PRB 00-17F
TROUBLE DÉFICITAIRE DE L'ATTENTION
Rédaction : Sonya Norris TABLE
DES MATIÈRES A. Évolution du TDA comme trouble reconnu B. Caractéristiques du TDA sur le plan du comportement 2. Formation et éducation des parents et des enseignants LE DIAGNOSTIC DE TDA ET LUTILISATION DU MÉTHYLPHÉNIDATE A. Augmentation de lutilisation du méthylphénidate C. Surveillance et études au niveau national
TROUBLE DÉFICITAIRE DE L'ATTENTION
Le trouble déficitaire de lattention (TDA) est un trouble du comportement bien connu chez les enfants, notamment en raison de lexplosion du nombre de cas diagnostiqués depuis début des années 90. Le présent document explore :
A. Évolution du TDA comme trouble reconnu Les termes « trouble déficitaire de lattention » (TDA) et « hyperactivité avec déficit de lattention » (HDA) sont souvent utilisés de manière interchangeable dans la littérature médicale. En fait, cest lévolution de la façon de considérer et de définir le trouble au fil des ans qui sous-tend la distinction entre les deux termes. Aux États-Unis, le problème de comportement le plus étudié chez lenfant est passé de lhyperactivité, dans les années 60, au « déficit dattention », dans les années 70. En 1980, lAssociation des psychiatres américains a inclus le TDA dont lhyperactivité était alors un élément essentiel dans la troisième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-III). Lédition révisée (DSM-III-R) de 1987, parlait plutôt de HDA afin dinsister davantage sur lhyperactivité, mais ne faisait plus de cette dernière un élément incontournable du diagnostic. En 1994, le DSM-IV conservait le terme HDA, mais en élargissait la définition et en énumérait plusieurs formes, indiquant que divers comportements peuvent prédominer. Le HDA est maintenant un trouble qui peut ou non comporter lhyperactivité. Parfois synonyme de HDA, le terme TDA est aussi utilisé dans les diagnostics lorsque la composante dhyperactivité fait défaut. La plupart des pays occidentaux suivent la Classification internationale des maladies de lOrganisation mondiale de la santé qui en est à sa dixième révision (ICD-10). Cette liste reconnaît le TDA, mais seulement si lhyperactivité est présente. Les médecins canadiens semblent préférer les critères américains et ont tendance à les interpréter assez largement(1). À cause de ces différences entre les définitions du TDA, ce dernier est le trouble de comportement le plus souvent diagnostiqué en Amérique du Nord (3 à 5 p. 100 des enfants dâge scolaire), ce qui nest pas vrai dans les autres pays. Selon lOrgane international de contrôle des stupéfiants (OICS), la consommation du méthylphénidate le médicament le plus souvent prescrit contre ce trouble est nettement plus élevée aux États-Unis et au Canada que dans les autres pays. La Nouvelle-Zélande arrive en troisième place, mais à 40 p. 100 seulement du taux de consommation canadien(2). B. Caractéristiques du TDA sur le plan du comportement Aucun test médical bien arrêté ne permet de diagnostiquer le TDA, ce qui signifie que ce trouble na pas de marqueur biologique connu. Les médecins fondent leur diagnostic sur les caractéristiques du comportement dans quatre secteurs : inattention, distractibilité, impulsivité et hyperactivité. Le TDA est également associé de près aux mauvais résultats scolaires, aux mauvaises relations avec la famille, les pairs et les enseignants et à une faible estime de soi(3). La déficience peut exister dans certaines de ces catégories seulement, et son degré nest pas défini. Le DSM-IV précise en outre que ces déficiences doivent apparaître dans plus dun cadre (école, foyer, etc.), persister plus de six mois, et que certaines au moins doivent apparaître avant lâge de 7 ans(4). Cependant, les répondants à lEnquête canadienne sur le HDA nont pas indiqué que ces critères additionnels étaient nécessaires. Parmi les indices dinattention et de distractibilité, mentionnons le manque dattention aux détails, les erreurs dues à la négligence, le fait de ne pas suivre attentivement ou complètement les instructions et le fait de perdre ou doublier le travail scolaire ou les jouets. Les indices de limpulsivité et de lhyperactivité sont notamment le fait de remuer sans cesse, de se tortiller, de courir partout lorsquil faut sasseoir, davoir de la difficulté à faire la queue et de laisser échapper des réponses prématurément. Il est clair que ce ne sont là que quelques exemples de comportements quon peut associer au TDA. Comme beaucoup de ces problèmes de comportement peuvent être attribués à dautres causes, il faut exclure celles-ci avant de diagnostiquer le TDA. En fait, si de nombreux critiques estiment que ce trouble est diagnostiqué trop fréquemment, dautres vont jusquà soutenir quil nexiste pas et que la déficience est due à dautres causes. Les nombreux autres troubles qui peuvent présenter les mêmes symptômes comprennent les troubles de sommeil, la concentration élevée de monoxyde de carbone dans le sang, le diabète, le saturnisme (intoxication par le plomb), les malformations cardiaques, les infections parasitaires, les infections chroniques à streptocoque, lexposition aux solvants, les troubles épileptiques, lanémie et le trouble de lalcoolisme ftal. Certains médecins ont noté que les enfants qui souffrent dautres troubles psychologiques (dépression, anxiété, traumatisme résultant dabus) faisaient rapidement lobjet dun diagnostic de TDA(5). Le traitement du TDA comprend le recours aux médicaments pour atténuer les comportements problématiques, la formation et léducation destinées aux parents et aux enseignants pour optimiser les attentes et lenvironnement en tenant compte du trouble, et la psychothérapie pour apprendre à lenfant à se maîtriser et à se surveiller. Idéalement, on combinerait ces méthodes, mais dans la réalité, les médicaments constituent souvent le seul traitement(6). La classe des stimulants est celle à laquelle on a le plus souvent recours pour traiter le TDA. Ces stimulants sont les amphétamines et les composés analogues, reconnus pour susciter la dépendance et dont on abuse fréquemment. Les stimulants, qui excitent ou accélèrent le système nerveux central, sont généralement utilisés pour accroître lattention et lendurance, maintenir léveil pendant de longues périodes, diminuer lappétit, et produire une sensation de bien-être et deuphorie(7). Les stimulants prescrits pour le traitement du TDA sont le méthylphénidate, le sulfate de dextroamphétamine et la permoline de magnésium. Le méthylphénidate, connu sous le nom de commerce Ritalin, est de loin le plus utilisé, puisque entre 80 et 90 p. 100 des enfants diagnostiqués se le font prescrire, alors que la dextroamphétamine et la permoline sont tout aussi efficaces(8). Ces stimulants agissent sur le cerveau en accroissant la concentration de catécholamines, un groupe de substances parmi lesquelles la dopamine est, de lavis de certains, celle dont les taux ne sont pas assez élevés chez les personnes atteintes de TDA. 2. Formation et éducation des parents et des enseignants Ce mode dintervention inclut notamment le tutorat privé, les approches nouvelles permettant aux parents et aux enseignants de composer avec les enfants souffrant de TDA, ainsi que la thérapie parentale, familiale et conjugale. De nombreux enfants réussissent à améliorer leur rendement scolaire lorsquon ajoute au temps passé en classe un tutorat privé qui présente moins doccasions de distraction et donne une meilleure possibilité dapprendre à se concentrer. Les parents et les enseignants peuvent également apprendre des stratégies de récompense et de discipline basées sur lusage dincitatifs. En outre, certains médecins et psychologues ont constaté que le counselling marital et parental et la thérapie familiale profitent aux enfants souffrant de TDA en favorisant un environnement plus constructif et enrichissant, susceptible daider à réduire les problèmes de comportement. Cette forme de thérapie aide dabord le patient à accepter le diagnostic, puis à saccepter lui-même. Le patient découvre ses modes de comportement destructeurs ou qui vont à lencontre du but recherché et peut apprendre de nouvelles façons de réagir à ses émotions et à mieux composer avec les activités quotidiennes. La sociothérapie, autre approche souvent utilisée, aide lenfant à apprendre des comportements sociaux appropriés, tels que partager un jouet, faire la queue, demander de laide, agir et parler de façon convenable. LE DIAGNOSTIC DE TDA ET LUTILISATION DU MÉTHYLPHÉNIDATE A. Augmentation de lutilisation du méthylphénidate Comme il a été mentionné plus haut, le méthylphénidate est le médicament de prédilection pour le traitement du TDA. Le Canada arrive en deuxième place, derrière les États-Unis, pour la consommation mondiale par habitant. Laugmentation globale de la consommation de méthylphénidate au Canada, qui a débuté vers 1993-1994, est essentiellement due au groupe dâge 5-14 ans(9). De fait, le Canada est dans le sillage des États-Unis, où lutilisation du méthylphénidate croît de façon constante depuis 1991(10)(11). Il sagit de lannée où le TDA a été inclus dans la Individuals with Disabilities Education Act (loi sur léducation des handicapés), ce qui a permis aux écoles de recevoir des fonds additionnels pour le traitement des cas de TDA. De surcroît, aux États-Unis, le TDA a changé de nom à plus dune vingtaine de reprises au cours du dernier siècle, et sa définition et ses critères diagnostiques ont connu plusieurs modifications depuis 20 ans. Le bilan de ces changements est que de plus en plus de personnes font lobjet dun diagnostic de TDA. Dans son rapport annuel de 1997, lOICS affirme que le fait de ne plus compter lhyperactivité comme élément essentiel du trouble décuplera le nombre denfants qui répondent à la définition du TDA(12). De nombreux critiques du TDA et de lutilisation du méthylphénidate soutiennent que la pression exercée par les parents et lécole pour que lon recoure à la pharmacothérapie dans les cas limites a également contribué à laugmentation. Selon eux, le médicament amène les enfants à faire ce que les parents et les enseignants ne veulent pas ou ne peuvent pas les amener à faire autrement : sasseoir, se taire, rester tranquilles, être attentifs(13), bref être obéissants. Tous ces facteurs ont entraîné, aux États-Unis, une augmentation forte et soudaine du nombre de diagnostics et, ainsi, de lusage du méthylphénidate au début des années 90. La publicité qui en est résulté a suscité une tendance analogue au Canada peu de temps après. Selon le Bureau des substances contrôlées de la Direction générale des environnements sains et de la sécurité du consommateur de Santé Canada, la consommation de méthylphénidate est passée dun niveau presque constant denviron 150 kg par an entre 1983-1993 à environ 800 kg en 1999 (le Canada ne produit pas de méthylphénidate, qui est surtout importé de Suisse et, dans une moindre mesure, des États-Unis, de Grande-Bretagne, dEspagne, dAllemagne et dIrlande). Le tableau montre la quantité de méthylphénidate utilisée au pays de 1983 à 1999(14). Bien que les diagnostics de TDA naient fait lobjet daucun dénombrement au Canada, la consommation de méthylphénidate en est un bon indicateur, puisque cette substance est prescrite avant tout dans de tels cas. Elle sert également à traiter la narcolepsie, mais cet usage ne représente quune très faible proportion de la consommation. LOICS a été créé en 1968 pour exercer un contrôle indépendant et quasi judiciaire de la mise en uvre des traités des Nations Unies sur le contrôle des stupéfiants. Il remplace les organes qui avaient contrôlé les conventions précédentes depuis lépoque de la Ligue des Nations. Bien que les Nations Unies le financent, il en est indépendant. Il a pour mandat dassurer un approvisionnement de drogues suffisant à des fins médicales et scientifiques, et de réduire au minimum les fuites des sources licites au commerce illicite. Il cherche également à cerner les faiblesses du contrôle national et international des drogues. Les responsabilités de lOICS, y compris la rédaction de son rapport annuel, découlent des conventions internationales sur le contrôle des stupéfiants. LOICS compte 13 membres : trois sont choisis dune liste présentée par lOMS et dix, de listes soumises par les pays. Depuis plusieurs années, les rapports annuels de lOICS expriment une certaine inquiétude au sujet de lutilisation croissante du méthylphénidate aux États-Unis et au Canada. Alors que lutilisation de ce médicament a très peu augmenté depuis 10 ans dans les autres pays, laugmentation au Canada et aux États-Unis est remarquable(15). De fait, linquiétude exprimée par lOICS en 1995 et 1996 relativement à laccroissement de la consommation aux États-Unis a incité les autorités américaines à vérifier si le nombre de diagnostics de TDA était trop élevé ou sil existait un trafic illicite important de méthylphénidate. Par la suite, la consommation de méthylphénidate a progressé moins rapidement, mais, dans son rapport de 1997, lOICS est toujours davis que le taux de consommation aux États-Unis demeure alarmant. Ce même rapport annuel fait également état de la confusion qui entoure la définition du TDA. Selon lOICS, la différence des définitions et des critères diagnostiques selon les pays explique « probablement » les écarts significatifs entre les taux de prévalence du TDA. Le même rapport affirme que lOMS ne pourra évaluer la prévalence du TDA et ses critères diagnostiques quen se basant sur un certain nombre détudes des diverses définitions diagnostiques du TDA et des taux de prévalence. LOICS demande donc aux gouvernements concernés dentreprendre ces études et de lui fournir leurs résultats ainsi quà lOMS. Il demande de nouveau à tous les gouvernements de faire preuve de vigilance afin de contenir la tendance à diagnostiquer le TDA et de réduire le recours aux stimulants comme le méthylphénidate chez les enfants. Dans ses rapports de 1998 et de 1999, lOICS se dit préoccupé de la consommation croissante de méthylphénidate, dont le Canada est toujours le deuxième consommateur en importance, après les États-Unis (rapport de 1999). LOICS reconnaît que la tendance des 10 dernières années au Canada et aux États-Unis se manifeste maintenant dans dautres régions du monde, y compris lAmérique latine et certains pays dAsie et dEurope(16). C. Surveillance et études au niveau national Le Bureau des substances contrôlées de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs de Santé Canada est chargé de surveiller les substances contrôlées au pays. Il dispose de données sur les niveaux et les tendances de la consommation de méthylphénidate. En décembre 1998, le Bureau canadien de coordination de lévaluation des technologies en santé a publié une étude nationale intitulée Examen des thérapies pour lhyperactivité avec trouble déficitaire de lattention. Cette étude a été motivée par lutilisation accrue du méthylphénidate à la fois chez les enfants et chez les adultes et par le danger dabus ou dutilisation illicite de ce médicament. Les conclusions donnent à penser que près de 20 p. 100 des personnes traitées pour le TDA (surtout des enfants) reçoivent du méthylphénidate alors que son usage ne serait pas indiqué. En août 1999, le Programme des produits thérapeutiques de Santé Canada a publié une Étude du diagnostic et du traitement au méthylphénidate de lhyperactivité avec déficit dattention parmi les médecins canadiens. Lobjectif de létude était détablir la façon dont les médecins canadiens diagnostiquent et traitent cette maladie, les conditions dans lesquelles ils prescrivent le méthylphénidate et la mesure dans laquelle ils subissent des pressions externes à cet égard. Les résultats sappuient sur un taux de réponse de 19,2 p. 100, soit 632 réponses sur un échantillon aléatoire de 3 320 médecins. Selon létude, les médecins estiment ne pas être suffisamment renseignés au sujet de lHDA, de son diagnostic ou de son traitement. Les répondants semblent croire que le diagnostic de lHDA et le recours au méthylphénidate posent problème et quil ny a pas suffisamment de médecins qualifiés dans ce domaine. Ils ont également indiqué que les parents et les enseignants exercent fréquemment des pressions pour que ce médicament soit prescrit. Ces résultats reflètent certaines conclusions dune conférence consensuelle de 1998 tenue par les U.S. National Institutes of Health qui conclut à un grave problème de santé à cause du manque duniformité dans le traitement, le diagnostic et le suivi des enfants atteints de TDA(17). Le trouble déficitaire de lattention, à peu près inconnu il y a à peine 10 ans, est devenu une maladie diagnostiquée chez près de 5 p. 100 des enfants canadiens aujourdhui. La consommation de méthylphénidate a augmenté de plus de 800 p. 100 durant cette période. Cette augmentation suit la tendance observée aux États-Unis, mais celle-ci ne se manifeste à peu près nulle part ailleurs dans le monde. Les chiffres sont suffisamment alarmants pour que lOrgane international de contrôle des stupéfiants ait demandé au Canada et aux États-Unis dexaminer la situation. Les deux pays ont maintenant produit des études qui témoignent dune certaine confusion dans les critères de définition et le diagnostic de la maladie. Cependant, ils continuent dutiliser la définition du DSM-IV du trouble déficitaire de lattention, qui diffère ce celle de lOrganisation mondiale de la santé (ICD-10), surtout en ce qui a trait à la composante dhyperactivité. (1) Santé Canada, Enquête sur le diagnostic et le traitement au méthylphénidate de lhyperactivité avec déficit de lattention (HDA) parmi les médecins canadiens, août 1999. (2) Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), Substances psychotropes Statistiques à la base de lévaluation des besoins médicaux et scientifiques pour les substances des annexes II, III et IV de 1998, Nations Unies. (3) Office canadien de coordination de lévaluation des technologies en santé, Examen des thérapies pour lhyperactivité avec déficit de lattention, décembre 1998. (4) National Institute of Mental Health, site Internet : www.nimh.nih.gov/publicat/adhd.cfm. (5) Kathy Koch, « Rethinking Ritalin », CQ Researcher, vol. 9, no 40, octobre 1999. (6) Office canadien de coordination de lévaluation des technologies en santé (1998). (7) Définition des stimulants sur le site Internet
de Santé Canada (8) Office canadien de coordination de lévaluation des technologies en santé (1998). (9) Ibid. (10) OICS (1998). (11) Koch (1999). (12) OICS, Rapport de lOrgane international de contrôle des stupéfiants pour 1997, Nations Unies. (13) Mary Eberstadt, « Why Ritalin Rules », Policy Review, no 94, avril 1999. (14) Communication personnelle, Bureau des substances contrôlées, Santé Canada, octobre 2000. (15) OICS (1998). (16) OICS, Rapport de lOrgane international de contrôle des stupéfiants pour 1999, Nations Unies. (17) Diagnosis and Treatment of Attention Deficit Hyperactivity Disorder, NIH Consensus Statement Online, 16-18 novembre 1998, 16(2):1-37. |