PRB 99-38F
TRANSACTIONS D'INITIÉS
Rédaction : TABLE DES MATIÈRES
TRANSACTIONS DINITIÉS LOI CANADIENNE SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS B. Interdiction des transactions spéculatives DOCUMENT DE CONSULTATION SUR LES TRANSACTIONS DINITIÉS RECOMMANDATIONS DU COMITÉ SÉNATORIAL TRANSACTIONS DINITIÉS Par définition, une transaction dinitié consiste en lachat ou la vente dactions dune société par une personne ayant accès à des renseignements confidentiels sur la société qui peuvent influer sensiblement sur la valeur de ses actions et que ne connaissent pas les autres actionnaires ou le grand public. Le commerce dactions par des initiés nest pas en soi illégal; la plupart des lois qui régissent cette question permettent aux initiés de vendre ou dacheter des actions des sociétés avec lesquelles ils ont des rapports à la condition quils ne possèdent pas de renseignements confidentiels sur la société. Les transactions dinitiés sont prohibées lorsque linitié possède des renseignements confidentiels importants ou se sert de tels renseignements pour réaliser un profit. Les transactions dinitiés abusives sont réglementées et ce, pour plusieurs raisons. En effet, en labsence de réglementation, les initiés pourraient se servir de renseignements importants à leur profit, au détriment des investisseurs externes. Cela pourrait porter atteinte à la réputation de la société et, ce qui est encore plus important, à la confiance dans le marché boursier en général. La présente note porte sur les dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) qui traitent des transactions dinitiés. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux sont habilités à adopter des lois sur les transactions dinitiés. La compétence des provinces tient au pouvoir de celles-ci de légiférer en matière de droits de propriété et de droits civils, tandis que la compétence du gouvernement fédéral tient au pouvoir du Parlement fédéral de créer et de réglementer les sociétés constituées aux termes de la législation fédérale. Au niveau provincial, les transactions dinitiés sont réglementées aux termes des lois provinciales sur les sociétés et sur les valeurs mobilières. Les sociétés constituées au niveau fédéral aux termes de la LCSA sont elles aussi assujetties aux dispositions sur les transactions dinitiés contenues dans ces lois. Il sensuit certains chevauchements et doubles emplois. Ces chevauchements et doubles emplois des législations fédérale et ontarienne sur les transactions dinitiés ont dailleurs fait lobjet dune décision de la Cour suprême du Canada au début des années 80. Dans Multiple Access Ltd. c. McCutcheon(1), la Cour a statué que les dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières de lOntario permettant lindemnisation des pertes à la suite de transactions dinitiés sappliquaient à une société constituée au niveau fédéral, bien que la société en question ait aussi été assujettie à des dispositions analogues de la législation fédérale. La Cour a statué à la majorité que les dispositions sur les transactions dinitiés de la Loi sur les corporations canadiennes(2) et de la Loi sur les valeurs mobilières de lOntario étaient valables. Dans la décision quil a rédigée au nom de la majorité, le juge Dickson conclut que les dispositions contestées de la Loi sur les corporations canadiennes avaient un objet général de régie des sociétés et des rapports rationnels et fonctionnels avec le droit des sociétés.
La Cour a aussi statué à la majorité que les dispositions pertinentes de la Loi sur les valeurs mobilières de lOntario constituaient aussi un exercice valable de la compétence provinciale en matière de droit des biens et de droit civil et que ces dispositions « ne neutralis[aient] pas les fonctions et les activités dune compagnie constituée en vertu dune loi fédérale et ne port[aient] pas atteinte à son statut ou à ses pouvoirs essentiels »(4). Ainsi, la majorité a statué que les dispositions relatives aux transactions dinitiés présentent des aspects qui relèvent à la fois du droit des sociétés et du droit des valeurs mobilières. La majorité considérant que ces aspects sont dimportance à peu près équivalente, elle a estimé quaucun ne lemportait sur lautre. La minorité (trois juges) nétait cependant pas du même avis. Les juges minoritaires ont conclu que les dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières de lOntario étaient constitutionnellement valables, car elles visaient à réglementer la détention et le commerce des valeurs mobilières en Ontario. Ils ont fait observer que la préoccupation première de la législation sur les valeurs mobilières nétait pas la constitution de la société, mais la réglementation du commerce de ses valeurs(5). Dun autre côté, ils ont estimé que les dispositions fédérales sur les transactions dinitiés nétaient pas essentielles à la constitution dune société fédérale ou à ses aspects fonctionnels, et étaient en conséquence non valables(6). TRANSACTION DINITIÉS LOI CANADIENNE SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS Les premières dispositions sur les transactions dinitiés ont été adoptées au niveau fédéral en 1970 dans la Loi sur les corporations canadiennes et ensuite intégrées à la LCSA en 1975. Énoncées à la partie XI de la Loi, les dispositions sur les transactions dinitiés de la LCSA portent en majeure partie sur les initiés des « sociétés ayant fait appel au public ». Par définition, il sagit des sociétés dont les titres ont fait partie dune souscription publique, sont émis et en circulation et sont détenus par plusieurs personnes. Aux termes du paragraphe 126(1), un « initié » est un administrateur ou dirigeant dune société ayant fait appel au public, une société ayant fait appel au public qui achète ou autrement acquiert, sauf par voie de rachat, ses propres actions ou les actions émises par une de ses filiales, ou le véritable propriétaire de plus de 10 p. 100 des actions dune société ayant fait appel au public ou la personne qui exerce le contrôle ou a la haute main sur plus de 10 p. 100 des votes dont sont assorties les actions dune telle société. Les dispositions sont réparties en trois grandes catégories : obligation de produire des rapports, interdiction des transactions spéculatives et responsabilité civile. A. Obligation de produire des rapports Une personne est tenue denvoyer un rapport au directeur aux termes de la LCSA dans les 10 jours qui suivent la fin du mois durant lequel elle devient un initié dune société ayant fait appel au public. Par la suite, les initiés doivent produire un rapport au directeur dans les 10 jours suivant la fin du mois où ils effectuent une transaction concernant les titres de la société en cause. Toute personne qui, sans motif raisonnable, omet de produire un rapport dinitié est passible dune amende maximale de 5 000 $ ou dune peine de prison pouvant aller jusquà six mois, ou des deux (article 127). B. Interdiction des transactions spéculatives La LCSA interdit aux initiés de vendre les actions dune société ayant fait appel au public dont ils ne sont pas propriétaires ou quils nont pas entièrement libérées (ventes à découvert) et dacheter ou de vendre des options dachat ou de vente portant sur les actions de la société (article 130). Les initiés peuvent cependant vendre des actions dont ils ne sont pas propriétaires si elles résultent de la conversion dactions dont ils sont propriétaires ou sils ont loption ou le droit dacquérir les actions vendues. Aux termes du paragraphe 131(4) de la LCSA, les initiés (selon la définition qui est donnée au paragraphe 131(1)) qui utilisent à leur profit un renseignement confidentiel à loccasion dune opération portant sur une valeur mobilière de la société (quil sagisse ou non dune société ayant fait appel au public) sont tenus dindemniser toute personne ayant subi une perte directe par suite de cette opération. Ils sont dautre part redevables envers la société des profits ou avantages directs obtenus suite à cette opération. DOCUMENT DE CONSULTATION SUR LES TRANSACTIONS DINITIÉS En février 1996, Industrie Canada a fait paraître un document de consultation sur les transactions dinitiés(7). Dans ce document, on se pose la question de savoir si les dispositions de la LCSA sur les transactions dinitiés demeurent nécessaires et, dans laffirmative, sil faut les modifier. On y décrit les trois approches suivantes :
Dans le document de consultation, on sinterroge dès le départ sur la question de savoir si, du fait quil existe de grandes similarités entre les lois provinciales sur les valeurs mobilières et les dispositions de la LCSA sur les transactions dinitiés, ces dernières nimposent pas un fardeau réglementaire superflu et ne devraient pas être abrogées. Les partisans du maintien des dispositions de la LCSA affirment que celles-ci aident à assurer au moins un niveau minimum de réglementation des sociétés qui relèvent de la LCSA et que leur abrogation entraînerait sans doute une réduction assez limitée des doubles emplois. Dans le document de consultation, on recommande le maintien des dispositions de la LCSA et en examine les trois principaux éléments. Le premier élément concerne les dispositions relatives à la production de rapports. Les auteurs du document de consultation ne se prononcent pas pour ou contre le maintien de ces dispositions, mais notent quon pourrait éviter la production en double des rapports si le directeur aux termes de la LCSA exemptait les personnes tenues de déclarer des opérations en vertu des lois provinciales de lobligation de produire aussi un rapport aux termes de la LCSA. Ils envisagent aussi un certain nombre de modifications des exigences de production de rapports, notamment une réduction de la période accordée pour signaler des opérations sur actions ou déclarer lacquisition du statut dinitié et un alourdissement des peines. Comme nous lavons dit précédemment, aux termes des dispositions actuelles de la LCSA, un rapport dinitié doit être produit dans les 10 jours de la fin du mois où une personne devient un initié ou effectue une opération. Dans certaines provinces, les rapports doivent être produits dans les 10 jours suivant lacquisition du statut dinitié ou la transaction elle-même. Les auteurs du document de consultation recommandent que le délai soit abrogé et fixé à 10 jours de lacquisition du statut dinitié ou de la transaction si les dispositions visant la production de rapports dinitié de la LCSA sont maintenues(9). Dans le document de consultation, on examine aussi les dispositions sur les transactions spéculatives qui interdisent aux initiés de vendre à découvert (cest-à-dire de vendre des actions dont ils ne sont pas propriétaires ou sur lesquelles ils nont pas un droit de propriété) et de vendre ou dacheter certaines options dachat ou de vente sur des actions de la société ou de ses filiales. Toute personne qui contrevient à ces dispositions est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, dune amende maximale de 5 000 $ ou dun emprisonnement maximal de six mois, ou des deux. Les auteurs du document de consultation recommandent que ces dispositions soient conservées, mais modifiées. La LCSA impose une responsabilité aux personnes qui, à loccasion dune transaction portant sur une valeur mobilière dune société, utilisent à leur profit un renseignement confidentiel précis dont il est raisonnable de prévoir que, sil était généralement connu, il provoquerait une modification sensible du prix de cette valeur. Cette disposition sapplique aux sociétés fermées comme aux sociétés ouvertes. Deux catégories de personnes peuvent exercer un recours contre un initié : la société elle-même ou toute personne ayant subi une perte directe. Les lois provinciales en matière de valeurs mobilières contiennent elles aussi des dispositions sur la responsabilité des initiés. Le fait que des dispositions analogues se retrouvent à la fois dans la LCSA et dans les lois provinciales sur les valeurs mobilières peut sembler faire double emploi à première vue, mais on signale dans le document de consultation lavantage juridictionnel de la LCSA (les investisseurs de tout le Canada peuvent sen prévaloir pour contester les activités dinitiés de toute société régie par la LCSA) et le fait que celle-ci permet une vaste catégorie de demandeurs. Les auteurs du document de consultation recommandent que lon conserve les dispositions de la LCSA portant sur la responsabilité civile, soient conservées mais modifiées au besoin. Enfin, on sinterroge dans le document de consultation sur lopportunité de prévoir une disposition de responsabilité pénale en cas de transactions dinitiés impropres. Les auteurs du document signalent que les lois provinciales en matière de valeurs mobilières prévoient une responsabilité pénale, mais pas la LCSA, ce qui complique lapplication de cette dernière. Il est en outre soutenu que si la LCSA contenait une disposition sur la responsabilité pénale dans les transactions dinitiés, une poursuite couronnée de succès intentée en vertu de cette disposition pourrait faciliter les choses à ceux qui prévoient intenter une action civile. Les auteurs du document de consultation recommandent que soit ajoutée à la LCSA une disposition sur la responsabilité pénale interdisant les transactions dinitiés abusives et la communication injustifiée de renseignements confidentiels importants. Cette disposition serait limitée aux transactions dinitiés portant sur les valeurs mobilières de sociétés ayant fait appel au public. La peine maximale serait la suivante : deux ans de prison et le plus élevé des montants suivants : un million de dollars ou trois fois les profits réalisés, ou lune de ces deux peines(10). RECOMMANDATIONS DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce sest penché sur les dispositions de la LCSA portant sur les transactions dinitiés dans son rapport de 1996 intitulé La régie des sociétés(11). Le Comité na pas estimé nécessaire dabroger ces dispositions, mais a fait remarquer que, là où des chevauchements et des doubles emplois existent, le directeur désigné termes de la LCSA devrait accorder des exemptions individuelles et générales afin de réduire la production de rapports en double. De toutes les propositions du document de consultation visant à moderniser les dispositions sur les transactions dinitiés, celle qui a le plus retenu lattention du Comité concerne le délai de production des rapports dinitié. Un certain nombre de témoins ont réclamé un raccourcissement du délai, certains proposant même que les rapports soient produits le jour de la conclusion des transactions. Dautres, pas moins soucieux daccélérer la production des rapports, ont cependant signalé que certaines institutions auraient peut-être du mal à déclarer les opérations le jour même. Le Comité sest dit en faveur dune divulgation plus rapide des activités des initiés et il a recommandé que ceux-ci soient tenus de produire un rapport dans les 10 jours suivant lacquisition du statut dinitié ou une opération(12). Le Comité a aussi recommandé que le délai de production des rapports soit prescrit par règlement et non pas dans la Loi elle-même. Il serait ainsi plus facile de moderniser les dispositions et dharmoniser les délais de production en fonction des exigences des provinces(13). (1) Multiple Access Ltd. c. McCutcheon et al. [1982] 2 R.C.S. p. 161. (2) La Loi sur les corporations canadiennes a précédé la Loi canadienne sur les sociétés par actions. (3) Multiple Access Ltd. c. McCutcheon et al., p. 179. (4) Ibid., p. 185. (5) Ibid., p. 219-220. (6) Ibid., p. 224. (7) Industrie Canada, Loi canadienne sur les sociétés par actions, Document de consultation, Transactions dinitiés, février 1996. (8) Ibid., p. 7. (9) Ibid., p. 17. (10) Ibid., p. 58. (11) Sénat du Canada, Comité permanent des banques et du commerce, La régie des sociétés, août 1996. (12) Ibid., p. 56. (13) Ibid. |