PRB 99-35F

 

LA PROPRIÉTÉ DES JOURNAUX AU CANADA :
APERÇU DES ÉTUDES DU COMITÉ DAVEY
ET LA COMMISSION KENT

 

Rédaction :
Joseph Jackson
Division des affaires politiques et sociales
Le 17 décembre 1999


 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

   A. La rapport Davey (1970)

   B. La Commission Kent (1981)
      1. Principales conclusions
      2. Principales conclusions et recommandations
         a. Propriété et désaisissement
         b. Indépendance de la rédaction
         c. Allégements fiscaux et incitations à l’investissement
         d. Le Comité des droits de la presse
      3. Réaction au rapport du comité Kent

CONCLUSION

CHRONOLOGIE


 

LA PROPRIÉTÉ DES JOURNAUX AU CANADA :
APERÇU DES ÉTUDES DU COMITÉ DAVEY
ET DE LA COMMISSION KENT

INTRODUCTION

Au cours des cinquante dernières années, l’industrie des journaux au Canada a considérablement évolué et a dû s’adapter à de nouvelles conditions. Dans les années 50 et 60, les fusions et les monopoles se sont multipliés, sous l’effet d’une concurrence pressante pour l’obtention des recettes publicitaires. À la même époque, la pénétration rapide de la télévision dans les foyers canadiens a poussé les journaux à s’adapter en augmentant le nombre d’articles documentaires, de reportages et d’illustrations. Toutefois, au cours de cette période, le changement le plus important pour l’industrie a été la concentration progressive du capital, qui a entraîné un déclin général de la concurrence sur le marché canadien(1).

En 1911, on comptait 143 quotidiens au Canada, sommet jamais atteint depuis. À mesure que fermaient les journaux des villages, des petites villes et, plus tard, des grandes agglomérations, on a vu augmenter le nombre de localités « à un seul journal ». C’est la raison pour laquelle la concentration de la propriété des journaux au Canada a fait l’objet de deux études : en 1970, le Comité spécial du Sénat sur les moyens de communication de masse a déposé son rapport (rapport Davey) et, en 1981, la question a de nouveau été examinée par la Commission royale sur les quotidiens (Commission Kent). Les auteurs des deux documents se sont demandé si la concentration de la presse restreignait de façon déraisonnable la diversité des points de vue exprimés sur tel ou tel sujet et si une concentration excessive dans ces industries culturelles constituait une menace pour la qualité et la spécificité du journalisme canadien, en particulier en ce qui concerne l’accès à un contenu canadien.

Dans le présent document, nous donnons un aperçu des principaux points de ces deux rapports et de leurs principales recommandations au sujet de la propriété des journaux. Nous proposons aussi une chronologie des événements et des controverses qu’a connus cette industrie depuis 1970.

   A. Le rapport Davey (1970)

En 1969, le sénateur Keith Davey, qui s’intéressait beaucoup personnellement et professionnellement aux médias d’information, étant lui-même cadre publicitaire et responsable de la publicité du Parti libéral, a persuadé le Sénat de charger un comité spécial d’enquêter sur les moyens de communication de masse, particulièrement sur leur influence et sur la concentration des capitaux dans cette industrie. Même si le rapport concerne tous les médias, il s’étend longuement sur la presse écrite, un secteur qui n’avait jamais été réglementé par le gouvernement fédéral.

« Il importe […] de retenir », peut-on lire dans le rapport du Comité, « que la propriété des moyens de diffusion passe en mains de moins en moins nombreuses et que cette tendance, de l’avis même de tous les spécialistes, est tout probablement irréversible et peut-être promise à de nouveaux élans » (vol. 1, p. 7). Le Comité a affirmé que « notre pays ne devrait jamais plus tolérer que l’intérêt public, dans un domaine aussi essentiel que l’information, soit à la merci de la cupidité ou du bon vouloir d’un groupe extrêmement privilégié d’hommes d’affaires » (vol. 1, p. 11).

L’une des principales recommandations du rapport Davey concerne l’établissement d’un Conseil de surveillance de la propriété, qui aurait eu le pouvoir d’approuver ou de rejeter les fusions ou les acquisitions de journaux et de périodiques. Ce Conseil aurait dû adopter le principe de base suivant : « toutes les transactions qui augmentent la concentration de la propriété des moyens d’information sont indésirables et contraires à l’intérêt public — à moins de preuve du contraire » (vol. 1, p. 78).

Dans son rapport, le Comité reconnaissait trois types de concentration : les chaînes de journaux, les sociétés de holding multimédias et les conglomérats dont une partie des avoirs concerne les médias. Toutefois, malgré les éventuelles raisons justifiant l’étude de la concentration multimédias mettant en jeu des magazines et des journaux, le Conseil de surveillance proposé aurait dû être axé principalement sur l’examen de la propriété de la presse écrite (quotidiens et hebdomadaires).

Au sujet des critères qu’aurait dû adopter le Conseil de surveillance, il est indiqué, dans le rapport Davey, qu’ils auraient été « de nature assez subjective » (vol. 1, p. 80); il est toutefois souligné qu’au-delà de ce principe général, « il incomberait au Conseil de définir ses propres critères en matière d’intérêt public ». À cette fin, toute définition de l’intérêt public aurait tenu compte « des questions suivantes : a) la fusion proposée accroîtrait-elle les chances de survie d’un journal qui pourrait autrement disparaître? et b) à quel avenir le contenu du journal en cause semblerait-il promis, compte tenu […] des profits que rapportent ces journaux? » (vol. 1, p. 80).

Malgré l’insistance mise dans le rapport Davey sur les dangers entourant la concentration de la propriété des journaux, la question a été largement ignorée par le gouvernement de l’époque. Toutefois, comme certains éditeurs craignaient que le gouvernement ne prenne des mesures, des conseils provinciaux ont été établis en Ontario, au Québec et en Alberta au début des années 70, et des conseils équivalents ont vu le jour dans les provinces de l’Atlantique et en Colombie-Britannique au cours des années 80.

Toutefois, selon certains analystes de l’industrie, ces conseils ne sont qu’un « pâle reflet » de ce qui était envisagé dans le rapport Davey (Miller, 1998, p. 43). Aucun d’entre eux n’a rédigé de code de conduite général pour la presse, et la plupart ne mènent pas eux-mêmes leurs propres enquêtes, mais se contentent d’instruire les plaintes du public une à une. De surcroît, aucun de ces conseils ne joue un rôle actif en matière de formation, de recherche ou de développement, et très peu d’efforts sont déployés pour faire de ces associations un véhicule du dialogue entre la presse et le public.

Le 9 mai 1990, deux décennies après le dépôt du rapport du Comité spécial du Sénat sur les moyens de communication de masse, le sénateur Keith Davey a de nouveau évoqué au Sénat la question de la concentration des médias au Canada. Il a souligné que le Comité avait mis l’accent sur trois grands aspects : la concentration de la propriété, la qualité des médias et la survie de la culture canadienne. « Notre première et principale préoccupation […] résidait dans la cartellisation des médias et notamment de la presse écrite. Je dois malheureusement dire que la situation a empiré à cet égard au cours des 20 dernières années […] (Débats du Sénat, 9 mai 1990, p. 1591). Pour appuyer ses propos, le sénateur Davey a comparé la propriété groupée des quotidiens, soulignant qu’entre 1970 et 1989 la concentration des médias était passée de 45 à 57 p. 100. En dépit de la croissance et de l’influence de la télévision, a-t-il ajouté, « c’est encore la presse écrite qui règle le programme de notre société. Il est vrai que c’est la télévision qui gouverne notre réaction à ce programme, mais c’est la presse écrite qui ordonne les événements ».

   B. La Commission Kent (1981)

Au cours des années qui ont suivi la publication du rapport Davey, la prédiction du Comité quant à l’accroissement de la concentration de la propriété des journaux sur le marché canadien est devenue réalité. De nombreux journaux ont fermé leurs portes au Québec (le Montreal-Matin, le Montreal Star, à Montréal, ainsi que L'Action et le Chronicle-Telegraph, à Québec), et d’autres ont connu le même sort dans le reste du Canada, à savoir la Tribune, à Winnipeg (propriété de Southam), et le Journal, à Ottawa (propriété du groupe Thomson). Entre-temps, le groupe Thomson a fusionné ses journaux de Victoria pour former un seul quotidien, le Times-Colonist.

Les fermetures survenues à Winnipeg et à Ottawa (toutes deux le 27 août 1980) ont éliminé la concurrence directe dans ces villes entre les deux principaux groupes de presse, ce qui a incité le gouvernement fédéral à créer une commission royale sur les quotidiens, sous la présidence de Tom Kent, ancien rédacteur en chef de journal, haut fonctionnaire et professeur. Constituée en vertu d’un décret du conseil dans la semaine qui a suivi les fermetures, la Commission Kent était le premier organe enquêteur canadien à s’intéresser directement à l’industrie journalistique. Elle a réuni une quantité considérable de renseignements sur les journaux et le journalisme au Canada, et son rapport en neuf volumes demeure à ce jour une référence majeure qui détaille la structure et le fonctionnement du secteur canadien de la presse écrite.

      1. Principales conclusions

Étant donné, selon le sentiment des commissaires, que l’industrie canadienne des journaux, laissée à elle-même, en était arrivée à une situation « nettement et directement contraire à l’intérêt public », une série d’études a été entreprise pour examiner les questions suivantes :

    1. l’ampleur de la propriété dans l’ensemble du Canada;
    2. la responsabilité de l’industrie des journaux à l’égard du public;
    3. la manière dont l’industrie des journaux fonctionne;
    4. le fonctionnement des salles de presse;
    5. les agences de nouvelles canadiennes;
    6. la qualité des reportages sur les affaires publiques;
    7. la qualité du journalisme;
    8. la performance de l’industrie dans son ensemble; et
    9. l’avenir de l’industrie des journaux.

Au sujet du degré de concentration de la propriété des journaux canadiens, la Commission n’y est pas allée par quatre chemins. Dès le début de son rapport, elle déclare : « La concentration est en train d’engloutir l’édition des quotidiens au Canada. Trois chaînes détiennent les neuf dixièmes du tirage des quotidiens francophones, tandis que trois autres se partagent les deux tiers du tirage des journaux de langue anglaise » (1981, p. 1). La Commission a analysé bon nombre des raisons économiques à l’origine d’un si haut degré de monopole et de concentration dans l’industrie canadienne des journaux. Dans ce contexte, elle a reconnu que « les chaînes produisent de bons journaux; elles en produisent aussi de mauvais » et qu’il existe des différences d’une chaîne à l’autre. Elle a également concédé que l’« on peut trouver certains avantages à l’appartenance à une chaîne, principalement sur le plan de la stabilité financière ». Elle n’a toutefois guère trouvé de justification à la participation croisée, c’est-à-dire l’appartenance de chaînes de journaux à des conglomérats ayant des intérêts majeurs dans d’autres secteurs(2).

En ce qui concerne la responsabilité de l’industrie des journaux à l’égard du public, la Commission a conclu que la responsabilité première de la profession est de « chercher et de diffuser la vérité ». Parmi les gestionnaires et les propriétaires, a-t-elle expliqué, il existe tout un éventail d’opinions, allant des tenants de la notion de profit, c’est-à-dire du journal en tant qu’entreprise, à ceux qui soutiennent le principe de la responsabilité sociale dans la recherche et la diffusion de la vérité. Elle a ajouté que les journalistes placent la responsabilité sociale à l’avant-plan et que le public lecteur est généralement satisfait de l’état actuel des journaux.

Pour examiner la manière dont l’industrie des journaux fonctionne, les auteurs du rapport ont considéré la relation entre la nature de la propriété et les vues des propriétaires sur le devoir du journal à l’égard du public, ainsi que la mesure dans laquelle les propriétaires influent sur le pourcentage du revenu du journal qui est réinvesti dans le contenu rédactionnel. La Commission a conclu que la plupart des propriétaires qui font partie de conglomérats ont tendance à consacrer un plus petit pourcentage du revenu qu’ils tirent des journaux au contenu rédactionnel que les autres propriétaires.

Dans la partie de l’étude portant sur le fonctionnement de la salle de presse, la Commission a examiné la façon dont les journalistes travaillent et le système dans lequel ils le font. Dans son rapport, elle a critiqué le système, laissant entendre que celui-ci poussait les bons journalistes hors de la profession en ne les payant pas suffisamment, qu’il ne formait pas convenablement les gestionnaires des salles de presse et qu’il accordait la priorité à des considérations économiques qui, par moment, entravent le journalisme responsable.

En ce qui concerne les agences de nouvelles canadiennes, la Commission a conclu que la Presse canadienne fonctionnait bien, malgré les contraintes que lui imposaient les journaux qui y adhèrent, à savoir : un financement insuffisant, un manque de personnel, trop peu d’accent sur le journalisme d’enquête, un service francophone inadéquat, une couverture insuffisante des affaires étrangères et un direction défaillante de la part des gestionnaires. En ce qui concerne les agences plus petites, comme Southam, United Press Canada et Thomson, la Commission s’est montrée en général élogieuse à leur égard, mais s’est demandé, si elles pourraient survivre après autant de fermetures et de fusions.

Quant aux reportages sur les affaires publiques, la Commission a indiqué que le public estimait généralement que la qualité du journalisme politique a décliné et que la presse ne réussissait pas aussi bien qu’autrefois à représenter des intérêts diversifiés.

À propos de la qualité du journalisme, la Commission a examiné un certain nombre de moyens de l’améliorer. Elle a recommandé le recours à des conseils de presse, à des ombudsmen, à des écoles de journalisme et à des programmes de perfectionnement professionnel pour les journalistes, ajoutant que le désir du public d’avoir accès à un journalisme de qualité avait augmenté depuis la publication du rapport Davey, en 1970.

Enfin, pour ce qui touche à l’avenir de l’industrie des journaux, la Commission a conclu que l’importance croissante des systèmes d’éditique, des télécommunications et des médias électroniques pourrait constituer une grave menace pour les journaux traditionnels. Aussi elle a demandé que l’industrie des journaux et le Canada dans son ensemble établisse des programmes adéquats pour tirer profit des progrès de l’informatique au service de la presse.

      2. Principales conclusions et recommandations

Au bout du compte, selon les auteurs du rapport de la Commission Kent, « les conglomérats industriels produisent de mauvais journaux » (1980, p. 194). Ils ajoutent que « la presse, qui a le privilège de critiquer toute autre institution, est la moins ouverte qui soit lorsqu’on critique ses propres agissements […] Elle est singulièrement réticente, non seulement à accepter les critiques et à reconnaître ses erreurs, mais même à justifier sa propre conduite lorsqu’elle estime être dans son droit » (1980, p. 192). Tenant compte de ces considérations, la Commission a formulé plusieurs recommandations destinées à rectifier la situation.

         a. Propriété et désaisissement

Au chapitre de la propriété et du désaisissement, la Commission a recommandé l’adoption d’une loi qui :

  • aurait interdit l’expansion des chaînes existantes qui possèdent ou contrôlent cinq quotidiens ou plus;

  • aurait interdit à toute nouvelle chaîne d’acquérir à l’avenir plus de cinq journaux;

  • aurait empêché les conglomérats d’acheter des quotidiens, en interdisant l’achat lorsque la valeur des avoirs autres que des journaux appartenant à l’acheteur dépasse la valeur du journal;

  • aurait interdit la propriété simultanée de journaux et de stations de radio ou de télévision lorsque le marché de la radio/télévision se trouve à 50 p. 100 ou plus à l’intérieur du marché du journal;

  • aurait exigé le démantèlement des monopoles régionaux comme celui de la famille Irving au Nouveau-Brunswick en interdisant la propriété de deux journaux ou plus représentant 75 p. 100 ou plus du tirage total dans une même langue à l’intérieur d’une région géographique définie;

  • aurait interdit à quiconque d’être propriétaire à la fois d’un quotidien publié dans plus d’une province et d’un autre quotidien, quel qu’il soit (ce qui aurait forcé Thomson à vendre soit le Globe and Mail, soit tous ses autres journaux);

  • aurait prévu au minimum cinq ans et au maximum dix ans entre la proclamation de la loi et le désaisissement des journaux dont la propriété serait devenue illégale en vertu de la loi proclamée;

  • aurait créé un organisme administratif (le Comité des droits de la presse) qui aurait appliqué les règles sur la propriété et le désaisissement et aurait eu le pouvoir, à certains égards, d’autoriser des exceptions à ces règles;

  • aurait autorisé au minimum cinq ans et au maximum sept ans pour le désaisissement d’un journal ou pour une ordonnance subséquente de désaisissement par le Comité des droits de la presse;
  • aurait exigé des journaux qui s’apprêtent à fermer qu’ils publient un avis de leur intention et qu’ils ne procèdent pas à la fermeture avant qu’un délai défini ne se soit écoulé après la publication de l’avis;
  • aurait interdit la vente des avoirs de tout journal ayant l’intention de cesser ses activités tant que les propriétaires n’auraient pas convaincu le Comité des droits de la presse qu’aucune offre pouvant permettre au journal de survivre ne leur a été faite.

         b. Indépendance de la rédaction

La Commission a proposé que tous les quotidiens, autres que ceux entrant dans la définition des journaux « individuels », embauchent leurs rédacteurs en chef en vertu d’un contrat écrit qui aurait garanti l’indépendance rédactionnelle de ceux-ci par rapport aux éditeurs des journaux(3). Ce contrat aurait investi le rédacteur en chef (agissant dans les limites du budget fixé par le propriétaire) l’entière responsabilité des éléments suivants :

  • la politique rédactionnelle, compte tenu des principes et objectifs du journal énoncés dans le contrat;
  • les dépenses rédactionnelles;
  • le contenu du journal (à l’exclusion de la publicité); et
  • les relations de travail, y compris l’embauche et le licenciement des employés.

Le contrat envisagé aurait dû également donner au rédacteur en chef le droit de formuler des commentaires négatifs sur les activités du propriétaire et de ses éventuels associés, et interdit au propriétaire de chercher à prévaloir sur les décisions du rédacteur en chef quant à ce qui peut être publié ou non.

         c. Allégements fiscaux et incitations à l’investissement

La Commission a proposé que des allégements fiscaux soient offerts :

  • aux investisseurs qui souhaiteraient créer un journal;
  • aux investisseurs qui souhaiteraient acquérir un journal rendu disponible par suite d’une ordonnance de désaisissement;
  • aux investisseurs cherchant à acquérir des journaux en passe de fermer; et
  • aux journaux satisfaisant à un certain ratio des dépenses rédactionnelles par rapport aux dépenses non rédactionnelles; des surtaxes auraient alors été imposées aux journaux qui n’auraient pas respecté ces proportions.

La Commission a également recommandé que des subventions soient offertes aux agences de transmission, comme moyen d’encourager l’expansion des activités canadiennes et internationales.

         d. Le Comité des droits de la presse

Faisant écho au rapport Davey, qui avait recommandé la création d’un Conseil de surveillance de la propriété, la Commission a proposé la mise en place d’un Comité des droits de la presse chargé de surveiller l’industrie canadienne des journaux. En tant qu’organisme indépendant, ce Comité aurait fait rapport au Parlement par le truchement du ministre de la Justice et aurait eu des pouvoirs équivalents à ceux d’une cour supérieure d’archives. Il aurait donc été habilité à déterminer si l’achat de tel journal ou la création de tel autre pouvaient être autorisés, ou si un désaisissement était nécessaire.

      3. Réaction au rapport du comité Kent

Le rapport de la Commission royale sur les quotidiens (rapport Kent) a suscité des réactions passionnées dans bien des milieux. Les éditeurs de journaux, notamment, se sont opposés avec véhémence à la création du Comité des droits de la presse, qui selon eux ouvrirait la porte à une emprise du gouvernement sur la presse libre. De plus, beaucoup d’observateurs ont vertement critiqué la méthodologie de la Commission, lui reprochant notamment de ne pas avoir répondu à une question fondamentale : « Les journaux sous le monopole des chaînes sont-ils pires que les anciens journaux concurrentiels appartenant à des intérêts individuels? » (Desbarats, 1996, p. 79). Compte tenu de cette lacune fondamentale, le rapport de la Commission Kent a eu tôt fait d’être oublié.

Néanmoins, certaines recommandations ont atteint l’étape de l’avant-projet de loi sous le gouvernement libéral du premier ministre Trudeau, mais la plupart n’ont pas abouti, en raison d’une forte opposition à la Chambre, puis de l’élection du gouvernement conservateur du premier ministre Mulroney en 1984. La seule exception notable a été une directive du gouvernement qui, en 1982, a donné instruction au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de refuser toute nouvelle licence ou renouvellement de licence de radiodiffusion aux personnes possédant des quotidiens destinés au même marché. Cette directive prévoyait toutefois des exceptions « dans l’intérêt du public », et, pendant la période où elle a été en vigueur (jusqu’à son retrait par le gouvernement Mulroney), les exceptions se sont appliquées à presque tous les cas entendus par le Conseil.

CONCLUSION

Aussi bien le Comité Davey que la Commission Kent se sont penchés sur une question qui dépasse largement la question de la propriété des journaux au Canada. Durant les années 90, dans tous les secteurs des communications, on a vu augmenter les monopoles et la concentration de la propriété entre des mains de moins en moins nombreuses. Cette situation, qui est loin d’être propre au Canada, est le résultat de circonstances économiques qui favorisent une concurrence — et par conséquent un risque — moindre, afin d’augmenter les marges de profit. Elle s’explique également par la réticence de la société et du gouvernement à intervenir dans le fonctionnement de l’économie de libre marché et de ce que l’on appelle la « presse libre ». Toutefois, comme la Commission Kent l’a souligné dans son rapport de 1981 :

Dans un pays où il est permis à quelques conglomérats de posséder un si grand nombre de journaux, la liberté de la presse n’équivaut, en somme, qu’à doter une poignée de gens d’une énorme influence, sans responsabilité en contrepartie. Il est choquant pour la probité intellectuelle d’entendre les chefs de telles entreprises se justifier en invoquant le principe de la liberté de la presse (1981, p. 239).

Ainsi, compte tenu de la tendance constante à la concentration du capital et à la formation de chaînes, l’effet que la concentration de la propriété peut avoir sur le contenu des journaux est une question qui mérite encore d’être examinée. De plus, puisque l’absence de données quantitatives fiables a grandement compromis les études fédérales antérieures, notamment celle de la Commission Kent, si l’on voulait reprendre l’examen de cette question, il faudrait nécessairement procéder à une recherche poussée, en parallèle. De fait, sans une connaissance plus solide des multiples et complexes facteurs économiques, sociaux, culturels et technologiques qui influent sur les médias de communications actuels, il serait difficile aux décideurs d’aujourd’hui de déterminer si une intervention fédérale dans le domaine de la propriété des journaux est justifiée.

CHRONOLOGIE

1970 - Le rapport du comité spécial du Sénat sur les moyens de communication de masse (Comité Davey) est déposé.

1971 - Le Toronto Telegram ferme ses portes. Le Toronto Sun commence sa publication.

1973 - L’Action de Québec cesse d’être publié.

1978 - L’Edmonton Sun voit le jour.

décembre 1978 - Montréal Matin cesse d’être publié.

septembre 1979 - Le Montreal Star cesse ses activités.

janvier 1980 - Thomson acquiert le contrôle de FP Publications.

avril 1980 - Thomson acquiert le reste des actions de FP.

juin 1980 -   Thomson acquiert de Southam le tiers des actions de la Gazette de Montréal.

juillet 1980 - Thomson vend le Calgary Albertan au Toronto Sun. Le Calgary Albertan devient le Calgary Sun.

août 1980 - Thomson regroupe le Victoria Times et le Victoria Colonist pour former le Victoria Times-Colonist.

– Thomson cesse de publier le Ottawa Journal.

– Southam cesse de publier le Winnipeg Tribune.

– Southam devient le seul propriétaire du Vancouver Sun et du Vancouver Province en les achetant à Thomson.

– Southam devient le seul propriétaire de la Gazette de Montréal en l’achetant à Thomson.

– Thomson ferme le FP News Services.

septembre 1980 - La Commission royale d’enquête sur les quotidiens (la Commission Kent) est établie.

avril 1981 - Des accusations de fusion ou de pratiques monopolistiques en infraction aux dispositions de l’article 33 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions sont portées contre Thomson Newspapers et Southam Inc.

18 août 1981 - Le rapport de la Commission royale d’enquête sur les quotidiens est publié.

25 mai 1982 - Dans un discours prononcé à l’école de journalisme de l’Université Western Ontario, le ministre responsable de la Commission Kent, l’honorable James Fleming, fait connaître le point de vue du gouvernement au sujet de l’industrie des quotidiens.

du 26 mai 1982 au 10 juin 1982 - Plusieurs éditorialistes et éditeurs de journaux expriment leur désaccord à l’égard de la politique que le gouvernement a annoncée en ce qui concerne l’industrie des journaux. Ils estiment que cette politique va à l’encontre de la liberté de presse.

7 juin 1982 - M. Tom Kent, ancien président de la Commission royale d’enquête sur les quotidiens, critique la politique adoptée par le gouvernement à l’égard de l’industrie des journaux, disant qu’elle ne traite pas efficacement du contrôle que les conglomérats exercent sur les médias.

29 juillet 1982 - Le gouverneur en conseil adresse au CRTC une directive en vertu du sous-alinéa 22(1)a)(iii) de la Loi sur la radiodiffusion selon lequel cet organisme ne doit plus accorder de licence ou de renouvellement de licence de radiodiffusion aux requérants qui possèdent déjà un quotidien dans le même secteur du marché. Toutefois, cette directive permet au CRTC de faire exception dans les cas où l’intérêt public le justifie.

22 septembre 1982 - Dans une allocution prononcée à l’occasion de l’assemblée annuelle de l’Association canadienne des éditeurs de quotidiens à Vancouver, le ministre responsable de la Commission Kent, l’honorable James Fleming, réitère la politique du gouvernement annoncée le 25 mai 1982 à l’égard de la presse écrite. Il indique qu’un projet de loi est en cours de rédaction et qu’il sera mentionné dans le prochain discours du Trône.

11 janvier 1983 - La création d’un conseil de la presse est annoncée à Halifax par 10 éditeurs de quotidiens de la région de l’Atlantique. Des conseils de la presse existent déjà en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Québec.

15 février et 1er mars 1983 - Le CRTC tient des audiences publiques le 15 février 1983 à Fredericton (Nouveau-Brunswick) et le 1er mars 1983 à Hull (Québec), conformément aux directives qu’il avait reçue le 29 juillet 1982. Il examine la question de l’acquisition et de la possession de divers médias en étudiant les demandes de renouvellement de permis de radiodiffusion à Saint-Jean, Campbellton et Moncton, au Nouveau-Brunswick (groupe Irving), Belleville, en Ontario (groupe Thomson), ainsi que de London et Wingham, en Ontario (London Free Press Printing Company).

30 mars 1983 - Dans une entrevue, le président du groupe Southam, M. Gordon Fisher, déclare que le projet de loi fédéral visant à imposer des restrictions aux conglomérats pourrait amener son entreprise à réexaminer sa politique commerciale relativement à l’acquisition de journaux à l’extérieur du Canada.

24 mai 1983 - Le CRTC tient des audiences publiques à Calgary (Alberta), conformément aux directives qu’il a reçues le 29 juillet 1982. Il examine la question de l’acquisition et de la possession de divers médias en étudiant les demandes de renouvellement de permis de radiodiffusion à Calgary, Edmonton et Lethbridge (Maclean-Hunter, Selkirk Communications et le groupe Southam).

3 juin 1983 - Création d’un Conseil de presse en Colombie-Britannique, composé d’un président, de quatre représentants de quotidiens, d’hebdomadaires et de journaux communautaires ainsi que de quatre représentants de personnes indépendantes des médias écrits.

6 juillet 1983 - L’honorable James Fleming, ministre responsable de l’application des recommandations de la Commission Kent, publie un avant-projet de loi sur les quotidiens qui renferme les grandes dispositions suivantes :

1. Commet une infraction toute personne qui prend le contrôle d’un quotidien dont le tirage moyen dépasse 20 p. 100 du tirage moyen de tous les quotidiens. Cette mesure n’a pas d’effet rétroactif.

2. L’entreprise non journalistique qui prend le contrôle d’un quotidien, ou qui en fonde un, doit prouver à la Commission sur les pratiques restrictives du commerce que la gestion de ce journal se fera indépendamment de ses autres intérêts.

3. Le Conseil consultatif canadien de la presse quotidienne, composé de 52 membres représentant les éditeurs, les journalistes et la population en général, est constitué et chargé de recevoir les plaintes dans les cas où aucun conseil de presse provincial ou régional n’est en mesure de mener à bien pareille enquête au Canada.

4. Un programme quinquennal de subventions est mis sur pied pour permettre aux quotidiens d’établir des bureaux à l’extérieur de la province ou à l’étranger.

11 et 17 août, 7 septembre 1983 - Le CRTC termine ses audiences publiques sur la question de l’acquisition et de la possession de divers médias. Il annonce ensuite sa décision de renouveler les licences de radiodiffusion du groupe Irving, du groupe Thomson, de la London Free Press Printing Company, de MacLean-Hunter, de Selkirk Communications et du groupe Southam.

9 décembre 1983 - Les accusations portées contre Thomson et Southam Inc. en vertu des dispositions de la Loi sur les enquêtes relatives aux coalitions concernant les fusions et les pratiques monopolistiques sont rejetées par le juge Anderson, de la Cour supérieure de l’Ontario.

21 décembre 1983 - Madame Judy Erola, ministre de la Consommation et des Corporations, déclare au cours d’une entrevue, qu’un conseil de presse volontaire au niveau national et une législation plus sévère sur la concurrence permettraient d’atteindre plusieurs des objectifs énoncés dans l’avant-projet de loi sur les quotidiens (auquel le gouvernement ne donnera probablement pas suite).

28 février 1984 - La Couronne décide de ne pas en appeler du rejet des accusations portées contre Thomson Newspapers et Southam Inc.

12 mars 1984 - Le projet de loi C-226, mesure d’initiative parlementaire intitulée Loi sur les quotidiens, est lu pour la première fois à la Chambre des communes. Il est parrainé par l’honorable James Fleming.

17 avril 1984 - Le projet de loi C-226 est étouffé après le débat de deuxième lecture.

4 mai 1984 - À une réunion du Conseil de presse de l’Ontario, Mme Judy Erola, ministre fédéral de la Consommation et des Corporations, promet que le gouvernement traitera l’industrie canadienne des journaux comme n’importe quelle autre en ce qui touche la concentration de la propriété.

30 juillet 1984 - La Cour d’appel fédérale décrète que le cabinet fédéral a le droit d’ordonner au CRTC de refuser de renouveler les permis de diffusion des propriétaires de stations qui possèdent des journaux dans le même marché.

10 août 1984 - Tous les journaux de langue anglaise de l’Ontario s’engagent à se joindre au Conseil de presse de l’Ontario pour traiter des plaintes du public au sujet des journaux de la province.

15 novembre 1984 - Dans une entrevue accordée au Globe and Mail, M. Tom Kent, président de la Commission royale sur les quotidiens, qualifie d’« autopsie » le rapport qu’il a rédigé en 1981 sur la concentration de la propriété dans l’industrie canadienne des journaux. Il admet que le rapport est effectivement « mort ».

15 janvier 1985 - United Press Canada Ltd., seul concurrent du service des informations de la Presse canadienne, annonce qu’elle ferme ses portes le 31 janvier après avoir été vendue à son rival.

26 août 1985 - Un échange d’actions d’une valeur de 220 millions de dollars a lieu entre Southam Inc. et Torstar Corp., ce qui donne lieu à une fusion partielle et à une nouvelle concentration des principaux intervenants de l’industrie des journaux au Canada.

18 avril 1986 - Une plus grande concentration dans les médias canadiens est évitée lorsque le CRTC refuse l’offre de Power Corp. of Canada — propriétaire de quatre journaux de langue française — d’acheter Télé-Métropole Inc. — exploitant du réseau de télévision TVA au Québec — en invoquant que la société aurait alors trop d’influence sur les médias québécois.

27 mai 1987 - Hollinger Inc. étend sa mainmise sur les journaux en acquérant une participation majoritaire dans Unimédia Inc, un éditeur de quotidiens de Québec, d’Ottawa et de Chicoutimi ayant son siège social à Montréal.

31 mai 1987 - Hollinger Inc. s’étant porté acquéreur d’Unimédia Inc., le Parti québécois réclame une loi exigeant une participation majoritaire d’intérêts québécois dans cette entreprise.

30 octobre 1987 - Southam Inc. achète Brabant Newspapers Ltd., un éditeur de huit hebdomadaires du grand Hamilton et de la région de St. Catharines.

20 septembre 1988 - Le ministre Sinclair Stevens, député conservateur, prétend que les journaux servent de vaches à lait pour financer d’autres acquisitions et réclame une nouvelle enquête sur la propriété des journaux au Canada.

15 mai 1990 - Le Comité des communications de la Chambre des communes décide à l’unanimité de tenir des audiences pour examiner l’effet de la concentration d’entreprises dans les médias imprimés au Canada après l’acquisition d’une participation majoritaire par Southam Inc. dans plusieurs hebdomadaires de banlieue de la région de Vancouver.

29 juin 1990 - Southam Inc. et Torstar Corp. mettent fin à leur alliance sur le plan des actions, ce qui laisse croire aux analystes que la question de la concentration de la propriété dans l’industrie des journaux pourrait être résolue.

30 novembre 1990 - Le Bureau de la concurrence se penche sur une demande, en vertu des dispositions sur les fusions de la Loi sur la concurrence, concernant l’acquisition par Southam Inc. de deux hebdomadaires communautaires de la région de Vancouver, région où la société possède déjà deux quotidiens. Le directeur conclut que l’acquisition de deux journaux communautaires a fait beaucoup baisser la concurrence dans les marchés de la publicité locale imprimée que desservent ces journaux.

2 juin 1992 - Le Tribunal fédéral de la concurrence rejette les allégations selon lesquelles l’achat du Vancouver Courier et du North Shore News par Southam Inc. en 1990 a créé un quasi-monopole publicitaire dans cette région. Cette décision vient invalider la précédente voulant que Southam Inc. se départisse de ces acquisitions.

10 décembre 1992 - Le Tribunal de la concurrence décrète que Southam Inc. doit vendre soit le North Shore News, soit le Real Estate Weekly, une chaîne de 14 journaux immobiliers, parce que la propriété commune de ces journaux réduit la concurrence dans le marché de la publicité immobilière imprimée dans la région de la côte Nord de Vancouver.

janvier 1993 - Hollinger prend une participation de 22,5 p. 100 dans Southam Inc. (ultérieurement diluée à 18,7 p. 100 en mars) Le Bureau de la concurrence examine la transaction pour déterminer s’il y a eu empêchement ou réduction substantiels de la concurrence dans un marché quelconque. Le directeur conclut que la transaction n’augmentera pas le chevauchement entre Southam Inc. et Hollinger dans une région géographique ou un marché quelconque au Canada.

6 mai 1996 - Le directeur du Bureau de la concurrence, M. George Addy, comparaît devant le Comité permanent de l’industrie, où il parle de la difficulté d’appliquer la Loi sur la concurrence à des questions comme le contrôle éditorial et la diversité des opinions. Selon lui, la Commission Kent a reconnu qu’il fallait le faire au moyen d’une loi spéciale. Le Royaume-Uni a adopté une loi spéciale traitant de la prise de participation dans des journaux, etc. Selon M. Addy, la Loi lui confère des responsabilités qui touchent les divers aspects de la concurrence. Il estime qu’il n’a pas le droit de faire plus.

23 mai 1996 - L’acquisition de 20 quotidiens de Southam Inc. par M. Conrad Black fait passer à 58 le nombre de journaux canadiens qu’il possède, ce qui représente près de 41 p. 100 de l’ensemble des quotidiens du Canada.

4 juin 1996 - Dans une déclaration à la Chambre des communes, M. Jim Jordan (député libéral de Leeds-Grenville) affirme que le 24 mai 1996 a été le « vendredi noir » de l’industrie canadienne des journaux. Il affirme que les règles actuelles régissant la propriété des journaux au Canada s’expliquent probablement d’une façon rationnelle, mais que si elles continuent de faire en sorte que les journaux canadiens tombent entre les mains de moins en moins d’entreprises…

25 octobre 1996 - Southam Inc. achète sept journaux de la côte est à Thompson Corp., élargissant ainsi sa présence dans l’industrie des journaux d’un océan à l’autre, et donnant à Southam-Hollinger une participation majoritaire dans plus de 59 des 109 quotidiens canadiens. Les quotidiens de la côte est sont le St. John's Telegram et le Corner Brook Western Star, de Terre-Neuve, le New Glasgow News, le Truro News et le Sydney Cape Breton Post, de la Nouvelle-Écosse, et le Charlottetown Guardian, de l'Île-du-Prince-Édouard.

8 décembre 1996 - Le Conseil des Canadiens conteste devant les tribunaux la décision du Bureau de la concurrence accordant à M. Conrad Black le contrôle de Southam Inc., le plus grand éditeur de journaux au Canada.

15 décembre 1996 - La tentative du Conseil des Canadiens de faire obstacle à la prise de contrôle de Southam Inc. par Conrad Black est rejetée. Le juge Bud Cullen, de la Cour fédérale, déclare que le Conseil des Canadiens a dépassé le délai de 30 jours accordé pour en appeler de l’approbation par le Bureau de la concurrence de l’achat du groupe Hollinger.

12 février 1997 - La Presse canadienne annonce qu’elle procédera à des changements pour se doter d’une nouvelle direction. Le conseil d’administration qualifie le projet de « nouvelle orientation radicale » pour un service qui est pratiquement disparu à la fin de 1996. En effet, certains membres, se ralliant derrière le géant Southam Inc., avaient projeté de quitter la PC à cause de l’augmentation des coûts et de la réduction des services.

24 février 1997 - La Cour d’appel fédérale fixe la date de comparution du Conseil des Canadiens qui veut renverser la prise de contrôle des journaux de Southam Inc. par Hollinger Inc. L’appel, prévu pour le 9 avril, conteste la décision rendue par la Cour le 16 décembre 1996.

8 avril 1997 - La Cour d’appel fédérale rejette une contestation de la prise de contrôle du groupe de journaux Southam Inc. par Hollinger Inc. Mme Maude Barlow, présidente du Conseil des Canadiens, affirme que les tribunaux refusent d’entendre d’autres contestations de la transaction de Hollinger. Selon elle, non seulement le gouvernement a refusé de s’en occuper, mais aussi les tribunaux. Elle ajoute que cela devrait déranger beaucoup les Canadiens.

30 avril 1997 -   Hollinger Inc. offre de racheter les actions des actionnaires minoritaires de Southam Inc. pour la somme de 922,7 millions de dollars. Elle révèle aussi son intention d’acheter le Halifax Daily News pour une somme qu’elle tient à ne pas dévoiler.

18 juin 1997 - Southam Inc. annonce qu’elle mettra sur le marché un nouveau journal national d’ici un an. M. Don Babick, président de Southam, déclare que la chaîne se penche sur l’allure que devrait prendre le nouveau quotidien et continue d’en évaluer les possibilités financières.

8 avril 1998 - M. Conrad Black annonce que son nouveau journal national, qui veut faire directement concurrence au Globe and Mail, sera lancé en septembre.

28 avril 1998 - Sun Media Corp. annonce qu’elle songe à pénétrer les marchés de la radio et de la télévision. Selon son président, M. Paul Godfrey, la société envisage des moyens de faire concurrence au nouveau journal national de Southam Inc. M. Godfrey espère donc que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) assouplira ses règlements concernant la propriété de stations radiophoniques, de façon à permettre à Sun Media de pénétrer ce marché.

18 mai 1998 - Southam Inc. achète sept journaux de l’île de Vancouver à Thomson Corp. : deux quotidiens, le Victoria Times-Colonist et le Nanaimo Daily News, et cinq journaux communautaires, le Campbell River Courier/Islander, le Duncan Citizen, le Harbor City Star, le Parksville Morning Sun et le Cowichan Lake News. Selon M. Stuart Garner, président et directeur général de Thomson Newspapers, ces journaux ont été vendus parce qu’ils ne faisaient pas leurs frais.

26 mai 1998 - Southam Inc. annonce qu’elle a acheté le Saturday Night Magazine à une filiale de Hollinger. Saturday Night ne sera plus distribué avec le Globe and Mail, mais plutôt avec le nouveau journal national de Southam.

19 juillet 1998 - Dans le cadre de l’une des plus grosses transactions de l’histoire des journaux canadiens, Southam Inc. acquiert la participation de 80 p. 100 de Sun Media dans le Financial Post. En retour, Sun Media achète le Hamilton Spectator, le Kitchener-Waterloo Record, le Cambridge Reporter et le Guelph Mercury. Avec l’acquisition du Financial Post, Southam peut maintenant dire qu’elle possède pour la première fois des journaux dans chacun des grands marchés de journaux canadiens.

30 juillet 1998 - Hollinger International Inc. annonce son intention de devenir l’un des premiers fournisseurs de commerce et de contenu Internet. Selon M. Conrad Black, la société voit la chose comme une immense possibilité et est très attirée par l’augmentation astronomique des ventes par Internet.

26 octobre 1998 - Southam Inc. lance le National Post, un nouveau quotidien national.

29 octobre 1998 - Torstar annonce qu’elle projette d’acheter Sun Media, propriétaire de quotidiens tabloïd en Ontario et en Alberta. Les critiques de la transaction prétendent que cela ne manquera pas de réduire la concurrence et de mettre le contrôle des journaux canadiens dans les mains d’un plus petit nombre de sociétés encore. Selon M. Jim Bocking, porte-parole du Bureau de la concurrence, la question est de savoir si la fusion réduira de beaucoup la concurrence.

9 décembre 1998 - Dans une tentative de prise de contrôle de Sun Media Corp., la société Québécor de Montréal l’emporte sur Torstar avec une offre de 983 millions de dollars, ce qui en fait une chaîne nationale. Avec 25,4 p. 100 du tirage des quotidiens du pays, Québécor vient maintenant en seconde position après la chaîne Southam-Hollinger (40,7 p. 100).

13 décembre 1998 - Les experts prétendent que, faute de propriétaires étrangers, on assistera probablement à une concentration de la propriété dans l’industrie des journaux au Canada parce que la Loi de l’impôt du Canada — qui prévoit une déduction d’impôt pour la publicité si un journal appartient à des intérêts étrangers à moins de 25 p. 100 — décourage les éditeurs de journaux étrangers de prendre une participation majoritaire dans des journaux canadiens. La ministre du Patrimoine, Mme Sheila Copps, affirme qu’elle n’est pas prête à modifier les lois sur la propriété. « Ceux qui voudraient abolir les restrictions sur la propriété étrangère aimeraient qu’il y ait une seule industrie des médias dans le monde, et je ne pense pas que cela soit sain pour personne », d’expliquer Mme Copps. « Je pense qu’il est important que nous ayons une diversité d’opinions ». (Source : Globe and Mail)

2 mai 1999 - Thomson Corp. vend huit journaux de la Colombie-Britannique à Horizon Operations, lesquels viennent s’ajouter aux 45 quotidiens et hebdomadaires que possède la société, dont le siège social est situé à Chicago. Bien que Horizon soit de propriété américaine, elle fait savoir qu’elle installera son administration centrale à Kelowna dans un avenir rapproché.

29 octobre 1999 - Par suite d’une allégation faite par le Conseil des Canadiens selon laquelle Southam Inc. menace de se retirer de la Presse canadienne, la ministre du Patrimoine canadien, Mme Sheila Copps, demande au Comité permanent du patrimoine canadien d’étudier l’impact de la propriété de journaux sur l’avenir du service des informations de la Presse canadienne.


(1) Dans le présent exposé, le terme, concentration appliqué à la propriété des journaux désigne la propriété groupée de biens dans cette seule catégorie médiatique.

(2) Dans le présent exposé, la participation croisée désigne l’appartenance de divers types de médias, imprimés ou électroniques, à un seul propriétaire, généralement dans une même collectivité ou une même région.

(3) Les journaux individuels sont définis comme ceux appartenant à des propriétaires dont les avoirs par rapport au journal représentent 50 p. 100 ou plus des avoirs du propriétaire ultime.