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EXPLOITATION MINIÈRE ET RÉGLEMENTATION
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Rédaction : TABLE
DES MATIÈRES EXPLOITATION MINIÈRE ET RÉGLEMENTATION
: Comme la dit la ministre des Ressources naturelles du Canada, lhonorable Anne McLellan devant le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes le 28 novembre 1995, « cest un moment décisif pour lexploitation minière au Canada. Lexploration minière est en progression [.] [N]ous devons disposer dun régime de réglementation qui encourage les investissements tout en assurant la protection de lenvironnement [.] [...] Nous avons fait récemment un certain nombre de découvertes importantes qui pourraient créer des centaines demplois permanents. Quil suffise de penser au projet de mine de diamants de BHP [...] dans les Territoires du Nord-Ouest et à la Baie de Voisey, à Terre-Neuve »(1). Le processus dapprobation du projet BHP se fait selon les anciennes lignes directrices sur lévaluation environnementale. Laménagement de la baie de Voisey sera, par contre, lun des premiers grands projets a être soumis au nouveau processus dapprobation environnementale institué en janvier 1995 par la Loi canadienne sur lévaluation environnementale. Le projet de la baie de Voisey sera donc vraisemblablement une affaire-test qui permettra de mesurer lefficacité du régime réglementaire canadien relativement aux grands projets dexploitation des ressources. Bon nombre dobservateurs éclairés réclament la simplification de ce régime et même une approche unique. On dit que des compagnies minières canadiennes dépensent des millions de dollars dans des endroits éloignés comme le Chili, quils considèrent comme des places daffaires plus accueillantes, moins coûteuses et moins réglementées. Dans des marchés de plus en plus incertains et très compétitifs, largent va souvent aux régions moins explorées et moins coûteuses. Cest justement le cas de la baie de Voisey, où le minerai est riche et près de la surface. Certains en font déjà le futur gisement de nickel le moins coûteux du monde et probablement aussi le deuxième en importance(2). Le projet de la baie de Voisey offre donc la possibilité de ramener les intérêts étrangers sur le marché nord-américain. En lisant les journaux, on a limpression que les compagnies minières auront loeil fixé sur le projet pour mesurer lefficacité de la réglementation et voir si le climat est propice aux investissements dans le domaine minier. Il sera particulièrement important dassurer la rentabilité du projet, car le gouvernement de Terre-Neuve a fermement indiqué quil limiterait à 20 millions de dollars le crédit que les compagnies peuvent utiliser pour éponger la taxe minière au cours des dix premières années dune nouvelle exploitation. Ce crédit était auparavant illimité. Une allocation de transformation de 10 p. 100 est accordée aux compagnies pour les encourager à traiter le minerai dans la province, à laquelle sajoute une allocation de 10 p. 100 pour le raffinage. Depuis que limportance de la découverte est connue, des compagnies se sont montrées intéressées à acquérir des intérêts dans le gisement. Teck Corp. a joué de finesse en avril 1995 faisant lacquisition de 10,4 p. 100 des actions au prix de 108 millions de dollars, soit 36 $ laction. Au début de juin 1995, Inco Ltd. a payé 525 millions de dollars pour une participation de 30 p. 100 dans le gisement de nickel. Depuis, Falconbridge et Inco ont fait des offres pour obtenir une part importante de lexploitation, qui pourrait représenter pas moins de 8 p. 100 de la production mondiale actuelle de nickel. Au début davril 1996, Robert Friedland, coprésident de Diamond Fields Resources Inc., le propriétaire, a annoncé quil avait accepté loffre dInco, qui sest engagée à verser 4,3 millions de dollars pour obtenir 75 p. 100 des parts du projet de la baie de Voisey, à 41 $ laction. Cette société, qui est le plus grand producteur mondial de nickel, tenait à protéger sa part du marché au niveau international. Une poursuite en justice a retardé jusquen août 1996 la conclusion de lacquisition. En effet, Exdiam Corp. une firme diamantaire ayant déjà eu à sa tête le coprésident de Diamond Fields, Jean-Raymond Boulle, réclamait tout lactif de Diamond Fields en dédommagement parce que lancien chef de la direction avait, selon elle, utilisé des renseignements internes dExdiam pour lever des fonds afin de financer le projet de la baie de Voisey. La compagnie a accepté dabandonner sa poursuite contre un paiement comptant de 25 millions de dollars US. Découvert par hasard à la fin de 1993 par des prospecteurs de Terre-Neuve qui cherchaient des diamants, le gisement de la baie de Voisey contiendrait, selon les projections faites par la Tech Corporation, de Vancouver, en juillet 1995, 31,7 millions de tonnes de réserves prouvées de minerais de métaux communs ayant des teneurs moyennes de 2,83 p. 100 de nickel, de 1,68 p. 100 de cuivre et de 0,12 p. 100 de cobalt par tonne. Le minerai est presque deux fois plus riche, en teneurs moyennes, que celui du bassin de nickel de Sudbury, au Canada. Le cuivre et le cobalt contenus dans le dépôt sont considérés comme un avantage supplémentaire : ils rapporteront assez pour couvrir le coût du traitement du nickel, ce qui contribuera à contenir les coûts du projet. À la fin davril 1996, Inco a gonflé une première estimation du dépôt, disant que le secteur pourrait contenir 150 millions de tonnes de minerai daprès ce quelle savait de la géologie de la région. La compagnie sattend à ce que, dici lan 2000, la production annuelle à la baie de Voisey sélève à 270 millions de livres de nickel, 200 millions de livres de cuivre et 10 millions de livres de cobalt(3). La baie de Voisey se trouve près de la côte du Labrador à moins de dix kilomètres de la haute mer et à environ 330 kilomètres au nord-ouest de Goose Bay. Le projet en est actuellement à létape de lexploration. Plus de 100 trous ont été forés, et des milliers de mètres de carottes ont été analysés. Lexploration se produit aussi dans un site de découverte adjacent dans les Eastern Deeps. Pour soutenir la phase actuelle des travaux, la Voiseys Nickel Company Ltd., lexploitant, a demandé une infrastructure plus permanente que le campement de tentes installé à la fin de 1994. Le 15 janvier 1996, la compagnie a demandé au gouvernement de Terre-Neuve lautorisation de construire une route, un quai, une piste datterrissage et un camp afin de poursuivre les activités dexploration pendant quon effectue les études de faisabilité. Elle prétend que cest seulement après que ces études auront été réalisées quelle sera en mesure dinscrire le projet de mine et dusine conformément aux processus dévaluation environnementale pertinents. La société Tech Corp. a été chargée de mener une étude de faisabilité de la mine au nom du propriétaire, Diamond Fields Resources Inc. Lors de séances dinformation tenues en mai 1996 à St. Johns, le promoteur a expliqué que la phase dexploration serait suivie dimportants travaux de construction de la mine et de lusine, qui devraient prendre dix-huit mois et occuper environ 250 personnes. Durant la phase dexploitation, la mine emploiera environ 300 personnes. Bien quon nait fixé aucun objectif précis ni accordé de préférences pour le recrutement dautochtones ou lattribution des contrats, la compagnie offre des incitations pour leur formation et leur embauche. Le gisement Ovoïde, qui se trouve à proximité du camp de découverte (Discovery Camp), comme lindique la figure 1, serait exploité en mine à ciel ouvert. Lautre source probable de minerai sont les Eastern Deeps, une zone située au sud-est de la zone de lOvoïde. Ce gisement serait exploité en mine souterraine à une profondeur de 1 000 mètres sous la surface, mais seulement après extraction du minerai du gisement Ovoïde. Le minerai serait transporté de la mine à ciel ouvert à un premier concasseur, où il serait réduit à un diamètre inférieur à 200 mm avant dêtre convoyé au concentrateur. Le chemin de halage serait construit durant les travaux daménagement de la mine. Selon le plan proposé, la mine fonctionnerait sept jours sur sept à longueur dannée, et les employés feraient probablement la rotation sur deux semaines (deux semaines de travail suivies de deux semaines de congé). Les déchets qui produisent de lacide et ceux qui nen produisent pas seraient traités séparément tant au site de lOvoïde quà celui des Eastern Deeps. Pour empêcher la production dacide, les résidus seraient conservés sous leau, soit dans un bassin deau douce naturel ou artificiel ou par confinement des résidus en milieu marin. Le promoteur penche pour lutilisation des plans deau naturels qui se trouvent à proximité du chantier. Le minerai serait transformé sur place pour produire des concentrés de cuivre et de nickel et de cobalt ainsi et un produit de résidus. Les deux concentrés seraient transportés par camion à une usine de concentration adjacente au port dans la baie Anaktalak où lon poursuivrait leur transformation et où lon pomperait les résidus au lieu dentreposage. Le promoteur aimerait construire lusine de transformation près de la mine, mais elle pourrait aussi être aménagée près du port où serait transporté le minerai. Les concentrés seraient entreposés près de lusine avant leur transport par bateau. Le promoteur se propose de construire un port dans la baie Anaktalak et une piste datterrissage à proximité de lusine. Il est proposé de prolonger et délargir la piste utilisée pendant les travaux de prospection, de la façon indiquée à la figure 1. On pense pouvoir utiliser le port à lannée longue pour recevoir le matériel et les fournitures nécessaires à lexploitation et pour expédier les concentrés. Il faudra construire environ 25 kilomètres de chemins de gravier pour relier les installations durant la construction des mines et pour lexploitation ultérieure. On ne prévoit aucune route ni liaison ferroviaire directe vers le sud du Labrador ou le Québec. Les installations de soutien de lexploitation comprendraient des génératrices électriques alimentées au diesel, des logements pour environ 400 personnes travaillant à la construction et 200, à lexploitation, des ateliers dentretien et des entrepôts, un système dapprovisionnement en eau et un système de gestion des déchets. Le promoteur sest engagé à se conformer à toute la législation et la régle-mentation applicable et a établi un plan de gestion environnementale. La compagnie formulera un plan durgence en cas daccident et tiendra compte des effets cumulatifs dans son programme de surveillance de lenvironnement. Elle sengage également à limiter le plus possible les effets environnementaux résiduels à lemplacement de la mine après sa fermeture et elle élaborera un plan de fermeture de celle-ci. Selon certains analystes, il faudra peut-être attendre jusquen 1999 avant que Diamond Fields ou son successeur obtienne les permis nécessaires pour commencer la production. Dici là, Archean Resources Ltd., une entreprise privée dirigée par deux prospecteurs de Terre-Neuve, a un contrat pour gérer le programme de forage jusquen décembre 1996. Elle détient une part de 3 p. 100 des redevances sur le produit de fonderie du gisement découvert. La découverte a eu lieu au bon moment et au bon endroit. La demande de nickel est forte, en particulier dans lindustrie de lacier inoxydable, qui consomme environ 60 p. 100 de la production mondiale de nickel. Le reste sert à la fabrication de piles, de placage métallique et dun alliage de nickel pour lindustrie aérospatiale. Certains prévoient que la production annuelle aux deux mines sera de 65 000 tonnes de nickel, soit environ 8 p. 100 de la production mondiale.
Lentreprise proposée se trouve sur un territoire faisant lobjet de revendications territoriales concurrentes de la part des 5 000 membres de lAssociation des Inuit du Labrador (AIL) et des 1 500 membres de la nation innue. LAIL représente les Inuit et les colonisateurs autochtones de descendance inuit qui vivent principalement dans cinq collectivités le long de la côte est : Nain, Hopedale, Postville, Makkovik et Rigolet. Nain, un ancien village de pêche, compte 1 200 habitants. Cest le village le plus proche du gisement de nickel découvert; il se trouve à 35 kilomètres au nord de lemplacement proposé de la mine. Les revendications territoriales globales de lAIL, en négociations depuis 1978, se fondent sur le fait que ses membres occupent depuis toujours la côte et une partie de lintérieur des terres. Le 30 novembre 1990, lAIL, le Canada et Terre-Neuve ont signé une entente-cadre réglant les détails du processus de négociation des revendications. En mars 1993, lAIL a présenté sa proposition dentente de principe, et des négociations tripartites sont en cours depuis le 20 décembre 1993. Les Innus du Labrador sont environ 1 500 et vivent principalement dans les collectivités de Davis Inlet et de Sheshatshui. Politiquement, ils sont représentés par la nation innue. En avril 1994, devant les graves problèmes sociaux et de santé qui minaient la collectivité, le gouvernement a pris des engagements envers les Innus relativement au transfert de services, à lautonomie gouvernementale, à la réinstallation et aux revendications territoriales. Les négociations concernant les revendications territoriales avec les gouvernements fédéral et provincial avaient repris le mois précédent. En octobre 1995, les négociateurs ont paraphé un accord-cadre sur les revendications territoriales portant sur les droits territoriaux, laccès aux ressources, la gestion environnementale, le partage des recettes provenant de lexploitation des ressources, les droits de prédation et lautonomie gouvernementale. Les autochtones veulent que les travaux soient interrompus jusquà ce que leurs droits territoriaux soient établis et quune évaluation environnementale complète des conséquences sociales et environnementales du projet ait été faite. Ils ont demandé que les activités de prospection et dexploitation soient évaluées comme un projet unique et ont menacé daller devant les tribunaux si ce nétait pas le cas. Ils pensent que linfrastructure proposée nest pas nécessaire à létape de lexploration, mais quil sagit simplement dun moyen de commencer à exploiter la mine sans avoir à se soumettre à la Loi canadienne sur lévaluation environnementale. Si le projet de mine se concrétise, les autochtones veulent avoir leur mot à dire dans lexploitation de celle-ci et profiter des possibilités demploi et de formation. Le promoteur a indiqué quil respecterait les conditions de toute entente future. Il affirme que lenvironnement est connu et bien caractérisé, ce qui permet davoir une assez bonne idée des effets possibles du projet et de prendre des mesures datténuation éprouvées. En outre, le gouvernement de Terre-Neuve souhaiterait voir les revendications territoriales réglées le plus rapidement possible. Les dirigeants de lAIL tentent de conclure avec lui un protocole dentente qui donnera aux autochtones voix au chapitre relativement à lexploitation minière jusquà ce que les revendications territoriales soient réglées. Sils échouent, lAIL a menacé de sadresser à la Cour suprême du Canada pour empêcher la construction de la mine tant que les revendications touchant environ 14 millions dhectares de terrain dans le nord du Labrador nauront pas été réglées. Dernièrement, lAIL a adouci sa position et se dit prête à autoriser lexploitation des mines même si les revendications territoriales ne sont pas réglées, si elle parvient à conclure une entente avec le nouveau propriétaire, Inco Ltd. À lannonce du projet dexploitation minière, la première réaction des Innus du Labrador a pris la forme dun affrontement avec la GRC, qui a duré douze jours en février 1995. Leurs négociations avec la Diamond Fields au cours de lété 1995 ont abouti à peu de résultats concrets. Cette soudaine « ruée vers lor » dans une région caractérisée depuis toujours par une économie de subsistance risque de modifier à jamais le mode de vie des autochtones. Il nest donc pas surprenant que ceux-ci se méfient des compagnies minières qui débarquent dans une région éloignée, ne tiennent pas compte des intérêts locaux, restent là le temps que la mine est profitable, puis repartent, laissant derrière elles des séquelles sur lenvironnement et quittant la collectivité aussi cavalièrement quelles sy étaient installées. La réputation du principal promoteur du projet inquiète également la communauté autochtone. Robert Friedland était directeur général de Galactic Resources Ltd., une compagnie qui a provoqué, à la fin des années 80, une catastrophe écologique tristement célèbre à Summitville, au Colorado, en déversant du cyanure et des métaux lourds dans le réseau hydrologique du Rio Grande. La compagnie, en faillite, a laissé à lagence américaine de protection de lenvironnement une facture de 100 millions de dollars, soit ce quil en a couté pour décontaminer la mine et des cours deau environnants(4). Il existe un précédent en matière de protection des droits des autochtones dans lattente dun règlement de revendications territoriales. Dans le cas de la mine de Nanisivik, dans lArctique, les droits et les intérêts des autochtones ont été protégés dans une certaine mesure pendant les négociations sur les revendications. Bien que le gouvernement provincial, qui a juridiction sur le territoire de la baie de Voisey, ait autorisé la poursuite de certaines activités de forage dexploration, il la interdit jusquen juillet 1997 sur certaines terres adjacentes aux collectivités autochtones(5). Le Canada et Terre-Neuve ne se sont pas encore entendus sur le partage équitable des responsabilités pour ce qui concerne le règlement des revendications territoriales et la mise en oeuvre des ententes résultantes. Les négociations touchant les revendications territoriales visent à confirmer et à préciser les droits à la propriété et à lutilisation des terres et des ressources de façon à faciliter et à stimuler le développement économique. À lentrée de Terre-Neuve dans la Confédération en 1949, les autochtones se sont retrouvés dans un vide constitutionnel. Les termes de lUnion transféraient des terres réservées aux autochtones comme si Terre-Neuve sétait jointe au Canada en 1867. Lassemblée législative de la province sest trouvée ainsi privée du pouvoir de faire des lois touchant les autochtones. Pourtant, contrairement aux Indiens du reste du Canada, ceux de cette province avaient le droit de vote, navaient jamais conclu de traité et ne vivaient pas dans des réserves ni sur dautres « terres indiennes »; la Loi sur les Indiens na jamais été appliquée à Terre-Neuve. Les Innus se sont plaints à la Commission canadienne des droits de la personne, qui a conclu en août 1993 que, jusquà ce jour, le gouvernement du Canada navait jamais reconnu clairement sa responsabilité constitutionnelle directe envers les Innus en tant que peuple autochtone du Canada(6). La décision touche également les Inuit, puisquen 1939 la Cour suprême a établi que le gouvernement fédéral avait à leur égard la même responsabilité quenvers les Indiens. Cet irritant constitutionnel a envenimé les relations entre les groupes autochtones de Terre-Neuve et les gouvernements fédéral et provincial. Actuellement, le Canada accorde des fonds pour le logement, les infrastructures, léducation, les soins de santé et le développement économique et culturel des autochtones en vertu dententes administrées par la province. En mai 1993, le Conseil consultatif national des sciences et de la technologie a publié son rapport, Compétitivité des industries minière et forestière du Canada(7). Le Conseil a reconnu que les industries du secteur primaire sont le moteur de la prospérité nationale, représentant 45 p. 100 des exportations totales. Ces industries éprouvent aujourdhui, toutefois, de graves difficultés. « De nouveaux concurrents dynamiques à létranger qui bénéficient de coûts dapprovisionnement et de main-doeuvre moins élevés, lutilisation croissante de matériaux de remplacement, les exigences plus rigoureuses de la clientèle, la structure du commerce qui change rapidement ainsi que les contextes économique et financier en pleine évolution menacent lexistence même du secteur canadien des ressources »(8). La compétitivité des industries de ressources semble dépendre tout autant du contexte économique et réglementaire que de la productivité. Les gouvernements étrangers ont recours aux investissements, aux politiques environnementales et à des mesures dincitation pour encourager les investisseurs à prospecter, à exploiter et à exporter les ressources locales. Les dirigeants de ces industries au Canada estiment évidemment que lincertitude et le risque économique qui résultent dune application incohérente des processus dévaluation environnementale découragent les investissements et nuisent à la compétitivité. Pour eux, le problème est surtout attribuable aux chevauchements qui existent entre ministères des deux paliers de gouvernement(9). Un groupe de travail formé de représentants du gouvernement et de lindustrie sest également penché sur la compétitivité internationale du Canada en ce qui concerne le capital dinvestissement minier. En septembre 1993, il a expliqué dans son rapport que même si lon a beaucoup entendu parler de lexpérience des membres de lindustrie en ce qui a trait aux processsus dévaluation et dautorisation environnementales, on a peu de données empiriques permettant détayer ces affirmations. Le problème est en partie attribuable au fait quon ne sait pas toujours très bien ce qui a provoqué le retard ou lincident que lon pourrait considérer comme une source dinefficacité(10). Dans les projets examinés, on na pu déterminer avec certitude dans quelle mesure les retards pouvaient être imputés au comportement des fonctionnaires chargés de lapplication des règlements. Souvent, cest lauteur de la proposition qui a négligé de fournir toute linformation nécessaire ou de se conformer aux exigences en matière de conception ou de mesures correctives. À moins de preuves plus détaillées et plus éloquentes, il est impossible de déterminer la cause exacte des délais dapplication de la réglementation(11). Lindustrie est pour sa part convaincue que ce sont les exigences environnementales plus que les exigences techniques ou celles touchant la santé et la sécurité qui sont la source du problème. La présente section portera donc davantage sur les aspects de la réglementation qui intéressent lenvironnement même sil ne faut pas oublier quà létape de la prospection, il y a de nombreux permis et autorisations à obtenir des divers paliers de gouvernements. Depuis le début des années 70, tous les ordres de gouvernement ont entrepris détablir des lois pour assurer la protection de lenvironnement. Le Canada se retrouve ainsi avec un ensemble complexe de régimes de réglementation dans ce domaine. Les règlements en matière denvironnement visent lévaluation des répercussions des activités humaines sur lenvironnement et la protection de ce dernier par la mise en oeuvre de mesures telles la gestion des déchets et létablissement des normes sur les émissions et dexigences en matière de réclamations. Lapparente complexité du système vient de ce que les responsabilités à ce chapitre sont partagées entre les différents ordres de gouvernement. Une modification apportée à la Loi constitutionnelle en 1982 (article 92A) confère aux provinces la compétence exclusive pour légiférer en vue de lexploitation, de la conservation et de la gestion de leurs ressources naturelles non renouvelables. La question est de savoir dans quelle mesure le gouvernement fédéral devrait singérer dans lévaluation de projets de compétence essentiellement provinciale. Les provinces, le Québec en particulier, voient dans lévaluation environnementale une tentative du gouvernement fédéral de se réapproprier des pouvoirs sous le couvert de la protection de lenvironnement(12). Si le gouvernement fédéral joue un rôle nécessairement plus effacé que les provinces dans la réglementation du secteur minier, il nen reste pas moins très présent dans le domaine environnemental pour ce qui touche les terres fédérales et les questions transfrontalières et internationales. Le cadre législatif du gouvernement en matière de protection et dévaluation environnementales comprend la Loi canadienne sur la protection de lenvironnement (1988), la Loi canadienne sur lévaluation environnementale (1992), la Loi sur les pêches (antérieure à la Confédération) et la Loi sur la protection des eaux navigables (1886). La possibilité de conflit et de chevauchement semble exister si lon pense aux lois terre-neuviennes qui sappliqueraient dans le cas dun projet comme celui de la baie de Voisey. Terre-Neuve a une loi sur la protection de lenvironnement (1981) et un règlement dapplication connexe (1984) et une loi sur les pêches (1970), sans parler de lois particulières portant sur la protection des eaux, de la faune et des parcs, etc. Une enquête menée en 1993(13) sur les chevauchements possibles na pas révélé de cas préoccupants de chevauchement des deux gouvernements, même avant la promulgation de la Loi canadienne sur lévaluation environnementale. Cette nouvelle loi prévoit que si une province doit procéder à une évaluation environnementale qui suppose une participation du fédéral, les deux paliers de gouvernement feront une évaluation conjointe. Les projets pour lesquels les deux gouvernements ont réclamé une telle évaluation nont évidemment pas été très nombreux à Terre-Neuve. En 1994, le nouveau gouvernement libéral a promis de simplifier le régime de réglementation et de réduire les chevauchements et les dédoublements fédéraux-provinciaux coûteux. Le ministre de lIndustrie, John Manley, et la ministre des ressources naturelles, Anne McLellan, ont tous deux appuyé publiquement cette promesse en sengageant à travailler avec lindustrie et les provinces pour réaliser ces changements avant la fin de 1995. Dans le discours du trône de février 1996, le gouvernement a répété que la réforme proposée garantirait une meilleure coordination des activités, imposerait des exigences plus grandes et plus claires et accélérerait le processus. LAlberta, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique ont conclu des ententes sur la coordination des évaluations environnementales fédérales-provinciales par lintermédiaire de « guichets uniques » locaux. Dans le cas de la Colombie-Britannique, ce seront même les normes de la province qui sappliqueront. On est en train de travailler à des ententes similaires avec lOntario et la Saskatchewan. Comme il nexiste pas encore dentente bilatérale générale entre Ottawa et St. Johns, les deux gouvernements sont en train délaborer une entente particulière pour éviter le dédoublement des activités dévaluation environnementale. Les guichets uniques locaux contribueront à améliorer les communications avec lindustrie. De plus, lAgence canadienne dévaluation environnementale est en train détablir, à lintention de lindustrie minière, des directives générales pour laider à préparer ses déclarations sur les répercussions environnementales. Lauteur dune proposition sera ainsi mieux à même de satisfaire aux exigences en matière dinformation. Ces directives doivent être diffusées avant lautomne 1997(14). Dans le cas de la baie de Voisey, on veut sentendre sur un processus dévaluation conjointe qui permettra de prendre des décisions opportunes et déviter que le travail se fasse en double. À léchelle nationale, on discute également de létablissement de délais dapprobation afin daccroître la prévisibilité du système une fois remplies les obligations environnementales. Le gouvernement cherche quant à lui à harmoniser ses activités de réglementation relativement au processus fédéral dévaluation. LAgence canadienne dévaluation environnementale est en train de rédiger un code (règlement sur la coordination fédérale) pour sassurer que les évaluations environnementales fédérales se font à temps et sont coordonnées efficacement par les autorités fédérales en vertu de la Loi canadienne sur lévaluation environnementale(15). Le code sera promulgué avant la fin de 1996. Lidée dun organisme responsable, un ministère fédéral qui jouerait le rôle de coordonnateur en chef pour toutes les questions fédérales, commence à faire son chemin. Dans le cas de la baie de Voisey, Ressources naturelles Canada assume présentement ce rôle, qui pourrait revenir au ministère des Pêches et des Océans lors que lon entrera dans la phase dexploitation. On est en train de revoir le processus des examens publics fédéraux pour quils soient plus uniformes, plus opportuns, plus prévisibles, plus ouverts et plus efficaces. Dici décembre 1996, lAgence canadienne dévaluation environnementale déposera un règlement fédéral visant à accélérer le processus des examens environnementaux faits par une commission. Le règlement sappliquera également aux processus provinciaux dans les cas où le gouvernement fédéral est partie à une entente bilatérale. Devant la fébrilité actuelle des investisseurs, le gouvernement semble vouloir ardemment convaincre les compagnies minières que le Canada est un bon endroit où investir et exploiter une mine et il cherche à éliminer ce qui, dans la réglementation, pourrait les décourager. Par ailleurs, dans le domaine de lenvironnement, ce nest pas parce quon cherche à aplanir les obstacles quil faut renoncer à des mécanismes efficaces. Un vent de déréglementation souffle au gouvernement, qui veut laisser à lindustrie le soin de contrôler elle-même ses activités. À cet égard, lindustrie minière a montré son sens des responsabilités en instituant un programme volontaire visant à accélérer la réduction ou lélimination de douze substances toxiques dici lan 2000(16). Le gouvernement aura encore cependant la tâche importante de veiller à que les grands projets dexploitation des ressources naient pas de conséquences préjudiciables à long terme sur la situation socio-économique et lenvironnement des collectivités touchées. Le Canada a parfois souffert de la comparaison avec des endroits comme le Mexique et lAmérique du Sud sur le plan des investissements et cest, entre autres choses, à cause des retards dans lapplication des processus dévaluation environnementale. Pourtant, les catastrophes écologiques survenues à létranger ces dernières années montrent que lassouplissement à outrance de la réglementation environnementale dans le but dattirer les investisseurs peut avoir, sur le plan humain, des conséquences graves et, à long terme, très coûteuses. Un projet de la baie de Voisey est une occasion en or dattirer les investissements étrangers, mais il faudrait en faire aussi lexemple parfait dun mégaprojet qui est géré efficacement de manière à profiter à la population locale plutôt quà lui nuire. (1) Anne McLellan, Notes pour une allocution à lintention du Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes, 28 novembre 1995, p. 1-2 (traduction). (2) « Diamond Deposits Still Elusive in Labrador », Northern Miner, 4 septembre 1995. (3) Allan Robinson, « Voisey's 50% Richer: Inco », Globe and Mail (Toronto), 24 avril 1996. (4) Jacquie McNish, « Friedland on Offensive over Toxic Spill Incident », Globe and Mail (Toronto), 13 mars 1996. (5) Affaires indiennes et du Nord Canada, Fiche dinformation no 62, février 1996, et conversations téléphoniques avec des fonctionnaires du gouvernement de Terre-Neuve, 18 juillet 1996. (6) Adrian Tanner et al., Relations between Aboriginal Peoples and Governement in Newfoundland and Labrador, A Research Report for the Governance Project, Royal Commission on Aboriginal Peoples, St. Johns (Terre-Neuve), janvier 1994. (7) Comité de la compétitivité dans les industries dexploitation des ressources, Compétitivité des industries minière et forestière du Canada, Rapport du Conseil consultatif national des sciences et de la technologie présenté au Premier ministre du Canada, Ottawa, mai 1993. (8) Ibid., p. i. (9) Ibid., p. 23. (10) Groupe de travail des gouvernements sur lindustrie minière, Canadas Environmental Regulatory Systems: Current Issues, Étude générale sur les préoccupations en matière de réglementation environnementale produite par un groupe de travail du gouvernement et de lindustrie sur le climat dinvestissement canadien dans le domaine minier, septembre 1993, p. 42. (11) Ibid., p. 43. (12) Groupe de travail des gouvernements sur lindustrie minière, Duplication and Overlap in Environmental Protection Regulations in Canada, Étude générale sur les préoccupations en matière de réglementation environnementale produite par un groupe de travail du gouvernement et de lindustrie sur le climat dinvestissement canadien dans le domaine minier, septembre 1993, p. 16. (13) Ibid., p. 58 (14) Ressources naturelles Canada, Rationalisation de la réglementation environnementale régissant lexploitation minière, Réponse du Gouvernement fédéral au rapport provisoire du Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes, juin 1996, p. 10. (15) Ibid., p. 11. (16) Ibid., p. 25. |