86-13F

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

 

Rédaction :
Philip Rosen
Analyste principal
Révisé le 25 janvier 2000


TABLE DES MATIÈRES

DÉFINITION DU SUJET

CONTEXTE ET ANALYSE

   A.  Compétences

   B.  Principes de la Loi

   C.  Mesures de rechange

   D.  Questions préalables au procès
      1.  Détention et mise en liberté provisoire
      2.  Avis au père et à la mère
      3.  Rapports médicaux et psychologiques

   E.  Procès

   F.  Preuve
      1.  Déclarations de l'adolescent
      2.  Déposition d'enfants et d'adolescents

   G.  Verdict (décisions)

   H.  Appels

   I.  Les droits des jeunes
      1.  Le droit aux services d'un avocat
      2.  Le droit à la protection de la vie privée

   J.  Dossiers

MESURES PARLEMENTAIRES

   A.  Projet de loi C-192 (1970-1971)

   B.  Projet de loi C-61, Loi sur les jeunes contrevenants

   C.  Projet de loi C-106

   D.  Projet de loi C-12 (anciennement projet de loi C-58)

   E.  Projet de loi C-37

   F.  Rapport du Comité de la justice

   G.  Projet de loi C-3 (anciennement projet de loi C-68)

CHRONOLOGIE

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE


LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS*

 

DÉFINITION DU SUJET

L’entrée en vigueur, en 1984, de la Loi sur les jeunes contrevenants (LJC) a marqué le début d’une époque nouvelle dans le traitement des adolescents qui enfreignent le droit criminel. La Loi a remplacé la Loi sur les jeunes délinquants (LJD) de 1908, qui était un parfait exemple de ce qu’on a appelé un modèle inspiré du « bien-être social » s’appliquant aux jeunes contrevenants. Autrement dit, chaque délinquant devait être traité non pas comme un criminel, « mais comme un enfant mal dirigé, ayant besoin d’aide, d’encouragement, et de secours ». La simplicité et la souplesse étaient la marque de la LJD — l’objectif en était d’atténuer la stricte application de la justice criminelle de façon à pouvoir intervenir socialement pour « sauver » l’enfant. Sans le vouloir, le Canada s’est toutefois retrouvé avec un système souvent arbitraire, injuste et indifférent aux intérêts des jeunes, un fossé s’étant creusé entre les idéaux exprimés dans la LJD et les services effectivement offerts. En outre, les jeunes délinquants se sont vu refuser des garanties de procédure fondamentales : droit à un avocat, droit d’appel et peine de durée déterminée.

La LJC suit ce qu’on appelle le modèle « justice » de la justice criminelle appliquée aux adolescents. Elle tient compte des besoins spéciaux et de la vulnérabilité des jeunes, mais insiste autant sur la protection du public que sur les droits des adolescents. Le résultat en est un code beaucoup plus détaillé et explicite régissant la procédure criminelle applicable aux jeunes. L’accent est mis non pas tant sur l’intervention sociale que sur la délimitation des droits et des obligations.

CONTEXTE ET ANALYSE

   A. Compétences

Dans l’ensemble, la LJC s’apparente davantage à un code de procédure qu’au droit positif. Elle ne définit pas un Code criminel pour les jeunes. Elle indique plutôt les règles de procédure à suivre en matière de délinquance juvénile. Elle s’applique à tous les « adolescents » âgés de douze à dix-huit ans. Par contre, la LJD pouvait être invoquée dans le cas de n’importe quel enfant âgé de plus de sept ans et, selon la province, de moins de seize ou dix-huit ans. Lorsque la LJC a été promulguée, en avril 1984, les provinces ont été autorisées à continuer de fixer pendant un certain temps l’âge maximal à seize ou dix-sept ans afin de disposer du temps voulu pour s’adapter au nouveau système. Cependant, en avril 1985, l’âge maximal a été fixé à dix-huit ans dans tout le Canada.

En vertu de la LJD, la gamme des délits pour lesquels un jeune pouvait être poursuivi était assez vaste. Était considéré comme un « jeune délinquant » tout enfant qui commettait une infraction au Code criminel ou à quelqu’une des dispositions d’une loi fédérale ou provinciale ou d’un règlement ou ordonnance d’une municipalité, ou qui était coupable « d’immoralité sexuelle ou de toute forme semblable de vice ». La LJC est beaucoup plus limitée et précise : elle s’applique uniquement aux infractions créées par des lois fédérales ou par leurs textes d’application (règlements, règles ou ordonnances, à l’exclusion des ordonnances des territoires).

Les jeunes contrevenants doivent être jugés par des « tribunaux pour adolescents », désignés par le gouvernement d’une province (ou, dans le cas des territoires, par le gouverneur en conseil) pour s’occuper des adolescents. Ces tribunaux ont compétence lorsqu’une infraction est commise par un adolescent. Tout comme la LJD, la LJC, à l’article 16, prévoit le renvoi d’une affaire à un tribunal pour adultes, sur demande du procureur général intéressé, ou du jeune lui-même, « dans l’intérêt de la société » et compte tenu des « besoins de l’adolescent ». Ces renvois n’ont lieu que dans le cas des actes criminels graves comme le meurtre et ne sont possibles que lorsque l’accusé aurait commis l’infraction après avoir atteint l’âge de quatorze ans. Contrairement à la LJD, en vertu de laquelle la décision en matière de renvoi était laissée à la discrétion du juge, la LJC comporte une liste détaillée de critères dont doit tenir compte le tribunal avant d’ordonner un renvoi. Le projet de loi C-106 adopté par le Parlement en juin 1986 a modifié l’article 16 de la LJC afin d’exiger que le tribunal pour adolescents s’informe, avant de rendre une décision, si une des parties entend faire une demande de renvoi. Cette modification visait, semble-t-il, à prévenir les plaidoyers de culpabilité hâtifs en vue d’éviter un renvoi, et à traiter les affaires où les parties n’ont pas songé à demander un renvoi.

En 1995, le projet de loi C-37 a considérablement modifié l’article 16. En vertu de ces modifications, l’adolescent de 16 ou 17 accusé de meurtre, de tentative de meurtre, d’homicide involontaire coupable ou d’agression sexuelle grave comparaît devant le tribunal pour adultes. Si une demande est présentée pour que le jeune soit renvoyé devant le tribunal pour adolescents, ce dernier peut ordonner ce renvoi s’il détermine qu’il est possible de concilier les deux objectifs de la réinsertion sociale et de la protection du public en plaçant l’adolescent sous sa compétence.

Les limites d’âge stipulées dans la LJC ont prêté à controverse. Certaines forces de police en particulier soutiennent qu’elles n’ont pratiquement aucun pouvoir dans le cas d’actes criminels commis par des enfants de moins de douze ans et de plus de sept ans. Le gouvernement fédéral prétend pour sa part que les provinces ont le pouvoir de s’occuper d’eux étant donné leur compétence en matière de bien-être des enfants. Il a également fallu à certaines provinces un certain temps pour se faire à la nouvelle limite maximale d’âge établie à dix-huit ans.

   B. Principes de la Loi

À l’article 3, la LJC intègre dans ses règles de droit une « déclaration de principes » qui constitue un guide pour son interprétation et son application. Les énoncés de principe suivants se trouvaient dans la première version de la Loi. Les adolescents ne sauraient, dans tous les cas, être assimilés aux adultes quant à leur degré de responsabilité, mais il n’en demeure pas moins qu’ils « doivent assumer la responsabilité de leurs délits ». La société doit pouvoir se protéger contre toute conduite illicite et prendre les mesures qui s’imposent pour prévenir la conduite criminelle chez les adolescents. Les jeunes contrevenants ont besoin de surveillance, de discipline et d’encadrement, mais ils ont également des « besoins spéciaux » qui exigent conseils et assistance. Il y aurait lieu d’envisager la substitution de mesures de rechange aux procédures judiciaires prévues « compte tenu de la protection de la société ». Les droits légaux et constitutionnels des jeunes sont reconnus. Le droit des adolescents à la liberté ne peut souffrir que d’un minimum d’entraves commandées par la protection de la société. Les jeunes ont le droit d’être informés de leurs droits et libertés chaque fois qu’il risque d’y être porté atteinte. Les parents sont censés assumer l’entretien et la surveillance de leurs enfants, qui ne sauraient être soustraits à leur autorité que dans des cas de force majeure. En 1995, le projet de loi C-37 a ajouté deux principes à la Loi. Le premier insiste sur un cadre d’action multidisciplinaire en matière de prévention du crime, et le second affirme que la protection de la société est mieux servie par la réinsertion sociale de l’adolescent.

Un aspect notable de ces énoncés de principe est l’accent mis sur la protection de la société et sur les droits des adolescents, net indice de l’approche de la LJC. Quant à leur utilisation comme instruments d’interprétation, des adolescents et des tribunaux d’appel ont invoqué l’article 3 à l’égard de questions comme la détermination de la peine et les demandes de renvoi.

   C. Mesures de rechange

L’article 4 de la Loi vient étayer l’énoncé de principe contenu à l’article 3 selon lequel des procédures autres que judiciaires devraient être envisagées dans bien des cas. Il autorise le recours volontaire à des « mesures de rechange » ou à ce qui est appelé la « déjudiciarisation » c’est-à-dire la décision de ne pas poursuivre un adolescent, mais de le faire participer à un quelconque programme de services éducatifs ou communautaires. L’objectif est d’éviter les poursuites formelles qui exigent énormément de temps et les peines dont les effets sont souvent néfastes.

Un certain nombre de conditions préalables doivent être respectées pour qu’un adolescent puisse être soustrait à l’action des tribunaux. Un programme de mesures de rechange doit recevoir l’approbation du procureur général intéressé, de son représentant, ou d’une personne accréditée par le lieutenant gouverneur en conseil d’une province. L’adolescent doit « se reconnaître responsable » de l’infraction qui lui est imputée et manifester sa ferme intention de collaborer. Des preuves suffisantes doivent également justifier la mise en œuvre de poursuites. L’article 4 maintient cependant le droit de toute personne d’intenter personnellement des poursuites, sauf dans les cas où un adolescent s’est soumis aux mesures de rechange prescrites.

On s’inquiète notamment du fait qu’un adolescent doive admettre sa culpabilité afin de pouvoir bénéficier des avantages de l’article 4. On se préoccupe également de ce que cette nouvelle forme législative de mesure de rechange puisse exclure certains moyens informels de déjudiciarisation comme ceux qui sont mis en œuvre par la police au moment de l’arrestation.

   D. Questions préalables au procès

      1. Détention et mise en liberté provisoire

La LJC précise clairement que la plupart des dispositions du Code criminel concernant l’arrestation et le cautionnement s’appliquent dans le cas des procédures intentées contre des adolescents. Il n’était pas certain, d’après la LJD, que les dispositions détaillées de la partie XIV du Code concernant les libérations s’appliquaient aux adolescents. Jusqu’à l’adoption du projet de loi C-106 en juin 1986, la Loi contenait une règle à peu près absolue selon laquelle les adolescents devaient être détenus à part des adultes. Étant donné les problèmes pratiques que cette règle posait aux forces de l’ordre, l’article 7 a été assoupli de manière à permettre qu’un adolescent puisse être détenu dans les mêmes locaux que des adultes, « sous la surveillance d’un agent de la paix » et à condition que son transfert en un lieu de détention spécial s’effectue dans un délai raisonnable suivant sa première comparution en cour. Le projet de loi a également assoupli la règle selon laquelle les juges ne pouvaient être saisis des questions de cautionnement que lorsqu’un juge du tribunal pour adolescents n’était pas disponible. Les modifications permettent aux juges de se prononcer sans restriction sur les questions de cautionnement.

      2. Avis au père et à la mère

Conformément au principe de la responsabilité parentale, la LJC renferme des dispositions détaillées stipulant que lorsqu’un adolescent est arrêté ou inculpé, son père ou sa mère doivent en être informés. Père ou mère s’entend de toute personne qui est légalement tenue de subvenir aux besoins d’un adolescent, ou qui assume, en droit ou en fait, sa garde ou sa surveillance. Conformément à l’article 10, le père ou la mère peuvent également être tenus de suivre le déroulement de l’instance devant le tribunal pour adolescents si ce dernier estime que leur présence est nécessaire ou qu’elle s’impose dans l’intérêt de l’adolescent, et ils peuvent être reconnus coupables d’outrage au tribunal s’ils ne s’y présentent pas.

      3. Rapports médicaux et psychologiques

L’article 13 de la LJC énonce des lignes de conduite très détaillées régissant l’établissement et l’utilisation de rapports médicaux et psychologiques relatifs à l’adolescent accusé. La LJD était pratiquement muette à ce sujet, ce qui laissait beaucoup de latitude aux tribunaux. L’article 13 précise entre autres quand un rapport peut être exigé par ordonnance et dans quelles circonstances un adolescent peut être détenu pour examen; il prévoit que le contenu d’un rapport peut ne pas être communiqué à certaines personnes, même à l’adolescent dans certains cas, et il établit le droit de contre-interroger l’auteur d’un rapport. En 1995, le projet de loi C-37 a modifié l’article 13 afin de permettre que de tels rapports soient ordonnés lorsque l’adolescent est accusé d’une infraction ayant comporté des sévices graves à la personne ou que plusieurs déclarations de culpabilité ont été prononcées contre lui.

   E. Procès

Tout comme aux termes de la LJD, les poursuites au criminel mettant en cause un adolescent sont sommaires par nature, que l’infraction soit ou non décrite, dans le Code criminel ou d’autres lois, comme punissable par mise en accusation ou sur déclaration sommaire de culpabilité. Ainsi, même dans le cas d’actes criminels (donc graves), il n’y a pas d’enquête préliminaire et l’adolescent ne peut demander à être jugé par un jury. Le projet de loi C-37, adopté en 1995, prévoit une exception à cette disposition et permet aux jeunes contrevenants accusés de meurtre au premier ou au second degré et comparaissant devant un tribunal pour adolescents de choisir d’être jugés devant un juge de cour supérieure et un jury. Dans la plupart des cas, le refus d’accorder à un adolescent un procès devant jury a été contesté comme inconstitutionnel. Jusqu’à maintenant, la plupart des tribunaux ont à cet égard confirmé la validité de la Loi. La Charte canadienne des droits et libertés garantit le droit de bénéficier d’un procès avec jury uniquement lorsque la peine maximale prévue pour l’infraction dont la personne est accusée est un emprisonnement de cinq ans « ou une peine plus grave ». On a prétendu que la peine maximale prévue par la Loi étant de trois ans, la Charte doit être interprétée comme ne garantissant un procès avec jury que dans les cas graves où trois années peuvent être considérées comme une « peine grave ».

La Loi prévoit une procédure stricte en ce qui concerne le commencement des poursuites; en effet, le tribunal doit faire lire à l’intention de l’accusé la dénonciation dont il fait l’objet et lorsque celui-ci n’a pas de représentant, l’informer de son droit de se faire assister par un avocat. En outre, un tribunal pour adolescents ne peut accepter des aveux de culpabilité sans avoir d’abord déterminé si les faits justifient l’accusation, ce que n’est pas tenu de faire un tribunal pour adultes. En général, les procédures énoncées dans le Code criminel régissent les procès tenus devant les tribunaux pour adolescents, sauf stipulation contraire de la Loi.

   F. Preuve

      1. Déclarations de l'adolescent

L’article 56 de la LJC traite explicitement de la recevabilité des déclarations de l’adolescent. Comme c’est le cas en général, il reprend la règle de la common law voulant qu’une déclaration ne soit reçue en preuve que si elle est « volontaire », c’est-à-dire qu’elle ne doit pas avoir été faite par crainte de subir un préjudice ou dans l’espoir d’obtenir un avantage d’une « personne en autorité ». Il établit toutefois d’autres conditions à la recevabilité des déclarations. En effet, la personne qui reçoit la déclaration doit expliquer à l’adolescent « en des termes adaptés à son âge et à sa compréhension » qu’il n’est pas obligé de faire une déclaration, que celle-ci pourra servir de preuve contre lui, qu’il a le droit de consulter son avocat ainsi que son père ou sa mère ou un parent adulte et qu’il peut faire sa déclaration en présence de l’adulte qu’il a consulté. De plus, il doit avoir, s’il a consulté quelqu’un, l’occasion de faire sa déclaration en présence de cette personne. Il peut renoncer à ces deux derniers droits, mais sa renonciation doit être faite par écrit. Le projet de loi C-106, dans sa forme initiale, supprimait la nécessité de faire la renonciation par écrit. Cette mesure a cependant soulevé une vive opposition et a ultérieurement été retirée du projet de loi. Toutefois, aux termes de l’article 56 modifié, le père, la mère ou un parent adulte consulté par l’adolescent est réputé, en l’absence d’une preuve contraire, ne pas être « une personne en autorité » (le fait, pour ces personnes, d’engendrer l’espoir d’obtenir un avantage ou la crainte de subir un préjudice pouvant entacher la recevabilité de la déclaration). Le projet de loi C-37 a apporté un certain nombre de modifications à l’article 56 afin de clarifier certaines dispositions « ambiguës ».

Une exception à la plupart de ces dispositions est prévue en ce qui concerne les déclarations « spontanées » faites à un agent de la paix ou à une autre personne en autorité. Toutefois, ces déclarations doivent toujours être volontaires. Pour ce qui est des déclarations faites à des personnes qui ne sont pas « en autorité », elles sont irrecevables si elles ont été extorquées par contrainte.

      2. Déposition d'enfants et d'adolescents

Avant l’entrée en vigueur de projet de loi C-106, les règles régissant la capacité des enfants ou des adolescents de témoigner en justice en vertu de la LJC différaient, à certains égards, de la règle générale de droit en la matière. En vertu de cette règle, formulée à l’article 16 de la Loi sur la preuve au Canada, les personnes de plus de 14 ans sont présumées aptes à témoigner. Si un témoin est âgé de moins de 14 ans, le tribunal doit déterminer s’il comprend la nature d’un serment. Dans l’affirmative, sa déposition est recevable sans qu’elle soit corroborée, bien que le juge doive mettre en garde le jury chargé de l’appréciation des faits de la possibilité que cette déposition ne soit pas fiable. La déposition de l’enfant peut être recueillie sans qu’il ait été assermenté si le tribunal détermine qu’il a atteint un degré de maturité suffisant et qu’il a compris « son obligation de dire la vérité ». Jusqu’à récemment, ce témoignage devait toutefois être corroboré.

L’ancien article 61 de la LJC était à la fois plus et moins restrictif que la règle de droit générale. Il l’était plus, car les témoignages de toutes les personnes de moins de 12 ans devaient être corroborés, tandis qu’en vertu de la règle de droit générale, un enfant de moins de 12 ans pouvait témoigner sous serment, ce qui n’exige aucune corroboration. Il l’était moins, du fait qu’il présumait que toutes les personnes de plus de 12 ans ont la capacité de témoigner, tandis que la règle de droit générale n’établissait cette présomption qu’à l’égard de celles de plus de 14 ans.

Le projet de loi C-106 a abrogé l’article 61, rendant ainsi l’article 16 de la Loi sur la preuve au Canada applicable aux procédures des tribunaux pour adolescents. Il a maintenu les dispositions de l’article 60 prévoyant que le juge doit instruire un enfant et peut instruire un adolescent de son obligation de dire la vérité; mais d’autres dispositions, qui prévoyaient que toutes les dépositions des enfants et des adolescents devaient être recueillies sur affirmation solennelle, ont été supprimées. Il semble maintenant que les enfants et les adolescents puissent témoigner sous serment ou sur affirmation solennelle.

Le Comité Badgley (qui a enquêté sur les infractions sexuelles contre les enfants et les adolescents) a critiqué les exigences concernant la corroboration, soutenant que l’âge d’un témoin ne devrait influer que sur le poids de sa déposition et non sur sa recevabilité. Le gouvernement a semblé d’accord et a déposé le projet de loi C-113, qui a franchi l’étape de la première lecture en juin 1986 et qui proposait de modifier l’article 16 de la Loi sur la preuve au Canada de manière à supprimer l’exigence de corroboration et à établir un moyen de déterminer la capacité de témoigner d’un adolescent de moins de 14 ans. Le projet de loi aurait aussi supprimé une exigence du Code criminel (art. 586) concernant la corroboration des témoignages d’enfants. Le projet de loi C-113 a expiré au Feuilleton après la prorogation du Parlement en août 1986, mais le projet de loi C-15, qui reprenait ces dispositions, a été adopté par la Chambre des communes et le Sénat et a reçu la sanction royale le 30 juin 1987.

   G. Verdict (décisions)

On a écrit que « la véritable magie du tribunal pour adolescents se manifeste à l’étape du verdict », c’est-à-dire au stade du procès où le tribunal peut concrétiser les principes dont s’inspire la législation. La LJC apporte un certain nombre de réformes à ce qu’elle appelle les « décisions ». Pratiquement toutes les décisions doivent maintenant être fixes et avoir une durée limitée, notamment lorsqu’il s’agit de la garde. De plus, la LJC prévoit une série de décisions plus vaste (y compris la libération) ainsi qu’un examen périodique pour en évaluer l’utilité.

L’article 20 de la Loi énonce un certain nombre de décisions possibles : libération inconditionnelle; amende ne dépassant pas 1 000 $; versement d’une somme à titre d’indemnité soit pour perte de biens ou dommages causés à ceux-ci, soit pour perte de revenu ou de soutien, soit pour dommages spéciaux afférents à des lésions corporelles; restitution des biens à leur propriétaire; remboursement à un acquéreur de bonne foi; indemnisation de la victime soit en nature, soit en services; travail bénévole au profit de la collectivité; interdiction, saisie ou confiscation prévues par une loi du Parlement; traitement médical ou autre; probation; garde, et toutes autres conditions raisonnables et accessoires. Après en avoir délibéré, le tribunal pour adolescents peut imposer une ou plusieurs de ces décisions, pourvu qu’elles soient compatibles entre elles. Dans tous les cas où la garde est envisagée, le tribunal doit disposer d’un « rapport prédécisionnel » établi par un délégué à la jeunesse et faisant état de la situation particulière de l’adolescent. Ce rapport est optionnel dans le cas des autres décisions. La LJD ne contenait aucune disposition spéciale sur la tenue de délibérations préalables au jugement et elle était beaucoup moins explicite au sujet des rapports prédécisionnels.

Les décisions prévues à l’article 20 vont par ordre croissant, chacune étant en général plus sévère que la précédente. Aux termes de l’article 3, le tribunal doit opter pour la décision qui entrave le moins la liberté de l’adolescent, compte tenu de la nécessité de protéger la société.

Aucune décision ne peut rester en vigueur plus de deux ans, sauf dans les cas d’interdiction, de saisie ou de confiscation ou lorsque l’adolescent est placé sous garde. Cette dernière peine, imposée en dernier recours, est réservée aux infractions graves. La garde peut être en milieu « ouvert » (centre résidentiel local, foyer collectif, établissement d’aide à l’enfance, camp forestier) ou en milieu « fermé » (prison). En règle générale, l’adolescent ne peut être placé sous garde plus de deux ans, cette période pouvant toutefois aller jusqu’à trois ans dans les cas où un adulte pourrait, dans la pire éventualité, être emprisonné à vie pour la même infraction. Aucune personne de moins de 14 ans ne doit être placée sous garde en milieu fermé à moins que l’infraction, si elle avait été commise par un adulte, soit punissable d’une peine d’emprisonnement d’au moins cinq ans ou que l’adolescent ait déjà été jugé coupable de cette infraction ou encore que celle-ci consiste en un « bris de prison » ou une évasion. Un adolescent de 14 à 18 ans ne peut être condamné à la garde en milieu fermé que si l’infraction qu’il a commise rendait un adulte passible d’une peine d’emprisonnement de cinq ans ou plus, si l’infraction consiste en un « bris de prison » ou une évasion ou s’il a déjà été reconnu coupable d’une infraction grave ou a déjà été emprisonné. Un adolescent placé sous garde doit être tenu à l’écart des détenus adultes.

En 1995, le projet de loi C-37 a apporté un certain nombre de modifications à l’article 20. Auparavant, la Loi prévoyait une peine maximale de cinq ans moins un jour dans le cas d’un meurtre au premier ou au deuxième degré, peine consistant d’emprisonnement pour une période maximale de trois ans et de placement sous surveillance communautaire pour une période maximale de deux ans. La Loi prévoit maintenant une peine maximale de dix dans le cas d’un meurtre au premier degré et de sept ans dans le cas d’un meurtre au deuxième degré. Dans le premier cas, la période maximale d’incarcération est de six ans, tandis que dans le second, le placement sous garde dure au maximum quatre ans.

Lorsque la décision est la détention pour traitement médical ou autre, l’adolescent (ainsi que l’hôpital ou autre établissement et ses parents) doivent y consentir. Le consentement des parents n’est toutefois pas obligatoire, contrairement à celui de l’adolescent ou de l’établissement. Lorsque la décision est l’indemnisation en nature ou en services, la victime doit également y consentir. En vertu de l’ancien article 20, la durée totale continue de décisions différentes ne pouvait dépasser trois ans. Ainsi, un adolescent qui commettait une infraction pendant la durée d’application d’une décision relative à des infractions antérieures ne pouvait faire l’objet d’une décision portant la durée totale des décisions à plus de trois ans. Le projet de loi C-106 a modifié l’article 20 de manière que les effets d’une décision relative à de nouvelles infractions s’ajoutent à ceux des décisions antérieures. Enfin, aucune décision ne peut entraîner une peine supérieure à la peine maximale à laquelle un adulte pourrait être condamné pour la même infraction.

Un adolescent ne peut obtenir de libération conditionnelle. Des dispositions détaillées prévoient toutefois l’examen des décisions par le tribunal pour adolescents. Toute décision relative au placement sous garde de l’adolescent pendant plus d’un an est automatiquement examinée une fois l’an. De plus, le procureur général ou l’adolescent peut demander un examen après six mois, et le directeur provincial des services de probation peut aussi recommander la libération de l’adolescent et soumettre la question au tribunal. Une disposition prévoit l’examen des décisions comportant des mesures de garde par des commissions provinciales chargées d’exercer les attributions des tribunaux pour adolescents. Dans le cadre d’un examen, le tribunal ou la commission peut confirmer la décision, commuer une peine d’emprisonnement en une peine de garde en milieu ouvert ou placer l’adolescent en probation. La Loi prévoit aussi un examen semblable (uniquement par un tribunal pour adolescents) pour les décisions autres que la garde et, comme dans le cas précédent, cet examen ne peut entraîner l’imposition d’une peine plus sévère.

La Loi prévoyait initialement une procédure quelque peu compliquée dans les cas où il y avait, de la part de l’adolescent, défaut ou refus volontaire de se soumettre aux conditions d’une décision. Aux termes de l’article 33, l’adolescent était appréhendé, assigné à comparaître et, s’il était prouvé qu’il ne s’était pas soumis à la décision, le tribunal pouvait lui imposer de nouvelles décisions plus sévères. Toutefois, la Loi imposait certaines restrictions aux nouvelles décisions prises à la suite de l’examen visé à l’article 33. Par exemple, à moins que l’adolescent n’ait commis une infraction grave, il ne pouvait être incarcéré pour des violations répétées des conditions de sa liberté surveillée. Le projet de loi C-106 a abrogé l’article 33 et créé une nouvelle infraction, le défaut ou le refus de se conformer à une décision (art. 26), ce qui fait que les décisions prises à cet égard sont assujetties à moins de restrictions.

Les dispositions de la LJC relatives aux peines sont beaucoup plus détaillées que celles de la LJD et imposent des limites strictes aux tribunaux pour adolescents, alors que l’ancienne Loi accordait aux cours pour jeunes délinquants un vaste pouvoir discrétionnaire. La LJC prévoit également une plus grande variété de peines.

   H. Appels

La LJD ne permettait d’interjeter appel que des jugements rendus par les cours pour jeunes délinquants, avec permission, lorsque le tribunal estimait que c’était « essentiel dans l’intérêt public ou pour la bonne administration de la justice ». Par contre, la LJC accorde le droit d’en appeler de tout jugement d’un tribunal pour adolescents entraînant une condamnation, un acquittement ou une décision, devant une cour suprême ou une cour d’appel provinciales (selon les provinces). Il convient de distinguer appel et examen d’une décision; l’appel remet en question le bien-fondé de la décision initiale tandis que l’examen sert à déterminer s’il est utile de la maintenir.

   I. Les droits des jeunes

      1. Le droit aux services d'un avocat

Aux termes de la LJD, dont l’un des principaux objectifs était le caractère non officiel des audiences, les jeunes étaient rarement représentés par un avocat. Même lorsque c’était le cas, celui-ci ne jouait pas toujours le rôle de représentant officiel du jeune délinquant. La LJC a fondamentalement modifié cet état de choses. Aux termes de l’article 11, l’adolescent a le droit « d’obtenir sans retard les services d’un avocat à toute phase des poursuites intentées contre lui », y compris celles qui consistent à décider de l’opportunité de recourir aux mesures de rechange. Tous ceux qui procèdent à l’arrestation ou qui assurent la détention d’un adolescent sont maintenant tenus de l’informer de son droit aux services d’un avocat et de lui permettre de l’exercer s’il le désire. Les tribunaux pour adolescents sont eux aussi tenus d’aviser le jeune non représenté par un avocat de son droit à ce service et, lorsque l’adolescent exprime le désir d’être ainsi représenté, de lui faciliter le recours à un programme d’aide juridique ou, lorsque c’est impossible, d’ordonner qu’il soit représenté par un avocat. L’adolescent a également le droit, à sa demande et avec la permission du juge, de se faire assister par un adulte autre qu’un avocat et celui d’obtenir les services d’un avocat autre que celui de ses père et mère lorsqu’il peut y avoir conflit entre leurs intérêts respectifs. La Loi a donc clairement pour objectif de permettre, d’une part, aux adolescents de recourir à une aide juridique à toutes les étapes des poursuites et, d’autre part, aux avocats de jouer pleinement leur rôle de conseiller. Dans le projet de loi C-106, l’article 11 a été modifié pour prévoir qu’un adolescent a le droit d’avoir recours, « personnellement », à l’assistance d’un avocat. Cette modification fait suite à certaines décisions d’appel d’après lesquelles un adolescent ne peut avoir recours aux services d’un avocat que par l’intermédiaire de son père, de sa mère ou de son tuteur. En 1995, le projet de loi c-37 a modifié l’article 11 afin d’indiquer clairement que le jeune contrevenant a droit aux services d’un avocat lors d’une audience pour l’examen du niveau de garde.

      2. Le droit à la protection de la vie privée

Dans le présent contexte, le « droit à la protection de la vie privée » renvoie au principe généralement reconnu voulant que le public ne doit en aucun cas être admis aux audiences lorsque des adolescents sont poursuivis au criminel, et que l’identité d’un adolescent accusé ou jugé coupable et toute information permettant de l’obtenir par déduction ne doit pas être rendue publique. Le « droit à la protection de la vie privée » des jeunes contrevenants a été reconnu parce que les jeunes méritent un traitement spécial dans ce domaine et qu’ils ne devraient pas être « marqués » ni stigmatisés pour des actes commis à un âge où ils n’étaient pas encore arrivés à maturité.

Aux termes de la LJD, toutes les audiences devant une cour pour jeunes délinquants devaient être tenues à huis clos. La Cour d’appel de l’Ontario a jugé que cette exigence contrevenait aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés garantissant la liberté d’expression et celle de la presse. Elle a cependant reconnu la validité constitutionnelle de l’article 39 de la LJC, qui autorise les audiences à huis clos dans certains cas, c’est-à-dire lorsque l’audience aurait un effet « néfaste » ou « très préjudiciable » sur l’adolescent ou l’enfant concerné ou lorsque « les bonnes mœurs, le maintien de l’ordre ou la saine administration de la justice » exigent l’exclusion de l’assistance de la salle d’audience. La cour a aussi confirmé la validité de l’article 38 qui interdit la diffusion du compte rendu d’une infraction commise par un adolescent (ou imputée à celui-ci), ou d’une audition, d’une décision ou d’un appel prévus par la loi concernant un adolescent et faisant état de son nom ou de celui d’un enfant ou d’un adolescent victime de l’infraction ou appelé à témoigner. La diffusion de tout élément d’information servant à identifier ces personnes est également interdite. Toute personne contrevenant à ces dispositions est passible de poursuites. Ainsi, le public et la presse peuvent assister à des audiences du tribunal pour adolescents et rendre compte des délibérations sauf si le tribunal en ordonne autrement conformément à l’article 39. Par contre, le nom d’un enfant ou d’un adolescent participant à ces audiences, ou tout élément d’information permettant de l’identifier, ne peuvent être diffusés.

La nature très générale de ces interdictions a été contestée. Dans le projet de loi C-106, l’article 38 de la loi a été modifié de manière à permettre certaines exceptions limitées :

1) la communication de renseignements dans le cours de l’administration de la justice, si « la communication ne vise pas à renseigner la collectivité »;

2) la communication de renseignements servant à identifier un adolescent qui a commis un acte criminel et qui est considéré comme dangereux, lorsque cette communication est nécessaire à son arrestation; et

3) la communication de renseignements sur l’ordre de l’adolescent intéressé, si ce « n’est pas contraire à l’intérêt de cette personne ».

Toutefois, le gouvernement s’est opposé aux demandes de certains représentants de la presse voulant que le tribunal pour adolescents puisse, à sa discrétion, autoriser la communication de renseignements à la demande de toute personne. En 1995, le projet de loi C-37 a apporté certains changements à l’article 38 afin d’autoriser que des renseignements soient communiqués aux personnes participant à l’entretien ou à la surveillance de l’adolescent.

   J. Dossiers

La tenue et l’utilisation des dossiers des enquêtes et des audiences est déterminante pour la protection de la vie privée des adolescents. Bien que ces derniers doivent être tenus responsables de leurs actes, il a été décidé qu’il y avait lieu de restreindre l’accès aux dossiers des jeunes contrevenants.

La LJD ne prévoyait rien à ce sujet. La LJC, dans sa forme initiale, énonçait des règles strictes concernant la tenue de dossiers sur des adolescents par le tribunal, par la police et par le gouvernement. L’accès à ces dossiers, qui devaient être conservés séparément de ceux concernant les adultes, était restreint à un certain nombre de personnes et d’organismes. Tous les dossiers devaient être détruits si les jeunes contrevenants étaient acquittés ou si les accusations portées contre eux étaient retirées; les dossiers étaient automatiquement détruits à l’expiration d’une période déterminée après la condamnation, selon la gravité de l’infraction. On a constaté que cette mesure comportait une grave lacune quand on s’est rendu compte que la loi exigeait la destruction des dossiers concernant des adolescents « acquittés » pour cause d’aliénation mentale.

Le projet de loi C-106 a révisé en profondeur les dispositions de la Loi concernant les dossiers. Les articles de la Loi concernant la tenue et l’accès ont été regroupés et simplifiés. Le projet de loi contient de nouvelles exceptions aux restrictions concernant la communication des renseignements versés aux dossiers, qui peuvent être consultés par la victime de l’infraction visée, communiqués par la police, si cela « s’impose pour la conduite d’une enquête », et transmis aux compagnies d’assurance, afin de leur permettre d’enquêter sur les réclamations résultant de l’infraction. En outre, la règle de la destruction présumée des dossiers concernant les adolescents est abolie. Seuls les dossiers du répertoire central (c’est-à-dire les dossiers de la police) devront être détruits à la suite de l’acquittement, ou à l’expiration d’une période déterminée. Les autres organismes qui tiennent des dossiers pourront les conserver s’ils le désirent. La Loi impose désormais des restrictions à l’accès à ces dossiers après certaines périodes. Toutefois, les dossiers concernant des adolescents acquittés pour cause d’aliénation mentale échappent à ces restrictions.

MESURES PARLEMENTAIRES

   A. Projet de loi C-192 (1970-1971)

Ce projet de loi était l’aboutissement d’une décennie de travail de réforme et ressemblait à maints égards à la loi actuelle. Il a reçu la première lecture à la Chambre des communes le 16 novembre 1970, mais n’a pas dépassé l’étape de la deuxième lecture.

   B. Projet de loi C-61, Loi sur les jeunes contrevenants

Ce projet de loi a reçu la première lecture à la Chambre des communes le 16 février 1981. Il a été déféré au Comité permanent de la justice et des questions juridiques après la deuxième lecture, en juin 1981. Le comité n’en a fait rapport à la Chambre qu’en avril 1982. Le 17 mai suivant, le projet de loi a reçu la troisième lecture et, peu de temps après, le Sénat l’a adopté. Il a reçu la sanction royale le 17 juillet 1982 et la Loi (sauf la disposition relative à l’âge maximal des jeunes contrevenants) est entrée en vigueur le 2 avril 1984.

   C. Projet de loi C-106

Ce projet de loi a été lu la première fois le 30 avril 1986 à la Chambre des communes; il a ensuite été adopté et a reçu la sanction royale le 27 juin. Il est entré en vigueur le 1er septembre 1986, sauf certaines dispositions concernant les dossiers des jeunes contrevenants, qui sont entrées en vigueur le 1er novembre. Le projet de loi apportait des modifications de fond à la Loi, mais sans en altérer la structure ni les principes essentiels.

   D. Projet de loi C-12 (anciennement projet de loi C-58)

Ce projet de loi a été déposé à la Chambre des communes le 29 mai 1991 et réputé être à l’étape du rapport. Il remplaçait le projet de loi C-58 (qui avait été lu pour la première fois en Chambre le 20 décembre 1989 et pour la deuxième fois le 14 juin 1990) et qui était mort au Feuilleton. Il ne modifiait ni la structure, ni les principes essentiels de la Loi. Il modifiait l’article 16 de sorte qu’au moment de décider du renvoi d’une affaire où les principes de réhabilitation et de protection de la société sont inconciliables, le tribunal pour adolescents ferait primer ce dernier principe et ordonnerait que l’accusé comparaisse devant un tribunal pour adultes. L’article 20 de la Loi a lui aussi été modifié afin de permettre au juge du tribunal pour adolescents de prononcer un verdict contre un jeune contrevenant coupable de meurtre au premier ou au second degré d’au plus cinq ans moins un jour, composé en partie d’une garde maximale de trois ans et d’une liberté surveillée pour le reste de la peine. Les articles 742-744 du Code criminel ont été modifiés de façon à s’appliquer à la personne de moins de 18 ans jugée coupable par un tribunal ordinaire de meurtre au premier ou au second degré  — une telle personne serait passible d’emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle pour cinq à dix ans, selon la décision du juge qui prononcerait le verdict après avoir entendu les recommandations du jury. Le projet de loi comportait aussi une série de modifications corrélatives et accessoires visant à prolonger la durée de la garde et à suspendre ou à révoquer les parties des décisions traitant de liberté surveillée.

   E. Projet de loi C-37

Le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes le 2 juin 1994. Après avoir franchi l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes, le 28 février 1995, il a été adopté en troisième lecture au Sénat, le 21 juin, et a reçu la sanction royale le lendemain. La loi est entrée en vigueur le 1er décembre 1995. Comme première partie d’un plan en deux phases visant à renouveler la Loi, le projet de loi a imposé de plus longues peines pour les crimes avec violence tout en favorisant les décisions sans placement sous garde pour les actes criminels non violents. La deuxième phase de ce processus de renouvellement consisterait en un examen détaillé de la Loi par le Comité de la justice.

Parmi les dispositions du projet de loi, on retrouvait : l’augmentation à dix et sept ans respectivement de la peine maximale imposée par un tribunal pour adolescents pour meurtre au premier et au deuxième degré; le renvoi automatique à un tribunal pour adultes des adolescents de 16 et 17 ans accusés de certains crimes graves comportant de la violence à moins que le tribunal pour adolescents n’ordonne le contraire; l’échange de renseignements entre les tribunaux pour adolescents, les écoles et autres autorités compétentes; l’exigence voulant que les juges de tribunaux pour adolescents qui imposent des décisions de placement sous garde indiquent pourquoi une mesure non privative de liberté ne convient pas; et l’exigence voulant que les adolescents condamnés à une peine d’emprisonnement à perpétuité par un tribunal pour adultes purgent de sept à dix ans de leur peine avant d’être admissibles à une libération conditionnelle au lieu de cinq à dix ans comme c’est le cas actuellement.

   F. Rapport du Comité de la justice

Le 24 avril 1997, le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes a déposé un rapport intitulé Le renouvellement du système de justice pour les jeunes qui marquait l’aboutissement de son étude de toutes les facettes du système de justice pour les jeunes. Le rapport du Comité, et deux rapports minoritaires, portaient notamment sur les sujets suivants : les principes et la théorie à la base du système de justice pour les jeunes; l’intervention précoce; la prévention du crime; l’insuffisance des ressources; les approches non traditionnelles à la justice pour les jeunes; la participation de la collectivité; les mécanismes de financement et les modifications à apporter à la LJC. Le gouvernement a répondu au rapport du Comité le 12 mai 1998 en annonçant une stratégie pour les jeunes axée sur la prévention, les conséquences significatives pour la criminalité juvénile et une réadaptation intensifiée. Cette stratégie reposerait sur une nouvelle loi relative au système de justice pour les jeunes.

   G. Projet de loi C-3 (anciennement projet de loi C-68)

Ce projet de loi, qui abrogerait la Loi sur les jeunes contrevenants et la remplacerait par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, fait suite à la stratégie mise de l’avant par le gouvernement afin de renouveler le système de justice visant les jeunes. Le projet de loi C-3 a franchi l’étape de la première lecture le 14 octobre 1999 avant d’être adopté en deuxième lecture, puis renvoyé à un comité le 23 novembre 1999. Quant au projet de loi C-68, sa première lecture avait été tenue le 11 mars 1999. Le débat en deuxième lecture avait été amorcé, mais on n’a pu le terminer avant que le projet de loi ne meure au Feuilleton.

Le projet de loi C-3, qui est plus long, plus détaillé et plus complexe que la Loi sur les jeunes contrevenants, prévoit des traitements nettement différents selon la gravité des infractions, c’est-à-dire des mesures simples pour les infractions mineures et des peines plus sévères pour les infractions graves. Le projet de loi énonce plusieurs principes législatifs qui s’appliquent aux différentes étapes du système de justice pénale pour les adolescents. Il permettrait le recours à un grand nombre de nouvelles mesures extrajudiciaires pour les jeunes délinquants, tandis que le transfert de ces derniers à un tribunal pour adultes ferait dorénavant partie du processus de détermination de la peine. Il établirait également un grand nombre de nouvelles solutions de rechange à l’incarcération pour les infractions plus graves commises par des adolescents.

CHRONOLOGIE

1908 - Le Parlement adopte la Loi sur les délinquants juvéniles.

1929 - Le Parlement adopte une Loi refondue et révisée.

6 février 1966 - Le ministre de la Justice dépose le rapport du Comité du ministère de la Justice sur la délinquance juvénile.

16 novembre 1970 - Présentation à la Chambre du projet de loi C-192, Loi sur les jeunes contrevenants, qui meurt cependant au Feuilleton après avoir essuyé des critiques acerbes au Parlement et ailleurs.

1975-1977 - Le ministère du Solliciteur général entreprend une consultation nationale pour donner suite au rapport de son Comité sur les jeunes qui ont des démêlés avec la justice.

26 octobre 1979 - Des projets de loi visant à remplacer la Loi sur les jeunes délinquants sont déposés à la Chambre des communes.

16 février 1981 - Le projet de loi C-61, Loi sur les jeunes contrevenants, reçoit la première lecture à la Chambre des communes.

7 juillet 1982 - La Loi sur les jeunes contrevenants reçoit la sanction royale.

2 avril 1984 - La Loi entre en vigueur, à l’exception de la disposition relative à l’âge maximal des jeunes contrevenants.

1er avril 1985 - La disposition de la Loi stipulant que toute personne âgée de moins de 18 ans doit être considérée comme un « adolescent » entre en vigueur.

février 1986 - Le Comité sénatorial spécial sur la jeunesse dépose son rapport.

12 février 1986 - La Cour d’appel de l’Ontario, dans l’affaire Southam Inc. c. R., reconnaît la validité constitutionnelle des dispositions de la Loi qui interdisent la publication des éléments d’information présentés à l’audience et permet d’exclure le public des salles d’audience des tribunaux pour adolescents.

27 juin 1986 - Le projet de loi C-106, après étude par les deux Chambres du Parlement, reçoit la sanction royale.

1er septembre 1986 - Le projet de loi C-106 (sauf les dispositions concernant les dossiers) entre en vigueur.

1er novembre 1986 - Les dispositions du projet de loi C-106 portant sur les dossiers des jeunes contrevenants entrent en vigueur.

30 juin 1987 - Le projet de loi C-15 reçoit la sanction royale après avoir été étudié par les deux Chambres du Parlement.

20 décembre 1989 - Le projet de loi C-58 franchit l’étape de la première lecture.

29 mai 1991 - Le projet de loi C-58, mort au Feuilleton lors de la prorogation, est déposé à nouveau au cours de la nouvelle session, sous le numéro C-12, et est réputé être à l’étape du rapport.

9 avril 1992 - Le projet de loi C-12 franchit l’étape de la troisième lecture au Sénat et reçoit la sanction royale.

15 mai 1992 - Le projet de loi C-12 entre en vigueur.

2 juin 1994 - Le projet de loi C-37 franchit l’étape de la première lecture. Le ministre de la Justice annonce que le projet de loi est la première partie d’un processus en deux phases, la deuxième étant un examen détaillé de la Loi par le Comité de la justice de la Chambre des communes.

21 juin 1995 - Le projet de loi C-37 franchit l’étape de la troisième lecture au Sénat et reçoit la sanction royale le lendemain.

1er décembre 1995 - Le projet de loi C-37 entre en vigueur.

24 avril 1997 - Le Comité permanent de la justice de la Chambre des communes dépose son rapport et deux rapports minoritaires à l’issue de son examen du système de justice pour les jeunes.

12 mai 1998 - Le gouvernement publie sa réponse au rapport du Comité; il annonce une stratégie pour les jeunes qui reposera sur une nouvelle loi relative au système de justice pour les jeunes.

14 octobre 1999 - Le projet de loi C-3 (anciennement le projet de loi C-68), Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, franchit l’étape de la première lecture.

23 novembre 1999 - Le projet de loi C-3 franchit l’étape de la deuxième lecture et est renvoyé à un comité.

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La première version de ce bulletin a été publiée en avril 1986.  Le document a été périodiquement mis à jour depuis.