PRB 99-33F

 

LOI CANADIENNE SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS :
COMMUNICATIONS RELATIVES AUX ACTIONNAIRES

 

Rédaction :
Margaret Smith
Division du droit et du gouvernement
Le 18 janvier 2000


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

LA LCSA DEVRAIT-ELLE ÊTRE MODIFIÉE DE MANIÈRE À CE QUE LES
INTERMÉDIAIRES SOIENT TENUS DE FOURNIR AUX ÉMETTEURS
D’ACTIONS UNE LISTE DES ACTIONNAIRES VÉRITABLES?

   A. Système du prête-nom

   B. Système du dépositaire

   C. Instruction générale canadienne 41

   D. Article 153 de la LCSA

LES RÈGLES CONCERNANT LA SOLLICITATION DE PROCURATIONS
DEVRAIENT-ELLES ÊTRE MODIFIÉES DE MANIÈRE À FACILITER LA
COMMUNICATION ENTRE LES ACTIONNAIRES?


LOI CANADIENNE SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS :
COMMUNICATIONS RELATIVES AUX ACTIONNAIRES

INTRODUCTION

Dans le cadre de son examen de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) Industrie Canada a fait paraître, en août 1995, un document de consultation intitulé Communications relatives aux actionnaires et sollicitation de procurations(1).

Parmi les questions abordées dans ce document, citons les suivantes :

  • La LCSA devrait-elle être modifiée de manière à ce que les intermédiaires soient tenus de
    fournir aux émetteurs d’actions une liste des actionnaires véritables?

  • Faudrait-il modifier la LCSA en ce qui concerne;:

a) la date de référence pour la détermination des actionnaires habiles à recevoir avis de la tenue des assemblées annuelles ou extraordinaires;

b) la période pendant laquelle l’avis de la tenue des assemblées annuelles est envoyé aux actionnaires;

c) la date de référence à des fins autres que l’avis de la tenue d’une assemblée annuelle ou extraordinaire, et le droit d’y voter?

  • La LCSA devrait-elle prévoir une date de référence fixe pour le vote afférent aux actions?

  • LA LCSA devrait-elle prévoir un droit de vote pour les actions prêtées?

  • Les règles qui régissent la sollicitation obligatoire de procurations devraient-elles être harmonisées avec les lois provinciales sur les valeurs mobilières et sur les sociétés; plus précisément :

a) Faudrait-il modifier la LCSA de manière à exiger que toutes les sociétés ayant fait appel au public soient visées par les règles relatives à la sollicitation obligatoire de procurations?

b) Faudrait-il modifier la LCSA de sorte que la direction des sociétés qui n’ont pas fait appel au public et ont moins de 50 actionnaires (plutôt que 15 comme maintenant) soit dispensée d’envoyer un formulaire de procuration à chaque actionnaire habile à recevoir avis de l’assemblée des actionnaires?

  • Les règles relatives à la sollicitation de procurations contenues dans la LCSA devraient-les être modifiées de manière à ressembler aux règles récemment adoptées par la Securities and Exchange Commission américaine, notamment pour ce qui est de faciliter les communications entre actionnaires?

Dans la présente note, nous nous contentons d’examiner les deux problèmes qui ont suscité le plus de commentaires, à savoir :

    1. La LCSA devrait-elle être modifiée de manière à ce que les intermédiaires soient tenus de fournir aux émetteurs d’actions une liste des actionnaires véritables?

    2. Faudrait-il modifier les règles concernant la sollicitation de procurations pour faciliter la communication entre les actionnaires?

LA LCSA DEVRAIT-ELLE ÊTRE MODIFIÉE DE MANIÈRE À CE
QUE LES INTERMÉDIAIRES SOIENT TENUS DE FOURNIR AUX
ÉMETTEURS D’ACTIONS UNE LISTE DES ACTIONNAIRES VÉRITABLES?

Cette question concerne avant tout les communications entre les sociétés et leurs actionnaires. Dans son document de consultation, Industrie Canada décrit trois changements qui ont influé sur la capacité des sociétés de communiquer avec leurs actionnaires : le système du prête-nom, le système du dépositaire et l’Instruction générale canadienne 41.

Le lecteur trouvera ci-dessous l’exposé de ces changements présenté dans le document de consultation.

   A. Le système du prête-nom

En vertu de la LCSA, une société par actions doit faire parvenir à ses actionnaires diverses informations comme les convocations aux assemblées, la documentation relative aux procurations et les états financiers vérifiés. L’apparition progressive de deux types d’actionnaires, à savoir les actionnaires « véritables » et les actionnaires « inscrits » complique l’envoi de ces documents.

Les actionnaires véritables sont des personnes qui ont acheté des actions et qui ont droit à des dividendes et à des gains en capital, mais qui ne sont pas nécessairement inscrites dans les registres de la société aux fins du vote aux assemblées annuelles. Habituellement, c’est un dépositaire, un courtier ou un autre intermédiaire qui est le porteur inscrit.

Dans le document de consultation, il est souligné que, depuis quelques décennies, les pratiques entourant la détention d’actions ont changé. Autrefois, les actionnaires étaient en possession de leurs certificats d’actions et ils étaient inscrits dans les registres de la société. Aujourd’hui, les actions des sociétés cotées en bourse sont inscrites sous des prête-nom, habituellement des courtiers, des institutions financières ou d’autres intermédiaires, plutôt que sous le nom des individus qui les ont achetées.

Dans le système du prête-nom, les intermédiaires détiennent les titres en tant que « prête-nom » ou « courtier » et dressent la liste des propriétaires véritables qu’ils représentent. Ainsi, les registres de l’émetteur contiennent le nom d’un intermédiaire comme actionnaire inscrit, et la société ne sait pas qui est le propriétaire véritable des actions(2).

   B. Le système du dépositaire

La croissance du système du dépositaire a creusé l’écart entre la société par actions et ses actionnaires véritables. Au cours des années 70, on a vu apparaître des dépositaires de titres, qui permettent de faciliter le commerce et le règlement des titres en supprimant la nécessité de livrer des certificats d’actions entre les intermédiaires. La plupart des titres sont maintenant détenus en dépôt pour les intermédiaires dans les organismes de compensation, et les changements de propriétaires sont inscrits sous forme de transferts comptables dans les comptes appropriés. Il en résulte que, lorsque les actions changent de mains, le registre des actionnaires de la société n’a pas besoin d’être modifié(3).

   C. L’Instruction générale canadienne 41

L’Instruction générale canadienne 41 (IGC 41) prévoit une marche à suivre qui permet aux émetteurs d’actions de communiquer avec les actionnaires non inscrits. L’IGC 41 est conçue, entre autres, pour faire en sorte que la documentation relative aux procurations, les états financiers vérifiés et les états financiers provisoires soient expédiés aux détenteurs de titres non inscrits. Industrie Canada envisage l’adoption d’un nouvel instrument national (54-101) qui permettrait à l’émetteur de communiquer directement avec les porteurs non inscrits — les investisseurs dont les titres sont inscrits sous le nom d’un organisme de compensation, d’un courtier en valeurs mobilières, d’une institution financière ou d’un autre intermédiaire et qui ne s’opposent pas à ce que leur nom, leurs adresses et leurs titres soient divulgués(4).

   D. Article 153 de la LCSA

Les obligations du propriétaire inscrit qui n’est pas le propriétaire véritable des actions d’une société sont énoncées à l’article 153 de la LCSA. Le paragraphe 153(1) se lit comme suit :

Le courtier attitré, qui n’est pas le véritable propriétaire des actions inscrites à son nom(5) ou à celui d’une personne désignée par lui, ne peut exercer des droits de vote dont elles sont assorties que sur envoi au véritable propriétaire, dès leur réception, d’un exemplaire de l’avis de l’assemblée, des états financiers, des circulaires sollicitant des procurations émanant de la direction ou d’un dissident et de tout document — à l’exception du formulaire de procuration — envoyés, par toute personne ou pour son compte, aux actionnaires aux frais de l’assemblée. Il doit également envoyer une demande écrite d’instructions sur le vote, s’il n’a pas reçu du véritable propriétaire, de telles instructions par écrit.

Le paragraphe 153(2) précise que :

Le courtier attitré, qui n’est pas le véritable propriétaire des actions inscrites à son nom ou à celui d’une personne désignée par lui, ne peut exercer les droits de vote dont elles sont assorties, ni nommer un fondé de pouvoir, que s’il a reçu du véritable propriétaire des instructions relatives au vote.

Dans son document de consultation, Industrie Canada examine la possibilité de modifier la LCSA de manière à exiger que les courtiers attitrés fournissent aux sociétés une liste de tous les propriétaires véritables d’actions qui ne s’opposent pas à être identifiés. Cette liste pourrait ensuite être utilisée par la société pour communiquer directement avec les actionnaires non inscrits au sujet de la gestion de la société.

En 1996, au cours des audiences du Comité sénatorial des banques et du commerce sur la régie des sociétés, un certain nombre de témoins ont évoqué les problèmes entourant communication avec les actionnaires. Ils ont souligné qu’il est difficile d’identifier les actionnaires, et que lorsque les actions sont détenues électroniquement, il arrive souvent que ceux-ci ne reçoivent pas les états financiers annuels ou trimestriels. Dans l’ensemble, les témoins ont dit être d’avis que le système actuel de communications avec les actionnaires ne fonctionne pas et qu’il doit être amélioré.

Le Comité sénatorial des banques et du commerce a recommandé que la LCSA soit modifiée de manière à exiger que les courtiers attitrés fournissent aux émetteurs, sur demande, et à l’intérieur d’un délai établi, une liste de tous les actionnaires véritables. Les émetteurs pourraient ainsi communiquer directement avec les actionnaires non inscrits au sujet des affaires de la société. Le Comité s’est dit d’avis que les intermédiaires devraient être autorisés à ne pas communiquer aux émetteurs le nom et adresses des actionnaires véritables qui le leur ont demandé de ne pas le faire(6).

Le Comité également souligné que la définition du courtier attitré contenue dans la LCSA devrait peut-être être élargie de manière à englober tous les intermédiaires.

LES RÈGLES CONCERNANT LA SOLLICITATION DE PROCURATIONS
DEVRAIENT-ELLES ÊTRE MODIFIÉES DE MANIÈRE À FACILITER
LA COMMUNICATION ENTRE LES ACTIONNAIRES?

Certains s’inquiètent de ce que les règles concernant la sollicitation de procurations contenues dans la LCSA empêchent la communication entre les actionnaires, ce qui gêne leur participation à la régie des entreprises.

L’article 147 de la LCSA définit la sollicitation de procurations comme suit :

  1. la demande de procuration dont est assorti ou non le formulaire de procuration;

  2. la demande de signature, de non-signature du formulaire de procuration ou de révocation de procuration;

  3. l’envoi d’un formulaire de procuration ou de toute communication aux actionnaires, concerté en vue de l’obtention, du refus ou de la révocation d’une procuration;

  4. l’envoi d’un formulaire de procuration aux actionnaires conformément à l’article 149.

Dans son document de consultation, Industrie Canada fait remarquer que, selon cette définition, de nombreuses opinions exprimées par les actionnaires, notamment dans le cadre de discussions informelles ou de lettres personnelles critiquant la direction, peuvent être considérées comme constituant une sollicitation selon l’article 147. Les violations de l’article 147 sont passibles d’une amende ainsi que d’une peine de prison. De plus, les contrevenants pourraient être obligés de préparer et d’envoyer la documentation relative aux procurations à tous les actionnaires(7).

En 1992, la Securities and Exchange Commission américaine a modifié ses règles relatives à la sollicitation de procurations afin de « promouvoir la libre discussion et le débat entre les actionnaires et l’apprentissage de ceux-ci ». De l’avis de la Commission, les règles fédérales sur la procuration empêchaient la communication entre les actionnaires ainsi que l’utilisation effective des droits des actionnaires.

Dans son document de consultation, Industrie Canada propose un certain nombre de moyens propres à faciliter la communication entre les actionnaires. Le ministère recommande d’abord que les communications verbales et écrites des actionnaires entre eux soient dispensées des règles sur la transmission des circulaires et la divulgation, dès lors que la personne qui communique ne cherche pas à obtenir une procuration et que toute communication écrite est rendue publique(8).

Les autres recommandations visant à faciliter les communications entre les actionnaires sont les suivantes :

  • modifier la définition de « sollicitation » de façon qu’un actionnaire puisse annoncer publiquement ses intentions de vote et en donner les raisons, sans avoir à respecter les règles relatives aux procurations;

  • dispenser les sollicitations faites par voie de radiodiffusion publique, d’exposé et de publication des exigences de transmission des circulaires, à la condition que la circulaire définitive soit déposée auprès du directeur nommé en vertu de la LCSA;

  • permettre aux sociétés et aux autres parties qui sollicitent des procurations d’entreprendre une sollicitation en se fondant sur une version préliminaire d’une circulaire déposée auprès du directeur;

  • obliger les sociétés à fournir aux actionnaires, en plus de la liste des actionnaires inscrits exigée actuellement, copie de la liste des véritables propriétaires qui ne s’opposent pas à la divulgation de leur identité, lorsque la société connaît leurs noms(9).

Cette question a elle aussi été soumise au Comité sénatorial des banques et du commerce au cours de ses audiences sur la régie des sociétés. Les témoins se sont déclaré en faveur d’une modification des règles relatives aux procurations, de manière à faciliter la communication avec les actionnaires. Il faudrait toutefois, ont-ils précisé, prévoir des contrôles pour empêcher les abus.

Allant dans le même sens que le document de consultation, dans lequel Industrie Canada se prononce en faveur de communications ouvertes et significatives entre les actionnaires, le Comité sénatorial des banques et du commerce a recommandé que la LCSA soit modifiée de manière à encourager et à faciliter ces communications(10).


(1) Industrie Canada, Loi canadienne sur les sociétés par actions, Document de consultation, Communications relatives aux actionnaires et sollicitation de procurations, août 1995.

(2) Ibid., p. 3 et 4. 

(3) Ibid., p. 4. 

(4) Ibid., p. 5. 

(5) Aux termes de l’article 147 de la LCSA, le « courtier attitré » est un « courtier ou négociant en valeurs mobilières tenu d’être enregistré pour faire le commerce des valeurs mobilières en vertu de toute loi applicable ».

(6) Sénat du Canada, Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, La régie des sociétés, août 1996, p. 67.

(7) Communications relatives aux actionnaires et sollicitation de procurations (1995), p. 32.

(8) Ibid., Sommaire, p. iii et iv.

(9) Ibid.

(10) La régie des sociétés (1996), p. 71.