PRB 00-06F
LDÉPLOIEMENT
À L'ÉTRANGER DES FORCES CANADIENNES :
Rédaction : Corinne
McDonald TABLE
DES MATIÈRES EXIGENCES DE LA LOI ET DE LA PROCÉDURE TENTATIVES POUR CHANGER LA FAÇON DE FAIRE AUTRES OPTIONS POUR LEXAMEN PARLEMENTAIRE DÉPLOIEMENT À LÉTRANGER
DES FORCES CANADIENNES :
À la fin de 1999, plus de 4 400 membres des Forces canadiennes participaient à des opérations de paix et autres opérations militaires. Il sagissait du plus fort déploiement de personnel militaire canadien à létranger depuis la guerre de Corée en 1950. Au Canada, le débat se centrait sur la capacité de larmée de répondre aux demandes opérationnelles, compte tenu surtout du budget de défense très rétréci(1), de la réduction de leffectif (2) et des problèmes déquipement et de moral qui faisaient beaucoup parler. u Parlement, le débat a dépassé ces questions intéressant le ministère de la Défense pour se porter sur la part que joue le Parlement dans la décision dautoriser le déploiement des Forces canadiennes à létranger. Certains Canadiens soutiennent que le Parlement devrait participer beaucoup plus tôt aux discussions qui précèdent la décision et avoir un pouvoir plus officiel sur celle-ci. Dautres rétorquent que son intervention empêcherait le gouvernement de réagir rapidement aux crises dans le monde. Le débat a été mis en relief dans un chapitre du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères (CSPAE), publié en avril 2000, dont nous étudions les conclusions et les recommandations dans le présent document(3). Pour éclaircir le rôle du Parlement à légard de lengagement des Forces canadiennes à létranger, nous examinons : le fondement législatif et constitutionnel de cet engagement, le processus par lequel le Canada a déployé son armée (en temps de guerre et en temps de paix) et ce qui a retenu lattention dans les débats entourant les déploiements. Enfin, nous cherchons à jauger quel niveau de participation le Parlement devrait avoir dans les grandes décisions de défense et comment renforcer son rôle sans compromettre la capacité du Canada de réagir rapidement et avec efficacité aux crises internationales. EXIGENCES DE LA LOI ET DE LA PROCÉDURE (4) En droit constitutionnel canadien, la situation est claire. Le Cabinet fédéral peut, sans consulter le Parlement ni obtenir son approbation, engager les Forces canadiennes dans des opérations à létranger, quil sagisse dune opération immédiate ou dengagements qui pourraient découler ultérieurement dobligations aux termes de traités internationaux. Selon la Constitution canadienne [Loi constitutionnelle de 1867, articles 15 et 19], le commandement des forces armées, comme dautres pouvoirs exécutifs traditionnels, ressortit à la Reine et il est exercé en son nom par le Cabinet fédéral, qui agit sous la conduite du premier ministre. Du point de vue constitutionnel, le Parlement na guère de rôle direct à jouer. Bien sûr, le Parlement, et surtout la Chambre des communes, joue un rôle indispensable, quoique indirect, en votant ou en refusant les crédits et en donnant ou en retirant sa confiance au gouvernement. Outre un vote proprement dit, les parlementaires ont à leur disposition dautres moyens dobliger le gouvernement à rendre compte de ses décisions et de faire connaître leurs opinions : questions posées aux ministres, débats sur les prévisions budgétaires et débats « exploratoires »(5) (6). Le Parlement a bien un rôle précis à jouer dans le contexte de certaines urgences nationales sous le régime de la Loi sur les mesures durgence et à légard de lintervention des Forces canadiennes sous le régime de la Loi sur la Défense nationale, mais le Cabinet na à lui demander son autorisation que pour une conscription ou face à des situations durgence particulières. Sans consulter le Parlement, le Cabinet peut déployer des troupes sur décret(7). Larticle 32 de la Loi sur la Défense nationale exige seulement que le Parlement (à moins quil ne soit dissous à ce moment) siège lorsque le gouverneur en conseil met en « service actif » quelque élément constitutif des Forces canadiennes ou dans les dix jours suivants(8). Même si la Loi ne reconnaît pas au Parlement de droit explicite à cet égard(9), lexigence en question renforce probablement lobligation faite à lappareil exécutif de rendre des comptes au Parlement en pareilles circonstances, puisquelle garantit la présence de parlementaires sur place pour interroger et contester le gouvernement(10). Leffet de larticle 32 à cet égard peut être limité, toutefois, quand le Cabinet obtient la mise en service actif par un décret « général ». Ainsi, les Forces canadiennes nont pas cessé dêtre en service actif depuis 1950, pour assurer le respect des engagements du Canada dans le contexte de lOTAN. Cela dit, le Cabinet a pris lhabitude de prendre des décrets particuliers de mise en service actif pour les grands déploiements de lONU (11). Bien sûr, le Cabinet doit rendre compte de ses décisions au Parlement et, en fin de compte, aux électeurs. Cela dit, vu la grande portée et le caractère irrévocable que ces décisions peuvent avoir, il semble raisonnable de se demander si une étude a posteriori de la politique de lexécutif sur ce plan peut suffire. Après tout, les assemblées législatives dautres pays (par exemple des États-Unis et du Danemark) semblent jouer un plus grand rôle que celui du Parlement canadien dans les décisions de politique étrangère. En outre, les usages passés du Canada semblaient faire place à une participation plus active du Parlement aux dossiers de politique étrangère(12). ANALYSESelon le professeur Nossal, une des idées les plus profondément ancrées dans la politique étrangère canadienne est que seul le Parlement devrait décider dengager les Forces canadiennes en service actif à létranger(13). Dans les faits, cette idée, que ce soit pour des motifs offensifs ou des opérations de paix, a été appliquée de façon inconsistante, comme le montre lanalyse des déploiements à lannexe 1. Pour compliquer les choses, depuis le début des années 90, il est devenu difficile de faire la distinction entre les missions offensives et celles qui ne le sont pas, parce que les opérations de paix se font très risquées pour le personnel. La participation du Parlement aux prises de décisions a varié : dans certains cas, il na jamais été consulté, dans dautres la Chambre a tenu un vote avant lengagement officiel. Il demeure que, souvent, le débat nest survenu quaprès que le gouvernement a pris sa décision ou à la dernière limite, si bien quil a eu peu dinfluence sur celle-ci(14). Le gouvernement actuel a augmenté la fréquence des débats parlementaires sur les déploiements, mais comme le nombre de déploiements envisagés a augmenté, ce seul fait explique peut-être les débats plus nombreux. Apparemment, le gouvernement na pas fixé de critères, par exemple la taille de la force ou la durée de lengagement, pour guider le choix de débattre ou non dun déploiement. Parfois, ce nest quaprès que les partis dopposition sétaient plaints publiquement du manque de débat au Parlement que le gouvernement soumettait la question à la Chambre des communes. Certains soutiendront quil semble y avoir eu peu de changements au fil des ans pour renforcer la surveillance du Parlement dans le domaine. Même les députés du parti au pouvoir qui ne sont pas membres du Cabinet ont peu à dire dans les décisions relatives à lutilisation de larmée, et encore moins dinfluence véritable sur elles. On débat encore plus rarement des modifications apportées aux mandats ou dautres mesures prises pendant la mission que du déploiement initial. Habituellement, les décisions en cours de mission ne sont pas soumises à la Chambre. Selon lactuel ministre de la Défense nationale, cette pratique a été établie durant la Deuxième Guerre mondiale et la guerre de Corée :
Pour compliquer les choses davantage, de nombreuses décisions doivent être fondées sur des facteurs indépendants de la volonté du Canada : la politique étrangère du Canada est réactive, ce qui signifie quune bonne partie du programme échappe au gouvernement(16). Souvent, laction unilatérale dautres pays (comme les États-Unis), dalliances (comme celle de lOTAN) ou dinstitutions multilatérales (comme lONU) empêche le Parlement davoir voix au chapitre. Sur le plan diplomatique, il serait impossible de sabstenir de tout commentaire aux représentants étrangers sur la position du Canada jusque après un débat du Parlement, surtout que la plupart des décisions sont prises pour faire face rapidement à des crises qui se déclarent(17). En outre, une fois que le Canada a engagé des troupes, il perd son droit dagir de façon indépendante; il devient simplement un autre pays fournisseur de troupes dont la participation est régie par une politique commune adoptée par lONU. Il a mis le doigt dans lengrenage. Une participation ultérieure du Parlement est dans une large mesure inefficace(18). Le calendrier parlementaire impose une autre contrainte à la capacité du gouvernement den référer au Parlement avant de décider quoi faire. Le professeur Nossal fait remarquer quajouté aux énormes distances qui séparent de nombreuses circonscriptions dOttawa, le fait que le Parlement ne siège pas constamment empêche presque totalement quil participe sérieusement à lélaboration de la politique étrangère courante. Ceux qui sont en service 24 heures par jour, sept jours par semaine et 52 semaines par an, les ministres réunis au Cabinet ou, plus exactement, leurs fonctionnaires, sont parfaitement placés, eux, pour composer avec les rythmes imprévisibles de la politique mondiale. Les décisions peuvent rarement attendre que les députés soient réunis à nouveau et le Parlement organisé pour un débat(19). Il demeure que lorsquil a été question à la Chambre des communes du déploiement à létranger des Forces canadiennes, habituellement, le débat na pas porté sur les raisons géopolitiques ou les intérêts qui ont poussé le Canada à sengager ou non. Dordinaire, lopération militaire ralliait les partis, surtout si la mission avait été autorisée par le Conseil de sécurité des Nations Unies ou si les forces avaient déjà été déployées, cest-à-dire quil y avait déjà un engagement de fait. Le débat se centrait plutôt sur la capacité du Canada et des forces armées, dans un contexte de ressources humaines, matérielles et financières restreintes, de prendre de nouveaux engagements. Pour le gouvernement, lenjeu était souvent de fournir le matériel et le personnel suffisants pour que larmée ne soit pas prise de court et puisse remplir les missions sans risque indu, physique ou mental, pour son personnel. On se demandait davantage sil convenait de déployer les Forces canadiennes si ou quand elles navaient pas les ressources suffisantes pour remplir leur mission sans danger, plutôt que sil convenait ou non de les déployer. Les députés dopposition posaient aussi des questions sur les détails du déploiement (ses objectifs, le niveau de risque, lampleur, le coût et la durée escomptée), sur la disponibilité des ressources et sur les éventuelles conditions imposées à la participation. Les députés voulaient aussi lassurance quon avait épuisé toutes les autres options et quon continuerait de chercher des solutions à la cause du conflit. Ils voulaient connaître les projets à long terme du gouvernement, en particulier dans léventualité dune intensification du conflit. Bien entendu, dans la plupart des cas, le principal défi qui se posait au gouvernement était de justifier pourquoi il navait pas consulté le Parlement ou quil ne lui avait pas demandé de voter. Dordinaire, les partis dopposition ne se sont pas opposés au déploiement des Forces canadiennes. En définitive, le problème réside, pense-t-on, dans le processus politique plutôt que dans le déploiement même des troupes. Selon un universitaire, lorsque les premiers ministres du Canada affirment que le Parlement décidera de questions importantes comme le déploiement des forces militaires à létranger, ils ne le pensent pas vraiment. Ils ne le pensent pas, parce quils savent que ni les lois ni la Constitution nexigent lapprobation officielle du Parlement. Dans les régimes parlementaires de type britannique, la décision dutiliser les forces à létranger, que ce soit pour aller à la guerre ou pour maintenir la paix, est la prérogative de lexécutif(20). Nous devons à nouveau nous rendre à lévidence quà lexception peut-être dune déclaration de guerre(21), la loi nexige pas du Parlement du Canada quil approuve la participation du pays dans des opérations militaires hors de son territoire, malgré les tentatives pour changer cet état de choses. TENTATIVES POUR CHANGER LA FAÇON DE FAIRE Dans son rapport davril 2000, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères a affirmé quil était inacceptable que le Parlement nait pas à approuver les déploiements et a affirmé que « le Parlement devrait toujours être consulté [ ] lorsque des troupes canadiennes sont déployées à létranger(22). Il a aussi rappelé que le Comité mixte spécial sur la politique de défense du Canada, en 1994, et la Commission denquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie, en 1997, avaient recommandé un meilleur contrôle parlementaire des affaires militaires, mais que cela navait pas servi à grand-chose. Le rapport de mai 1996 du vérificateur général du Canada allait dans le même sens(23). En outre, les parlementaires se sont servis des motions dinitiative parlementaire et des jours réservés à lopposition pour obtenir une mise aux voix, du moins à la Chambre des communes, avant quune décision soit prise, mais le gouvernement les a toujours mis en échec. Ainsi, Chuck Strahl, député réformiste, a présenté un projet de loi dinitiative parlementaire, le C-295, à la Chambre en première lecture le 7 décembre 1994. Le projet de loi aurait modifié la Loi sur la Défense nationale pour que le Parlement vote avant que le Canada puisse sengager dans des opérations à létranger, selon certaines exigences fondamentales. Par exemple, il aurait fallu que les opérations soient autorisées par lONU et quelles mettent en jeu au moins 100 membres des Forces canadiennes durant au moins un mois. Il aurait fallu que la mission soit assortie de fonctions et dobjectifs précis et que le rôle du Canada soit clair, et il aurait fallu que le gouvernement fixe la date de retrait et le maximum prévu des dépenses. Le projet prévoyait des cas dexception. Il a été rejeté en deuxième lecture le 19 juin 1995(24). La tentative analogue faite par Bob Mills, député réformiste, le 23 octobre 1996, sest aussi soldée par un échec(25). Le 10 juin 1998, le Parlement a commencé à étudier une autre initiative parlementaire, la motion 380 présentée par M. Mills. M. Mills a expliqué que sa motion proposait une approche en trois volets. Dabord, dans une séance dinformation de deux heures, les députés siégeraient à la Chambre des communes comme une sorte de comité plénier pour entendre des spécialistes des affaires militaires, des spécialistes des affaires étrangères et des universitaires, et être renseignés sur lhistoire de la région du monde où lenvoi des troupes était envisagé. Ensuite, dans un débat de deux heures, des intervenants de chaque parti présenteraient lopinion du parti du point de vue militaire et du point de vue des affaires étrangères. Enfin, tous les députés voteraient pour ou contre lenvoi du personnel des Forces canadiennes dans le cadre de lopération envisagée. La motion, si elle était adoptée par la Chambre, serait renvoyée à un comité, qui pourrait y apporter les révisions nécessaires. Les partis dopposition ont demandé quon change la façon dont les renseignements sur les activités et les engagements des Forces canadiennes étaient présentés à la Chambre, pour augmenter la responsabilité, la transparence et la légitimité et aussi éviter que le Cabinet « impose » les décisions relatives à lengagement des Forces canadiennes à létranger. Lopposition sest plainte que les débats exploratoires avaient lieu trop tard pour influer sur lissue de la question et que les principaux membres du parti ministériel étaient fréquemment absents pendant ce genre de débats. Elle sest inquiétée du manque de moyens de larmée, vu linsuffisance du financement, du matériel et du personnel, pour continuer à participer si largement aux opérations dans le monde et a soutenu que la mise aux voix assurerait une démarche plus démocratique, ferait davantage participer les élus et augmenterait lappui officiel pour les actions du gouvernement dans une expression sincère de lopinion du Parlement. Le gouvernement a rétorqué en invoquant son droit constitutionnel de prendre ce genre de décisions sans consulter le Parlement. Il a maintenu quexiger un vote lui mettrait des menottes et le priverait de la latitude nécessaire pour réagir rapidement et de façon décisive aux situations durgence par lenvoi rapide de troupes. Les députés du parti ministériel ont affirmé quajouter des étapes au processus de déploiement risquerait de réduire la capacité du gouvernement de réagir(26) et pourrait compromettre les obligations de lalliance dans le contexte de lOTAN et de NORAD. Enfin, le gouvernement a affirmé que la procédure parlementaire sur la question des déploiements militaires avait beaucoup progressé et quelle continuerait de le faire sans quun vote officiel soit exigé. Il a cité en exemple la pratique qui sétait établie de consulter le Parlement (lorsquil tenait séance) par des débats exploratoires au cours desquels tous les députés avaient loccasion de sexprimer. De plus, le gouvernement avait cherché à faire participer tous les partis à sa prise de décisions même lorsque le Parlement ne siégeait pas : durant la crise dHaïti (alors que le Parlement était en congé), le gouvernement a informé les porte-parole de tous les partis dopposition de ses intentions et a demandé quils approuvent lintervention sans rappeler le Parlement. Le gouvernement a aussi souligné quil avait cherché dautres moyens de faire participer le Parlement à ses décisions, par exemple par le témoignage de ministres devant des comités permanents. La motion a été débattue à la Chambre à trois occasions (10 juin 1998, 29 octobre 1998 et 4 février 1999) avant dêtre rejetée, le 9 février 1999, malgré lappui de la plupart des membres des quatre partis dopposition. Plus tard, le 19 avril 1999, durant le jour qui lui était réservé, le Bloc a présenté la motion suivante :
La principale récrimination portait sur le manque de renseignements sur la mission telle quelle se déroulait. Les libéraux ont répliqué que la motion était pour le moins imprécise et que, si la Chambre nappuyait pas le gouvernement, lopposition devrait présenter une motion de censure. Les députés du parti ministériel ont en outre soutenu que la motion portait sur une situation hypothétique, que son adoption créerait un précédent impraticable parce quil faudrait « microgérer » la mission, nuisant à son efficacité au quotidien, et quelle limiterait la capacité des forces déployées de réagir rapidement et en souplesse aux nouvelles crises. La motion a fini par être rejetée. La tentative la plus récente qui ait été rapportée dobtenir un vote obligatoire est venue, ce qui est intéressant, du Sénat. Le comité permanent de la Chambre haute chargé des affaires étrangères a soutenu :
Le gouvernement na pas encore répondu au rapport. Vu les exemples qui précèdent, toutefois, on peut penser que le gouvernement sopposera à toute tentative de contraindre sa capacité dagir librement et quil évitera la microgestion du déploiement des Forces canadiennes à létranger. AUTRES OPTIONS POUR LEXAMEN PARLEMENTAIRE Le moyen le plus évident, bien que limité, pour le Parlement dexercer un pouvoir sur le déploiement à létranger des Forces canadiennes, réside dans la capacité de la Chambre des communes de retirer sa confiance dans le gouvernement et de refuser au gouvernement les crédits quil demande(30). Tant que le Parlement nutilise ni lun ni lautre de ces pouvoirs, il approuve implicitement lexercice par le gouvernement de ses pouvoirs exécutifs (31). Cela dit, la majorité gouvernementale et la ligne de parti rendent difficile de censurer le gouvernement ou de refuser dadopter une loi de crédits. De plus, comme le fait remarquer le comité sénatorial : « refuser les crédits au gouvernement et lui retirer la confiance de la Chambre sont des moyens assez brutaux dexprimer des vues divergentes sur des questions semblables. De plus, les occasions de faire un examen et dexprimer une dissidence que procure létude des crédits ne peuvent pas toujours être mises à profit de manière efficace ou opportune. Dans le cas du Kosovo, par exemple, ce nest quen novembre 1999, cinq mois après la fin de lintervention, que le Parlement a été invité à voter les crédits expressément affectés aux opérations(32)». Le Parlement peut aussi participer aux décisions de déployer les Forces canadiennes, par exemple, par la voie des audiences des comités et des séances dinformation par des fonctionnaires. (On note que lactivité des comités a augmenté depuis 1969(33).) Les comités permanents ont déjà servi denceinte à un débat plus ample sur les déploiements à létranger. Ainsi, en avril 1998, une réunion mixte extraordinaire des comités permanents des affaires étrangères et de la défense de la Chambre a eu lieu pour discuter de léventuelle participation canadienne à la force de maintien de la paix en République centrafricaine. Comme la expliqué un député du parti ministériel : « Cette option a été choisie parce quil fallait prendre une décision et déployer des troupes aussi rapidement quil était humainement possible de le faire. Les deux ministres ont participé à la séance spéciale où une résolution favorisant une aide canadienne a été adoptée à lunanimit(34) ». Par ailleurs, la Direction de la politique du maintien de la paix du ministère de la Défense nationale (MDN) fait paraître un compte rendu mensuel de situation des opérations de paix. Ce document non classifié énumère les opérations de paix depuis 1945 pour lesquelles les Forces canadiennes ont fourni du personnel et indique le rôle des Forces et lampleur et la durée de lengagement. Il indique aussi les opérations auxquelles le Canada a choisi de ne pas participer. Si le Ministère soumettait périodiquement cette liste à lexamen des comités permanents de la Chambre chargés de la défense nationale et des anciens combattants (CPDNAC) et des affaires étrangères et du commerce international (CPAECI) ainsi quau Comité sénatorial permanent des affaires étrangères (CSPAE), les parlementaires auraient une certaine connaissance des engagements militaires du Canada à létranger. Le Ministère a en outre commencé à offrir à loccasion des exposés qui peuvent intéresser les membres des comités et, en fait, tous les parlementaires. (Les transcriptions de ces exposés peuvent être consultées au site Web du MDN.) Enfin, les comités de la Chambre examinent périodiquement le Budget principal des dépenses des ministères dans leur champ de compétence. Cet examen offre une excellente occasion de scruter les plans et budgets des ministères et de les commenter. Dans son rapport davril 2000, le CSPAE en reconnaît limportance et recommande quon lui offre la même possibilité(35). En 1999, un analyste de la défense a relevé lopinion que les politiciens canadiens ne sintéressent pas à la politique de défense. Ils connaissent mal les Forces canadiennes et sy intéressent peu, jetant sur elles le même regard bon enfant que lon jette à un animal familier(36). Pourtant, lintense débat entourant le rôle du Parlement à légard du déploiement à létranger des Forces canadiennes semble plutôt indiquer que les politiciens canadiens tiennent beaucoup à avoir leur mot à dire sur la façon dont larmée est utilisée pour réaliser la politique étrangère du pays. En outre, il revient au Parlement de tenir le gouvernement responsable de ses décisions, y compris de celles relatives aux opérations militaires(37). Manifestement, cette responsabilité na pas été assumée de façon conséquente. Même la pratique actuelle de tenir des débats exploratoires sans mise aux voix nest pas cohérente et na pas de justification claire. Un universitaire a conclu :
Les exigences constitutionnelles ne sont pas près de changer. Aussi longtemps quil y a un gouvernement majoritaire qui soppose à un vote obligatoire, il est peu probable quaucune tentative pour changer les choses ne réussisse (sauf à linitiative du parti au pouvoir). Cela nempêche pas une plus grande participation du Parlement par dautres moyens, par exemple létude en comité, lexamen du Budget, etc. Par ailleurs, le gouvernement a récemment apporté des changements qui favorisent une plus grande participation de tous les partis à légard du déploiement des forces, même si ce nest pas toujours avant quune décision soit prise. À tout le moins, les députés (et les sénateurs) peuvent insister pour quon leur fournisse autant de renseignements que possible sur lengagement sur le mandat, les conditions et les objectifs de la mission, sur les facteurs de risque, sur le nombre de soldats canadiens qui seront employés, sur la durée de lengagement, son coût et les autres participants ainsi que sur lintérêt du Canada dans la région visée avant la tenue dun débat. [TRADUCTION] « La surveillance efficace ne passe pas nécessairement par la microgestion du Cabinet par le Parlement. Pour bien surveiller, le Parlement doit plutôt être bien informé(39) ». Une chose est sûre : le débat continuera. ANNEXE 1 DÉPLOIEMENTS AU COMBAT ET AUTRES DÉPLOIEMENTS Pour analyser la participation du Parlement à légard du déploiement à létranger des Forces canadiennes (FC), il faut établir un certain nombre de critères pour faire la distinction, par exemple, entre la récente action militaire à laquelle ont participé les Forces canadiennes au Kosovo dans le cadre de lOTAN et les opérations de maintien de la paix sous les auspices de lOrganisation des Nations Unies. Pour ce qui est des tâches effectuées, la mission dirigée par lOTAN au Kosovo sapparente plutôt à la guerre du golfe Persique, à la guerre de Corée et aux deux guerres mondiales, où le personnel militaire canadien a été affecté au combat plutôt quà des tâches exclusivement neutres ou humanitaires. Des critères analogues ont été appliqués pour faire la distinction entre la participation en Somalie dans le cadre de lUNITAF dirigée par les États-Unis et lONUSOM dirigée par lONU. On peut supposer que la surveillance parlementaire des déploiements au combat serait plus importante. 1. Déploiements au combat (40) a. La guerre des Boers Sous le gouvernement de Wilfrid Laurier, le Cabinet a décidé, en octobre 1899, que le Canada participerait à la guerre des Boers. Le Parlement na joué aucun rôle dans cette décision(41). b. Première Guerre mondiale La Grande-Bretagne a déclaré la guerre le 14 août 1914. Sous le gouvernement de Robert Borden, par les décrets pris les 6 et 10 août (alors que la Chambre des communes ne siégeait pas), le Canada sest engagé à envoyer une force expéditionnaire en Europe. Par la suite, le premier ministre Borden a rappelé le Parlement plus tôt pour tenir une séance extraordinaire sur la guerre du 18 au 22 août 1914. Durant cette séance, la Chambre a entériné à lunanimité les mesures prises par lexécutif en débattant puis en adoptant une motion pour approuver ladresse en réponse au discours du Trône présenté le 18 août dans lequel le gouvernement avait indiqué les mesures quil comptait prendre relativement à la guerre(42). c. Guerre civile russe Dans son témoignage devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, le professeur Nossal a rappelé quen août 1918, le gouvernement Borden autorisa lenvoi dune brigade dartillerie et quen octobre 1918, le gouvernement approuva lenvoi dune force de quelque 4 000 hommes en Sibérie; ni dans un cas ni dans lautre, le Parlement ne fut consulté par le gouvernement Borden, et lintervention canadienne en Russie ne fut pas débattue(43). Certains soutiendront quil sagissait dune ramification de la Grande Guerre et que, cette guerre ayant déjà été débattue par la Chambre des communes, il ny avait pas lieu de consulter le Parlement à nouveau. d. Deuxième Guerre mondiale Inversement, « en 1923, le premier ministre W.L. Mackenzie King déclarait que seul le Parlement devrait, en dernier ressort, décider de la participation du Canada à des conflits à létranger(44) » :
Respectant cette assertion, le Cabinet, même sil avait décidé que le Canada se rangerait aux côtés de la Grande-Bretagne, a convenu le 24 août 1939 de ne prendre aucune décision ferme avant que la guerre néclate(46). Lorsque la guerre éclata en Europe, le Parlement ne siégeait pas et ne devait pas reprendre ses travaux avant le 2 octobre; il a toutefois été rappelé le 7 septembre 1939. Comme en 1914, le gouverneur général a lu un discours du Trône, et on a débattu une adresse en réponse au discours. Au cours du débat, qui a commencé le 8 septembre, le premier ministre Mackenzie King a expliqué comment lapprobation par le Parlement de ladresse allait ouvrir la voie à une déclaration de guerre officielle. La motion dacceptation de ladresse a été adoptée au Sénat, tandis que la Chambre des communes a poursuivi le débat et a adopté la motion tard dans la soirée du 9 septembre. La démarche suivie en 1939 na pas fixé de calendrier précis pour les déclarations de guerre ou des déclarations analogues, mais ladoption par les deux chambres du Parlement dune adresse en réponse au discours du Trône est devenue une pratique confirmée, et un nouveau précédent a été établi pour les étapes menant à la prise du décret. En 1914, le décret a été pris le jour où la guerre a commencé et a été suivi dun débat parlementaire; toutefois, en 1939, le débat parlementaire a précédé le décret portant déclaration de guerre. La même procédure a été suivie pour déclarer la guerre à lItalie en 1940(47). Les déclarations de guerre qua ensuite faites le Canada au cours de la Deuxième Guerre mondiale (contre le Japon, la Hongrie, la Roumanie et la Finlande) nont pas donné lieu à un débat parlementaire, car elles procédaient toutes de « la même guerre ». « Les Débats de la Chambre des communes nindiquent pas que lopposition ait protesté contre le fait que le Parlement nait pas été rappelé pour adopter les motions à légard du Japon, de la Hongrie, de la Roumanie et de la Finlande. [ ] En effet, il ny eu en règle générale que peu de critiques concernant la procédure suivie par le gouvernement pour indiquer officiellement que le Canada était en guerre(48) ». e. Guerre de Corée Alors que les déclarations de guerre à loccasion des deux grands conflits mondiaux avaient établi un certain nombre de précédents parlementaires, la situation a complètement changé après 1945, année où la Charte des Nations Unies a été signée, puisque le Canada a participé à un certain nombre de conflits internationaux, mais sans jamais déclarer la guerre. Lexamen de la façon dont le Canada sest engagé dans le conflit coréen entre 1950 et 1953 permet de saisir comment est survenu cet état de fait. Par suite de linvasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord, le 25 juin 1950, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution demandant aux pays membres de lONU daider la Corée du Sud à résister à lagression et à rétablir la paix dans la région. Le 26 juin, L.B. Pearson, secrétaire dÉtat aux Affaires extérieures, a fait une déclaration à la Chambre des communes concernant la situation en Corée et a lu aux fins du compte rendu le texte de la résolution du Conseil de sécurité(49). Le 27 juin, après que lONU eut décidé de répondre à linvasion par la force, le Cabinet du Canada sest réuni. Peu après, le premier ministre a invité les chefs de lopposition à une conférence extraordinaire, ce qui était inhabituel. Par la suite, le 29 juin, après un débat plénier à la Chambre des communes, tous les députés sauf un ont appuyé la décision du gouvernement de participer à lusage multilatéral de la force(50). Le 30 juin, le premier ministre St-Laurent a déclaré ce qui suit au sujet de la situation en Corée et de la résolution du Conseil de sécurité :
Bref, le premier ministre a clairement indiqué que le Canada était prêt à envoyer du personnel et de léquipement militaires pour aider la Corée du Sud à résister à lagression si lONU le jugeait approprié. Toutefois, le Canada naurait pas à déclarer la guerre à la Corée du Nord(52). Le 29 août 1950, le Parlement a repris ses travaux, en séance extraordinaire, pour traiter dune grève nationale des chemins de fer et de la situation en Corée. Il était clair, daprès le discours du Trône, que cette dernière était le sujet principal. Le gouvernement du Canada voulait un accroissement rapide des forces militaires canadiennes dans leur ensemble ainsi quun accroissement du nombre de Canadiens participant à lintervention militaire en Corée. Le gouvernement a donc décidé de présenter de nouveaux textes de loi, dont la Loi concernant les Forces canadiennes afin de modifier la Loi sur la Défense nationale et la Loi sur les crédits de défense pour accroître le budget de la défense. Toutefois, à cette séance extraordinaire, le Parlement na pas discuté ni adopté de motion portant précisément sur la décision du gouvernement de faire participer le Canada à lintervention de lONU en Corée. Dailleurs, au cours du débat sur la Loi concernant les Forces canadiennes, un député de lopposition a demandé au premier ministre sil y aurait une résolution autorisant lenvoi de troupes en Corée, ce à quoi M. St-Laurent a répondu :
Le Parlement a adopté la Loi sur les crédits de défense, autorisant les voies et moyens pour concrétiser la politique gouvernementale face au conflit coréen(54). f. Guerre du Golfe (dirigée par les États-Unis) Parce que les mesures prises contre lIraq, tout comme celles qui avaient été prises contre la Corée du Nord en 1950, nexigeaient pas de déclaration de guerre de la part du Canada, le Parlement na pas eu à débattre une telle déclaration. Le gouvernement avait le pouvoir, sans rappeler le Parlement, dautoriser que le pays prenne dautres mesures peu après linvasion du Koweït. Par exemple, lorsque le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté, le 6 août 1990, la résolution 661 qui obligeait les membres de lOrganisation à imposer de strictes sanctions économiques contre lIraq, le gouvernement du Canada a invoqué la Loi sur les Nations Unies, qui stipule uniquement que les décrets et règlements pris sous son régime seront déposés dès le retour des chambres(55). Cependant, le 23 octobre 1990, il a été demandé à la Chambre des communes dapprouver, ce quelle a fait, une motion appuyant « lenvoi de membres, de navires et dappareils des Forces armées canadiennes pour prendre part à leffort militaire multinational dans la région de la péninsule arabique(56) ». Puis, le 29 novembre 1990, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 678, autorisant lusage de la force contre lIraq après une trêve de 47 jours (jusquau 15 janvier 1991). Le même jour, la Chambre des communes a adopté une autre motion dappui à lONU dans ses efforts pour respecter la résolution 660 et les résolutions ultérieures du Conseil de sécurité(57). Enfin, le délai du 15 janvier 1991 approchant, le gouvernement a rappelé le Parlement qui était en congé pour tenir un débat durgence sur une motion du gouvernement visant à réaffirmer lappui de la Chambre des communes à lONU pour mettre fin à lagression du Koweït par lIraq(58). Le débat a porté sur lopportunité pour le Canada de participer à une mission qui nétait pas menée par lONU, dautant quil sagissait dune mission offensive. Les partis dopposition ont contesté la valeur de la réaction agressive de lONU face au conflit entre lIraq et le Koweït parce que lOrganisation navait pas réagi du tout dans dautres circonstances analogues. Les partis autres que celui au pouvoir ont en outre soutenu quil était prématuré de faire la guerre avant davoir épuisé toutes les autres options (sanctions, négociations diplomatiques, etc.). Lopposition officielle a même tenté, sans succès, damender la motion du gouvernement pour exclure, pour le moment, une action militaire offensive de la part du Canada(59). Le débat a perdu son intérêt pratique lorsque les États-Unis ont lancé les hostilités le 16 janvier. Malgré cela, tous les partis ont convenu de le poursuivre. La motion dorigine du gouvernement a été adoptée sans changement le 22 janvier 1991. À ce moment-là, les partis avaient déjà affirmé leur appui aux troupes canadiennes dans le Golfe (tout en conjurant le gouvernement de chercher à mettre fin au conflit)(60). Même sil ny a pas eu de déclaration de guerre officielle, le Parlement a débattu la participation du Canada au conflit du golfe Persique et adopté des motions qui approuvaient les mesures prises conformément à lintervention militaire de lONU. Par ailleurs, le Parlement avait été informé que le personnel des Forces canadiennes avait été mis en service actif. La procédure suivie na pas été exactement la même que celle adoptée en 1950 pour lautre intervention militaire de lONU, mais en 1990-1991, le Parlement a adopté des motions précises et a donc eu une participation plus directe. Le besoin dadopter des motions confirmant des motions antérieures en 1990-1991 est venu de la complexité de la crise du golfe Persique et de la controverse quelle a suscitée. Le dépôt dune nouvelle résolution « dans léventualité du déclenchement dhostilités mettant en cause les Forces armées canadiennes », même si le personnel militaire avait déjà été mis en service actif, a créé un précédent important. Non seulement le Parlement a adopté une motion pour approuver les mesures gouvernementales (comme le déploiement des troupes) face au conflit, mais aussi une motion pour approuver la participation réelle des forces canadiennes se trouvant déjà dans la zone de combat(61). g. Somalie (mission dirigée par les États-Unis) Par sa résolution 794, le Conseil de sécurité des Nations Unies a approuvé une mission dimposition de la paix dirigée par les États-Unis en Somalie (UNITAF) le 3 décembre 1992. Cette résolution changeait en pratique le mandat de lONUSOM (la mission de maintien de la paix précédente) et approuvait lusage de la force. Le jour suivant, un député dopposition a demandé un débat à la Chambre des communes avant que le gouvernement ne prenne sa décision. Le secrétaire dÉtat aux Affaires extérieures (SEAE) a répondu que le gouvernement annoncerait sa décision plus tard le jour même et quensuite on discuterait au Parlement des répercussions de cette décision(62). Trois jours plus tard, un autre député dopposition a déclaré que la décision denvoyer des troupes dans une zone de guerre était une décision importante qui devrait être débattue par le Parlement au préalable et que la décision de faire participer le Canada à lUNITAF avait été prise sans consulter le Parlement, sans débat(63). Ce à quoi le SEAE a répliqué :
Toutefois, plus tard le même jour, le gouvernement a tenu un débat spécial et proposé daffirmer lappui de la Chambre des communes à la participation canadienne à leffort multinational en Somalie(65). La motion a été adoptée. Au cours du débat, les partis dopposition ont demandé ce que supposerait lengagement du Canada, si les troupes canadiennes seraient bien équipées et appuyées et si le gouvernement avait envisagé une solution à long terme au conflit. En fin de compte, ils appuyaient la décision de lONU, ainsi que la participation du Canada à la mission, mais sobjectaient à ce qui sétait produit au sein du Parlement. Un député a indiqué que le Canada avait besoin soit dun comité mixte du Sénat ou de la Chambre ou dun comité mixte de la défense et des affaires extérieures un système institutionnalisé permanent de surveillance de cette opération et dautres par le Parlement(66). h. Kosovo (mission dirigée par lOTAN) Le gouvernement a consulté la Chambre des communes la première fois sur la situation du Kosovo le 30 septembre 1998, lorsquil a proposé que la Chambre exprime sa profonde consternation et sa tristesse devant les atrocités subies par la population civile au Kosovo et quelle demande au gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie et aux autres parties en présence dans cette confrontation inhumaine de mettre bas les armes immédiatement et de commencer à négocier pour trouver une solution(67). La motion a été adoptée sans mise aux voix. Une semaine plus tard, le 7 octobre 1998, le gouvernement a tenu un débat exploratoire à loccasion duquel la Chambre a pris état de la dure situation sur le plan humanitaire dans laquelle se retrouvaient les Kosovars et de lintention du gouvernement de prendre des mesures en coopération avec la collectivité internationale pour résoudre le conflit, favoriser un règlement politique et faciliter lapport de laide humanitaire aux réfugiés(68). Au cours du débat, les partis dopposition ont demandé au gouvernement jusquoù il comptait aller, quels dangers menaceraient les troupes canadiennes, si elles étaient prêtes et bien équipées pour une autre opération et si la collectivité internationale (ou même le gouvernement canadien) avait établi un plan à long terme ou ses objectifs politiques et militaires. Des députés se sont aussi préoccupés de la légitimité de toute action nayant pas été autorisée par lONU et des répercussions nuisibles possibles de cette action sur lorganisation internationale. Comme cétait la première fois que le Canada participait à un conflit étranger sans lautorisation de lONU depuis la création de celle-ci en 1945, de nombreux députés auraient préféré attendre que le Conseil de sécurité prenne une résolution. Questionné davantage sur la possibilité dune action militaire, Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères, a répondu quil ne convenait pas de décrire quelles seraient les étapes de laction militaire de lOTAN avant que les décisions soient prises(69). Dailleurs, la motion du gouvernement a été formulée de façon à ne pas qualifier les « mesures », de sorte que la possibilité dune intervention militaire nétait ni précisée ni exclue. Dans un débat ultérieur, un député dopposition a commenté que le gouvernement avait utilisé ce débat pour affirmer quil avait le droit de prendre part à des frappes aériennes avec lappui de la Chambre, en précisant quil ne trouvait pas laffirmation valide(70). Un deuxième débat exploratoire a eu lieu le 17 février 1999, quand la Chambre a indiqué la possibilité dactivités de maintien de la paix par le Canada au Kosovo(71). Le débat sest centré sur le maintien de la paix, sans quon envisage le rôle que les Forces canadiennes allaient finir par prendre dans les combats. Après le début des frappes aériennes de lOTAN au Kosovo le 24 mars 1999, des membres de lopposition ont critiqué vigoureusement larmée et le gouvernement en général, surtout le ministre de la Défense nationale, pour ne pas avoir tenu de séance dinformation ni de débat sur lintensification du conflit. Le premier ministre a par la suite annoncé à la Chambre que les ministres des Affaires étrangères et de la Défense nationale avaient discuté de la situation avec les porte-parole de chaque parti(72). Plus tard ce jour-là, après une déclaration conjointe du ministre des Affaires étrangères et du ministre de la Défense(73), chaque porte-parole a fait une déclaration. La discussion a porté sur ce qui se passerait ensuite et sil était possible que la participation des troupes canadiennes sétende. Les partis dopposition ont cherché à obtenir lassurance que le personnel des Forces canadiennes ne serait pas mis en danger et quil serait bien équipé pour les tâches quil aurait à accomplir. Ils ont aussi insisté pour que le Parlement joue un rôle dans toute laffaire et réclamé que la Chambre des communes soit consultée sil devait y avoir escalade (par exemple, une intervention de troupes au sol). Dans les débats précédents en novembre et en février, on navait pas envisagé descalade. Des séances dinformation périodiques ont été tenues au ministère de la Défense nationale (MDN) et des fonctionnaires de ce ministère et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) ont présenté une fois et parfois deux fois par semaine des mises à jour et ont répondu aux questions posées lors des réunions conjointes du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et de celui de la défense nationale et des anciens combattants. Le gouvernement a tenu un troisième débat exploratoire le 12 avril 1999, en affirmant sa détermination de collaborer avec la collectivité internationale pour résoudre le conflit et favoriser une situation politique juste qui débouche sur le retour en sécurité des réfugiés(74). À ce moment-là, le ministre de la Défense nationale sest engagé à ce que, sil y avait un changement important dans la participation du Canada, le gouvernement en saisisse la Chambre pour quelle en débatte(75). Une semaine plus tard, durant la Période des questions du 19 avril 1999, le premier ministre Jean Chrétien a affirmé que, « selon la nature de la demande [c.-à-d. de déployer des troupes canadiennes au sol au Kosovo sous légide de lOTAN], jindiquerai si nous devrions ou non procéder à un vote(76) ». Autrement dit, il se réservait le droit de décider sil y aurait un vote, sans en éliminer la possibilité. Finalement, lenvoi de troupes au sol na pas été demandé, et il ny a pas eu dautre débat exploratoire ni de vote. B. Opérations autres que les combats : soutien de la paix, etc. Les opérations de paix ont évolué : elles sont plus complexes et souvent plus dangereuses que les missions traditionnelles de maintien de la paix. On peut distinguer les opérations en fonction de lampleur du déploiement, de la proximité du personnel des Forces canadiennes aux zones de combat et du risque qui en découle par conséquent dans le théâtre des opérations. En outre, surtout dans le cas des missions qui durent plusieurs années, voire des dizaines dannées, il est important de songer que les contingents canadiens peuvent avoir été augmentés sensiblement ou affectés à des tâches différentes à divers moments, comme dans le cas de lex-Yougoslavie. Il est à supposer que de tels changements intéresseraient autant le Parlement que le projet initial de participation et exigeraient dêtre débattus autant; lhistoire récente semble le confirmer. Lanalyse qui suit nest pas du tout exhaustive; le Canada a participé à plus de 40 opérations de paix et opérations connexes depuis 1945. Les cas retenus servent seulement à illustrer les diverses approches de la participation parlementaire à lautorisation du déploiement à létranger des Forces canadiennes. Lannexe 2 énumère les participations militaires du Canada aux opérations de paix depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale et indique si et quand les déploiements ont fait lobjet dun débat officiel à la Chambre des communes. Pour établir équivoque si le Parlement a 1) été consulté avant ou après que le déploiement ait été décidé et 2) voté au sujet du déploiement des Forces canadiennes, il faut connaître les dates exactes de lengagement des forces ou de leur déploiement. Malheureusement, ces renseignements ne sont pas faciles à obtenir du ministère de la Défense nationale(77). Il est donc impossible dans bien des cas de déterminer si le Parlement a débattu ou voté avant le déploiement. Par conséquent, lanalyse porte plutôt sur la formulation de la motion présentée à la Chambre (le cas échéant) et sur la teneur du débat. 1. De la création de lOrganisation des Nations Unies en 1945 à octobre 1993 Même si la Charte des Nations Unies noblige pas le Canada à participer(78), le Canada a établi une solide tradition de fournir du personnel et des ressources pour les opérations de lONU. Le Canada a aussi participé à de nombreux autres efforts internationaux pour restaurer, maintenir, surveiller et renforcer la paix dans de nombreuses régions du monde. a. Commissions pour lIndochine Après la guerre de Corée, le Canada a été désigné pour faire partie des trois commissions de surveillance de la trêve. Sans consulter le Parlement, le gouvernement sest engagé à ce service le 28 juillet 1954(79). b. Canal de Suez Le 2 novembre 1954, alors que le Parlement ne siégeait pas, le premier ministre Pearson a offert à lAssemblée générale les services des Forces canadiennes pour une mission de paix au canal de Suez. Plus tard, le 26 novembre, bien après que Pearson ait engagé pleinement les Forces, le gouvernement a convoqué une séance extraordinaire de quatre jours du Parlement pour étudier la question(80). c. Chypre Selon le professeur Nossal, la longue participation du Canada à Chypre a aussi commencé quand le Parlement ne siégeait pas : au milieu de février 1964, le premier ministre Pearson a pris un engagement en privé devant le premier ministre britannique, et on a commencé à former des troupes(81). Pearson avait promis, toutefois, quil ny aurait pas denvoi de troupes sans lapprobation du Parlement. Par conséquent, le 13 mars 1964, il a présenté la motion que la Chambre des communes approuve la participation des Forces canadiennes dans la force internationale des Nations Unies à Chypre(82). Au cours du débat, le chef de lopposition, J.G. Diefenbaker, a rappelé le principe expliqué en 1925 par Arthur Meighen que le Parlement devrait décider de la participation des troupes canadiennes à létranger. Il a indiqué que ce point de vue nobtenait pas lacceptation générale, mais que lapprobation qui était actuellement demandée à la Chambre pouvait être vue comme un autre pas vers létablissement du principe(83). La motion a été acceptée, à la majorité. La Chambre est même allée plus loin en demandant ladhésion du Sénat(84). Toutefois, le professeur Nossal relève que les troupes canadiennes avaient été envoyées à Chypre deux bonnes heures avant que les honorables députés commencent à débattre la motion(85). Par ailleurs, le retrait des troupes canadiennes de la mission, en décembre 1992, a été décidé exclusivement par le Cabinet, sans débat. d. Vietnam Entre le 28 janvier et le 31 juillet 1973, le Canada a fourni 240 militaires et 50 fonctionnaires du ministère des Affaires extérieures au Vietnam sous légide de la Commission internationale de contrôle et de surveillance. Lexamen des Débats de la Chambre des communes montre que la question de la réponse du Canada à la situation au Vietnam a été soulevée pour la première fois le 4 janvier 1973, lorsque le premier ministre Trudeau a indiqué lintention du gouvernement den débattre à la Chambre, lavis dune motion à cet effet ayant déjà été présenté(86). Les partis dopposition ont salué sa suggestion que les leaders à la Chambre se réunissent pour discuter de la motion avant de la soumettre au débat. La motion reconnaissait la possibilité que le Canada serait appelé à jouer un nouveau rôle de surveillance après la cessation des hostilités au Vietnam sans rien dire dune éventuelle approbation de la Chambre à légard de la participation canadienne(87). Quelques semaines plus tard, durant la Période des questions, lhonorable Mitchell Sharp (secrétaire dÉtat aux Affaires extérieures) a exprimé son intention de soumettre la question à la Chambre des communes, au moins pour quelle en débatte(88), mais a réservé au gouvernement le droit dinformer la Chambre de sa décision. À nouveau, le 24 janvier, M. Sharp a affirmé que le gouvernement souhaitait que la question soit discutée au Parlement et quil présenterait une résolution pour permettre le débat. À ce moment-là, il a pris soin de souligner quil ne sagissait pas pour les Canadiens de « maintenir la paix », mais plutôt dobserver, de faire rapport et, éventuellement, de participer à la médiation(89). Mais, encore une fois, M. Sharp a précisé que le gouvernement se réservait le droit denvoyer du personnel canadien avant que la Chambre soit saisie de la question, si nécessaire, pour des raisons dopportunité(90). En fait, du personnel civil et militaire a été déployé au Vietnam le 27 janvier, avant que tout débat officiel ait lieu à la Chambre sur cette question précise. La question a été discutée à fond le 1er février 1973; toutefois, la motion proposée par M. Sharp ne demandait pas lapprobation de la Chambre et affirmait que le gouvernement avait déjà engagé (et même déployé) le personnel en question(91). M. Sharp a ajouté que la Chambre avait déjà eu un échange préliminaire de points de vue avant le départ des troupes du Canada et que le gouvernement ferait connaître sa décision, quelle quelle soit, à la Chambre, quil ninvitait pas à en débattre ou à se prononcer par un vote(92). Les députés dopposition ont alors rappelé comment sétait décidé en 1964 le déploiement des troupes à Chypre. Lun deux a soutenu que le Parlement, organe représentatif élu du pays dans son ensemble, doit pouvoir sexprimer, et même participer à la décision, quand il est proposé dengager à long terme du personnel canadien à létranger, selon un principe qui remonte loin dans lhistoire du Parlement(93). Un autre a parlé de la responsabilité du Parlement à légard de la sécurité du personnel canadien à létranger. Un autre encore a observé quil ne contestait pas que le gouvernement devait agir sans consulter la Chambre pour des raisons dopportunité, mais quil espérait que lévolution de la mission, y compris son éventuelle prolongation après la période initiale de 60 jours, ferait lobjet dun débat avant que le gouvernement ne prenne une décision(94). En vain, dautres ont réclamé un vote et ont continué à le faire à des dates ultérieures(95). La résolution demandant un débat et un vote a été oubliée au Feuilleton(96). Plus tard, lorsque le gouvernement songeait à retirer les Canadiens de la force de surveillance, lopposition a demandé encore une fois de soumettre la question au Parlement avant de prendre une décision. À nouveau, le secrétaire dÉtat aux Affaires extérieures a soutenu que cétait son intention, aussitôt que le gouvernement prendrait une décision, de soumettre celle-ci à la Chambre des communes(97). En dautres mots, il a continué daffirmer la prérogative du Cabinet en la matière, cest-à-dire quil incombe au gouvernement de prendre la décision et de la soumettre à lexamen, et non à lapprobation, de la Chambre. e. Plateau du Golan En 1974, les Forces canadiennes ont été déployées sur le plateau du Golan pour participer à la FNUOD. Il sagit dun des déploiements les plus importants, de façon persistante : le Canada a fourni jusquà 230 personnes, et sa contribution sétablit actuellement à environ 190 membres des Forces canadiennes. Cela dit, si la Chambre des communes semble avoir amplement débattu des déploiements canadiens dans le contexte de la première Force durgence des Nations Unies (FUNU I) en 1956 et de la FUNU II (Sinaï) en 1973(98), on ne trouve pas de mention précise de la FNUOD dans les Débats de la Chambre des communes. f. Opération « Bouclier du désert » (application de lembargo dans le Golfe persique) Après linvasion du Koweït par lIraq le 2 août 1990, le premier ministre Mulroney a engagé les Forces canadiennes à lopération à loccasion dun dîner avec le président américain Bush, le 6 août. Selon le professeur Nossal, Mulroney est rentré le jour daprès et a ordonné de faire les préparatifs pour lengagement des unités de larmée de mer canadienne à la force multinationale qui était mise sur pied. Ces décisions ont été prises sans consulter le ministre de la Défense nationale, qui était hors du pays, ou le secrétaire dÉtat aux Affaires extérieures, qui nétait pas à Ottawa. Lorsque le Cabinet sest réuni, le 8 août, il a approuvé lengagement pris par Mulroney. La Chambre ne siégeait pas, et Mulroney navait pas lintention de la rappeler (en raison de la crise dOka)(99). Les navires avaient déjà été engagés lorsque le gouvernement a demandé lapprobation du Parlement dans un débat le 24 septembre 1990, qui sest poursuivi les 17 et 18 octobre. Lorsquil y a eu un vote, un mois ou deux plus tard, ce nétait pas pour autoriser lenvoi de troupes ou lengagement au sol, cétait simplement pour souscrire à une résolution de lONU(100). Le gouvernement actuel a donc soutenu que ce cas ne créait pas de précédent. g. Somalie (mission dirigée par lONU) Le Parlement a bien débattu du déploiement de quelque 1 300 militaires en Somalie dans le cadre de lUNITAF en décembre 1992, dont il est question plus haut, mais la Chambre na jamais discuté dun déploiement antérieur au même pays, de 750 militaires dans le cadre de lONUSOM. Cet engagement antérieur a été annoncé par le ministre de la Défense le 28 août 1992. Le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale a déposé un décret (CP 1992-2006 du 8 septembre) le 14 septembre 1992, qui mettait les membres des Forces canadiennes en service actif pour lopération des Nations Unies en Somalie, sans débat. 2. Doctobre 1993 à maintenant a. Ex-Yougoslavie Les déploiements dans lex-Yougoslavie ont de loin été les déploiements à létranger les plus débattus de lhistoire canadienne. La participation aux nombreuses missions de paix aux Balkans en Croatie, en Bosnie, au Kosovo ou ailleurs, sous légide des Nations Unies ou de lOTAN a été débattue à la Chambre des communes pas moins de sept fois en cinq ans. Plus de 2 000 soldats de la paix ont servi dans les Balkans avec la FORPRONU et la FPNU et dautres ont servi avec lONURC, la FORDEPRENU, la MINUBH, la MONUP, lIFOR et la SFOR. Le premier débat exploratoire, le 25 janvier 1994, a porté sur les dimensions politiques, humanitaires et militaires du rôle de maintien de la paix du Canada, y compris dans lex-Yougoslavie, et de lorientation que pourrait prendre la politique et les opérations canadiennes en la matière(101). Le débat survenait bien après que les Forces canadiennes ont été déployées dans la région, dès février 1992, fait que relève le ministre des Affaires étrangères dalors, André Ouellet, dans son introduction au débat, en indiquant que lorsque le gouvernement antérieur avait décidé denvoyer des troupes en ex-Yougoslavie, il ny avait pas eu de débat et le Parlement navait pas été consulté(102). Le ministre Ouellet a ajouté que le débat saccordait avec lengagement de son gouvernement de consulter les députés avant de prendre des décisions sérieuses et de grande importance(103). Il a ensuite exposé les grandes lignes de conduite quavaient suivies dans le passé les gouvernements canadiens pour décider de participer ou non à une mission de paix, lignes de conduite que son gouvernement considérait comme toujours valables :
À ces lignes de conduite, il a ajouté le niveau de risque couru par les soldats canadiens. Après que M. Ouellet a affirmé que les points de vue de la Chambre et du public en général étaient dune importance cruciale pour les délibérations du gouvernement sur lavenir de ses engagements de maintien de la paix(105), le débat, large, a porté sur presque tous les aspects des lignes de conduite. Le 21 avril 1994, le gouvernement a lancé un deuxième débat exploratoire. Après que lOTAN a agréé en février à lappui aérien demandé par lONU pour protéger la zone de sécurité autour de Sarajevo, il a été demandé au Parlement de se pencher sur la demande présentée dans la lettre écrite par le secrétaire général de lONU le 18 avril à lOTAN pour étendre les dispositions aux cinq autres zones de sécurité des Nations Unies en Bosnie(106). Au cours du débat, le gouvernement a pu compter sur un appui important de la part de tous les partis. Le troisième débat exploratoire sur lengagement du Canada en ex-Yougoslavie na pas été centré exclusivement sur cette mission; le Parlement a été invité à tenir compte des engagements actuels et futurs de maintien de la paix dans le monde, en particulier en ex-Yougoslavie, en Haïti et au Rwanda (107). Encore une fois, lampleur des paramètres donnés au débat sest répercutée sur sa portée. Lopposition officielle a établi ses propres critères pour évaluer si la participation canadienne dans des missions de paix était souhaitable et a conclu que le pays naurait pas dû sengager dans de nombreuses missions alors en cours(108). Une conclusion correspondante a été que le Canada devait avoir une participation plus sélective, vu notamment le coût des opérations trop ambitieuses pour la santé physique et mentale des gardiens de la paix canadiens, en fonction de ses ressources et de ses moyens. Le mandat de la FORPRONU devant prendre fin le 31 mars, il a été demandé à la Chambre des communes, le 29 mars 1995, de prendre en considération le roulement des Forces canadiennes servant avec la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine et en Croatie(109). David Collenette, alors ministre de la Défense nationale, a entamé le débat en indiquant que le gouvernement navait pas encore décidé de la façon de procéder. Certains députés dopposition se sont plaints que le débat se tenait dans un délai si bref quil ne pouvait avoir dimpact réel sur la décision du gouvernement et que leurs partis ne pouvaient sy préparer convenablement(110). Cela dit, le gouvernement paraissait prêt à envisager diverses options, du renouvellement de son engagement au retrait de la mission en passant par un engagement réduit. Plus tard, un député dopposition a demandé un débat durgence immédiat sur la situation en Bosnie, où des soldats canadiens avaient été pris en otage. Le gouvernement a dabord refusé, puis sest ravisé. Le débat du 29 mai 1995 a porté sur lopportunité et la façon de retirer les gardiens de la paix canadiens de la zone. Le 4 décembre 1995, la Chambre des communes a débattu la contribution canadienne à la force militaire multinationale de mise en uvre (IFOR) qui avait été créée dans le cadre des accords de Dayton et qui était dirigée par lOTAN(111). Puis, le 6 décembre, le gouvernement a annoncé lengagement du Canada. Le professeur Nossal relève toutefois que le gouvernement avait déjà proposé doffrir un bataillon dinfanterie et une unité de commandement lors dune séance de planification de lOTAN, la semaine avant le débat au Parlement(112). Près de deux ans et demi plus tard, le 28 avril 1998, la Chambre des communes a encore une fois été invitée à « prendre note » de lintention du gouvernement « de renouveler sa participation à la Force de stabilisation (SFOR) de lOTAN en Bosnie au-delà du 20 juin 1998(113) ». Le débat a eu lieu longtemps avant le délai proposé, et on peut supposer de façon réaliste quil a éclairé la décision du gouvernement sur la façon de procéder. b. Iraq Le 9 février 1998, la Chambre des communes a débattu lactuelle action militaire en réponse au refus de lIraq de se plier aux inspections des armements autorisées par lONU. Le premier ministre a assuré au Parlement que le Canada ne prendrait aucun engagement avant que le débat public ait lieu. Toutefois, ce qui semé la confusion, la secrétaire dÉtat américaine, Madeleine Albright, a annoncé que le Canada appuyait la mission, qui ferait usage dune force militaire importante contre lIraq, le 8 février, un jour complet avant que la Chambre ne débatte de la question. Le premier ministre a maintenu que Mme Albright avait été mal informée(114). c. Timor-Oriental Le 15 septembre 1999, le premier ministre Chrétien a annoncé que le Canada fournirait jusquà 600 militaires pour une mission de maintien de la paix au Timor-Oriental (INTERFET) ainsi quune aide humanitaire. La mesure na pas été débattue au préalable par la Chambre (sauf durant la Période des questions). Deux jours plus tard, les ministres Lloyd Axworthy (MAECI), Art Eggleton (MDN) et Maria Minna, responsable de lAgence canadienne de développement international (ACDI), ont témoigné au sujet de la situation au Timor-Oriental avant une réunion conjointe des comités permanents de la Chambre des communes chargés de la défense nationale et des anciens combattants et des affaires étrangères et du commerce international. Le ministère de la Défense nationale a annoncé que la contribution du Canada à lINTERFET pourrait consister en deux avions de transport Hercules (avec 100 personnes, dont quatre équipages de six personnes), un navire de ravitaillement (avec un équipage de 250 personnes) et une compagnie dinfanterie renforcée denviron 250 militaires et de 40 véhicules légers. Le ministre a ajouté que les coûts supplémentaires du déploiement des trois éléments durant six mois étaient évalués à 33 millions de dollars, fonds quil naurait pas à demander au trésor central. Les 21 et 23 septembre 1999, les premiers groupes de membres des Forces canadiennes - les équipages des transporteurs Hercules et du NCSM Protecteur ont été déployés au Timor-Oriental. Ces déploiements nont pas fait lobjet dun débat officiel à la Chambre des communes. d. Autres débats exploratoires Comme il a déjà été dit, lengagement du Canada dans les missions de paix en Haïti et au Rwanda a été débattu dans le contexte dune motion générale qui portait aussi sur lex-Yougoslavie, le 21 septembre 1994. Durant le débat, certains députés dopposition ont mis en doute le bien-fondé de poursuivre la participation canadienne à ces missions. Le débat sur lengagement en Haïti a repris le 28 février 1996 quand la Chambre a été priée de prendre en considération les engagements actuels et futurs de maintien de la paix en Haïti, en particulier de la volonté du Canada de jouer un rôle important dans la prochaine phase(115). Dans lensemble, les partis souhaitaient que le Canada continue de participer aux efforts de paix là-bas. Les questions venant des partis dopposition se sont concentrées sur : le coût de la mission pour le Canada et si le pays avait les moyens militaires voulus pour y participer, sil y avait un appui international, en particulier dans le pays visé, pour la participation canadienne, quel serait le mandat exact de la mission et quel rôle les gardiens de la paix canadiens joueraient selon les règles dengagement et si le gouvernement avait fixé un calendrier et une stratégie de sortie, le cas échéant, ainsi quun programme de roulement pour protéger la santé du personnel des Forces. La mission ne sest jamais concrétisée, mais le débat a permis de discuter à fond des faits et déchanger sur les préoccupations connexes. Enfin, il y a eu un débat le 17 février 1999, où on a envisagé des modifications possibles aux activités de maintien de la paix en République centrafricaine ainsi que la possibilité dactivités canadiennes de maintien de la paix au Kosovo. Il pourrait être soutenu que des débats qui portent sur des missions multiples, comme celui du 21 septembre 1994, ne permettent pas danalyser et de discuter en profondeur la valeur de chaque cas. ANNEXE 2
(1) Le budget a perdu 21,5 p. 100 entre 1993-1994 et 1998-1999. (2) 17 675 personnes de moins (22,7 p. 100) quen 1993-1994, lorsque leffectif était de 77 975 personnes. (3) Ce document traite des constatations du Comité sénatorial, mais il porte principalement sur les débats et les mises aux voix à la Chambre des communes. (4) Une bonne partie de cette section est tirée de : Comité sénatorial permanent des affaires étrangères [CSPAE], La « nouvelle » OTAN et lévolution du maintien de la paix : conséquences pour le Canada, chapitre VIII : « Le Parlement et les engagements militaires du Canada », avril 2000. (5) Le débat exploratoire porte sur une motion qui invite la Chambre à prendre note dun sujet. Il permet aux députés dexprimer leurs points de vue seulement; la motion nest pas mise aux voix. (6) CSPAE, p. 77. (7) Le rapport du CSPAE renferme une analyse plus approfondie des rôles que donne la loi au Parlement, p. 1 à 78. Voir aussi Melanie Bright, « Does Parliamentary Oversight of Canadian Peacekeeping Work? », Vanguard, vol. 4, no 4, 1995, p. 5. Le « décret » est une décision prise par le gouverneur en conseil, cest-à-dire le Cabinet, en vertu de lautorité que lui confère la loi ou des prérogatives de la Couronne. Le décret porte notamment sur ladministration du gouvernement, les nominations et la révocation de mesures législatives ou le report de la sanction royale de projets de loi. (8) L.R.C. 1985, ch. N-5. Le paragraphe 31(1) de la Loi sur la Défense nationale permet au gouverneur en conseil, « quand il estime opportun de le faire », de mettre en service actif les Forces canadiennes ou tout élément constitutif de ces forces soit pour la défense du Canada, en raison dun état durgence, soit « en conséquence dune action entreprise par le Canada aux termes de la Charte des Nations Unies, du Traité de lAtlantique-Nord ou de tout autre instrument semblable pour la défense collective que le Canada peut souscrire ». Pour une analyse plus poussée et des renseignements historiques, voir Michel Rossignol, Conflits internationaux : Le rôle du Parlement, la Loi sur la Défense nationale et la décision denvoyer des troupes, Étude générale BP-303, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement, Ottawa, août 1992. (9) Létat de service actif nest pas une condition préalable au déploiement des forces militaires au Canada ou à létranger ni à lobligation de servir faite aux membres des Forces canadiennes. Il a cependant des conséquences pour les soldats en ce qui concerne les prestations prévues par la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, le moment où ils reçoivent leur congé des Forces, lapplication du code de discipline militaire aux réservistes dans certaines circonstances et lapplicabilité ou laggravation de certaines infractions militaires. (10) CSPAE, p. 78. (11) Michel Rossignol, Conflits internationaux : Le rôle du Parlement, la Loi sur la Défense nationale et la décision denvoyer des troupes, Étude générale BP-303, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement, Ottawa, août 1992. (12) CSPAE, p. 76-77. Voir aussi les p. 80-81 pour dautres renseignements sur ce qui se fait aux États-Unis et au Danemark. (13) Kim Richard Nossal (Département de science politique, Université McMaster), « Parliament will decide revisited : legislative involvement in the deployment of Canadian Forces overseas », mémoire au CSPAE, Ottawa, 8 juin 1999, p. 2. (14) Melanie Bright, « Does Parliamentary Oversight of Canadian Peacekeeping Work?», Vanguard, vol. 4, no 4, 1999, p. 5. (15) Lhon. Arthur C. Eggleton, ministre de la Défense nationale, lettre à un député au sujet du rôle du Parlement à légard du déploiement des Forces canadiennes, 7 avril 2000, p. 3. (16) Nossal (1999), p. 5. (17) Ibid. (18) Bright (1999), p. 6. (19) Nossal (1999), p. 5. (20) Ibid., p. 2. (21) Rossignol (1992). (22) CSPAE, p. 80. (23) Bright (1999), p. 5. (24) Chambre des communes, Journaux, 7 décembre 1994 et 19 juin 1995. (25) Chambre des communes, Index des Journaux, 35-2, p. 137. (26) Canada, Chambre des communes, Débats, 10 juin 1998 à 1825. (27) Canada, Chambre des communes, Débats, 19 avril 1999 à 1205. (28) CSPAE, p. 82. (29) CSPAE, p. 84, recommandation 13. (30) CSPAE, p. 78 et 81-82. (31) Kim Richard Nossal devant le CSPAE, Témoignages, fascicule 41, 8 juin 1999, p. 22. (32) CSPAE, p. 82. (33) Bright (1999), p. 5. (34) Canada, Chambre des communes, Débats, 10 juin 1998 à 1825. (35) CSPAE, p. 84, recommandation 15. (36) Douglas L. Bland, Parliament, Defence Policy and the Canadian Armed Forces, The Claxton Papers, no 1, septembre 1999, p. 3. (37) Bright (1999), p. 7. (38) Nossal (1999), p. 6. (39) Bright (1999), p. 7. (40) Lessentiel des renseignements donnés dans cette section, pour ce qui touche la guerre du golfe Persique, la guerre de Corée et les deux guerres mondiales, est tiré de Rossignol (1992). (41) Nossal (1999), p. 3. (42) Nossal (1999), p. 3 et Rossignol (1992). (43) Nossal (1999), p. 3. (44) CSPAE, p. 79. (45) Canada, Chambre des communes, Débats, 1er février 1923, p. 33. (46) Nossal (1999), p. 3. (47) Rossignol (1992). (48) Ibid. (49) Ibid. (50) Nossal (1999), p. 3. (51) Canada, Chambre des communes, Débats, 30 juin 1950, p. 4459. (52) Rossignol (1992). (53) Canada, Chambre des communes, Débats, 8 septembre 1950, p. 495. (54) Rossignol (1992). (55) Ibid. (56) Canada, Chambre des communes, Journaux, 23 octobre 1990, p. 2157. (57) Canada, Chambre des communes, Journaux, 29 novembre 1990, p. 2320-2323. (58) Canada, Chambre des communes, Débats, 15 janvier 1991, p. 16984. (59) Canada, Chambre des communes, Débats, 15 janvier 1991, p. 16996 et 17130-17131. (60) Canada, Chambre des communes, Débats, 22 janvier 1991, p. 17568. (61) Rossignol (1992). (62) Canada, Chambre des communes, Débats, 4 décembre 1992, p. 14652. (63) Canada, Chambre des communes, Débats, 7 décembre 1992, p. 14727. (64) Canada, Chambre des communes, Débats, 7 décembre 1992, p. 14728. (65) Canada, Chambre des communes, Débats, 7 décembre 1992, p. 14737. (66) Canada, Chambre des communes, Débats, 7 décembre 1992, p. 14799. (67) Canada, Chambre des communes, Débats, 30 septembre 1998, p. 8583. (68) Canada, Chambre des communes, Débats, 7 octobre 1998, p. 8914. (69) Canada, Chambre des communes, Débats, 7 octobre 1998, p. 8917. (70) Canada, Chambre des communes, Débats, 12 avril 1999, p. 13596. (71) Canada, Chambre des communes, Débats, 17 février 1999, p. 12038. La Chambre a indiqué, au même moment, des changements possibles dans les activités de maintien de la paix en République centrafricaine. (72) Canada, Chambre des communes, Débats, 24 mars 1999, p. 13433. (73) Canada, Chambre des communes, Débats, 24 mars 1999, p. 13442-13444. (74) Canada, Chambre des communes, Débats, 12 avril 1999, p. 13573. (75) Canada, Chambre des communes, Débats, 12 avril 1999, p. 13596. (76) Canada, Chambre des communes, Débats, 19 avril 1999, p. 14018. (77) Lhon. Arthur C. Eggleton, ministre de la Défense nationale, lettre à un député au sujet du rôle du Parlement à légard du déploiement des Forces canadiennes, 7 avril 2000, p. 1. (78) CSPAE, p. 79. (79) Nossal (1999), p. 4. (80) Ibid., p. 4. (81) Ibid., p. 4. (82) Canada, Chambre des communes, Débats, 13 mars 1964, p. 911. (83) Canada, Chambre des communes, Débats, 13 mars 1964, p. 917. (84) Canada, Chambre des communes, Débats, 13 mars 1964, p. 926. (85) Nossal (1999), p. 4. (86) Canada, Chambre des communes, Débats, 4 janvier 1973, p. 7. (87) Canada, Chambre des communes, Débats, 5 janvier 1973, p. 29. (88) Canada, Chambre des communes, Débats, 16 janvier 1973, p. 328. (89) Canada, Chambre des communes, Débats, 24 janvier 1973, p. 596. (90) Canada, Chambre des communes, Débats, 24 janvier 1973, p. 603-604 (91) Canada, Chambre des communes, Débats, 1er février 1973, p. 862-892. La motion apparaît à la p. 863. (92) Canada, Chambre des communes, Débats, 1er février 1973, p. 863. (93) Canada, Chambre des communes, Débats, 1er février 1973, p. 885. (94) Canada, Chambre des communes, Débats, 1er février 9173, p. 890. (95) Pour des exemples, voir ibid. et le 7 février 1973, p. 1034. (96) Canada, Chambre des communes, Débats, 5 mars 1973, p. 1866. Voir aussi 27 mars 1973, p. 2639-2640. (97) Canada, Chambre des communes, Débats, 5 mars 1973, p. 1881. Voir aussi 9 mars 1997, p. 2063-2064, 20 mars 1973, p. 2386 et 27 mars 1973, p. 2639-2640. (98) Dans les deux cas, le gouvernement a maintenu son droit de présenter sa décision au Parlement. (99) Nossal (1999), p. 4. (100) Ibid., p. 5. (101) Canada, Chambre des communes, Débats, 25 janvier 1994, p. 263. (102) Ibid. (103) Ibid. (104) Ibid. (105) Ibid., p. 265. (106) Canada, Chambre des communes, Débats, 21 avril 1994, p. 3348. (107) Canada, Chambre des communes, Débats, 21 septembre 1994, p. 5952. (108) Ibid., par exemple à la p. 5960. (109) Canada, Chambre des communes, Débats, 29 mars 1995, p. 11225. (110) Canada, Chambre des communes, Débats, 28 mars 1995, p. 11142. (111) Canada, Chambre des communes, Débats, 4 décembre 1995, p. 17115. (112) Nossal (1999), p. 5. (113) Canada, Chambre des communes, Débats, 28 avril 1998, p. 6254. (114) Canada, Chambre des communes, Débats, 9 février 1998, p. 3548 et 10 juin 1998, p. 7961. (115) Canada, Chambre des communes, Débats, 28 février 1996, p. 71. |