PRB 99-39F
PROTECTION LÉGISLATIVE DES
Rédaction : TABLE DES MATIÈRES DESCRIPTION DES MESURES LÉGISLATIVES PROTECTION LÉGISLATIVE DES
DÉNONCIATEURS Le terme « dénonciateur » est fréquemment utilisé pour désigner un employé qui révèle lexistence dabus de la part de lemployeur ou dun collègue au sein dune organisation. À la suite dune telle divulgation, le dénonciateur peut faire lobjet de mesures de représailles, cest-à-dire être congédié, rétrogradé ou pénalisé de quelque autre façon. Le principal objectif dune loi visant à protéger les dénonciateurs consiste à mettre les employés à labri de ce genre de représailles. Non seulement une telle loi encourage-t-elle les dénonciateurs à divulguer linformation dont ils disposent au sujet dun abus, mais elle a aussi un effet dissuasif en raison du risque accru dêtre découvert. Au Canada, comme dans dautres pays et plus particulièrement aux États-Unis, un certain nombre de lois, surtout celles traitant de questions environnementales ou de sécurité et de santé au travail, protègent les dénonciateurs qui signalent lexistence de méfaits conformément aux lois existantes. Nos gouvernements, tant à léchelon fédéral que provincial, ont toutefois refusé jusquà maintenant de promulguer une loi plus exhaustive visant à protéger les dénonciateurs dans les secteurs public et privé(1). Aux États-Unis, la législation fédérale sapplique aux employés de la fonction publique fédérale; dans bien des États, elle vise principalement les employés du secteur public mais, dans certains cas, ceux du secteur privé également. La Grande-Bretagne est lun des pays du Commonwealth où, jusquà récemment, les dénonciateurs étaient à peu près dans la même situation que ceux au Canada, cest-à-dire quils ne bénéficiaient dune certaine protection législative que dans certaines situations précises. Il nexistait toutefois aucun système équivalent à la procédure officielle de traitement des plaintes établie aux États-Unis depuis ladoption de mesures législatives spéciales pour protéger les dénonciateurs. Un observateur a déjà décrit la situation en Grande-Bretagne comme « un mélange de lignes directrices gouvernementales restrictives et de mesures de protection juridique inadéquates, [qui] ont pour effet de réduire au silence les employés qui seraient tentés de divulguer des renseignements dintérêt public et de laisser lemployeur libre de punir les dénonciateurs(2). Parce quils doivent se plier à certaines contraintes juridiques, les tribunaux nont généralement pas le pouvoir de protéger les dénonciateurs contre les mesures de représailles prises par leurs employeurs. Devant le peu de protection offerte aux dénonciateurs légitimes, un certain nombre de groupes et de services de soutien, tels que le Freedom to Care et le Public Concern at Work, se sont constitués(3). Toutefois, avec lentrée en vigueur, le 2 juillet 1999, de la Public Interest Disclosure Act 1998 (ci-après désignée sous le nom de PIDA 1998), la situation juridique des dénonciateurs en Grande-Bretagne a changé du tout au tout; il semble quils sont peut-être maintenant parmi les mieux protégés au monde. Voici une description des mesures législatives adoptées. Elles précisent de façon générale qui sont les personnes visées par la protection offerte, à légard de quel genre de divulgations elles le sont et dans quelles circonstances. DESCRIPTION DES MESURES LÉGISLATIVES La PIDA 1998 renferme 18 articles qui, pour la plupart, ajoutent de nouvelles dispositions à la Employment Rights Act 1996 de la Grande-Bretagne(4) (ci-après désignée sous le nom de ERA 1996) ou modifient celles existantes. Sous réserve de certaines restrictions limitées, la PIDA 1998 protège les personnes liées par un contrat de travail (p. ex., les employés, notamment les fonctionnaires de la Couronne); celles qui travaillent personnellement pour quelquun dautre (en vertu dun contrat « de travail ») mais qui ne sont pas véritablement à leur compte; les personnes travaillant à domicile; certains employés dagences; les professionnels à lemploi du National Health Service (NHS), tels que les omnipraticiens, certains dentistes, les pharmaciens et les opticiens; certaines catégories de stagiaires(5). De façon générale, les seules personnes qui ne sont pas protégées en vertu de ces mesures législatives sont celles qui sont véritablement à leur compte, les bénévoles, les agents de police, celles qui travaillent habituellement à lextérieur de la Grande-Bretagne et celles qui font partie des forces armées ou des services de sécurité ou de renseignement(6). Larticle 1, qui constitue la principale disposition de la PIDA 1998, ajoute une nouvelle partie IVA intitulée PROTECTED DISCLOSURES (qui comprend les articles 43A à 43L) à la ERA 1996. Larticle 43A définit la « divulgation protégée » comme une « divulgation admissible » qui est faite par un employé conformément à lun ou lautre des articles 43C à 43H. Une « divulgation admissible », au sens du paragraphe 43B(1), renferme des renseignements qui tendent à prouver, selon la conviction raisonnable quen a le divulgateur, que lune ou lautre des situations suivantes se produit, sest produite ou se produira :
Aux fins de la disposition ci-dessus, il importe peu de savoir si lincident en question sest produit au Royaume-Uni ou ailleurs ou si la loi applicable en la matière est celle du Royaume-Uni ou dun autre pays (paragraphe 43B(2)). De même, une divulgation nest pas réputée être une divulgation admissible si, en la faisant, son auteur commet une infraction; ce serait le cas, par exemple, si la divulgation est interdite en vertu de la Official Secrets Act 1989 (paragraphe 43B(3)). Si linformation ne peut être divulguée parce quelle est protégée par le secret professionnel de lavocat et que la personne qui la divulgue la tient de quelquun qui sollicitait un avis juridique, la divulgation nest pas considérée comme étant admissible (paragraphe 43B(4)). Pour quune « divulgation admissible » soit une « divulgation protégée », il faut que certaines exigences énoncées aux articles 43C à 43H de la ERA 1996 soient satisfaites; celles-ci portent généralement sur trois aspects :
Selon larticle 43C de la ERA 1996, une divulgation admissible est protégée si elle est faite de bonne foi à lemployeur (soit directement ou suivant une procédure autorisée par lemployeur à cette fin) ou à une autre personne que lemployé croit raisonnablement être la personne responsable du manquement en question vis-à-vis de la loi. Cest la seule exigence applicable. On peut présumer que lorsquil y a en place une procédure interne facilement accessible que les employés sont encouragés à utiliser, la divulgation des préoccupations a plus de chance de se faire en premier lieu à lemployeur plutôt quà une tierce partie. Conformément à larticle 43D de la ERA 1996, une divulgation admissible est réputée protégée si elle est faite dans le cadre dune démarche visant à obtenir un avis juridique. Il ny a pas dautres conditions applicables. Une divulgation admissible est réputée protégée, si elle est faite de bonne foi à un ministre de la Couronne, lorsque lemployeur concerné est une personne nommée en vertu dune loi par un ministre de la Couronne, ou un organisme dont les membres sont eux aussi nommés de cette façon (article 43E). Le paragraphe 43F(1) de la ERA 1996 protège une divulgation admissible faite de bonne foi à une personne dont le nom figure dans une ordonnance rendue par le secrétaire dÉtat aux fins de lapplication de cette disposition, lorsque son auteur croit raisonnablement quil sagit de la bonne personne pour recevoir les allégations et que celles-ci sont en grande partie vraies. Le Public Interest Disclosure (Prescribed Persons) Order 1999(7) désigne les personnes et les organismes habilités à cet égard et précise les questions pouvant leur être divulguées (paragraphe 43F(2)). Une copie de lordonnance en question est jointe en annexe au présent document. Par exemple, les dérogations à la réglementation en matière de santé et de sécurité peuvent être portées à lattention dun cadre responsable des questions de santé et de sécurité ou de lautorité locale responsable de lapplication des mesures législatives en vigueur à ce sujet, tandis que les dangers pour lenvironnement peuvent être portés à lattention de lagence de lenvironnement. Conformément à larticle 43G de la ERA 1996, une divulgation admissible est protégée si elle est faite de bonne foi sans que son auteur espère en tirer un gain personnel, et si celui-ci croit raisonnablement que linformation divulguée et les allégations quelle renferme sont en grande partie vraies. Une ou plusieurs des conditions suivantes doivent en outre être respectées :
Enfin, dans toutes les circonstances de fait, il doit sembler « raisonnable » à lemployé de faire la divulgation, compte tenu des aspects suivants :
Larticle 43H de la ERA 1996 stipule quune divulgation admissible est protégée aux fins de la disposition en question si :
Toute disposition dune entente entre un employé et son employeur, qui a pour effet dempêcher lemployé de faire une divulgation protégée en vertu de la Loi est frappée de nullité. Cest le cas, par exemple, dune entente visant à empêcher lengagement de poursuites en vertu de la Public Interest Disclosure Act 1998 ou de toute autre procédure pour rupture de contrat(8). Un employé a le droit de ne pas être pénalisé par son employeur lorsquil fait une divulgation protégée(9), et il peut déposer une plainte auprès dun tribunal du travail sil subit un préjudice pour cette raison(10). Un préjudice peut prendre plusieurs formes, par exemple un refus daccorder une promotion, de fournir des installations ou doffrir des possibilités de formation qui en dautres circonstances lauraient été. Les employés visés par les dispositions qui sont congédiés pour avoir fait une divulgation protégée peuvent déposer une plainte pour congédiement injustifié. Ceux qui ne sont pas des employés ne peuvent déposer de plainte pour congédiement injustifié, lorsque leur contrat est résilié parce quils ont fait une divulgation protégée; toutefois, ils peuvent déposer une plainte sils ont subi un préjudice(11). Lorsquun tribunal du travail juge que la plainte dun employé pour congédiement injustifié est recevable, il ordonnera sa réintégration ou son réembauchage, ou obligera son employeur à lui verser une indemnité(12). Lorsque quelquun qui nest pas un employé dépose une plainte parce quil a été victime dun préjudice et que le tribunal juge que sa plainte est fondée, il fera une déclaration à cet effet et pourra ordonner le versement dune indemnité(13). Avant lentrée en vigueur de la PIDA 1998, les dénonciateurs en Grande-Bretagne nétaient généralement pas protégés contre les mesures de représailles prises par leur employeur. À cause des contraintes juridiques auxquelles ils sont assujettis, les tribunaux britanniques navaient pas le pouvoir doffrir cette protection. Si ladoption de mesures législatives à ce sujet a tant tardé, cest apparemment parce qu« on craignait que cela nentraîne une épidémie de dénonciations de la part demployés lésés et déloyaux qui ont toujours quelque chose à reprocher à leur patron pour la moindre irrégularité perçue »(14). Il a été constaté, en fait, que la Loi incitait les employés à dabord faire part de leurs préoccupations à leurs employeurs, et que les dispositions noffraient aucune protection aux employés qui agissent de façon irresponsable et déraisonnable. Selon un observateur, « les employeurs peuvent réduire radicalement le risque dune divulgation publique embarrassante en adoptant des politiques efficaces en matière de dénonciation, pour ainsi démontrer à leurs employés le sérieux de leur engagement à mettre fin à lincurie au travail »(15). Comme la Loi nest en vigueur que depuis peu, il est trop tôt pour savoir le genre de problèmes auxquels elle est susceptible de donner lieu ou ce quil adviendra si jamais une loi modifie les droits quelle reconnaît aux dénonciateurs. Quoi quil en soit, la Loi semble offrir aux dénonciateurs en Grande-Bretagne la protection qui jusquici leur faisait cruellement défaut. En plus de faire en sorte que les problèmes soient portés à lattention de la personne compétente, son application a pour effet dinciter les dénonciateurs eux-mêmes à agir de façon responsable.
(1) À la connaissance de lauteur, il nexiste quune seule province au Canada où une loi précise sur le sujet est en vigueur; voir larticle 28 de la Loi sur les normes demploi du Nouveau-Brunswick, qui sapplique aux employés des secteurs public et privé. En décembre 1993, lOntario a adopté une loi afin de protéger expressément les employés du secteur public (partie IV de la Loi sur la fonction publique de lOntario), mais celle-ci nest jamais entrée en vigueur. (2) J. Cooper et D. Green, « Whistleblowers », Solicitors Journal, 20 novembre 1992, p. 1166. (3) Voir la description dans : Australie, Senate Select Committee on Public Interest Whistleblowing, In the Public Interest, 1994, p. 21-4. (4) 1996, chapitre 18 http://www.legislation.hmso.gov.uk/acts/acts1996/1996018.htm. (5) Pour une définition du terme « worker » au sens de la partie IVA de la ERA 1996, voir larticle 1 de la PIDA 1998 qui ajoute, entre autres nouvelles dispositions, un article 43K à la ERA 1996; voir aussi larticle 10 de la PIDA 1998 qui modifie larticle 191 de la ERA 1996 (emploi dans la fonction publique). (6) Voir de façon générale, larticle 11 de la PIDA 1998 qui modifie larticle 193 de la ERA 1996; larticle 12 de la PIDA 1998 qui modifie larticle 196 de la ERA 1996 et larticle 13 de la PIDA 1998 qui modifie larticle 200 de la ERA 1996. (7) Grande-Bretagne, Statutory Instuments 1999, n 1549. (8) Article 1 de la PIDA 1998 qui ajoute un article 43G à la ERA 1996. (9) Article 2de la PIDA 1998 qui ajoute un article 47B à la ERA 1996. (10) Article 3 de la PIDA 1998 qui ajoute un article 48 à la ERA 1996. (11) Guide to the Public Interest Disclosure Act 1998. (12) Ibid., voir aussi larticle 8 de la PIDA 1998 qui modifie les articles 112, 117, 118 et qui ajoute un article 127B à la ERA 1996. Le calcul du montant de lindemnité versée aux employés congédiés pour avoir fait une divulgation protégée se fait conformément aux dispositions prévues par règlement. (13) Ibid., voir aussi larticle 4 de la PIDA 1998 qui modifie larticle 49 de la ERA 1996 et impose une limite à légard du montant de lindemnité pouvant être versée dans un cas semblable. (14) C. Camp, « Openness and Accountability in the Workplace », New Law Journal, vol. 149, janvier 1999, p. 46 à 50. (15) Ibid. |