PRB 99-31F

 

LOI CANADIENNE SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS :
EXIGENCES RELATIVES À LA RÉSIDENCE DES
ADMINISTRATEURS ET AUTRES QUESTIONS
CONCERNANT LA RÉSIDENCE

Rédaction :
Margaret Smith
Division du droit et du gouvernement

Le 7 décembre 1999


TABLE DES MATIÈRES

 

RÉSIDENCE DES ADMINISTRATEURS

LIEU DE CONSERVATION DES LIVRES DE LA SOCIÉTÉ

SIÈGE SOCIAL

LIEU DES ASSEMBLÉES D’ACTIONNAIRES


LOI CANADIENNE SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS :
EXIGENCES RELATIVES À LA RÉSIDENCE DES ADMINISTRATEURS
ET AUTRES QUESTIONS CONCERNANT LA RÉSIDENCE

La Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) comporte sept exigences relatives à la résidence. L’une d’entre elles touche l’emplacement du siège social d’une société, une autre régit le lieu des assemblées des actionnaires, deux portent sur la conservation des livres et trois concernent la résidence des administrateurs. Le présent document porte sur ces dernières.

RÉSIDENCE DES ADMINISTRATEURS

Les exigences relatives à la résidence qui sont le plus sujettes à controverse sont celles qui concernent les administrateurs; elles prévoient que :

  • le conseil d’administration doit se composer en majorité de résidents canadiens(1) (paragraphe 105(3));
  • les administrateurs ne peuvent délibérer lors des réunions que si la majorité des administrateurs présents est constituée de résidents canadiens (paragraphe 114(3));
  • tout comité du conseil d’administration d’une société doit se composer en majorité de résidents canadiens (paragraphe 115(2)).

La LCSA prévoit une exception à la règle voulant que la majorité des administrateurs soient des résidents canadiens dans le cas des sociétés de portefeuille qui gagnent au Canada moins de 5 p. 100 de leurs revenus. Pour ces sociétés, il suffit qu’un tiers des administrateurs soient des résidents canadiens (paragraphe 105(4)).

Les dispositions concernant la résidence des administrateurs, qui sont en vigueur depuis 1975, sont conçues pour répondre aux inquiétudes relatives au montant de l’investissement direct étranger au Canada. Ces préoccupations ont été formulées dans un certain nombre d’études sur l’investissement étranger au Canada, où il était question entre autres choses de la nécessité d’assurer une présence canadienne dans les conseils d’administration(2). Dans le rapport Dickerson de 1971, qui quelque quatre ans plus tard allait servir de fondement à la LCSA, il était par contre dit qu’il serait futile d’exiger d’une manière générale que les administrateurs des sociétés constituées à l’échelon fédéral soient des résidents du Canada(3).

En dépit des réflexions faite dans le rapport Dickerson, la LCSA contient des dispositions exigeant que la majorité des administrateurs d’une société régie par cette Loi, de même que la majorité des membres présents lors d’une réunion du conseil d’administration et la majorité des membres de chaque comité du conseil d’administration, soient résidents canadiens.

Outre qu’elles favorisent les intérêts canadiens et assurent une présence canadienne dans les conseils d’administration des sociétés constituées aux termes de la LCSA, les exigences relatives à la résidence visent à faire en sorte qu’il y ait des administrateurs domiciliés au Canada qui aient à rendre compte des actions de la société. Certains ont laissé entendre que les exigences relatives à la résidence favorisaient le respect de la loi, et en particulier des lois fédérales qui rendent les administrateurs responsables en ce qui concerne les actions d’une société. En outre, si les administrateurs doivent résider au Canada, il est probable qu’ils possèdent dans le pays suffisamment d’éléments d’actif pour satisfaire à des jugements.

Il est relativement facile de se soustraire aux exigences de la LCSA. L’une des façons les plus simples consiste à constituer la société dans une province qui n’impose pas les mêmes règles. Une autre façon est d’avoir recours à une convention unanime des actionnaires, une modalité prévue dans la LCSA elle-même.

La convention unanime des actionnaires permet à ceux-ci de restreindre les pouvoirs qu’ont les administrateurs de gérer et de surveiller la gestion de la société. Les actionnaires peuvent ainsi s’arroger les pouvoirs des administrateurs. Cela est particulièrement important dans le cas des filiales en propriété exclusive, car la société mère peut exercer une mainmise effective sur toutes les décisions du conseil d’administration à partir d’un point situé à l’étranger, même si la filiale demeure tenue de compter une majorité d’administrateurs qui sont résidents canadiens.

Il est aussi possible de contourner les exigences relatives à la résidence en nommant comme administrateurs des prête-nom ou des personnes qui ne reflètent pas le point de vue canadien.

Il importe également de souligner que, même si les exigences relatives à la résidence s’appliquent aux membres du conseil d’administration et à ceux de ses comités, rien n’oblige à ce que le quorum nécessaire aux réunions des comités du conseil d’administration soit composé de résidents canadiens. Il est donc possible de former des comités composés en majorité de résidents canadiens, mais de tenir des réunions et de mener des affaires sans que cette majorité y prenne part, voire sans qu’un seul Canadien soit présent.

En août 1995, Industrie Canada a publié un document de consultation intitulé Exigences relatives au lieu de résidence(4), où sont exposés divers arguments pour et contre les exigences relatives à la résidence des administrateurs ainsi que quelques options à envisager.

Dans ce document, on évoque le débat concernant la nécessité d’imposer des exigences relatives à la résidence aux administrateurs. Pour certains, de telles exigences empêchent les sociétés canadiennes à vocation mondiale de pénétrer les marchés étrangers(5). D’autres soutiennent qu’elles peuvent restreindre la venue d’investissements au Canada(6). D’autres encore pensent que de telles exigences sont aujourd’hui désuètes, car il est devenu plus important de permettre aux entreprises canadiennes de pénétrer les marchés mondiaux que de résister à l’influence des investissements étrangers sur les marchés canadiens. De plus, il est souligné dans le document de consultation que les exigences relatives à la résidence en ce qui concerne les administrateurs de société ne sont pas répandues; rares sont les pays européens ou les États américains qui en appliquent(7).

Les tenants des exigences relatives à la résidence soutiennent que celles-ci encouragent la participation canadienne aux prises de décisions, facilitent le respect et l’application des obligations juridiques, favorisent la participation canadienne au pouvoir décisionnel d’entreprises multinationales et aident les sociétés étrangères à comprendre le contexte économique, politique et social du Canada(8).

Après avoir examiné les disposition relatives à la résidence et avoir énuméré les arguments pour et contre leur maintien, on aborde, dans le document de consultation, quelques options possibles pour la révision des dispositions de la LCSA, notamment  :

  • maintenir le statu quo;
  • exiger que la majorité des administrateurs soient des résidents canadiens tout en supprimant la règle du quorum pour le conseil d’administration et l’exigence de résidence pour les comités;
  • réduire l’exigence relative à la résidence des administrateurs à un résident canadien et éliminer la règle du quorum pour le conseil et l’exigence de résidence pour les comités;
  • supprimer entièrement toutes les exigences relatives à la résidence(9).

En 1996, le Comité sénatorial des banques et du commerce a examiné les exigences relatives à la résidence des administrateurs dans le cadre de son étude sur la régie des sociétés. Les témoins qui ont donné leur avis à ce propos ou bien étaient favorables aux exigences ou bien s’y opposaient fortement.

Le Comité a jugé que les exigences relatives à la résidence devraient être maintenues pour le conseil d’administration dans son ensemble, mais dit ne pas voir la nécessité de les conserver pour les comités de celui-ci(10).

LIEU DE CONSERVATION DES LIVRES DE LA SOCIÉTÉ

La LCSA exige que certains des livres de la société soient conservés au Canada. Le paragraphe 20(1) de la LCSA prévoit que la société doit tenir, à son siège social, des livres où figurent les statuts, les règlements administratifs, les procès-verbaux des assemblées et les résolutions des actionnaires, des exemplaires de certains avis et un registre des valeurs mobilières. Si les livres des administrateurs (y compris les livres comptables) sont conservés à l’extérieur du Canada, « des livres permettant aux administrateurs d’en vérifier tous les trimestres, avec une précision suffisante, la situation financière » doivent être accessibles au Canada (paragraphe 20(5)). En vertu de la Loi, les sociétés ont le droit de conserver leurs livres et dossiers sur support informatique.

Le droit ontarien des sociétés permet aux sociétés constituées en vertu des lois provinciales de conserver les livres de la société et les livres des administrateurs à l’endroit choisi par la société, à condition que les livres puissent être inspectés au siège social de la société au moyen d’un ordinateur ou d’une autre moyen électronique.

Certains sont d’avis que la LCSA devrait être modifiée de manière à autoriser les sociétés à conserver leurs livres ailleurs, à condition que ceux-ci puissent être inspectés en ligne au siège social.

SIÈGE SOCIAL

Dans le document de consultation, on présente des arguments pour et contre l’exigence de la LCSA voulant que les sociétés aient un siège social au Canada. L’un des avantages cités est que cette exigence garantit qu’il existe un endroit pour la livraison et la signification des avis et des documents juridiques, et que cette exigence est commune à toutes les lois sur les sociétés.

LIEU DES ASSEMBLÉES D’ACTIONNAIRES

Aux termes de la LCSA, les assemblées d’actionnaires doivent être tenues au Canada, à moins que tous les actionnaires habiles à y voter ne conviennent de tenir l’assemblée à l’étranger (article 132).

Un certain nombre de lois provinciales imposent la tenue de réunions dans leur ressort, à moins que tous les actionnaires n’acceptent ou que les statuts ne précisent un autre endroit.

Étant donné que les sociétés canadiennes dont les actions sont cotées en bourse au Canada et à l’étranger ont souvent de nombreux actionnaires vivant à l’étranger, certains pensent que la LCSA devrait être modifiée de manière à permettre la tenue des assemblées d’actionnaires à l’extérieur du Canada.


(1) Le paragraphe 2(1) de la LCSA donne du « résident canadien » la définition suivante :

a) le citoyen canadien résidant habituellement au Canada;

b) le citoyen canadien qui ne réside pas habituellement au Canada, mais fait partie d’une catégorie prescrite de personnes;

c) un résident permanent, au sens de la Loi sur l’immigration, résidant habituellement au Canada, à l’exclusion d’un résident permanent ayant résidé de façon habituelle au Canada pendant plus d’un an après avoir acquis pour la première fois le droit de demander la citoyenneté canadienne.

(2) Rapport de la Commission royale d’enquête sur les perspectives économiques du Canada (1957); rapport du Groupe d’étude ad hoc sur la structure de l’industrie canadienne (1968); Investissements étrangers directs au Canada (1972).

(3) Robert W.V. Dickerson, John L. Howard et Leon Getz, Propositions pour un nouveau droit des corporations commerciales canadiennes, 1971.

(4) Industrie Canada, Loi canadienne sur les sociétés par actions, document de consultation, Exigences relatives au lieu de résidence, août 1995.

(5) Ibid., p. 1.

(6) Ibid.

(7) Ibid., p. 24.

(8) Ibid., p. 27.

(9) Ibid., p. 28 et 29

(10) Sénat du Canada, Comité sénatorial des banques et du commerce, La régie des sociétés, août 1996, p. 47.