86-22F

 

L'USAGE DU TABAC

 

Rédaction :
Nancy Miller Chenier, Division des affaires politiques et sociales
James R. Robertson, Division du droit et du gouvernement
Révisé le 29 septembre 1997


TABLE DES MATIÈRES

 

DÉFINITION DU SUJET

CONTEXTE ET ANALYSE

   A.  Évolution des attitudes à l'égard du tabac

   B.  Problèmes de santé liés à l'usage du tabac et à la fumée secondaire

   C.  Tendances dans la consommation de tabac

   D.  Le mouvement antitabac

   E.  La culture du tabac

   F.  Mesures gouvernementales

      1.  Initiatives touchant le milieu de travail
      2.   Initiatives fédérales en matière de lois et de règlements

         a.  La publicité relative aux produits du tabac
         b.  La vente de tabac aux jeunes
         c.  Les emballages neutres
         d.  La réglementation de la teneur en nicotine
         e.  L'usage du tabac à bord des avions

      3.  Initiatives prises par les provinces
      4.   Cigarettes de contrebande

MESURES PARLEMENTAIRES

CHRONOLOGIE


L'USAGE DU TABAC*

 

DÉFINITION DU SUJET

En Amérique du Nord, il y a eu, depuis trente ans, un changement radical d'attitude vis-à-vis l'usage du tabac. Une habitude, jusque-là jugée normale, est devenue de plus en plus inacceptable aux yeux de la société. Un nombre croissant de non-fumeurs sont devenus beaucoup moins tolérants vis-à-vis l'usage du tabac, et la voix du lobby antitabac s'est amplifiée pour dénoncer cette habitude. Les pouvoirs publics et d'autres organismes sont devenus plus réceptifs à ces pressions et commencent à imposer des interdictions et des restrictions à l'égard de l'usage du tabac.

Depuis les années 60, les recherches se sont poursuivies pour mieux établir la nocivité du tabac. Au départ, ce sont les risques courus par le fumeur qui retenaient surtout l'attention; or, ces dernières années, des études ont prouvé que la fumée de tabac ambiante met également en danger la santé des non-fumeurs. La plupart des experts et des gouvernements acceptent les preuves scientifiques et médicales quant aux dangers du tabac, mais les changements ne sont pas faciles à obtenir. Selon les conclusions du Chef du Service fédéral de santé publique des États-Unis et la Société royale du Canada, le tabac est un produit qui crée une accoutumance et de nombreux fumeurs trouvent difficile, voire impossible, d'arrêter de fumer, même s'ils le désirent. Les fabricants de produits du tabac, qui ont refusé traditionnellement de reconnaître la nocivité de ces derniers, constituent un puissant groupe d'intérêt. Il faut également tenir compte du bien-être économique des producteurs de tabac. Les politiques gouvernementales ont souvent été quelque peu ambivalentes; le tabac produit d'importantes recettes fiscales, mais les pouvoirs publics s'inquiètent de plus en plus de la hausse du coût du traitement des maladies évitables qui résultent de son usage.

Après 1988, le gouvernement fédéral a pris différentes mesures pour réduire la consommation du tabac, dont la Loi réglementant les produits du tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et la Loi sur la vente du tabac aux jeunes. En 1997, le projet de loi C-71, Loi sur le tabac, a reçu la sanction royale.

CONTEXTE ET ANALYSE

   A. Évolution des attitudes à l'égard du tabac

En explorant le Nouveau Monde, les Européens découvrirent que ses habitants fumaient des feuilles de tabac qui semblaient leur procurer des bienfaits thérapeutiques, sans compter le plaisir qu'ils en retiraient. Au XVIIe siècle, les médecins européens prescrivaient le tabac, sous diverses formes, à des fins médicinales. On se rendit compte que ces « cures » étaient inefficaces, mais l'habitude de fumer se généralisa. Au XXe siècle, la cigarette et la pipe devinrent des symboles de raffinement, de loisir et de richesse; le cinéma et la publicité contribuèrent à populariser l'usage du tabac et à lui conférer son prestige. Jadis, l'usage du tabac était un signe de virilité, mais, par la suite, les publicistes se sont tournés vers les consommatrices. C'est seulement depuis qu'il a été relié à divers troubles de santé que l'usage du tabac connaît une baisse de popularité dans les pays occidentaux industrialisés.

Tant que l'usage du tabac était considéré comme une question purement personnelle, les gens étaient justifiés de dire que le gouvernement n'avait pas à intervenir pour le limiter. Toutefois, depuis la publication des résultats des recherches confirmant la nocivité de la fumée secondaire indirecte, l'attitude du public a énormément changé. Les gens savent que les cancers mortels causés par la fumée du tabac et le temps de travail perdu à cause des maladies attribuables à la cigarette coûtent cher à la société et ils sont de plus en plus nombreux à se plaindre à la Commission des accidents du travail et à la Commission des droits de la personne de la fumée présente dans leur milieu de travail. L'usage du tabac est considéré non plus comme un plaisir innocent, mais comme un comportement inacceptable en société. De nombreux Canadiens estiment qu'il devrait faire l'objet d'une intervention et d'une réglementation gouvernementales.

L'usage de la cigarette chez les enfants et les adolescents cause de vives inquiétudes depuis au moins 50 ans, parce que la nicotine semble freiner la croissance physique et intellectuelle, qu'elle crée une dépendance et qu'elle menace la santé à long terme. Le fait de fumer est valorisé par les adolescents qui y voient souvent un symbole de révolte et d'accession à l'âge adulte. Des parents, des enseignants et des travailleurs sociaux ont reproché à la publicité d'établir des liens entre la sexualité, la sociabilité et le tabac, ce qui incite les jeunes à fumer.

   B. Problèmes de santé liés à l'usage du tabac et à la fumée secondaire

Dans les années 20, on avait déjà établi un lien entre la cigarette et le cancer, mais ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale que des études systématiques ont été faites devant l'augmentation alarmante du nombre de décès causés par le cancer du poumon. Le fait que les troubles les plus graves résultant de l'usage du tabac n'apparaissent qu'au bout de dix ans ou plus compliquait la tâche des chercheurs et il leur était difficile d'établir le rapport de cause à effet. Au début des années 60, on a découvert que le risque de cancer du poumon ainsi que les risques de maladies coronariennes et d'accidents cérébrovasculaires étaient nettement plus élevés chez les fumeurs que chez les non-fumeurs. Les preuves de plus en plus nombreuses de la nocivité du tabac ont été publiées par le Collège royal des médecins de Londres, en 1962, Santé et Bien-être Canada, en 1963, et le Chef du Service fédéral de la santé publique des États-Unis, en 1964.

En 1994, selon les résultats d'une étude britannique effectuée sur une période de 40 ans, le tabagisme est la cause de 24 maladies différentes. La recherche a également établi un rapport entre la cigarette et un risque accru d'ulcères gastro-duodénaux, de bronchite chronique, d'emphysème et de cancer de la bouche, du larynx, de l'oesophage, du pharynx, de la vessie, du col de l'utérus et du pancréas. D'autres études récentes ont établi un rapport entre l'usage du tabac et les cataractes, la salpingo-oophorite, la leucémie, la maladie des gencives, une guérison osseuse plus lente et des problèmes de dos. On a également découvert que l'usage du tabac pendant la grossesse retarde le développement du foetus et augmente le taux d'enfants morts-nés, ainsi que les risques de décès néonatal et de faible poids à la naissance. Les médecins et les chercheurs sont maintenant très conscients de l'accoutumance que crée le tabac. Beaucoup d'adolescents ou de jeunes dans la vingtaine commencent à fumer et s'aperçoivent ensuite qu'il n'est pas facile de cesser. Selon le Chef du service fédéral de la santé publique des États-Unis, le tabac crée une dépendance aussi forte que celle que crée l'héroïne.

Une étude effectuée en juillet 1995 par les autorités fédérales de la santé évalue à plus de 45 000 le nombre de décès attribuables à l'usage du tabac au Canada. Ce nombre représente une augmentation de 11 p. 100 par rapport aux estimations précédentes, en raison de l'utilisation de méthodes statistiques améliorées.

Selon cette même étude, le nombre de décès chez les femmes, attribuables à l'usage du tabac, augmentera de 24 p. 100 entre 1991 et l'an 2000. Depuis 20 ans, l'incidence du cancer du poumon chez les femmes a quintuplé. Dans trois cas sur quatre, cette forme de cancer semble attribuable à la cigarette. Une étude menée en 1993 par l'Université de Toronto a révélé que chez les femmes qui fument un paquet de cigarettes par jour pendant 40 ans, le risque de cancer du poumon est en moyenne 27 fois plus élevé que chez les non-fumeuses, et que trois fois plus de femmes que d'hommes risquent de contracter cette maladie. En mai 1994, Santé Canada a publié des statistiques selon lesquelles le cancer du poumon tuera plus de femmes que le cancer du sein. Ces statistiques correspondent à la fréquence accrue de l'usage du tabac chez les femmes.

Les auteurs d'études récentes se sont également intéressés au risque de crise cardiaque. Chez les jeunes hommes qui fument plus de deux paquets par jour, le risque de crise cardiaque est sept fois plus élevé que chez les non-fumeurs. Pour les fumeuses de moins de 50 ans, ce risque est dix fois plus élevé que pour les non-fumeuses du même âge. Une étude réalisée au Canada auprès des fumeuses qui prennent la pilule anticonceptionnelle a révélé que compte tenu de facteurs tels que l'âge et les habitudes de vie, ces dernières risquent de huit à 39 fois plus que les non-fumeuses d'avoir une crise cardiaque. Pourtant, il ressort d'un sondage Gallup mené en octobre 1988, que les répondants adultes sous-estiment la nocivité du tabac et que 90 p. 100 d'entre eux ignorent que l'usage du tabac est la principale cause de décès au Canada.

En outre, selon les recherches, le tabac tuerait 13 fois plus d'Américains que les « drogues dures » et huit fois plus que les accidents d'automobile. L'usage du tabac est considéré comme l'une des principales causes de 10 à 25 p. 100 des décès en Europe et aux États-Unis et d'environ 20 p. 100 des décès chez les Canadiens âgés de 35 à 84 ans. D'après une étude récente, l'usage du tabac a été responsable d'un décès sur cinq en 1989 au Canada.

L'Organisation mondiale de la santé a souligné avec force que les maladies reliées au tabac sont des « causes importantes d'invalidité et de décès prématuré » et, en mai 1986, elle a exhorté tous les gouvernements à déclarer la guerre au tabac qui, selon elle, serait responsable d'au moins un million de morts par an dans le monde. Selon d'autres évaluations, le nombre de décès attribuables au tabac atteindrait 2,5 millions par an à l'échelle mondiale, soit 5 p. 100 de tous les décès. En 1993, la Banque mondiale a indiqué que, si la tendance actuelle se maintient, le nombre de décès attribuables aux maladies causées par le tabac atteindra 10 millions par année, soit plus de 10 p. 100 de tous les décès, d'ici l'an 2050. Selon les prévisions d'une étude réalisée en 1994, les décès attribuables à la cigarette risquent de tripler au cours des 25 prochaines années.

Les non-fumeurs ont commencé à s'inquiéter de l'usage du tabac après la publication d'études révélant que les conjoints et les enfants des fumeurs risquent davantage que d'autres d'avoir des troubles de santé graves. Selon une de ces études, les enfants des fumeurs ont un taux beaucoup plus élevé de maladies respiratoires, notamment des rhumes, des grippes, des bronchites, des crises d'asthme et des pneumonies, ainsi qu'une capacité pulmonaire réduite. Selon une étude de Santé et Bien-être social Canada, le risque de cancer du poumon est 3,4 fois plus élevé pour les non-fumeurs exposés à la fumée de tabac chez eux que pour les autres. Cette étude a permis de constater qu'un Canadien sur cinq souffre de troubles de santé graves (tels que l'asthme, l'emphysème, les maladies de coeur ou l'angine de poitrine) qui sont aggravés par l'exposition à la fumée de cigarette. Une importante étude effectuée par l'Agence de la protection de l'environnement des États-Unis (Environmental Protection Agency) a été publiée en janvier 1993; l'agence y conclut que l'usage du tabac présente effectivement un risque grave et important pour la santé des non-fumeurs, notamment celle des enfants.

Selon certaines études, un non-fumeur exposé à de la fumée de cigarette au travail pendant 20 ans subit les mêmes conséquences qu'une personne qui a fumé dix cigarettes par jour pendant ces 20 ans. La fumée qui se répand dans l'air renferme plus de substances cancérigènes que celle qui est inhalée par le fumeur. Malheureusement, les filtres à air ne peuvent éliminer ces substances toxiques. Le nombre de non-fumeurs qui meurent chaque année au Canada de maladies attribuables à l'exposition à la fumée de tabac est évalué à 330.

Comme de plus en plus de fumeurs cherchent à cesser de fumer, le nombre et la variété de programmes et de techniques de lutte contre le tabagisme ont augmenté. En 1992, le timbre de nicotine est devenu très populaire. Le timbre, qu'on ne peut se procurer que sur ordonnance, émet de petites doses de nicotine à travers la peau, allégeant ainsi les symptômes de sevrage. Quelques problèmes de santé reliés au timbre ont été signalés, mais ils découlent, pour la plupart, d'une mauvaise utilisation de celui-ci, comme par exemple lorsque les fumeurs continuent de fumer alors qu'ils portent le timbre. Néanmoins, étant donné que la fumée du tabac est maintenant jugée inacceptable, l'opinion publique est hostile aux fumeurs et peu sensible à leur sort.

   C. Tendances dans la consommation de tabac

Les statistiques officielles mesurent la consommation de tabac de deux façons : selon le pourcentage de la population qui fume habituellement et selon la consommation de cigarettes par adulte ou par fumeur. Depuis une vingtaine d'années, l'usage du tabac a augmenté de 75 p. 100 à l'échelle mondiale. Même dans les pays comme les États-Unis où le nombre de fumeurs a diminué, la consommation de tabac par personne a augmenté de 20 p. 100. La tendance à abandonner le tabac s'est poursuivie dans de nombreux pays occidentaux industrialisés depuis à peu près le début des années 70 et c'est chez les hommes qu'elle est le plus marquée.

Après avoir augmenté régulièrement pendant une vingtaine d'années, les ventes canadiennes de cigarettes ont atteint, en 1982, le chiffre record de 66,3 milliards de dollars. En 1989, elles étaient retombées à 50,3 milliards et en 1995, à 50 milliards. Les ventes, per capita, de produits de tabac aux Canadiens âgés de 15 ans et plus ont diminué de 29 p. 100 entre 1980 et 1989, soit beaucoup plus que dans les autres principaux pays industrialisés. Un sondage de Statistique Canada, effectué en 1994, indique également que 6,5 millions de Canadiens de 15 ans et plus, soit environ 30 p. 100 de la population adulte du pays, sont des fumeurs.

Selon une étude réalisée en 1992 par un professeur de l'Université de Montréal, l'usage du tabac a diminué au sein de la population en général, mais le nombre de jeunes qui fument continue de s'accroître. L'auteur attribue cette tendance aux deux leurres du tabac : le « statut d'adulte » qu'il semble conférer et le « symbole de liberté » auquel il est associé. On s'inquiète tout particulièrement du fait que son usage a augmenté beaucoup plus chez les adolescentes que chez les adolescents.

La proportion des fumeurs réguliers âgés de plus 15 ans varie d'une province à l'autre. En 1985, c'est au Québec qu'elle était la plus élevée (36 p. 100) et en Colombie-Britannique qu'elle était la plus faible (27 p. 100). Les titulaires d'un diplôme universitaire sont moins portés à fumer que ceux qui n'ont fréquenté que l'école secondaire. La consommation de tabac varie également selon l'emploi. Les taux les plus faibles se retrouvent chez les professionnels et ceux qui n'ont jamais occupé un emploi rémunéré et les taux les plus élevés, chez les mineurs et les travailleurs du bâtiment et du secteur des transports. La plus forte baisse dans l'usage du tabac a été enregistrée chez les professionnels, ce qui a fait dire à certains que fumer devient de plus en plus une « habitude de prolétaire ».

Selon une étude officielle réalisée en 1985, l'usage du tabac serait particulièrement élevé chez les Inuit, les Dénés et les Métis des Territoires du Nord-Ouest. Il y a 78,6 p. 100 de fumeuses chez les femmes inuit et 66,2 p. 100 chez les femmes dénées et métisses contre 37,2 p. 100 chez les femmes non autochtones des Territoires du Nord-Ouest. Dans le Nord, l'usage du tabac est plus répandu chez les femmes que chez les hommes autochtones.

Le mouvement antitabac a remporté un certain succès, mais l'usage du tabac à priser s'est accru depuis 20 ans. Aux États-Unis, sa consommation a augmenté de 40 p. 100. À l'heure actuelle, elle est surtout répandue chez les adolescents du sexe masculin même si elle est reliée au cancer des voies buccales. Au Canada, l'usage très répandu du tabac à priser chez les jeunes autochtones de sexe masculin suscite de vives inquiétudes. Mentionnons également que les ventes de tabac servant à rouler des cigarettes ont doublé depuis dix ans, ce qui résulte, en partie, des taxes élevées sur les paquets de cigarettes.

Les fabricants ont mis au point des cigarettes à faible teneur en goudron et en nicotine pour réduire les risques pour la santé, mais le taux d'oxyde de carbone de ces cigarettes demeure élevé. Certains ont d'ailleurs fait valoir que ces cigarettes incitent peut-être les gens à fumer davantage pour satisfaire leur accoutumance, ce qui leur fait inhaler une plus grande quantité d'oxyde de carbone.

Les champions de la lutte antitabac affirment maintenant que, pour compenser la perte de marchés dans les pays industrialisés, les fabricants de tabac s'en prennent à la jeunesse du tiers monde en présentant la cigarette comme un symbole de richesse et de modernisme dans les pays où la publicité n'est pas réglementée. Les exportations de produits du tabac du Canada ont en effet connu une hausse importante. Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, la consommation de tabac baisse de 1,1 p. 100 par an dans les pays industrialisés, mais augmente de 2,1 p. 100 par an dans le tiers monde.

Une étude fédérale menée en 1993 a révélé que la consommation de cigarettes est passée de 295,3 millions de cartouches en 1985 à 223,4 millions de cartouches en 1991, soit une baisse de 24,3 p. 100. D'après les auteurs de l'étude, même lorsqu'on tient compte de l'augmentation des ventes de tabac à coupe fine et d'autres produits de tabac nationaux légaux, ainsi que de la contrebande des cigarettes, la consommation de tabac a diminué de près de 20 p. 100 entre 1985 et 1991. Selon un sondage Gallup réalisé en juin 1993, seulement 29 p. 100 des personnes interrogées ont dit avoir fumé dans les sept jours précédents, alors que 52 p. 100 des Canadiens avaient déclaré être des fumeurs réguliers lorsque cette question a été posée pour la première fois dans un sondage, en 1974. Statistique Canada a indiqué que les ventes nationales de cigarettes ont considérablement diminué de 1992 à 1993, mais que les exportations ont augmenté de 88 p. 100 au cours des sept premiers mois de 1993, par rapport à la même période en 1992. Ces tendances ont été renversées récemment par suite de la décision prise en février 1994 de réduire considérablement les taxes sur les produits du tabac (voir ci-dessous).

Selon une étude du gouvernement fédéral rendue publique en novembre 1994, si les habitudes ont changé en matière de tabagisme, le nombre de fumeurs est resté à peu près stable. Ainsi, entre mai et août 1994, 1,7 million de Canadiens ont modifié leurs habitudes de consommation d'une façon ou d'une autre - soit en cessant de fumer ou en commençant à fumer, soit encore en devenant des fumeurs occasionnels plutôt que réguliers, ou l'inverse; toutefois, cela n'a guère eu d'incidence sur le nombre de Canadiens faisant usage de tabac, puisque celui-ci est demeuré aux environs de 6,5 millions, c'est-à-dire 30 p. 100 de la population de plus de 15 ans.

   D. Le mouvement antitabac

Jusqu'à récemment, les intérêts et les préoccupations des non-fumeurs canadiens n'étaient pratiquement pas reconnus. Même ceux qui souffraient de graves allergies n'avaient d'autre choix que d'éviter les endroits enfumés ou d'endurer tant bien que mal la fumée des autres. Ceux qui manifestaient ouvertement leur opposition à la fumée de tabac étaient souvent considérés comme intolérants. Toutefois, plus la nocivité du tabac est connue, plus le lobby antitabac prend de l'importance.

Le mouvement antitabac insiste sur la perte financière qu'entraîne l'usage du tabac. Les soins médicaux qu'exige le traitement des maladies causées par le tabac absorbent de 3 à 9 p. 100 du coût total de la santé, selon le pays. Santé Canada a indiqué récemment dans La lutte contre le tabagisme : un plan directeur pour protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens que le tabac avait entraîné le décès de plus de 40 000 Canadiens et Canadiennes en 1991. Selon des données estimatives, le tabagisme a coûté en 1993 environ 11 milliards de dollars à la société, soit trois milliards en frais de santé directs et huit milliards en perte de productivité, notamment en pertes de revenus pour les ménages. Travail Canada a estimé que les employeurs devaient débourser entre 2 308 et 2 613 $ de plus pour chaque employé fumeur. Sont compris dans cette somme les coûts liés à l’absentéisme, aux primes d’assurance-vie et d’assurance-santé plus élevées et aux pertes de productivité.

La prestation de soins médicaux aux fumeurs soulève de difficiles questions d'éthique. Bien qu'on soutienne que les fumeurs sont eux-mêmes responsables des problèmes de santé dont ils souffrent, peu de gens seraient prêts à affirmer qu'ils n'ont pas droit aux soins médicaux. Ce qui est encore plus problématique, c'est le fait que les fumeurs ne se rétablissent pas aussi bien que les non-fumeurs de certaines interventions chirurgicales, tels les pontages coronariens. En août 1993, un patient britannique est décédé après qu'on lui eut refusé une chirurgie cardiaque parce qu'il était fumeur. Au Canada, la plupart des médecins exhortent leurs patients à cesser de fumer avant une opération. Le centre hospitalier universitaire de London (Ontario) refuse de procéder à certaines chirurgies hépatiques chez les fumeurs. Compte tenu de l'augmentation des dépenses de santé et des compressions budgétaires, il est fort possible que l'on soit de plus en plus souvent confronté à ce genre de situation.

Les adversaires de l'usage du tabac réclament un air plus pur dans les bâtiments publics, les restaurants et les lieux de travail. Ils s'opposent également à ce que les compagnies de tabac commanditent des manifestations sportives et culturelles parce que cela tend à conférer au tabac une certaine respectabilité et risque de rendre les groupes bénéficiaires dépendants de l'usage du tabac. Les groupes antifumeurs ont exercé de fortes pressions sur les pouvoirs publics et mené de grandes campagnes de relations publiques comme celle de médecins pour un Canada sans fumée qui ont invité les médecins à envoyer une carte postale aux députés chaque fois qu'un de leurs électeurs mourait d'une maladie causée par le tabac.

La publicité qui s'adresse aux adolescents, et la vente de cigarettes aux jeunes, surtout dans les magasins au voisinage des écoles, ont été les cibles du mouvement antitabac, étant donné que l'adolescence semble être la période où l'on risque le plus de commencer à fumer. La mise en marché de paquets de cigarettes de format réduit et moins chers a fait craindre que leur prix plus abordable incite les adolescents à se mettre à fumer. Les adolescents prennent rarement au sérieux les avertissements contre le tabac, même s'ils peuvent en réciter les risques par coeur. Ils semblent se croire immortels ou s'imaginer qu'ils ne fumeront que quelques années.

Une étude réalisée en 1985 sur l'usage du tabac chez les enfants du Manitoba a révélé que la majorité des jeunes âgés de 8 à 15 ans qui fumaient quotidiennement achetaient des cigarettes au magasin, même s'il est illégal d'en vendre à des enfants de moins de 16 ans. Les études réalisées dans d'autres régions du Canada ont donné des résultats semblables. Divers gouvernements provinciaux et municipaux ont également cherché à réglementer la vente de produits de tabac aux mineurs, bien que jusqu'à récemment ces lois aient été rarement appliquées.

Il est ressorti d’un sondage mené en Ontario en 1995 qu’un grand nombre d’adolescents de 12 à 17 ans pouvaient établir un lien entre les produits du tabac et la promotion des activités sportives et culturelles. Ils savaient par exemple que « Players Ltée » était une marque de cigarette et un parrain d’événements. C’est dans ce groupe d’âge qu’on est le plus susceptible de commencer à fumer.

En 1972, l'industrie du tabac a accepté de se soumettre volontairement à des lignes directrices en matière de publicité, mais elle a continué à faire une promotion intensive de son produit. Les fabricants ont fait valoir que la publicité pour la cigarette est légale étant donné qu'il n'est pas illégal de fumer la cigarette, et que, de toute façon, la publicité pour la cigarette vise à persuader les fumeurs actuels de changer de marque plutôt qu'à encourager les non-fumeurs à se mettre à fumer. On a répliqué à cet argument en laissant entendre que la publicité sert à recruter de nouveaux fumeurs afin de remplacer ceux qui ont cessé de fumer ou qui sont morts, et que cette publicité vend la cigarette en l'associant à un mode de vie ou à une image. Ceux qui s'opposent à l'usage du tabac ont plaidé en faveur d'une interdiction de la publicité pour le tabac, accompagnée de campagnes antitabac et d'une hausse des taxes sur les cigarettes. D'autres mesures antitabac proposées comprennent l'emballage générique de toutes les cigarettes et l'interdiction, pour les pharmacies, de vendre les produits du tabac. En réponse aux pressions du public, de plus en plus de compagnies de transport ont interdit l'usage du tabac et certaines compagnies d'assurance ont réduit les primes d'assurance-incendie et d'assurance-vie pour les non-fumeurs. À la suite de la décision rendue en 1995 par la Cour suprême dans l’affaire RJR-MacDonald, laquelle a invalidé la plupart des lois interdisant la publicité pour le tabac, les sociétés productrices de tabac ont de nouveau convenu de se soumettre volontairement à des lignes directrices. Elles ont toutefois été accusées peu après d’avoir enfreint les lignes directrices en question.

Néanmoins, le mouvement antitabac continue à se heurter à une certaine opposition. Un groupe de pression qui défend les droits des fumeurs, la Société pour la liberté des fumeurs, a été créé en 1986 pour s'opposer aux taxes élevées et à l'intervention de l'État dans l'industrie, et aussi pour « rétablir la respectabilité de l'usage du tabac ». Financé en partie par l'industrie du tabac, ce groupe, s'est opposé activement aux taxes gouvernementales sur les produits du tabac et aux règlements municipaux interdisant l'usage du tabac. La Société n’existe plus.

Le projet de loi C-51, qui interdit la publicité pour les produits du tabac ainsi que leur promotion et qui en réglemente l'étiquetage, a reçu la sanction royale en juin 1988. Le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac a contesté cette loi devant les tribunaux, estimant qu'elle allait à l'encontre de la liberté d'expression garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. Initialement, la Cour supérieure du Québec a abrogé la loi. C’est cependant la Cour suprême du Canada qui a eu le dernier mot : toutes les interdictions touchant la publicité et la promotion des produits du tabac (à l’exception des dispositions interdisant la distribution de produits du tabac à titre gratuit) ont été déclarées des restrictions inconstitutionnelles à la liberté d’expression.

Les champions de la lutte antitabac ont réussi à faire augmenter les taxes sur les produits du tabac, comme moyen supplémentaire de dissuasion auprès des fumeurs. En réaction, les fabricants de tabac ont lancé une campagne de protestations contre la taxe au début de 1991, en faisant de la publicité à l'échelle nationale et en insérant dans les paquets de cigarettes des cartes que l'on pouvait signer et envoyer au ministre des Finances. Les taxes élevées sur les cigarettes au Canada ont également exacerbé les achats outre-frontière des produits du tabac et ont été en partie responsables de la contrebande, chaque année, de cigarettes d'une valeur de 500 millions de dollars. Des études ont semblé confirmer l'affirmation selon laquelle les hausses de taxes font diminuer la consommation de cigarettes. Cependant, selon les fabricants de produits de tabac, il n'a pas été prouvé qu'il existe un lien direct entre ces deux questions. Les taxes plus élevées ont également fait augmenté les ventes de tabac à coupe fine (pour les cigarettes qu'on roule soi-même) et les exportations de produits du tabac, dont une grande partie est revenue en contrebande au Canada.

Ces dernières années, l'industrie du tabac craint d'être la cible d'actions en justice. On a intenté aux États-Unis des poursuites en dommages-intérêts pour des maladies ou des décès attribués à l’usage du tabac. À la fin de 1995, les États de Virginie-Occidentale, de Floride, du Minnesota et du Mississippi avaient intenté des poursuites de ce genre. Même si les sociétés productrices de tabac ont presque toujours obtenu gain de cause jusqu’ici, les avocats des plaignants sont maintenant plus optimistes, car un nombre croissant de recherches établissent un lien entre les produits du tabac et diverses affections. De plus, en mars 1996, une brèche a été faite dans le front constitué par l’industrie, lorsqu’une des cinq principales sociétés productrices de tabac a décidé de régler hors cour des poursuites qui l’opposaient à des groupes antitabac. Les fabricants de tabac pourraient perdre des millions de dollars du fait de ces poursuites.

Au Canada, une action en justice a été intentée dans la Division générale de la Cour de justice de l’Ontario en 1995. Les plaignants tentent de faire désigner l’action en justice comme une poursuite en recours collectif. La déclaration comprend des allégations de négligence, de responsabilité stricte quant aux produits, d’omission d’avertissement, de tromperie, de déclaration inexacte faite avec négligence, d’inexécution de garantie implicite et de complot.

En août 1995, le président des États-Unis, Bill Clinton, a déclaré que la cigarette et le tabac sans fumée produisaient de la nicotine, une drogue qui crée l’accoutumance. Il a proposé que toute une série de nouveaux règlements soient pris afin de limiter la commercialisation, la promotion et la vente des cigarettes à l’égard des jeunes de moins de 18 ans. Les fabricants de cigarettes ont immédiatement intenté des poursuites, et les organisations de publicité ont condamné ces restrictions qu'elles considèrent comme de la censure. Le mouvement antitabac au Canada espère que le gouvernement canadien se verra contraint de suivre l'exemple de son voisin américain.

Les groupes intéressés avaient jusqu’au mois de janvier 1996 pour faire connaître leurs commentaires au sujet de la nouvelle réglementation. En août 1996, le président Clinton a précisé la forme définitive de la réglementation, laquelle a classé la nicotine parmi les drogues qui créent l’accoutumance, et restreint la commercialisation et la vente des produits du tabac, surtout en ce qui concerne les enfants. Les détaillants devront notamment demander aux moins de 27 ans de confirmer leur âge, photographie à l’appui, avant d’accepter de leur vendre des produits du tabac. De leur côté, les sociétés productrices de tabac devront verser annuellement 150 millions de dollars (en devises américaines) pour financer une campagne antitabac s’adressant aux adolescents. Pour montrer jusqu’à quel point la réglementation est bien circonscrite, le président a indiqué qu’il sera toutefois permis d’utiliser des distributrices et des comptoirs libre-service, mais uniquement dans les établissements pour adultes, d’effectuer des ventes par correspondance et de faire de la publicité au moyen de couleurs et d’images dans les établissements fréquentés par des adultes, pourvu que cela ne soit pas visible de l’extérieur. La publicité ne sera soumise à aucune restriction dans les publications qui visent principalement les adultes, et les sociétés productrices de tabac pourront parrainer des activités, mais en ne se servant que de leur dénomination sociale. La plus grande partie de la réglementation est entrée en vigueur le 28 août 1997.

   E. La culture du tabac

L'Ontario cultive près de 90 p. 100 de la récolte canadienne de tabac. Ces dernières années, la production a dépassé la demande et des millions de livres de tabac ont été entreposées. Les fabricants de tabac achètent moins aux agriculteurs en raison du ralentissement des ventes de cigarettes sur le marché national, qu'ils attribuent surtout à la hausse des taxes et à la concurrence étrangère plus serrée sur le marché d'exportation. Les producteurs de tabac canadiens réclament un office de commercialisation national qui stabiliserait les prix et leur trouverait de nouveaux débouchés au Canada et à l'étranger. Ils attendent également des gouvernements fédéral et provinciaux une aide importante pour trouver d'autres sources de revenu. La rationalisation et la diversification des cultures ont permis à certains producteurs de tabac de maintenir leur revenu, mais les régions de pays qui vivent de la culture du tabac connaissent des difficultés financières.

Le problème auquel fait face l'industrie de la culture du tabac en perte de vitesse n'est pas le manque de cultures de remplacement sur les terres sablonneuses du sud de l'Ontario. Le véritable problème est que le marché de ces autres cultures - tomates, fèves soja, arachides, ail, ginseng - n'est pas aussi lucratif que celui du tabac ne l'était, ou ne l'est qu'avec des subventions publiques visant à soutenir les prix. En effet, ces derniers temps, le rendement du tabac a atteint en moyenne 4 000 $ l'acre, soit dix fois plus que celui des autres cultures.

En 1986, Agriculture Canada a mis en place un programme d'une valeur de 30 millions de dollars pour aider les producteurs de tabac à se recycler. Néanmoins, la Commission ontarienne de commercialisation du tabac jaune a demandé que le gouvernement octroie à cette fin 200 à 300 millions de dollars prélevés sur les revenus de la taxe sur les cigarettes. Même dans ces conditions, de nombreux producteurs ont cessé de cultiver du tabac ces dernières années à cause d'une baisse de leurs ventes et de leurs profits et d'une hausse de leur endettement. Dans le cadre d'un programme fédéral-provincial, les producteurs de l'Ontario reçoivent actuellement de l'argent pour renoncer à la culture du tabac. En octobre 1988, le gouvernement fédéral a ajouté 30 millions de dollars à ce programme et cinq autres millions pour les producteurs de l'extérieur de l'Ontario. Malgré tout, un groupe de producteurs de tabac de l'Ontario appelé Fair Compensation for Tobacco (FACT) a intenté, en 1989, des poursuites judiciaires contre les gouvernements fédéral et ontarien, afin d'obtenir une compensation pour les préjudices subis par leur industrie à la suite de la hausse des taxes sur le tabac.

En septembre 1996, on a découvert que le ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada contribuait au financement de travaux de recherche visant à améliorer les récoltes de tabac.

   F. Mesures gouvernementales

      1. Initiatives touchant le milieu de travail

Depuis 1976, de nombreuses municipalités des quatre coins du pays ont adopté des règlements qui interdisent de fumer dans les immeubles non résidentiels et les véhicules de transport en commun. Plusieurs conseils municipaux se sont également attaqués au problème épineux de l'usage du tabac au travail. Le règlement de San Francisco qui l'interdit, sauf dans des endroits désignés, et qui offre aux antifumeurs la possibilité de porter plainte à la Commission municipale de la santé en cas d'infraction, a servi d'exemple à d'autres municipalités. Au Canada, de nombreuses municipalités ont suivi l'exemple de Toronto et annoncé qu'il ne serait permis de fumer au travail que dans des endroits désignés, dotés de systèmes de ventilation spéciaux. Depuis le 1er janvier 1987, le gouvernement du Québec interdit l'usage du tabac dans la plupart de ses immeubles publics, sauf dans des zones désignées. En juillet 1989, le gouvernement de l'Ontario a adopté le projet de loi 194 visant à restreindre l'usage du tabac sur les lieux de travail.

En décembre 1985, un arbitre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a conclu que le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social violait sa convention collective parce qui ne protégeait pas les employés contre la fumée de tabac, qui peut être considérée comme une « substance dangereuse ». Le gouvernement fédéral en a cependant appelé de cette décision avec succès, puisque la fumée de tabac n'est pas considérée comme un produit dangereux au sens de la loi.

Le 22 avril 1987, le gouvernement fédéral a annoncé une série de mesures ayant pour but de réduire l'usage du tabac. Outre le projet de loi C-51, la plupart de ces initiatives visaient l'usage du tabac dans les lieux de travail relevant de la compétence du gouvernement fédéral. Depuis le 1er octobre 1987, il est interdit de fumer aux comptoirs, dans les salles d'attente, aux bureaux et aux guichets des édifices fédéraux où on sert le public, et les employés n'ont le droit de fumer que dans des zones désignées. Le 1er janvier 1989, le gouvernement fédéral a interdit à tous les fonctionnaires de fumer dans les locaux des immeubles fédéraux. Le Service correctionnel du Canada est en train d'établir une politique qui interdira l'usage du tabac dans toutes les prisons fédérales à compter de 1998.

La polémique au sujet de l'interdiction du tabac au travail n'est pas terminée. Si l'usage du tabac crée une accoutumance physique et psychologique, il peut être difficile d'y renoncer, surtout dans un milieu de travail stressant. Si les employés qui fument doivent se rendre régulièrement dans les zones désignées, peut-on s'attendre à ce qu'ils soient aussi productifs que lorsqu'ils pouvaient fumer en travaillant? L'usage du tabac au travail pose également un problème en ce sens que la plupart des systèmes de ventilation recyclent l'air et risquent donc de redistribuer la fumée dans tout l'immeuble. La majorité des employeurs jugent trop coûteux d'installer un système de ventilation entièrement séparé pour les fumoirs, surtout dans le climat économique actuel.

      2. Initiatives fédérales en matière de lois et de règlements

         a. La publicité relative aux produits du tabac

En juin 1988, la Loi réglementant les produits du tabac recevait la sanction royale, conférant ainsi les pouvoirs nécessaires pour interdire toute publicité au sujet du tabac et imposant aux fabricants des restrictions concernant la publicité et les commandites, en plus d'en prévoir l'élimination graduelle; par ailleurs, elle exigeait des mises en garde plus explicites sur les contenants.

En juin 1989, le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social a déclaré qu'aucune mise en garde sur l'usage du tabac et la dépendance qu'il peut engendrer ne figurerait sur les paquets de cigarettes tant que le gouvernement n'aurait pas établi l'existence d'un lien entre les deux. La Société royale du Canada a reçu une subvention de 30 000 $ pour effectuer une étude sur la question, bien que l'existence d'un tel lien ait déjà été confirmé par des chercheurs américains. En octobre 1989, la Société indiquait dans son rapport que le tabac crée bel et bien une dépendance. Le gouvernement fédéral a dès lors obligé les fabricants à imprimer sur les paquets des mises en garde explicites concernant la santé. Cette mesure s’est poursuivie jusqu’à ce que la Cour suprême du Canada rende sa décision dans l’affaire RJR-MacDonald, en septembre 1995.

C’est en effet dans cette cause que les sociétés productrices de tabac ont contesté la validité des textes législatifs. En 1991, la Cour supérieure du Québec a jugé que la Loi réglementant les produits du tabac empiétait sur les lois provinciales et violait la liberté d'expression dont jouissent les fabricants de tabac en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Toutefois, en janvier 1993, la Cour d'appel du Québec a renversé cette décision, déclarant que l'interdiction en matière de publicité constitue une réponse appropriée au problème de l'usage du tabac, même s'il n'existe pas de preuve concluante qu'une telle interdiction restreint effectivement l'usage du tabac. Les fabricants de tabac ont porté la cause en appel devant la Cour suprême du Canada. Ils ont demandé d'être dispensés de l'application de la loi jusqu'à ce que le tribunal ait rendu une décision, mais la Cour a rejeté cette demande en mars 1994.

Depuis septembre 1994, des mises en garde plus sévères et plus visibles devaient figurer sur les paquets de cigarettes. Cependant, dans l'arrêt qu'elle a rendu à la fin de septembre 1995 dans l’affaire RJR-MacDonald Inc., la Cour suprême a rejeté toutes les interdictions contestées touchant la publicité et la promotion, à l'exception des dispositions interdisant la distribution de produits du tabac à titre gratuit.

Bien que la majorité des juges aient confirmé que la Loi réglementant les produits du tabac est à juste titre de la compétence législative du gouvernement fédéral, la Cour a également jugé (à 5 contre 4) que toutes les interdictions visant la publicité et la promotion (sauf pour l'exception susmentionnée) constituaient des violations inconstitutionnelles de la liberté d'expression garantie par la Charte. Cette décision de la Cour repose principalement sur le fait que les dispositions législatives étaient plus sévères qu'elles ne devaient l'être pour permettre au Parlement de réaliser son objectif, soit réduire la consommation liée à la publicité.

Selon la Cour, le défaut marquant des dispositions touchant l'étiquetage était la non-attribution des mises en garde, ce que les sociétés productrices de tabac considèrent raisonnablement comme une forme d'expression forcée. À son avis, la lacune décisive de l'interdiction touchant la publicité était le fait que tant la publicité « sociétale » que la publicité d'information étaient visées. La Cour a jugé que cette dernière publicité ne constituait pas une incitation à fumer puisqu'elle sert seulement à donner aux fumeurs actuels des renseignements sur les différentes marques. D'après elle, le lien rationnel entre l'utilisation de logos sur des produits autres que ceux du tabac, d'une part, et la consommation de tabac, d'autre part, était douteux.

Le gouvernement n'a pas réussi à convaincre la Cour que des dispositions moins sévères, par exemple une interdiction visant uniquement la publicité « sociétale » ou la publicité ciblant les jeunes et des mises en garde obligatoires mais « attribuées », n'auraient pas eu l'effet voulu sur la consommation liée à la publicité. De plus, le gouvernement a aggravé son cas en refusant de communiquer plus de 500 documents demandés par les sociétés productrices de tabac appelantes, dont l'un au moins portait sur une étude des mesures de rechange.

La décision a suscité une attention considérable de la part des médias. Le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac s'est dit prêt à continuer pour le moment de respecter les dispositions de la Loi. La ministre de la Santé du Canada a déclaré que le gouvernement examinait le jugement de la Cour et les options qui s'offrent à lui. D'autres groupes d'intérêt ont affirmé qu'il faudrait soit adopter de nouveau les dispositions contestées et invoquer la clause « nonobstant » pour les protéger, soit interdire la publicité et la promotion en faveur du tabac en vertu de la Loi sur les produits dangereux. L’industrie du tabac s’est imposée volontairement un code d’éthique touchant la publicité, mais on a allégué au début de 1996 que le code en question était inapplicable et qu’il n’était pas respecté.

En décembre 1995, la ministre de la Santé a publié « La lutte contre le tabagisme : un plan directeur pour protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens », un document qui décrit dans leurs grandes lignes les nouvelles orientations législatives du gouvernement. Le rétablissement des messages relatifs à la santé et de l’information sur les substances toxiques figurant sur les emballages ainsi que le fait de permettre que les messages soient attribués constituent « une première étape importante de la reconstruction de la stratégie fédérale ». Selon le plan directeur, le gouvernement à l’intention de :

  • mettre en oeuvre « l’interdiction la plus complète possible relative à la publicité »;
  • restreindre la publicité en interdisant les associations entre les produits du tabac et les autres produits, et en interdisant les témoignages et les interventions de personnalités en faveur des produits du tabac;
  • réduire le plus possible la publicité et la promotion liées à un style de vie particulier en limitant tant la forme que le contenu de la publicité dans le cadre d’une activité ou d’une manifestation parrainée et en exigeant que les mises en garde relatives à la santé figurent bien en vue sur le matériel publicitaire autorisé;
  • limiter davantage l’accès aux produits du tabac pour les acheteurs qui n’ont pas l’âge autorisé en interdisant les présentoirs libre-service et la vente par correspondance;
  • interdire presque toutes les formes de publicité et de promotion aux points de vente et limiter l’espace d’étalage réservé aux produits du tabac;
  • prendre des règlements exigeant des changements à la composition du produit, par exemple, diminution de la quantité de goudron et autres substances toxiques;
  • accroître l’obligation en matière de rapport imposée aux fabricants, aux distributeurs et aux importateurs de tabac.

La nouvelle législation (projet de loi C-117) concernant les mises en garde sur la santé et sur les substances toxiques figurant sur les emballages de produits du tabac a été lue par la première fois à la Chambre le 12 décembre 1995 (voir le LS-232F). Le projet de loi C-117 et son substitut (projet de loi C-24) visaient à modifier les dispositions sur l’étiquetage de la Loi réglementant les produits du tabac, abrogées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt RJR-MacDonald (voir LS-241F). La Loi devait subir d’autres modifications mineures, sans que les autres dispositions relatives à la publicité et à la promotion abrogées par le tribunal ne soient touchées.

Ces projets de loi ont été remplacés par le projet de loi C-71, Loi réglementant la fabrication, la vente, l’étiquetage et la promotion des produits du tabac, qui a été déposée en première lecture le 2 décembre 1996 (voir LS-283F). Connu sous le nom de Loi sur le tabac, le projet de loi vise à réglementer la composition des produits du tabac, l’accès des jeunes à ces produits, leur étiquetage et leur promotion. La Loi sur le tabac a reçu la sanction royale le 25 avril 1997. La publicité, la commandite, les attestations, l’exposition dans les points de vente et l’apposition d’éléments de marque sur des accessoires sont au nombre des formes précises de promotion qui sont touchées par cette loi. Les restrictions prévues dans le projet de loi en matière de commandite ont donné lieu à un débat important, au point où il a fallu adopter une modification pour reporter leur entrée en vigueur au 1er octobre 1998 ou à toute date antérieure fixée par décret. Cette loi fait déjà l’objet d’une contestation judiciaire de la part des fabricants de produits du tabac, qui soutiennent que certaines de ses parties sont inconstitutionnelles et vont à l’encontre du jugement rendu par la Cour suprême en 1995.

         b. La vente de tabac aux jeunes

Le 4 février 1993, le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, l'hon. Benoît Bouchard, a déposé à la Chambre des communes le projet de loi C-111, devenu depuis la Loi sur la vente du tabac aux jeunes. Cette loi, qui a remplacé la Loi sur la répression de l'usage du tabac chez les adolescents, devenue désuète, a porté de 16 à 18 ans l'âge minimum requis pour l'achat de produits du tabac et imposé des amendes maximales de 50 000 $ en cas d'infraction. L'emplacement des appareils distributeurs a aussi été sévèrement réglementé. Le projet de loi C-111 a été largement appuyé et très bien accueilli par les politiciens, les médias et même les fabricants de produits du tabac, malgré les réserves exprimées par les petits détaillants et les exploitants de distributeurs automatiques. La Chambre des communes et le Sénat l'ont rapidement adopté, et il a reçu la sanction royale le 25 mars 1993. La Loi a été promulguée le 8 février 1994 (voir LS-163F).

La Loi sur le tabac a remplacé la Loi sur la vente du tabac aux jeunes. Elle interdit de fournir des produits du tabac à des personnes de moins de 18 ans, en plus d’interdire la fabrication et la vente de « paquets pour enfants » et de limiter le libre-service ou la distribution automatique de produits du tabac (voir LS-283F).

         c. Les emballages neutres

En mars 1994, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a entrepris d'étudier la question de la banalisation de l'emballage des produits du tabac. La ministre de la Santé, l'honorable Diane Marleau, s'est montrée favorable à cette idée, tout comme l'ont fait plusieurs ministres provinciaux de la santé et certains groupes. D'aucuns ont cependant mis en doute la constitutionnalité et la légalité d'exiger des emballages neutres pour les produits du tabac.

En juin 1994, le Comité a déposé son rapport dans lequel il déclare qu'il « faut faire preuve de prudence » dans l'adoption d'emballages neutres pour des raisons d'ordre constitutionnel. D'après le Comité, il faut clairement démontrer que l'élimination de toute couleur et de toute marque de commerce sur les paquets de cigarettes contribuerait à réduire la consommation de tabac, surtout chez les jeunes. Le 18 novembre 1994, le gouvernement a fait connaître sa réaction au rapport du Comité; il a indiqué que tout comme le Comité, il croît que l'emballage neutre des produits du tabac pourrait largement contribuer à réduire l'attrait de ces produits, en particulier chez les jeunes. Il a aussi précisé qu'il voulait examiner les conclusions d'une étude effectuée par un groupe de spécialistes dans le but de voir comment l'emballage pouvait inciter quelqu'un à acheter des produits du tabac. Le gouvernement a également souligné qu'il était en train d'évaluer les répercussions juridiques d'une modification de l'emballage du produit ainsi que l'incidence d'une telle modification sur le commerce international, l'économie et la contrebande. Les représentants des provinces et territoires présents à la réunion des ministres de la Santé en septembre se sont déclarés favorables à l'emballage neutre. Une résolution invitant les pays à promouvoir l'emballage neutre comme moyen de réduire l'attrait pour les produits du tabac a aussi été adoptée à la 9e Conférence mondiale sur le tabac et la santé, qui s'est tenue à Paris.

En mai 1995, la ministre de la Santé a publié le rapport du gouvernement sur les emballages neutres, rapport qui a coûté 500 000 dollars. Tout en reconnaissant qu'il est impossible de prouver avec certitude que les emballages neutres inciteront les fumeurs à cesser de fumer ou dissuaderont les jeunes de commencer à le faire, les auteurs du rapport concluent que les emballages génériques réduiraient la consommation du tabac. La ministre, l'honorable Diane Marleau, a toutefois indiqué qu'il faudra livrer des batailles ardues sur les plans juridique, politique et économique avant que les emballages génériques deviennent obligatoires en vertu de la loi et refusé d'indiquer si des mesures législatives en ce sens seraient prises prochainement. Le projet de loi C-71 et la Loi sur le tabac qu’il a créée n’abordent pas explicitement la question des emballages neutres, bien qu’on soit justifié de soutenir que ceux-ci peuvent être prescrits par règlement.

         d. La réglementation de la teneur en nicotine

En avril 1994, le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac a publié la liste de 13 produits chimiques qui sont ajoutés aux cigarettes vendues au Canada. Les fabricants américains de produits du tabac avaient précédemment annoncé que 600 additifs étaient utilisés dans les cigarettes américaines. Au Canada et aux États-Unis, certains avaient dit craindre que les fabricants de tabac n'ajoutent de la nicotine à leurs produits afin d'accroître la dépendance des fumeurs. Si les fabricants canadiens admettent faire un mélange de tabacs, ils nient ajouter de la nicotine. En novembre 1994, une étude réalisée par le ministère fédéral de la Santé a révélé la présence d'un composé cancérigène (para-amino-byhényle) dans la fumée des cigarettes vendues au Canada. Récemment, des préoccupations ont été exprimées au sujet de l'utilisation d'indications telles que « douces » ou « ne créent pas d'accoutumance » sur des paquets de cigarettes.

Le projet de loi S-5, Loi restreignant la fabrication, la vente, l’importation et l’étiquetage des produits du tabac, a été présenté au Sénat le 19 mars 1996 mais il est mort au Feuilleton au moment du déclenchement des élections en 1997. Le projet de loi visait principalement à fixer des niveaux maximums de nicotine et de goudron inhalable (par gramme de tabac), ainsi que des niveaux minimums de tabac non reconstitué et maximum d’additifs dans les formules de tabac.

En vertu de la Loi sur le tabac, le gouvernement fédéral a le pouvoir d’interdire par règlement la fabrication de tout produit du tabac qui ne respecte pas les normes applicables à sa composition. Ces normes peuvent établir les quantités de substances permises dans les produits du tabac et les émissions. Pendant les audiences du comité chargé d’étudier le projet de loi C-71 (maintenant devenu la Loi sur le tabac), les représentants de Santé Canada ont indiqué que les règlements en question ne seraient pas formulés tant qu’on n’aurait pas recueilli d’autres preuves scientifiques (voir LS-283F).

         e. L’usage du tabac à bord des avions

En novembre 1986, le ministre des Transports a annoncé que l'usage du tabac serait interdit à bord de tous les avions canadiens durant les vols de deux heures ou moins. En septembre 1987, on a décidé que ce règlement entrerait en vigueur le 9 décembre 1987 : il prévoit des amendes pouvant atteindre 5 000 $ pour les passagers qui continuent de fumer, et 25 000 $ pour les compagnies aériennes qui n'appliquent pas cette interdiction. Depuis avril 1988, une interdiction semblable touche les vols intérieurs d'une durée maximale de deux heures, aux États-Unis. En septembre 1988, Air Canada a étendu cette interdiction à tous ses vols en Amérique du Nord et à ceux à destination d'Hawaï et du Mexique.

Le 1er juillet 1994, le Canada a interdit l'usage des produits du tabac sur tous les vols internationaux. Il est ainsi devenu le premier pays à interdire l'usage du tabac sur les vols nationaux et internationaux à l'intérieur de son territoire. Cette interdiction s'applique également aux vols nolisés et commerciaux. En novembre 1994, le Canada, les États-Unis et l'Australie ont convenu d'interdire l'usage du tabac sur tous les vols internationaux sans escale entre les trois pays.

      3. Initiatives prises par les provinces

À l'instar du gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux ont augmenté les taxes sur les produits du tabac, en partie pour obtenir des recettes, mais aussi pour décourager l'usage du tabac. De telles mesures étaient devenues prioritaires pour plusieurs provinces, en raison de l'augmentation des coûts de santé.

Les gouvernements provinciaux ont également pris d'autres initiatives antitabac. Ainsi, la Colombie-Britannique a déposé une loi d'autorisation qui exige que les détaillants qui vendent du tabac aient un permis à cette fin et autorise le retrait des permis de vente aux détaillants qui vendent des cigarettes aux enfants. En 1993, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a également annoncé des initiatives antitabac.

En 1994, le gouvernement de l'Ontario a adopté une série de mesures visant à restreindre l'usage du tabac dans le but d'atteindre l'objectif fixé pour la province, soit une diminution de 50 p. 100 de la consommation de tabac d'ici la fin de la décennie. La nouvelle loi antitabac de la province interdit la vente de tabac dans les pharmacies et autres établissements de santé, rend illégaux les distributeurs automatiques, fait passer de 18 à 19 ans l'âge auquel les jeunes ont légalement le droit d'acheter des produits du tabac, et interdit enfin l'usage du tabac dans tous les établissements de santé, sauf les résidences comme les foyers pour personnes âgées. La loi prévoit également des amendes plus élevées pour ceux qui vendent des cigarettes aux mineurs, et autorise la province à imposer un emballage neutre pour tous les produits du tabac vendus sur son territoire. Cette loi a été décrite comme étant la plus sévère en Amérique du Nord.

En juillet 1996, le conseil municipal de Toronto a adopté un règlement controversé interdisant, à compter du 1er janvier 1997, l’usage du tabac dans tous les restaurants, bars et établissements de divertissement. Des mesures analogues, quoique moins rigoureuses, ont été prises ailleurs au Canada. Vancouver a interdit l’usage du tabac dans les endroits auxquels les enfants ont accès, y compris les restaurants. La ville de Victoria a pour sa part décidé de fixer à 60 p. 100 la surface que tous ses établissements d’accueil devaient réserver aux non-fumeurs à partir de septembre 1996, et à 100 p. 100, à compter de janvier 1999. Le 8 octobre 1996, le conseil municipal de Toronto a modifié son règlement; il sera permis de fumer dans certains établissements de divertissement, à condition que ce soit dans des pièces fermées et spécialement aérées qui doivent compter pour moins de 25 p. 100 du nombre total de sièges de l’établissement.

      4. Cigarettes de contrebande

À la fin de 1991, 12,5 p. 100 de la production canadienne était exportée à l'extérieur du pays, vers ce que le lobby du tabac appelle le « marché exempt de taxes ». Selon des estimations de la GRC, sur chaque cinq cartouches exportées à l'extérieur du Canada, quatre étaient réimportées au pays où elles étaient vendues hors taxes. En février 1992, le gouvernement fédéral a imposé une taxe à l'exportation de un dollar par paquet de cigarettes. Cette mesure visait à contrecarrer un florissant commerce de contrebande de cigarettes canadiennes. Cette taxe à l'exportation a été supprimée en avril 1992 en raison des pressions exercées par les compagnies de tabac; ces dernières menaçaient en effet de déménager leurs usines de production aux États-Unis. Les taxes sur les produits du tabac, que les gouvernements fédéral et provinciaux n'avaient pas cessé d'augmenter depuis la fin des années 80, avaient entraîné une diminution de la consommation du tabac, mais avaient aussi donné naissance à un florissant marché noir. Selon une étude commandée par le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac, en 1991, une cigarette sur neuf achetées au Canada provenait du vol ou de la contrebande, ce qui s'est traduit par une perte fiscale estimée à 1,1 milliard de dollars, soit une somme cinq fois plus importante qu'en 1990. On a commencé à envisager l'éventuelle réintroduction d'une taxe à l'exportation ou, inversement, une diminution des taxes sur les produits du tabac dans le but de mettre un frein au florissant commerce de contrebande de cigarettes.

La contrebande des cigarettes est devenue un problème croissant, en particulier dans certaines réserves indiennes situées sur la frontière canado-américaine ou à proximité de celle-ci. Selon des estimations, 70 p. 100 des cigarettes de contrebande transitaient par la réserve d'Akwesasne près de Cornwall, en Ontario, où un certain nombre d'incidents violents qu'on dit liés à la contrebande se sont produits au cours de l'été et de l'automne de 1993.

Les inquiétudes grandissantes à propos des cigarettes de contrebande s'expliquaient par la violence de la contrebande, ainsi que par la perte de recettes fiscales pour les gouvernements et la diminution des ventes pour les commerçants autorisés. Divers politiciens provinciaux, particulièrement au Québec, pensaient qu'une diminution des taxes du tabac pourrait être envisagée comme une façon de contrecarrer le commerce de contrebande de cigarettes. D'aucuns prétendaient qu'en réduisant l'écart des prix entre les cigarettes canadiennes vendues légalement et les cigarettes de contrebande, on pourrait éliminer le marché noir. Il ne faut pas non plus oublier les coûts directs et indirects, comme les coûts engagés par la police pour combattre la contrebande de cigarettes. Pour leur part, les groupes antitabac prétendaient que le prix à payer était un élément important de dissuasion et que la réduction de taxes pourrait encourager l'usage du tabac. Ils soulignaient également que les taxes sur le tabac imposées en Europe étaient beaucoup plus élevées qu'au Canada. La situation au Canada était toutefois rendue plus complexe par la proximité des États-Unis et par le fait qu'on semblait incapable de stopper les expéditions illégales, apparemment par manque d'efficacité on de détermination.

En novembre 1993, le gouvernement de l'Ontario a annoncé des mesures visant à prévenir la contrebande du tabac, dont l'augmentation des amendes et des peines et des pouvoirs accrus à la police. Selon les estimations de la province, la contrebande représentait chaque année une perte fiscale de 250 millions de dollars. Les critiques prétendaient qu'au lieu de s'occuper des effets de la contrebande, la province devrait se pencher sur les causes, c'est-à-dire qu'elle devrait essayer d'éliminer les conditions qui rendaient la contrebande attrayante.

Le 8 février 1994, le gouvernement fédéral a annoncé une série de mesures destinées à combattre la contrebande de cigarettes : réduction de taxe de 5 $ la cartouche et l'offre faite aux provinces qui réduiraient leurs taxes de plus de 5 $ la cartouche d'une baisse de taxe additionnelle de 1 $ pour chaque dollar de réduction jusqu'à concurrence de 5 $; ré-imposition d'une taxe de 8 $ la cartouche sur les exportations de cigarettes; imposition d'une surtaxe sur les bénéfices des fabricants de cigarettes; renforcement de l'exécution de la loi grâce à un accroissement du nombre des inspecteurs des douanes et des agents de répression de la contrebande de la GRC; et lancement d'une vaste campagne de sensibilisation contre le tabagisme. Le gouvernement a également profité de l'occasion pour promulguer la Loi sur la vente du tabac aux jeunes et il a convenu d'étudier la possibilité d'adopter des règlements imposant l'utilisation d'un emballage générique et la divulgation de tous les additifs.

La décision du gouvernement a été très controversée, et exception faite du Québec, la plupart des gouvernements provinciaux ont décrié les mesures prises et n'ont pas immédiatement réduit leurs propres taxes, bien que certains l'aient fait par la suite. Elle a suscité la colère des groupes d'intérêts du domaine de la santé qui soutiennent que les taxes sont un important facteur de dissuasion de l'usage de la cigarette et qu'on aurait pu adopter d'autres mesures pour lutter contre la contrebande. Certains se sont aussi interrogés sur les coûts totaux de ce plan d'action, y compris les dépenses fiscales et les conséquences des mesures sur les coûts de santé. Cependant, d'après le gouvernement, la contrebande de cigarettes était devenue un commerce de plus de cinq milliards de dollars, 66 p. 100 des cigarettes achetées au Québec et 40 p. 100 de celles achetées à l'échelle nationale étant d'origine illégale. Le gouvernement a par ailleurs affirmé que 95 p. 100 des activités de contrebande de tabac étaient sous la coupe du crime organisé, que les pertes de recettes fiscales augmentaient de plus en plus rapidement, que les coûts sociaux étaient inacceptables et que les prix inférieurs des cigarettes de contrebande minaient déjà les mesures de lutte contre le tabagisme des autorités fédérales et provinciales.

Les effets à long terme des mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la contrebande restent incertains. Selon Statistique Canada, le prix des cigarettes a baissé en moyenne de 36,6 p. 100 dans l'ensemble du Canada en 1994. Cette baisse est la première enregistrée depuis 1954. La réduction a même été encore plus prononcée dans les provinces qui ont emboîté le pas au gouvernement fédéral et réduit leurs taxes.

Les ventes de tabac canadien, autant sur le marché intérieur que celui des exportations, ont augmenté de 5 p. 100 en 1994. Les fabricants de tabac ont livré l'équivalent de 56,8 milliards de cigarettes en 1994, par rapport à 54 milliards en 1993. Il faut tenir compte des exportations autant que des ventes sur le marché intérieur étant donné que, durant les pires moments de la contrebande, les fabricants de tabac exportaient aux États-Unis d'énormes quantités de cigarettes qui étaient pratiquement toutes réimportées au Canada illégalement. Ces exportations ont cessé avec la fin de la contrebande.

Les ventes sur le marché intérieur ont augmenté après la réduction des taxes, mais on ne sait pas vraiment si cette hausse est attribuable au fait que les fumeurs ont cessé d'acheter des produits du tabac de contrebande pour recommencer à acheter ceux qui sont vendus légalement au Canada ou parce que plus de gens ont commencé (ou recommencé) à fumer à la suite de la baisse des taxes. Selon un sondage réalisé en juin 1994 par le York University Institute for Survey Research, pour le comte de la Fondation de la recherche sur la toxicomanie, l'usage du tabac est en hausse pour la première fois depuis trente ans, et les nouveaux fumeurs sont surtout des femmes. Cependant, en novembre 1994, Statistique Canada a publié un sondage montrant que l'usage du tabac avait en fait diminué quelque peu entre mai et août 1994. Or, selon un rapport du ministère fédéral de la Santé publié en février 1995, la consommation du tabac a été plus élevée en 1994 que l'année précédente. En 1995, une enquête intitulée A Study on Youth Smoking, effectuée conjointement par l'Université de Toronto, l'Université de l'Illinois à Chicago et la Fondation de recherche sur la toxicomanie a permis de constater que les mineurs fument davantage depuis la réduction des taxes sur le tabac en 1994.

Les statistiques recueillies par Santé Canada confirment que le prix est le facteur déterminant du taux de consommation du tabac. En 1990, lorsque les taxes sur le tabac étaient uniformes d'un bout à l'autre du pays, il en était de même du taux de consommation du tabac. Cependant, en 1994, cinq provinces ont suivi l'exemple du gouvernement fédéral et réduit leurs propres taxes sur le tabac de sorte qu'au pays le prix des cigarettes variait entre 2,50 et 5 $. Bien que l'usage du tabac ait diminué partout au pays, cette diminution a été beaucoup plus forte (20 p. 100) dans les provinces où les prix étaient plus élevés que dans les provinces où les taxes étaient les plus faibles (4 p. 100).

En février 1995, le prix d'une cartouche de cigarettes a connu une légère hausse - d'environ 1,20 $ - par suite de l'augmentation des taxes fédérale et provinciales. On rapporte que depuis, la contrebande du tabac aurait augmenté.

MESURES PARLEMENTAIRES

  1. En 1970, le rapport Isabelle du Comité de la santé, du bien-être social et des affaires sociales de la Chambre des communes a formulé des recommandations sur la publicité et la promotion des ventes de produits du tabac.
  1. Le projet de loi C-248, visant à interdire la publicité des produits du tabac, a été déposé par le gouvernement en juin 1971, mais n'a jamais été débattu. L'industrie du tabac et le gouvernement ont plutôt convenu de lignes directrices facultatives.
  1. En avril 1986, le Code canadien du travail a été modifié de façon à prévoir des dispositions en matière de santé et de sécurité au travail qui permettront plus facilement aux employés de refuser un travail dangereux. La fumée du tabac n'était pas citée expressément comme constituant une menace pour la santé, mais en octobre 1986, Travail Canada a rendu une décision confirmant qu'un employé d'Air Canada avait le droit de refuser de travailler dans une remorque enfumée.
  1. Le projet de loi C-204, Loi sur la santé des non-fumeurs, a été déposé le 6 octobre 1986 afin de réglementer l'usage du tabac dans les lieux de travail et les transports en commun relevant de la compétence fédérale et de modifier la Loi sur les produits dangereux pour interdire la publicité en faveur des cigarettes. Ce projet de loi d'initiative parlementaire, présenté par Mme Lynn McDonald, a été étudié en comité pendant neuf mois après avoir franchi l'étape de la deuxième lecture. Le 11 février 1988, il a été approuvé avec amendements et renvoyé à la Chambre. Le 31 mai 1988, il a été adopté en troisième lecture et, même s'il a reçu la sanction royale en juin de la même année, il n'a pas été promulgué (voir note 8, ci-dessous). (Voir le LS-18-F.)
  1. Le projet de loi C-51, interdisant la publicité en faveur des produits du tabac, réglementant leur étiquetage et prévoyant certaines mesures de contrôle, a été présenté par le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social le 30 avril 1987. Il a été adopté en troisième lecture le 31 mai 1988 et a reçu la sanction royale en juin de la même année. (Voir le LS 4-F.) Les fabricants canadiens de produits du tabac ont contesté sa validité devant les tribunaux.
  1. Le 31 mars 1989, le Président de la Chambre des communes annonçait qu'à compter du 14 août 1989, les employés de la Chambre des communes, ainsi que les visiteurs, ne seraient plus autorisés à fumer dans les édifices du Parlement. Cette interdiction visait également tous les locaux occupés par la Bibliothèque du Parlement. Les députés allaient toutefois pouvoir continuer de fumer dans leur bureau et d'autoriser leurs employés à le faire, même si la chose allait être interdite aux employés de la Chambre des communes. Par ailleurs, cette interdiction ne touche pas la salle des journalistes de l'Édifice du Centre et une section du restaurant parlementaire qui est réservée aux fumeurs.
  1. Le 18 mai 1989, le projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur la répression de l'usage du tabac chez les adolescents et la Loi réglementant les produits du tabac, a franchi l'étape de la première lecture au Sénat. Il visait à augmenter les amendes imposées à quiconque vend des produits du tabac à une personne de moins de 18 ans et à interdire l'exploitation de distributeurs automatiques de produits du tabac. La motion proposant la deuxième lecture du projet de loi a été rejetée le 24 octobre 1989 et cette mesure a été retirée du Feuilleton.
  1. Le projet de loi C-27, Loi modifiant la Loi sur la santé des non-fumeurs (ancien projet de loi C-204) a été déposé à la Chambre des communes le 16 juin 1989. Il a été adopté par le Sénat et a reçu la sanction royale le 29 juin 1989. Ce projet de loi apportait des modifications de forme au projet de loi d'initiative parlementaire présenté par Lynn McDonald et visait à préciser certains termes et à établir des procédures d'application de la loi.
  1. La Loi sur la vente du tabac aux jeunes (projet de loi C-111) a reçu la sanction royale le 25 mars 1993. Elle a pour objet de réduire la consommation du tabac chez les jeunes en relevant à 18 ans l'âge minimum requis pour acheter des produits du tabac et en limitant l'emplacement des appareils distributeurs. Elle a été promulguée en février 1994. (Voir le LS-163F.)
  1. Le 8 février 1994, le premier ministre Jean Chrétien a annoncé des mesures pour lutter contre la contrebande de cigarettes, notamment une réduction des taxes fédérales sur les cigarettes, la ré-imposition d'une taxe à l'exportation, l'imposition d'une surtaxe sur les bénéfices des fabricants, une intensification des mesures d'exécution de la loi, et une vaste campagne de sensibilisation visant les jeunes et les parents. De plus, la Loi sur la vente du tabac aux jeunes a été promulguée. Le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'accise, la Loi sur les douanes et la Loi sur la vente de tabac aux jeunes, a été déposé à la Chambre des communes le 10 février 1994. Il a franchi l'étape de la troisième lecture le 14 juin 1994. (Voir le LS-188F.)
  1. Le 12 décembre 1995, le projet de loi C-117, Loi modifiant la Loi réglementant les produits du tabac, a franchi l’étape de la première lecture. Ce projet de loi visait à rétablir les mises en garde sur la santé et les produits toxiques sur et dans les emballages de produits du tabac, mais à permettre « l’attribution » de ces mises en garde.
  1. Le 19 mars 1996, le projet de loi S-5, Loi restreignant la fabrication, la vente, l’importation et l’étiquetage des produits du tabac, a été lu pour la première fois. Il a franchi l’étape de la deuxième lecture le 21 mars 1996.
  1. Le 22 mars 1996, le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi réglementant les produits du tabac, a remplacé le projet de loi C-117.
  1. Le 2 décembre 1996, le projet de loi C-71, Loi réglementant la fabrication, la vente, l’étiquetage et la promotion des produits du tabac (qui se substituait au projet de loi C-24) a franchi l’étape de la première lecture; le 25 avril 1997, il a reçu la sanction royale. La Loi sur le tabac qui en découle remplace la Loi réglementant les produits du tabac et la Loi sur la vente du tabac aux jeunes. Elle réglemente la composition des produits du tabac; l’accès des jeunes à ces produits; leur étiquetage; et la publicité, le témoignage et la commandite en faveur des produits du tabac.

 

CHRONOLOGIE

1908 - La Loi sur la répression de l'usage du tabac chez les adolescents rend illégale la vente de produits du tabac à quiconque est âgé de moins de 16 ans. Cette loi n'a pas été appliquée depuis au moins 45 ans.

1962 - Un rapport du Collège royal des médecins de Londres démontre la nocivité de l'usage du tabac.

1963 - Santé et Bien-Être social Canada publie un rapport qui établit un lien entre la cigarette et le cancer du poumon.

1964 - Le Chef du Service fédéral de la santé publique des États-Unis publie un rapport sur les conséquences médicales de l'usage du tabac.

1970 - L'Assemblée mondiale de la santé adopte, pour la première fois, une résolution antitabac invitant les gouvernements à intervenir pour lutter contre cette cause de décès.

- Le Comité de la santé, du bien-être social et des affaires sociales de la Chambre des communes recommande d'interdire la publicité et la promotion des ventes des produits du tabac.

juin 1971 - Le gouvernement dépose le projet de loi C-248 visant à interdire la publicité en faveur des produits du tabac, qui n'est toutefois jamais débattu.

1982 - Santé et Bien-être social Canada lance une campagne antitabac.

janvier 1985 - Le ministre d'État responsable de la Condition physique et du Sport amateur annonce que les manifestations de sport amateur ne pourront plus être commanditées par des fabricants de tabac.

février 1985 - Le Conseil du Trésor annonce des lignes de conduite facultatives sur l'usage du tabac dans les bureaux de la fonction publique fédérale.

octobre 1985 - Santé et Bien-être social Canada lance une campagne antitabac de 1,5 million de dollars à l'intention des jeunes.

- Le ministre de l'Agriculture du Canada verse 90 millions de dollars aux producteurs de tabac pour soutenir les prix.

octobre 1986 - Deux projets de loi d'initiative parlementaire sont déposés pour restreindre l'usage du tabac dans les immeubles fédéraux.

novembre 1986 - À titre d'essai, Air Canada interdit de fumer sur certains vols.

décembre 1986 - Le Chef du Service fédéral de la santé publique des États-Unis soutient que la fumée présente de grands risques pour la santé et demande instamment qu'on interdise l'usage du tabac dans les lieux de travail.

février 1987 - Agriculture Canada lance un programme de 15 millions de dollars pour aider les tabaculteurs à se lancer dans d'autres cultures.

avril 1987 - On annonce de nouvelles restrictions relatives à l'usage du tabac dans les lieux de travail relevant de la compétence du gouvernement fédéral.

- Le ministre de la Santé national et du Bien-être social présente le projet de loi C-51, qui interdit la promotion des produits du tabac et la publicité en leur faveur.

septembre 1987 - Transports Canada interdit l'usage du tabac sur tous les vols de deux heures ou moins à bord d'avions canadiens, à partir de décembre 1987.

octobre 1987 - L'usage du tabac est limité à certaines zones désignées dans les lieux de travail de la fonction publique.

mai 1988 - Les projets de loi C-51 et C-204 sont tous deux adoptés en troisième lecture par la Chambre des communes le 31 mai, après un an de controverse.

juin 1988 - Les projets de loi C-51 et C-20 sont tous deux adoptés en troisième lecture par le Sénat le 28 juin et reçoivent la sanction royale le même jour. Les projets de loi entrent en vigueur à une date subséquente.

janvier 1989 - Les fonctionnaires fédéraux se voient interdire l'usage du tabac dans tous les locaux de la plupart des immeubles fédéraux.

mars 1989 - Le Président de la Chambre des communes annonce qu'il sera interdit de fumer dans les édifices du Parlement à compter d'août 1989, mais que les députés et leurs employés pourront continuer de fumer dans leurs bureaux.

juin 1989 - Le projet de loi C-27, modifiant le projet de loi C-204, reçoit la sanction royale.

1989 - Depuis le 31 octobre, tous les emballages de produits du tabac doivent porter l'une des quatre mises en garde spécifiées concernant la santé.

janvier 1990 - Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social propose que les emballages de produits du tabac portent des mises en garde plus énergiques et plus visibles concernant la santé, à compter du 1er juin 1991.

juillet 1991 - La Cour supérieure du Québec juge inconstitutionnelle la Loi réglementant les produits du tabac. Le gouvernement fédéral interjette appel. [RJR-MacDonald Inc. c. Canada, 82 D.L.R. (4th) 449]

janvier 1993 - La Cour d'appel du Québec renverse la décision de la Cour supérieure du Québec et déclare que la Loi réglementant les produits du tabac est constitutionnelle. La cause est portée en appel devant la Cour suprême du Canada et entendue en novembre 1994.

mars 1993 - La Loi sur la vente du tabac aux jeunes, que la Chambre des communes et le Sénat adoptent avec célérité, reçoit la sanction royale.

février 1994 - Le gouvernement fédéral annonce un train de mesures en vue de lutter contre la contrebande du tabac et promulgue la Loi sur la vente du tabac aux jeunes.

juillet 1994 - Le Canada interdit l'usage du tabac sur tous les vols internationaux à destination et en provenance du pays.

novembre 1994 - Le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'accise, la Loi sur les douanes et la Loi sur la vente du tabac aux jeunes, reçoit la sanction royale.

septembre 1995 - La décision finale dans l’affaire RJR-MacDonald c. Canada est rendue par la Cour suprême du Canada. La Cour juge que toutes les interdictions touchant la publicité et la promotion contenues dans la Loi réglementant les produits du tabac, exception faite des dispositions visant la distribution de produits du tabac à titre gratuit, sont inconstitutionnelles. À son avis, la Loi est de la compétence législative du gouvernement fédéral, mais elle viole de façon injustifiable la liberté d'expression garantie par la Charte.

décembre 1995 - La ministre fédérale de la Santé expose le projet de stratégie gouvernementale concernant les produits du tabac dans un document intitulé « La lutte contre le tabagisme : un plan directeur pour protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens ».  Le plan prévoit « l’interdiction la plus complète possible de la publicité ».

- Le projet de loi C-117, qui modifierait des parties de la Loi réglementant les produits du tabac, franchit l’étape de la première lecture.

mars 1996 - Le projet de loi S-5, Loi restreignant la fabrication, la vente, l’importation et l’étiquetage des produits du tabac, franchit les étapes de la première et de la deuxième lecture. Le projet de loi C-24 remplace le projet de loi C-117 et franchit l’étape de la première lecture.

juillet 1996 - Le conseil municipal de Toronto adopte un règlement controversé interdisant, à compter du 1er janvier 1997, l’usage du tabac dans tous les restaurants, bars et établissements de divertissement.

août 1996 - Le président des États-Unis, Bill Clinton, annonce l’application à compter d’août 1997 d’une nouvelle réglementation qui classe la nicotine parmi les drogues causant l’accoutumance et restreint la commercialisation et la vente des produits du tabac à l’égard des enfants. Les sociétés productrices de tabac devront verser annuellement 150 millions de dollars pour financer une campagne antitabac destinée aux adolescents.

décembre 1996 - Le projet de loi C-71, Loi réglementant la fabrication, la vente, l’étiquetage et la promotion des produits du tabac, franchit l’étape de la première lecture. Il renferme des mesures correspondant à l’avant-projet de 1995.

avril 1997 - Le projet de loi C-71, Loi sur le tabac, reçoit la sanction royale.

 


La première version de ce bulletin d'actualité a été publiée en octobre 1986.  Le document a été périodiquement mis à jour depuis.