PRB 00-24F PROJET DE LOI S-15 :
LOI SUR LA PROTECTION DES JEUNES CONTRE LE TABAC Rédaction : Mollie
Dunsmuir TABLE
DES MATIÈRES A. Projet de loi C-71 : Loi sur le tabac B. Projet de loi S-13 : Loi sur la responsabilité de lindustrie du tabac C. Projet de loi C-42 : Loi modifiant la Loi sur le tabac (C-71) PROJETS DE LOI S-20 ET S-15 : LOI SUR LA PROTECTION DES JEUNES CONTRE LE TABAC Annexe 1 : Chronologie Annexe 2 : 24e rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le 15 avril 1997 [Projet de loi C-71 : Loi sur le tabac] Annexe 3 : Décision du Président sur le projet de loi S-13, Sénat, le 2 avril 1998 Annexe 4 : Décision du Président sur le projet de loi S-13, Chambre des communes, le 2 décembre 1998 PROJET DE LOI
S-15 : A. Projet de loi C-71 : Loi sur le tabac La Loi réglementant les produits du tabac (LRPT), qui a reçu la sanction royale en juin 1988, a constitué la première réponse législative globale aux préoccupations croissantes en matière de santé suscitées par lutilisation des produits du tabac. La mesure autorisait :
En septembre 1995, la Cour suprême du Canada statuait que le Parlement pouvait légiférer relativement à la publicité et à la promotion des produits du tabac en vertu du pouvoir conféré par le droit criminel, lequel comprend les questions de santé publique. Toutefois, elle décrétait également que les restrictions sur la publicité et la promotion contenues dans la LRPT violaient la liberté dexpression des sociétés touchées et étaient donc invalides. En décembre 1995, le ministre de la Santé publiait La Lutte contre le tabagisme : un plan directeur pour protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens, un document sur les plans du gouvernement relatifs à une nouvelle loi. Cest en décembre 1996 que le ministre de la Santé a présenté le projet de loi C-71 : Loi réglementant la fabrication, la vente, létiquetage et la promotion des produits du tabac. Connue sous le titre abrégé Loi sur le tabac, la mesure donnait le pouvoir de réglementer :
Le débat entourant lincidence des restrictions proposées dans le projet de loi C-71 sur la commandite pour les organisations artistiques, culturelles et sportives a été particulièrement intense. Il en est résulté un amendement prévoyant une période de transition dun an avant lentrée en vigueur des principales dispositions sur la commandite, afin que les organisations touchées puissent trouver dautres sources de financement. Lamendement a donc retardé jusquau 1er octobre 1998 limposition des restrictions sur la commandite. Au Sénat, le projet de loi C-71 a été renvoyé au Comité sénatorial permanent sur les affaires juridiques et constitutionnelles. Le rapport du Comité, présenté le 15 avril 1997(1), contenait plusieurs recommandations. Faisant remarquer quune mesure comme le projet de loi C-71 « nest quune étape dans lélaboration dune stratégie intégrée visant à dissuader les jeunes de commencer à fumer », le Comité a recommandé létablissement de programmes ciblant les jeunes, conçus par des jeunes et mettant laccent sur lentraide entre les jeunes. Il a également proposé que le gouvernement mette à contribution dautres ressources de la collectivité, y compris lindustrie du tabac elle-même, pour leur faire élaborer et financer des programmes à lintention des jeunes. Enfin, il a recommandé le financement provisoire des groupes artistiques, culturels et sportifs qui dépendent de la commandite des sociétés de tabac, et la réalisation détudes indépendantes concernant des questions comme limpact de la publicité et de la promotion sur la préférence à légard des différentes marques et sur les nouveaux marchés. Durant le débat en troisième lecture, divers amendements ont été proposés pour renforcer le projet de loi C-71. Le sénateur Colin Kenny en a suggéré un qui aurait permis détablir le Fonds de responsabilité sociale des fabricants du tabac « pour aider lindustrie canadienne du tabac à témoigner de sa préoccupation pour la santé et le bien-être des Canadiens, et des jeunes en particulier ». Voici comment le sénateur Kenny justifiait lamendement :
B. Projet de loi S-13 : Loi sur la responsabilité de lindustrie du tabac Le concept présenté dans lamendement du sénateur Kenny a donné naissance au projet de loi S-13, déposé au Sénat le 26 février 1998. Il y avait au départ trois objectifs :
La mesure bénéficiait dun soutien bipartite, ayant été appuyée par le sénateur Nolin. La création dune fondation indépendante non gouvernementale sappuyait sur limpression que lindustrie voulait aider à arrêter lusage du tabac par les jeunes de moins de 18 ans mais ne jouissait pas, dans la communauté, de la crédibilité nécessaire pour être efficace. Le prélèvement de 50 cents la cartouche se fondait sur lidée dun prélèvement par lindustrie, aux fins de lindustrie, et aurait produit au moins 120 millions de dollars par année pour la fondation. Les deux fonds transitoires un pour les communautés artistique, culturelle et sportive et lautre pour les producteurs de tabac auraient reçu la moitié des recettes tirées des prélèvements au cours de la première année, mais la somme initiale aurait été réduite de 20 p. 100 pour chacune des quatre années suivantes. À la sixième année, tous les fonds perçus auraient servi exclusivement à combattre le tabagisme chez les jeunes, cest-à-dire les moins de 18 ans. Larticle 3 du projet de loi en établit lobjet : « donner à lindustrie canadienne du tabac les moyens de réaliser lobjectif quelle simpose publiquement de réduire lusage du tabac chez les jeunes au Canada ». La mesure ne prévoyait pas de participation ministérielle permanente, sauf pour ce qui est du droit du ministre de la Santé de nommer des membres au sein de la Fondation canadienne de responsabilité sociale de lindustrie du tabac et détablir un cadre réglementaire pour le versement du prélèvement. Cette approche plutôt novatrice était cruciale pour la constitutionnalité de la mesure. Si cette dernière avait proposé que le gouvernement perçoive et administre directement les fonds, plutôt que de créer un prélèvement par lindustrie (lequel, dans ce cas-ci, serait remis à une fondation indépendante), elle aurait ressemblé à une mesure fiscale. Larticle 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 dispose que tout projet de loi ayant pour but « la création de taxes [ ] devra originer dans la Chambre des Communes », ce qui rend inconstitutionnel le fait quun projet de loi fiscale émane du Sénat. Le reste de larticle 3 établit la raison pour laquelle la disposition sert les intérêts tant de la société en général que de lindustrie du tabac en particulier :
Le Sommaire du projet de loi note que le texte de celui-ci « complète la Loi sur le tabac » et le paragraphe 3(2) met cet aspect en lumière :
Le fait de mentionner une coordination nationale, un « effort national » donne à penser que le législateur voudrait que le Parlement puisse adopter le projet de loi pour des motifs d« intérêt national » en vertu de ses pouvoirs, au titre de larticle 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, de faire des lois pour « la paix, lordre et le bon gouvernement ». La Cour suprême du Canada a précisé sans équivoque que le Parlement a compétence en matière dusage du tabac, du moins par lentremise du droit criminel, qui comporte un volet de santé publique. Cependant, il est moins certain que les législateurs fédéraux puissent également invoquer laspect plus vaste d« intérêt national » ou de « dimension nationale » du pouvoir de faire des lois pour la paix, lordre et le bon gouvernement, en faisant valoir que la consommation du tabac représente un grave problème national qui ne peut se régler quau niveau national. Les partisans dune réglementation accrue de lusage du tabac aimeraient voir confirmer lapplicabilité à cette question du pouvoir de faire des lois pour la paix, lordre et le bon gouvernement, et ils ont probablement cru que les tribunaux verraient cet argument dun meilleur il si lobjectif législatif se restreignait à la prévention du tabagisme chez les jeunes. La partie I du projet de loi S-13 aurait permis de constituer en une entité indépendante la Fondation canadienne de responsabilité sociale de lindustrie du tabac, dont lobjectif global aurait été de protéger les jeunes du tabagisme et des risques connexes pour la santé. Parmi les objectifs plus précis, mentionnons : établir une stratégie pluriannuelle afin de combattre lusage du tabac par les jeunes; surveiller lusage du tabac au Canada; commanditer des recherches sur lusage des produits du tabac et sur les moyens de décourager les jeunes de les utiliser. La Fondation devait aussi concevoir et distribuer des outils denseignement et de communication pour empêcher lusage du tabac par les jeunes, ainsi que parrainer des activités de groupes, notamment entre jeunes, dans cette même optique. Le principal objectif était de recevoir et dutiliser les fonds obtenus grâce au prélèvement imposé par la mesure législative, la Fondation pouvant également recevoir des fonds dautres sources. Pour utiliser les fonds, la Fondation devait subventionner des groupes, organismes et personnes du secteur de la santé ou des activités susceptibles de prévenir lusage du tabac chez les jeunes. La partie II aurait institué, pour les objets de lindustrie, un prélèvement de 0,0025 $ par cigarette, 0,0025 $ par bâtonnet de tabac, 0,0250 $ par cigare et 0,0025 $ par gramme de tabac, payable au moment de vendre ou de céder le produit ou den disposer autrement. Parce que le prélèvement ne pouvait être imposé quune seule fois à légard de chaque produit, ce sont les fabricants qui auraient en grande partie été responsables de le percevoir. La partie III du projet de loi initial aurait exigé que la Fondation crée, pour une période de transition de cinq ans où un manque à gagner pouvait être établi, des filiales pour le financement :
Durant son premier exercice, la Fondation aurait cédé 40 p. 100 des prélèvements à la filiale soccupant des groupes artistiques, culturels et sportifs, et 10 p. 100 à la filiale soccupant des producteurs de tabac. Au cours de chacune des cinq années suivantes, ces deux montants auraient diminué de 20 p. 100 comparativement au montant initial. Ainsi, la cinquième année, le fonds pour les arts, la culture et les sports aurait représenté 8 p. 100 du prélèvement total, et le fonds des producteurs de tabac, 2 p. 100. Au début de la deuxième lecture, le 17 mars 1998, il y a eu rappel au Règlement pour déterminer si le projet de loi portait création « de taxes ou dimpôts » ou avait pour but laffectation de recettes publiques, auxquels cas il ne pouvait émaner que de la Chambre des communes, conformément à larticle 53 de la Loi constitutionnelle de 1867. De plus, le 25 mars, le sénateur Kinsella a demandé si le projet de loi S-13 nétait pas un projet de loi privé plutôt que public. Le 2 avril 1998, le Président a décrété que le projet de loi S-13 était une mesure dintérêt public instituant un prélèvement plutôt quune taxe et quil pouvait donc être examiné par le Sénat. Il a fait remarquer que les choses doivent être considérées comme conformes ou régulières jusquà preuve du contraire. Pour déterminer si le projet de loi S-13 était en fait dintérêt privé, le Président a noté que la mesure viserait les affaires publiques puisquelle avait pour but de réduire lusage du tabac chez les jeunes. De plus, le vaste domaine auquel elle sapplique et le fait quelle met en cause des intérêts multiples porte à croire quil sagit dun projet de loi dintérêt public. Quant à savoir si le plan de prélèvement établi par le projet de loi constituait une taxe, le Président a dabord signalé une règle disposant quil ne peut se prononcer sur une question juridique. Il peut cependant, par rappel au Règlement, déterminer si le projet de loi est bien ce quil prétend être. Dans ce cas-ci, le projet de loi S-13 a parlé dun prélèvement visant à réaliser les objets de lindustrie plutôt que dune taxe, même si les objets de lindustrie comportaient également un avantage public. Par ailleurs, les fonds recueillis nauraient en aucune façon fait partie des recettes du gouvernement ni ne se seraient ajoutés au Trésor. Le projet de loi S-13 a donc été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et a fait lobjet dun rapport présenté le 14 mai 1998. C. Projet de loi C-42 : Loi modifiant la Loi sur le tabac (C-71) Le 3 juin 1998, le projet de loi C-42 : Loi modifiant la Loi sur le tabac, était présenté à la Chambre des communes. Cette mesure législative, qui ne comportait que cinq articles, avait pour but de prolonger la période de transition prévue pour lintroduction des restrictions sur les commandites du tabac. Dans sa forme définitive, le projet de loi C-71 prévoyait une période de transition dune année suivant la promulgation de la Loi avant que nentrent en vigueur les principales dispositions sur les commandites. Ainsi, les organismes touchés auraient eu jusquau 1er octobre 1998 pour trouver dautres sources de financement. Le projet de loi C-42 proposait que les commandites en existence le 25 avril 1997, date dentrée en vigueur de la plupart des dispositions de la Loi sur le tabac, ne soient assujetties à aucune restriction pour encore deux ans, soit jusquau 1er octobre 2000. La commandite sur les lieux dune activité pouvait se poursuivre pendant encore trois ans moyennant certaines restrictions imposées au matériel de promotion. Après cette période de cinq ans, soit le 1er octobre 2003, la promotion des commandites du tabac aurait été complètement interdite. À cause du projet de loi C-42, le projet de loi S-13 a été amendé à la troisième lecture au Sénat de façon à éliminer les dispositions relatives à la transition. Puisque le gouvernement avait décidé de retarder jusquà un maximum de cinq ans linterdiction des commandites, il nétait plus nécessaire de fournir un appui de transition aux groupes artistiques, culturels et sportifs pour compenser la perte de commandites(2). Le 10 juin 1998, le projet de loi S-13 était adopté au Sénat, mais en décembre 1998, il était déclaré irrecevable à la Chambre des communes car, selon le Président, il établissait une taxe et non un prélèvement. Or, larticle 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 porte que tout projet de loi « ayant pour but lappropriation dune portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou dimpôts devra originer dans la Chambre des Communes ». PROJETS DE LOI S-20 ET S-15 : LOI SUR LA PROTECTION DES JEUNES CONTRE LE TABAC Le projet de loi S-20 : Loi sur la protection des jeunes contre le tabac a succédé au projet de loi S-13. Présenté au cours de la 2e session de la 36e legislature, il a été adopté par le Sénat le 5 octobre 2000, mais il est mort au Feuilleton environ deux semaines plus tard, lorsque le Parlement a été dissous. Il a été présenté de nouveau avec le même titre sous le numéro S-15 le 7 février 2001, au début de la 1re session de la 37e législature. Le nouveau projet de loi diffère du projet de loi S-13 sur trois points importants : il précise que son objectif est dimposer un prélèvement aux fabricants de produits du tabac plutôt quune mesure fiscale; il renforce les dispositions administratives ayant trait à la création dune fondation, augmentant beaucoup de ce fait lobligation de rendre compte et la transparence de lorganisme proposé; enfin, il triple le montant de léventuel prélèvement(3). Le fait de préciser que le projet a pour but dimposer un prélèvement pour les objectifs de lindustrie vise à mieux asseoir largument que le projet de loi nimpose pas de taxe et à donner au Président de la Chambre une marge de manuvre afin de modifier sa décision sil le désire(4). La différence entre une mesure fiscale et un prélèvement nest pas toujours claire. Dans Constitution Law of Canada, Peter Hogg précise, par exemple, que les « taxes à la commercialisation », conçues soit pour absorber les coûts dadministration dun plan de vente ou pour égaliser les profits des producteurs, ne sont pas considérés comme étant des taxes(5). Il note également quun prélèvement, ou imposition réglementaire, devra se fonder sur une autorité réglementaire valide. Même si les impositions ne sont généralement pas considérées comme des taxes à moins que le produit ne soit versé au Trésor, le Président de la Chambre a cité Erskine May en disant que « largent perçu par imposition par voie législative [qui] ne doit pas être versé au Trésor, mais doit néanmoins être utilisé au profit du public en général ou à des fins qui auraient nécessité par ailleurs un financement du Trésor » a de fortes chances dêtre considéré comme une taxe ou un impôt(6). Le Président a semblé accepter que le projet de loi S-13 ne constituerait pas une mesure fiscale sil imposait une redevance « principalement dans lintérêt de lindustrie du tabac ». Il a toutefois conclu que lobjet du projet de loi concerne « une question dordre public, soit la santé des jeunes au Canada, et non, comme plusieurs députés lont soutenu, la création dun avantage pour lindustrie du tabac ». Daprès lui, cest forcer la note que de prétendre que lobjectif de réduire chez les jeunes la consommation des produits du tabac constitue un avantage pour lindustrie.
Plusieurs changements marqués entre les projets de loi S-13 et S-15 dérivent de la décision du Président selon laquelle le premier impose une taxe et non un prélèvement. Un long préambule a été ajouté pour établir que lindustrie a intérêt à empêcher les jeunes de fumer, mais quelle na pas la crédibilité voulue pour prendre linitiative dun tel programme. Par ailleurs, une nouvelle partie III, Avantages pour lindustrie, a été ajoutée (article 34), énumérant les « avantages que la présente loi apporte à lindustrie canadienne du tabac », dont lenraiement dun marché illégal des produits du tabac et une atténuation du préjudice ainsi causé à la réputation de lindustrie. Bon nombre des autres différences qui existent entre les projets de loi S-13 et S-15 consistent en des changements techniques et en des améliorations rédactionnelles. Le titre abrégé du projet de loi S-15 est Loi sur la protection des jeunes contre le tabac et la Fondation sappelle Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes. Le titre abrégé du projet de loi S-13 était Loi sur la responsabilité de lindustrie du tabac et, dans la première version, la Fondation sappelait Fondation canadienne de responsabilité sociale de lindustrie du tabac. Toutefois, lorsque la troisième lecture a commencé au début de juin 1998, le sénateur Wilbert Keon a proposé un amendement qui changerait le nom de lentité à Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes puisque, autrement, les compagnies de tabac auraient tout le loisir « de sen prendre aux pauvres accros de la nicotine qui paient le prix fort relativement à cette fondation »(7). Ces modifications augmentent la cohérence interne du document en rapprochant son titre abrégé et le nom de la Fondation et semblent correspondre à une « mise en ordre » de lamendement. La partie I du projet de loi S-15 contient les définitions et lobjet de la mesure législative, de façon semblable aux articles correspondants du projet de loi S-13 même si lobjet, énoncé à larticle 3 dans les deux cas, a été considérablement raffiné. Il y a maintenant un triple objet :
Cette disposition reformulée semble vouloir souligner que lobjet du projet de loi S-15 est dabord de profiter à lindustrie puis de compléter et non remplacer les mesures du secteur public pour réduire le tabagisme chez les jeunes. La mention dun « problème [ ] sérieux et urgent » laisse entendre que lexercice de la compétence à légard de la mesure législative se fonderait non seulement sur le droit criminel mais aussi sur les motifs « dintérêt national » relatifs aux pouvoirs du Parlement de « faire des lois pour la paix, lordre et le bon gouvernement ». La partie II du projet de loi S-15 constituerait la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes. Les objectifs de la Fondation seraient substantiellement les mêmes que ceux énoncés dans le projet de loi S-13, mais en comprendraient un nouveau : examiner les modèles existants de lutte contre le tabagisme en Amérique du Nord et concevoir le modèle à appliquer au Canada. Se sont également ajoutées plusieurs dispositions visant à accroître lobligation de rendre compte. Larticle 24, Transparence, dispose que « [l]exercice des activités de la Fondation se fait en général dune manière transparente et accessible à lexamen du public » et contient plusieurs exigences détaillées. Larticle 31, Programmes, impose des exigences dévaluation et dimpartition, lorsque des programmes doivent être financés par la Fondation. En outre, à la partie VI, larticle 44 prévoit que le vérificateur général ferait chaque année une vérification de la Fondation (dont cette dernière devrait assumer les frais). Larticle 46 (partie VIII) imposerait au ministre dordonner un examen indépendant de la Loi et de la Fondation, cinq ans après lentrée en vigueur de la mesure, et den déposer le rapport devant chaque chambre du Parlement. La partie IV établit le prélèvement pour les objectifs de lindustrie. En vertu du projet de loi S-15, ce prélèvement serait le triple de ce quavait prévu le précédent, soit 0,0075 $ par cigarette, par bâtonnet de tabac ou par gramme de tabac et 0,0750 $ par cigare. Une autre importante différence est que le projet de loi S-15 comme celui qui la précédé, le projet de loi S-20 jouit de lappui des principales compagnies de tabac :
Dans lensemble, la principale difficulté concernant le projet de loi viendrait des déclarations du Président concernant les « affaires publiques ». Même si tous les projets de loi dintérêt public comportent une certaine dose daffaires publiques, on pourrait maintenir que, abstraction faite déventuels avantages pour lindustrie, éduquer les jeunes concernant les dangers du tabac est avant tout une fonction de politique publique dont devrait se charger le gouvernement et qui devrait être financée par le Trésor. Qui plus est, le précédent quétablirait le projet de loi S-15 pourrait fort bien inspirer de linquiétude. Si lon décrétait que le projet de loi nimpose pas de taxe, il se pourrait que des mesures semblables soient proposées par des députés sans une motion de voies et moyens. Le tabac soulève un problème particulier, car il est généralement reconnu que le prix des cigarettes doit faire lobjet dun plafond au-delà duquel la contrebande reprendra. Par conséquent, les centaines de millions de dollars que permettrait de percevoir le projet de loi S-15 pourraient vraisemblablement restreindre la latitude du gouvernement en matière de taxation. Enfin, quil sagisse dun prélèvement ou dune taxe, le projet de loi risque fort de sembler instituer un impôt ou un prélèvement « spécialement affecté ». Bien que bon nombre de personnes du domaine de la santé appuient énergiquement le principe dun revenu stable pour une fondation dont lobjectif serait darrêter les jeunes de fumer, les gouvernements ont toujours craint de perdre leur capacité daffecter les fonds selon les priorités qui se présentent dun budget à lautre. Annexe 1 :
Annexe
2 : Rapport du comité Lhonorable Sharon Carstairs, présidente du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant: Le mardi 15 avril 1997 Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a lhonneur de présenter son VINGT-QUATRIÈME RAPPORT Votre comité, auquel a été déféré le Projet de loi C-71, Loi réglementant la fabrication, la vente, létiquetage et la promotion des produits du tabac, modifiant une autre loi en conséquence et abrogeant certaines lois, a, conformément à lordre de renvoi du jeudi 13 mars 1997, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement mais avec les recommandations suivantes: Le tabagisme et les problèmes de santé quil occasionne préoccupent beaucoup les Canadiens. Le comité nen a pas moins constaté quil ny a pas de solution simple au problème. Le comité croit que le projet de loi C-71 nest quune étape dans lélaboration dune stratégie intégrée visant à dissuader les jeunes de commencer à fumer et à persuader les fumeurs, jeunes et adultes, de cesser. Le comité tient surtout à ce quon élabore des programmes ciblant les jeunes et recommande quils soient axés sur la motivation, multidisciplinaires, permanents et holistiques. Ils devraient dans toute la mesure du possible être conçus par des jeunes et mettre laccent sur lentraide entre jeunes. Le comité sait que les recettes de quelque 65 millions de dollars tirées chaque année de la surtaxe sur les produits du tabac sont seulement partiellement affectées à ce genre dinitiatives, et croit que le gouvernement a le devoir dinvestir ces sommes dans des programmes visant tout particulièrement les pré-adolescents et les adolescents afin dempêcher ces derniers de prendre une habitude que beaucoup dentre eux garderont toute leur vie. Mais le comité recommande également au gouvernement de mettre à contribution dautres ressources de la collectivité, y compris lindustrie du tabac elle-même, et de leur faire élaborer et financer des programmes à lintention des jeunes. Par ailleurs, le comité recommande fortement au gouvernement de constituer, par des moyens publics et privés, un fonds provisoire pour soutenir les groupes artistiques, culturels et sportifs pendant quils cherchent des sources de financement autres que les fabricants de produits du tabac qui commanditent actuellement leurs activités. Les Canadiens attachent de limportance aux événements artistiques, culturels et sportifs et ne tiennent pas à les perdre. Le comité admet que depuis cinq ans, beaucoup de groupes délaissent le parrainage des compagnies de tabac et cherchent dautres commanditaires, et il croit quil y a lieu dapplaudir à leurs efforts. Mais il y a urgence dans le cas de ceux qui comptent encore sur la commandite de lindustrie du tabac et qui auront besoin de lappui financier des secteurs public et privé au cours des trois à cinq prochaines années pour sen affranchir. Le comité estime que le gouvernement doit commanditer un certain nombre détudes importantes. Ces études devraient être faites par des recherchistes indépendants et être soumises à lexamen des pairs. En premier lieu, il faudrait étudier lutilité de faire du tabac un narcotique ou une substance toxique et les répercussions éventuelles dune telle mesure. Cette étude aurait pour objet de permettre au gouvernement de réglementer plus efficacement les produits du tabac. Ensuite, il y aurait lieu de faire une étude afin de déterminer limpact de la publicité et de la promotion sur la préférence des fumeurs à légard des marques de cigarettes et sur les nouveaux marchés, particulièrement en ce qui concerne les jeunes. La présidente, SHARON CARSTAIRS Annexe
3 : Projet de loi sur la responsabilité de lindustrie du tabac Deuxième lecture-Recours au Règlement-Décision de la présidence Lordre du jour appelle: Motion de lhonorable sénateur Kenny, appuyé par lhonorable sénateur Nolin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de responsabilité sociale de lindustrie du tabac et instituant un prélèvement sur cette industrie.-(Décision de la présidence) Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le mardi 17 mars, jai indiqué que je prendrais en délibéré limportant rappel au Règlement fait à propos du projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de responsabilité sociale de lindustrie du tabac et instituant un prélèvement sur cette industrie. Plusieurs sénateurs ont exprimé leur point de vue et trois documents ont été déposés par le sénateur Kenny. [Français] Le 25 mars, avec la permission du Sénat, le sénateur Kinsella a soulevé une autre question concernant la recevabilité du projet de loi. Il a demandé à la présidence de déterminer sil ne sagirait pas dun projet de loi dintérêt privé plutôt que public. Jai revu les déclarations des sénateurs qui ont participé au débat sur le rappel au Règlement, étudié les documents déposés et examiné le projet de loi. Je suis maintenant à même de rendre ma décision sur le rappel au Règlement. [Traduction] Deux questions fondamentales ont été soulevées au sujet du projet de loi S-13 le 17 mars. La première a trait à la possibilité quune recommandation royale soit nécessaire. La seconde consiste à savoir si le prélèvement dont il est question est en fait une taxe. Si la réponse à lune ou lautre de ces questions est affirmative, à savoir que le projet de loi nécessite une recommandation royale ou quil crée effectivement une taxe, alors ce projet de loi «de finances» ne devrait pas émaner du Sénat, étant donné que de telles mesures sont de linitiative de la Chambre des communes. Dans les circonstances, lordre portant deuxième lecture du projet de loi devrait être révoqué et le projet de loi retiré du Feuilleton. Pour répondre à ces questions, il faut dabord réexaminer les principaux arguments exposés le 17 mars dernier. [Français] Le sénateur Lynch-Staunton, qui a porté cette question à lattention du Sénat à loccasion de lappel de la deuxième lecture du projet de loi, na pas pris position. Il a simplement soulevé la question afin dobtenir un éclaircissement quant à savoir sil sagissait dun projet de loi de finances. Cest vraisemblablement pour la même raison que le sénateur Stollery a fait un rappel au Règlement après que la deuxième lecture du projet de loi eut été proposée officiellement. Après avoir souligné les implications financières manifestes du projet de loi, le sénateur Stollery sest demandé sil ne sagirait pas effectivement dun projet de loi de finances. Invoquant les articles 53 et 54 de la Loi constitutionnelle de 1867, ainsi que larticle 81 du Règlement du Sénat, le sénateur a fait valoir que le projet de loi semble autoriser le prélèvement dargent qui doit servir à une fin dintérêt public. Si cette analyse est juste, alors le projet de loi, pour reprendre les paroles du sénateur Stollery, devrait être présenté, et je cite: [...] par un ministre, à la Chambre des communes, et non par un sénateur, au Sénat. [Traduction] Persuadé de ladmissibilité du projet de loi, le sénateur Kenny a commencé par dire simplement quil ne sagissait pas dune mesure financière. Il a ensuite affirmé que les dispositions financières du texte «ne prévoient pas loctroi de crédits et nimposent pas un impôt». Développant son argument, il a signalé les dispositions qui indiquent que les fonds recueillis par le prélèvement ne sont pas des fonds publics. Il a fait remarquer notamment que les fonds qui seraient remis à la société sans but lucratif créée par la loi nappartiendraient en aucune façon au Trésor, même si la société devait être dissoute. Il a également cité une disposition qui dit explicitement que la fondation nest pas mandataire de Sa Majesté et que ses fonds ne sont pas des fonds publics. Quant à savoir si le prélèvement constitue une taxe, le sénateur Kenny a expliqué, en sappuyant sur des extraits de la 21e édition dErskine May, que le prélèvement établi par le projet de loi nest pas une taxe et, de ce fait, nest pas soumis aux règles habituelles de procédure financière, y compris sans doute lobligation que la mesure soit étudiée par la Chambre des communes avant de lêtre par le Sénat. (1450) Comme il lindique, cela tient au fait que le prélèvement est imposé exclusivement à lindustrie du tabac pour la réalisation dun objectif qui lui est propre, même si cela sert aussi lintérêt public. Enfin, pour bien asseoir son argument, il a cité lopinion de juristes selon lesquels le prélèvement en question nest pas une taxe. Comme lobjectif premier du prélèvement nest pas de recueillir des fonds à des fins gouvernementales, et quil est imposé à des fins de réglementation, le prélèvement ne saurait constituer une taxe. [Français] Après lintervention du sénateur Kenny, plusieurs sénateurs ont pris la parole. Le sénateur Kinsella a indiqué quil aimerait connaître le point de vue du gouvernement sur la question. Et le sénateur Murray est revenu à la charge avec la même question après que le sénateur Carstairs eut expliqué que, comme il ne sagissait pas dune mesure dinitiative ministérielle, le gouvernement navait pas pris position. Par contre, a-t-elle ajouté, le gouvernement était prêt à attendre la décision du Président. Le sénateur Bryden a ensuite émis des doutes quant à savoir si le prélèvement était une taxe ou non. Mais ce qui le préoccupait le plus, cétait de savoir si cette mesure ne faisait pas du gouvernement en quelque sorte un allié de lindustrie du tabac. Prenant la parole après le sénateur Murray, le sénateur Gigantès était davis que le Sénat ne devrait pas hésiter à exercer ses propres pouvoirs. [Traduction] Enfin, le sénateur Stewart a insisté que la vraie question - la seule question, de fait - était de savoir si le prélèvement imposait une taxe. Pour reprendre ses paroles: «[...] sil impose une taxe ou un impôt [...], le projet de loi na pas sa place ici. Sil ne sagit pas dune taxe ou dun impôt, la question dune recommandation royale pour des crédits ne se pose pas.» Une semaine après le rappel au Règlement, le sénateur Kinsella a obtenu la permission du Sénat de revenir sur cette affaire et de poser une autre question concernant la recevabilité du projet de loi S-13. Il a demandé sil ne sagirait pas dun projet de loi dintérêt privé plutôt que public. Dans son exposé, il a signalé que la société établie par le projet de loi létait pour le bénéfice de lindustrie du tabac. Cela étant, il sest demandé si lindustrie ne devrait pas présenter une pétition pour proposer cette mesure, ce qui est un préalable à la présentation dun projet de loi dintérêt privé. Il a ensuite évoqué les quatre critères, énoncés dans Beauchesne, qui servent à déterminer si un projet de loi est dintérêt privé ou public, et il a invité la présidence à en tenir compte. Le sénateur a également souligné le fait que le projet de loi donne à la société certains pouvoirs, notamment celui de prélever des droits. Sans être ferme dans sa conclusion, il a dit avoir limpression quil sagissait dun projet de loi dintérêt privé plutôt que public. Je tiens à remercier les honorables sénateurs qui se sont exprimés sur ce rappel au Règlement. Comme je lai dit au début, depuis le rappel du 17 mars dernier, jai eu loccasion de passer en revue les arguments et dexaminer les documents déposés, ainsi que le projet de loi. Jaimerais dabord poser une hypothèse générale. Je suis davis quil faut présumer, jusquà preuve du contraire, que les choses sont conformes ou régulières. Cette supposition mindique que la meilleure règle à suivre pour le Président est dinterpréter le Règlement de manière à permettre le débat au Sénat, sauf sil est manifeste que la question à débattre est inadmissible. [Français] Pour ce qui est de la question soulevée par le sénateur Kinsella, à savoir si le projet de loi S-13 ne devrait pas être considéré comme un projet de loi dintérêt privé plutôt que public, jai suivi son conseil et jai examiné de près les quatre critères énoncés dans le commentaire 1055 de la sixième édition de Beauchesne. En outre, jai revu attentivement le projet de loi à la lumière de la définition courante dun projet de loi dintérêt privé. Voici ce que dit Beauchesne, qui suit dassez près la formulation dErskine May, dans son commentaire 1053, et je cite: La loi dintérêt privé, dune nature toute particulière, a pour objet de conférer à certaines personnes ou à certains groupes, quil sagisse de particuliers ou de sociétés, des pouvoirs ou des avantages exceptionnels, plus étendus que ceux dont ils sont normalement investis sous le régime du droit commun et qui peuvent même aller à lencontre des règles de droit commun. La présentation dun projet de loi dintérêt privé exige le dépôt dune pétition par les parties intéressées par une telle mesure. Dans ce cas-ci, le sénateur Kinsella estime que sil sagit effectivement dun projet de loi dintérêt privé, il serait irrecevable du fait quil na pas été présenté au Sénat au moyen dune pétition. Dun autre côté, sil sagit dun projet de loi dintérêt public, la pétition nest plus nécessaire. Le sénateur Kinsella indique que les pétitionnaires éventuels seraient l«industrie du tabac». Il ne précise toutefois pas quelles personnes ou sociétés seraient les pétitionnaires de lindustrie. Dailleurs, le projet de loi ne définit pas lindustrie du tabac, pas plus quil ne précise qui en sont les membres. [Traduction] Mais quelle que soit l«identité» de lindustrie du tabac, la première question à laquelle il faut répondre est de savoir si le projet de loi S-13 est dintérêt privé ou dintérêt public. En examinant les quatre critères servant à déterminer si un projet de loi dintérêt privé devrait plutôt être considéré comme dintérêt public, il y en a deux qui me font croire que le projet de loi S-13 est effectivement dintérêt public. Le premier est le fait que la mesure vise les affaires publiques. Bien quon ne saurait nier que le projet de loi fait ressortir les avantages pour lindustrie, il nest pas moins vrai que lintérêt public est bien servi par cette initiative, dans la mesure où elle vise à réduire lusage du tabac chez les jeunes, comme il est précisé au paragraphe 3(2) du texte. Dautre part, le vaste domaine auquel le projet de loi sapplique et le fait quil met en cause des intérêts multiples - cest le troisième critère de Beauchesne - mindique quil sagit dun projet de loi dintérêt public. En labsence de raisons mincitant à en faire une analyse différente, je suis convaincu que le projet de loi S-13 est dintérêt public. Pour ce qui regarde la première question, soulevée le 17 mars, à savoir si le projet de loi nécessite une recommandation royale, je dois conclure que ce nest pas le cas. [Français] Le but premier dune recommandation royale est de limiter lautorité daffecter des crédits du Trésor fédéral. Larticle 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques définit ainsi le terme «crédit»: «autorisation donnée par le Parlement daffecter des paiements sur le Trésor». Et «Trésor» a le sens suivant: «le total des fonds publics en dépôt au crédit du receveur général». Seuls les ministres peuvent obtenir du Gouverneur général la recommandation royale nécessaire pour affecter de tels fonds. La Constitution dispose que les projets de loi nécessitant ou comportant une recommandation royale doivent émaner de la Chambre des communes, condition qui est renforcée par larticle 81 du Règlement du Sénat. Dans le cas du projet de loi S-13, les fonds recueillis au moyen du prélèvement doivent être perçus par la Fondation canadienne de responsabilité sociale de lindustrie du tabac ou son mandataire. La Fondation utilisera ces fonds de la manière et aux fins qui sont énoncées dans le projet de loi. Dune part, larticle 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques définit «fonds publics» comme étant notamment des «fonds appartenant au Canada»; dautre part, le paragraphe 33(1) du projet de loi spécifie que «la Fondation nest pas mandataire de Sa Majesté et [que] ses fonds ne sont pas des fonds publics du Canada». En outre, il nest aucunement question dans le projet de loi daffecter des fonds du Trésor pour la mise en uvre de cette mesure. Je ne vois donc pas en quoi ce projet de loi nécessiterait une recommandation royale. [Traduction] La seconde question posée le 17 mars est de savoir si le prélèvement proposé dans le projet de loi constitue une taxe ou non. Dans lexamen de cette question, je suis contraint de men tenir à la règle voulant que le président ne se prononce pas sur une question juridique. Le commentaire 168(5) de Beauchesne est clair: «Le président ne décide daucune question dordre constitutionnel ou juridique, bien quil soit permis de soulever une question de ce genre par rappel au Règlement ou sous forme de question de privilège.» Mais je suis par contre autorisé à examiner le projet de loi pour déterminer sil est bien ce quil prétend être. Je men suis tenu au sens ordinaire des termes employés et je les ai examinés pour voir si toutes les dispositions concernant la question du prélèvement étaient cohérentes. Jai ensuite tenté de déterminer si le prélèvement proposé répond aux critères quon trouve aux pages 730-737 dErskine May et qui permettent détablir quun prélèvement échappe aux règles de procédure financière qui régissent limposition de taxes. (1500) Si lon sen tient au sens ordinaire des termes du projet de loi, il est question de prélèvement plutôt que de taxe. La partie II du texte est éclairante à cet égard. Il est également clair que le prélèvement est imposé à lindustrie du tabac exclusivement. Le but du prélèvement, tel quénoncé, est de répondre à un objectif qui profite à lindustrie, mais qui est également dans lintérêt public. Larticle 3 indique précisément que le projet de loi a ... pour objet de donner à lindustrie canadienne du tabac les moyens de réaliser lobjectif quelle simpose publiquement de réduire lusage du tabac chez les jeunes au Canada... Le prélèvement sapplique exclusivement aux produits du tabac de toute nature et sera utilisé par la fondation pour remplir sa mission, telle quénoncée à larticle 5. Ainsi donc, pour ce qui est du libellé du texte, je dois reconnaître que ce qui est proposé est un prélèvement, et non pas une taxe. [Français] Erskine May énonce deux critères en vertu desquels un projet de loi proposant un prélèvement nest pas soumis aux procédures financières, notamment ladoption dune motion de voies et moyens qui est normalement nécessaire pour les projets de loi qui imposent une taxe. Le premier critère veut que le prélèvement soit destiné aux objets de lindustrie. Le second est que les fonds recueillis ne doivent en aucune façon faire partie des recettes du gouvernement. Erskine May donne des exemples de projets de loi qui ont été considérés comme des prélèvements et de projets de loi qui ne répondaient pas à lun ou lautre de ces critères, ou aux deux. Certains exemples sont relativement récents, ce qui indique que ces critères sont encore appliqués dans la pratique britannique daujourdhui. Mais, ce qui est plus important, ils semblent également applicables dans la pratique canadienne. [Traduction] Le commentaire 980(1) de Beauchesne dit ceci: «Il est nécessaire de procéder dabord à une motion de voies et moyens sil sagit dimposer une nouvelle taxe». Cest le corollaire du principe de la recommandation royale puisquil exige la sanction de la Couronne pour constituer les revenus qui serviront plus tard à des fins dintérêt public. Beauchesne explique ensuite les circonstances qui entourent la création dune nouvelle taxe, dans son commentaire 980(2): [...] aucune motion ne peut être faite pour imposer une taxe, sauf par un ministre de la Couronne [...], et lon ne peut non plus augmenter le chiffre dune taxe proposée au nom de la Couronne, ni changer dune façon quelconque lassiette fiscale. De même, on ne peut augmenter une taxe [...], sauf sur linitiative dun ministre agissant pour le compte de la Couronne. Une motion de voies et moyens, une fois adoptée, devient une résolution de voies et moyens. Suite à cette adoption, et à partir des dispositions de la résolution, un projet de loi est présenté; après la première lecture, il est imprimé et la deuxième lecture est décidée pour la prochaine séance de la chambre. Dans la pratique canadienne, qui sinspire du modèle britannique, tout projet de loi qui propose une nouvelle taxe doit être précédé dune motion de voies et moyens. En labsence dune telle motion, tout droit proposé par un projet de loi ne serait pas considéré comme une taxe. Dans son intervention sur le rappel au Règlement, le sénateur Kenny a parlé du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit dauteur, qui a été adopté par le Parlement précédent. Certaines dispositions de ce projet de loi, qui émanait du gouvernement, imposent un prélèvement sur la vente de supports audio vierges, qui est destiné à être réparti entre les artistes et groupes dartistes sous forme de redevances. Le sénateur a signalé que le projet de loi ne comportait pas de recommandation royale, ce qui indiquerait pour le moins que les redevances distribuées nétaient pas considérées comme des affectations de crédits gouvernementaux et, par conséquent, quelles nétaient pas perçues sous forme de taxe. Mais il y a plus encore. Il y a une autre indication qui porte à croire que le prélèvement nétait pas regardé comme une taxe. Je puis laffirmer parce quau mieux de ma connaissance, le projet de loi na pas été précédé dune résolution de voies et moyens, ce qui aurait été obligatoire si les fonds recueillis avaient été considérés comme une taxe. En appliquant les critères dErskine May et à la lumière du cas du projet de loi C-32, je ne puis que considérer que le prélèvement proposé par le projet de loi S-13 nest pas une taxe du point de vue de la procédure. Par conséquent, le projet de loi nest pas soumis aux règles habituelles de procédure financière selon lesquelles cest lautre endroit qui devrait dabord en être saisi. Je déclare que le projet de loi peut être examiné par le Sénat. Le débat en deuxième lecture peut donc commencer. Annexe 4 : Le Président: Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le recours au Règlement soulevé le 18 novembre 1998 par le leader du gouvernement à la Chambre, à propos de la recevabilité du projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes et instituant un prélèvement sur lindustrie du tabac. [Français] Je veux dabord remercier lhonorable leader du gouvernement à la Chambre et lhonorable députée de St. Pauls de leur contribution savante à la discussion de ce sujet. Je veux également remercier les autres députés qui sont intervenus sur ce rappel au Règlement, soit les honorables députés de Macleod, Winnipeg-Centre-Nord, PictouAntigonishGuysborough, HaldimandNorfolkBrant, EsquimaltJuan de Fuca, Hillsborough, Kamloops, Thompson and Highland Valleys, PierrefondsDollard, Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, Lac-Saint-Louis, DeltaSouth Richmond, WhitbyAjax, BurnabyDouglas et WentworthBurlington. Leurs contributions ont été très utiles pour la Présidence dans le cadre de lexamen de cette affaire. Nous avons entendu durant presque deux heures des arguments sur ce rappel au Règlement et, bien que je ne me propose pas de passer en revue ces arguments dans les détails, je demande à la Chambre de faire preuve de patience à mon égard pendant que jexpliquerai les faits de laffaire dont nous sommes saisis et des conclusions que jen ai tiré. [Traduction] Le projet de loi S-13 constitue la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes, personne morale sans but lucratif dont la mission est de réduire lusage des produits du tabac chez les jeunes au Canada. À cette fin, le projet de loi S-13 propose quun prélèvement soit imposé aux fabricants des produits de tabac pour fournir à la fondation les fonds nécessaires à la réalisation de sa mission. Le projet de loi S-13 dinitiative parlementaire vient de lautre endroit, où il a été adopté le 10 juin 1998, et il a franchi létape de la première lecture à la Chambre des communes le 18 novembre 1998. [Français] Dans son rappel au Règlement, lhonorable leader du gouvernement à la Chambre allègue, pour ainsi dire, que le projet de loi S-13 propose une mesure fiscale et, à ce titre, le projet de loi naurait dû émaner de la Chambre des communes quaprès adoption dune motion de voies et moyens. Pour ces raisons, il soutient que la Chambre na pas été saisie convenablement du projet de loi et demande à la Présidence de statuer que la Chambre des communes ne peut étudier le projet de loi. [Traduction] Avant de disposer de ce rappel quant au fond, je voudrais répondre à lassertion faite par la députée de St. Pauls. Elle soutient que, en ne sen tenant pas au libellé du projet de loi et en mettant en question les dispositions précises de ce dernier, on déborde du cadre de la procédure et on tombe dans le domaine juridique, dont le Président ne devrait pas soccuper. La députée fait valoir que la question de savoir si le projet de loi S-13 impose une taxe est une question de droit et dinterprétation juridique et que, partant, elle ne relève pas normalement de la compétence du Président. 1510 La proposition générale selon laquelle le Président ne décide daucune question juridique est énoncée dans Beauchesne, 6e édition, commentaire 168(5), à la page 51. Mais la députée de St. Pauls na pas invoqué ce commentaire. Les exemples cités dans Beauchesne portaient sur des questions qui ne pouvaient être considérées que comme des questions juridiques et qui ne comportaient pas daspect de procédure. Dans les deux cas, la question était de savoir si la proposition législative devant la Chambre relevait des pouvoirs législatifs de la Chambre en conformité avec la Loi constitutionnelle de 1867. La question que je dois examiner relativement au projet de loi S-13, à savoir si la redevance imposée par le projet de loi constitue ou non une taxe, se rapporte aux règles de procédure et aux usages de la Chambre ainsi quau privilège traditionnel de la Chambre à légard des mesures fiscales. Plus précisément, deux questions ont été soulevées dans ce rappel au Règlement, et elles relèvent toutes deux clairement de ma compétence à titre de Président. Premièrement, est-ce quune motion des voies et moyens est nécessaire dans le cas du projet de loi S-13? Deuxièmement, est-ce que ce projet de loi aurait dû émaner de la Chambre et non de lautre endroit? Ces deux questions dépendent toutefois de la réponse qui doit être donnée à une troisième question: est-ce que le projet de loi S-13 impose une taxe? Dans laffirmative, une motion des voies et moyens simpose et le projet de loi aurait dû émaner de la Chambre. Il faut nécessairement répondre à cette troisième question pour pouvoir trancher les questions de procédure et de privilège. Pour cette raison, bien quil se peut que cette question fiscale soit qualifiée de question juridiqueet, dans un autre contexte, à lextérieur de la Chambre, quelle soit soulevée et considérée comme une question juridiqueelle est considérée ici uniquement comme faisant partie intégrante dune question de procédure et de privilège parlementaire. Par conséquent, il convient que je tranche cette question maintenant. [Français] Dans sa présentation, lhonorable leader du gouvernement à la Chambre a fait valoir que le projet de loi S-13 aurait dû émaner de la Chambre des communes puisquil impose une taxe. Larticle 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 est libellé comme suit, et je cite:
Par ailleurs, comme le dit la citation 980, à la page 274 de Beauchesne, 6e édition, les projets de loi qui imposent une taxe doivent être précédés de ladoption dune motion de voies et moyens. Afin de sauvegarder les privilèges financiers de la Chambre des communes, chaque député de cette Chambre doit faire preuve de vigilance et sassurer que chaque projet de loi présenté devant la Chambre respecte ce critère. Larticle 80 du Règlement est catégorique à ce sujet et se lit, en partie, comme suit:
Pour résumer, la Chambre des communes fait valoir sa prééminence sur les questions financièresà savoir les dépenses publiques et la taxationet la législation sy rapportant doit émaner de la Chambre. [Traduction] Afin de savoir si le projet de loi S-13 a été présenté régulièrement à la Chambre, la présidence doit déterminer sil impose une taxe. Si tel est le cas, le projet de loi aurait dû émaner de la Chambre des communes et être précédé dune motion des voies et moyens. Les députés comprendront que cette affaire comporte des questions de nature technique complexes. Cest pourquoi la présidence a apporté un soin particulier à létude des autorités pertinentes sur le sujet. Jai consulté de façon approfondie les ouvrages dErskine May et je suis davis quils constituent une source dinformation complète et fiable sur les questions de procédure financière. Je demande à la Chambre dêtre patiente pendant que je vais faire lexposé du problème qui nous occupe. 1515 Comme les députés le savent, la procédure financière concerne principalement lautorisation des dépenses publiques et limposition. On a fait valoir que la redevance proposée par le projet de loi S-13 nétait pas une taxe parce que les fonds perçus ne seront pas versés au Trésor. Sous la rubrique «Question nécessitant une autorisation par voie de résolution des voies et moyens», May écrit, à la page 777 de la 22e édition:
Autrement dit, si une redevance permet de recueillir des fonds qui sont versés au Trésor, elle constitue une taxe. Même si les fonds sont dirigés ailleurs, la redevance peut tout de même être une taxe. Toutefois, une redevance ne peut être considérée comme une taxe, et donc échapper aux contraintes habituelles de la procédure financière, que si elle est prélevée aux fins dune industrie. Par conséquent, le rappel au Règlement, ainsi que je le vois, dépend de la nature de la redevance prévue dans le projet de loi S-13 et de son objet. Un examen plus poussé du projet de loi simpose donc. Il a été soutenu que le projet de loi S-13 imposait un prélèvement «aux fins dune industrie». Au chapitre 32, consacré aux voies et moyens et aux projets de loi financiers, dans la 22e édition de May, nous pouvons lire ce qui suit, à la page 779:
May ajoute:
En dautres termes, la question centrale en lespèce est de savoir si le prélèvement imposé par le projet de loi S-13 est une redevance imposée principalement dans lintérêt de lindustrie du tabac. Si tel est le cas, la redevance ne constituerait pas une taxe. Encore ici, May est utile, car il décrit un cas qui présente des similitudes avec le projet de loi S-13, soit le projet de loi britannique intitulé «Merchant Shipping Bill» de 1973-1974. Ce projet de loi obligeait les importateurs de pétrole à contribuer à un fonds international à des fins dindemnisation pour les dommages imputables à la pollution par le pétrole. Dans la 21e édition, à la page 731, May écrit ceci:
En dernière analyse, il a été décidé que le projet de loi en question était régi par les règles de la procédure financière et que, par conséquent, il devait être précédé dune résolution de voies et moyens avant dêtre étudié par la Chambre des communes du Royaume-Uni. [Français] Dans le cas qui nous occupe, jai examiné la question de savoir si la Chambre a déjà eu affaire à un projet de loi prévoyant un prélèvement sur une industrie. Au cours de la deuxième session de la 35e législature, le projet de loi C-32 intitulé, Loi modifiant la Loi sur le droit dauteur, prévoyait limposition dune redevance sur les bandes sonores vierges. 1520 Cette industrie bénéficiait de cette redevance puisque cette dernière permettait la reproduction déléments audio visés par le droit dauteur à des fins personnelles. Cela aurait pour effet de faire croître le marché pour les bandes sonores vierges. La redevance sur les bandes sonores était destinée à percevoir des fonds permettant dindemniser les propriétaires de droits dauteur pour les pertes subies du fait de la reproduction de ces éléments à des fins personnelles. Le lien entre lavantage pour lindustrie et limposition de la redevance semble clair dans ce cas. La redevance semble satisfaire le critère selon lequel elle constituait un avantage pour lindustrie et ne constituerait donc pas une taxe. Le projet de loi C-32 na pas été subordonné aux procédures financières habituelles et na pas été précédé dune motion de voies et moyens. [Traduction] Dans le cas du projet de loi S-13, la présidence doit déterminer la nature de la redevance imposée par celui-ci. On a fait valoir que la redevance est un prélèvement dont lindustrie du tabac bénéficie. Pour étayer ce point de vue, on nous renvoie à larticle 3 du projet de loi à lintertitre «Objet», dont le paragraphe (1) est formulé en partie comme suit:
Je mettrai de côté sans faire de commentaire la question de savoir si lindustrie a affirmé publiquement quelle avait pour objectif la réduction du nombre de fumeurs dans un segment quelconque de la population. Permettez-moi seulement de continuer la citation du paragraphe (1) de larticle 3, qui précise comme suit lobjet du projet de loi pour réduire la consommation des produits du tabac chez les jeunes au Canada:
Le texte continue au paragraphe (2) du même article, et se lit comme suit:
Il me semble que ces énoncés montrent que lobjet du projet de loi concerne une question dordre public, soit la santé des jeunes au Canada et non, comme plusieurs députés lont soutenu, la création dun avantage pour lindustrie du tabac. Il y a ceux qui disent que lun nempêche pas lautre et que lavantage pour lindustrie est tel que la redevance en question est un prélèvement et non une taxe. Les partisans de ce point de vue citent lalinéa (1)c) de cet article 3, qui se lit comme suit:
Sûrement, le manque de crédibilité dont il est fait mention ici fait appel au bon sens qui nous dicte que lindustrie du tabac sert ses propres intérêts, à savoir que, en tant quentreprise commerciale, son but premier est de faire croître ses marchés et ainsi daugmenter ses bénéfices. Les jeunes représenteraient pour cette industrie la croissance éventuelle de son marché. Comment pourrait-il être avantageux pour lindustrie de réduire le nombre de fumeurs chez ceux-là même qui représentent la croissance de son marché? Cest cette proposition peu plausible qui sous-tend le problème de crédibilité dont le projet de loi fait mention. Les partisans du projet de loi font valoir que lavantage que procure létablissement de la fondation sur le plan des relations publiques constituerait un avantage pour lindustrie. Ils citent lautonomie de la fondation projetée et son rôle dans la coordination, à léchelle nationale, de la lutte au tabagisme. Nest-il pas raisonnable de supposer que, si lindustrie avait voulu améliorer son image publique de cette façon, elle aurait pu elle-même créer un organisme sans lien de dépendance comme la fondation? Pourquoi une mesure législative comme celle-ci est-elle nécessaire? 1525 Revenons à larticle 3, pour examiner cette fois lalinéa (1)e), qui se lit comme suit:
On a fait valoir que cette disposition procure encore un avantage pour lindustrie puisque les activités de la fondation peuvent prévenir limposition dautres restrictions à lindustrie. On anticipe de ce fait les mesures gouvernementales qui pourraient être prises dans lavenir et on conclut que létablissement de la fondation permettra déviter la nécessité dadopter de telles mesures. Cela ne revient-il pas à dire que cette redevance dans ce projet de loi est avantageuse pour lindustrie du seul fait que des mesures futures pourraient être moins intéressantes? Jai examiné avec attention tous les arguments présentés ainsi que tous les cas que les députés ont portés à mon attention, même si, dans la présente décision, je nai pas parlé de chacun de façon détaillée. Je suis forcé de conclure que la redevance imposée par le projet de loi S-13 ne vise pas à créer un avantage pour lindustrie du tabac mais vise une question dordre public, à savoir, la santé des jeunes au Canada, un but louable sans aucun doute. On cherche par le projet de loi à établir la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes dont lobjectif est de réduire et finalement déliminer lusage des produits du tabac par les jeunes au Canada. Cela frise la crédulité que de vouloir prétendre que cet objectif constitue un avantage pour lindustrie du tabac. Quelle que soit lingéniosité avec laquelle on sest employé à rédiger et à structurer le projet de loi de sorte quil ressemble à un projet de loi dont lobjet vise une industrie, objet qui améliorerait peut-être la place quoccupe lindustrie du tabac dans notre société, le projet de loi S-13 a pour objet principal la réduction et lélimination de la consommation du tabac. Ceci constitue une question de santé publique et cest en raison de cet objet dordre public que jen suis arrivé à la conclusion que la redevance quimpose le projet de loi S-13 sur lindustrie constitue une taxe. Seule la Chambre des communes a le droit et lobligation de légiférer sur des mesures financières. Seule la Chambre des communes, agissant sur linitiative des ministres de la Couronne, peut imposer des taxes pour générer les fonds nécessaires au financement de programmes dordre public. Jai lobligation, en tant que Président de la Chambre, de faire en sorte que ces privilèges fondamentaux en matière financière ne soient pas compromis. En bref, les projets de loi imposant une taxe doivent émaner de la Chambre des communes et doivent être précédés dune motion de voies et moyens. Le projet de loi S-13 impose une taxe, na pas émané de la Chambre des communes et, par conséquent, na pas été précédé dune motion des voies et moyens. Je conclus donc quil na pas été valablement présenté à la Chambre. En conséquence, létape de la première lecture est nulle et non avenue et cette affaire est rayée du Feuilleton. Je remercie les députés de leur attention. (Lordre est annulé) (1) Voir le rapport complet à la rubrique avril 1997 de lannexe 1. (2) Voir Débat en troisième lecture du projet de loi S-13, Hansard, 10 juin 1998 :
(3) Pour une description des changements, voir « Loi sur la protection des jeunes contre le tabac : Projet de loi S-20 », tiré du site Web du sénateur Kenny, www.sen.parl.gc.ca/ckenny/typa.htm (4) Voir Débat en deuxième lecture sur le projet de loi S-20, 9 mai 2000 :
(5) Carswell, édition à feuillets mobiles, paragraphe 30.10(b). (6) Voir lannexe 4, Décision du Président, Hansard, 2 décembre 1998. (7) Voir Hansard, 10 juin 1998. (8) Mark Kennedy, « Senators bill on tobacco levy embarrassing government », Ottawa Citizen, 25 septembre 2000, p. A11 (traduction). |