PRB 99-23F VIEILLIR EN SANTÉ :
AJOUTER DE LA VIE AUX ANNÉES
ET DES ANNÉES À LA VIE Rédaction
: TABLE
DES MATIÈRES DURÉE DE VIE ET ESPÉRANCE DE VIE ÊTRE EN FORME POUR VIVRE VIEUX VIEILLIR EN SANTÉ :
AJOUTER DE LA VIE AUX ANNÉES En 1999, 12,4 p. 100 de la population canadienne était âgée de 65 ans ou plus. En 2026, ce groupe dâge devrait constituer 21,4 p. 100 de la population. Dans lintervalle, la population âgée de plus de 90 ans devrait plus que tripler tandis que leffectif des Canadiens de moins de 44 ans devrait diminuer de plus dun million de personnes. Ces changements démographiques auront un impact profond sur la société : mentionnons la façon denvisager la retraite et les pressions qui seront exercées sur le réseau de la santé. Lampleur de cet impact dépendra de la santé de notre société vieillissante, elle-même influencée par nos connaissances scientifiques du vieillissement et des causes de la maladie, grâce auxquelles nous pourrions améliorer la santé des aînés. De nouveaux travaux sur la longévité des animaux de laboratoire ouvrent également la perspective de prolonger la vie, possibilité lourde de conséquences éthiques et pratiques. Ce document fait le point sur nos connaissances du vieillissement, en distinguant particulièrement le vieillissement normal et les maladies de la vieillesse. DURÉE DE VIE ET ESPÉRANCE DE VIELa durée de vie est la durée maximale de la vie dun organisme. Chez lhomme, la vie peut atteindre 120 ans environ, durée que lon considère, un peu arbitrairement, comme la durée de vie de lespèce. Lespérance de vie est la durée moyenne de la vie dune personne à partir des taux courants de mortalité. Présentement, lespérance de vie à la naissance est de 75,7 ans pour un Canadien et de 81,4 ans pour une Canadienne. La moyenne réelle des années vécues dans une population dépend des changements de mortalité qui se produisent au cours de la vie de cette population. Il est difficile dinterpréter les écarts dans lespérance de vie dun pays à lautre, car lenregistrement des données et le calcul diffèrent. Ainsi, il y a des différences concernant les critères de déclarabilité des naissances vivantes. Lespérance de vie se calcule pour la population à divers âges. Par exemple, lespérance de vie à 65 ans est de 16,2 ans pour les Canadiens et de 20 ans pour les Canadiennes. Si lon compare lespérance de vie à la naissance, on constate que, lorsquon atteint 65 ans, lâge moyen du décès est plus avancé (81,2 contre 75,7 pour les hommes, 85,0 contre 81,4 pour les femmes). Cela, parce que lespérance de vie à la naissance inclut la mortalité des enfants et des jeunes adultes, ce qui abaisse la moyenne. TENDANCES HISTORIQUES DE LESPÉRANCE DE VIELespérance de vie à la naissance a considérablement augmenté au Canada depuis 1900. Cette année-là, elle était de 47 ans pour le Canadien et de 50 ans pour la Canadienne. Depuis, elle a progressé de plus de 60 p. 100. Le taux daugmentation de lespérance de vie à la naissance a été plus rapide dans la première moitié du XXe siècle; il a ralenti depuis les années 1960. Laugmentation de lespérance de vie au début du XXe siècle résulte des découvertes médicales, comme les vaccins, et de la mise en place de mesures sanitaires comme la chloration de leau. De nombreuses maladies infectieuses, courantes à lépoque au Canada, sont aujourdhui à toutes fins utiles éliminées. Avec une plus faible mortalité attribuable aux maladies infectieuses chez les enfants, lespérance de vie a grandement augmenté, parce que la mort dun enfant abaisse considérablement lâge moyen des décès. Depuis 30 ans, les progrès de lespérance de vie sont largement attribuables à une réduction des accidents mortels, ainsi quà une diminution des maladies cardiovasculaires. Lespérance de vie chez les gens âgés a également augmenté, mais pas autant que lespérance de vie à la naissance. Aux États-Unis, lespérance de vie à 85 ans est passé de 4,6 ans en 1960 à 6,2 ans en 1975 et na pas changé depuis. Ainsi, alors quon a accru radicalement lespérance de vie à la naissance, en grande partie en luttant contre les maladies, la durée de vie a augmenté très modestement. Les progrès de la médecine vont certainement continuer à allonger lespérance de vie mais le peu daccroissement de la durée de vie maximale donne à penser quil y a une limite dâge chez lespèce humaine. On peut alors se demander pourquoi les gens vieillissent en labsence de maladies. Le processus du vieillissement en labsence de maladies est souvent qualifié de vieillissement normal. VIEILLISSEMENT NORMALDe nombreux mythes circulent au sujet des mécanismes du vieillissement normal. Plus nous en apprenons sur le vieillissement, plus il devient clair que bon nombre des connotations négatives du vieillissement nous viennent des maladies et des changements dans le style de vie, plutôt que des phénomènes inévitables de lâge. Beaucoup didées fausses viennent du fait que la recherche sur le vieillissement a surtout porté sur les malades âgés. Les résultats détudes longitudinales de personnes en santé, comme la Baltimore Longitudinal Study on Aging, commencent à brosser un tableau plus neutre des changements physiologiques associés au vieillissement normal. La fonction cardiovasculaire change avec lâge, mais pas autant quon limagine. Le durcissement des artères peut accroître la résistance à la circulation du sang et entraîner lhypertension et un certain épaississement des parois du cur. Cependant, le cur pompe plus efficacement. Par ailleurs, une raideur générale de la cavité pectorale peut entraîner une perte progressive de la fonction pulmonaire, accompagnée dune diminution du volume dair pouvant être expulsé de force avant une inhalation maximale. Les poumons perdent également une certaine capacité à éliminer les particules étrangères et linfection. Dans les faits, la capacité de fournir de loxygène à lorganisme ne diminue pas beaucoup avec lâge en soi, mais peut être facilement compromise par la maladie. Le débit sanguin rénal diminue de 10 p. 100 par tranche de 10 ans à partir de lâge de 20 ans, de sorte quune personne de 80 ans peut sattendre à avoir la moitié du débit sanguin rénal dun jeune adulte. Le nombre de structures de filtration, les glomérules, diminue de 30 à 40 p. 100 jusquà lâge de 80 ans, et leur efficacité diminue également. Malgré cela, en labsence de stress, les reins conservent leur capacité à maintenir léquilibre des liquides et des électrolytes. Une fois encore cependant, la fonction rénale est plus facilement compromise par la maladie, et la capacité des reins à fonctionner en présence dune charge accrue de certains sels diminue. Autre observation courante sur le vieillissement : les infections qui auraient été tolérables quelques années plus tôt peuvent se révéler mortelles dans la vieillesse. Des personnes âgées qui ne succombent à des maladies comme le cancer ou des maladies cardiovasculaires meurent souvent dune grippe ou dune pneumonie. Cela, parce que le système immunitaire nest plus capable de combattre une infection « courante ». Les globules blancs ou lymphocytes combattent les infections bactériennes et autres. Il y a deux types de lymphocytes : les cellules B et les cellules T. Les cellules T sont produites dans le thymus, qui rapetisse avec lâge. Par conséquent, la concentration de cellules T fonctionnelles diminue avec lâge. Certaines cellules T, les lymphocytes T auxiliaires, produisent des substances appelées lymphokines qui mobilisent à leur tour dautres éléments du système immunitaire. Linterleukine-2 est une des lymphokines dont la concentration diminue avec lâge. Des recherches en cours analysent leffet anti-vieillissement dun supplément dinterleukine-2. On sait depuis un certain temps que la concentration des hormones sexuelles, strogène et testostérone, baisse considérablement avec lâge. En outre, dautres hormones comme les hormones de croissance, la mélatonine et la déhydro-épiandrostérone peuvent également se raréfier avec lâge. Ces diminutions, et dautres, expliquent une bonne partie des effets dégénératifs de lâge. Ainsi, les femmes âgées sont davantage exposées à lostéoporose et au cancer du sein quand baisse leur concentration dstrogène. Lhormone de croissance est également liée à la résistance des os et à la masse musculaire : quand sa concentration diminue avec lâge, la fragilité augmente. On a constaté que des injections dhormones de croissance inversent certains symptômes du vieillissement, mais pourraient réduire la durée de vie totale. Les chercheurs étudient actuellement leffet de lhormone libérant les hormones de croissance, qui fait augmenter leur concentration et celle du facteur de croissance insulinoïde I (IGF-1), sécrétée en présence dune concentration plus forte dhormones de croissance. La mélatonine semble réguler certains changements saisonniers dans le corps et serait également en cause dans les problèmes de sommeil courants chez les aînés. Lhormone surrénale DHEA est un précurseur de la testostérone quon a proposé comme moyen de renforcer le système immunitaire des personnes âgées et de les protéger contre les maladies cardiovasculaires, la sclérose multiple et les cancers. Le DHEA, qui fait augmenter la concentration dinterleukine-2 (voir Système immunitaire plus haut) ¾ pourrait être nécessaire au fonctionnement et à la multiplication des cellules immunitaires. Des études récentes révèlent quil y a une certaine perte localisée de neurones attribuable à lâge, mais que de nombreux circuits neuraux sont en mesure de compenser, en accroissant le nombre des connections entre les cellules et en faisant pousser de nouvelles extensions aux cellules nerveuses, comme des dendrites. Par conséquent, de nombreuses fonctions cognitives comme lattention soutenue, la plupart des habiletés langagières et la mémoire sensorielle ne changent pas sensiblement avec lâge. Si de nombreuses fonctions du cerveau demeurent à peu près intactes, la perte de neurones dans la région du cerveau appelée noyau suprachiasmatique est en cause dans les perturbations du rythme circadien. Les personnes âgées ont tendance à se coucher plus tôt et à se lever plus tôt que les jeunes. Avec lâge, on constate fréquemment une réduction de la capacité de faire le foyer de près et sur des cibles mouvantes, une sensibilité accrue à léblouissement et une difficulté à voir lorsque la lumière est faible. Les sons à haute fréquence sont plus difficiles à entendre avec lâge. ÊTRE EN FORME POUR VIVRE VIEUXVieillir est un lent naufrage : cette image de style nest pas nécessairement avérée. Quand il réussit à éviter des maladies comme lartériosclérose et dautres affections cardiovasculaires, lorganisme continue de fonctionner relativement normalement en vieillissant. On peut donc éviter de nombreux problèmes de santé couramment associés au vieillissement par le contrôle des maladies. Il est également de plus en plus évident que le mode de vie et le régime alimentaire jouent des rôles marquants par rapport à lapparition des problèmes de santé. Quand nous vieillissons, nous avons tendance à devenir plus sédentaires et à manger moins bien. Cela peut avoir un effet déterminant mais réversible sur la santé; un retour à lactivité physique et à une alimentation saine peut améliorer la santé. La perte musculaire, la résistance des os, la glycémie, et la capacité cardiovasculaire sont des troubles courants généralement associés à la vieillesse. Ils nont pas nécessairement de liens avec le vieillissement biologique et on peut atténuer ces manifestations en demeurant actif et en conservant de bonnes habitudes alimentaires. Les adultes sédentaires qui entreprennent un programme dexercice physique peuvent connaître des améliorations remarquables, notamment dans la capacité de ventiler les poumons et dans le fonctionnement des vaisseaux sanguins. En outre, lhyperglycémie, fréquente chez les personnes âgées, résulte souvent dune mauvaise alimentation et dun manque dexercice. Les programmes dexercices destinés aux aînés intolérants au glucose améliorent considérablement le métabolisme des sucres et diminuent la concentration dinsuline dans le sang. Lostéoporose a des liens avec le tabagisme, un apport insuffisant en calcium et le manque dexercice. Lexercice peut également remettre à lheure lhorloge circadienne, située dans le cerveau, qui impose à lorganisme le besoin de sommeil. Outre les avantages de lexercice physique, il semble que le fait de garder le cerveau actif peut atténuer certaines formes de dépérissement mental. Cette idée est confortée par des études qui révèlent que des rats gardés dans un environnement stimulant présentaient un cortex cérébral plus gros, des neurones plus grosses et davantage de connections interneuroniques que des rats élevés en milieu non stimulant. Notre connaissance en pathologie et sur leffet des modes de vie a grandement amélioré notre capacité à atténuer certains troubles physiologiques courants de la vieillesse. Les progrès de la médecine contre la maladie et le changement des modes de vie ont donc amélioré lespérance de vie et la qualité de vie dans la vieillesse, et continueront de le faire. Cependant, la durée de vie a été très peu touchée par ces progrès. De meilleures connaissances des mécanismes biochimiques et moléculaires fondamentaux qui président au vieillissement normal pourraient également accroître lespérance de vie, et peut-être la durée de vie. RECHERCHE MOLÉCULAIRE ET BIOCHIMIQUE SUR LE VIEILLISSEMENTPendant toute sa vie, un organisme fait face à lassaut constant de facteurs environnementaux comme le rayonnement et les produits chimiques, qui peuvent réagir avec des processus biologiques et des molécules importants et les endommager. En outre, plus les cellules dupliquent leur matériel génétique, plus les erreurs de transcription sont probables. Ainsi, avec le temps, la structure fondamentale des cellules peut être altérée et leur activité, compromise. La capacité de réparer les dégâts structurels et métaboliques est essentielle si lon veut réduire de nombreux effets du vieillissement. On sait également que lactivité de divers gènes change avec lâge. Signalons notamment les gènes qui participent à la division cellulaire, et qui sont régulés à la baisse avec lâge. Le taux de vieillissement apparent est également influencé par certains gènes. Des maladies comme le syndrome de Werner et la progérie sont liées à un gène particulier et causent des changements génétiques et physiologiques qui entraînent le vieillissement prématuré. Le syndrome de Werner cause généralement la mort avant lâge de 50 ans, la progérie vers lâge de 15 ans. En plus dêtre une accumulation daltérations, le vieillissement semble résulter dun processus programmé. Cela renvoie ici à la sénescence, état où parviennent les cellules après un nombre prédéterminé de divisions. Enfin, les régimes réduits en calories entraîneraient lallongement de la durée de vie et feraient interagir de nombreux aspects du vieillissement. 1. Altération des radicaux libresLes radicaux libres sont le sous-produit normal du métabolisme des graisses, des protéines et des glucides qui se transforment en énergie; dans la plupart des cas, les cellules les éliminent par leur propre mécanisme de défense. Les radicaux libres sont des atomes, molécules ou composés qui contiennent un électron non apparié. Ces corps chimiques instables réagissent très facilement et fixent un électron étranger pour se stabiliser. Le donneur délectron peut être nimporte quel composé, qui est à son tour déstabilisé et cherche un électron. Cela déclenche une réaction en chaîne qui entraîne la formation de composés nocifs, en particulier une classe de composés appelée corps à oxygène réactif, capable dendommager les protéines, les membranes et lADN. Certains gérontologues(1) ont utilisé le diabète comme modèle du vieillissement après avoir observé que les diabétiques manifestent certains signes de vieillissement prématuré. Chez eux, la réticulation du glucose est plus rapide que chez les personnes normales. Le pontage glucosique se produit lorsque le glucose et des protéines se combinent pour produire des glycoprotéines, par glycosylation. Ces glycoprotéines se regroupent ensuite par pontage pour former des produits finaux de glycosylation poussée (AGE pour advanced glycosylation end products). Les AGE semblent durcir les tissus et pourraient participer à laltération liée au vieillissement, comme le durcissement du tissu conjonctif et des artères, les cataractes, la perte de fonction nerveuse et la réduction de lefficacité des reins. Tous ces changements, courants à la vieillesse, se manifestent prématurément chez les diabétiques. Laltération de lADN peut résulter des rayonnements, notamment ultraviolet, de laction des produits chimiques ou derreurs de réplication. Les erreurs de réplication dans les secteurs particulièrement sensibles du génome des levures, par exemple, donne lieu à lapparition de petits cercles dADN. Leur accumulation est directement liée à lâge des cellules. Les cellules filles qui héritent de certains de ces cercles vivent moins longtemps. Le rayonnement et les produits chimiques peuvent causer des mutations, linscription dune mauvaise lettre dans la chaîne alphabétique dADN du génome. Ces mutations ponctuelles saccumulent chez les cellules âgées. On pose lhypothèse que laccumulation des altérations génétiques donne lieu à des protéines, des cellules et, à terme, des tissus et des organes qui fonctionnent mal. Ces altérations accumulées pourraient expliquer la fréquence des cancers et la diminution de la fonction immunitaire chez les personnes âgées. LADN nest pas confiné au noyau des cellules. Une infime proportion de notre matériel génétique se trouve dans les mitochondries. Ces organelles intracellulaires sont les piles dénergie de la cellule. La mitochondrie contient lADN de quelques dizaines de gènes seulement, alors que lADN nucléaire en encode des dizaines de milliers. Cependant, le taux de mutation est beaucoup plus élevé dans la mitochondrie à cause de labondance des radicaux libres, sous la forme despèces à oxygène réactif. Même si lon relève un taux de mutations plus élevé dans lADN mitochondrial, les mutations spécifiques qui se produisent ne sont peut-être pas entièrement aléatoires. Des études récentes donnent à penser que des mutations spécifiques sont fonction de lâge. On a également soutenu que les mitochondries pourraient détenir le « gène de la longévité » : des études révèlent quune grande proportion des centenaires possèdent un gène mitochondrial spécifique. B. Réduire les dégâtsSans contrôle, les altérations qui se produisent avec le temps débouchent sur de graves problèmes dans le fonctionnement des cellules et des organes. Les organismes sains disposent de mécanismes qui préviennent les altérations et les corrigent. Dans une certaine mesure, le vieillissement nest pas tant un phénomène de production daltérations mais plutôt dincapacité croissante à corriger les altérations qui se sont produites. 1. Neutralisation des radicaux libres Trois enzymes de la cellule ont pour rôle de « désarmer » ces composés nocifs : la superoxyde dismutase (SOD), la glutathione peroxydase et la catalase. Récemment, on a démontré que lactivité des enzymes antioxydantes fait défaut dans certaines maladies entraînant un vieillissement prématuré. À linverse, des études expérimentales sur les invertébrés révèlent que laugmentation de lactivité de ces enzymes peut prolonger la vie. Les éléments nutritifs antioxydants, vitamines C et E, bêtacarotène, sont capables de neutraliser les radicaux libres. Cependant, ces défenses ne sont généralement pas en mesure dempêcher toutes les altérations que peuvent causer les radicaux libres; peu à peu, celles-ci saccumulent et produisent des détériorations des tissus et des organes qui sont liées au vieillissement. Les diabétiques manifestent certains signes de vieillissement prématuré. La production accrue de radicaux libres issus du métabolisme du glucose est une des explications possibles de ce phénomène. Les radicaux libres ont été mis en cause dans des désordres liés à lâge comme le cancer, lathérosclérose, les cataractes et la neurodégénérescence. Des travaux récents donnent à penser que laccumulation des lésions causées aux cellules nerveuses par les radicaux libres provoquent provoque une réaction hormonale qui enclenche la détérioration et le vieillissement. Des travaux laissent croire quun relèvement considérable de la concentration dantioxydants peut contribuer à ralentir le vieillissement. 2. Protéines de choc thermique Les scientifiques ont découvert que plus une cellule approche de la sénescence, moins elle produit de protéines dune classe appelée protéines de choc thermique (PCT). Découvertes à lorigine dans les cellules soumises à des températures plus élevées que la normale, elles sont produites normalement dans les cellules mais leur concentration augmente en fonction de facteurs de stress comme la chaleur, le froid, le traumatisme et les toxines, sous laction des mécanismes de défense de la cellule. La capacité de produire ces pointes de PCT en réaction au stress se perd avec lâge. Cette observation pourrait expliquer en partie pourquoi les jeunes répondent mieux au stress que les personnes âgées. Même si le rôle exact des PCT dans le vieillissement est mal connu, les scientifiques savent quelles jouent un rôle dans le fractionnement et lélimination des protéines endommagées, tout en aidant à la production et au transport de nouvelles protéines cellulaires. Ces « chaperons » sont des PCT qui fixent et stabilisent les protéines au stade intermédiaire du repliement des chaînes, de lassemblage, de la translocation et de la dégradation. Les PCT ont été liés à la maladie à cause de leur rôle dans le système immunitaire, notamment la présentation des antigènes au système immunitaire pour la production danticorps. Ils sont également capables dinitier des maladies auto-immunes et de les propager. En outre, ces protéines semblent jouer un rôle dans limmunité naturelle. Dautres travaux récents donnent à penser que les PCT pourraient participer à la protection contre le cancer et les défaillances cardiaques. 3. Protection et réparation de lADN La durée de vie dun organisme savère liée à sa capacité de prévenir et de réparer certaines altérations à lADN. De nombreux mécanismes sont conçus pour repérer les erreurs, retirer les segments fautifs et reconstituer lADN à partir du brin complémentaire. Un autre aspect des altérations de lADN fait intervenir la DNA hélicase. Cette enzyme est chargée de « déspiraler » la double hélice dADN durant la réplication. Lhélicase défectueuse serait en cause dans certaines maladies héréditaires entraînant un vieillissement prématuré. Cette recherche en est à ses débuts et na pas encore détecté le même mécanisme dans le vieillissement normal des individus. Bon nombre des erreurs de la réplication de lADN se retrouvent dans des zones du génome qui sont souvent lues, ou qui présentent des séquences hautement répétitives, comme les sections qui encodent les ribosomes, responsables de lassemblage des protéines. Les protéines « régulatrices de silence » (SIR) réduisent la fréquence dexpression de certaines parties du génome et, chez la levure, interviennent dans lallongement de la vie. 4. Réduction de la glycosylation Lorganisme dispose de ses propres défenses contre la formation de produits finals de glycosylation (AGE) comme il en dispose contre laltération de lADN et la formation de radicaux libres. Les macrophages, cellules immunitaires capables davaler et de détruire des corps étrangers, peuvent se lier aux AGE. Par la suite, ils absorbent le complexe, le fractionnent et en éjectent les restes dans le sang afin quils soient excrétés par les reins. Ils ne peuvent pas empêcher totalement laccumulation dAGE, qui se fait avec lâge. La recherche actuelle cherche une façon dempêcher la formation dAGE, notamment grâce à laminoguanidine, et de détruire les AGE qui existent. Laminoguanidine stimule la fonction cardiovasculaire et reinale chez les animaux de laboratoire. Un autre agent pharmaceutique, lALT 711, fait lobjet détudes pour sa capacité de fractionner les AGE existants et pour inverser des signes du vieillissement comme la réduction de lélasticité des poumons. Moins la cellule peut empêcher les lésions ou les réparer, plus celles-ci saccumulent. À la fin, les cellules et les organes peuvent cesser de fonctionner correctement, réduisant du même coup le maintien de lhoméostasie et la résistance à la maladie. C. Télomères et sénescence programmésLes cellules humaines, comme celles de nombreux autres organismes, ont une vie de durée finie. Jusquà récemment, on croyait que les cellules immortelles étaient cancéreuses. Après un certain nombre de divisions, les cellules normales passent à un état de sénescence. Dans cet état, elles ne se divisent plus et il ny a plus de synthèse dADN. Les scientifiques ont trouvé des liens entre la sénescence cellulaire et la durée de vie de lhomme. La recherche sur la sénescence a permis de découvrir un obstacle physique qui résulte dun nombre fini de divisions cellulaires. Chaque chromosome présente une longue queue non codante appelée télomère, qui protège les extrémités instables de lADN codant. Chaque fois que le brin dADN est copié, cest-à-dire que la cellule se divise, le télomère raccourcit. Une fois le télomère perdu, la cellule nest plus capable de se diviser parce que les nouvelles divisions produiraient des chromosomes auxquels il manque une partie de linformation. Les cellules humaines cultivées en laboratoire résistent notoirement à lexpérimentation parce quelles meurent après un certain nombre de divisions. Cependant, les cellules humaines auxquelles ont a ajouté génétiquement de la télomérase ne meurent pas, car cette enzyme maintient la longueur du télomère. La télomérase se trouve également dans certaines cellules cancéreuses, ce qui a donné lieu à beaucoup de recherches sur la possibilité de limiter la croissance cancéreuse en interférant avec lactivité de cette enzyme. Cependant, il est douteux que les télomères constituent une panacée contre le cancer. La cellule humaine immortelle, transformée par la télomérase sest révélée non cancéreuse et certaines cellules de souris sans télomérase active ont quand même développé des cancers, de sorte que dautres facteurs sont en cause dans limmortalité des cellules cancéreuses. La relation exacte entre la sénescence cellulaire et le vieillissement est mal connue et constitue un domaine de recherches intenses. Les scientifiques ont observé que les cellules danimaux clonés peuvent avoir des télomères aussi longs que ceux du parent. Les télomères des chromosomes de Dolly, premier mammifère cloné, étaient courts par rapport à lâge de ses chromosomes, ce qui donne à penser que les animaux clonés vieilliraient prématurément. Les clones sont produits à partir de cellules danimaux adultes; par conséquent, les animaux clonés commencent leur vie avec des télomères considérablement plus courts que ceux dun embryon classique. Récemment, une procédure de clonage a permis dallonger les télomères chez les clones. Il est encore trop tôt pour savoir si la durée de vie de ces clones en sera modifiée. D. Longévité accrue par restriction calorique La restriction calorique (RC), à distinguer de la malnutrition, fait lobjet de beaucoup de recherches actuellement. Autant chez des unicellulaires comme la levure que chez des mammifères comme les rongeurs, la RC a toujours provoqué lallongement de lespérance de vie. Le mécanisme en cause est assez complexe. Il semble que la RC peut agir sur le taux de réparation de lADN, la concentration des radicaux libres, léquilibre hormonal et la sénescence des cellules, et peut être sur dautres mécanismes. Un autre phénomène associé à la RC est le fait que les maladies et les tumeurs napparaissent plus ou se développent plus lentement chez les rongeurs de laboratoire. La recherche sur la RC pourrait nous renseigner davantage sur les mécanismes responsables des maladies liées à lâge. Une des façons par lesquelles la restriction calorique pourrait ralentir le vieillissement cest en réduisant laccumulation des radicaux libres. Cela, parce que les radicaux libres sont des sous-produits du métabolisme, dont le taux est réduit lorsquil y a moins dapport calorique. Cela entraîne par conséquent moins de lésions aux protéines et aux tissus causées par ces composés, et moins daltérations à lADN. On fait également un lien entre la RC et la stabilité génétique de la levure, organisme à partir duquel on a beaucoup appris sur les mécanismes fondamentaux du vieillissement. La RC réduit la concentration des radicaux libres, molécules qui peuvent endommager la machinerie productrice dénergie de la cellule. Les cellules dont la machinerie est intacte ont des protéines SIR plus actives qui ralentissent le vieillissement par des changements dans lexpression des gènes. Un troisième modèle proposé de réduction des altérations de lADN se fonde sur lobservation que la RC abaisse la température basale du corps. Cela pourrait entraîner moins daltérations de lADN et un meilleur mécanisme de réparation de cette molécule que ce qui a lieu à la température normale du corps. Certaines maladies liées à lâge comme le cancer et les maladies cardiovasculaires ont été liées aux radicaux libres et aux altérations de lADN, ce qui peut contribuer à rendre compte de leffet observé de la RC sur la progression de la maladie. La RC pourrait avoir des effets anticarcinogènes par le fait quelle inhibe la production dIGF-1, dont la concentration influe sur la croissance des tumeurs. En outre, la RC semble modérer quelque peu la diminution de lhormone de croissance. Cela peut avoir leffet de retarder la fragilité qui se manifeste à la vieillesse. Les chercheurs ont noté que la RC semble agir sur le système immunitaire en retardant le déclin observé normalement lors du vieillissement. Le moyen par lequel la RC y parvient nest pas encore connu mais pourrait être lié à une réduction de laccumulation des lésions. Les altérations causées par les radicaux libres entraînent des pertes fonctionnelles chez certaines protéines, et peut-être chez celles qui sont responsables de la réaction immunitaire. Enfin, la RC saccompagne dune consommation réduite de glucose et il peut être raisonnable de penser quelle fait diminuer la formation dAGE. Cela pourrait donc retarder la progression de la maladie et dautres changements liés au vieillissement normal. Il est difficile deffectuer des recherches chez lhumain dans ce domaine. Les scientifiques utilisent plutôt les effets de la RC sur les primates. Même là, les études prennent plusieurs dizaines dannées et sont loin dêtre complètes. Les premières observations sur les singes donnent à penser que la RC retarde le vieillissement des primates. La recherche sur la restriction calorique ne va pas dans le sens dune restriction radicale de lapport calorique chez lhomme afin de prolonger la vie. Ce quon espère trouver, cest la clarification des mécanismes en cause, afin daméliorer la santé durant les dernières années de vie. Lespérance de vie sest accrue de plus de 50 p. 100 depuis 100 ans, et la santé des personnes âgées sest également améliorée à la suite du traitement et de la prévention des maladies. Dautres améliorations au chapitre de lespérance de vie et de la santé découleront certainement de la recherche qui porte sur les mécanismes fondamentaux du vieillissement en labsence de maladie. Il est également possible que cette recherche permette dallonger la durée de la vie de lhomme. Cet allongement soulèverait de nombreux problèmes pratiques et éthiques. Toutefois, la perspective dune vie humaine beaucoup plus longue nest pas pour bientôt. Dans lintervalle, nous devons considérer sérieusement les implications socioéconomiques dune population plus âgée et davantage en santé. RÉFÉRENCES CHOISIESComité consultatif fédéral, provincial et territorial sur la santé de la population (Canada), Pour un avenir en santé, Deuxième rapport sur la santé de la population canadienne, 1999. National Institute on Aging (NIA), In Search of The Secrets of Aging, NIA internet site at: www.nih.gov/nia/health/pubs/secrets-of-aging/ The Quest to Beat Aging, Scientific American special edition, juin 2000. Rose, Michael R. Can Human Aging Be Postponed? Scientific American, décembre 1999, p. 106-111 (1) Scientifique qui étudie le vieillissement. |