PRB 99-41F

 

L'AIDE FINANCIÈRE EN VERTU DE LA LOI CANADIENNE
SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS

 

Rédaction :
Margaret Smith
Division du droit et du gouvernement
Le 26 janvier 2000


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

PROBLÉMATIQUE CONCERNANT L’AIDE FINANCIÈRE

SOLUTIONS POSSIBLES ET RECOMMANDATIONS TOUCHANT LA
MODIFICATION OU L’ABROGATION DE L’ARTICLE 44

CONCLUSION

ANNEXE


L’AIDE FINANCIÈRE EN VERTU DE LA LOI CANADIENNE
SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS

INTRODUCTION

L’article 44 de la Loi sur les corporations commerciales canadiennes (LCCC)(1) limite les prêts, cautions et autres formes d’aide financière pouvant être consentis par une société relevant de la LCCC. Cet article concerne deux possibilités : a) consentir une aide financière à un certain nombre de personnes désignées ayant un lien avec la société; et b) consentir une aide financière à n’importe quelle personne pour l’achat d’actions émises par la société ou par une de ses filiales. En particulier, l’article 44 interdit à une société de consentir une aide financière dans ces deux situations lorsque les administrateurs ont des motifs raisonnables de croire que la société est de ce fait insolvable ou le deviendrait, ou que l’actif de la société est ou serait inférieur au total de son passif et de son capital déclaré.

Les administrateurs qui autoriseraient l’octroi d’une aide financière en infraction des dispositions de l’article 44 assument personnellement la responsabilité du montant à l’égard de la société. Toutefois, la LCCC offre une défense limitée aux administrateurs en leur permettant d’échapper à cette responsabilité s’ils se sont fiés de bonne foi aux états financiers ou au rapport d’un avocat, d’un comptable ou d’un autre professionnel.

Le paragraphe 44(2) de la Loi expose certaines dispositions autorisant l’octroi d’une aide financière qu’il y ait ou non des motifs raisonnables de croire que la société est insolvable, par exemple s’il s’agit d’une aide financière consentie aux employés dans le cadre d’un programme d’achat d’actions de la société ou à une filiale dans n’importe quelle circonstance.

À part quelques modifications mineures, l’article 44 est essentiellement le même que lorsqu’il a été adopté en 1975.

En mars 1996, Industrie Canada a publié un document de réflexion sur cette question, Financial Assistance and Related Provisions,(2) qui contient une analyse de l’article 44, un exposé des problèmes posés par l’article, une présentation des solutions possibles et des recommandations de modification.

Dans ce document, nous examinons l’article 44 de la LCCC et certaines des modifications possibles.

PROBLÉMATIQUE CONCERNANT L’AIDE FINANCIÈRE

Lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une société est insolvable, l’article 44 semble essentiellement destiné à protéger les créanciers et les actionnaires minoritaires contre toute détérioration du capital de la société par l’octroi d’une aide financière à des initiés. Cet article n’impose pas d’interdiction absolue à l’octroi d’une aide financière puisque celle-ci est autorisée si elle ne cause aucun préjudice à la situation financière de la société.

Plusieurs méthodes sont envisageables pour réglementer l’octroi d’une aide financière, notamment :

  • un critère d’actif et de solvabilité;

  • peu ou pas de réglementation;

  • des exigences de divulgation renforcées;

  • des limites au pouvoir décisionnel des dirigeants, par exemple en faisant contrôler les transactions entre parties reliées par un comité d’administrateurs indépendants;

  • une limitation de l’aide financière pouvant être consentie;

  • l’interdiction absolue de toute aide financière lorsqu’une société est ou deviendrait insolvable;

  • le transfert aux administrateurs de la responsabilité de toutes les dettes d’une société qui effectue des transactions alors qu’elle est insolvable(3).

Le document de réflexion comporte plusieurs préoccupations relatives à l’article 44. En effet, il reproche à cet article d’être trop vague, par exemple parce que le législateur y utilise des termes imprécis tels que « même indirecte », « valeur de réalisation » et « notamment sous forme de prêt, de caution ou autre ».

Une autre préoccupation réside dans le fait que les administrateurs risquent d’avoir du mal à s’assurer qu’ils ont respecté les dispositions de l’article 44 s’ils ont été dans l’impossibilité d’obtenir des avis sur la question en s’adressant à des avocats ou à des comptables.

De même, la nature de la protection fournie par l’article 44 aux créanciers et aux actionnaires minoritaires pose problème. Comme l’article 44 exige seulement que les critères de solvabilité et d’actif soient respectés, il est à concevoir qu’une transaction nuise aux intérêts des actionnaires même si elle ne va pas à l’encontre de l’article.

En 1994, des représentants d’Industrie Canada ont tenu des consultations préliminaires avec certaines parties concernées par la LCCC au sujet de la modification de la Loi, et ils ont aussi reçu un certain nombre d’avis écrits de spécialistes et d’organisations au sujet de l’article 44. Certaines parties ont réclamé l’abrogation de l’article, d’autres ont recommandé de le conserver mais en le reformulant, et d’autres encore, souhaitant accorder plus de flexibilité aux sociétés, ont recommandé une législation plus souple(4).

SOLUTIONS POSSIBLES ET RECOMMANDATIONS TOUCHANT
LA MODIFICATION OU L’ABROGATION DE L’ARTICLE 44

Le document de réflexion comprend plusieurs solutions possibles pour répondre aux préoccupations que l’article 44 soulève. Parmi celles-ci, mentionnons :

  • abroger l’article 44;

  • remplacer le critère de solvabilité et d’actif, à la fois pour l’achat d’actions et pour l’octroi d’une aide financière à des parties reliées, par une autorisation explicite d’octroi d’une aide financière lorsque cela répond aux intérêts de la société;

  • remplacer le critère de solvabilité et d’actif par une exigence de divulgation;

  • remplacer le critère de solvabilité et d’actif par une obligation de préavis et d’approbation par les actionnaires de toute transaction d’aide financière qui serait « importante »;

  • conserver et préciser l’article 44;

  • rationaliser l’article 44 en supprimant toute restriction à l’octroi d’une aide financière pour l’achat d’actions mais en conservant un critère de solvabilité pour toute aide financière entre parties reliées;

  • conserver le statu quo à la fois pour l’achat d’actions et pour l’octroi d’une aide financière entre parties reliées;

  • obliger les sociétés cotées en bourse et ayant un actionnaire dominant à se doter d’un comité qui serait chargé d’approuver les transactions et contrats importants entre parties non indépendantes;

  • adopter un régime de divulgation, d’évaluation, d’examen par un comité spécial et d’approbation par les actionnaires minoritaires de toute transaction importante entre parties reliées de sociétés cotées en bourse;

  • adopter un régime de réglementation exhaustif concernant toutes les transactions entre parties reliées de sociétés cotées en bourse(5).

Les auteurs du document de réflexion ont conclu qu’abroger l’article 44 causerait plus de problèmes que cela n’en résoudrait « car cela pourrait entraîner plus de poursuites et de confusion touchant la question de savoir si le devoir fiduciaire autorise l’octroi d’une aide financière »(6). Ils ont donc recommandé que le critère de solvabilité et d’actif soit conservé mais précisé en ce qui concerne l’octroi d’une aide financière pour l’achat d’actions, mais qu’il soit éliminé en ce qui concerne l’octroi d’une aide financière entre parties reliées et remplacé par trois exigences : la divulgation, un critère du « meilleur intérêt de la société », et l’approbation par les administrateurs ou les actionnaires. Ils ont également recommandé, dans le cas des sociétés de la LCCC cotées en bourse, qu’un comité de déontologie composé d’administrateurs indépendants soit chargé d’examiner toute transaction importante entre parties reliées concernant des actionnaires, administrateurs et agents importants de la société ou d’une société de portefeuille et de leurs associés.

CONCLUSION

Il est clair que l’article 44 de la LCCC est insatisfaisant et doit être amélioré. En revanche, il n’existe pas de solution unique aux divers problèmes que pose l’octroi d’une aide financière. Après avoir examiné plusieurs possibilités, les auteurs du document de réflexion ont recommandé que le critère actuel d’actif et de solvabilité soit conservé mais précisé pour l’achat d’actions, et qu’il soit éliminé et remplacé par un autre critère pour les transactions entre parties reliées.

Bien que les recommandations figurant dans le document de réflexion n’aient pas été adoptées par le gouvernement, elles permettent de penser que des modifications à l’article 44 feront probablement partie des prochains amendements proposés à la LCCC.


ANNEXE 1

44. (1) Prêts et cautions interdits - -Sauf dans les limites prévues au paragraphe (2), il est interdit à la société ou aux sociétés de son groupe de fournir une aide financière même indirecte, notamment sous forme de prêt, de caution ou

autre :

a) à leurs actionnaires, administrateurs, dirigeants ou employés ou aux personnes ayant des liens avec eux;

b) à tout acheteur d’actions émises ou à émettre par l’une d’elles,

dans les cas où il existe des motifs raisonnables de croire que :

c) ou bien elle ne peut, ou ne pourrait de ce fait, acquitter son passif à échéance;

d) ou bien la valeur de réalisation de son actif, déduction faite de l’aide consentie, soit sous forme de prêt, soit par mise en gage de biens ou de constitution de charges sur des biens en vue d’obtenir une caution, serait, du fait de cette aide financière, inférieure au total de son passif et de son capital déclaré.

(2) Prêts et cautions autorisés - -

La société peut accorder une aide financière, notamment sous forme de prêt, de caution ou autre :

a) à toute personne, dans le cadre de son activité commerciale normale, si le prêt d’argent en fait partie;

b) à toute personne, à titre d’avance sur des dépenses engagées ou à engager pour son compte;

c) à sa société mère, si elle lui appartient en toute propriété;

d) à une personne morale qui est sa filiale;

e) à ses employés ou à ceux des personnes morales de son groupe :

(i) soit pour les aider à acheter ou à construire leur propre logement,

(ii) soit dans le cadre d’un programme d’achat d’actions de la société ou de ces personnes morales destinées à être détenues en fiducie.

(2.1) Interprétation d’une filiale en toute propriété - -Pour l’application de l’alinéa (2)c), une société appartient en toute propriété à une autre personne morale dans chacun des cas suivants :

a) toutes ses actions émises sont détenues par :

    (i) soit cette autre personne morale,

(ii) soit cette autre personne morale ainsi qu’une ou plusieurs personnes morales dont toutes les actions émises sont détenues par cette autre personne morale,

(iii) soit des personnes morales dont toutes les actions émises sont détenues par cette autre personne morale;

b) elle appartient en toute propriété à une personne morale qui elle-même appartient en toute propriété à cette autre personne morale.

(3) Exécution forcée - -La société peut poursuivre l’exécution des contrats qu’elle a conclus en violation du présent article; il en est de même du prêteur à titre onéreux de bonne foi qui n’a pas été avisé de la violation.


(1) Le texte de l’article 44 se trouve à l’annexe 1.

(2) Industrie Canada, Loi sur les corporations commerciales canadiennes, document de réflexion, Financial Assistance and Related Provisions, mars 1996.

(3) Ibid., p. 14.

(4) Ibid., p. 28-29.

(5) Ibid., p. 30-35.

(6) Ibid., p. 36.