PRB 99-40F

 

OFFRES D'ACHAT VISANT À LA MAINMISE

 

Rédaction :
Margaret Smith
Division du droit et du gouvernement
Le 25 janvier 2000


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

SEUIL RELATIF AUX OFFRES D’ACHAT VISANT À LA MAINMISE

DISPENSE RELATIVE AUX CONVENTIONS DE GRÉ À GRÉ

DISPENSE RELATIVE AUX SOCIÉTÉS FERMÉES

PROLONGATION DE LA PÉRIODE MINIMALE D’UNE OFFRE

ACQUISITIONS FORCÉES


OFFRES D’ACHAT VISANT À LA MAINMISE

INTRODUCTION

L’offre d’achat visant à la mainmise peut être décrite comme une offre « soumise à la totalité ou à la plupart des actionnaires en vue d’acquérir des actions d’une société visée (pollicitée) à la suite de laquelle le pollicitant, s’il réussit, acquerra suffisamment d’actions pour contrôler la société visée »(1). La Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) définit ainsi ce type d’offre :

La pollicitation, y compris celle que fait une société émettrice de racheter ses propres actions, mais à l’exception des offres franches, que fait presque simultanément un pollicitant à des actionnaires en vue d’acquérir des actions qui, avec celles dont ce pollicitant et les personnes de son groupe ou avec lesquelles il a des liens ont, même indirectement, le contrôle ou la propriété effective, représentent plus de dix pour cent des actions d’une catégorie émises par la société pollicitée(2).

Les dispositions de la LCSA sur les offres d’achat visant à la mainmise ont d’abord été promulguées dans la Loi sur les corporations canadiennes, puis ont été intégrées à la LCSA en 1975(3). L’objectif premier de ces dispositions est d’assurer aux diverses parties concernées — les actionnaires, le pollicitant et la société visée — la protection adéquate de leurs droits et de leurs intérêts :

  • en exigeant que des renseignements, pertinents à la décision d’accepter ou de refuser l’offre, soient transmis aux actionnaires à qui est soumise une offre d’achat visant à la mainmise (pollicités);

  • en s’assurant que les pollicités disposent de suffisamment de temps pour évaluer les renseignements transmis et prendre une décision;

  • en exigeant qu’il soit transmis au conseil d’administration de la société visée des renseignements pertinents à sa décision de recommander l’acceptation ou le refus de l’offre;

  • en s’assurant que le conseil d’administration de la société visée dispose de suffisamment de temps pour évaluer l’offre d’achat visant à la mainmise;

  • en s’assurant que l’offre est soumise à tous les actionnaires qui détiennent les actions visées;

  • en exigeant que les actionnaires bénéficient d’une égalité de traitement à la fois en ce qui concerne le prix offert et le pourcentage de leurs actions qui seront pris en livraison advenant une offre partielle sursouscrite(4).

Les dispositions de la LCSA sur les offres d’achat visant à la mainmise s’appliquent à toutes les sociétés ouvertes ou qui comptent plus de 15 actionnaires. À cet égard, les pollicitants qui souhaitent faire une offre d’achat visant à la mainmise d’une société de régime fédéral pourraient être assujettis non seulement aux dispositions de la LCSA, mais également aux lois provinciales sur les valeurs mobilières dans les territoires où les titres de la société visée de régime fédéral se négocient(5).

En février 1996, Industrie Canada a publié La Loi canadienne sur les sociétés par actions, Document de consultation, Offres d’achat visant à la mainmise. Le Ministère y envisage trois grandes possibilités : 1) abrogation des dispositions de la LCSA sur les offres d’achat visant à la mainmise; 2) modification de ces dispositions et 3) mesures de défense.

Après avoir exposé les arguments pour et contre l’abrogation des dispositions, Industrie Canada recommande de les conserver et de les mettre à jour.

Le présent document fait l’examen des propositions énoncées dans le Document de consultation en vue de modifier les dispositions de la LCSA sur les offres d’achat visant à la mainmise.

SEUIL RELATIF AUX OFFRES D’ACHAT VISANT À LA MAINMISE

À l’heure actuelle, les dispositions de la LCSA sur les offres d’achat visant à la mainmise s’appliquent si un pollicitant, après avoir fait une offre sur les actions d’une société pollicitée, acquiert le contrôle ou la propriété de 10 p. 100 ou plus de toute catégorie d’actions de la société visée. Les lois provinciales sur les valeurs mobilières fixent le seuil de propriété à 20 p. 100. Comme les offrants doivent habituellement acquérir au moins 20 p. 100 des actions d’une société à grande diffusion afin d’en exercer le contrôle(6), Industrie Canada recommande que le seuil prévu par la LCSA soit porté de 10 à 20 p. 100(7).

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce s’est penché sur le seuil relatif aux offres d’achat visant à la mainmise de la LCSA lors de ses audiences sur la régie des sociétés en 1996. Les témoins qui ont abordé la question étaient en faveur de hausser le seuil à 20 p. 100. Un des principaux arguments en ce sens était qu’ainsi, les exigences fédérales et provinciales seraient harmonisées. Le Comité a donc recommandé que le seuil soit porté de 10 à 20 p. 100(8).

DISPENSE RELATIVE AUX CONVENTIONS DE GRÉ À GRÉ

La LCSA prévoit certaines dispenses des exigences relatives aux offres d’achat visant à la mainmise. L’une d’elles s’applique aux conventions de gré à gré, quand la pollicitation est faite à moins de 15 actionnaires en vue d’acheter des actions par voie de conventions distinctes.

Le Document de consultation indique que cette dispense soulève trois questions :

  • Doit-on réduire à cinq le nombre maximal d’actionnaires soumis à la dispense relative aux conventions de gré à gré, ce qui aurait pour effet de l’harmoniser avec la dispense qui se trouve dans les lois provinciales sur les valeurs mobilières?

  • Doit-on restreindre la capacité des actionnaires de se regrouper afin de tenter d’obtenir plus facilement la dispense relative aux conventions de gré à gré?

  • Doit-on limiter la prime par rapport au cours du marché qu’on peut payer pour des actions achetées aux termes d’une convention de gré à gré (à l’heure actuelle, la LCSA n’impose pas de limite)(9)?

Industrie Canada propose de réduire de 15 à cinq le nombre maximal d’actionnaires admissibles à la dispense pour les conventions de gré à gré, parce que, si l’acheteur doit se rendre jusqu’à 15 actionnaires afin d’obtenir le contrôle de la société, alors la société est probablement une société à grande diffusion et les actionnaires minoritaires devraient bénéficier de la protection qu’offrent les dispositions régissant les offres d’achat visant à la mainmise(10).

Lorsque le pollicitant sait ou devrait savoir que l’actionnaire avec qui il traite soit a acquis les actions auprès d’autres personnes de façon à ce que le pollicitant puisse avoir recours à la dispense, soit détient les actions pour d’autres personnes en qualité de fiduciaire ou autre représentant légal, alors, selon le Document de consultation, ces autres personnes devraient être incluses dans le calcul du nombre d’actionnaires. L’esprit de la loi serait ainsi respecté(11).

Enfin, il est recommandé dans le Document de consultation que la LCSA restreigne à 15 p. 100 la prime au-dessus du cours du marché qui puisse être payée aux termes de la dispense(12).

DISPENSE RELATIVE AUX SOCIÉTÉS FERMÉES

L’article 194 de la LCSA prévoit que les offres d’achat d’actions d’une société qui compte moins de 15 actionnaires bénéficient d’une dispense. Dans son Document de consultation, Industrie Canada propose que la dispense relative aux « sociétés fermées » de la LCSA soit harmonisée avec les exigences de la plupart des lois provinciales sur les valeurs mobilières. Ainsi, une société de régime fédéral serait dispensée des règles régissant les offres d’achat visant à la mainmise si elle satisfait à toutes les conditions préalables suivantes :

  • le pollicité n’est pas une société ayant fait appel au public;

  • il n’existe pas de marché officiel pour les actions visées par l’offre;

  • le nombre d’actionnaires n’est pas supérieur à 50, à l’exclusion de ceux qui sont ou ont été au service de l’émetteur pollicité ou d’un membre du même groupe(13).

PROLONGATION DE LA PÉRIODE MINIMALE D’UNE OFFRE

Les dispositions de la LCSA font une distinction entre une « offre qui porte sur la totalité des actions » et une « offre qui ne porte pas sur toutes les actions ». Dans les deux cas, le pollicité doit disposer d’au moins 21 jours à compter de la date de l’offre pour remettre ses actions au pollicitant. L’offre globale n’est assortie d’aucun délai à l’intérieur duquel un pollicitant doit prendre livraison des actions déposées; dans le cas de l’offre partielle, les actions doivent être déposées dans les 35 jours de la date de l’offre. Le nombre de jours qui doivent s’écouler après la date de l’offre d’achat avant que le pollicitant ne puisse prendre livraison des actions est aussi différent : dans le cas d’une offre globale, le pollicitant doit attendre 10 jours après la date de l’offre; dans le cas d’une offre partielle, 21 jours(14).

Selon le Document de consultation, les délais relativement courts prévus par la LCSA peuvent ne pas suffire aux sociétés et à leurs administrateurs pour analyser l’offre visant à la mainmise, faire des recommandations aux actionnaires et rechercher des offres concurrentes, le cas échéant(15).

Il est donc proposé dans le Document de consultation de prolonger les périodes minimales d’offre et de dépôt, et d’éliminer les distinctions que fait la LCSA au niveau des délais entre une « offre portant sur toutes les actions » et une « offre ne portant pas sur toutes les actions ». Il est ensuite proposé de modifier les délais que prévoit la LCSA comme suit :

  • un pollicité disposera d’au moins 45 jours à compter de la date de l’offre pour déposer ses actions;

  • le pollicitant ne prendra pas livraison d’actions déposées en réponse à l’offre avant qu’il ne se soit écoulé 45 jours à compter de la date de l’offre;

  • le pollicité pourra révoquer le dépôt de ses actions en tout temps avant qu’il ne se soit écoulé 45 jours à compter de la date de l’offre;

  • les administrateurs d’une société visée disposeront de 21 jours à compter de la date d’une offre pour répondre à l’offre d’achat visant à la mainmise dans la circulaire du conseil d’administration;

  • les actions devront être prises en livraison et payées au plus tard 10 jours après l’expiration de l’offre;

  • si le pollicitant ne prend pas livraison ni ne paie des actions, le pollicité pourra révoquer le dépôt de ces actions 50 jours après la date de l’offre(16).

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a étudié la période minimale d’offre durant ses audiences sur la régie des sociétés en 1996. Il a recommandé de modifier la LCSA pour prolonger ce délai dans le cas d’une offre d’achat visant à la mainmise à 45 jours. Il a aussi recommandé que cette période soit prescrite par règlement(17). Cette modification faciliterait les changements ultérieurs et l’harmonisation avec les provinces, lorsqu’elle est souhaitable.

ACQUISITIONS FORCÉES

Selon le paragraphe 206(2) de la LCSA, le pollicitant qui acquiert 90 p. 100 des actions en circulation d’une catégorie a le droit d’acquérir les actions restantes. Ce droit d’acquisition oblige les actionnaires non déposants à vendre leurs actions et permet à l’actionnaire majoritaire de transformer la société ouverte en société fermée. Cependant, la LCSA n’offre pas de solution dans le cas où le pollicitant décide de ne pas prendre livraison des actions restantes de certains actionnaires, ce qui pourrait laisser ceux-ci dans une position extrêmement précaire, avec peu de marché ou sans marché pour leurs actions et presque aucune influence sur la direction de la société. Certaines lois sur les sociétés par actions autorisent les actionnaires, dans certains cas, à forcer la société à acheter leurs actions.

Dans le Document de consultation, il est proposé de modifier la LCSA, de façon à accorder aux actionnaires minoritaires le droit d’exiger de la société qu’elle rachète leurs actions si un actionnaire majoritaire a la propriété ou le contrôle de plus de 90 p. 100 des actions de la société(18).

Cette proposition profiterait aux actionnaires minoritaires, mais pourrait avoir de lourdes conséquences financières pour les sociétés forcées d’acheter leurs actions.


(1) Industrie Canada, Document de consultation sur la Loi canadienne sur les sociétés par actions, Offres d’achat visant à la mainmise, février 1996, p. 2.

(2) Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.C.C. 1985, modifiée, article 194.

(3) Document de consultation (1996), p. 5.

(4) Ibid., p. 3-4.

(5) Ibid., p. 4.

(6) Ibid., p. 13

(7) Ibid..p. 16

(8) Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, Régie des sociétés, août 1996.

(9) Ibid., p. 26.

(10) Ibid., p. 26-27.

(11) Ibid., p. 28.

(12) Ibid.

(13) Ibid., p. 28-29.

(14) Ibid., p. 36-37.

(15) Ibid, p. 35.

(16) Ibid., p. 37-38.

(17) Régie des sociétés (1996).

(18) Document de consultation (1996), p. 46-47.