PRB 00-24F

PROJET DE LOI S-15 :
LOI SUR LA PROTECTION DES JEUNES CONTRE LE TABAC

Rédaction :

Mollie Dunsmuir
Division du droit et du gouvernement
Le 9 février 2001


TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

   A. Projet de loi C-71 : Loi sur le tabac

   B. Projet de loi S-13 : Loi sur la responsabilité de l’industrie du tabac

   C. Projet de loi C-42 : Loi modifiant la Loi sur le tabac (C-71)

PROJETS DE LOI S-20 ET S-15 : LOI SUR LA PROTECTION DES JEUNES CONTRE LE TABAC

ANNEXES

Annexe 1 : Chronologie

Annexe 2 : 24e rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le 15 avril 1997 [Projet de loi C-71 : Loi sur le tabac]

Annexe 3 : Décision du Président sur le projet de loi S-13, Sénat, le 2 avril 1998

Annexe 4 : Décision du Président sur le projet de loi S-13, Chambre des communes, le 2 décembre 1998


PROJET DE LOI S-15 :
LOI SUR LA PROTECTION DES JEUNES CONTRE LE TABAC

CONTEXTE

   A. Projet de loi C-71 : Loi sur le tabac

La Loi réglementant les produits du tabac (LRPT), qui a reçu la sanction royale en juin 1988, a constitué la première réponse législative globale aux préoccupations croissantes en matière de santé suscitées par l’utilisation des produits du tabac.  La mesure autorisait :

  • à interdire toute publicité du tabac;

  • à imposer des restrictions aux activités de promotion et de commandite par les fabricants de tabac, ainsi que l’élimination graduelle de ces activités;

  • à exiger sur les emballages des messages plus explicites relatifs à la santé.

En septembre 1995, la Cour suprême du Canada statuait que le Parlement pouvait légiférer relativement à la publicité et à la promotion des produits du tabac en vertu du pouvoir conféré par le droit criminel, lequel comprend les questions de santé publique.  Toutefois, elle décrétait également que les restrictions sur la publicité et la promotion contenues dans la LRPT violaient la liberté d’expression des sociétés touchées et étaient donc invalides.  En décembre 1995, le ministre de la Santé publiait La Lutte contre le tabagisme : un plan directeur pour protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens, un document sur les plans du gouvernement relatifs à une nouvelle loi.

C’est en décembre 1996 que le ministre de la Santé a présenté le projet de loi C-71 : Loi réglementant la fabrication, la vente, l’étiquetage et la promotion des produits du tabac.  Connue sous le titre abrégé Loi sur le tabac, la mesure donnait le pouvoir de réglementer :

  • la composition des produits du tabac;

  • l’accès des jeunes au tabac;

  • l’étiquetage des produits du tabac;

  • la promotion des produits du tabac.

Le débat entourant l’incidence des restrictions proposées dans le projet de loi C-71 sur la commandite pour les organisations artistiques, culturelles et sportives a été particulièrement intense.  Il en est résulté un amendement prévoyant une période de transition d’un an avant l’entrée en vigueur des principales dispositions sur la commandite, afin que les organisations touchées puissent trouver d’autres sources de financement.  L’amendement a donc retardé jusqu’au 1er octobre 1998 l’imposition des restrictions sur la commandite.

Au Sénat, le projet de loi C-71 a été renvoyé au Comité sénatorial permanent sur les affaires juridiques et constitutionnelles.  Le rapport du Comité, présenté le 15 avril 1997(1), contenait plusieurs recommandations.  Faisant remarquer qu’une mesure comme le projet de loi C-71 « n’est qu’une étape dans l’élaboration d’une stratégie intégrée visant à dissuader les jeunes de commencer à fumer », le Comité a recommandé l’établissement de programmes ciblant les jeunes, conçus par des jeunes et mettant l’accent sur l’entraide entre les jeunes.  Il a également proposé que le gouvernement mette à contribution d’autres ressources de la collectivité, y compris l’industrie du tabac elle-même, pour leur faire élaborer et financer des programmes à l’intention des jeunes.  Enfin, il a recommandé le financement provisoire des groupes artistiques, culturels et sportifs qui dépendent de la commandite des sociétés de tabac, et la réalisation d’études indépendantes concernant des questions comme l’impact de la publicité et de la promotion sur la préférence à l’égard des différentes marques et sur les nouveaux marchés.

Durant le débat en troisième lecture, divers amendements ont été proposés pour renforcer le projet de loi C-71.  Le sénateur Colin Kenny en a suggéré un qui aurait permis d’établir le Fonds de responsabilité sociale des fabricants du tabac « pour aider l’industrie canadienne du tabac à témoigner de sa préoccupation pour la santé et le bien-être des Canadiens, et des jeunes en particulier ».  Voici comment le sénateur Kenny justifiait l’amendement :

Je déplore, tout d’abord, que le projet de loi ne renferme pas de dispositions suffisantes pour détourner réellement les jeunes du tabagisme.  Le projet de loi comporte un grand nombre de dispositions utiles, mais il ne s’attaque pas vraiment aux considérations très complexes qui passent par l’esprit des adolescents touchant l’image qu’ils se font d’eux-mêmes, l’influence des camarades, les modèles de comportement et la rébellion.  Toutes ces considérations ont été exposées par les spécialistes qui ont témoigné devant le Comité, et elles sont très importantes pour nous attaquer au cœur du problème.

Le cœur du problème, c’est que, je le répète, 40 000 Canadiens meurent chaque année.  Où donc les compagnies de tabac vont-elles trouver à remplacer ces 40 000 personnes?  Chez les jeunes Canadiens. Je voudrais donc que l’on crée une entité appelée Fonds de responsabilité sociale des fabricants du tabac afin de fournir les ressources nécessaires pour nous attaquer précisément à ce problème.

Ma deuxième préoccupation est que le projet de loi n’assure pas une bonne transition ni ne fournit une aide convenable aux gens qui dépendent des fabricants du tabac pour financer leurs événements.  Je veux parler des groupes artistiques, sportifs et culturels de tout le pays.

[…]

J’attire votre attention, honorables sénateurs, sur une bonne façon d’aider les fabricants de tabac à amener les jeunes à cesser de fumer. Je vous soumets aussi une façon d’assurer un fonds de transition qui permettrait de continuer à financer les groupes artistiques, sportifs et culturels.

   B. Projet de loi S-13 : Loi sur la responsabilité de l’industrie du tabac

Le concept présenté dans l’amendement du sénateur Kenny a donné naissance au projet de loi S-13, déposé au Sénat le 26 février 1998. Il y avait au départ trois objectifs :

  • créer une fondation à but non lucratif (partie I, articles 4-35);

  • imposer un prélèvement qui appuierait financièrement la fondation (partie II, articles 36-44);

  • favoriser une transition harmonieuse pour que les groupes artistiques, culturels et sportifs canadiens puissent s’affranchir de leur dépendance à l’égard de la commandite de l’industrie du tabac et pour que les planteurs de tabac puissent se tourner vers d’autres cultures viables ou se réorienter dans l’industrie agricole (partie III, articles 45-52).

La mesure bénéficiait d’un soutien bipartite, ayant été appuyée par le sénateur Nolin.

La création d’une fondation indépendante non gouvernementale s’appuyait sur l’impression que l’industrie voulait aider à arrêter l’usage du tabac par les jeunes de moins de 18 ans mais ne jouissait pas, dans la communauté, de la crédibilité nécessaire pour être efficace.  Le prélèvement de 50 cents la cartouche se fondait sur l’idée d’un prélèvement par l’industrie, aux fins de l’industrie, et aurait produit au moins 120 millions de dollars par année pour la fondation.

Les deux fonds transitoires – un pour les communautés artistique, culturelle et sportive et l’autre pour les producteurs de tabac – auraient reçu la moitié des recettes tirées des prélèvements au cours de la première année, mais la somme initiale aurait été réduite de 20 p. 100 pour chacune des quatre années suivantes.  À la sixième année, tous les fonds perçus auraient servi exclusivement à combattre le tabagisme chez les jeunes, c’est-à-dire les moins de 18 ans.

L’article 3 du projet de loi en établit l’objet : « donner à l’industrie canadienne du tabac les moyens de réaliser l’objectif qu’elle s’impose publiquement de réduire l’usage du tabac chez les jeunes au Canada ».  La mesure ne prévoyait pas de participation ministérielle permanente, sauf pour ce qui est du droit du ministre de la Santé de nommer des membres au sein de la Fondation canadienne de responsabilité sociale de l’industrie du tabac et d’établir un cadre réglementaire pour le versement du prélèvement.

Cette approche plutôt novatrice était cruciale pour la constitutionnalité de la mesure.  Si cette dernière avait proposé que le gouvernement perçoive et administre directement les fonds, plutôt que de créer un prélèvement par l’industrie (lequel, dans ce cas-ci, serait remis à une fondation indépendante), elle aurait ressemblé à une mesure fiscale.  L’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 dispose que tout projet de loi ayant pour but « la création de taxes […] devra originer dans la Chambre des Communes », ce qui rend inconstitutionnel le fait qu’un projet de loi fiscale émane du Sénat.

Le reste de l’article 3 établit la raison pour laquelle la disposition sert les intérêts tant de la société en général que de l’industrie du tabac en particulier :

  • les jeunes fumeurs établissent une dépendance à l’égard du tabac et leur santé en souffre de plusieurs façons;

  • l’industrie est incapable de régler le problème du tabagisme chez les jeunes en raison d’un manque de crédibilité;

  • l’industrie risque de se voir imposer de nouvelles restrictions par rapport à la production et à la vente du tabac si le tabagisme chez les jeunes n’est pas endigué.

Le Sommaire du projet de loi note que le texte de celui-ci « complète la Loi sur le tabac » et le paragraphe 3(2) met cet aspect en lumière :

[Le projet de loi S-13] vise à compléter la réponse législative générale qu’apporte la Loi sur le tabac aux graves problèmes de santé publique, en coordonnant l’effort national des secteurs public et privé afin de résoudre le problème de l’usage du tabac par les jeunes au Canada.

Le fait de mentionner une coordination nationale, un « effort national » donne à penser que le législateur voudrait que le Parlement puisse adopter le projet de loi pour des motifs d’« intérêt national » en vertu de ses pouvoirs, au titre de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, de faire des lois pour « la paix, l’ordre et le bon gouvernement ».  La Cour suprême du Canada a précisé sans équivoque que le Parlement a compétence en matière d’usage du tabac, du moins par l’entremise du droit criminel, qui comporte un volet de santé publique.  Cependant, il est moins certain que les législateurs fédéraux puissent également invoquer l’aspect plus vaste d’« intérêt national » ou de « dimension nationale » du pouvoir de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement, en faisant valoir que la consommation du tabac représente un grave problème national qui ne peut se régler qu’au niveau national.  Les partisans d’une réglementation accrue de l’usage du tabac aimeraient voir confirmer l’applicabilité à cette question du pouvoir de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement, et ils ont probablement cru que les tribunaux verraient cet argument d’un meilleur œil si l’objectif législatif se restreignait à la prévention du tabagisme chez les jeunes.

La partie I du projet de loi S-13 aurait permis de constituer en une entité indépendante la Fondation canadienne de responsabilité sociale de l’industrie du tabac, dont l’objectif global aurait été de protéger les jeunes du tabagisme et des risques connexes pour la santé.  Parmi les objectifs plus précis, mentionnons : établir une stratégie pluriannuelle afin de combattre l’usage du tabac par les jeunes; surveiller l’usage du tabac au Canada; commanditer des recherches sur l’usage des produits du tabac et sur les moyens de décourager les jeunes de les utiliser.  La Fondation devait aussi concevoir et distribuer des outils d’enseignement et de communication pour empêcher l’usage du tabac par les jeunes, ainsi que parrainer des activités de groupes, notamment entre jeunes, dans cette même optique.  Le principal objectif était de recevoir et d’utiliser les fonds obtenus grâce au prélèvement imposé par la mesure législative, la Fondation pouvant également recevoir des fonds d’autres sources.  Pour utiliser les fonds, la Fondation devait subventionner des groupes, organismes et personnes du secteur de la santé ou des activités susceptibles de prévenir l’usage du tabac chez les jeunes.

La partie II aurait institué, pour les objets de l’industrie, un prélèvement de 0,0025 $ par cigarette, 0,0025 $ par bâtonnet de tabac, 0,0250 $ par cigare et 0,0025 $ par gramme de tabac, payable au moment de vendre ou de céder le produit ou d’en disposer autrement.  Parce que le prélèvement ne pouvait être imposé qu’une seule fois à l’égard de chaque produit, ce sont les fabricants qui auraient en grande partie été responsables de le percevoir.

La partie III du projet de loi initial aurait exigé que la Fondation crée, pour une période de transition de cinq ans où un manque à gagner pouvait être établi, des filiales pour le financement :

  • des arts à but non lucratif et des industries artistiques, culturelles et sportives;

  • des producteurs de tabac qui subissent une réduction permanente de leur production.

Durant son premier exercice, la Fondation aurait cédé 40 p. 100 des prélèvements à la filiale s’occupant des groupes artistiques, culturels et sportifs, et 10 p. 100 à la filiale s’occupant des producteurs de tabac.  Au cours de chacune des cinq années suivantes, ces deux montants auraient diminué de 20 p. 100 comparativement au montant initial.  Ainsi, la cinquième année, le fonds pour les arts, la culture et les sports aurait représenté 8 p. 100 du prélèvement total, et le fonds des producteurs de tabac, 2 p. 100.

Au début de la deuxième lecture, le 17 mars 1998, il y a eu rappel au Règlement pour déterminer si le projet de loi portait création « de taxes ou d’impôts » ou avait pour but l’affectation de recettes publiques, auxquels cas il ne pouvait émaner que de la Chambre des communes, conformément à l’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867.  De plus, le 25 mars, le sénateur Kinsella a demandé si le projet de loi S-13 n’était pas un projet de loi privé plutôt que public.

Le 2 avril 1998, le Président a décrété que le projet de loi S-13 était une mesure d’intérêt public instituant un prélèvement plutôt qu’une taxe et qu’il pouvait donc être examiné par le Sénat.  Il a fait remarquer que les choses doivent être considérées comme conformes ou régulières jusqu’à preuve du contraire.

Pour déterminer si le projet de loi S-13 était en fait d’intérêt privé, le Président a noté que la mesure viserait les affaires publiques puisqu’elle avait pour but de réduire l’usage du tabac chez les jeunes.  De plus, le vaste domaine auquel elle s’applique et le fait qu’elle met en cause des intérêts multiples porte à croire qu’il s’agit d’un projet de loi d’intérêt public.

Quant à savoir si le plan de prélèvement établi par le projet de loi constituait une taxe, le Président a d’abord signalé une règle disposant qu’il ne peut se prononcer sur une question juridique.  Il peut cependant, par rappel au Règlement, déterminer si le projet de loi est bien ce qu’il prétend être.  Dans ce cas-ci, le projet de loi S-13 a parlé d’un prélèvement visant à réaliser les objets de l’industrie plutôt que d’une taxe, même si les objets de l’industrie comportaient également un avantage public.  Par ailleurs, les fonds recueillis n’auraient en aucune façon fait partie des recettes du gouvernement ni ne se seraient ajoutés au Trésor.

Le projet de loi S-13 a donc été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et a fait l’objet d’un rapport présenté le 14 mai 1998.

   C. Projet de loi C-42 : Loi modifiant la Loi sur le tabac (C-71)

Le 3 juin 1998, le projet de loi C-42 : Loi modifiant la Loi sur le tabac, était présenté à la Chambre des communes.  Cette mesure législative, qui ne comportait que cinq articles, avait pour but de prolonger la période de transition prévue pour l’introduction des restrictions sur les commandites du tabac.  Dans sa forme définitive, le projet de loi C-71 prévoyait une période de transition d’une année suivant la promulgation de la Loi avant que n’entrent en vigueur les principales dispositions sur les commandites.  Ainsi, les organismes touchés auraient eu jusqu’au 1er octobre 1998 pour trouver d’autres sources de financement.

Le projet de loi C-42 proposait que les commandites en existence le 25 avril 1997, date d’entrée en vigueur de la plupart des dispositions de la Loi sur le tabac, ne soient assujetties à aucune restriction pour encore deux ans, soit jusqu’au 1er octobre 2000.  La commandite sur les lieux d’une activité pouvait se poursuivre pendant encore trois ans moyennant certaines restrictions imposées au matériel de promotion.  Après cette période de cinq ans, soit le 1er octobre 2003, la promotion des commandites du tabac aurait été complètement interdite.

À cause du projet de loi C-42, le projet de loi S-13 a été amendé à la troisième lecture au Sénat de façon à éliminer les dispositions relatives à la transition.  Puisque le gouvernement avait décidé de retarder jusqu’à un maximum de cinq ans l’interdiction des commandites, il n’était plus nécessaire de fournir un appui de transition aux groupes artistiques, culturels et sportifs pour compenser la perte de commandites(2).

Le 10 juin 1998, le projet de loi S-13 était adopté au Sénat, mais en décembre 1998, il était déclaré irrecevable à la Chambre des communes car, selon le Président, il établissait une taxe et non un prélèvement.  Or, l’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 porte que tout projet de loi « ayant pour but l’appropriation d’une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d’impôts devra originer dans la Chambre des Communes ».

PROJETS DE LOI S-20 ET S-15 : LOI SUR LA PROTECTION DES JEUNES CONTRE LE TABAC

Le projet de loi S-20 : Loi sur la protection des jeunes contre le tabac a succédé au projet de loi S-13.  Présenté au cours de la 2e session de la 36e legislature, il a été adopté par le Sénat le 5 octobre 2000, mais il est mort au Feuilleton environ deux semaines plus tard, lorsque le Parlement a été dissous.  Il a été présenté de nouveau avec le même titre sous le numéro S-15 le 7 février 2001, au début de la 1re session de la 37e législature. 

Le nouveau projet de loi diffère du projet de loi S-13 sur trois points importants : il précise que son objectif est d’imposer un prélèvement aux fabricants de produits du tabac plutôt qu’une mesure fiscale; il renforce les dispositions administratives ayant trait à la création d’une fondation, augmentant beaucoup de ce fait l’obligation de rendre compte et la transparence de l’organisme proposé; enfin, il triple le montant de l’éventuel prélèvement(3).  Le fait de préciser que le projet a pour but d’imposer un prélèvement pour les objectifs de l’industrie vise à mieux asseoir l’argument que le projet de loi n’impose pas de taxe et à donner au Président de la Chambre une marge de manœuvre afin de modifier sa décision s’il le désire(4).

La différence entre une mesure fiscale et un prélèvement n’est pas toujours claire. Dans Constitution Law of Canada, Peter Hogg précise, par exemple, que les « taxes à la commercialisation », conçues soit pour absorber les coûts d’administration d’un plan de vente ou pour égaliser les profits des producteurs, ne sont pas considérés comme étant des taxes(5).  Il note également qu’un prélèvement, ou imposition réglementaire, devra se fonder sur une autorité réglementaire valide.

Même si les impositions ne sont généralement pas considérées comme des taxes à moins que le produit ne soit versé au Trésor, le Président de la Chambre a cité Erskine May en disant que « l’argent perçu par imposition par voie législative [qui] ne doit pas être versé au Trésor, mais doit néanmoins être utilisé au profit du public en général ou à des fins qui auraient nécessité par ailleurs un financement du Trésor » a de fortes chances d’être considéré comme une taxe ou un impôt(6).

Le Président a semblé accepter que le projet de loi S-13 ne constituerait pas une mesure fiscale s’il imposait une redevance « principalement dans l’intérêt de l’industrie du tabac ». Il a toutefois conclu que l’objet du projet de loi concerne « une question d’ordre public, soit la santé des jeunes au Canada, et non, comme plusieurs députés l’ont soutenu, la création d’un avantage pour l’industrie du tabac ».  D’après lui, c’est forcer la note que de prétendre que l’objectif de réduire chez les jeunes la consommation des produits du tabac constitue un avantage pour l’industrie.

Quelle que soit l’ingéniosité avec laquelle on s’est employé à rédiger et à structurer le projet de loi de sorte qu’il ressemble à un projet de loi dont l’objet vise une industrie, objet qui améliorerait peut-être la place qu’occupe l’industrie du tabac dans notre société, le projet de loi S-13 a pour objet principal la réduction et l’élimination de la consommation du tabac.  Ceci constitue une question de santé publique et c’est en raison de cet objet d’ordre public que je suis arrivé à la conclusion que la redevance qu’impose le projet de loi S-13 sur l’industrie constitue une taxe.

Plusieurs changements marqués entre les projets de loi S-13 et S-15 dérivent de la décision du Président selon laquelle le premier impose une taxe et non un prélèvement.  Un long préambule a été ajouté pour établir que l’industrie a intérêt à empêcher les jeunes de fumer, mais qu’elle n’a pas la crédibilité voulue pour prendre l’initiative d’un tel programme.  Par ailleurs, une nouvelle partie III, Avantages pour l’industrie, a été ajoutée (article 34), énumérant les « avantages que la présente loi apporte à l’industrie canadienne du tabac », dont l’enraiement d’un marché illégal des produits du tabac et une atténuation du préjudice ainsi causé à la réputation de l’industrie.

Bon nombre des autres différences qui existent entre les projets de loi S-13 et S-15 consistent en des changements techniques et en des améliorations rédactionnelles.  Le titre abrégé du projet de loi S-15 est Loi sur la protection des jeunes contre le tabac et la Fondation s’appelle Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes.  Le titre abrégé du projet de loi S-13 était Loi sur la responsabilité de l’industrie du tabac et, dans la première version, la Fondation s’appelait Fondation canadienne de responsabilité sociale de l’industrie du tabac.  Toutefois, lorsque la troisième lecture a commencé au début de juin 1998, le sénateur Wilbert Keon a proposé un amendement qui changerait le nom de l’entité à Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes puisque, autrement, les compagnies de tabac auraient tout le loisir « de s’en prendre aux pauvres accros de la nicotine qui paient le prix fort relativement à cette fondation »(7).  Ces modifications augmentent la cohérence interne du document en rapprochant son titre abrégé et le nom de la Fondation et semblent correspondre à une « mise en ordre » de l’amendement.

La partie I du projet de loi S-15 contient les définitions et l’objet de la mesure législative, de façon semblable aux articles correspondants du projet de loi S-13 même si l’objet, énoncé à l’article 3 dans les deux cas, a été considérablement raffiné.  Il y a maintenant un triple objet :

  • donner à l’industrie canadienne du tabac le moyen de réaliser l’objectif qu’elle a déclaré au Parlement, à savoir de prévenir l’usage des produits du tabac chez les jeunes;

  • établir un cadre favorisant la coordination des mesures adoptées par le secteur privé pour protéger les jeunes contre le tabac, qui complètent les mesures entreprises par le secteur public;

  • compléter les mesures législatives générales que prévoit la Loi sur le tabac pour remédier au problème de santé publique sérieux et urgent qui existe à l’échelle nationale.

Cette disposition reformulée semble vouloir souligner que l’objet du projet de loi S-15 est d’abord de profiter à l’industrie puis de compléter – et non remplacer – les mesures du secteur public pour réduire le tabagisme chez les jeunes.  La mention d’un « problème […] sérieux et urgent » laisse entendre que l’exercice de la compétence à l’égard de la mesure législative se fonderait non seulement sur le droit criminel mais aussi sur les motifs « d’intérêt national » relatifs aux pouvoirs du Parlement de « faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement ».

La partie II du projet de loi S-15 constituerait la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes.  Les objectifs de la Fondation seraient substantiellement les mêmes que ceux énoncés dans le projet de loi S-13, mais en comprendraient un nouveau : examiner les modèles existants de lutte contre le tabagisme en Amérique du Nord et concevoir le modèle à appliquer au Canada.  Se sont également ajoutées plusieurs dispositions visant à accroître l’obligation de rendre compte. L’article 24, Transparence, dispose que « [l]’exercice des activités de la Fondation se fait en général d’une manière transparente et accessible à l’examen du public » et contient plusieurs exigences détaillées.  L’article 31, Programmes, impose des exigences d’évaluation et d’impartition, lorsque des programmes doivent être financés par la Fondation.

En outre, à la partie VI, l’article 44 prévoit que le vérificateur général ferait chaque année une vérification de la Fondation (dont cette dernière devrait assumer les frais).  L’article 46 (partie VIII) imposerait au ministre d’ordonner un examen indépendant de la Loi et de la Fondation, cinq ans après l’entrée en vigueur de la mesure, et d’en déposer le rapport devant chaque chambre du Parlement.

La partie IV établit le prélèvement pour les objectifs de l’industrie.  En vertu du projet de loi S-15, ce prélèvement serait le triple de ce qu’avait prévu le précédent, soit 0,0075 $ par cigarette, par bâtonnet de tabac ou par gramme de tabac et 0,0750 $ par cigare.

Une autre importante différence est que le projet de loi S-15 – comme celui qui l’a précédé, le projet de loi S-20 – jouit de l’appui des principales compagnies de tabac :

En juin, les compagnies de tabac ont surpris tout le monde en comparaissant devant le Comité sénatorial pour appuyer le projet de loi. Il y a quelques jours, Imperial Tobacco et JTI-Macdonald ont acheté de la publicité dans les principaux journaux pour faire valoir leur position.

La publicité de JTI-Macdonald décrit le projet de loi S-20 comme étant l’une des mesures législatives les mieux conçues pour freiner le tabagisme chez les jeunes(8).

Dans l’ensemble, la principale difficulté concernant le projet de loi viendrait des déclarations du Président concernant les « affaires publiques ».  Même si tous les projets de loi d’intérêt public comportent une certaine dose d’affaires publiques, on pourrait maintenir que, abstraction faite d’éventuels avantages pour l’industrie, éduquer les jeunes concernant les dangers du tabac est avant tout une fonction de politique publique dont devrait se charger le gouvernement et qui devrait être financée par le Trésor.  Qui plus est, le précédent qu’établirait le projet de loi S-15 pourrait fort bien inspirer de l’inquiétude.  Si l’on décrétait que le projet de loi n’impose pas de taxe, il se pourrait que des mesures semblables soient proposées par des députés sans une motion de voies et moyens.

Le tabac soulève un problème particulier, car il est généralement reconnu que le prix des cigarettes doit faire l’objet d’un plafond au-delà duquel la contrebande reprendra.  Par conséquent, les centaines de millions de dollars que permettrait de percevoir le projet de loi S-15 pourraient vraisemblablement restreindre la latitude du gouvernement en matière de taxation.

Enfin, qu’il s’agisse d’un prélèvement ou d’une taxe, le projet de loi risque fort de sembler instituer un impôt ou un prélèvement « spécialement affecté ».  Bien que bon nombre de personnes du domaine de la santé appuient énergiquement le principe d’un revenu stable pour une fondation dont l’objectif serait d’arrêter les jeunes de fumer, les gouvernements ont toujours craint de perdre leur capacité d’affecter les fonds selon les priorités qui se présentent d’un budget à l’autre.


ANNEXES

Annexe 1 :
Chronologie

1988 juin

La Loi réglementant les produits du tabac reçoit la sanction royale

1989 janvier

La Loi réglementant les produits du tabac entre en vigueur.

1991

La Cour supérieure du Québec juge la Loi réglementant les produits du tabac non valide.

1993

La Cour d’appel du Québec confirme la validité constitutionnelle de la Loi réglementant les produits du tabac.

1995 septembre

La Cour suprême du Canada juge, à cinq voix contre quatre, que la Loi réglementant les produits du tabac enfreint les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés sur la liberté d’expression.

décembre

Le ministre de la Santé publie un document intitulé La lutte contre le tabagisme – Un plan directeur pour protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens.

1996 décembre

Le ministre de la Santé présente le projet de loi C-71 : Loi sur le tabac.

1997 15 avril

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles fait rapport du projet de loi C-71 sans amendement, mais en l’accompagnant d’une recommandation pour demander l’élaboration de programmes expressément destinés à prévenir le tabagisme chez les jeunes.  Le Comité fait remarquer que les groupes artistiques, culturels et sportifs dont les activités sont commanditées par les compagnies de tabac auront besoin de fonds publics et privés au cours des trois à cinq années suivant l’adoption du projet de loi.

25 avril

Après avoir été amendé de façon à ce que les restrictions applicables aux commandites n’entrent pas en vigueur avant le 1er octobre 1998, le projet de loi C-71 reçoit la sanction royale.

1998 février

Le projet de loi S-13 est lu pour la première fois au Sénat.

avril

Le Président du Sénat juge que le projet de loi S-13 est recevable par le Sénat et celui-ci est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

mai

Le Comité présente au Sénat son rapport sur le projet de loi S-13.

3 juin

L’honorable Allan Rock, ministre de la Santé, présente un amendement à la Loi sur le tabac (projet de loi C-42) afin de prolonger jusqu’au 1er octobre 2000 ou au 1er octobre 2003 la période de transition durant laquelle les dispositions relatives à la commandite ne s’appliqueront pas, selon que la promotion est faite ou non sur les lieux de la manifestation.

9 juin

La troisième lecture du projet de loi S-13 commence. Le sénateur Nolin, coauteur du projet de loi, présente un amendement visant à supprimer les articles sur le financement transitionnel pour les groupes artistiques et sportifs.

1998 10 juin

Le projet de loi S-13 est adopté par le Sénat.

novembre

Le projet de loi S-13 est lu pour la première fois à la Chambre des communes.

2 décembre

Le Président de la Chambre des communes juge que le projet de loi S-13 n’est pas recevable par la Chambre et que l’étape de la première lecture est nulle et non avenue.

2000 5 avril

Le projet de loi S-20 : Loi sur la protection des jeunes contre le tabac, est présenté au Sénat

9 mai

Le projet de loi S-20 est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

8 juin

Les présidents de trois compagnies de tabac comparaissent devant le Comité et deux d’entre eux appuient le projet de loi S-20.

5 octobre

Le projet de loi S-20 est adopté par le Sénat.

2001 7 février

Le projet de loi S-15 : Loi sur la protection des jeunes contre le tabac, est présenté au Sénat.


Annexe 2 :
24e Rapport du Comité sénatorial permanent
des affaires juridiques et constitutionnelles
le 15 avril 1997
[Projet de loi C-71 : Loi sur le tabac]

Rapport du comité

L’honorable Sharon Carstairs, présidente du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant: 

Le mardi 15 avril 1997 

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l’honneur de présenter son 

VINGT-QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le Projet de loi C-71, Loi réglementant la fabrication, la vente, l’étiquetage et la promotion des produits du tabac, modifiant une autre loi en conséquence et abrogeant certaines lois, a, conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 13 mars 1997, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement mais avec les recommandations suivantes: 

Le tabagisme et les problèmes de santé qu’il occasionne préoccupent beaucoup les Canadiens. Le comité n’en a pas moins constaté qu’il n’y a pas de solution simple au problème. 

Le comité croit que le projet de loi C-71 n’est qu’une étape dans l’élaboration d’une stratégie intégrée visant à dissuader les jeunes de commencer à fumer et à persuader les fumeurs, jeunes et adultes, de cesser. 

Le comité tient surtout à ce qu’on élabore des programmes ciblant les jeunes et recommande qu’ils soient axés sur la motivation, multidisciplinaires, permanents et holistiques. Ils devraient dans toute la mesure du possible être conçus par des jeunes et mettre l’accent sur l’entraide entre jeunes. 

Le comité sait que les recettes de quelque 65 millions de dollars tirées chaque année de la surtaxe sur les produits du tabac sont seulement partiellement affectées à ce genre d’initiatives, et croit que le gouvernement a le devoir d’investir ces sommes dans des programmes visant tout particulièrement les pré-adolescents et les adolescents afin d’empêcher ces derniers de prendre une habitude que beaucoup d’entre eux garderont toute leur vie. 

Mais le comité recommande également au gouvernement de mettre à contribution d’autres ressources de la collectivité, y compris l’industrie du tabac elle-même, et de leur faire élaborer et financer des programmes à l’intention des jeunes. 

Par ailleurs, le comité recommande fortement au gouvernement de constituer, par des moyens publics et privés, un fonds provisoire pour soutenir les groupes artistiques, culturels et sportifs pendant qu’ils cherchent des sources de financement autres que les fabricants de produits du tabac qui commanditent actuellement leurs activités.

Les Canadiens attachent de l’importance aux événements artistiques, culturels et sportifs et ne tiennent pas à les perdre. Le comité admet que depuis cinq ans, beaucoup de groupes délaissent le parrainage des compagnies de tabac et cherchent d’autres commanditaires, et il croit qu’il y a lieu d’applaudir à leurs efforts. Mais il y a urgence dans le cas de ceux qui comptent encore sur la commandite de l’industrie du tabac et qui auront besoin de l’appui financier des secteurs public et privé au cours des trois à cinq prochaines années pour s’en affranchir. 

Le comité estime que le gouvernement doit commanditer un certain nombre d’études importantes. Ces études devraient être faites par des recherchistes indépendants et être soumises à l’examen des pairs. En premier lieu, il faudrait étudier l’utilité de faire du tabac un narcotique ou une substance toxique et les répercussions éventuelles d’une telle mesure. Cette étude aurait pour objet de permettre au gouvernement de réglementer plus efficacement les produits du tabac. Ensuite, il y aurait lieu de faire une étude afin de déterminer l’impact de la publicité et de la promotion sur la préférence des fumeurs à l’égard des marques de cigarettes et sur les nouveaux marchés, particulièrement en ce qui concerne les jeunes. 

La présidente,

SHARON CARSTAIRS


Annexe 3 :
Décision du Président sur le projet de loi S-13
Sénat
le 2 avril 1998

Projet de loi sur la responsabilité de l’industrie du tabac

Deuxième lecture-Recours au Règlement-Décision de la présidence

L’ordre du jour appelle: 

Motion de l’honorable sénateur Kenny, appuyé par l’honorable sénateur Nolin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de responsabilité sociale de l’industrie du tabac et instituant un prélèvement sur cette industrie.-(Décision de la présidence) 

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le mardi 17 mars, j’ai indiqué que je prendrais en délibéré l’important rappel au Règlement fait à propos du projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de responsabilité sociale de l’industrie du tabac et instituant un prélèvement sur cette industrie. Plusieurs sénateurs ont exprimé leur point de vue et trois documents ont été déposés par le sénateur Kenny. 

[Français] 

Le 25 mars, avec la permission du Sénat, le sénateur Kinsella a soulevé une autre question concernant la recevabilité du projet de loi. Il a demandé à la présidence de déterminer s’il ne s’agirait pas d’un projet de loi d’intérêt privé plutôt que public. J’ai revu les déclarations des sénateurs qui ont participé au débat sur le rappel au Règlement, étudié les documents déposés et examiné le projet de loi. Je suis maintenant à même de rendre ma décision sur le rappel au Règlement. 

[Traduction] 

Deux questions fondamentales ont été soulevées au sujet du projet de loi S-13 le 17 mars. La première a trait à la possibilité qu’une recommandation royale soit nécessaire. La seconde consiste à savoir si le prélèvement dont il est question est en fait une taxe. Si la réponse à l’une ou l’autre de ces questions est affirmative, à savoir que le projet de loi nécessite une recommandation royale ou qu’il crée effectivement une taxe, alors ce projet de loi «de finances» ne devrait pas émaner du Sénat, étant donné que de telles mesures sont de l’initiative de la Chambre des communes. Dans les circonstances, l’ordre portant deuxième lecture du projet de loi devrait être révoqué et le projet de loi retiré du Feuilleton. Pour répondre à ces questions, il faut d’abord réexaminer les principaux arguments exposés le 17 mars dernier. 

[Français] 

Le sénateur Lynch-Staunton, qui a porté cette question à l’attention du Sénat à l’occasion de l’appel de la deuxième lecture du projet de loi, n’a pas pris position. Il a simplement soulevé la question afin d’obtenir un éclaircissement quant à savoir s’il s’agissait d’un projet de loi de finances. C’est vraisemblablement pour la même raison que le sénateur Stollery a fait un rappel au Règlement après que la deuxième lecture du projet de loi eut été proposée officiellement. Après avoir souligné les implications financières manifestes du projet de loi, le sénateur Stollery s’est demandé s’il ne s’agirait pas effectivement d’un projet de loi de finances. Invoquant les articles 53 et 54 de la Loi constitutionnelle de 1867, ainsi que l’article 81 du Règlement du Sénat, le sénateur a fait valoir que le projet de loi semble autoriser le prélèvement d’argent qui doit servir à une fin d’intérêt public. Si cette analyse est juste, alors le projet de loi, pour reprendre les paroles du sénateur Stollery, devrait être présenté, et je cite: 

[...] par un ministre, à la Chambre des communes, et non par un sénateur, au Sénat. 

[Traduction] 

Persuadé de l’admissibilité du projet de loi, le sénateur Kenny a commencé par dire simplement qu’il ne s’agissait pas d’une mesure financière. Il a ensuite affirmé que les dispositions financières du texte «ne prévoient pas l’octroi de crédits et n’imposent pas un impôt». Développant son argument, il a signalé les dispositions qui indiquent que les fonds recueillis par le prélèvement ne sont pas des fonds publics. Il a fait remarquer notamment que les fonds qui seraient remis à la société sans but lucratif créée par la loi n’appartiendraient en aucune façon au Trésor, même si la société devait être dissoute. Il a également cité une disposition qui dit explicitement que la fondation n’est pas mandataire de Sa Majesté et que ses fonds ne sont pas des fonds publics. 

Quant à savoir si le prélèvement constitue une taxe, le sénateur Kenny a expliqué, en s’appuyant sur des extraits de la 21e édition d’Erskine May, que le prélèvement établi par le projet de loi n’est pas une taxe et, de ce fait, n’est pas soumis aux règles habituelles de procédure financière, y compris sans doute l’obligation que la mesure soit étudiée par la Chambre des communes avant de l’être par le Sénat. 

(1450) 

Comme il l’indique, cela tient au fait que le prélèvement est imposé exclusivement à l’industrie du tabac pour la réalisation d’un objectif qui lui est propre, même si cela sert aussi l’intérêt public. Enfin, pour bien asseoir son argument, il a cité l’opinion de juristes selon lesquels le prélèvement en question n’est pas une taxe. Comme l’objectif premier du prélèvement n’est pas de recueillir des fonds à des fins gouvernementales, et qu’il est imposé à des fins de réglementation, le prélèvement ne saurait constituer une taxe. 

[Français] 

Après l’intervention du sénateur Kenny, plusieurs sénateurs ont pris la parole. Le sénateur Kinsella a indiqué qu’il aimerait connaître le point de vue du gouvernement sur la question. Et le sénateur Murray est revenu à la charge avec la même question après que le sénateur Carstairs eut expliqué que, comme il ne s’agissait pas d’une mesure d’initiative ministérielle, le gouvernement n’avait pas pris position. Par contre, a-t-elle ajouté, le gouvernement était prêt à attendre la décision du Président. Le sénateur Bryden a ensuite émis des doutes quant à savoir si le prélèvement était une taxe ou non. Mais ce qui le préoccupait le plus, c’était de savoir si cette mesure ne faisait pas du gouvernement en quelque sorte un allié de l’industrie du tabac. Prenant la parole après le sénateur Murray, le sénateur Gigantès était d’avis que le Sénat ne devrait pas hésiter à exercer ses propres pouvoirs. 

[Traduction] 

Enfin, le sénateur Stewart a insisté que la vraie question - la seule question, de fait - était de savoir si le prélèvement imposait une taxe. Pour reprendre ses paroles: «[...] s’il impose une taxe ou un impôt [...], le projet de loi n’a pas sa place ici. S’il ne s’agit pas d’une taxe ou d’un impôt, la question d’une recommandation royale pour des crédits ne se pose pas.» 

Une semaine après le rappel au Règlement, le sénateur Kinsella a obtenu la permission du Sénat de revenir sur cette affaire et de poser une autre question concernant la recevabilité du projet de loi S-13. Il a demandé s’il ne s’agirait pas d’un projet de loi d’intérêt privé plutôt que public. Dans son exposé, il a signalé que la société établie par le projet de loi l’était pour le bénéfice de l’industrie du tabac. Cela étant, il s’est demandé si l’industrie ne devrait pas présenter une pétition pour proposer cette mesure, ce qui est un préalable à la présentation d’un projet de loi d’intérêt privé. Il a ensuite évoqué les quatre critères, énoncés dans Beauchesne, qui servent à déterminer si un projet de loi est d’intérêt privé ou public, et il a invité la présidence à en tenir compte. Le sénateur a également souligné le fait que le projet de loi donne à la société certains pouvoirs, notamment celui de prélever des droits. Sans être ferme dans sa conclusion, il a dit avoir l’impression qu’il s’agissait d’un projet de loi d’intérêt privé plutôt que public. 

Je tiens à remercier les honorables sénateurs qui se sont exprimés sur ce rappel au Règlement. Comme je l’ai dit au début, depuis le rappel du 17 mars dernier, j’ai eu l’occasion de passer en revue les arguments et d’examiner les documents déposés, ainsi que le projet de loi. 

J’aimerais d’abord poser une hypothèse générale. Je suis d’avis qu’il faut présumer, jusqu’à preuve du contraire, que les choses sont conformes ou régulières. Cette supposition m’indique que la meilleure règle à suivre pour le Président est d’interpréter le Règlement de manière à permettre le débat au Sénat, sauf s’il est manifeste que la question à débattre est inadmissible. 

[Français] 

Pour ce qui est de la question soulevée par le sénateur Kinsella, à savoir si le projet de loi S-13 ne devrait pas être considéré comme un projet de loi d’intérêt privé plutôt que public, j’ai suivi son conseil et j’ai examiné de près les quatre critères énoncés dans le commentaire 1055 de la sixième édition de Beauchesne. En outre, j’ai revu attentivement le projet de loi à la lumière de la définition courante d’un projet de loi d’intérêt privé. Voici ce que dit Beauchesne, qui suit d’assez près la formulation d’Erskine May, dans son commentaire 1053, et je cite: 

La loi d’intérêt privé, d’une nature toute particulière, a pour objet de conférer à certaines personnes ou à certains groupes, qu’il s’agisse de particuliers ou de sociétés, des pouvoirs ou des avantages exceptionnels, plus étendus que ceux dont ils sont normalement investis sous le régime du droit commun et qui peuvent même aller à l’encontre des règles de droit commun.

La présentation d’un projet de loi d’intérêt privé exige le dépôt d’une pétition par les parties intéressées par une telle mesure. 

Dans ce cas-ci, le sénateur Kinsella estime que s’il s’agit effectivement d’un projet de loi d’intérêt privé, il serait irrecevable du fait qu’il n’a pas été présenté au Sénat au moyen d’une pétition. D’un autre côté, s’il s’agit d’un projet de loi d’intérêt public, la pétition n’est plus nécessaire. Le sénateur Kinsella indique que les pétitionnaires éventuels seraient l’«industrie du tabac». Il ne précise toutefois pas quelles personnes ou sociétés seraient les pétitionnaires de l’industrie. D’ailleurs, le projet de loi ne définit pas l’industrie du tabac, pas plus qu’il ne précise qui en sont les membres. 

[Traduction] 

Mais quelle que soit l’«identité» de l’industrie du tabac, la première question à laquelle il faut répondre est de savoir si le projet de loi S-13 est d’intérêt privé ou d’intérêt public. 

En examinant les quatre critères servant à déterminer si un projet de loi d’intérêt privé devrait plutôt être considéré comme d’intérêt public, il y en a deux qui me font croire que le projet de loi S-13 est effectivement d’intérêt public. Le premier est le fait que la mesure vise les affaires publiques. Bien qu’on ne saurait nier que le projet de loi fait ressortir les avantages pour l’industrie, il n’est pas moins vrai que l’intérêt public est bien servi par cette initiative, dans la mesure où elle vise à réduire l’usage du tabac chez les jeunes, comme il est précisé au paragraphe 3(2) du texte. D’autre part, le vaste domaine auquel le projet de loi s’applique et le fait qu’il met en cause des intérêts multiples - c’est le troisième critère de Beauchesne - m’indique qu’il s’agit d’un projet de loi d’intérêt public. 

En l’absence de raisons m’incitant à en faire une analyse différente, je suis convaincu que le projet de loi S-13 est d’intérêt public. 

Pour ce qui regarde la première question, soulevée le 17 mars, à savoir si le projet de loi nécessite une recommandation royale, je dois conclure que ce n’est pas le cas. 

[Français] 

Le but premier d’une recommandation royale est de limiter l’autorité d’affecter des crédits du Trésor fédéral. L’article 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques définit ainsi le terme «crédit»: «autorisation donnée par le Parlement d’affecter des paiements sur le Trésor». Et «Trésor» a le sens suivant: «le total des fonds publics en dépôt au crédit du receveur général». Seuls les ministres peuvent obtenir du Gouverneur général la recommandation royale nécessaire pour affecter de tels fonds. La Constitution dispose que les projets de loi nécessitant ou comportant une recommandation royale doivent émaner de la Chambre des communes, condition qui est renforcée par l’article 81 du Règlement du Sénat. 

Dans le cas du projet de loi S-13, les fonds recueillis au moyen du prélèvement doivent être perçus par la Fondation canadienne de responsabilité sociale de l’industrie du tabac ou son mandataire. La Fondation utilisera ces fonds de la manière et aux fins qui sont énoncées dans le projet de loi. D’une part, l’article 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques définit «fonds publics» comme étant notamment des «fonds appartenant au Canada»; d’autre part, le paragraphe 33(1) du projet de loi spécifie que «la Fondation n’est pas mandataire de Sa Majesté et [que] ses fonds ne sont pas des fonds publics du Canada». En outre, il n’est aucunement question dans le projet de loi d’affecter des fonds du Trésor pour la mise en œuvre de cette mesure. 

Je ne vois donc pas en quoi ce projet de loi nécessiterait une recommandation royale. 

[Traduction] 

La seconde question posée le 17 mars est de savoir si le prélèvement proposé dans le projet de loi constitue une taxe ou non. Dans l’examen de cette question, je suis contraint de m’en tenir à la règle voulant que le président ne se prononce pas sur une question juridique. Le commentaire 168(5) de Beauchesne est clair: «Le président ne décide d’aucune question d’ordre constitutionnel ou juridique, bien qu’il soit permis de soulever une question de ce genre par rappel au Règlement ou sous forme de question de privilège.» 

Mais je suis par contre autorisé à examiner le projet de loi pour déterminer s’il est bien ce qu’il prétend être. Je m’en suis tenu au sens ordinaire des termes employés et je les ai examinés pour voir si toutes les dispositions concernant la question du prélèvement étaient cohérentes. J’ai ensuite tenté de déterminer si le prélèvement proposé répond aux critères qu’on trouve aux pages 730-737 d’Erskine May et qui permettent d’établir qu’un prélèvement échappe aux règles de procédure financière qui régissent l’imposition de taxes. 

(1500) 

Si l’on s’en tient au sens ordinaire des termes du projet de loi, il est question de prélèvement plutôt que de taxe. La partie II du texte est éclairante à cet égard. Il est également clair que le prélèvement est imposé à l’industrie du tabac exclusivement. Le but du prélèvement, tel qu’énoncé, est de répondre à un objectif qui profite à l’industrie, mais qui est également dans l’intérêt public. L’article 3 indique précisément que le projet de loi a 

... pour objet de donner à l’industrie canadienne du tabac les moyens de réaliser l’objectif qu’elle s’impose publiquement de réduire l’usage du tabac chez les jeunes au Canada... 

Le prélèvement s’applique exclusivement aux produits du tabac de toute nature et sera utilisé par la fondation pour remplir sa mission, telle qu’énoncée à l’article 5. Ainsi donc, pour ce qui est du libellé du texte, je dois reconnaître que ce qui est proposé est un prélèvement, et non pas une taxe. 

[Français] 

Erskine May énonce deux critères en vertu desquels un projet de loi proposant un prélèvement n’est pas soumis aux procédures financières, notamment l’adoption d’une motion de voies et moyens qui est normalement nécessaire pour les projets de loi qui imposent une taxe. Le premier critère veut que le prélèvement soit destiné aux objets de l’industrie. Le second est que les fonds recueillis ne doivent en aucune façon faire partie des recettes du gouvernement. Erskine May donne des exemples de projets de loi qui ont été considérés comme des prélèvements et de projets de loi qui ne répondaient pas à l’un ou l’autre de ces critères, ou aux deux. Certains exemples sont relativement récents, ce qui indique que ces critères sont encore appliqués dans la pratique britannique d’aujourd’hui. Mais, ce qui est plus important, ils semblent également applicables dans la pratique canadienne. 

[Traduction] 

Le commentaire 980(1) de Beauchesne dit ceci: «Il est nécessaire de procéder d’abord à une motion de voies et moyens s’il s’agit d’imposer une nouvelle taxe». C’est le corollaire du principe de la recommandation royale puisqu’il exige la sanction de la Couronne pour constituer les revenus qui serviront plus tard à des fins d’intérêt public. Beauchesne explique ensuite les circonstances qui entourent la création d’une nouvelle taxe, dans son commentaire 980(2): 

[...] aucune motion ne peut être faite pour imposer une taxe, sauf par un ministre de la Couronne [...], et l’on ne peut non plus augmenter le chiffre d’une taxe proposée au nom de la Couronne, ni changer d’une façon quelconque l’assiette fiscale. De même, on ne peut augmenter une taxe [...], sauf sur l’initiative d’un ministre agissant pour le compte de la Couronne. 

Une motion de voies et moyens, une fois adoptée, devient une résolution de voies et moyens. Suite à cette adoption, et à partir des dispositions de la résolution, un projet de loi est présenté; après la première lecture, il est imprimé et la deuxième lecture est décidée pour la prochaine séance de la chambre. Dans la pratique canadienne, qui s’inspire du modèle britannique, tout projet de loi qui propose une nouvelle taxe doit être précédé d’une motion de voies et moyens. En l’absence d’une telle motion, tout droit proposé par un projet de loi ne serait pas considéré comme une taxe. 

Dans son intervention sur le rappel au Règlement, le sénateur Kenny a parlé du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, qui a été adopté par le Parlement précédent. Certaines dispositions de ce projet de loi, qui émanait du gouvernement, imposent un prélèvement sur la vente de supports audio vierges, qui est destiné à être réparti entre les artistes et groupes d’artistes sous forme de redevances. Le sénateur a signalé que le projet de loi ne comportait pas de recommandation royale, ce qui indiquerait pour le moins que les redevances distribuées n’étaient pas considérées comme des affectations de crédits gouvernementaux et, par conséquent, qu’elles n’étaient pas perçues sous forme de taxe. Mais il y a plus encore. Il y a une autre indication qui porte à croire que le prélèvement n’était pas regardé comme une taxe. Je puis l’affirmer parce qu’au mieux de ma connaissance, le projet de loi n’a pas été précédé d’une résolution de voies et moyens, ce qui aurait été obligatoire si les fonds recueillis avaient été considérés comme une taxe. 

En appliquant les critères d’Erskine May et à la lumière du cas du projet de loi C-32, je ne puis que considérer que le prélèvement proposé par le projet de loi S-13 n’est pas une taxe du point de vue de la procédure. Par conséquent, le projet de loi n’est pas soumis aux règles habituelles de procédure financière selon lesquelles c’est l’autre endroit qui devrait d’abord en être saisi. 

Je déclare que le projet de loi peut être examiné par le Sénat. Le débat en deuxième lecture peut donc commencer. 


Annexe 4 :
Décision du Président sur le projet de loi S-13
Chambre des communes
le 2 décembre 1998

Le Président: Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le recours au Règlement soulevé le 18 novembre 1998 par le leader du gouvernement à la Chambre, à propos de la recevabilité du projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes et instituant un prélèvement sur l’industrie du tabac. 

[Français] 

Je veux d’abord remercier l’honorable leader du gouvernement à la Chambre et l’honorable députée de St. Paul’s de leur contribution savante à la discussion de ce sujet. 

Je veux également remercier les autres députés qui sont intervenus sur ce rappel au Règlement, soit les honorables députés de Macleod, Winnipeg-Centre-Nord, Pictou—Antigonish—Guysborough, Haldimand—Norfolk—Brant, Esquimalt—Juan de Fuca, Hillsborough, Kamloops, Thompson and Highland Valleys, Pierrefonds—Dollard, Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, Lac-Saint-Louis, Delta—South Richmond, Whitby—Ajax, Burnaby—Douglas et Wentworth—Burlington. Leurs contributions ont été très utiles pour la Présidence dans le cadre de l’examen de cette affaire. 

Nous avons entendu durant presque deux heures des arguments sur ce rappel au Règlement et, bien que je ne me propose pas de passer en revue ces arguments dans les détails, je demande à la Chambre de faire preuve de patience à mon égard pendant que j’expliquerai les faits de l’affaire dont nous sommes saisis et des conclusions que j’en ai tiré. 

[Traduction] 

Le projet de loi S-13 constitue la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes, personne morale sans but lucratif dont la mission est de réduire l’usage des produits du tabac chez les jeunes au Canada. À cette fin, le projet de loi S-13 propose qu’un prélèvement soit imposé aux fabricants des produits de tabac pour fournir à la fondation les fonds nécessaires à la réalisation de sa mission. 

Le projet de loi S-13 d’initiative parlementaire vient de l’autre endroit, où il a été adopté le 10 juin 1998, et il a franchi l’étape de la première lecture à la Chambre des communes le 18 novembre 1998. 

[Français] 

Dans son rappel au Règlement, l’honorable leader du gouvernement à la Chambre allègue, pour ainsi dire, que le projet de loi S-13 propose une mesure fiscale et, à ce titre, le projet de loi n’aurait dû émaner de la Chambre des communes qu’après adoption d’une motion de voies et moyens. Pour ces raisons, il soutient que la Chambre n’a pas été saisie convenablement du projet de loi et demande à la Présidence de statuer que la Chambre des communes ne peut étudier le projet de loi. 

[Traduction] 

Avant de disposer de ce rappel quant au fond, je voudrais répondre à l’assertion faite par la députée de St. Paul’s. Elle soutient que, en ne s’en tenant pas au libellé du projet de loi et en mettant en question les dispositions précises de ce dernier, on déborde du cadre de la procédure et on tombe dans le domaine juridique, dont le Président ne devrait pas s’occuper. La députée fait valoir que la question de savoir si le projet de loi S-13 impose une taxe est une question de droit et d’interprétation juridique et que, partant, elle ne relève pas normalement de la compétence du Président. 

1510   

La proposition générale selon laquelle le Président ne décide d’aucune question juridique est énoncée dans Beauchesne, 6e édition, commentaire 168(5), à la page 51. Mais la députée de St. Paul’s n’a pas invoqué ce commentaire. Les exemples cités dans Beauchesne portaient sur des questions qui ne pouvaient être considérées que comme des questions juridiques et qui ne comportaient pas d’aspect de procédure. Dans les deux cas, la question était de savoir si la proposition législative devant la Chambre relevait des pouvoirs législatifs de la Chambre en conformité avec la Loi constitutionnelle de 1867. 

La question que je dois examiner relativement au projet de loi S-13, à savoir si la redevance imposée par le projet de loi constitue ou non une taxe, se rapporte aux règles de procédure et aux usages de la Chambre ainsi qu’au privilège traditionnel de la Chambre à l’égard des mesures fiscales. 

Plus précisément, deux questions ont été soulevées dans ce rappel au Règlement, et elles relèvent toutes deux clairement de ma compétence à titre de Président. Premièrement, est-ce qu’une motion des voies et moyens est nécessaire dans le cas du projet de loi S-13? Deuxièmement, est-ce que ce projet de loi aurait dû émaner de la Chambre et non de l’autre endroit? Ces deux questions dépendent toutefois de la réponse qui doit être donnée à une troisième question: est-ce que le projet de loi S-13 impose une taxe? Dans l’affirmative, une motion des voies et moyens s’impose et le projet de loi aurait dû émaner de la Chambre. 

Il faut nécessairement répondre à cette troisième question pour pouvoir trancher les questions de procédure et de privilège. Pour cette raison, bien qu’il se peut que cette question fiscale soit qualifiée de question juridique—et, dans un autre contexte, à l’extérieur de la Chambre, qu’elle soit soulevée et considérée comme une question juridique—elle est considérée ici uniquement comme faisant partie intégrante d’une question de procédure et de privilège parlementaire. Par conséquent, il convient que je tranche cette question maintenant. 

[Français] 

Dans sa présentation, l’honorable leader du gouvernement à la Chambre a fait valoir que le projet de loi S-13 aurait dû émaner de la Chambre des communes puisqu’il impose une taxe. 

L’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 est libellé comme suit, et je cite: 

Tout bill ayant pour but l’appropriation d’une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d’impôts, devra originer dans la Chambre des Communes. 

Par ailleurs, comme le dit la citation 980, à la page 274 de Beauchesne, 6e édition, les projets de loi qui imposent une taxe doivent être précédés de l’adoption d’une motion de voies et moyens. 

Afin de sauvegarder les privilèges financiers de la Chambre des communes, chaque député de cette Chambre doit faire preuve de vigilance et s’assurer que chaque projet de loi présenté devant la Chambre respecte ce critère. 

L’article 80 du Règlement est catégorique à ce sujet et se lit, en partie, comme suit: 

Il appartient à la Chambre des communes seule d’attribuer des subsides et crédits parlementaires au Souverain. Les projets de loi portant ouverture de ces subsides et crédits doivent prendre naissance à la Chambre des communes[...] 

Pour résumer, la Chambre des communes fait valoir sa prééminence sur les questions financières—à savoir les dépenses publiques et la taxation—et la législation s’y rapportant doit émaner de la Chambre. 

[Traduction] 

Afin de savoir si le projet de loi S-13 a été présenté régulièrement à la Chambre, la présidence doit déterminer s’il impose une taxe. Si tel est le cas, le projet de loi aurait dû émaner de la Chambre des communes et être précédé d’une motion des voies et moyens. 

Les députés comprendront que cette affaire comporte des questions de nature technique complexes. C’est pourquoi la présidence a apporté un soin particulier à l’étude des autorités pertinentes sur le sujet. J’ai consulté de façon approfondie les ouvrages d’Erskine May et je suis d’avis qu’ils constituent une source d’information complète et fiable sur les questions de procédure financière. Je demande à la Chambre d’être patiente pendant que je vais faire l’exposé du problème qui nous occupe. 

1515   

Comme les députés le savent, la procédure financière concerne principalement l’autorisation des dépenses publiques et l’imposition. On a fait valoir que la redevance proposée par le projet de loi S-13 n’était pas une taxe parce que les fonds perçus ne seront pas versés au Trésor. 

Sous la rubrique «Question nécessitant une autorisation par voie de résolution des voies et moyens», May écrit, à la page 777 de la 22e édition: 

Même si les impositions ne sont pas généralement des redevances prélevées sur les contribuables [c’est à dire des taxes] à moins que le produit ne soit versé au Trésor, l’absence d’obligation de versement au Trésor n’est pas en soi une indication concluante qu’il ne s’agit pas d’un prélèvement sur les contribuables. Si, par exemple, l’argent perçu par imposition par voie législative ne doit pas être versé au Trésor, mais doit néanmoins être utilisé au profit du public en général ou à des fins qui auraient nécessité par ailleurs un financement du Trésor, il est probablement nécessaire que cette imposition soit autorisée par une résolution de voies et moyens. 

Autrement dit, si une redevance permet de recueillir des fonds qui sont versés au Trésor, elle constitue une taxe. Même si les fonds sont dirigés ailleurs, la redevance peut tout de même être une taxe. Toutefois, une redevance ne peut être considérée comme une taxe, et donc échapper aux contraintes habituelles de la procédure financière, que si elle est prélevée aux fins d’une industrie. 

Par conséquent, le rappel au Règlement, ainsi que je le vois, dépend de la nature de la redevance prévue dans le projet de loi S-13 et de son objet. Un examen plus poussé du projet de loi s’impose donc. 

Il a été soutenu que le projet de loi S-13 imposait un prélèvement «aux fins d’une industrie». Au chapitre 32, consacré aux voies et moyens et aux projets de loi financiers, dans la 22e édition de May, nous pouvons lire ce qui suit, à la page 779: 

Les prélèvements sur les employeurs dans une industrie en particulier afin de constituer un fonds destiné à financer des activités dont bénéficiera l’industrie ne sont pas normalement considérés comme des redevances [c’est-à-dire des taxes]. 

May ajoute: 

La législation moderne, toutefois, prévoit fréquemment l’imposition d’autres types de droits ou de paiements qui, bien qu’ils ne constituent pas une taxe dans le sens propre du terme, comportent suffisamment de caractéristiques de la taxation pour qu’ils doivent être traités comme des «redevances prélevées sur les contribuables» et donc être autorisés par résolution des voies et moyens proposée par un ministre. Cette distinction entre les types de paiements qui sont ou non visés par les règles de la procédure financière n’est pas toujours claire en pratique. 

En d’autres termes, la question centrale en l’espèce est de savoir si le prélèvement imposé par le projet de loi S-13 est une redevance imposée principalement dans l’intérêt de l’industrie du tabac. Si tel est le cas, la redevance ne constituerait pas une taxe. 

Encore ici, May est utile, car il décrit un cas qui présente des similitudes avec le projet de loi S-13, soit le projet de loi britannique intitulé «Merchant Shipping Bill» de 1973-1974. Ce projet de loi obligeait les importateurs de pétrole à contribuer à un fonds international à des fins d’indemnisation pour les dommages imputables à la pollution par le pétrole. Dans la 21e édition, à la page 731, May écrit ceci: 

Il était si évident que cette imposition n’était pas au profit de l’industrie concernée qu’il a été décidé qu’elle constituait une taxe malgré le fait que son produit n’était pas versé au Trésor. 

En dernière analyse, il a été décidé que le projet de loi en question était régi par les règles de la procédure financière et que, par conséquent, il devait être précédé d’une résolution de voies et moyens avant d’être étudié par la Chambre des communes du Royaume-Uni. 

[Français] 

Dans le cas qui nous occupe, j’ai examiné la question de savoir si la Chambre a déjà eu affaire à un projet de loi prévoyant un prélèvement sur une industrie. Au cours de la deuxième session de la 35e législature, le projet de loi C-32 intitulé, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, prévoyait l’imposition d’une redevance sur les bandes sonores vierges. 

1520   

Cette industrie bénéficiait de cette redevance puisque cette dernière permettait la reproduction d’éléments audio visés par le droit d’auteur à des fins personnelles. Cela aurait pour effet de faire croître le marché pour les bandes sonores vierges. La redevance sur les bandes sonores était destinée à percevoir des fonds permettant d’indemniser les propriétaires de droits d’auteur pour les pertes subies du fait de la reproduction de ces éléments à des fins personnelles. Le lien entre l’avantage pour l’industrie et l’imposition de la redevance semble clair dans ce cas. La redevance semble satisfaire le critère selon lequel elle constituait un avantage pour l’industrie et ne constituerait donc pas une taxe. 

Le projet de loi C-32 n’a pas été subordonné aux procédures financières habituelles et n’a pas été précédé d’une motion de voies et moyens. 

[Traduction] 

Dans le cas du projet de loi S-13, la présidence doit déterminer la nature de la redevance imposée par celui-ci. On a fait valoir que la redevance est un prélèvement dont l’industrie du tabac bénéficie. Pour étayer ce point de vue, on nous renvoie à l’article 3 du projet de loi à l’intertitre «Objet», dont le paragraphe (1) est formulé en partie comme suit: 

(1) La présente loi a pour objet de donner à l’industrie canadienne du tabac les moyens de réaliser l’objectif qu’elle s’impose publiquement de réduire l’usage du tabac chez les jeunes au Canada... 

Je mettrai de côté sans faire de commentaire la question de savoir si l’industrie a affirmé publiquement qu’elle avait pour objectif la réduction du nombre de fumeurs dans un segment quelconque de la population.

Permettez-moi seulement de continuer la citation du paragraphe (1) de l’article 3, qui précise comme suit l’objet du projet de loi pour réduire la consommation des produits du tabac chez les jeunes au Canada:

...du fait que: 

a) de nombreuses maladies débilitantes ou mortelles sont liées à l’usage du tabac, qui peut entraîner des  conséquences néfastes; 

b) les jeunes au Canada souffrent de dépendance envers les produits du tabac qu’ils consomment;... 

d) ces produits sont fabriqués et commercialisés, dans la mesure où les jeunes y ont accès;... 

Le texte continue au paragraphe (2) du même article, et se lit comme suit: 

(2) La présente loi vise à compléter la réponse législative générale... au grave problème de santé publique. 

Il me semble que ces énoncés montrent que l’objet du projet de loi concerne une question d’ordre public, soit la santé des jeunes au Canada et non, comme plusieurs députés l’ont soutenu, la création d’un avantage pour l’industrie du tabac. 

Il y a ceux qui disent que l’un n’empêche pas l’autre et que l’avantage pour l’industrie est tel que la redevance en question est un prélèvement et non une taxe. Les partisans de ce point de vue citent l’alinéa (1)c) de cet article 3, qui se lit comme suit: 

c) l’industrie est incapable de régler elle-même ce problème de l’usage du tabac chez les jeunes parce que, de son propre aveu, ses membres et ses mandataires manquent de crédibilité pour promouvoir la diminution de l’usage des produits du tabac; 

Sûrement, le manque de crédibilité dont il est fait mention ici fait appel au bon sens qui nous dicte que l’industrie du tabac sert ses propres intérêts, à savoir que, en tant qu’entreprise commerciale, son but premier est de faire croître ses marchés et ainsi d’augmenter ses bénéfices. Les jeunes représenteraient pour cette industrie la croissance éventuelle de son marché. Comment pourrait-il être avantageux pour l’industrie de réduire le nombre de fumeurs chez ceux-là même qui représentent la croissance de son marché? C’est cette proposition peu plausible qui sous-tend le problème de crédibilité dont le projet de loi fait mention. 

Les partisans du projet de loi font valoir que l’avantage que procure l’établissement de la fondation sur le plan des relations publiques constituerait un avantage pour l’industrie. Ils citent l’autonomie de la fondation projetée et son rôle dans la coordination, à l’échelle nationale, de la lutte au tabagisme. N’est-il pas raisonnable de supposer que, si l’industrie avait voulu améliorer son image publique de cette façon, elle aurait pu elle-même créer un organisme sans lien de dépendance comme la fondation? Pourquoi une mesure législative comme celle-ci est-elle nécessaire? 

1525   

Revenons à l’article 3, pour examiner cette fois l’alinéa (1)e), qui se lit comme suit: 

e) il est prévisible que de nouvelles restrictions seront apportées à la capacité de l’industrie de produire et vendre des produits du tabac si le taux d’usage du tabac chez les jeunes n’est pas réduit; 

On a fait valoir que cette disposition procure encore un avantage pour l’industrie puisque les activités de la fondation peuvent prévenir l’imposition d’autres restrictions à l’industrie. On anticipe de ce fait les mesures gouvernementales qui pourraient être prises dans l’avenir et on conclut que l’établissement de la fondation permettra d’éviter la nécessité d’adopter de telles mesures. Cela ne revient-il pas à dire que cette redevance dans ce projet de loi est avantageuse pour l’industrie du seul fait que des mesures futures pourraient être moins intéressantes? 

J’ai examiné avec attention tous les arguments présentés ainsi que tous les cas que les députés ont portés à mon attention, même si, dans la présente décision, je n’ai pas parlé de chacun de façon détaillée. 

Je suis forcé de conclure que la redevance imposée par le projet de loi S-13 ne vise pas à créer un avantage pour l’industrie du tabac mais vise une question d’ordre public, à savoir, la santé des jeunes au Canada, un but louable sans aucun doute. 

On cherche par le projet de loi à établir la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes dont l’objectif est de réduire et finalement d’éliminer l’usage des produits du tabac par les jeunes au Canada. Cela frise la crédulité que de vouloir prétendre que cet objectif constitue un avantage pour l’industrie du tabac. 

Quelle que soit l’ingéniosité avec laquelle on s’est employé à rédiger et à structurer le projet de loi de sorte qu’il ressemble à un projet de loi dont l’objet vise une industrie, objet qui améliorerait peut-être la place qu’occupe l’industrie du tabac dans notre société, le projet de loi S-13 a pour objet principal la réduction et l’élimination de la consommation du tabac. Ceci constitue une question de santé publique et c’est en raison de cet objet d’ordre public que j’en suis arrivé à la conclusion que la redevance qu’impose le projet de loi S-13 sur l’industrie constitue une taxe. 

Seule la Chambre des communes a le droit et l’obligation de légiférer sur des mesures financières. Seule la Chambre des communes, agissant sur l’initiative des ministres de la Couronne, peut imposer des taxes pour générer les fonds nécessaires au financement de programmes d’ordre public. J’ai l’obligation, en tant que Président de la Chambre, de faire en sorte que ces privilèges fondamentaux en matière financière ne soient pas compromis. 

En bref, les projets de loi imposant une taxe doivent émaner de la Chambre des communes et doivent être précédés d’une motion de voies et moyens. Le projet de loi S-13 impose une taxe, n’a pas émané de la Chambre des communes et, par conséquent, n’a pas été précédé d’une motion des voies et moyens. Je conclus donc qu’il n’a pas été valablement présenté à la Chambre.

En conséquence, l’étape de la première lecture est nulle et non avenue et cette affaire est rayée du Feuilleton.

Je remercie les députés de leur attention.

(L’ordre est annulé)


(1) Voir le rapport complet à la rubrique avril 1997 de l’annexe 1.

(2) Voir Débat en troisième lecture du projet de loi S-13, Hansard, 10 juin 1998 :

sénateur Nolin : Vous vous souviendrez que nous avions identifié comme lacune, lors de l’examen du projet de loi C-71 l’an dernier, toute cette question des commandites par les compagnies de tabac. Ceci nous avait amenés à introduire dans le projet de loi S-13 une série de mesures pour aider les organismes culturels et sportifs sur une période de cinq ans. Ces mesures visaient à compenser de façon régressive ce manque à gagner provenant des compagnies de tabac.

Depuis que nous avons examiné ce projet de loi en comité, le gouvernement a décidé d’introduire une modification à la Loi C-71 pour reporter l’interdiction sur les commandites pour une période de cinq ans. Alors nous devons amender en conséquence le projet de loi S-13.

(3) Pour une description des changements, voir « Loi sur la protection des jeunes contre le tabac : Projet de loi S-20 », tiré du site Web du sénateur Kenny, www.sen.parl.gc.ca/ckenny/typa.htm

(4) Voir Débat en deuxième lecture sur le projet de loi S-20, 9 mai 2000 :

sénateur Nolin : Le projet de loi S-13 n’a pas reçu l’approbation de la Chambre des communes. En corrigeant ce dernier, nous nous assurons que le projet de loi S-20 ne subira pas le même sort.

[…] [L]e projet de loi S-20 modifie le projet de loi S-13 pour s’assurer que le Président de la Chambre à l’autre endroit accepte le projet de loi S-20 non comme une mesure d’établissement d’une taxe, mais bien comme un prélèvement.

En comité, nous aurons tout le temps d’expliquer aux membres pourquoi le projet de loi S-20 vient à propos. Trois motifs rendent le projet de loi S-20 acceptable. Selon la décision du Président de la Chambre à l’autre endroit, c’est en raison du préambule. Il y a des opinions juridiques à cet effet. Ce préambule explique clairement pourquoi l’industrie du tabac, qui en ce moment subit l’opprobre populaire, n’a pas de crédibilité pour défendre, promouvoir ou contrecarrer l’évolution du tabagisme chez les jeunes alors qu’elle le voudrait. Plusieurs témoins de l’industrie ont témoigné à ce sujet, mais ils n’avaient aucune crédibilité pour le faire. De là l’importance de permettre que des fonds soient disponibles pour qu’un tel objectif soit atteint.

Le projet de loi S-20 améliore le projet de loi S-13. Il devrait obtenir l’approbation de l’autre endroit parce que l’article 3 du projet de loi établit qu’il doit y avoir une distinction entre la raison de l’établissement de la fondation – le programme d’éducation pour les jeunes – et le projet de loi. Cela peut sembler similaire, mais ce sont deux choses complètement différentes. Elles n’avaient peut-être pas été adéquatement comprises par le Président à l’autre endroit.

L’article 35 du projet de loi S-20 établit les bénéfices pour l’industrie. Vous avez là les trois raisons qui selon le savant procureur qui a examiné le dossier nous amènent à conclure que le projet de loi S-20 ne devrait pas recevoir le même sort que le projet de loi S-13. S’il obtient l’approbation de cette Chambre, lorsqu’il sera sous étude à l’autre endroit, nous avons toutes les raisons de croire que ce projet de loi y sera adopté.

(5) Carswell, édition à feuillets mobiles, paragraphe 30.10(b).

(6) Voir l’annexe 4, Décision du Président, Hansard, 2 décembre 1998.

(7) Voir Hansard, 10 juin 1998.

(8) Mark Kennedy, « Senator’s bill on tobacco levy embarrassing government », Ottawa Citizen, 25 septembre 2000, p. A11 (traduction).