PRB 99-14F
LES RÉGIMES DE TAUX DE CHANGE :
Rédaction :
TABLE DES MATIÈRES
B. Avantages et inconvénients : crédibilité et réserves C. Le Canada et les États-Unis : une zone monétaire optimale? D. Un cas spécial : les caisses démission E. Un cas spécial : ladoption dune nouvelle monnaie A. Pourquoi un taux de change flottant? B. Instabilité des taux flottants C. Quels pays devraient utiliser des taux flottants? LES RÉGIMES DE TAUX DE CHANGE :
Les événements survenus récemment au pays et à létranger ont relancé le débat sur ce qui constitue un régime de taux de change adéquat pour un pays donné. Au milieu de 1997, la Thaïlande a déclenché la crise financière en Asie lorsquelle est devenue incapable de défendre sa devise surévaluée, le baht, et quelle a dû interrompre lancrage de celle-ci au dollar américain et la laisser flotter. Au fur et à mesure que la crise prenait de lampleur, les dirigeants politiques des pays asiatiques ont été forcés de puiser dans leurs réserves de devises étrangères pour défendre leurs taux de change liés, la plupart du temps sans succès. Les pays asiatiques ont ainsi perdu des années de développement chèrement acquis à cause de cette crise, qui a même menacé la stabilité politique de lIndonésie, le quatrième pays du monde pour ce qui est de la population et un baril de poudre sur le plan politique. Au Canada (qui applique un régime de taux de change flottant), où il sest produit une dépréciation à long terme du dollar par rapport au dollar américain le dollar canadien, qui valait 1,04 $ US en mai 1974 valait moins de 65 cents US en décembre 1998 (il vaut actuellement environ 67 cents US) , on se demande de plus en plus si la faiblesse du dollar ne porte pas préjudice à la productivité et au niveau de vie des Canadiens. Ceux qui estiment que le Canada devrait abandonner le régime de taux de change flottant ont donc suggéré que celui-ci envisage dadopter un taux de change plus fixe par rapport dollar américain, et examine même les options de la dollarisation et de ladoption dune monnaie commune, peut-être nord-américaine. Le Canada est très préoccupé par le choix de son propre régime de taux de change et par le régime quadoptent dautres pays. Les avantages dun régime de taux de change interne approprié sont évidents, et toute mesure tendant à stabiliser le système financier international doit être la bienvenue. Comme lont démontré les problèmes financiers récents en Asie, il est possible, au sein dune économie mondiale, que les crises financières qui surviennent en un endroit du globe sétendent à dautres régions de la planète. Dans le présent document, nous examinons les avantages et les inconvénients des différents régimes de taux de change. Les lecteurs y trouveront des renseignements qui sont pertinents pour lexpérience canadienne; toutefois, ceux dentre eux qui désirent obtenir des informations ayant plus particulièrement trait au Canada sont priés de se reporter au texte Une devise commune pour le Canada et les États-Unis : le pour et le contre que Peter Berg a rédigé en 1999 à lintention du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. À cheval sur léconomie financière et sur léconomie réelle des biens et services, le taux de change(1) dune monnaie est un bon indicateur de la vigueur, de la stabilité et de la productivité dune économie ainsi que de la valeur de ses titres financiers. Les fluctuations du taux de change peuvent avoir un effet bien réel sur les particuliers et sur les entreprises. Si le taux de change chute, le niveau de la dette libellée en devises étrangères saccroît et le prix des importations augmente. Tout bien importé utilisé dans la production nationale devient alors plus cher, ce qui fait augmenter le prix des biens produits et peut mener à linflation. Si le gouvernement hausse ses taux dintérêt pour combattre linflation, il y aura dégringolade de la production et de lemploi. Le régime de taux de change que choisit un gouvernement peut avoir des conséquences importantes pour lensemble de léconomie. Sil opte pour un régime convenablement structuré, le pays bénéficiera dune stabilité accrue, car le taux de change est lindicateur qui permet de diriger les flux de capitaux internationaux vers les utilisations les plus productives. Sil choisit un régime mal adapté à ses besoins, il peut y avoir instabilité ainsi que crise monétaire et crise financière généralisée, comme cela sest produit récemment en Asie. Le régime de taux de change que doit choisir un pays dépend de sa situation particulière(2). En gros, ces régimes vont du régime de taux de change fixe (le cours de la monnaie nationale est fixé par rapport à la monnaie dun autre pays ou, dans les cas extrêmes, le pays adopte la monnaie dun autre pays à la place de la monnaie nationale et lui donne cours légal) au régime de taux de change flottant (le cours de la monnaie sétablit en fonction de la demande, sans aucune intervention). Le lecteur trouvera au tableau 1 les neuf principaux régimes de taux de change, du plus souple au plus rigide.
Le facteur qui sert normalement à déterminer le régime de taux de change est la vulnérabilité aux chocs extérieurs. En cas de choc externe, le régime de taux de change flottant permettra les ajustements nécessaires, tandis quen régime de taux de change fixe, ce sont les salaires et les prix qui devront sajuster. Selon la théorie économique, les petites économies ouvertes devraient fixer leur taux, tandis que le taux des grands pays devrait flotter. Le régime de taux de change est particulièrement important pour les pays en développement. Dans un pays dont le secteur financier est peu développé et dont les titres sont peu diversifiés, le taux de change constitue pour les investisseurs le principal indicateur des prix. Par conséquent, des fluctuations très marquées du taux de change déstabiliseront davantage les investisseurs sil sagit dune économie émergente que sil sagit dune économie mieux assise. En règle générale, depuis leffondrement des accords de Bretton Woods en 1973, les pays les plus importants tels que les États-Unis, le Japon et lAllemagne laissent flotter leur monnaie sur le marché mondial, tandis que les pays de plus petite taille rattachent le cours de leur monnaie à celui dune des grandes monnaies, et que les pays de taille moyenne poursuivent une approche se situant entre ces deux extrêmes. Lorsque lUnion européenne sest constituée, les monnaies des pays de lUnion ont été rattachées au cours du mark allemand; elles ont ensuite été remplacées par leuro, dont le taux de change évolue librement. Après son échec en Asie, en Russie, au Brésil et au Mexique, lapproche des régimes intermédiaires, censée présenter les avantages des deux extrêmes, est devenue très impopulaire, de nombreux économistes recommandant ladoption dun taux de change entièrement fixe ou entièrement flottant. Selon un analyste, ladoption de tout régime se situant entre le régime de taux de change fixe et le régime de taux de change flottant est par trop dangereuse(3). Cette préoccupation a pour fondement la notion de la « trinité impossible », selon laquelle un pays doit renoncer à lun ou lautre des trois objectifs suivants : la stabilité du taux de change, lindépendance monétaire et une mobilité élevée des capitaux sur la scène internationale. Dans un monde où les capitaux sont de plus en plus mobiles, un pays a trois choix : il peut adopter un taux fixe, mais il doit alors renoncer à une politique monétaire indépendante; il peut opter pour le flottement du taux de change et jouir de lindépendance monétaire, mais il doit alors renoncer à la stabilité du taux de change; il peut conserver le contrôle sur les capitaux, mais il doit alors renoncer à lintégration financière internationale. On ne saccorde pas sur un régime idéal qui conviendrait à tous les pays à toutes les époques. Le taux de change fixe et le taux de change flottant présentent tous deux des avantages et des inconvénients. Compte tenu de la mobilité croissante des capitaux, les pays doivent choisir entre la stabilité que présente un taux de change fixe et lautonomie monétaire quoffre un taux de change flottant. Si le choix dun régime de taux de change est peut-être toujours évident pour les pays tels que les États-Unis (taux de change flottant) et le Panama (dollarisation, forme extrême du taux fixe), il nen est pas de même pour la plupart des pays, qui doivent opter pour un régime se situant entre ces deux extrêmes. Les régimes intermédiaires ne recueillant pas la faveur populaire, le choix dun régime de taux de change na jamais été aussi difficile, surtout pour les économies émergentes. Il est crucial pour la coordination économique et la planification des affaires que la monnaie soit stable. Et, bien sûr, tous les pays souhaitent éviter les perturbations que causent les crises monétaires. Mais cela étant, le choix demeure difficile. Par ailleurs, au cours des 30 dernières années il y a eu, selon la Banque mondiale, davantage de crises dans les pays dont le taux de change est flottant que dans ceux ayant un régime de taux de change fixe, bien que les crises aient été plus graves dans ces derniers. Même si certains régimes conviennent mieux à certains pays quà dautres, il faut noter que les erreurs des pouvoirs publics pouvant causer une crise financière internationale peuvent se produire sous nimporte quel régime. De plus, tous les régimes de taux de change devraient être ancrés dans une réglementation du secteur financier stricte et des politiques monétaires et budgétaires appropriées. Selon plusieurs universitaires, ladoption, par lensemble des pays, dune monnaie universelle serait un moyen déliminer les crises de taux de change. Mais cette idée est généralement très vite abandonnée en raison de la forte connotation symbolique des monnaies, labsence dun prêteur mondial de dernier ressort et le consensus politique qui serait nécessaire à la mise en uvre dune telle monnaie. Dans un régime de taux de change fixe, la monnaie est rattachée à celle dun autre pays (ou dun ensemble dautres pays) à un taux fixé, et les autorités du pays ont manifesté leur intention de maintenir cette politique. Dans ce type de régime entrent les cas extrêmes de caisse démission et dadoption de la monnaie dun autre pays en remplacement de la sienne (la dollarisation, c.-à-d. ladoption du dollar US comme monnaie ayant cour légal, est un exemple particulier que nous étudions plus loin). Pour une description des questions soulevées par ladoption dun type particulier de régime de taux fixe, le lecteur est prié de se reporter au tableau 2 ci-après. En règle générale, un régime de taux de change fixe est à lavantage dun pays de petite taille 1) fortement ouvert au commerce, 2) dont la mobilité de la main-duvre est grande, 3) qui dispose de mécanismes budgétaires propres à modérer les récessions et 4) dont le cycle économique est intimement lié à celui du pays auquel sa monnaie est rattachée. Ces pays auraient avantage à former une zone monétaire optimale (ZMO)(4). Les États-Unis constituent un exemple dune ZMO; lUnion européenne, malgré sa politique monétaire et sa monnaie communes, nen est pas une à strictement parler. En outre, un tel régime serait conseillé aux pays désirant importer la stabilité monétaire associée au pays à la monnaie duquel ils désirent rattacher la leur, qui manquent dinstitutions publiques crédibles ou qui sont attaqués par des investisseurs exceptionnellement fébriles(5), car ils importeraient la stabilité monétaire du pays plus important. Il est essentiel de choisir le « bon » taux de change fixe. Si le taux choisi est trop élevé, le coût relatif des exportations augmentera et le coût relatif des importations baissera, ce qui se soldera par une escalade du déficit commercial, laquelle donnera lieu à des attaques spéculatives sur la monnaie, à la perte de devises et, à la limite, à une chute « correctrice » du taux de change. Si les banques détiennent un fort volume de titres libellés en monnaies étrangères, tout le système bancaire pourrait être mis en péril. La Thaïlande est un des pays dont les politiques budgétaires et monétaires étaient incompatibles avec son taux de change. Le baht a souffert de son rattachement au dollar, lequel sappréciait vis-à-vis du yen, traînant le baht à sa suite. La surévaluation de la monnaie thaïlandaise a suscité un énorme déficit du compte courant de ce pays (la Thaïlande commerce essentiellement avec le Japon), qui a dû être financé à même une entrée de fonds tout aussi importante provenant du reste du monde. Lorsque ces entrées de fonds se sont taries, la Thaïlande na pas eu dautre choix que de dévaluer sa monnaie (donc la laisser flotter), pour que ses exportations soient moins onéreuses et ses importations plus chères et que, conséquemment le solde de son compte courant se corrige. Les crises monétaires et les crises bancaires vont souvent de pair, car elles saccompagnent dun exode massif de capitaux, ce qui amplifie le volume des mauvaises créances, les crises monétaires et les crises bancaires. Il est donc essentiel, comme pour tous les régimes de taux de change, que le système financier fasse lobjet dune supervision et dune réglementation adéquates. B. Avantages et inconvénients; crédibilité et réserves En régime de taux de change fixe, les coûts de transaction des investissements et des opérations commerciales internationales sont plus faibles. Cela revêt une importance particulière pour le Canada, qui réalise la plupart de ses échanges avec les États-Unis. Lorsque le taux de change est constant et que les investisseurs sont convaincus quil demeurera constant, il nest nul besoin de se prémunir contre les variations du cours de la monnaie par des opérations de couverture. Il est également plus facile pour les investisseurs, les entreprises et les décideurs de faire des prévisions et des projets. Lorsquun pays décide de rattacher le cours de sa monnaie à celui de la devise dun pays ayant une inflation faible, cela peut symboliser la détermination de son gouvernement de réaliser et de maintenir une inflation basse, ce qui est surtout le cas des pays en quête de désinflation rapide par suite dune période dhyperinflation. Pour quun régime de taux de change fixe fonctionne, il faut que le pays qui ladopte soit fermement déterminé à défendre le cours fixé, même en cas de chocs externes et de pressions exercées pour quil laisse flotter la monnaie. Il doit aussi disposer de réserves suffisantes pour pouvoir défendre la monnaie contre les assauts des spéculateurs. Cette crédibilité, assise sur des réserves suffisantes et lengagement vis-à-vis de solides politiques monétaires et budgétaires, devrait convaincre les investisseurs que toute attaque contre la monnaie se ferait en pure perte et que, dans léventualité dassaut des spéculateurs, la banque centrale pourra et voudra défendre sa devise. Un pays qui adopte un régime de taux de change fixe est sensible aux crises monétaires, car un tel régime permet aux spéculateurs de faire des paris à sens unique; comme un économiste la fait remarquer, la moyenne entre une tendance à la stabilité et une tendance à la baisse est une tendance à la baisse. Pour quun régime de taux de change fixe soit crédible, il faut absolument que le pays qui en est doté maintienne des réserves monétaires suffisantes. En cas de déficit tenace de la balance courante, les spéculateurs vendront la devise, dans lespoir de la déstabiliser, car ils auront senti léventualité dune dévaluation devant rendre les exportations moins chères et les importations plus chères. Mais, si le pays dispose de réserves de change suffisantes, il pourrait les dépenser afin de défendre sa monnaie dans lespoir de « punir » les spéculateurs. La Chine dispose, par exemple, de plus de 140 milliards de dollars en réserves de change, ce qui signale clairement aux spéculateurs quelle ne pourra être contrainte à dévaluer sa devise. Bon nombre de pays mesurent lampleur de leurs réserves par rapport au niveau des biens quils importent, mais ils devraient le faire en fonction des risques de vente de lactif en cas de crise. Le maintien de réserves nest pas sans coût. Il est onéreux de défendre sa monnaie cest léquivalent dexporter sa devise et il y a toujours risque de dévaluation si les spéculateurs obligent les autorités monétaires à vendre une bonne part des réserves ou sil devient trop coûteux de maintenir le taux de change fixé. En second lieu, détenir des réserves signifie quil faut consacrer des recettes dexportation à des investissements dont le rendement est relativement faible (habituellement des bons du Trésor américains), ce qui réduit la consommation et linvestissement nationaux. Par ailleurs, le gouvernement doit verser, sur les obligations nationales quil vend dans le but dacquérir les devises, un taux dintérêt supérieur à celui quil obtient sur ses réserves. Les pays peuvent toutefois adopter différentes stratégies dinvestissement pour abaisser le coût des réserves. Il faut également du temps pour constituer des réserves, mais il est toujours possible de le réduire en contractant des emprunts à létranger qui sont assortis déchéances à plus long terme et en investissant ces fonds dans des titres internationaux liquides (cest la stratégie que la Chine a adoptée). La constitution de réserves peut aussi être passablement coûteuse, étant donné lécart entre les montants à payer sur les obligations à long terme et le rendement qui pourrait être obtenu si les fonds étaient investis en bons du Trésor américains, mais ce coût doit être évalué à la lumière des avantages que constituent les réserves. De même, une augmentation des réserves a souvent pour effet dabaisser le coût de lendettement privé et des capitaux propres(6). De plus, même si les gouvernements peuvent acquérir une certaine crédibilité grâce aux politiques quils adoptent et à limportance des réserves de change de leur pays, il nest jamais possible de jouir dune crédibilité absolue en régime de taux de change fixe. Quil soit possible pour le gouvernement de dévaluer la monnaie suffit à jeter le doute dans lesprit des investisseurs ? plus la crédibilité perçue est faible, plus le doute est grand. Les régimes de taux de change fixe dont la crédibilité laisse à désirer sont devenus suspects pour les mêmes raisons que les régimes intermédiaires; en fait, si un gouvernement adopte un régime de taux de change fixe peu crédible, il poursuit en fait un régime de change intermédiaire relativement flou et se trouve face aux mêmes problèmes (voir plus bas). Comme le fait remarquer un observateur :
Choisir un régime de taux de change fixe revient à sacrifier lautonomie monétaire du pays, cest-à-dire la capacité de réduire les taux dintérêt de manière à stimuler la demande intérieure en cas de récession. Si cet incitatif monétaire a pour effet dabaisser les taux dintérêt à court terme, les investisseurs seront moins portés à conserver la monnaie et le taux de change (fixe) pourrait faire lobjet dune attaque. Il y a également des conséquences à long terme qui sont incompatibles avec un taux de change fixe. Avec une politique monétaire incitative, on sattendrait vraisemblablement à une inflation plus élevée, doù une valeur déquilibre plus faible de la monnaie interne. À long terme, les taux dintérêt nominaux augmenteraient pour tenir compte des attentes dune dépréciation monétaire. Il sensuit quun taux de change fixe est contraignant pour la politique monétaire dun gouvernement. Linflation et, partant, les taux dintérêt, doivent être maintenus à des niveaux compatibles avec le taux de change choisi, ce qui assure la crédibilité du gouvernement et du taux de change. Il est également plus difficile de financer un déficit. En règle générale, la monétisation des déficits et de la dette ne cadre pas avec un taux de change fixe, sauf bien entendu si la monnaie étrangère à laquelle on a rattaché la monnaie interne fait lobjet du même genre de politique. Même les déficits financés par une dette de marché sont problématiques. Comme les déficits provoquent de lincertitude au sein du marché en ce qui concerne la politique monétaire, les investisseurs exigeraient une prime de risque. Par conséquent, même en labsence dun changement dorientation de la politique monétaire, les taux dintérêt qui vont de pair avec un taux de change fixe doivent augmenter. En régime de taux de change fixe, les chocs externes sont absorbés par des variations des prix et des salaires. Toutefois, il arrive souvent que les prix et les salaires soient relativement rigides et ne sajustent pas facilement à la baisse, notamment en raison de linfluence des syndicats et des contrats de travail. Il peut alors se produire des pressions (déséquilibres) pouvant mener à des assauts spéculatifs sur la monnaie. Il est toutefois possible quun régime de taux de change fixe soit bénéfique pour un pays en quête dune plus grande discipline, cest-à-dire qui désire maîtriser ou abaisser les salaires ou les prix. Comme nous lavons déjà noté, lorsquun tel régime est en place, les chocs économiques exode de capitaux, baisse de la productivité, etc. doivent être absorbés par les salaires et les prix. Il faut que les taux dintérêt augmentent pour que les investisseurs soient incités à augmenter leur stock de devises, ce qui permettra de réduire la demande nationale et dexercer des pressions à la baisse sur les salaires et les prix. Défendre la monnaie peut être également onéreux. Sil sagit dun relèvement des taux dintérêt, la monnaie nationale devient plus attrayante pour les investisseurs, mais cela a pour effet détouffer la croissance de léconomie nationale. De même, il peut être coûteux de dépenser les réserves de liquidités internationales, car cela revient à exporter des monnaies fortes. Même lorsque les autorités monétaires et budgétaires pratiquent des politiques saines, il est toujours possible que la monnaie du pays fasse lobjet dassauts de la part des spéculateurs. De par leur nature même, les marchés financiers sont imparfaits, car leurs participants nont pas connaissance de toutes les données de la situation. Comme la crise asiatique la démontré, les investisseurs se mettent en troupeaux, si bien que les mouvements de panique ont des effets même dans les pays dotés de politiques saines, ce qui a des conséquences désastreuses. Par conséquent,
En fin de compte, si le taux de change de même que les politiques monétaires et budgétaires internes ne conviennent pas, les flux de capitaux forceront tôt ou tard une réévaluation de la monnaie. C. Le Canada et les États-Unis : une zone monétaire optimale? Dans le débat sur la réforme du régime de taux de change du Canada, on a beaucoup parlé de léventualité de ladoption dune devise commune au Canada et aux États-Unis (ou pour toute lAmérique du Nord). Si lon fait abstraction pour le moment des obstacles politiques considérables que cette solution présenterait, il faut, pour voir si cette option convient, déterminer techniquement si le Canada et les États-Unis constituent une zone monétaire optimale et, en particulier, si les économies des deux pays sont suffisamment semblables pour justifier ladoption dune monnaie unique. Entre 1989 et 1997, les exportations interprovinciales sont passées de 22,7 à 19,7 p. 100 du PIB, tandis que les exportations internationales sont passées de 26,1 à 40,2 p. 100 du PIB(9); la majeure partie des échanges du Canada (plus de 80 p. 100) se font avec les États-Unis. Pourtant, lopportunité dune union monétaire nest pas encore établie de façon concluante. Comme le fait remarquer léconomiste en chef de la Banque Royale, John McCallum, la variabilité du taux de change associée à une devise flottante devrait théoriquement nuire au commerce puisque les entreprises doivent procéder à des opérations de couverture pour contrer le risque de change. Par conséquent, une devise commune devrait réduire le risque de change et stimuler les échanges. Or, les échanges canado-américains ont littéralement explosé durant les années 90, durant une période de très grande variabilité du taux de change(10). Parallèlement, le Canada dépend davantage des exportations de produits de base que les États-Unis (celles-ci représentent actuellement 40 p. 100 du total des exportations canadiennes), ce qui donne à penser que la structure de léconomie canadienne et celle de léconomie américaine ne sont pas suffisamment compatibles pour permettre une intégration monétaire. Il reste cependant que certaines régions du Canada ont des liens plus étroits avec les États-Unis quavec les autres régions du Canada. On pense par exemple aux liens entre le Québec et lOntario et les États qui bordent des Grands Lacs et entre la Colombie-Britannique et les États du nord-ouest des États-Unis. Le lecteur qui désire en savoir davantage sur les avantages et les inconvénients dune union monétaire est une fois de plus prié de se reporter au document de Peter Berg. Il importe cependant de noter quune union monétaire est une question politique tout autant quune question économique. À cet égard, Benjamin Cohen a fait remarquer que le choix de lunion monétaire (mais non pas de la dollarisation ou de ladoption dune autre devise) était toujours motivé par des considérations politiques(11). D. Un cas spécial : les caisses démission Soucieux de maintenir la crédibilité de leur régime de taux de change fixe, certains pays ont envisagé dinstaurer des caisses démission, lesquelles sont garantes de lengagement du pays vis-à-vis dune politique anti-inflationniste. Il y a déjà eu des caisses démission dans plus de 60 pays et il en existe actuellement dans 14. Hong Kong est dotée dune caisse démission depuis 1983 et lArgentine, depuis 1991. Dans ce dernier pays, la caisse démission a aidé le gouvernement à juguler lhyperinflation qui y sévissait(12). La caisse démission établit le cours de la monnaie nationale, normalement pour toujours, en fonction du cours dune devise étrangère ou dun panier de devises; ce cours est défendable car la caisse démission détient des réserves de devises étrangères équivalant au minimum à une fois la valeur de la monnaie nationale au sens étroit. Les caisses démission de Hong Kong et dArgentine détiennent en réserve 1 $ US pour chaque unité monétaire locale en espèces ou en réserve dans les banques commerciales; il est possible déchanger la monnaie locale contre la monnaie de réserve. Par définition, ces caisses démission ne peuvent donc jamais être à court de réserves. La masse monétaire du pays réagit en fonction de lévolution de la balance des paiements : lorsquil y a afflux de devises étrangères dans le pays, la masse monétaire (et les réserves) saccroît et, dans la situation inverse, elle chute. Tout glissement à la baisse des réserves contraindrait la caisse démission à réduire la masse monétaire et à relever les taux dintérêt jusquà ce que le cours de la monnaie soit suffisamment attrayant pour attirer de nouveau les investisseurs. Une caisse démission présente trois grands avantages : la crédibilité (attribuable au haut niveau des réserves et à la rigidité des politiques), un niveau dinflation faible et des taux dintérêt plus élevés (la monnaie étant perçue comme stable). Elle permet également aux pays de conserver la majeure partie des recettes provenant du seigneuriage, cest-à-dire de lémission de monnaie nationale, puisque le gros des réserves de devises étrangères se trouve sous forme de titres négociables. À la différence dune banque centrale, la caisse démission ne peut faire office de prêteur de dernier ressort pour les institutions financières nationales en difficulté (bien que la caisse démission de Hong Kong puisse parfois jouer ce rôle, étant donné que les réserves quelle détient sont supérieures à une fois la masse monétaire). Lorsque la caisse démission choisit de venir en aide à une banque en difficulté en imprimant davantage de monnaie nationale, cela réduit la proportion des réserves de devises étrangères garantissant la monnaie nationale et ouvre la voie à la spéculation contre la monnaie. Le spectre de la dévaluation fait alors son apparition. Le prix à payer pour acquérir la crédibilité est, nous le rappelons, labandon complet de la politique monétaire comme moyen dintervention, même lors des ralentissements économiques. (Léventualité dun retour au flottement de la monnaie est néanmoins toujours présente, puisque lon ne peut jamais être totalement certain du comportement des pouvoirs publics.) Si elle fonctionne correctement, la caisse démission est extrêmement contraignante en matière monétaire et budgétaire : il nest plus possible déponger les déficits publics en faisant marcher la planche à billets et il devient nécessaire pour ce faire de vendre des titres de lÉtat; on ne peut avoir recours aux taux dintérêt pour stimuler léconomie et les ajustements doivent se faire par lentremise des salaires et des prix.
Outre qu'elle ne pourrait abaisser les taux dintérêt afin de stimuler une économie stagnante, la caisse démission serait forcée, en cas de chute des réserves de changes, de réduire la masse monétaire et de relever les taux dintérêt jusquà ce que ces derniers soient suffisamment élevés pour que les ventes de monnaie nationale cessent. « En principe (néanmoins), ce mécanisme dautorégulation décourage la spéculation si bien que les taux dintérêt ne grimpent jamais très haut ». Les investisseurs perdraient confiance sils estimaient que la caisse démission nest pas disposée à laisser grimper les taux dintérêt à mesure que les réserves chutent(14). E. Un cas spécial : ladoption dune nouvelle monnaie Certains ont proposé que le Canada adopte carrément la devise américaine pour résoudre le problème de la grande variabilité du cours du dollar canadien. La même idée a circulé en Amérique latine et en Amérique du Sud. Certains petits pays, comme le Panama, utilisent déjà le dollar américain comme monnaie légale. Le président de lArgentine, Carlos Menem, a proposé de renoncer à une caisse démission en faveur dune pleine dollarisation(15). Comme le signalent Courchene et Harris, la dollarisation peut prendre deux formes, la dollarisation du marché (ladoption du dollar par le secteur privé) et la dollarisation au niveau politique (ladoption du dollar par le gouvernement). En pratique, ladoption dune nouvelle monnaie (ce quon appelle dollarisation lorsque le pays choisit le dollar américain) est une forme extrême du régime de taux de change fixe. Largument avancé en faveur de la dollarisation se résume ainsi : un (petit) pays qui abandonne son autonomie en matière monétaire naura plus à se soucier des fluctuations très fortes de son taux de change et les investisseurs auront donc lassurance que la monnaie de ce pays ne pourra jamais être dévaluée. Une telle pratique a également pour effet dancrer la stabilité monétaire, puisque le pays ne pourra pas imprimer de billets. Les coûts de transaction baisseront entre le pays et celui dont il a choisi la monnaie, puisquil ne sera plus nécessaire deffectuer des opérations de couverture et de convertir les devises, ce qui, en théorie, favorisera lessor des échanges commerciaux ainsi que lintégration, et encouragera lintégration à plus long terme. Dans un tel cas, le pays naura pas à se doter de réserves. Ladoption de la monnaie dun autre pays comme monnaie légale a pour revers labandon de toute autonomie en matière de politique monétaire et de politique de taux de change, puisque léconomie du pays qui choisit ce scénario est totalement dépendante dune banque centrale étrangère sur laquelle il na aucune influence. Il faut noter par ailleurs que la monnaie dun pays a une valeur symbolique considérable et que la décision de léliminer sera, au mieux, politiquement difficile. La création dune zone yen parmi les économies asiatiques supposerait, par exemple, un degré considérable de collaboration et dabdication de souveraineté impensable dans le contexte actuel. . L'adoption du dollar US par le Canada donnerait sans aucun doute à un intense débat public. Une fois éliminée la nécessité de faire marcher la planche à billets, une banque centrale ne se justifie plus et il faudrait donc probablement créer un autre prêteur de dernier ressort, qui ne pourrait cependant pas imprimer de la monnaie. Cette option pourrait séduire un pays de petite taille dont léconomie ouverte serait entravée par les fluctuations du taux de change et déjà fortement intégrée à celle du pays étranger dont il adopterait la monnaie, ou encore qui aurait une peur panique de lhyperinflation(16). À lopposé des taux de change fixes se trouvent les taux de change flottants. En régime de taux de change flottant, le cours de la monnaie est déterminé par loffre et la demande. Le nombre de pays dotés dun tel régime a augmenté régulièrement depuis le milieu des années 70 et, à lissue de la crise asiatique, de nombreux économistes ont laissé entendre que, étant donné lincapacité générale des pays en cause à défendre leur monnaie, il fallait sorienter davantage vers un flottement des monnaies(17). Toutefois, comme les taux de change fixes, les taux de change flottants présentent des avantages et des inconvénients et ne conviennent pas à tous les pays. Le Canada a un taux de change flottant depuis 1970. Actuellement, la Banque du Canada mène une politique monétaire visant à maintenir le taux dinflation à lintérieur dune fourchette variant entre 1 et 3 p. 100. Concrètement, la Banque fait varier les taux dintérêt en fonction des fluctuations du marché. En outre, la Banque juge lorientation de la politique monétaire au moyen de lIndice des conditions monétaires, lequel tient compte des fluctuations de la valeur externe du dollar. La Banque réagit souvent à une baisse de cette valeur en haussant les taux dintérêt, non pas tant pour soutenir le dollar mais pour sassurer que laction de la politique monétaire est conforme aux objectifs dinflation. Quoi quil en soit, la Banque essaie parfois soutenir temporairement la valeur externe du dollar canadien si elle estime que les marchés sont turbulents. Les tenants de ce type de régime affirment quil a pour principal avantage de permettre à léconomie dabsorber plus facilement les chocs tant externes quinternes, et de faire fonction de soupape de sécurité. Lorsque les taux de change sont fixes, les chocs externes se répercutent sur les salaires et les prix, tandis quune monnaie dont le cours flotte évolue au gré des conditions économiques, notamment des flux de capitaux ou des cycles économiques. Un tel régime est également compatible avec lautonomie monétaire et donc avec une plus grande souplesse en matière de politiques macroéconomiques; les gouvernements peuvent en effet recourir aux taux dintérêt pour stimuler ou freiner léconomie sans avoir à se soucier de défendre un cours particulier. Au Canada, les partisans dun régime de taux de change souple comme le gouverneur de la Banque du Canada, Gordon Thiessen, affirment quil a permis à léconomie canadienne dabsorber les chocs extérieurs, comme la crise financière en Asie, par le jeu des fluctuations du cours du change au lieu de modifications plus perturbatrices de la production, de lemploi et des prix. Un taux flottant aide une économie fondée sur les ressources à sadapter aux variations des cours des matières premières. Dun autre côté, un taux de change flottant se prête davantage à une forte instabilité et aux surréactions. Si linformation qui circule était toujours parfaite, les taux de change pourraient refléter fidèlement la valeur de la monnaie. Lorsquun pays perd du terrain en matière de productivité, son taux de change chuterait pour tenir compte de cette réalité. Malheureusement, la réalité est toute autre. Dans les années 80, par exemple, les fluctuations excessives que le dollar américain a enregistrées par rapport au yen japonais ne traduisaient aucun changement fondamental dans les économies américaines ou japonaises. Ces variations sexpliquent en fait par les rumeurs qui circulent sur les marchés financiers les courtiers réagissent à des rumeurs, à ce quils pensent être la conséquence des dernières décisions des pouvoirs publics. Les investisseurs ont également tendance à se mettre en troupeau, les moins compétents emboîtant le pas aux plus compétents, et le taux de change enregistre ainsi des fluctuations excessives. A. Pourquoi un taux de change flottant? Comme la crise asiatique la bien montré, il est coûteux et risqué pour un pays de défendre sa monnaie et cela nest pas toujours couronné de succès. Pour revenir à lexemple de la Thaïlande, les assauts dont a fait objet la monnaie, le baht, ont été si acharnés que le gouvernement a été contraint de laisser la monnaie flotter. En effet, comme le bath était ancré au dollar, il a été tiré vers le haut par rapport au yen à la suite de conditions économiques qui navaient rien à voir avec la Thaïlande. Cet exemple témoigne des risques que présente létablissement de liens impropres entre des devises. En régime de change flottant, les autorités nauraient eu théoriquement quà laisser tomber le baht aussi bas que lexigeait le marché. Lorsque lon laisse le marché déterminer le cours de la monnaie, il est beaucoup moins nécessaire pour un pays dintervenir sur le marché des changes pour défendre sa monnaie. (En pratique, même les pays dont le cours de la monnaie est flottant gardent en général des réserves dans léventualité de crises de liquidités à court terme, lesquelles pourraient se produire, par exemple, si lendettement à court terme devait dépasser les réserves de change, sil y avait un mouvement de panique chez les spéculateurs ou un effet de contagion.) Les régimes de taux de change flottant saccompagnent aussi explicitement de risques allant dans les deux sens. On suppose que, en régime de taux de change fixe, il ny a pas de risque pour ce qui est du change, puisque le cours de la monnaie est établi une fois pour toutes. Les investisseurs en viennent à penser quil ne leur est donc plus nécessaire de se prémunir contre une éventuelle dévaluation. Or, si le cours de la monnaie est modifié (comme en Thaïlande), les entreprises peuvent se retrouver avec des obligations et des emprunts non couverts. En régime de taux de change flottant, les entreprises et les investisseurs doivent toujours couvrir leurs achats de devises. Le taux de change permet daffecter les capitaux internationaux aux usages les plus productifs. Par exemple, sil devient plus rentable dinvestir dans des entreprises mexicaines, les investisseurs étrangers achèteront davantage de pesos, ce qui consolidera cette monnaie. Les importations du pays augmenteront, puisquelles seront désormais moins chères, et les exportations baisseront, étant devenues plus onéreuses. Par contre, si les entreprises deviennent moins rentables, les investisseurs vendront des pesos et iront ailleurs, et le cours du peso reculera(18). Par conséquent, le régime de taux de change flottant peut contribuer à prévenir laccumulation de décalages excessifs en matière de liquidités étrangères et de positions de change non couvertes. B. Instabilité des taux flottants Le taux de change réels sont beaucoup plus instables dans un régime de taux de change flottant que dans un régime de taux de change fixe, en raison des variations du taux de change nominal. Les taux de change peuvent être extrêmement instables, surtout si de gros volumes de capitaux entrent et sortent dun petit pays. Un choc frappant une banque ou un fonds de placement dans un marché émergent de petite taille pourrait déstabiliser le taux de change, au détriment du reste de léconomie. Les investisseurs peuvent perdre confiance dans une monnaie dont le taux de change décline, et il devient alors plus difficile de combattre linflation. Dans nimporte quel pays, petit ou grand, une instabilité excessive peut également freiner les mouvements de capitaux, car il est plus difficile pour les acteurs du monde économique de prévoir lavenir et de faire des projets. Cette volatilité entraîne, entre autres, un mauvais alignement des devises. Toute surréaction, à la hausse ou à la baisse, peut fausser le taux de change par rapport à ce que dicteraient normalement les facteurs économiques fondamentaux pendant des périodes pouvant dépasser deux ans. La faible valeur externe du dollar canadien actuellement et le dollar à 89 cents US de la fin des années 80 sont deux exemples de mauvais alignement(19). Le mauvais alignement des devises entraîne des coûts réels. En cas de sous-évaluation dune monnaie, lendettement vis-à-vis de létranger, libellé en devises étrangères, sera plus important (tout comme le sera le service de la dette) et linflation, plus forte. Si la monnaie est surévaluée, les exportations coûteront plus cher que ce ne serait le cas autrement, ce qui nuira à la compétitivité, aux exportations et à la balance commerciale du pays. Lappréciation du dollar canadien après lentrée en vigueur de lAccord de libre-échange a fait augmenter les coûts dadaptation de lindustrie canadienne. En préservant la compétitivité des exportations, la sous-évaluation dune monnaie réduit la nécessité pour les entreprises de procéder aux améliorations de productivité qui accroîtraient leur compétitivité à long terme. Même si les pressions qui sexercent en vue dune dévaluation en régime de taux de change fixe ne sexercent pas en régime de taux de change flottant, sous ce dernier régime, il y a toutefois risque de dévaluation à long terme. En raison de la perte de valeur que le dollar canadien a enregistrée depuis le milieu des années 70, par exemple, certains économistes laissent entendre quun régime de taux de change flottant ne convient plus au Canada et quil devrait être remplacé par une forme de taux fixe; dautres ont fait remarquer quun tel problème doit être réglé au moyen de nouvelles politiques et ne correspond pas à la définition que lon donne dune crise(20). C. Quels pays devraient utiliser des taux flottants? Traditionnellement, les taux de change flottants sont mieux adaptés aux pays de grande taille dont le commerce intérieur est relativement plus important que le commerce extérieur et qui sont moins susceptibles de se ressentir des fortes variations du taux de change. Les pays comme les États-Unis, par exemple, qui répondent à ce critère, se trouvent généralement bien dun régime de change flottant(21). Le corollaire est que les petits pays ouverts au commerce et dont léconomie dépend des investissements peuvent souffrir de fortes fluctuations des taux de change. Dans une économie de marché de petite taille où les capitaux circulent librement et où le marché de capitaux est peu développé (cest-à-dire que les investisseurs nont pas un grand choix de titres), le principal prix est le taux de change, et celui-ci peut enregistrer des variations considérables au gré des entrées et des sorties de capitaux. Le taux de change a néanmoins un effet sur léconomie réelle, soit la production de biens et de services; linstabilité du taux de change peut donc se traduire par une instabilité économique. Soucieux darrêter une fuite de capitaux qui pourrait mener à leffondrement de sa monnaie, un gouvernement peut hausser radicalement les taux dintérêt pour convaincre les investisseurs darrêter de sortir des fonds. Selon le principe de la « trinité impossible », un petit pays à léconomie ouverte qui souhaite un taux de change flottant devrait envisager la mise en uvre dune forme quelconque de contrôle des mouvements de capitaux. Ceux-ci ont cependant un prix; le lecteur qui désire en savoir plus est prié de se reporter à Global Capital Flows: Out of Control, un document rédigé par Peter Berg, de la Direction de la recherche parlementaire, pour le compte du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères en 1998. Les régimes de taux de change intermédiaires représentent un compromis entre les régimes de taux de change fixe et les régimes de taux de change flottant; ils tentent de combiner la stabilité des premiers et lindépendance en matière de politique monétaire des seconds. En règle générale, ils permettent certaines fluctuations à lintérieur dune fourchette préétablie par rapport à une devise ou à un panier de devises, lequel est rajusté régulièrement. Selon le degré de stabilité souhaité, lintervalle de variation (fourchette) peut lui aussi fluctuer. Compte tenu de lintégration financière croissante des pays et de léchec des systèmes intermédiaires en Russie, en Asie de lEst, au Brésil et au Mexique, ces systèmes sont toutefois devenus de plus en plus impopulaires; de nombreux économistes insistent désormais pour dire quil ny a dautre choix que le régime de taux de change fixe ou le régime de taux de change flottant. Selon un économiste sceptique, le flottement impur dune monnaie (avec des interventions uniquement pour aplanir des fluctuations aléatoires et les décalages à court terme entre loffre et la demande) constitue « une juxtaposition traditionnelle de beaux mots plutôt que lassociation de politiques et dinstitutions cohérentes »(22). Un des attraits des systèmes intermédaires réside dans le fait que les gouvernements qui les adoptent peuvent ajuster le taux de change (ou la fourchette de variation de leur monnaie) selon les circonstances économiques. Ce régime de taux fixe mais ajustable pose un problème, puisque les taux de change peuvent faire lobjet de spéculations allant dans un seul sens. Sil est clair pour les autorités que le taux ou la fourchette doit être modifié, cela sera également manifeste pour les marchés, qui sattaqueront peut-être alors à la monnaie. Une fois de plus, la défense de la monnaie sera coûteuse, soit sous forme de hausse des taux dintérêt ou dexportation des réserves de change. Il se pose également la question de la transparence. Il est plus difficile pour les investisseurs dévaluer ce que les gouvernements feront dans un régime intermédiaire que dans un régime de taux de change fixe ou de taux de change flottant, qui sont relativement simples. Il faut se demander si les investisseurs réagiront mieux à des règles simples quà des règles complexes(23). Ce nest pas parce que les systèmes intermédiaires soulèvent des préoccupations que personne nenvisage leur adoption. C. Fred Bergsten, directeur du Institute for International Economics, résume la problèmatique ainsi :
Il est donc partisan dun flottement contrôlé selon lequel le cours de la monnaie pourrait fluctuer de 15 p. 100 maximum de part et dautre dun point médian préétabli. Il serait possible déviter les déséquilibres à long terme en rajustant très légèrement les limites de la fourchette, ce qui rappelle les parités à crémaillère. Selon ce système, les pays du G-7 pourraient coordonner leur politique monétaire de manière à réduire au minimum linstabilité des taux de change à lintérieur dune fourchette qui soit suffisamment large pour pouvoir tenir compte des changements cycliques qui se produisent dans léconomie.
De telles approches ne semblent pas répondre aux préoccupations soulevées plus haut et ne sont peut-être que de simples solutions intermédiaires sujettes au même genre de problème. Il faut toutefois se demander si ces régimes, quils soient fixes, flottants ou mixtes, peuvent réduire ou éliminer les fluctuations excessives et les crises monétaires. Sil est impossible déliminer la spéculation sur les devises, ce qui semble être le cas dans tous les scénarios sauf celui de la monnaie universelle, la question qui se pose est simplement de savoir quelle est lapproche qui permettra de réduire au minimum la volatilité des taux de change.
Le choix dun régime de taux de change approprié demeure donc une question de politique difficile, mais il vaut la peine de répéter que tout régime peut être compromis par des politiques monétaires et budgétaires malavisées. On peut dégager certaines généralités (il nexiste pas de régime de taux de change idéal qui conviendrait à tous les pays à toutes les époques; les grands pays devraient adopter un taux flottant et les petits pays à économie ouverte devraient choisir un taux fixe), mais même ces règles ne sont pas coulées dans le béton. Il importe dexaminer à la loupe les avantages et les inconvénients de chaque régime et de tenir compte des coûts de transition à un nouveau régime de taux de change. Même alors, comme le montre lexemple du Canada, tant de variables jouent dans une économie quil nest jamais possible daffirmer sans restriction la supériorité dun régime de taux de change par rapport à un autre; les partisans dune forme ou dune autre de régime de taux de change peuvent faire valoir des arguments convaincants. La seule conclusion possible est la suivante : dans un monde où il existe une multiplicité de devises, les crises de taux de change et les réactions à ces crises persisteront. Berg, Peter. Une devise commune pour le Canada et les États-Unis : le pour et le contre. Document rédigé pour le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, 3 mars 1999. Cohen, Benjamin J. Monetary Union: The Political Dimension. Document présenté au symposium « Should Canada and the U.S. Adopt a Common Currency? », Western Washington University, 30 avril 1999. http://www.cbe.wwu.edu/cib/papers/cohen.PDF. Courchene, Thomas J. et Richard G. Harris. From Fixing to Monetary Union: Options for North American Currency Integration. Toronto, Institut C.D. Howe, juin 1999. http://www.cdhowe.org. Courchene, Thomas J. Towards a North American Common Currency: An Optimal Currency Area Analysis. Document produit pour la Sixth Bell Canada Papers Conference: « Room to Manoeuver? Globalization and Policy Convergence », Queens University, 5-6 novembre 1998. Enoch, Charles
et Anne-Marie Gulde. « Are Currency Boards a Cure for All Monetary
Problems? ». Finance and Development, décembre 1998. Fedelstein, Martin. « A Self-Help Guide for Emerging Markets ». Foreign Affairs, vol. 78, no 2, mars-avril 1999, p. 93-109. Frankel,
Jeffrey A. « The International Financial Architecture ». Brookings Institute,
Policy Brief # 51, juin 1999. McCallum,
John. « Sept considérations sur le choix d'un régime de change pour le
Canada ». Conjonctures, Banque Royale, février 1999. Yeager, Leland B. « How to Avoid International Financial Crises ». CATO Journal, vol. 17, no 3, hiver 1998. http://www.cato.org/pubs/journal/cj17n3.html. (1) Le taux de change est le prix payé en une monnaie pour obtenir la monnaie dun autre pays. Pour pouvoir acheter des biens et services ou investir dans un pays étranger, il est habituellement nécessaire dacheter la monnaie de ce pays. Le coût est fonction du taux de change. La demande de produits fabriqués par un pays (et dinvestissements également) fait augmenter le cours de la monnaie. Par ailleurs, on achète également la monnaie à des fins spéculatives, les investisseurs achetant et vendant une monnaie selon les fluctuations du taux de change auxquels ils s'attendent. Ces attentes influent souvent sur le taux de change et causent des fluctuations importantes. (2) De fait, le Fonds monétaire international a été critiqué pour avoir exigé, lors des bouleversements récents, que les pays en crise adoptent des taux de change fixes. (3) Jeffrey E. Garten, « Lessons for the Next Financial Crisis », Foreign Affairs, vol. 78, no 2, mars-avril 1999, p. 89. (4) Ce sont là les critères les plus fondamentaux. Dans les documents portant sur les ZMO, on traite de plusieurs éléments de qualification possible, dont des taux dinflation semblables, la viabilité politique et la diversification des produits de base. (5) Jeffrey A. Frankel, « The International Financial Architecture », Brookings Institute, Policy Brief #51, juin 1999. http://www.brook.edu/comm/policybriefs/pb051/pb51.htm. (6) Martin Feldstein, « A Self-Help Guide for Emerging Markets », Foreign Affairs, vol. 78, no 2, mars-avril 1999, p. 103. (7) Garten (1999), p. 89 (traduction). (8) C. Fred Bergsten, « Alternative Exchange Rate Systems and Reform of the International Financial Architecture », témoignage devant le Committee on Banking and Financial Services, Chambre des représentants des É.-U., 21 mai 1999 (traduction). http://www.iie.com/TESTMONY/fred5-21.htm. (9) Cité dans Thomas J. Courchene et Richard G. Harris, From Fixing to Monetary Union : Options for North American Currency Integration, Toronto, C.D. Howe Institute, juin 1999, p. 27n. (10) John McCallum, « Sept considérations sur le
choix d'un régime de change pour le Canada », Conjonctures, Banque royale,
février 1999, p. 3. (11) Benjamin J.Cohen, Monetary Union: The Political Dimension, document présenté au symposium « Should Canada and the U.S. Adopt a Common Currency? », Western Washington University, 30 avril 1999. (12) Charles Enoch et Anne-Marie Gulde, « Les caisses démission sont-elles une panacée monétaire? », Finances et Développement, décembre 1998, p. 40. (13) Thomas J. Courchene, « Towards a North American Common Currency: An Optimal Currency Area Analysis » (version du Congrès), Sixth Bell Canada Papers Conference, Université Queens, 5-6 novembre 1998, p. 42 (traduction). (14) Fedelstein (1999), p. 107 (traduction). (15) Courchene et Harris (1999), p. 25. (16) Bergsten (1999). (17) « Fix or Float? », Global Financial Survey, The Economist, 30 janvier 1999, p. 15. (18) Fedelstein (1999), p. 95-96. (19) Courchene et Harris (1999), p. 5. (20) Leland B. Yeager, « How to Avoid International Financial Crises », CATO Journal, vol. 17, no 3, hiver 1998. http://www.cato.org/pubs/journal/cj17n3.html. (21) Frankel (1999). (22) Yeager (1999) (traduction). (23) Frankel (1999). (24) Bergsten (1999) (traduction). (25) Frankel (1999) (traduction). |