BP-372F

 

LE LIBRE-ÉCHANGE EN AMÉRIQUE LATINE
ET DANS LES CARAÏBES

 

Rédaction  Anthony Chapman
Division de l'économie

Janvier 1994

 


 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

CONTEXTE

   A. La décennie perdue

   B. La solution du marché

LES BLOCS COMMERCIAUX RÉGIONAUX EN AMÉRIQUE LATINE

   A. L'Association latino-américaine d'intégration

   B. Le Groupe andin

   C. Le MERCOSUR

   D. Le marché commun centraméricain

   E. La Communauté et le marché commun des Caraïbes (CARICOM)

   F. Le Groupe des Trois et autres zones de libre-échange

CONCLUSIONS

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 


LE LIBRE-ÉCHANGE EN AMÉRIQUE LATINE
ET DANS LES CARAÏBES

INTRODUCTION

Les négociations sur l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) entre le Canada, les États-Unis et le Mexique venaient à peine d'être annoncées que le président Bush proposait, le 27 juin 1990, un audacieux plan d'extension de la zone de libre-échange de l'Alaska à l'Argentine, dans le cadre de l'initiative Enterprise pour les Amériques. En Amérique latine, la proposition fut accueillie par certains comme «la plus importante initiative venue des États-Unis ces 30 dernières années»(1). L'enthousiasme des pays d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale à l'endroit de la proposition Bush avait de quoi surprendre, compte tenu de la crainte qu'ont toujours manifestée ces pays face à une domination économique américaine.

L'idée du libre-échange n'est pas nouvelle en Amérique latine. Dans les années 60, il y a plusieurs tentatives d'intégration économique régionale; la plupart n'ont connu qu'un succès limité. Ces premières ententes commerciales étaient essentiellement des plans de substitution des importations, repliés sur eux-mêmes, et visant à encourager le développement d'industries régionales. Les tarifs sur les importations en provenance de pays non membres restaient élevés, l'investissement étranger était considéré avec méfiance et l'État continuait d'intervenir lourdement dans les économies des pays membres.

L'Amérique latine a récemment abandonné le modèle de développement économique coûteux (et inefficace) basé sur le remplacement des importations en faveur d'une stratégie de libéralisation des échanges avec l'extérieur. Les investissements étrangers sont activement recherchés et l'affectation des ressources est de plus en plus laissée au marché, plutôt qu'à l'intervention de l'État. La promesse d'un accord de libre-échange avec l'Amérique du Nord qu'a fait miroiter l'initiative Entreprise pour les Amériques a donné un nouvel élan à l'intégration régionale en Amérique latine.

Dans cette étude, nous commençons par décrire brièvement le désordre économique dans lequel se trouvaient la plupart des pays latino-américains dans les années 80: inflation galopante, dettes extérieures écrasantes et croissance négative. Les solutions adoptées pour résoudre le problème -- libéralisation des échanges et des investissements étrangers, privatisation, austérité monétaire et financière -- ont marqué un tournant par rapport aux politiques économiques appliquées jusque-là par les pays concernés. Si les nouvelles orientations n'ont pas été sans douleur, elles ont permis de stabiliser le climat macro-économique, de réduire la dette extérieure et d'accroître l'efficience économique. Ces réformes ont également transformé des pays comme le Mexique et le Chili en candidats possibles pour un accord de libre-échange avec les États-Unis.

Dans la deuxième partie du texte, nous examinons les principaux accords de libre-échange signés par les pays d'Amérique latine depuis les années 60, en mettant en lumière aussi bien les difficultés rencontrées au début que les récents efforts pour relancer le libre-échange régional. La création en 1991 d'un nouveau bloc commercial - le MERCOSUR, marché commun du Cône Sud - ainsi que les récents accords bilatéraux entre le Mexique, le Chili, le Venezuela et la Colombie témoignent du regain d'enthousiasme que suscite l'idée du libre-échange dans la région.

CONTEXTE

   A. La décennie perdue

Les années 80 ont été qualifiées de «décennie perdue» pour l'Amérique latine; pendant cette période, la production économique régionale par habitant a diminué de 1,3 p. 100 par an en moyenne et de 12 p. 100 au total(2). Parmi les économies les moins performantes se trouvaient l'Argentine, où le PIB réel par habitant a régressé de 3,2 p. 100 en moyenne annuellement, la Bolivie (-2,6 p. 100) et le Venezuela (-2,3 p. 100). Durant la décennie, jusqu'en 1990, l'investissement intérieur brut dans la région a chuté au total de 30 p. 100(3).

Pendant les années 80, tandis que les banques centrales de la région monétisaient les énormes déficits gouvernementaux, l'inflation s'est déchaînée. En 1985, l'hyperinflation atteignait un taux annuel de 8 000 p. 100 en Bolivie; en 1989, elle dépassait les 3 000 p. 100 en Argentine et les 1 200 p. 100 au Brésil.

La faible performance économique de l'Amérique latine durant les années 80 a été attribuée à deux facteurs principaux: la dégradation des termes de l'échange dans la plupart des pays et la crise de la dette internationale. Les termes de l'échange en Amérique latine -- le rapport entre la valeur des exportations et celle des importations -- ont régressé de 21 p. 100 de 1980 à 1989(4). Les prix à l'exportation du boeuf, du café, du cacao, du coton, du minerai de fer, du sucre et de l'huile ont chuté. Le prix du sucre, par exemple, a reculé de 22,1 p. 100 entre 1980 et 1989, tandis que le prix du pétrole, fixé par l'OPEP, s'est effondré de 50 p. 100 entre 1981 et 1988(5).

Pendant les années 70, les pays d'Amérique latine, comme la plupart des pays en voie de développement, avaient lourdement emprunté sur les marchés internationaux, notamment auprès des banques commerciales étrangères. Une grande partie de l'argent a été consacrée à des projets malavisés qui ont peu contribué à la capacité de production des économies nationales. L'argent a également servi à soutenir des entreprises d'État inefficaces dans des secteurs où une participation gouvernementale était difficilement justifiable d'un point de vue économique(6).

De 1980 à 1987, le total de la dette étrangère des pays d'Amérique latine et des Caraïbes est passé de 242,2 milliards de dollars US à 445,8 milliards de dollars US. En conséquence, le ratio du PNB à la dette externe pour la région est passé de 35,1 à 64,9 p. 100 pendant cette période. De plus, pour l'ensemble de la région, la charge des intérêts et du principal, mesurée en termes de rapport entre les paiements du service de la dette et la valeur des exportations de biens et services a atteint jusqu'à 43,6 p. 100(7). Pour des pays comme le Mexique, le ratio d'endettement était encore beaucoup plus élevé et le fardeau devint insupportable(8).

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Source:  Banque mondiale, World Debt Tables 1992-93, External Finance for Developing Countries, volume 1, Washington (D.C.), 1992.

La situation économique en Amérique latine s'est aggravée à mesure que particuliers et entreprises ont transféré leurs actifs à l'étranger, dans des investissements plus sûrs, tels les dépôts bancaires, les valeurs mobilières et les biens immobiliers. Selon la Banque mondiale, la fuite des capitaux d'Amérique latine entre 1976 et 1984 équivaut à peu près exactement à la valeur des nouveaux prêts accordés. Cet exode, venant s'ajouter aux faibles taux d'épargne nationale et à la rareté croissante des financements étrangers a fait chuter l'investissement dans la région pendant les années 80.

En 1982, le Mexique a provoqué une crise internationale en annonçant aux banques qu'il se trouvait dans l'impossibilité d'assurer le service de la dette nationale. Par la suite, d'autres pays latino-américains, dont le Brésil, le plus endetté des pays en voie de développement, ont également suspendu le service de leur dette. De 1980 à 1991, 18 pays d'Amérique latine et des Caraïbes ont négocié avec leurs créanciers des accords de restructuration de la dette(9).

Pendant les années 80, deux grandes initiatives, portant toutes deux le nom d'un secrétaire américain au Trésor, ont été lancées dans le but de résoudre le problème international de la dette. La première, le Plan Baker, préconisait des «prêts concertés» par les institutions multilatérales (Fonds monétaire international, Banque mondiale, banques régionales de développement) et les banques commerciales. Toutefois, il est vite devenu évident que les principaux pays débiteurs ne pourraient se tirer de leur endettement et les banques commerciales cessèrent d'accorder de nouveaux prêts.

Le plan Brady, lancé en 1989, comportait un élément nouveau important -- il incitait à la réduction «volontaire» de la dette par voie de négociations entre les banques et les pays débiteurs. Une autre pierre angulaire du plan Brady était l'obligation faite aux pays participants d'introduire des réformes économiques axées sur le marché afin d'encourager l'épargne intérieure, de rapatrier les capitaux en fuite et d'attirer des investissements étrangers.

Le Fonds monétaire international (FMI) a aussi incité les pays débiteurs à entreprendre des réformes économiques en liant les prêts à l'adoption de programmes d'ajustements structurels (PAS). Conçus pour ramener les paiements extérieurs à des niveaux acceptables, ces programmes prévoyaient des mesures d'austérité, telles la compression des dépenses gouvernementales en vue de réduire la demande de capitaux, la dévaluation de la monnaie afin d'améliorer le solde de la balance commerciale et la restriction de la masse monétaire pour maîtriser l'inflation.

Au niveau micro-économique, la recette du FMI (et de la Banque mondiale) faisait une plus grande place au marché et limitait le rôle de l'État. Ainsi, la déréglementation, la privatisation, l'ajustement des taux de change, la réduction des entraves à l'investissement étranger direct, et l'établissement par le marché des taux d'intérêt étaient des éléments communs aux plans d'ajustement du FMI et de la Banque mondiale.

   B. La solution du marché

De nombreux spécialistes du développement critiquent depuis longtemps les recettes économiques axées sur le marché que préconisent le FMI et la Banque mondiale. Toutefois, il est aujourd'hui évident que ce ne sont pas les programmes du FMI et de la Banque mondiale qui sont en porte-à-faux en Amérique latine, mais bien les théories traditionnelles interventionnistes. La crise de la dette a révélé aux Latino-américains l'inefficacité et la rigidité de leurs régimes économiques. Ils n'ont pu s'empêcher de voir que des pays résolument exportateurs, tels les «tigres» asiatiques -- Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong -- n'avaient eu à tolérer qu'une brève pause dans leur croissance économique.

Dans toute l'Amérique latine, une véritable révolution économique est actuellement en cours, inspirée essentiellement des principes économiques néo-classiques que la plupart des pays de la région avaient rejetés avec mépris dans les années 60 et 70. Premièrement, la vague des nationalisations a été renversée. Un vaste mouvement de privatisation des entreprises d'État est en cours, ce qui jusqu'ici a entraîné le versement de quelque 32 milliards de dollars US dans les caisses publiques d'Amérique latine(10). La seule privatisation de Telemex, compagnie de téléphone gouvernementale, a rapporté 6,8 milliards de dollars US au Trésor mexicain(11).

Bien que les privatisations intervenues récemment au Mexique aient retenu presque toute l'attention, le Chili a également entrepris de vendre les biens de l'État dans les années 70, allant jusqu'à privatiser les banques et la caisse de retraite. L'Argentine est devenue l'un des disciples les plus zélés de la privatisation, et de 1990 à 1992, le gouvernement a encaissé 7,6 milliards de dollars US grâce à la vente de 200 entreprises d'État(12). Un peu partout en Amérique latine, banques, lignes aériennes, sociétés de télécommunications ou de services publics et autres sociétés d'État ont été mises aux enchères.

La vente d'éléments d'actif improductifs peut à la fois soulager le Trésor et donner à des pays comme le Mexique les moyens d'amortir leur dette étrangère. De plus, la cession des biens de l'État au secteur privé signifie que les bénéfices dépendront davantage de l'efficacité gestionnelle que de l'influence des dirigeants sur les politiques gouvernementales.

Deuxièmement, l'Amérique latine a adopté à l'égard du commerce international une attitude libérale. La plupart des pays de la région ont adhéré au GATT et ont considérablement réduit les tarifs et licences sur les importations. Il en résulte pour les industries nationales un accroissement de l'efficacité accompagné d'une baisse des coûts(13). Le meilleur exemple est le Mexique, qui a ramené son tarif maximum de 100 à 20 p. 100 et a pratiquement éliminé la nécessité d'une licence d'importation. Au Chili, le taux de droit moyen est passé de 35 p. 100 en pleine crise de la dette à 11 p. 100 récemment.

Troisièmement, dans la plupart des pays latino-américains, l'environnement macro-économique s'est récemment stabilisé. Le déficit public a été considérablement réduit. En Argentine, par exemple, il est passé d'une moyenne de 11,9 p. 100 du PIB entre 1978 et 1982 à 0,9 p. 100 de 1990 à 1992; au Mexique, le déficit a été ramené de 11,7 p. 100 du PIB qu'il était de 1978 à 1992 à 1,2 p. 100 pour la période 1990-1992(14).

Comme le besoin de monétisation des déficits gouvernementaux s'est réduit, l'inflation s'est également beaucoup tassée dans l'ensemble de la région. À l'exception du Brésil, où les prix à la consommation ont augmenté de plus de 1 000 p. 100 en 1992, l'inflation annuelle dans la plupart des pays d'Amérique latine est aujourd'hui inférieure à 100 p. 100, soit une très nette amélioration par rapport aux années 80(15).

Le démantèlement des entraves au commerce et aux investissements étrangers, accompagné d'un meilleur climat macro-économique et d'une intervention gouvernementale moins directe dans l'économie, a réveillé les «instincts de chasse» des investisseurs. Depuis 1989, les capitaux en exode reviennent de Floride et d'autres havres et les multinationales commencent à investir gros en Amérique latine.

Le flux des investissements directs en Amérique latine et aux Caraïbes en 1992 devraient atteindre 13,8 milliards de dollars US, soit quatre fois plus que le total enregistré en 1986. Et de fait, l'investissement direct, qui vient généralement des multinationales et suppose un engagement financier à long terme, est perçu comme une source de capitaux plus stable et donc préférable au financement de la dette(16).

Les privatisations et la libéralisation des règles applicables aux investissements étrangers, ajoutées à l'assouplissement du contrôle des changes, ont stimulé les marchés des capitaux en Amérique latine. Depuis quelques années, les marchés boursiers latino-américains sont parmi les plus performants au monde. Par exemple, le marché boursier argentin a enregistré une flambée de 392 p. 100 en 1991, tandis que la bourse progressait de 174 p. 100 en Colombie, de 151 p. 100 au Brésil, de 103 p. 100 au Mexique et de 90 p. 100 au Chili(17). Les placements de portefeuille(18) représentent actuellement une source importante de financement puisque le flux de capitaux en portefeuille en Amérique latine a quadruplé, passant de 3,8 milliards de dollars US en 1990 à un total prévu, pour 1992, de 15,3 milliards de dollars US(19).

LES BLOCS COMMERCIAUX RÉGIONAUX EN AMÉRIQUE LATINE

   A. L'Association latino-américaine d'intégration

Les accords d'échanges préférentiels préconisés dans les années 50 par la Commission économique des Nations Unies pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) étaient essentiellement des programmes de substitution des importations élargis à l'échelle régionale. Afin d'encourager le développement des industries régionales, on a abattu les barrières tarifaires entre les pays membres du groupe régional, mais on les a maintenues pour les pays extérieurs. Il s'agissait d'offrir aux industries un plus vaste marché leur permettant de réaliser des économies d'échelle avant de les exposer à la concurrence mondiale. L'inconvénient de ce plan, comme d'ailleurs de la plupart des plans de substitution des importations, c'est que les industries protégées parviennent rarement à un degré de maturité suffisant pour faire face à la concurrence internationale.

L'Association latino-américaine d'intégration (ALADI) est issue d'une précédente tentative d'intégration économique, du nom d'Association latino-américaine de libre-échange (ALALÉ), à laquelle avait donné naissance le traité de Montevideo, signé d'abord en 1960 par l'Argentine, le Brésil, le Chili, l'Équateur, le Mexique, le Paraguay, le Pérou et l'Uruguay, puis par la Bolivie et le Venezuela en 1966 et 1967 respectivement.

L'ALALÉ était censée éliminer la plupart des entraves au commerce intrarégional sur une période de 12 ans durant laquelle les négociations produit par produit devaient se poursuivre. Ce processus graduel de libéralisation des échanges s'est cependant très vite enlisé car les participants étaient davantage disposés à accorder des concessions tarifaires pour les produits bruts, qui avaient traditionnellement constitué le gros du commerce intrarégional, que pour les biens manufacturés. Le peu d'enthousiasme qu'ont mis des pays aussi importants que le Brésil et l'Argentine à libéraliser le commerce s'explique également par leur grande instabilité macro-économique(20).

Par suite de la création de l'ALALÉ, le commerce intrarégional a d'abord progressé -- les exportations à l'intérieur du bloc commercial sont passées de 16,5 p. 100 du total en 1962-1964 à 11,4 p. 100 en 1971-1972. Cet essor s'est toutefois modéré quand on a commencé à accuser des retards dans le calendrier de libéralisation. À la dissolution de l'ALALÉ en 1980, la part intrarégionale du commerce s'était stabilisée en decà de 14 p. 100 du total des échanges.

En 1980, les membres de l'ALALÉ ont décidé de rebaptiser leur organisation, qui est devenue l'Association latino-américaine d'intégration (ALADI), et de se fixer un programme plus réaliste. Les principales caractéristiques de l'ALADI sont les suivantes:

  • une orientation extérieure qui permet à ses membres de libéraliser leurs échanges commerciaux avec d'autres pays;

  • des préférences tarifaires accordées aux membres de l'association plutôt que le libre-échange pur et simple;

  • des accords à portée limitée entre membres qui peuvent par la suite être élargis à d'autres membres; ces accords touchent le commerce et la coopération économique dans des secteurs précis tels le tourisme, l'agriculture, la promotion du commerce, les sciences et la technologie, les services, les transports et les communications;

  • un mécanisme de crédit commercial réciproque qui permet aux pays membres de régler la plupart de leurs comptes commerciaux intrarégionaux sans puiser dans leurs faibles réserves de devises. En 1990, 75 p. 100 des échanges commerciaux au sein de l'ALADI ont été réglés par ce mécanisme.

Le regain d'intérêt pour l'intégration régionale en Amérique latine a incité le Conseil des ministres de l'ALADI à énoncer en mai 1990 des directives visant à renforcer le rôle de l'Association. Au nombre des mesures prévues, citons:

  • l'harmonisation des politiques macro-économiques;

  • l'accroissement des tarifs préférentiels et l'élimination éventuelle des accords à portée limitée;

  • le renforcement de la collaboration douanière;

  • la collaboration pour la promotion du commerce régional des produits bruts, des minerais et des produits agricoles;

  • l'élaboration de règlements sanitaires et phytosanitaires communs;

  • l'amélioration et le renforcement du mécanisme de paiements intrarégionaux;

  • la recherche de solutions concertées aux problèmes du règlement de la dette étrangère des pays de la région(21).

En dépit de cette initiative, il reste à voir quel rôle jouera l'ALADI dans l'intégration économique de la région. Avec la naissance de nouveaux regroupements commerciaux tels le MERCOSUR, le Groupe des Trois, et autres alliances bilatérales, tous les pays membres de l'ALADI sont aussi signataires d'autres accords. En outre, l'ALADI a connu un succès limité dans la stimulation du commerce intrarégional, peut-être parce que les accords régionaux ne portent que sur un nombre limité de produits. En 1980, les exportations des pays membres de l'ALADI vers d'autres pays membres représentaient 13,5 p. 100 du total des exportations; en 1989, cette part était tombée à 10,8 p. 100(22).

Certains pays membres de l'ALADI ont exprimé leur mécontentement devant le peu de progrès réalisé. Le Groupe de Rio, organisation consultative regroupant les mêmes pays que l'ALADI, a recommandé, en octobre 1990, une restructuration de l'Association qui, à son avis, est devenue inefficace(23).

   B. Le Groupe andin

Le Groupe andin est issu de l'Accord de Carthagène, signé en 1969, et regroupe maintenant la Bolivie, la Colombie, l'Équateur, le Pérou et le Venezuela(24). Il est le fruit de l'insatisfaction face à l'ALALÉ dont les pays andins estimaient qu'elle avait été avantageuse surtout pour les pays les plus grands (Brésil, Mexique, Argentine). Les principaux objectifs du Groupe andin étaient les suivants:

  • libéraliser progressivement le commerce intrarégional;

  • introduire graduellement un tarif externe commun sur les importations en provenance de pays extérieurs;

  • établir des programmes de développement industriel régional en vue de répartir les avantages de l'intégration entre les membres;

  • arrêter une politique commune sur les investissements afin d'éviter que les pays de la région se fassent concurrence pour attirer les investissements étrangers;

  • établir des règles communes pour protéger la propriété intellectuelle.

Alors que, selon la méthode prévue par l'ALALÉ, les tarifs devaient être éliminés graduellement par des négociations permanentes, les tarifs douaniers au sein du Groupe andin devaient être éliminés progressivement à échéances fixes. Les pays les plus développés (Colombie, Chili, Pérou et Venezuela) devaient réduire leurs tarifs sur le commerce intrarégional de 7 p. 100 par an, jusqu'à ce qu'ils soient totalement éliminés en 1980. Les pays à l'économie moins développée (Bolivie et Équateur) avaient jusqu'à 1990 pour libéraliser totalement les échanges.

La libéralisation des échanges au sein du Groupe andin a eu une incidence limitée sur le commerce intrarégional, qui est passé de 2,3 p. 100 du total des exportations en 1970 à 5,5 p. 100 en 1987, avant de retomber à 4,9 p. 100 en 1989. Cela s'explique en partie par la taille relativement modeste du marché interne global (121,9 milliards de dollars US), ainsi que par l'insuffisance des réseaux de communication intrarégionaux. L'intégration régionale n'est pas allée aussi loin que prévu à l'origine pour diverses raisons: le nombre de produits exemptés de la libéralisation, les retards dans l'application du tarif externe commun et l'absence d'une stratégie industrielle régionale prévoyant une redistribution des usines entre les pays membres.

Le Protocole de modification, signé à Quito en 1987, a libéralisé les politiques à l'égard des investissements et détourné le Groupe andin du modèle de développement économique basé sur la substitution des importations. Il a en outre accordé une moins grande importance à l'adoption de politiques industrielles communes prévue dans l'Accord de Carthagène(25). En 1989, le Groupe andin a annoncé son intention d'établir une zone de libre-échange d'ici 1995, suivie par la création d'un marché commun d'ici 1997.

Ces dernières années, diverses initiatives dans le domaine du commerce international, telles l'Entreprise pour les Amériques, les négociations de l'Uruguay Round du GATT et l'accélération des plans d'intégration dans le marché commun du Cône Sud (MERCOSUR), ont incité le Groupe andin à renouveler ses plans d'intégration régionale(26). La Déclaration de Caracas, en mai 1991, a annoncé la création d'une zone andine de libre-échange pour le 1er janvier 1992, plutôt qu'en 1995, comme prévu. L'Équateur s'est vu accorder jusqu'en juin 1992 pour abolir ses tarifs sur le commerce intrarégional.

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Sources: Banque mondiale, Atlas; Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde, 1993; FMI, Statistiques financières internationales, sept. 1993; FMI, Direction of Trade Statistics, Yearbook, 1993.

En décembre 1991, les ministres des pays du Groupe andin ont signé l'Acte de Barahona qui apporte certaines modifications aux dispositions prises plus tôt cette année-là. Le traité prévoit l'établissement d'un programme de tarifs externes communs avec des tarifs de 5, 10, 15 et 20 p. 100 plutôt qu'un tarif externe minimum(27). Cette mesure doit préparer le terrain pour la réduction des tarifs externes régionaux. D'autres modifications mettront fin à la discrimination à l'endroit des investissements étrangers et protègeront la propriété intellectuelle.

Pourtant, l'avenir du Groupe andin est désormais incertain. La Colombie et le Venezuela ont signé un accord bilatéral de libre-échange, des difficultés surgissent parmi les autres membres du groupe. L'Équateur et le Pérou ont retardé la réduction des tarifs sur le commerce intrarégional, l'Équateur soutient que ses industries ne sont pas compétitives, et le Pérou connaît des problèmes d'ordre économique et politique.

Depuis la suspension des garanties constitutionnelles au Pérou en avril 1992, les relations entre ce pays et les autres membres du Groupe sont tendues. Le Groupe andin a approuvé en août 1992 la demande du Pérou en vue d'un moratoire de ses droits et obligations en vertu de l'Accord. On ne sait si cette demande s'appuyait sur des considérations politiques ou si, comme le prétendait le ministre de l'Économie, Carlos Bolona, le Pérou jugeait le tarif externe du Groupe trop élevé(28). Le Pérou, qui a de toute manière très peu d'échanges commerciaux avec les autres membres du Groupe, pourrait suivre l'exemple du Chili qui a quitté le Pacte Andin au cours des années 70, préférant négocier avec le reste du monde une libéralisation des échanges, qu'il a d'ailleurs obtenue.

Pour sa part, la Bolivie, qui a deux fois plus d'échanges commerciaux avec l'Argentine qu'avec tous les pays du Groupe andin réunis, a laissé entendre qu'elle pourrait adhérer au MERCOSUR tout en restant membre du Groupe andin. Toutefois, avant qu'elle ne puisse présenter une demande officielle, le comité exécutif du MERCOSUR a rejeté l'idée(29).

   C. Le MERCOSUR

Le Traité d'Asuncion, signé par l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay en 1991 prévoit la création du Mercado Comun del Sur (MERCOSUR) ou marché commun du Cône Sud(30). Le MERCOSUR aura démantelé toutes les barrières tarifaires internes d'ici le 1er janvier 1995. Les signataires sont convenus d'établir des tarifs communs externes sur 85 p. 100 des produits. Certains entreront en vigueur en janvier 1995, tandis que d'autres seront progressivement mis en place jusqu'à l'an 2001. Il reste cependant encore des différends quant aux niveaux des tarifs extérieurs nécessaires pour protéger les secteurs sensibles, tels l'informatique, les équipements de télécommunications et la pétrochimie. La nouvelle échéance pour un accord global sur le tarif extérieur a été fixée au mois de juin 1994(31).

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Sources:  Banque mondiale, Atlas; Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde, 1993; FMI, Statistiques financières internationales, sept. 1993; FMI, Direction of Trade Statistics, Yearbook, 1993.

Comme le MERCOSUR ne vise pas la création d'une simple zone de libre-échange, mais bien d'un marché commun, il éliminerait toute restriction à la libre circulation de la main-d'oeuvre et du capital, en même temps qu'il abaisserait les barrières tarifaires sur les biens et services. Les dix groupes de travail constitués aux termes du Traité sont censés se pencher sur les questions commerciales et sectorielles ainsi que sur la coordination des politiques macro-économiques.

Les différences de taille considérables entre les pays -- l'économie du Brésil est près de 80 fois celle du Paraguay -- signifient que le Brésil déterminera l'étendue et le rythme de l'intégration. Pourtant son incapacité à stabiliser sa situation macro-économique pourrait mettre en péril la survie du Pacte. Les efforts consentis par l'Argentine ont permis à ce pays de faire plonger l'inflation de 3 000 p. 100 en 1989 à 25 p. 100 en 1992(32), tandis qu'au Brésil l'inflation se maintenait cette année-là à plus de 1 000 p. 100. Une grande partie des difficultés qui ont anéanti les précédents efforts d'intégration en Amérique latine ont été attribuées à l'importance de l'écart dans les taux d'inflation et à la grande instabilité des taux de change(33).

Le Brésil est en outre davantage porté au protectionnisme que les autres pays membres du MERCOSUR. En 1991, le tarif douanier moyen imposé par le Brésil atteignait 32 p. 100, contre 10 p. 100 en Argentine, 16 p. 100 au Paraguay et 12 p. 100 en Uruguay. Compte tenu du poids économique du Brésil au sein du MERCOSUR, les signataires pourraient finir par adopter un tarif extérieur commun relativement élevé. Cela aurait pour conséquence de décourager les échanges avec les pays extérieurs si les plus petits pays membres sont obligés d'harmoniser leurs tarifs à la hausse. Si le détournement des courants d'échanges dépasse la valeur des échanges suscités par l'élimination des barrières internes, certains membres pourraient voir leur situation se détériorer.

Le 19 juin 1991, les pays membres du MERCOSUR et les États-Unis ont signé, dans la roseraie de la Maison Blanche, un accord cadre multilatéral. L'«Accord de la Roseraie» n'est pas un accord de libre-échange, mais il fournit un cadre de référence pour les consultations sur les questions relatives au commerce et aux investissements en vue d'abaisser les barrières commerciales entre les pays signataires. On lui attribue l'amélioration des relations des pays du MERCOSUR avec la communauté financière internationale. L'Accord pourrait également stimuler les investissements étrangers et donner un nouvel élan aux projets d'intégration régionale du MERCOSUR.

   D. Le marché commun centraméricain

C'est dans les années 50 que les cinq pays d'Amérique centrale ont entrepris un processus d'intégration économique avec la signature de divers accords commerciaux bilatéraux. En 1960, le Guatemala, le Salvador, le Honduras et le Nicaragua ont constitué le marché commun centraméricain (MCCA) en signant un traité général d'intégration économique. Le Costa Rica s'est joint à ce marché en 1964. La Commission économique des Nations Unies pour l'Amérique latine, qui avait lancé l'idée d'un marché commun centraméricain, estimait que si la substitution des importations était inefficace pratiquée individuellement par des petits pays en voie de développement, les problèmes d'échelle de marché qu'elle posait pouvaient être surmontés par la création de groupes régionaux.

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Sources:  Banque mondiale, Atlas; Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde, 1993; FMI, Statistiques financières internationales, sept. 1993; FMI, Direction of Trade Statistics, Yearbook, 1993.

En 1969, le MCCA avait éliminé les barrières tarifaires sur 95 p. 100 des biens échangés, les 5 p. 100 restants étant couverts par des accords internationaux et d'autres arrangements spéciaux(34). Il s'en est suivi un accroissement du commerce intrarégional qui de 7,5 p. 100 des exportations totales en 1960 a atteint 26,8 p. 100 en 1970(35). La part du commerce intrarégional a cependant décliné par la suite -- elle n'était plus que de 13,1 p. 100 en 1989 -- après que des différends commerciaux dus à des divergences politiques opposèrent les pays membres.

Suite à la guerre qui l'a opposé au Salvador en 1969, le Honduras s'est retiré du pacte en 1970 et a poursuivi les échanges commerciaux avec les autres membres du MCCA par le truchement d'accords bilatéraux. Quant au Costa Rica, il a été temporairement exclu en 1972 en raison d'un différend commercial. Le MCCA s'est également ressenti de la crise de la dette internationale, lorsque ses membres se sont mis à bloquer les importations par des mesures non tarifaires afin de préserver leurs rares devises étrangères.

Le MCCA a connu récemment un nouveau souffle. En juillet 1990, le Honduras a repris sa place et un an plus tard les membres ont convenu de créer un nouveau marché commun. Le Panama, qui n'avait jamais adhéré au MCCA, a également accepté de signer le pacte. Outre l'élimination de la plupart des restrictions quantitatives et la libéralisation des échanges agricoles, le MCCA prévoit l'adoption de tarifs extérieurs communs situés entre 5 et 20 p. 100. Ces nouveaux taux tarifaires, beaucoup moins élevés que ceux qu'ont appliqués par le passé la plupart des pays membres, sont annoncés comme «un pas évident vers la libéralisation du commerce»(36). Autre signe de l'abandon des coûteuses politiques de substitution des importations, tous les pays membres du MCCA, à l'exception du Nicaragua, sont récemment devenus membres du GATT.

Tous les membres du MCCA ont en outre signé avec les États-Unis des accords cadres qui établissent les principes pour les négociations sur le commerce et l'investissement. L'ouverture manifestée par les pays du MCCA à l'idée d'un accord de libre-échange avec les États-Unis montre bien que ceux-ci sont leur principal partenaire commercial, tandis que le Mexique est leur plus grand concurrent sur ce marché. L'ALÉNA pourrait affaiblir le statut préférentiel dont jouissent les États centraméricains auprès des États-Unis de par l'Initiative du bassin des Caraïbes. On considère que c'est l'Amérique centrale qui souffrira le plus, après le Brésil, du détournement des courants d'échanges qui résulteront de l'ALÉNA.

   E. La Communauté et le marché commun des Caraïbes (CARICOM)

La Communauté des Caraïbes est née en 1965 sous le nom d'Association de libre-échange des Caraïbes (CARIFTA). Elle regroupait Antigua, la Barbade et la Guyana. À ces trois membres vinrent s'en ajouter huit autres en 1968 (Jamaïque, Trinidad et Tobago, Grenade, Dominique, Sainte-Lucie, Saint-Vincent, Montserrat et Saint-Kitts-et-Nevis-Anguilla). La CARIFTA a abattu presque immédiatement la plupart des barrières au commerce intrarégional et elle prévoyait l'élimination progressive sur cinq ans des droits douaniers frappant certains produits exemptés. Aucun tarif externe commun n'était prévu.

La CARIFTA a réussi à faire progresser les échanges commerciaux entre les pays des Caraïbes; la part du commerce intrarégional dans les exportations totales est passée de 4,5 p. 100 en 1960 à 7,3 p. 100 en 1970(37). Néanmoins, le mécontentement a gagné les moins développés des membres de l'organisation, qui avaient l'impression que l'intégration profitait surtout aux riches. En 1973, la Communauté et le marché commun des Caraïbes (CARICOM) est né pour pallier aux défauts de la CARIFTA.

Le Traité de Chaguarmas qui a établi la CARICOM prévoyait une intégration régionale plus poussée, ne s'arrêtant pas à un tarif extérieur commun, mais allant jusqu'à l'harmonisation des politiques économiques, à l'établissement d'un marché commun et à la coopération dans certains secteurs tels l'éducation, la santé, le transport, la recherche, et les relations commerciales avec les pays non membres. La CARICOM a divisé ses membres en pays développés (Barbade, Guyana, Jamaïque, Trinidad et Tobago) et pays moins développés (tous les autres), auxquels une plus longue période a été accordée pour l'élimination des tarifs sur le commerce intrarégional.

La liste du tarif extérieur commun a fixé les droits de douanes entre 5 et 45 p. 100 sur les biens importés de pays extérieurs. Afin d'encourager le développement économique, les taux les plus faibles ont été appliqués aux biens d'équipement et aux produits intermédiaires, tandis que les taux douaniers les plus élevés ont été réservés aux produits finis. L'adoption du tarif extérieur commun a été quelque peu retardée du fait qu'Antigua et Barbuda, Montserrat, Saint-Christophe-et-Névis et Sainte-Lucie avaient des tarifs atteignant jusqu'à 70 p. 100 sur les importations provenant de pays extérieurs. À ces taux de droits douaniers déclarés s'ajoutaient des barrières non tarifaires qui assuraient une protection considérable.

Le CARICOM regroupe maintenant les pays suivants: Antigua et Barbuda, la Barbade, Belize, Dominica, Grenade, Guyana, Jamaïque, Montserrat, Saint-Kitts et Nevis, Saint-Vincent et les Grenadines, Sainte-Lucie et Trinidad et Tobago.

Dans les années 80, un certain nombre d'obstacles au commerce ont porté un coup à l'intégration du marché régional. Les principaux facteurs ont été la fluctuation des cours, l'imposition par les pays membres de licences d'importation, l'inefficacité des mécanismes de compensation multilatérale et des règles d'origine. Il s'en est suivi une contraction du commerce intracommunautaire qui de 555 millions de dollars US en 1982 est tombé à 290 millions de dollars US en 1986(38).

En juin 1991, les dirigeants des pays de la CARICOM se sont entendus pour créer un véritable marché unique. Pour cela, il fallait abattre toutes les barrières au commerce intrarégional, permettre la libre circulation des travailleurs qualifiés et des professionnels, établir une monnaie commune et créer une caisse d'investissement régionale. L'ombre de l'ALÉNA a également incité les dirigeants des pays de la CARICOM à entamer des discussions avec les dirigeants des pays centraméricains sur l'intégration des régions caraïbes et centramérique.

Tableau 5
Indicateurs de base pour les principaux pays de la CARICOM (1991)

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*   variation annuelle moyenne dans le déflateur du PNB; les données pour Sainte-Lucie portent sur la période de 1980 à 1990
** changement sur un an des prix à la consommation; les données pour Antigua, le Bélize et la Guyana s'appliquent au changement du déflateur en 1990

Sources:  Banque mondiale, Atlas; Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde, 1993; FMI, Statistiques financières internationales, septembre 1993; FMI, Direction of Trade Statistics, Yearbook, 1993.

Depuis que la CARICOM a trouvé son deuxième souffle, d'autres pays sont intéressés à y adhérer. Les îles Vierges britanniques et les îles Turks et Caicos ont obtenu le statut de membres associés, tandis que le Mexique, Porto Rico, le Venezuela et la Colombie ont été admis à titre d'observateurs(39). Le Venezuela a d'abord proposé de négocier un accord de libre-échange avec la CARICOM avant de demander la pleine participation au groupe.

   F. Le Groupe des Trois et autres zones de libre-échange

Parallèlement au nouvel essor des blocs commerciaux latino-américains, un mouvement tout aussi important se dessine dans la région: la naissance de nouveaux accords de libre-échange. Le Groupe des Trois - Mexique, Venezuela et Colombie - a décidé en 1989 de constituer une association régionale. L'un des objectifs de ces pays producteurs d'énergie était la création d'un «bassin énergétique» qui relierait tous les réseaux électriques et les pipelines du Mexique, en passant par l'Amérique centrale, jusqu'à la Colombie et au Venezuela.

Le deuxième objectif du Groupe est la constitution d'une zone de libre-échange entre les trois pays. Le Mexique a signalé son intention d'accorder des concessions de libre-échange à la Bolivie, à l'Équateur et au Pérou, soit les autres pays du Pacte Andin(40). Il en résulterait de fait une zone de libre-échange regroupant tous les pays du Pacte Andin et le Mexique.

Un autre accord de libre-échange -- entre le Mexique et le Chili -- a été signé en janvier 1992. Les tarifs frappant la plupart des importations seront progressivement éliminés d'ici 1996. Sur certains articles (textiles, verre, produits chimiques et pétrochimiques) les tarifs seront éliminés d'ici 1998. Le Mexique a également entamé des négociations bilatérales avec cinq pays membres du Marché commun centraméricain.

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Sources:  Banque mondiale, Atlas; Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde, 1993; FMI, Statistiques financières internationales, sept. 1993; FMI, Direction of Trade Statistics, Yearbook, 1993.

Le Mexique, apte et disposé à négocier des accords bilatéraux de libre-échange avec n'importe quel pays de la région, est rapidement en train de devenir le pivot de la libéralisation. Maintenant que le Congrès américain a approuvé l'Accord nord-américain de libre-échange, il se pourrait bien que le Mexique, et non les États-Unis, devienne la plaque tournante d'une structure en étoile. À ce titre, le Mexique bénéficierait d'un accès préférentiel aux marchés américain, canadien, et à ceux d'autres pays latino-américains, tandis que le Canada et les États-Unis n'auraient libre accès qu'aux marchés des deux autres pays membres de l'ALÉNA. Comme le rappelle un auteur: «Ce n'était pas prévu ainsi [...] Le modèle en étoile, même avec les États-Unis au centre, était considéré sous-optimal du point de vue de l'équité et de l'efficience, ainsi que du point de vue politique. Sur tous ces plans, une structure centrée sur le Mexique serait encore moins désirable»(41).

Mexique à part, le partenaire le plus intéressant pour un accord de libre-échange pourrait bien être le Chili qui jouit d'un environnement économique stable (inflation faible, croissance solide). Jusqu'ici, le Chili a manifesté peu d'intérêt pour les groupes régionaux tels le MERCOSUR, afin de ne pas mettre en péril ses négociations avec les États-Unis. Toutefois, comme nous l'avons déjà dit, le Chili a signé un traité avec le Mexique et a entrepris des négociations bilatérales avec le Venezuela et la Colombie. Pour sa part, le Venezuela a ouvert des négociations commerciales avec six pays d'Amérique centrale.

CONCLUSIONS

La démocratie et l'économie de marché sont en train de devenir la règle, plutôt que l'exception, en Amérique latine. Un article paru récemment dans L'observateur de l'OECD rappelait que les perspectives de «croissance de stabilité politique et de prospérité économique de l'Amérique latine sont meilleures aujourd'hui que jamais auparavant»(42). Ces réformes ne sont cependant pas gravées dans la pierre et les pays développés doivent continuer de les encourager. L'une des meilleures façons de garantir la survie des réformes serait que le Canada et les États-Unis libéralisent le commerce avec la région.

L'assouplissement de la politique étrangère des États-Unis à l'égard de la région, rendu possible par la fin de la Guerre froide, ainsi que l'initiative Entreprise pour les Amériques de l'ancien président Bush, a considérablement relevé la cote d'estime des États-Unis dans les pays de la région. Cette nouvelle disposition, s'ajoutant aux réformes économiques et démocratiques entreprises en Amérique latine, rend le moment particulièrement propice à l'ouverture de négociations par le Canada et les États-Unis pour le démantèlement des barrières au commerce et aux investissements en Amérique latine.

Selon l'une des critiques qui a circulé pendant le débat sur l'ALÉNA, le libre-échange avec les États-Unis et le Canada ferait du tort au Mexique. Le fait est que la libéralisation des échanges est le meilleur espoir qui s'offre aux pays peu développés d'atteindre à un niveau de prospérité comparable à ceux des pays industrialisés. Selon une étude de la Banque mondiale, l'élimination des barrières commerciales dans les pays industrialisés entraînerait un accroissement du revenu national des pays en développement deux fois plus important que ce que peut apporter l'aide publique au développement(43).

Mais les accords commerciaux ne se limitent pas à ouvrir l'accès à un marché(44). L'ALÉNA non seulement ouvre les marchés américains au Mexique, mais donne également à ce pays un «label» qui devrait lui faciliter l'accès aux capitaux étrangers, cet oxygène indispensable à la stratégie de développement du président Salinas. Face à la concurrence internationale pour les investissements étrangers, un accord de libre-échange avec un grand pays industrialisé comme les États-Unis est un atout important.

Pour leur part, les pays d'Amérique latine et des Caraïbes libéralisent leurs échanges en redonnant vigueur aux accords de libre-échange existants et en créant de nouveaux liens commerciaux. De plus, le nouveau modèle d'intégration régionale, ouvert sur l'extérieur, s'inscrit dans la ligne des réformes des économies externes de ces pays obtenues grâce à la réduction des tarifs et à la simplification des listes tarifaires, à l'abaissement des barrières non tarifaires, à l'assouplissement des règles sur les investissements étrangers et à la mise en place de régimes de taux de change plus compétitifs. La libéralisation du commerce est pour les pays d'Amérique latine la condition sine qua non d'une relation de libre-échange avec les États-Unis telle qu'elle a été envisagée dans l'initiative Entreprise pour les Amériques(45).

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

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(1) Alieto Guadagni, Secrétaire aux relations internationales pour l'Argentine, cité dans Stephen Fidler, «Trouble with the Neighbours», The Financial Post, le 20 février 1993, p. 51 (traduction).

(2) Commission américaine du commerce international, U.S. Market Access in Latin America: Recent Liberalization Measures and Remaining Barriers (with a Special Case Study on Chili), Washington (D.C.), USITC Publication 2521, juin 1992, chapitre 2, p. 3.

(3) Ibid., chapitre 2, p. 4.

(4) Ibid., chapitre 2, p. 8.

(5) Ibid.

(6) Depuis les années 60, les gouvernements latino-américains avaient nationalisé les entreprises dans de nombreux secteurs économiques, y compris les services publics, les transports, les télécommunications, les médias, l'énergie, l'exploitation minière, la pêche, la fabrication, le tourisme et les finances.

(7) Banque mondiale, World Debt Tables, 1992-93, External Finance for Developing Countries, vol. 1, Washington (D.C.), Banque mondiale, 1992.

(8) En 1982, le ratio d'endettement du Mexique atteignait 56,8 p. 100; il était de 81,3 p. 100 au Brésil, de 59,2 p. 100 en Bolivie et de 71,3 p. 100 au Chili; à son maximum, en 1986, le service de la dette de l'Argentine a atteint 76,2 p. 100 de la valeur totale des exportations.

(9) World Debt Tables, 1992-93, p. 47.

(10) «A New Era for Privatisation», Latin American Economy and Business, Londres, Latin American Newsletters, juillet 1993, p. 11.

(11) Ibid.

(12) «Privatization», Latin American Economy and Business, février 1993, p. 17.

(13) Par exemple, le protectionnisme brésilien avait poussé le prix des ordinateurs (de qualité inférieure) à cinq fois le prix mondial. La réglementation des importations était telle que les vendeurs devaient remplir un formulaire fiscal de trois pages dactylographiées chaque fois qu'ils vendaient une fiche importée valant 8 $; voir «Latin America--The Big Move to Free Markets», Business Week, 15 juin 1992, p. 53.

(14) Clive Crook, «New Ways to Grow - A Survey of Third World Finance», The Economist, 25 septembre 1993, p. 6.

(15) Voir tableaux 2 à 6 dans les pages qui suivent.

(16) Un «investissement direct» est un investissement qui donne à l'investisseur un droit de regard sur la gestion de l'entreprise. Statistique Canada définit comme investissement direct une participation d'au moins 10 p. 100 au capital de l'entreprise et qui couvre des créances en vigueur pour plus d'un an.

(17) D'après les indices établis par la Société financière internationale. Voir Latin American Economy and Business, juillet 1992, p. 15.

(18) Par placement de portefeuille, on entend les achats d'actions et d'obligations internationales qui ne donnent aucun droit de regard sur la gestion d'une entreprise.

(19) World Debt Tables 1992-93, p. 24.

(20) Sebastian Edwards, «Latin American Economic Integration: A New Perspective on an Old Dream», The World Economy, Oxford (Angleterre), mai 1993.

(21) Commission américaine du commerce international (1992), p. 3 et 4.

(22) OCDE, Intégration régionale et pays en voie de développement, Paris, Organisation pour le développement et la coopération économiques, 1993, p. 48.

(23) «Latin American Integration Association», The Europa World Year Book 1993, volume 1, Londres, Europa Publications Limited, 1993, p. 163.

(24) Le Chili, membre fondateur, s'est retiré du Groupe en 1976 afin de pratiquer une politique plus dynamique de la libéralisation du commerce avec les pays extérieurs au Groupe.

(25) Commission américaine sur le commerce international (1992), p. 3 - 5.

(26) Ibid.

(27) La Bolivie maintiendrait sa structure tarifaire à deux niveaux: 5 et 10 p. 100.

(28) «No Go -- Focus and the Andean Free Trade Zone», Latin American Economy and Business, juillet 1992, p. 28.

(29) «Mercosur Thumbs Down», Latin American Economy and Business, juin 1993, p. 10.

(30) MERCOSUR est l'acronyme espagnol et MERCOSUL, l'acronyme portugais.

(31) «Mercosur Nations Delay Tariff Agreement», The Globe and Mail (Toronto), 17 janvier 1994.

(32) Fonds monétaire international, Statistiques financières internationales, Washington (D.C.) FMI, septembre 1993.

(33) Edwards (1993), p. 326.

(34) «Central American Common Market - CACM», The Europa World Year Book 1993, volume 1, Londres, Europa Publications Limited, 1993, p. 104.

(35) OCDE (1993), p. 48.

(36) Edwards (1993), p. 331 (traduction).

(37) OCDE (1993), p. 48.

(38) The Europa World Year Book 1993, p. 102.

(39) Cuba a également demandé le statut d'observateur auprès de la CARICOM.

(40) Voir «Delayed Start-up for Northern Axis», Latin American Special Reports, Londres, Latin American Newsletters, juin 1992, p. 8.

(41) Sylvia Saborio, «The Long and Winding Road from Anchorage to Patagonia», in Sylvia Saborio et al., The Premise and the Promise: Free Trade in the Americas, Transaction Publishers, New Brunswick (N.-J.), États-Unis, 1992, p. 20-21 (traduction).

(42) Linda Likar, «Amérique latine: les échanges à l'appui de la réforme», L'observateur de l'OCDE, n°  183, août-septembre 1993, p. 13.

(43) Michael J. Finger et Patrick A. Messerlin, «The Effects of Industrial Countries' Policies on Developing Countries», Policy and Research Series, n° 3, Washington (D.C.), Banque mondiale, juin 1989.

(44) Ceci est particulièrement important puisque l'analyse indique que le libre-échange avec les États-Unis pourrait à court terme ne pas avoir d'incidence très marquée sur le commerce de la plupart des pays d'Amérique latine et des Caraïbes, à l'exception peut-être du Brésil et du Mexique. Voir Refik Erzan et Alexander Yeats, «U.S.-Latin America Free Trade Areas: Some Empirical Evidence», dans Saborio (1992).

(45) Le gouvernement canadien semble également disposé à élargir l'ALÉNA à d'autres pays d'Amérique latine. En janvier 1994, le ministre canadien du Commerce international, Roy MacLaren, a examiné avec des représentants officiels chiliens la possibilité de l'accession de ce pays à l'ALÉNA.