PRB 99-46F

 

PROTECTION DES BREVETS POUR LES PRODUITS
PHARMACEUTIQUES AU CANADA - CHRONOLOGIE

 

Rédaction :
Margaret Smith
Division du droit et du gouvernement
Le 30 mars 2000


1923 -- La Loi sur les brevets est modifiée de façon à prévoir l’octroi de licences obligatoires pour la fabrication d’aliments et de médicaments brevetés. Pour ce qui est des médicaments brevetés, la modification permet d’accorder une licence obligatoire si les ingrédients actifs sont fabriqués au Canada. (Une licence obligatoire est une licence légale qui donne à son détenteur le droit de fabriquer, d’utiliser ou de vendre une invention brevetée avant l’expiration du brevet. Les licences peuvent être accordées sans le consentement du titulaire de brevet et le détenteur de licence doit alors payer une redevance.)

1969 -- La Loi sur les brevets est modifiée de façon à prévoir l’octroi de licences obligatoires permettant d’importer des médicaments au Canada. Cette modification permet aux fabricants de produits pharmaceutiques génériques d’importer les ingrédients actifs d’un médicament et de les transformer au pays pour ensuite vendre le médicament. Le commissaire aux brevets est autorisé à délivrer des licences obligatoires à l’importation et à fixer la redevance. Celle-ci est établie à 4 p. 100 du prix de vente net du médicament dans sa forme posologique définitive.

1983 -- Le ministre fédéral de la Consommation et des Affaires commerciales réclame un rééquilibrage de la politique de 1969 relative aux licences obligatoires, afin de stimuler la croissance de l’industrie pharmaceutique.

1984 -- Le gouvernement fédéral crée la Commission d’enquête sur l’industrie pharmaceutique (Commission Eastman) et la charge notamment de formuler des recommandations sur la protection assurée par les brevets dans l’industrie pharmaceutique.

1985 -- La Commission d’enquête sur l’industrie pharmaceutique recommande d’accorder au titulaire d’un brevet de médicament une courte période d’exclusivité (quatre ans) à compter de l’obtention de l’avis de conformité (ADC)(1) qui autorise la commercialisation du médicament. La Commission recommande également que les redevances payées en vertu des licences obligatoires soient versées dans un fonds spécial. La redevance se calcule selon une formule tenant compte de la valeur des ventes des produits fabriqués sous licence obligatoire au Canada, par le détenteur de la licence multipliée par le ratio entre la recherche et le développement et les ventes de l’industrie pharmaceutique dans le monde, plus 4 p. 100. La répartition du fonds de redevances entre les sociétés dont les brevets font l’objet de licences obligatoires devrait être calculée d’après l’intensité relative des activités de recherches menées par ces sociétés.

1987 -- Le projet de loi C-22 modife la Loi sur les brevets en apportant de nombreux changements au système de licence obligatoire pour les médicaments brevetés. Les modifications garantissent aux titulaires de brevets une période de protection contre les licences obligatoires. Un fabricant de médicaments de marque qui reçoit un ADC pour un médicament après le 27 juin 1986 bénéficie d’une protection de dix ans contre les licences obligatoires à l’importation et de sept ans contre les licences obligatoires à la fabrication. Les médicaments brevetés pour lesquels l’ADC a été délivré le 27 juin 1986 ou avant, et pour lesquels les fabricants de médicaments génériques ont obtenu soit un ADC, soit une licence obligatoire à l’importation, mais non les deux, sont protégés pendant sept ans contre les licences obligatoires à l’importation. Enfin, les médicaments pour lesquels l’ADC a été délivré le 27 juin 1986 ou avant, mais pour lesquels ni une licence obligatoire ni un ADC générique n’ont été délivrés, bénéficient d’une protection de huit ans contre les licences obligatoires à l’importation.

La nouvelle loi accorde une protection additionnelle aux médicaments inventés et élaborés au Canada. Une licence obligatoire peut être accordée pour la fabrication, mais non pour l’importation si, dans les sept ans après la délivrance de l’ADC, l’inventeur ne fabrique toujours pas le médicament au Canada afin d’approvisionner la totalité ou une grande partie du marché canadien.

Le projet de loi C-22 modifie également la loi générale sur les brevets afin de porter la durée d’un brevet à 20 ans à compter du dépôt de la demande; auparavant, la durée d’un brevet était de 17 ans à partir de sa date de délivrance. Ce changement entrera en vigueur en 1989.

1991 -- Le directeur général de l’Accord général sur les tarifs et le commerce, Arthur Dunkel, prépare un projet d’acte final pour conclure l’Uruguay Round des négociations commerciales multilatérales du GATT. Ce document contient également la version préliminaire de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). L’article 31 de l’Accord sur les ADPIC contient des dispositions sur l’utilisation sans l’autorisation du détenteur du droit. On convient généralement que le régime canadien de licences obligatoires pour les produits pharmaceutiques n’est pas conforme à l’article 31. (Le texte de l’Accord sur les ADPIC, tel qu’énoncé dans le document Dunkel, fait l’objet d’un accord non officiel de la part de toutes les parties aux négociations du GATT et fera partie de l’accord final adopté en 1994.)

1992 -- Le gouvernement fédéral endosse le texte Dunkel La version définitive de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) est acceptée : le chapitre 17 s’inspire largement des dispositions du projet d’Accord sur les ADPIC et, dans certains cas, le texte est identique. L’article 31 de l’Accord sur les ADPIC est reproduit presque textuellement au paragraphe 1709(10) de l’ALENA.

1992 -- Le gouvernement fédéral propose de modifier encore la Loi sur les brevets et de mettre en œuvre les dispositions de l’Accord sur les ADPIC et de l’ALENA sur la propriété intellectuelle en déposant à la Chambre des communes le projet de loi C-91, Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets. Le projet de loi supprime l’octroi de licences obligatoires pour les produits pharmaceutiques. Cependant, les licences obligatoires accordées avant le 20 décembre 1991 restent en vigueur et continuent d’être assujetties aux périodes de sept et de dix ans établies en vertu du projet de loi C-22. Les licences obligatoires accordées après le 20 décembre 1991 mais avant la promulgation de la loi cessent d’être valides lorsque la loi entre en vigueur.

Le projet de loi C-91 crée également deux exceptions à une action en contrefaçon de brevet (à laquelle s’expose quiconque fabrique, utilise ou vend un produit protégé par un brevet sans le consentement du titulaire du brevet). Les deux exceptions permettent d’utiliser un produit breveté à certaines fins avant l’expiration du brevet. La première exception, dite de « travaux préalables », permet à une personne d’utiliser une invention brevetée pendant que le brevet est en vigueur à seule fin d’obtenir une approbation, en vertu de la loi, de vendre un produit équivalent après l’expiration du brevet (paragraphe 55.2(1)). Cette disposition permet à un fabricant de mettre au point une version générique d’un médicament et de prendre toutes les mesures voulues pour répondre aux exigences du règlement concernant sa vente, et ce avant l’expiration du brevet. La deuxième exception, dite d’« emmagasinage », permet d’utiliser une invention brevetée pendant un certain temps avant l’expiration du brevet, afin de fabriquer et de stocker un produit destiné à la vente une fois le brevet expiré (article 55.2(2)).

Le projet de loi C-91 prévoit également des brevets de produit pour les inventions pharmaceutiques. Antérieurement, ces inventions n’étaient protégées que par des brevets de procédé (« brevets de produit en vertu d’un procédé »).

Février 1993 -- La Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets entre en vigueur.

Mars 1993 -- Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (Règlement de liaison) précise la façon dont la délivrance d’un ADC pour un médicament générique est liée à l’expiration du brevet visant le médicament de marque équivalent. Essentiellement, le règlement prévoit que le ministre de la Santé ne peut pas délivrer un ADC à un fabricant de médicaments génériques avant l’expiration du brevet, à moins que le titulaire du brevet consente à la fabrication d’un médicament générique, que le brevet pertinent ne soit pas valide ou qu’il n’y ait pas de violation de droits de brevet.

Le Règlement sur la protection et l’entreposage des médicaments brevetés prévoit qu’un fabricant de médicaments génériques peut stocker une version générique d’un médicament six mois avant l’expiration des brevets pertinents.

Avril 1997 -- Le Comité permanent de l’industrie de la Chambre des communes publie un rapport sur la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets et recommande que le gouvernement revoie la réglementation associée au projet de loi C-91.

Décembre 1997 -- L’Union européenne (UE) demande que le Canada tienne des consultations dans le cadre des procédures de règlement des différends de l’OMC en ce qui a trait à la protection des inventions pharmaceutiques en vertu de la Loi sur les brevets du Canada et des obligations du Canada dans le cadre de l’Accord sur les ADPIC.

Mars 1998 -- Le Règlement modifié sur les médicaments brevetés (avis de conformité) entre en vigueur. Même si plusieurs changements sont apportés au fonctionnement du règlement, ils ne changent rien au régime général régissant la contrefaçon, le travail préalable ou l’emmagasinage.

Février 1999 -- L’organe de règlement des différends de l’OMC crée un groupe de travail pour entendre la contestation de l’Union européenne en vertu de l’Accord sur les ADPIC relativement aux exceptions prévues aux paragraphes 55.2(1) (travail préalable) et 55.2(2) (emmagasinage) de la Loi sur les brevets.

L’Union européenne soutient que la Loi sur les brevets et le règlement qui prévoit la fabrication et l’emmagasinage de produits pharmaceutiques sans le consentement du titulaire de brevet pour une période de six mois avant l’expiration du brevet de 20 ans (paragraphe 55.2(2)) contrevient aux obligations du Canada en vertu de l’Accord sur les ADPIC (paragraphe 28.1 et article 33).

En outre, l’Union européenne soutient qu’en traitant les titulaires de brevets de façon moins favorable dans le domaine des inventions pharmaceutiques que dans les autres domaines technologiques, le Canada contrevient aux obligations au titre du paragraphe 27.1 de l’Accord sur les ADPIC. Ce paragraphe exige que les brevets soient disponibles et que les droits découlant des brevets s’appliquent sans discrimination en ce qui a trait au domaine technologique.

L’Union européenne affirme en outre que les dispositions du paragraphe 28.1 de l’Accord sur les ADPIC sont enfreintes par le paragraphe 52.2(1) de la Loi sur les brevets qui permet à un tiers, sans le consentement du détenteur du brevet, d’utiliser une invention brevetée alors que le brevet demeure en vigueur, afin d’obtenir l’approbation réglementaire de la vente d’un produit équivalent après l’expiration du brevet.

Le Canada, de son côté, affirme que les paragraphes incriminés de la Loi sur les brevets se conforment à ses obligations en vertu de l’Accord sur les ADPIC, parce que :

chacune de ces dispositions est une « exception limitée » aux droits exclusifs conférés par un brevet au sens de l’article 30 de l’Accord sur les ADPIC;

aucune de ces dispositions n’entraîne de discrimination par rapport au domaine technologique où se produisent des inventions pertinentes, ni ne réduit la durée minimale de la protection conférée par un brevet.

Mars 2000 -- Le groupe spécial de l’OMC chargé de la question convient avec le Canada que l’exception du paragraphe 55.2(1) sur le travail préalable de la Loi sur les brevets est raisonnable, en soutenant qu’elle n’est pas incompatible avec les obligations du Canada en vertu de l’Accord sur les ADPIC. Par contre, il est d’accord avec l’Union européenne pour conclure que le paragraphe 55.2(2) sur l’emmagasinage contrevient aux obligations du Canada en vertu de l’Accord sur les ADPIC.

Avril 2000 -- Le Canada annonce qu’il donnera suite à la conclusion du groupe spécial de l’OMC suivant laquelle la disposition relative à l’emmagasinage contrevient à ses obligations en vertu de l’Accord sur les ADPIC.

Mai 2000 -- Un autre groupe spécial de l’OMC donne raison aux États-Unis en concluant que la durée de la protection conférée par les brevets délivrés par le Canada avant le 1er octobre 1989, soit 17 ans à compter de la date de délivrance, ne respecte pas la durée minimale stipulée par l’Accord sur les ADPIC, soit 20 ans à compter de la date à laquelle la demande de brevet est présentée.

Le projet de loi C-22 comportait deux dispositions régissant la durée des brevets : 17 ans à compter de la date de délivrance du brevet pour les demandes présentées avant le 1er  octobre 1989 (« l’ancien régime ») et 20 ans à compter de la date de présentation de la demande de brevet pour les demandes présentées le 1er octobre 1989 ou après cette date (« le nouveau régime »).

Les États-Unis soutenaient que l’Accord sur les ADPIC prévoit une durée minimale de 20 ans à compter de la date de présentation de la demande de brevet dans tous les cas. Le litige portait sur les brevets délivrés en vertu de l’ancien régime moins de trois ans suivant la présentation d’une demande.

Le Canada annonce qu’il en appellera de la décision du groupe spécial de l’OMC.


(1) L’ADC est un document émis par le ministère fédéral de la Santé qui autorise formellement la vente d’un médicament une fois qu’il répond aux normes requises de sécurité et d’efficacité.