BP-396F

 

SERVICES DE CÂBLODISTRIBUTION SPÉCIALISÉS :
LA PROTESTATION DES CONSOMMATEURS
AU DÉBUT DE L'ANNÉE 1995

 

Rédaction  Susan Alter
Division du droit et du gouvernement

Janvier 1995

                                      


 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

LE CONTEXTE TECHNOLOGIQUE

LE CONTEXTE RÉGLEMENTAIRE

   A.  Les audiences de 1993 sur la structure de l'industrie

   B.  Règles fondamentales régissant les services spécialisés de câblodistribution
      1.  Le service de base et les services facultatifs de câblodistribution
      2.   Les règles du CRTC en matière de distribution

   C.  Les tarifs des nouveaux services et leur réglementation

   D.  La commercialisation des nouveaux services spécialisés

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 


SERVICES DE CÂBLODISTRIBUTION SPÉCIALISÉS :
LA PROTESTATION DES CONSOMMATEURS
AU DÉBUT DE L'ANNÉE 1995

 

INTRODUCTION

En 1994, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a accordé des permis à six nouveaux services de câblodistribution spécialisés de langue anglaise et à deux de langue française : Bravo!, The Country Network, The Discovery Channel, Lifestyle Television, Showcase, You : Your Channel, Le Réseau de l’information et Arts et Divertissement. Le Conseil visait alors deux objectifs principaux : 1) renforcer la présence canadienne dans le système de radiodiffusion au Canada, notamment en prévision de l’invasion de ce système par des services américains de radiodiffusion directe du satellite au foyer (les abominables « étoiles de la mort »), et 2) veiller à ce que le plus grand choix possible de nouveaux services canadiens soit accessible à un coût raisonnable.

Le 1er janvier 1995 a marqué le début de la nouvelle programmation des services de câblodistribution spécialisés. Mais, à la grande surprise de l’industrie et du CRTC, ces services n’ont pas été favorablement accueillis partout. Les nouveaux canaux, qui ont été ajoutés dans la plupart des cas au service facultatif actuel des abonnés moyennant des frais mensuels supplémentaires ont soulevé la colère, plutôt que l’intérêt, des téléspectateurs. En bonne partie, les protestations ont été provoquées par la stratégie de commercialisation employée, principalement par la société Rogers Cablesystems, qui est le plus important câblodistributeur au pays, pour « vendre » les nouveaux services : l’abonnement par défaut. Les frais plus élevés, la restructuration des services offerts ainsi que le repositionnement des canaux ont aussi suscité la dissension.

Le 5 janvier dernier, Rogers Cablesystems avait partiellement capitulé, s’excusant de l’erreur commise en n’offrant pas les nouveaux services de façon distincte et au choix du client. La société a offert à ses clients de ne conserver que la liste actuelle de canaux spécialisés facultatifs à l’ancien tarif ou d’y ajouter les nouveaux services spécialisés pour un tarif supplémentaire. Mais le plan fort contesté de commercialisation fondé sur l’abonnement par défaut, qui avait servi à lancer les nouveaux services, est demeuré bien en place, laissant au consommateur le fardeau de refuser les nouveaux services.

Même s’il est trop tôt pour se prononcer, certains commentateurs ont fait valoir qu’il se peut que les protestataires aient avoir remporté une victoire à la Pyrrhus. Le fait qu’ils se soient fermement prononcés sur la liberté de choix en matière de services de câblodistribution pourrait compromettre la gamme de choix offerts à chacun au Canada dans l’univers multichaîne de la sélection à la carte que l’on entrevoit pour l’avenir.

Dans cette étude générale, nous décrivons le contexte technologique et réglementaire dans lequel est survenue la révolte des abonnés des services de câblodistribution et nous en analysons certaines répercussions.

LE CONTEXTE TECHNOLOGIQUE

La capacité de l’univers multichaîne a augmenté de façon exponentielle au cours des dernières années, passant de 100 à 200 puis à 500 canaux. Toutefois, pour les « zappeurs », ce choix abondant relève encore du domaine de la science-fiction puisqu’il ne peuvent pas encore avoir accès à ces canaux à partir de leur salle de séjour. De même, la technologie interactive, qui permettra un jour de mettre à la disposition des usagers une vaste gamme de jeux vidéo et de services de vidoétexte et de télévision interactive, relève actuellement davantage du rêve que de la réalité puisqu’elle n’est implantée, pour l’essentiel, qu’à titre expérimental dans certaines collectivités.

L’évolution du système actuel de transmission analogue des signaux vers un système numérique doit d’abord se faire avant que la promesse de l’accès à des services de câblodistribution à la carte, interactive et multimédia puisse se concrétiser. Cette évolution doit commencer par la distribution aux abonnés du câble de boîtes spéciales montées sur le téléviseur, appelées boîtes de compression numérique des signaux vidéo, ou boîtes numériques. La technologie des boîtes numériques permettra aux câblodistributeurs d’offrir un plus grand nombre de services dans l’espace maintenant occupé par un seul canal puis de les transmettre, sous forme numérique, vers les foyers des abonnés où les boîtes numériques traduiront les signaux numériques comprimés en format analogue convenant à leur téléviseur.

Le passage de l’industrie de la câblodistribution de la transmission analogue à la transmission numérique — autrement dit, de l’univers des services de base et du volet facultatif, de la télévision payante et de la télévision à la carte à celui des services de câblodistribution multimédia, interactive et à la carte, ne sera achevé qu’au tournant du siècle. Par conséquent, l’industrie de la radiodiffusion et de la câblodistribution se trouve actuellement dans une période de transition où un plus grand choix d’émissions est offert mais où, également, la technologie permettant aux téléspectateurs d’avoir accès à un choix véritable n’est pas encore en place.

LE CONTEXTE RÉGLEMENTAIRE

   A. Les audiences de 1993 sur la structure de l'industrie

Conscient des changements spectaculaires qui s’annoncent dans l’univers de la radiodiffusion, le CRTC a tenu une audience sur la câblodistribution en 1993, appelé Audience publique portant sur la structure de l'industrie. La tenue de cette audience visait à aider le Conseil à concevoir un cadre de réglementation approprié pour faciliter l’avènement de la nouvelle génération de services télévisés. Pour reprendre les termes de Keith Spicer, président du CRTC, « Nous avions pour principal objectif de bâtir un cadre de réglementation qui serve de pont au système canadien de radiodiffusion pour lui permettre de faire la transition au marché de l’an 2000 qui sera au service du consommateur ».

La décision du CRTC découlant du processus d’audience publique sur la structure de l’industrie, publiée en juin 1993, a donné le coup d’envoi à diverses réformes sur le plan de la réglementation, dont certaines ont été mises en oeuvre au moment de l’approbation et du lancement des nouveaux services de câblodistribution spécialisés durant la dernière moitié de 1994. Ainsi, dans le cadre de ces délibérations publiques, les stratégies de commercialisation fondées sur l’abonnement par défaut ont été débattues et approuvées de façon tacite et des rajustements aux règles régissant la distribution et le groupage des services spécialisés ont été élaborés.

Devant la révolte des abonnés du câble en janvier 1995, le bien-fondé du cadre de réglementation du CRTC, mis en place pour assurer la transition du système de radiodiffusion canadien vers les services de télévision choisis par le consommateur, a été remis en question. Les défenseurs des intérêts des consommateurs, en particulier, ont demandé au gouvernement de modifier la Loi sur la radiodiffusion pour forcer le CRTC à protéger les intérêts des consommateurs et non uniquement les intérêts culturels lorsqu’il réglemente le monopole que constitue l’industrie de la câblodistribution. Néanmoins, à la mi-janvier, le Conseil a maintenu fermement sa vision du cadre de réglementation requis pour assurer la transition des services télévisés, défendant la décision qu’il avait prise d’accorder des licences à la nouvelle série de services spécialisés canadiens, soutenant ses règles en matière de distribution et de groupage des émissions offertes par les câblodistributeurs et renvoyant, pour l’essentiel, aux entreprises de câblodistribution les plaintes formulées au sujet de la commercialisation, du coût et du positionnement des canaux des nouveaux services.

Les plans du CRTC visant à aider les consommateurs de services de câblodistribution à exercer leur choix semblent être orientés uniquement à long terme. Prenant la parole devant les intervenants de l’industrie de la câblodistribution au congrès annuel de mai 1994 de l’Association canadienne de télévision par câble, le président du CRTC, M. Keith Spicer, a reconnu que les consommateurs de services télévisés voulaient exercer un plus grand contrôle. Mais il a aussi indiqué qu’il ne pourraient le faire qu’après l’an 2000 :

Ils veulent, méritent et exigeront de plus en plus rien de moins que le maximum de contrôle possible sur les services qu’ils choisissent et paient. En ma qualité tant de consommateur que de président du CRTC, je souscris sans réserve à cet objectif. L’univers « à la carte » complet, mis à part quelques services d’intérêt national commun fondamentaux, ne saurait, je crois, devenir une réalité qu’au cours de la prochaine décennie; mais ce n’est qu’une question de temps.

Dans l’intervalle, le président surveille les intérêts des abonnés du câble en exhortant simplement les câblodistributeurs à accorder une plus grande attention aux demandes des consommateurs :

À long terme, les concurrents trouveront le moyen d’offrir presque les mêmes services et l’organisme de réglementation n’empêchera pas les consommateurs d’avoir accès à des fournisseurs concurrents pour obtenir les services qu’ils veulent acheter. C’est pourquoi il est crucial pour le câble d’articuler une stratégie pour l’industrie, d’adapter sa technologie aussi rapidement que possible et — cela mériterait que je le souligne trois fois — à prêter une oreille très attentive aux consommateurs et à les traiter avec la plus grande sensibilité et le plus grand respect.

   B. Règles fondamentales régissant les services spécialisés de câblodistribution

Les règles complexes du CRTC régissant la distribution et le groupage des services de câblodistribution se trouvent au coeur du dilemme qui met en cause les services spécialisés. Une explication de ces règles est donc nécessaire pour comprendre le contexte qui a engendré la rébellion des abonnés du câble.

      1. Le service de base et les services facultatifs de câblodistribution

Les règles régissant la distribution et le groupage des services de câblodistribution au Canada ont évolué et sont devenues plus complexes à mesure que les services offerts par les câblodistributeurs se sont accrus. En 1983, alors que le nombre et la gamme des services de câblodistribution augmentaient, le CRTC a dû décider de la façon dont seraient gérés le volume et le coût des services offerts par les câblodistributeurs. Le Conseil a choisi de répartir les services de câblodistribution en deux groupes, ou volets : le service de base et les services facultatifs (Avis public CTRC 1983-245 : Étagement des services de télévision par câble et Service universel de télévision payante).

Le service de base est l’ensemble habituel de services que tous les câblodistributeurs doivent offrir à l’ensemble des abonnés de la région qu’ils desservent pour un tarif mensuel. La transmission de certaines émissions dans le service de base est obligatoire, tandis que d’autres émissions peuvent être offertes selon une formule facultative. L’article 9 du Règlement de 1986 sur la câblodistribution du CRTC prescrit les émissions qui doivent entrer dans le service de base. Ainsi, le Règlement précise que le service de base doit comprendre les services des réseaux français et anglais de la SRC, des stations locales et régionales, des services de télévision éducative provinciaux et un canal communautaire. Les services de programmation facultatifs, c’est-à-dire ceux qui sont offerts en sus du service de base, regroupent la plupart des services spécialisés canadiens et les principaux réseaux américains.

Certains services spécialisés ne peuvent être inclus dans le service de base. Ce sont notamment les réseaux Chinavision, Talentvision (anciennement Cathay) et Telelatino, ainsi que tout service spécialisé offrant un point de vue religieux unique ou restreint. Ces services doivent nécessairement faire partie des services facultatifs.

Un service facultatif est tout service de programmation qui ne fait pas partie du service de base. Par conséquent, les services facultatifs peuvent comprendre des canaux spécialisés, des canaux de télévision payante et de télévision à la carte, ainsi que d’autres services canadiens et étrangers existants qui ne sont pas inclus dans le service de base. Ces services de programmation sont offerts aux abonnés moyennant le versement d’un tarif supplémentaire exigé en sus du montant demandé pour le service de câblodistribution de base. Pour recevoir les services facultatifs, il faut être abonné au service de base. Les services facultatifs sont offerts aux abonnés du câble sous la forme de groupes de programmation ou de « volets facultatifs ».

La composition de chaque volet facultatif est partiellement régie par les « règles d’assemblage » du CRTC, qui restreignent le nombre de services étrangers diffusés par satellite (habituellement des services américains) qui peuvent être regroupés avec des services spécialisés canadiens et des services de télévision payante à l’intérieur d’un volet. Les nouvelles règles d’assemblage visant les services spécialisés canadiens qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 1995 exigent que chaque canal attribué pour la diffusion d’un service spécialisé canadien à l’intérieur d’un volet facultatif soit lié à au plus un canal attribué pour la transmission d’un service étranger diffusé par satellite. Autrement dit, dans le cadre des règles d’assemblage, il ne peut y avoir plus d’un service de télévision par satellite non canadien offert à l’intérieur d’un volet facultatif pour chaque service spécialisé canadien qui y figure. Auparavant, le taux d’assemblage des services non canadiens aux services canadiens était de 2 pour 1.

Les signaux des services facultatifs peuvent être transmis soit en clair soit sous forme brouillée (ce qui veut dire que l’abonné doit disposer d’un décodeur pour recevoir ce service). Au cours des dernières années, les grands câblodistributeurs menant leurs activités à l’extérieur du Québec ont habituellement offert leurs volets facultatifs sous les deux formes, diffusant un volet facultatif appelé le « volet élargi », en forme claire, et brouillant les services de télévision payante et de télévision à la carte. Dans la plupart des cas, les câblodistributeurs transmettent le volet élargi en clair à tous les abonnés, y compris ceux qui ne souscrivent qu’au service de base, pour ensuite bloquer à l’aide d’un filtre ou d’un dispositif de déroutement installé à l’extérieur de la résidence de ces derniers les services correspondant au volet élargi. En raison du taux élevé de pénétration du marché du volet élargi, qui atteint plus de 90 p. 100 des ménages abonnés au câble, cette solution s’est avérée la plus économique et la plus efficace.

      2. Les règles du CRTC en matière de distribution

La transmission d’un service spécialisé dans le cadre du service de base offert par un câblodistributeur ou dans le cadre d’un volet facultatif est déterminée par les règles de distribution du CRTC. La dernière version des règles officielles du CRTC a été publiée en juin 1994 dans Avis public CRTC 1994-60 : Exigences relatives à la distribution et à l'assemblage. Le Règlement de 1986 sur la télédistribution, modifié en novembre 1994, intègre maintenant ces règles par voie de référence à l’article 10.

Pour l’essentiel, ces règles prévoient qu’outre les services spécialisés qui peuvent seulement être transmis dans le cadre d’un volet facultatif, tous les autres services spécialisés ont un double statut de sorte que, selon les circonstances, ils peuvent être transmis soit à même le service de base, soit dans un volet facultatif. Le CRTC a attribué certains services spécialisés au service de base et d’autres au volet facultatif. Toutefois, par consentement ou convention, un service spécialisé peut être réaffecté ou relocalisé de sa position désignée dans le service de base à une autre faisant partie du volet facultatif ou vice-versa.

Plus précisément, dans l’Avis public CRTC 1994-60, on a attribué les services de programmation spécialisés actuels et nouveaux au service de câblodistribution de base sauf si l’entreprise qui produit le service spécialisé consent par écrit à ce qu’il soit distribué dans le cadre d’un volet facultatif : CBC Newsworld, Vision, YTV, MuchMusic, TSN, Canal Famille, MétéoMédia/Weather Now, MusiquePlus, Réseau des Sports, TV5, Le Réseau de l’information (RDI) et The Country Network. Ainsi, Rogers Cablesystems est tenu de distribuer RDI dans le cadre de son service de base à moins que la SRC ne consente par écrit à ce qu’il soit transféré à un volet facultatif.

L’avis précise en outre qu’un câblodistributeur ayant 6 000 abonnés ou plus peut choisir de distribuer les nouveaux services de programmation spécialisés indiqués ci-après et, le cas échéant, il est tenu de les distribuer dans le cadre d’un volet facultatif sauf si cet exploitant et le producteur du service de programmation spécialisé conviennent de le distribuer dans le cadre du service de câblodistribution de base : Showcase, Bravo!, Lifestyle Television, Discovery, Arts et Divertissement et YOU : Your Channel. Ainsi, le canal Discovery serait automatiquement inscrit au volet facultatif du câblodistributeur à moins que les propriétaires de Discovery et le câblodistributeur ne s’entendent pour l’intégrer au service de base.

Compte tenu de la souplesse apparente des règles de distribution, la configuration finale des services de base et des services facultatifs d’un câblodistributeur semblerait dépendre, en partie, des arrangements conclus (par consentement ou convention) avec un exploitant donné de services spécialisés. L’obligation de respecter les exigences du CRTC en matière d’assemblage, décrites ci-dessus, est un autre facteur qui intervient dans la détermination de la configuration finale d’un volet facultatif.

En dépit de cette souplesse apparente, le CRTC n’a pas hésité à laisser savoir aux câblodistributeurs comment il aimerait que ceux-ci configurent leurs nouveaux services. Dans l’Avis public CRTC 1994-59, soit la décision du CRTC annonçant l’approbation du plus récent ensemble de services spécialisés offerts, le Conseil a indiqué qu’il préférerait que tous les nouveaux services spécialisés de langue anglaise soient distribués dans le cadre d’un ou de plusieurs volets facultatifs à grande pénétration plutôt que d’être inclus dans le service de base et cela, pour deux raisons. Premièrement, leur intégration à un volet facultatif contribuerait à maintenir le coût du service de base à un niveau abordable. Deuxièmement, étant donné que les services offerts dans le cadre du volet facultatif sont laissés au choix de tous les abonnés, le fait d’offrir ces nouveaux services dans le cadre du volet facultatif plutôt que de les intégrer au service de base laisse aux abonnés une plus grande liberté de se prévaloir ou non de ces services.

   C. Les tarifs des nouveaux services et leur réglementation

Après avoir tenu compte de la vaste gamme de programmation offerte aux abonnés du service de base des câblodistributeurs et du fait que les services facultatifs sont offerts de façon discrétionnaire, le Conseil a pris depuis longtemps la décision de ne pas réglementer les tarifs des services facultatifs (Avis public CTRC 1983-245 : Étagement des services de télévision par câble). Par conséquent, les tarifs qu’il fixe pour les services spécialisés ne s’appliquent que lorsque ces services sont distribués dans le cadre du service de base et non lorsqu’ils sont offerts dans un volet facultatif.

Le Conseil a annoncé le tarif réglementé des nouveaux services spécialisés des abonnés du service de base dans l’Avis public CTRC 1994-59. Le tarif applicable pour l’ensemble des six nouveaux services spécialisés de langue anglaise a été fixé à 1,70 $ par mois, avant taxes; pour les deux nouveaux services offerts en langue française, il a été fixé à 1,61 $ par mois, avant taxes.

Au même moment, le Conseil a annoncé que, en ce qui a trait au tarif de détail des nouveaux services spécialisés de langue anglaise distribués dans le cadre d’un « volet élargi », il s’attendait à ce que le tarif de détail correspondant, avant taxes, ne dépasse pas 3 $. Ce commentaire indique que même si le Conseil ne réglemente pas directement les tarifs des services offerts dans le cadre du volet facultatif, il n’hésite pas à déclarer de façon non officielle ce qu’il considère comme un tarif raisonnable à exiger des abonnés.

   D. La commercialisation des nouveaux services spécialisés

Le Conseil n’a jamais réglementé ou tenté de réglementer l’utilisation que font les câblodistributeurs des techniques de commercialisation fondées sur l’abonnement par défaut. Il semble avoir choisi délibérément de ne pas se prononder publiquement sur le bien-fondé de ces pratiques de commercialisation. Après tout, il sait que ces pratiques ont contribué, par le passé, au succès des nouveaux services spécialisés offerts sur le marché et facilité l’atteinte des objectifs de développement culturel canadiens inscrits dans la Loi sur la radiodiffusion. Le Conseil est aussi conscient du fait que la cette loi, qui lui impose de superviser et de réglementer la mise en oeuvre de la politique en matière de radiodiffusion, ne lui donne pas instruction de protéger les consommateurs des services de câblodistribution contre les pratiques de commercialisation impopulaires.

Le fait que le Conseil se soit abstenu de réglementer la commercialisation fondée sur l’abonnement par défaut par le passé, surtout au cours de la période qui a précédé le récent lancement des nouveaux services spécialisés, a suscité des critiques. Lors des audiences publiques de 1993 sur la structure de l’industrie, certains participants ont exprimé leurs préoccupations au sujet des difficultés qu’éprouvent de nombreux abonnés à comprendre la facturation des services de câblodistribution et les options en matière d’abonnement qui leur sont offertes; ils ont dénoncé plus précisément l’utilisation des techniques de commercialisation fondées sur l’abonnement par défaut. Au terme de ces discussions, le Conseil a exigé des câblodistributeurs qu’ils soient plus « transparents » dans l’avenir lorsqu’ils expliquent la nature et le coût de leurs services aux clients.

Dans l’avis public paru à la suite de l’audience sur la structure de l’industrie, le Conseil a indiqué que, dorénavant, les câblodistributeurs devaient préciser clairement, en langage simple et de compréhension facile, les services qui font partie du service de base et ceux qui entrent dans le volet facultatif, le tarif de chaque service ou ensemble de services, ainsi que les mesures que l’abonné doit prendre pour recevoir ces services ou les interrompre. En outre, le Conseil a insisté sur le fait qu’au moment de communiquer ces renseignements aux abonnés, les câblodistributeurs devaient éviter d’utiliser des termes trompeurs ou qui prêtent à confusion, par exemple « services de câblodistribution complets », « service de base élargi » ou « volet de base élargi », pour décrire les services facultatifs parce que ces expressions ont parfois incité les abonnés à penser qu’il n’ont pas le choix de recevoir ou non ces services.

Dans les révisions apportées à la réglementation par suite de l’audience sur la structure de l’industrie, le Conseil a toutefois évité d’approuver ou de désapprouver la commercialisation fondée sur l’abonnement par défaut. Il a simplement reconnu que ce sujet avait fait l’objet de discussions. Son silence, conjugué aux exigences qu’il a imposées relativement à une plus grande transparence de la facturation, a été interprété par certains comme une approbation tacite des techniques de commercialisation fondées sur l’abonnement par défaut pour les services offerts par les câblodistributeurs.

Une incertitude subsiste quant à la compétence du Conseil en ce qui a trait à la réglementation ou à l’interdiction de la commercialisation des services de câblodistribution facultatifs fondée sur la pratique de l’abonnement par défaut. Deux provinces, la Nouvelle-Écosse et le Québec, ont déjà affirmé leur compétence dans le cadre de leur loi sur la protection du consommateur en interdisant, de façon générale, la vente de tout service par le recours à des techniques fondées sur l’abonnement par défaut. Et, au moins trois autres provinces, la Colombie-Britannique, le Manitoba et l’Ontario, ont indiqué par le truchement des médias qu’elles envisageaient d’interdire de telles pratiques de commercialisation.

Bien que certaines provinces aient déjà affirmé leur compétence à cet égard, si le gouvernement fédéral établissait que la réglementation de la commercialisation des services de câblodistribution par le CRTC est essentielle à l’exécution du mandat de l’organisme et à l’atteinte des objectifs établis dans la Loi sur la radiodiffusion, cela pourrait constituer un argument en faveur de la compétence fédérale sur la commercialisation des services de câblodistribution fondée sur l’abonnement par défaut. Comme le signale le professeur Hogg dans son traité intitulé Constitutional Law of Canada, aucun palier de gouvernement n’a une compétence non équivoque sur la question de la protection du consommateur (troisième édition, p. 564). Il souligne que l’expression « protection du consommateur » est trop vaste et trop vague pour être un « sujet » pouvant être attribué à l’une ou l’autre des rubriques de compétence fédérale ou provinciale. Il fait également observer que comme pour l’inflation, la pollution ou la santé, la protection du consommateur doit être scindée en notions plus restreintes et plus distinctes pour que l’on puisse déterminer si un aspect particulier de la protection du consommateur relève de la compétence fédérale ou provinciale.

CONCLUSION

Les réactions à la rébellion des abonnés au début de 1995 ont pris deux formes, à savoir des interventions visant à défendre les mesures audacieuses prises pour lancer les nouveaux services spécialisés ou des interventions visant à attaquer ces mesures. Les partisans des mesures ont fait valoir des arguments d’ordre culturel, économique et technique pour justifier l’approche suivie par le Conseil et les câblodistributeurs. Ainsi, ils affirment que le CRTC n’a fait que respecter la la Loi sur la radiodiffusion, qui l’oblige à contribuer à l’établissement d’un système de radiodiffusion plus dynamique au Canada; que la mise en marché des nouveaux services spécialisés dans le cadre de volets facultatifs établis et bénéficiant d’un taux élevé d’adhésion augmente les chances de succès de ces services et permet l’étalement de leurs coûts, les rendant ainsi plus abordables; et que, si les nouveaux services étaient offerts séparément dans le cadre du volet facultatif en clair, un trop grand nombre d’abonnés ne s’en prévaudraient pas et que les câblodistributeurs devraient alors engager des frais considérables pour installer de nouveaux dispositifs de déroutage pour filtrer la transmission des nouveaux services non souhaités.

Les opposants critiquent l’approche que l’on a prise pour lancer les nouveaux services en invoquant les principes de l’équité et le droit du consommateur d’exercer son choix. Ainsi, il font valoir que les consommateurs devraient avoir le droit de sélectionner le genre de programmation qu’ils souhaitent obtenir plutôt que de se le voir imposer par un organisme de réglementation paternaliste et une industrie monopolistique; que la commercialisation fondée sur l’abonnement par défaut favorise les sociétés au détriment des consommateurs; et que, par ailleurs, la Loi sur la radiodiffusion est biaisée parce qu’elle n’exige pas du CRTC qu’il prenne la défense des intérêts des consommateurs canadiens, mais seulement celle de leurs intérêts culturels.

Voilà l’essence du débat. Les téléspectateurs qui se prévalent des services des câblodistributeurs et les autres restent à l’écoute pour voir quel point de vue pourrait l’emporter au bout du compte.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Avis public CRTC 1993-74 : Audience publique portant sur la structure de l'industrie. Ottawa, CRTC, 3 juin 1993.

CRTC. Avis public CRTC 1994-59 : Préambule - Attribution de licences à de nouveaux services spécialisés et de télévision payante. Ottawa, CRTC, 6 juin 1994.

CRTC. Avis public CRTC 1994-60 : Exigences relatives à la distribution et à l'assemblage. Ottawa, CRTC, 6 juin 1994.

CRTC. Fiche-info, L'évolution vers la câblodistribution numérique à la carte. Ottawa, CRTC, 1994.

CRTC. Fiche-info, La distribution de la télévision par câble au Canada. Ottawa, CRTC, 1994.

CRTC. Fiche-info, Distribution et coût des nouveaux services spécialisés et de télévision payante. Ottawa, CRTC, 1994.

Stencel Sandra (éd.). «The Future of Television». CQ Researcher, vol. 4, n° 48, Washington (DC), Congressional Quaterly Inc., décembre 1994.