p. 100 de l'électricité produite en Lituanie (de toutes origines) est exportée en Bélarus. En fait, au début de 1993, la Lituanie venait en tête de tous les pays pour ce qui est du pourcentage de l'électricité provenant de l'énergie nucléaire, soit 88 p. 100. Ce pourcentage a augmenté progressivement au cours des dernières années alors que la demande d'électricité dans ce pays a diminué et que les centrales alimentées aux combustibles fossiles ont été fermées en faveur de l'exploitation des centrales nucléaires à pleine capacité. La Lituanie n'a pas de ressources énergétiques sur son territoire et le coût croissant des importations de pétrole, de charbon et de gaz de la Russie est une donnée importante de cette situation.

Comme dans le cas des autres républiques de la région qui ont récemment acquis leur autonomie, la Lituanie a dû faire appel à des opérateurs russes pour exploiter ses centrales nucléaires. Toutefois, depuis l'indépendance, la majorité des opérateurs sont devenus des citoyens lituaniens, de sorte que le pays possède la main-d'oeuvre spécialisée requise pour assurer le fonctionnement efficace de ses centrales. En outre, les exploitants des centrales ont négocié des arrangements avec la Russie pour assurer l'approvisionnement en combustible nucléaire, en pièces détachées et en services d'entretien(25). Le gouvernement a aussi donné son approbation à la construction d'une installation d'entreposage du combustible irradié à Ignalina.

Étant donné que le pays est si dépendant de l'énergie nucléaire, il est peu probable que les deux unités d'Ignalina soient déclassées à brève échéance; elles ont par conséquent fait l'objet d'une attention internationale visant à en renforcer les dispositifs de sécurité. Comme nous le mentionnons ailleurs dans le présent document, la Suède a mis en place un programme bilatéral avec la Lituanie dans le cadre duquel environ sept millions de dollars (US) ont déjà été investis en vue d'apporter des améliorations aux réacteurs et en accroître ainsi la sécurité(26).

   D. L'Arménie

Il y a deux réacteurs VVER de première génération en Arménie, mais ils n'ont pas fonctionné depuis 1989, après avoir été endommagés par de graves tremblements de terre. La fermeture des centrales nucléaires, qui fournissaient jusque-là 25 p. 100 de l'électricité, a contribué aux graves pénuries d'énergie enregistrées dans ce pays, au point où l'électricité est rationnée à quelques heures par jour.

La guerre qui continue d'opposer l'Arménie à l'Azerbaïdjan a entraîné la rupture des oléoducs et des gazoducs entre l'Arménie et la CEI, ce qui a aggravé une situation énergétique déjà désespérée. Dans une tentative en vue d'atténuer les pénuries d'énergie de plus en plus sérieuses, le gouvernement arménien a approché la Russie en vue d'obtenir de l'aide pour remettre en service les deux réacteurs endommagés, tandis que des spécialistes français procèdent à une étude des améliorations qui pourraient être apportées sur le plan de la sécurité avant de remettre en exploitation l'un des réacteurs ou les deux. On a aussi envisagé la construction d'une autre centrale nucléaire, d'une capacité de 2 000 MW, d'ici l'an 2005. Toutefois, aucune de ces options ne semble avoir de chance de se matérialiser aussi longtemps que persistera le conflit. La Russie ne tient pas à provoquer l'Azerbaïdjan et, au demeurant, elle n'a probablement pas les moyens financiers d'offrir beaucoup d'aide(27).

La communauté internationale ne veut pas que l'on remette en exploitation ces réacteurs et, depuis janvier 1992, les États-Unis ont fourni de l'aide, en bonne partie sous forme de pétrole, en vue d'aider l'Arménie à surmonter sa crise énergétique. Cependant, le pétrole doit être transporté par camion à partir d'un endroit situé dans le pays voisin, la Géorgie, où la guerre civile entraîne souvent l'interruption des approvisionnements(28).

   E. La Bulgarie

L'énergie nucléaire fournit plus de 30 p. 100 de l'électricité produite en Bulgarie. Un certain nombre de facteurs, y compris le piètre état des centrales alimentées aux combustibles fossiles, la mauvaise qualité et la production réduite des mines de charbon bulgares et l'incertitude entourant les importations d'électricité en provenance de Russie et d'Ukraine font en sorte que l'énergie nucléaire continuera de jouer un rôle de premier plan dans le secteur énergétique de ce pays(29).

Les six réacteurs que possède la Bulgarie sont situés à Kozloduy, sur le Danube, à environ 220 km au nord de Sofia. Le complexe comprend quatre réacteurs VVER 230 de première génération, d'une puissance de 440 MWe chacun, et deux réacteurs plus modernes, des VVER 320, d'une puissance de 1 000 MWe chacun. Les deux plus vieilles unités sont entrées en exploitation en 1974-1975, les deux autres en 1981-1982, tandis que les plus grosses unités datent de 1988 et 1992. Les quatre plus vieilles unités ont été une source d'inquiétude à l'échelle internationale parce que ce modèle est considéré comme le plus dangereux des modèles soviétiques encore en usage et à cause du mauvais dossier d'entretien de ces installations.

Lorsque les changements politiques survenus en Europe de l'Est et en Europe centrale ont permis un examen international du programme nucléaire bulgare, l'AIÉA a étudié la sécurité des réacteurs VVER 230 et a recommandé qu'au moins deux des unités soient immédiatement fermées. Le gouvernement bulgare a refusé de le faire, invoquant les sérieux problèmes d'approvisionnement énergétique évoqués ci-dessus. En raison de ce refus et de l'inquiétude exprimée au sujet de la sécurité de ces réacteurs, le complexe de Kozloduy a été le premier à recevoir un soutien financier provenant du fonds international de sécurité nucléaire géré par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (dont nous faisons état ailleurs dans le présent rapport)(30).

Ce soutien financier, et les travaux de modernisation qu'il permettra de faire, survient au terme d'un programme de deux ans auquel ont participé certains pays membres de la Communauté européenne et qui a permis d'offrir une aide aux exploitants de cette centrale pour ce qui est des « opérations de base » (c.-à.-d., l'entretien courant et les essais de matériel) sur le site même. Ce programme était nécessaire pour ramener la centrale au niveau des normes de sécurité originales, même si ces dernières demeurent inadéquates. On a aussi encouragé les opérateurs à améliorer leur « culture en matière de sécurité » et leurs pratiques d'exploitation en les jumelant aux opérateurs d'une centrale nucléaire française(31).

Selon la plupart des estimations, il en coûterait des centaines de millions de dollars pour apporter aux réacteurs du complexe de Kozloduy les modifications requises pour qu'ils se conforment aux normes internationales. La communauté internationale sera certainement appelée à fournir la plus grande partie du financement requis, compte tenu du fait que la Bulgarie se trouve dans la même situation financière désespérée que les autres anciens pays communistes.

   F. La Tchécoslovaquie

L'ancienne Tchécoslovaquie, qui s'est maintenant scindée en deux républiques, la République tchèque et la Slovaquie, dépendait de l'énergie nucléaire pour environ 28 p. 100 de son électricité. La République tchèque exploite maintenant les quatre réacteurs VVER 213 situés à Dukovny, tandis que la Slovaquie est responsable des quatre réacteurs VVER 230 de première génération installés à Bohunice et des quatre réacteurs VVER 213 dont l'installation est presque terminée à Mochovce(32).

Les réacteurs installés dans ces deux pays soulèvent sensiblement les mêmes préoccupations en matière de sécurité que les autres réacteurs de conception soviétique plus anciens, bien que dans le cas des réacteurs de Dukovny, cette inquiétude soit moins grande étant donné que les Tchèques ont insisté pour fabriquer la plus grande partie du matériel eux-mêmes plutôt que d'employer du matériel soviétique moins fiable. Les permis des réacteurs 1 et 2 de Bohunice ont été modifiés en 1990 pour que l'exploitation de ces installations se poursuive de 1992 à 1995 uniquement si 81 mesures étaient apportées en vue d'améliorer la sécurité et l'efficience des opérations. On procède actuellement à la mise en oeuvre de ces mesures en respectant l'échéancier établi. L'exploitation au delà de 1995 nécessitera une reconstruction importante de ces unités, à laquelle le gouvernement a convenu de procéder uniquement si les coûts pouvaient se situer entre 200 et 400 millions de dollars US. Plus récemment, les responsables de la réglementation en matière de sécurité de la Slovaquie ont recommandé que l'on aille de l'avant avec la modernisation nécessaire de ces réacteurs pour qu'ils puissent être exploités après 1995, sans faire mention d'une limite de coût(33). L'aide internationale sera offerte dans le cadre du programme d'aide technique (le programme PHARE) de la CCE (Commission des communautés européennes)(34).

On s'inquiète aussi beaucoup de l'accumulation des stocks de combustible irradié. Par le passé, tout le combustible irradié était expédié en Union soviétique pour y être retraité et évacué. De nouvelles installations d'entreposage du combustible irradié sont requises de toute urgence et on a prévu la construction d'un établissement d'entreposage à sec à Dukovny. À plus long terme, la France et la Grande-Bretagne font toutes deux pression sur les gouvernements des Républiques tchèque et slovaque pour qu'ils expédient leur combustible irradié à l'Ouest en vue de le faire retraiter(35).

Pour ce qui est de la croissance de la demande d'énergie, le gouvernement de la République tchèque prévoit, dans une étude qu'il a récemment réalisée, que le pays aura besoin d'une puissance supplémentaire de 2 000 MW de production électrique d'ici l'an 2010. Le gouvernement a exprimé l'avis que la solution la plus économique en vue d'obtenir cette puissance serait de terminer la construction des deux réacteurs VVER 1000 partiellement construits à Temelin. Le site de Temelin se trouve dans la partie sud de la Bohème, près de la frontière autrichienne, et le gouvernement de l'Autriche ne tient pas à ce que ces réacteurs de conception soviétique entrent en exploitation. À titre de solution de rechange, il a suggéré des modalités de coopération visant à mettre au point d'autres sources de production d'électricité. Les opposants à l'énergie nucléaire dans ce pays font valoir qu'un programme ambitieux de conservation de l'énergie électrique pourrait réduire la consommation actuelle dans une proportion allant jusqu'à 50 p. 100 et rendre ainsi inutile le projet de construction de ces nouveaux réacteurs. Aucune décision définitive n'a encore été prise dans ce dossier(36).

   G. La Hongrie

À l'instar de nombreux autres anciens pays satellites de l'Union soviétique, la Hongrie utilise des réacteurs nucléaires conçus et construits par des spécialistes soviétiques. Mais contrairement à ce qui a été le cas dans la plupart des autres pays, les ingénieurs hongrois ont largement participé à ces projets et le pays dispose donc d'une industrie nucléaire autonome. En raison de cette participation locale, les quatre réacteurs VVER 213 construits à Paks sont considérés par les spécialistes occidentaux comme étant bien construits et bien gérés(37).  En fait, à la fin de 1990, les unités 2 et 4 se classaient parmi les dix premiers réacteurs au monde, avec des facteurs de charge cumulatifs (viagers) de 88,9 p. 100 et de 86,5 p. 100, respectivement. Les unités 1 et 3 sont cotées à 81,2 p. 100 et 85,8 p. 100. Le facteur de charge est une mesure de la fiabilité d'un réacteur(38).

Le rendement exceptionnel des réacteurs de la centrale de Paks peut aussi être attribué à l'importance que les Hongrois accordent à la formation et au recyclage du personnel. Contrairement à de nombreux autres pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est, la Hongrie a investi dans la mise au point d'un simulateur de centrale nucléaire. Les opérateurs reçoivent tous 80 heures de formation en simulateur annuellement, y compris une formation axée sur la gestion des accidents. Le simulateur est aussi utilisé pour mettre à l'essai les procédures d'urgence et pour vérifier les modifications apportées aux procédures d'exploitation.

Les réacteurs ont été constamment modernisés depuis qu'ils sont entrés en exploitation (entre 1983 et 1987). Ainsi, le complexe de Paks dispose maintenant d'un système informatisé de surveillance de l'environnement. En outre, le système d'instrumentation et de contrôle original, de conception soviétique, a été remplacé par un système mis au point en Hongrie. Le pays dispose d'un solide programme de recherche axé sur l'amélioration constante de ses centrales. Ce programme porte sur la prévention des accidents, l'analyse des accidents graves, l'état de préparation aux situations d'urgence, le contrôle et à supervision réglementaire, ainsi que les relations internationales et l'acceptation par le public(39).

La Hongrie produit maintenant environ 50 p. 100 de son électricité dans des centrales nucléaires. Selon les prévisions, la demande de pointe devrait augmenter de 1 000 MW d'ici l'an 2000, et elle sera vraisemblablement assurée par des installations de co-génération à cycle combiné ou alimentées au gaz. Durant la même période, une autre centrale à charge minimale sera aussi requise; on envisage l'option nucléaire et celle d'une centrale alimentée au charbon. La Hongrie a invité plusieurs pays occidentaux, dont la France, l'Allemagne, le Canada et les États-Unis, à présenter des soumissions en vue de la construction d'une éventuelle nouvelle centrale nucléaire(40).

L'AIDE INTERNATIONALE VISANT À AMÉLIORER LA SÉCURITÉ

Le problème de la sécurité des centrales nucléaires d'Europe de l'Est et d'Europe centrale a été une source de préoccupation pour les pays du monde depuis l'accident survenu à Tchernobyl. La nécessité de prendre des mesures de toute urgence pour atténuer ces préoccupations a été exprimée dans de nombreux forums internationaux, notamment lors du Sommet économique mondial tenu à Londres en 1991, à la réunion du Conseil européen qui à eu lieu à Lisbonne ainsi qu'au Sommet du G-7 de Munich en 1992(41). En raison de sa situation géopolitique, historique et économique, la Communauté européenne estime qu'elle a un rôle important à jouer pour venir en aide à ses voisins de l'ancienne Union Soviétique et des autres pays d'Europe de l'Est en vue d'améliorer la sécurité de leurs réacteurs. La CE a par conséquent adopté deux programmes d'aide. L'un, connu sous le nom de PHARE, s'adresse aux États d'Europe centrale et d'Europe de l'Est. L'autre, le programme TACIS, est destiné aux États de l'ex-Union soviétique.

L'aide offerte en vertu de ces deux programmes englobe tous les aspects de la sécurité des installations nucléaires. Elle comprend l'aide versée directement aux exploitants des centrales, ainsi qu'à toute organisation connexe, y compris les responsables de la réglementation, qui joue un rôle en vue d'assurer la sécurité de ces installations. Le plan comporte trois volets fondamentaux. Premièrement, il doit y avoir une évaluation en profondeur de la conception, de l'exploitation et des modalités d'entretien des centrales nucléaires. La deuxième étape porte sur l'établissement d'un plan de modernisation des centrales, tandis que la troisième est axée sur l'exécution de toutes les analyses et études requises à l'appui de la mise en oeuvre des modifications requises(42). Un élément essentiel du plan de la CE est qu'il vise à appuyer, et non à chevaucher, les efforts faits dans ces domaines par l'AIÉA. Tous les groupes qui interviennent en offrant de l'aide ont convenu que les fonds nécessaires sont si importants qu'une collaboration étroite est absolument essentielle pour éviter tout chevauchement éventuel.

Le programme PHARE a débuté en 1990 et comprend maintenant des travaux effectués en Pologne, en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Bulgarie, en Roumanie et en Lituanie (ces pays ne possèdent pas tous des réacteurs de conception soviétique, mais ils doivent résoudre des problèmes de sécurité nucléaire). Le financement total offert en vertu de ce programme en 1990 et 1991 s'est élevé à 20,5 millions d'ECU dont 12,7 millions sont allés à la Bulgarie, sept millions à la Tchécoslovaquie, 0,5 million à la Lituanie et 0,3 million à la Pologne(43). L'importance des sommes consacrées à la Bulgarie illustre l'inquiétude qui prévaut au sujet des graves problèmes de sécurité que soulève la centrale de Kozloduy, jugée par la plupart des experts occidentaux comme étant le plus dangereux réacteur de conception soviétique. Une autre somme de 3,5 millions d'ECU a été réservée pour la poursuite des travaux à la centrale de Kozloduy en 1992. Une autre tranche de 20 millions d'ECU a été versée à d'autres pays en 1992(44).

Le programme TACIS d'aide technique aux États de l'ancienne Union soviétique a débuté en 1991 et, cette année-là, le financement consacré à des initiatives visant à améliorer la sécurité des installations nucléaires a été fixé à 54,5 millions d'ECU. Ce budget a été réparti entre des mesures visant à améliorer la sécurité des opérations des réacteurs VVER et RBMK de différents modèles et des mesures destinées à renforcer la structure de réglementation des nouveaux États. Le financement accordé en 1992 était à peu près le même. Bien qu'il s'agisse là d'une contribution importante en vue de déterminer ce qui doit être fait, il faut admettre que des sommes beaucoup plus considérables seront requises pour effectuer les travaux de modernisation requis(45).

Le Sommet du G-7 tenu à Munich en 1992 a reconnu la nécessité de cet effort de financement international, auquel les pays présents ont convenu de contribuer. Ce n'est qu'au début de 1993 que le fonds a vraiment démarré. Il sera administré par la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD), tandis que les décisions en matière de financement seront prises par un comité d'orientation composé de représentants des pays donateurs(46). Pour la période 1993-1995, les contributions promises à ce fonds sont les suivantes: France, 40 millions d'ECU; Allemagne, 40 millions d'ECU; Japon, 4 millions d'ECU; R.-U., 10 millions d'ECU; Italie, 10 millions d'ECU; États-Unis, 1,5 million d'ECU(47).

Le Canada, la Suède, la Finlande et les États-Unis ont conclu des ententes bilatérales en matière de sécurité nucléaire qui sont venues s'ajouter aux programmes multilatéraux susmentionnés. Le Canada a engagé 30 millions de dollars (CAN) qui serviront à financer une partie de l'effort international d'examen de la sécurité des réacteurs RBMK, à examiner la possibilité d'utiliser du matériel russe au complexe de Cernovoda, en Roumanie, et à aider à l'établissement d'un centre environnemental en Russie. La Suède participe à l'examen de la sécurité des réacteurs RBMK et finance une évaluation de la sécurité de l'unité 2 d'Ignalina. Cette contribution s'élève à environ 10,5 millions de dollars US.

La Finlande contribue environ 6,6 millions de dollars US à deux projets. L'un porte sur la centrale de Kola, en Russie, où la Finlande appliquera l'expérience qu'elle a acquise avec les réacteurs de modèle VVER, à Loviisa, pour améliorer la sécurité des opérations. La Finlande participe aussi aux efforts internationaux axés sur la sécurité des réacteurs RBMK installés à Leningrad, où elle procède à une évaluation des risques d'incendie et de la façon dont on pourrait limiter leurs conséquences, en examinant la fiabilité de certains éléments du réacteur.

Les États-Unis ont conclu une série complexe de programmes bilatéraux qui ont donné lieu au versement d'une contribution de 3,2 millions de dollars à des projets en Europe de l'Est en 1991, notamment pour des travaux à la centrale de Kozloduy et un certain nombre de programmes de formation. Pour 1992, une somme de 4,85 millions de dollars US a été affectée par le département de l'Énergie des États-Unis, la Nuclear Regulatory Commission et plusieurs entreprises privées (Bechtel/Electrotek) à divers programmes, y compris des améliorations sur le plan de la sécurité opérationnelle aux centrales situées à Bohunice, dans la République tchèque, et à celle de Kozloduy, en Bulgarie, et à d'autres programmes de formation. Également en 1992, les États-Unis ont versé une contribution de 22 millions de dollars US à la Russie et à l'Ukraine sous forme d'aide dans un certain nombre de domaines, y compris des études sur la sécurité, la formation des responsables de la réglementation, l'amélioration de la protection contre les incendies et des programmes de traitement des déchets, du combustible irradié et d'autres matières nucléaires, etc.(48).

CONCLUSION

L'ouverture des pays de l'ancien bloc soviétique à un examen externe a permis aux spécialistes occidentaux d'avoir accès à une quantité sans précédent de détails au sujet des programmes d'énergie nucléaire en vigueur dans cette partie du monde. Ce qu'ils ont constaté n'a rien pour rassurer. Les évaluations de la sécurité de nombreuses centrales nucléaires parmi les plus vieilles a révélé certaines problèmes techniques et opérationnels alarmants. Un effort international visant à aider ces nouveaux pays à évaluer et à résoudre ces problèmes s'est peu à peu mis en branle.

La plupart des évaluations requises ont maintenant été faites et les mécanismes de financement à l'échelle internationale sont en place. Cependant, les conditions économiques et les problèmes d'approvisionnement énergétique font qu'il est difficile pour ces nouveaux pays de répondre aux attentes occidentales en ce qui a trait à la modernisation, à la fermeture et/ou au remplacement des réacteurs les plus dangereux. Manifestement, l'effort de d'amélioration de la sécurité des centrales électronucléaires actuelles sera un processus à la fois long et coûteux. Mais devant la gravité des conséquences d'un éventuel échec, la communauté internationale n'a pratiquement d'autre choix que de continuer à travailler en étroite collaboration avec les pays de l'ancienne Union soviétique et les anciens alliés de cette dernière.


 

ANNEXE

 

 LA SÉCURITÉ DES CENTRALES NUCLÉAIRES
EN EUROPE CENTRALE ET EN EUROPE DE L'EST

APERÇU DES PRINCIPALES CONSTATATIONS
ISSUES DU PROJET DE L'AIÉA
SUR LA SÉCURITÉ DES CENTRALES NUCLÉAIRES
ÉQUIPÉES DE RÉACTEURS VVER 440 DE MODÈLE 230

 

 

  

Source: Agence internationale de l'énergie atomique (1993), p. 13-14.

 


2.3 Étude des questions génériques en matière de sécurité

Le Secrétariat a commencé à produire une série de documents sur les questions génériques en matière de sécurité des réacteurs VVER 440/230, dont le but est de définir clairement le travail qui reste à faire pour résoudre les problèmes décelés dans le cadre du projet de l'AIÉA. Elles fourniront également des renseignements sur les travaux déjà accomplis, ou en cours, dans d'autres pays, en vue d'éviter un dédoublement inutile des efforts.

Voici une liste complète des questions de sécurité générique et des préoccupations qui les sous-tendent.

  • Applicabilité de la notion de fuite avant rupture

Étant donné que les réacteurs VVER 440/230 ont une capacité très limitée de composer avec une panne du circuit primaire, la détection des fuites avant qu'il y ait une défaillance catastrophique de l'enceinte de refroidissement primaire est très importante. L'applicabilité de la notion de fuite avant rupture doit donc être établie.

  • Effritement de la cuve pressurisée des réacteurs (CPR)

La question de la sécurité des CPR vulnérables à l'effritement causé par la radiation doit être résolue. Les conclusions des études visant à estimer la température à laquelle l'acier devient friable (température de ductilité nulle), l'efficacité de la méthode employée pour rétablir les propriétés du matériau avec lequel les cuves sont fabriquées (recuisson) et le taux d'effritement après la recuisson doivent être compilés.

  • Instrumentation et Contrôle (I et C)

L'examen des systèmes logiques de l'I et C et des signaux de consigne est requis. Les renseignements transmis aux opérateurs de la salle de contrôle sont insuffisants et le matériel de traitement de l'information est également de mauvaise qualité et doit être amélioré.

  • Analyse des accidents

Une analyse détaillée des accidents à l'aide de codes informatiques modernes est requise. Une vaste gamme de ruptures et d'états transitoires doit être analysée, y compris la réaction de confinement et l'estimation des conséquences radiologiques, le cas échéant.

  • Procédures opérationnelles

Les procédures d'exploitation normale et en situation d'urgence doivent être élaborées, validées, et les opérateurs doivent recevoir la formation appropriée.

  • Formation des opérateurs

Une meilleure formation des opérateurs s'impose, y compris dans le domaine de la gestion des accidents. La mise au point et l'utilisation de simulateurs et de matériel de formation moderne sont requises.

  • Évaluation probabiliste de la sécurité (EPS)

Des EPS propres à chaque centrale seraient requises afin d'évaluer les options qui s'offrent en matière de rénovation. Le niveau de détail des EPS devrait être défini en fonction de l'utilisation envisagée des résultats de ces évaluations.

  • Confinement

L'évaluation de l'état des besoins de confinement doit être entreprise, y compris l'évaluation de la résistance structurelle, la mise à l'essai des volets de ventilation et l'étanchéité.

  • Modifications apportées aux systèmes

L'incidence des modifications apportées aux systèmes devrait être évaluée, notamment dans le cas des systèmes d'injection et de vaporisation de sécurité, du système de canalisations d'eau courante et du système d'eau d'alimentation. Il faudrait aussi examiner les systèmes d'alimentation en courant électrique et les signaux d'activation de ces systèmes.

  • Protection contre les incendies

Une étude portant sur la protection contre les incendies, y compris la détection et les moyens de lutte contre les incendies est requise. Les lacunes au niveau de la conception, notamment l'absence de barrières physiques et le niveau insuffisant de diversité devraient aussi être étudiées.

  • Mesures antisismiques

Une évaluation des marges de sécurité en cas de secousses sismiques et une évaluation des programmes en cours visant à améliorer la protection contre les séismes sont requises.

  • Homologation du matériel

Un examen de l'homologation des capteurs, des activateurs et d'autres matériels électriques et mécaniques dans des conditions accidentelles est requis. Une attention spéciale doit être accordée aux conditions environnementales qui font suite à un accident.

  • Rapport d'analyse en matière de sécurité

Un rapport d'analyse en matière de sécurité n'existe pas pour des NPP des réacteurs VVER 440/230. Les renseignements disponibles sont rares et devraient être complétés et appuyés par des données supplémentaires afin de pouvoir produire un rapport d'analyse détaillé en matière de sécurité.


(1) Les renseignements qui nous ont servi à rédiger la présente section nous ont été fournis par le Service des relations de l'entreprise et des relations gouvernementales d'Énergie atomique du Canada Limitée, en novembre 1993.

(2) A. Birkhofer, «Root Causes of Safety Deficiencies», document no 4, Special Session on Nuclear Power in Eastern Europe and the CIS - An International Challenge?, Conférence mondiale sur l'énergie, Madrid (Espagne), septembre 1992.

(3) Ibid.

(4) Agence internationale de l'énergie atomique (AIÉA), Safety Assessment of Proposed Improvements to RBMK Nuclear Power Plants, Rapport du programme extra-budgétaire de l'AIÉA sur la sécurité des centrales nucléaires RBMK, Vienne, mars 1993, avant-propos.

(5) Ibid.

(6) Agence internationale de l'énergie atomique, «The Safety of Nuclear Power Plants in Central and Eastern Europe», An Overview and Major Findings of the IAEA Project on the Safety of VVER Model 230 Nuclear Power Plants, Vienne, 1993, p. 1.

(7) Ibid., p. 11.

(8) Adolf Huttl, «Nuclear Power in Eastern Europe and the CIS - An International Challenge», Séance spéciale n°  6, Conférence mondiale sur l'énergie, Madrid, Espagne, septembre 1992, p. 3.

(9) Birkhofer (1992), p. 3.

(10) Huttl (1992), p. 3.

(11) Ibid., p. 4.

(12) AIÉA (1993), p. 10-11.

(13) E.O. Adamov et al., «Making the Most of the Remaining RBMKs: First-Stage Upgrade Completed at Leningrad-1», Nuclear Engineering International, septembre 1992, p. 18.

(14) Ibid., p. 19-20.

(15) «Datafile: Ex-USSR», Nuclear Engineering International, août 1992, p. 37.

(16) Ibid., p. 38.

(17) Andrei Gagarinski, «Great Expectations», Nuclear Engineering International, novembre 1992, p. 51.

(18) Judith Perera, «Why Russia Still Wants Nuclear Power», New Scientist, 8 mai 1993, p. 29-30.

(19) B. Maddox, «Damage Limitation in a Death Zone», U.K. Financial Times, 17 novembre 1993, p. 6.

(20) «Economic Meltdown Leads Ukraine to Resume Building Nuclear Plants», Ottawa Citizen, 22 octobre 1993, p. A-7.

(21) «Those Reactors at Chernobyl», The Washington Post, 30 octobre 1993, p. A20.

(22) Ibid.

(23) Janet Wood, «Ukraine Takes on the Burden», Nuclear Engineering International, août 1993.

(24) «News Briefing», The Uranium Institue, 17-23 novembre 1993, p. 1.

(25) Wood (1993), p. 40.

(26) «Eastern Europe's Nuclear Power», The Economist, 24 juillet 1993, p. 20.

(27) Wood (1993), p. 40.

(28) Howard Witt, «Officials Dare to Re-open Unsafe Reactor», Ottawa Citizen, 24 novembre 1993, p. A5.

(29) Yanko Yanev et Ian Facer, «Backfitting Kozloduy for Continued Operation at Less Risk», Nuclear Engineering International, décembre 1992, p. 16.

(30) «EBRD Rescues Kozloduy Nuclear Reactors», The Petroleum Economist, vol. 60, n°  8, août 1993.

(31) Yanev et Facer (1992), p. 17.

(32) «East European Energy Report», Financial Times, n°  17, février 1993, p. 11.

(33) Nucleonics Week, 11 novembre 1993, p. 1.

(34) «What's to be Done about Old VVER-440s?», Nuclear Engineering International, mai 1992, p. 49.

(35) «West Rescues East's Nukes», Petroleum Economist, juin 1992, p. 14.

(36) «East European Energy Report», février 1993, p. 7.

(37) «Eastern Europe's Nuclear Power», The Economist, 24 juillet 1993, p. 20.

(38) «Datafile: Hungary», Nuclear Engineering International, mars 1992, p. 52.

(39) Ibid.

(40) «Still Making Headway - Just», World Survey, Nuclear Engineering International, juin 1992, p. 15.

(41) Sergio Finzi, «Contribution of the Commission of the European Communities», Special Session, Nuclear Power in Eastern Europe and the CIS - An International Challenge?, Conférence mondiale sur l'énergie, Madrid, Espagne, septembre 1992, p. 1.

(42) Ibid., p. 3.

(43) 1 ECU (unité monétaire européenne) équivaut à 1,50 $CAN (approximativement).

(44) Finzi (1992), p. 3.

(45) Ibid., p. 4.

(46) «East European Energy Report» (1993), p. 1.

(47) «Into the Labyrinth: A Guide to Aid for Operators of Soviet-Supplied Reactors», Nuclear Engineering International, mai 1993, p. 40.

(48) Ibid., p. 41.