89-9F

 

RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET DÉVELOPPEMENT
EXPÉRIMENTAL : LA POLITIQUE FISCALE

 

Rédaction :
Odette Madore
Division de l'économie
Révisé le 31 août 1998


TABLE DES MATIÈRES

DÉFINITION DU SUJET

CONTEXTE ET ANALYSE

   A.  Justification de l'appui gouvernemental à la RS-DE

   B.  Fonctionnement général des mesures fiscales en matière de RS-DE

   C.  Historique

      1.  De 1944 à 1986
      2.  De 1987 à 1993
      3.  Depuis 1994

   D.  Commentaires sur les mesures fiscales en matière de RS-DE

MESURES PARLEMENTAIRES

CHRONOLOGIE

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE


RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET DÉVELOPPEMENT
EXPÉRIMENTAL : LA POLITIQUE FISCALE*

DÉFINITION DU SUJET

Personne ne conteste le rôle de la recherche scientifique et du développement expérimental (RS-DE) dans le renforcement de la position concurrentielle de l'industrie à moyen et à long terme. Les activités de RS-DE permettent d'innover en créant de nouveaux procédés et produits, améliorent la qualité des procédés et des produits existants, et augmentent la productivité des sociétés et réduisent leurs coûts d'exploitation, ce qui accroît leur rentabilité. Les bénéfices de la RS-DE ne sont pas limités au secteur industriel; toute l'économie profite en effet des activités menées dans ce domaine. Qui plus est, la recherche scientifique est l'un des facteurs essentiels à une croissance économique soutenue et à une élévation du niveau de vie.

Pour ces raisons, le gouvernement fédéral appuie depuis longtemps les activités de recherche entreprises en milieu industriel. Outre les subventions et les contrats qu'il accorde afin d'encourager la recherche dans ce secteur, il appuie la RS-DE en entreprise par le biais de mesures fiscales. Les encouragements fiscaux se distinguent des mesures de financement direct en ce qu'ils constituent un mode de financement relativement neutre du point de vue du choix des activités de RS-DE ou des secteurs de production visés. Les stimulants fiscaux laissent aux sociétés la prise de décisions relatives aux investissements en RS-DE; le secteur industriel est celui qui est le mieux placé pour déterminer le volume et la nature de la recherche scientifique à entreprendre.

Les mesures fiscales ont pour résultat de modifier le coût après impôt d'un investissement en RS-DE. En effet, les dépenses de RS-DE engagées donnent droit à des déductions et à des crédits d'impôt qui abaissent le coût de celle-ci. Ces mesures constituent donc une dépense fiscale, c'est-à-dire un manque à gagner pour le gouvernement. Les dépenses fiscales peuvent servir de substitut aux dépenses budgétaires ou de complément aux modes de financement direct. Cependant, leur évaluation et leur contrôle sont beaucoup plus difficiles.

Dans le présent document, nous examinons d'abord les fondements de l'intervention gouvernementale dans ce domaine, puis nous donnons un aperçu succinct du fonctionnement général des mesures fiscales fédérales en matière de RS-DE. Nous présentons ensuite une perspective historique des stimulants fiscaux à la RS-DE industrielle au Canada. Enfin, nous formulons certaines observations quant aux mesures fiscales à la recherche scientifique.

CONTEXTE ET ANALYSE

   A. Justification de l'appui gouvernemental à la RS-DE

On justifie généralement l'aide publique à la RS-DE industrielle par le fait que les rendements sociaux résultant de celle-ci sont supérieurs aux rendements privés. En effet, la société qui s'adonne à des activités de RS-DE n'est pas toujours en mesure de profiter pleinement des avantages qui en découlent. Ainsi, une partie de l'avancement des connaissances profite à la collectivité en général. De plus, les résultats de la RS-DE peuvent être imités, parfois même si vite que l'entreprise innovatrice n'a pas le temps de récupérer la totalité des frais qu'elle a engagés. Par ailleurs, le niveau de risque financier associé aux activités de RS-DE peut sembler trop élevé pour que les sociétés trouvent avantageux d'investir dans la recherche. On prétend donc que si le gouvernement n'encourageait pas la RS-DE industrielle, il y aurait de fortes chances pour que les sociétés n'investissent pas suffisamment dans cette activité, étant donné qu'elles se laisseraient guider uniquement par le rendement privé qu'elles espèrent en tirer.

On peut affirmer que même en l'absence de tout encouragement gouvernemental, il y aura une certaine recherche industrielle. Il s'agit d'un niveau de RS-DE minimum, fondé sur le taux de rendement privé escompté. En conséquence, un stimulant quelconque aura un impact positif si, à la marge, cette mesure d'incitation provoque le dépassement de l'effort minimal de RS-DE en industrie. Tel est le but de la politique d'innovation industrielle par laquelle le gouvernement fédéral entend résoudre la carence légendaire des investissements en RS-DE des sociétés canadiennes.

   B. Fonctionnement général des mesures fiscales en matière de RS-DE

Les mesures fiscales du gouvernement fédéral en matière RS-DE visent trois types de recherche : la recherche fondamentale, soit les travaux accomplis pour l'avancement des connaissances et de la science sans qu'il y ait d'application pratique en vue; la recherche appliquée, qui vise l'avancement de la science, mais avec une application précise en vue; et le développement expérimental, qui vise le progrès technologique. À cette dernière étape, on utilise les résultats de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée pour créer un produit ou un procédé de production nouveau, ou pour améliorer un produit ou procédé existant.

Pour bénéficier des encouragements fiscaux à la RS-DE, une société doit pouvoir démontrer qu'elle a investi dans l'un ou l'autre de ces types de recherche. Les dépenses admissibles aux mesures fiscales du gouvernement fédéral en matière de RS-DE comprennent les dépenses de nature courante et les dépenses en capital. Les dépenses courantes regroupent, entre autres, les salaires versés aux employés affectés à la recherche, les frais généraux liés à la RS-DE (frais de téléphone et d'électricité, frais d'acquisition d'équipement de bureau, etc.), et les coûts liés à l'usage des locaux, installations et matériaux utilisés pour la RS-DE, y compris les coûts d'entretien. Les dépenses en capital correspondent aux actifs — locaux, équipements, et matériaux, à l'exception des bâtiments — utilisés pour la réalisation de la RS-DE.

Aux fins de l'application des mesures fiscales en matière de RS-DE, on différencie les sociétés d'après leur contrôle et leur taille. D'une part, on retrouve les sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) qui sont établies au Canada et qui ne sont contrôlées ni par une ou des sociétés publiques ni par des non-résidents et, d'autre part, toutes les autres sociétés. En outre, une petite SPCC est une société dont le revenu imposable est inférieur à 200 000 $.

Les mesures fiscales à la RS-DE s’appliquent à la RS-DE interne et à la RS-DE réalisée à l’externe pour le compte d’une autre société. La plupart des sociétés mènent leurs propres travaux de RS-DE à l’interne : c’est donc l’exécutant qui peut profiter des stimulants fiscaux. Certaines sociétés font appel à des entrepreneurs pour faire effectuer une partie ou la totalité des activités de recherche : il s’agit de la RS-DE à contrat. Les sociétés qui octroient des contrats de RS-DE ont elles aussi droit aux mesures fiscales à la RS-DE.

À l'heure actuelle, les sociétés canadiennes qui engagent des dépenses de recherche admissibles peuvent bénéficier de trois mesures fiscales fédérales relatives à la RS-DE : la déduction, le crédit d'impôt et, dans certaines circonstances, le remboursement du crédit d'impôt. Le but des mesures fiscales en matière de RS-DE est de compenser une partie du risque élevé de l'investissement dans les travaux de recherche par la réduction du coût réel de telles activités, l'objectif ultime étant d'accroître l'effort global de RS-DE au Canada.

La déduction est une mesure qui réduit le revenu imposable et, partant, l'impôt à payer. Prenons l'exemple d'une société qui consacre 1 000 $ à des activités de RS-DE et supposons qu'elle est imposée au taux de 30 p. 100. La déduction permet à la société d'épargner 300 $, soit (1 000 $ * 30 p. 100). C'est donc dire que le coût net de la RS-DE est de 700 $.

Le crédit d'impôt correspond à un pourcentage du total des dépenses de RS-DE qui sert directement à réduire l'impôt à payer. Reprenons notre exemple et supposons que la société a également droit à un crédit d'impôt de l'ordre de 20 p. 100. La valeur du crédit d'impôt est donc de 200 $, soit (1 000 $ * 20 p. 100). Le montant du crédit d'impôt ainsi gagné est cependant considéré comme un revenu aux fins de l'impôt sur les sociétés et doit être ajouté au revenu imposable. Le montant réel qu'épargne la société s'élève donc à 200 $ * (1 - 30 p. 100), c'est-à-dire 140 $. Si la société n'a que peu ou pas d'impôt à payer, elle pourra même se prévaloir d'un remboursement total ou partiel de ce crédit d'impôt.

En conséquence, les mesures fiscales réduisent le coût après impôt d'un investissement en RS-DE. Dans notre exemple, le coût réel de la RS-DE est de 560 $, soit (1 000 $ - 440 $). Autrement dit, les mesures fiscales permettent à la société de récupérer plus de 40 p. 100 de son investissement initial à la RS-DE.

Les mesures fiscales, qui abaissent le coût initial de la RS-DE d'une société, se traduisent par une dépense fiscale, c'est-à-dire une perte de revenu pour le gouvernement fédéral (qui s'élève, dans notre exemple, à 440 $). Le gouvernement fédéral estime que cette perte de revenu entraîne une intensification des activités de RS-DE au pays qui génèrent, en bout de ligne, des retombées positives supérieures à la baisse des recettes fédérales; ces bénéfices profitent non seulement au secteur industriel mais à l'économie canadienne dans son ensemble.

   C. Historique

L'histoire des mesures fiscales du gouvernement fédéral en matière de RS-DE se divise en trois périodes. La première, qui va de 1944 à 1986, a donné lieu à la mise en place des mesures fiscales traditionnelles - la déduction et le crédit d'impôt - et à l'essai de mesures fiscales supplémentaires, qui ont connu des ratés. La deuxième période, qui s'étend de 1986 à 1993, se caractérise par le raffinement de la déduction et du crédit d'impôt pour en faciliter l'utilisation et en améliorer l'administration. La troisième période, qui s’est amorcée en 1994, vise à élargir et faciliter l'accès au régime fiscal à la RS-DE.

      1. De 1944 à 1986

Le gouvernement fédéral a recours à la Loi de l'impôt sur le revenu (ci-après la Loi) afin de stimuler les activités de RS-DE depuis déjà de nombreuses années. En effet, dès 1944, il a offert une déduction immédiate équivalent à 100 p. 100 du revenu imposable à toute société pour les dépenses courantes engagées au titre de la recherche scientifique. Jusqu'en 1960, les sociétés ont également pu déduire le tiers des dépenses en capital investies dans la RS-DE durant l'année d'imposition. La Loi a été modifiée en 1961 de manière à ce que les dépenses en capital puissent être totalement déduites du revenu imposable durant l'année d'imposition où elles ont été engagées.

De 1962 à 1966, le gouvernement fédéral a mis en place une mesure fiscale additionnelle : la déduction fiscale supplémentaire, équivalant à 50 p. 100 des dépenses courantes et des dépenses en capital dépassant le niveau de 1961. Comme son nom l'indique, cette disposition de la Loi a permis aux sociétés qui ont accru leurs dépenses de RS-DE de réduire encore plus leur revenu imposable. Les sociétés qui ont réclamé la déduction supplémentaire ont pu réduire leur impôt d'environ 60 millions de dollars au cours de cette période. Cette mesure a été remplacée en 1967 par des subventions offertes en vertu de la Loi stimulant la recherche et le développement scientifique (LSRDS). Ces subventions couvraient 25 p. 100 des dépenses en capital et 25 p. 100 des dépenses courantes dépassant la moyenne des cinq années précédentes. Ces subventions avaient pour but d'offrir les mêmes avantages que la déduction supplémentaire de 50 p. 100, tout en fournissant un soutien financier aux sociétés non imposables engagées dans la RS-DE, en particulier les petites SPCC qui n'avaient pu jusque-là profiter de la politique fiscale fédérale. Près de 290 millions de dollars ont été versés dans le cadre de la LSRDS, qui a été abrogée en 1975.

En 1977, le gouvernement fédéral a de nouveau modifié la Loi de l'impôt sur le revenu et introduit un crédit d'impôt allant de 5 à 10 p. 100 des dépenses courantes et des dépenses en capital selon l'endroit où les travaux sont entrepris et le type de société. Une clause a été ajoutée à la Loi stipulant que le crédit d'impôt doit être pris en compte dans le calcul du revenu imposable, ce qui a eu pour effet de diminuer le plein effet du crédit d'impôt par le taux d'imposition de l'entreprise. Cette disposition est toujours en vigueur aujourd'hui. Par ailleurs, le taux de base du crédit d'impôt à été porté à 10 p. 100 en 1978; en outre, il est passé à 20 p. 100 dans la région de l'Atlantique et en Gaspésie, et à 25 p. 100 pour les petites SPCC.

La même année, le gouvernement fédéral a offert un autre stimulant fiscal à la RS-DE : l'allégement fiscal additionnel consenti au titre de la recherche scientifique. Il s'agit d'une déduction supplémentaire similaire à celle qui a été en vigueur entre 1962 et 1966. L'allégement additionnel a permis aux sociétés de déduire, lors du calcul de leur revenu imposable, 50 p. 100 de toute dépense de RS-DE dépassant la moyenne enregistrée au cours des trois dernières années. L'objectif de cette mesure étant d'attirer du capital de risque, des règles ont été établies de manière à permettre aux sociétés faisant la RS-DE de renoncer à la déduction fiscale et de la transmettre à des investisseurs extérieurs. Cette mesure a toutefois engendré des abus.

À cette époque, certaines sociétés non imposables ne pouvaient se prévaloir de la déduction générale ou du crédit d'impôt. De plus, il était impossible pour d'autres d'utiliser entièrement la déduction et le crédit. Ces sociétés ont donc été incitées à chercher des mécanismes leur permettant de transférer ces avantages fiscaux à d'autres qui pouvaient s'en prévaloir. Certaines ont créé des sociétés en commandite agissant à titre d'investisseurs extérieurs. Ainsi, un investisseur extérieur passif faisait faire de la RS-DE pour son compte par une entreprise de recherche. Un tel investissement augmentait les dépenses de recherche de la société, ce qui lui donnait droit à la déduction et au crédit d'impôt. Par contre, la RS-DE qui n'était pas considérée comme supplémentaire pour l'entreprise de recherche l'était cependant pour l'investisseur qui n'avait antérieurement effectué aucune dépense de RS-DE; l'investisseur passif a ainsi pu profiter de la déduction supplémentaire à 50 p. 100. On estime que les sommes réclamées au titre de l'allégement fiscal additionnel ont coûté au gouvernement fédéral plus de 2,5 milliards de dollars.

En 1983, en raison des abus constatés, le gouvernement fédéral a supprimé la déduction supplémentaire à 50 p. 100 et de nouvelles dispositions fiscales ont été introduites. D'abord, les taux du crédit d'impôt ont été augmentés de 10 points par rapport à leur niveau de 1978 : le taux de base est passé à 20 p. 100, le taux appliqué en Atlantique et en Gaspésie a atteint 30 p. 100, tandis que le taux offert aux petites SPCC est monté à 35 p. 100. Ensuite, le gouvernement a doté la déduction et le crédit d'impôt d'excellentes conditions de report. Il a ainsi permis aux sociétés de reporter la déduction relative aux dépenses de RS-DE sur un nombre indéfini d'années de façon à réduire les revenus imposables futurs. De même, les crédits d'impôt non utilisés ont pu être regroupés (c'est-à-dire accumulés) et reportés sur les trois années précédentes et les sept années ultérieures. Par ailleurs, le gouvernement fédéral a également rendu certaines sociétés admissibles au remboursement en espèces des crédits d'impôt : un taux du remboursement de 20 p. 100 de la valeur des crédits a été offert aux grandes entreprises; pour les petites SPCC, le taux accordé a été de 100 p. 100 sur la première tranche des deux millions de dollars de dépenses de RS-DE admissibles et de 40 p. 100 pour les dépenses en capital liées à la recherche scientifique. Par ce remboursement, le gouvernement fédéral a voulu s'assurer que les petites SPCC n'ayant aucun impôt à payer puissent elles aussi bénéficier des mesures fiscales.

Enfin, une autre mesure a été créée, soit le crédit d'impôt à la recherche scientifique. Dans le cadre de cette mesure, les sociétés ont pu passer un contrat aux termes duquel elles s'engageaient à entreprendre des activités de recherche à titre de mandataire d'un investisseur extérieur qui avait acquis des actions ou des titres de créances aux fins de la RS-DE. En contrepartie, elles ont dû renoncer à leurs mesures fiscales et leur investisseur extérieur a eu droit à un crédit d'impôt de 50 p. 100 de son investissement. Cette mesure s'est elle aussi avérée une excellente échappatoire fiscale. Elle a permis à des investisseurs extérieurs de réaliser un bénéfice rapide en investissant dans la recherche, mais rien n'indique que le montant d'impôt ainsi épargné a été réinvesti dans des activités de RS-DE. Grâce à ce mécanisme, les investisseurs extérieurs ont profité, au total, d'un allégement fiscal de plus de 1,6 milliard de dollars entre 1983 et 1985, année où la mesure a été abolie.

      2. De 1987 à 1993

Afin d'accroître son assiette fiscale et, vraisemblablement, de limiter les abus du système d'imposition à l'égard de la RS-DE, le gouvernement fédéral a entrepris, en 1987, une importante réforme de ses mesures fiscales relatives à la recherche scientifique. Pour ce faire, il a misé entièrement sur les mesures fiscales traditionnelles, c'est-à-dire la déduction et le crédit d'impôt, ainsi que sur une redéfinition du terme « recherche scientifique et développement expérimental » présenté dans la Loi de l'impôt sur le revenu.

D'abord, la Loi a été modifiée de telle sorte que le bénéficiaire des mesures fiscales en matière de RS-DE doit être directement lié aux travaux de recherche. Cette règle a eu pour effet de limiter le nombre d'investisseurs passifs. La Loi a également précisé que les sociétés ne peuvent être admissibles aux mesures fiscales que si les dépenses engagées sont « attribuables en totalité ou presque » (c'est-à-dire à 90 p. 100 et plus) à des activités de RS-DE. Ensuite, le gouvernement a exclu les dépenses engagées pour l'acquisition de bâtiments de la définition des dépenses de RS-DE. En outre, le montant réclamé en vertu du crédit d'impôt à la RS-DE a été limité à 75 p. 100 de l'impôt fédéral à payer (bien que ce plafond ait été éliminé dans le budget de 1993), mais on a amélioré les conditions de report : les crédits restants ont dorénavant pu être reportés sur trois années antérieures ou dix années postérieures. Enfin, le gouvernement fédéral a éliminé le crédit d'impôt remboursable au taux de base de 20 p. 100 pour les grandes sociétés, mais il a conservé le remboursement partiel (40 p. 100) ou intégral (100 p. 100) offert aux petites SPCC.

      3. Depuis 1994

Le régime fiscal présentement en vigueur en matière de RS-DE repose en partie sur les éléments de la réforme de 1987 et en partie sur d'autres améliorations apportées depuis 1994 à la Loi de l'impôt sur le revenu.

Comme auparavant, l'admissibilité à la déduction des dépenses de RS-DE dépend du type de dépenses et de l'endroit où elles sont engagées. Les dépenses de nature courante et les dépenses en capital engagées au Canada sont déductibles. Par contre, seules les dépenses courantes engagées à l'étranger donnent droit à la déduction. Les dépenses de RS-DE réalisées au Canada peuvent être 1) soit déduites au cours de l'année d'imposition pendant laquelle elles sont engagées, soit 2) reportées et déduites ultérieurement. Les dépenses de nature courante engagées à l'étranger doivent être déduites immédiatement.

L'admissibilité à la déduction est beaucoup plus étendue qu'auparavant. En vertu du régime actuel, les sociétés ne sont plus limitées aux dépenses qui sont attribuables en totalité ou presque à des activités de RS-DE; depuis 1994, elle sont en effet autorisées à déduire la « proportion des dépenses directement attribuables » à des activités de RS-DE. Par exemple, si un immeuble est utilisé à 30 p. 100 pour la RS-DE et que le reste sert à la production ou à la fabrication, les sociétés peuvent réclamer la déduction pour la partie des coûts liés à l'utilisation de l'immeuble aux fins de la RS-DE.

Évidemment, il peut s'avérer difficile, pour certaines sociétés, de retracer les coûts exacts et d'évaluer la proportion des dépenses directement attribuables à la RS-DE. La Loi offre dans ce cas deux possibilités. Les sociétés qui le désirent peuvent réclamer la déduction en fonction de la proportion des dépenses qu'elles ont évaluées de façon précise (avec reçus à l'appui). Les autres peuvent se prévaloir de la « méthode de remplacement » ajoutée à la Loi en 1994. Les sociétés qui utilisent cette méthode doivent renoncer à la déduction accordée à l'égard des frais généraux (qui constituent l'une des catégories de dépenses de nature courante); en contrepartie, elles peuvent réclamer un crédit d'impôt pour ces frais, lequel est calculé à partir d'un « montant représentatif » dont nous parlons plus en détail plus loin.

Le crédit d'impôt à la RS-DE actuellement accordé par le gouvernement fédéral est grandement similaire à celui qui a été offert aux sociétés canadiennes à partir de 1987. Le taux général du crédit d'impôt est de 20 p. 100, mais il 35 p. 100 dans le cas des petites SPCC. Le taux de 35 p. 100 applicable aux petites SPCC est limité à la première tranche de deux millions de dollars des dépenses de RS-DE admissibles. Il est toujours possible de reporter les crédits d'impôts non utilisés sur trois années antérieures ou dix années postérieures. Le taux spécial de crédit d'impôt de 30 p. 100 accordé aux sociétés engagées dans des activités de RS-DE dans les régions de l'Atlantique et de Gaspé a été éliminé en 1994. Les taux sont dorénavant fonction de la taille de l'entreprise, comme c'est le cas ailleurs au pays. Il semble que ce taux préférentiel n'ait pas réussi à attirer de nouveaux investissements dans ces régions ni à atténuer la disparité économique. Lors que cette modification a été annoncée, le ministre des Finances n'a toutefois pas précisé si d'autres mesures à la fois plus efficaces et plus appropriées allaient être mises en place pour favoriser l'essor industriel et technologique dans ces régions.

Le crédit d'impôt du régime actuel se distingue toutefois de celui qui était offert au cours de la période précédente en raison de quatre améliorations importantes apportées à la Loi en 1994. Premièrement, une société qui renonce à l'inclusion de ses frais généraux dans le calcul des dépenses de RS-DE admissibles à la déduction peut maintenant réclamer un crédit d'impôt à l'égard de ces frais. Ceux-ci sont estimés à partir du montant représentatif précisé dans la Loi et qui correspond à 65 p. 100 de la masse salariale directement attribuable à la RS-DE.

Deuxièmement, depuis 1994, il est possible de réclamer un crédit partiel représentant la moitié du crédit d’impôt normal applicable au coût de l'équipement utilisé à des fins de RS-DE de 50 à 90 p. 100 du temps (on parle alors de l’équipement utilisé essentiellement, mais pas en totalité ou presque, pour la conduite de travaux de RS-DE, ou encore de l’équipement à vocations multiples). Contrairement à ce qui est le cas pour le plein crédit d'impôt (c.-à-d. quand l'équipement est utilisé de 90 à 100 p. 100 du temps à des fins de RS-DE), qui peut être réclamé en fonction de l'année d'utilisation de l'équipement, le nouveau crédit d'impôt doit être réclamé en deux versements égaux au cours des deux années suivant l'année d'acquisition. Le crédit partiel ne peut donc faire l’objet d’un report à une année d’imposition ultérieure. Le tableau 1 indique comment les crédits d'impôt applicables à l'équipement à vocations multiples sont maintenant accordés à une compagnie qui se trouve dans une région où le taux du crédit d'impôt est de 20 p. 100.

TABLEAU 1
CRÉDIT D'IMPÔT DE 20 P. 100 POUR UNE DÉPENSE
TOTALE DE 100 $ RELATIVEMENT À L'ÉQUIPEMENT À
VOCATIONS MULTIPLES UTILISÉ AUX FINS DE RS-DE

 

% d'utilisation de l'équipement aux fins de la RS-DE

 

de 0 à 49%

de 50 à 89%

90% et plus

Première année
Deuxième année
Troisième année

  0$
0
0

  0$
5
5

20$
0
0

Crédit d'impôt total

  0$            10$

           20$

Source : Gouvernement du Canada, « Modifications des encouragements fiscaux à la recherche scientifique et au développement expérimental », Communiqué, 2 décembre 1992.

Troisièmement, les modifications de 1994 rendent les SPCC dont le revenu imposable se situe entre 200 000 et 400 000 $ admissibles au crédit d'impôt offert aux petites sociétés. Il y a cependant une limite dans ce cas-ci : le crédit d'impôt diminue au fur et à mesure que le revenu imposable de la société augmente. Plus précisément, la limite des dépenses de RS-DE (qui est de actuellement de 2 millions de dollars) est amputée de 10 $ pour chaque dollar excédant le revenu imposable minimal de 200 000 $.

Quatrièmement, les SPCC dont le revenu imposable varie entre 200 000 et 400 000 $ ont également droit à un remboursement de crédit d'impôt similaire à celui qui est accordé aux petites entreprises. Encore une fois, une limite s'applique et elle varie en fonction du revenu imposable.

D'autre part, le budget a également établi, dans le cadre du crédit d'impôt à la RS-DE destiné aux SPCC dont le revenu imposable se situe entre 200 000 et 400 000 $, un autre plafond qui tient compte non plus du revenu imposable, mais du capital imposable de la société. Le ministre des Finances a expliqué que ce changement vise la cohérence avec d'autres modifications touchant le plafond des affaires dans l'application générale du régime d'impôt sur le revenu des sociétés. Le plafond des dépenses de RS-DE d'une société diminue dorénavant progressivement à mesure que le capital imposable de cette société au Canada passe de 10 à 15 millions de dollars. Il est possible que cette proposition réduise le crédit d'impôt d'une société ainsi que la partie du crédit d'impôt qui est remboursable. Dans le tableau 2, nous examinons l'incidence de ces modifications.

Le budget de 1994 a aussi modifié les règles du crédit d’impôt applicables aux sociétés qui tirent la totalité ou presque de leur revenu des activités liées à la RS-DE. Ces sociétés ont été dispensées des règles qui excluent certains frais (comme les honoraires d’avocats et les frais d’intérêt) des dépenses qui ouvrent droit au crédit d’impôt à la RS-DE. Cela a eu pour effet d’assurer un traitement plus uniforme de toutes les sociétés qui réalisent des travaux de recherche.

Le budget de 1994 a également restreint les demandes de rajustement des crédits d’impôt pour des exercices antérieurs. Auparavant, il n’y avait pas de limite de temps pour identifier les dépenses admissibles de RS-DE effectuées au cours des années précédentes. Les changements limitent les dépenses admissibles au crédit d’impôt à la RS-DE à celles qui sont déclarées comme telles par la société sur un formulaire qui doit être retourné à Revenu Canada au plus tard à la date limite de production de la déclaration de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition qui suit celle pendant laquelle les dépenses ont été effectuées. Ces modifications ont donné suite aux préoccupations soulevées par le vérificateur général du Canada dans son rapport annuel de 1994. Le vérificateur avait constaté que certaines sociétés, s’étant rendu compte qu’elles avaient droit au crédit d’impôt à la RS-DE, se prévalaient des dispositions de report pour réclamer un crédit d’impôt pour plusieurs années, ce qui accroissait considérablement les dépenses fiscales du gouvernement fédéral. Les modifications devraient mettre un terme au flot inattendu de demandes de crédit d’impôt.

TABLEAU 2
CRÉDIT D'IMPÔT À LA RS-DE ACCORDÉ AUX SOCIÉTÉS
DONT LE REVENU IMPOSABLE SE SITUE ENTRE 200 000 ET 400 000 $(1)

Type de société

Crédit total acquis

Crédit remboursable

Revenu
Imposable

Capital
Imposable

1987

1994

Budget
de 1994

1987

1994

Budget
de 1994

$

Millions $

$

$

$

$

$

$

200 000
200 000
200 000
              
300 000
300 000
300 000
           
400 000
400 000
400 000

10,5
12,5
15,0
        
10,0
12,5
15,0
      
10,0
12,5
15,0

700 000
700 000
700 000
            
400 000
400 000
400 000
           
400 000
400 000
400 000

700 000
700 000
700 000
           
550 000
550 000
550 000
            
400 000
400 000
400 000

700 000
550 000
400 000
            
550 000
475 000
400 000
           
400 000
400 000
400 000

700 000
700 000
700 000
            
néant
néant
néant
         
néant
néant
néant

700 000
700 000
700 000
           
350 000
350 000
350 000
           
néant
néant
néant

700 000
350 000
néant
           
350 000
175 000
néant
         
néant
néant
néant

(1) Suppose que les dépenses courantes de RS-DE sont de deux millions de dollars et que le taux du crédit d'impôt est de 20 p. 100.

Source : Ministre des Finances, l'honorable Paul Martin, Mesures fiscales : renseignements supplémentaires, 22 février 1994; Ministre des Finances, l'honorable Don Mazankowski, Le budget 1993, 26 avril 1993; Service de recherche, Bibliothèque du Parlement.

En outre, le projet de loi C-27, qui a reçu la sanction royale le 15 juin 1994, oblige les sociétés à déterminer les dépenses de RS-DE admissibles au crédit d'impôt. Auparavant, Revenu Canada devait effectuer pour chaque société les rajustements de crédits d'impôt au titre de la RS-DE lorsqu'ils n'étaient pas réclamés au cours de l'année d'imposition pendant laquelle les dépenses étaient engagées. En vertu du projet de loi C-27, ce sont les sociétés qui doivent dorénavant calculer la partie des dépenses admissibles au crédit d'impôt qu'elles désirent reporter. De plus, le projet de loi C-27 oblige les sociétés à déclarer leurs dépenses admissibles au plus tard deux ans après les avoir engagées. Comme ce sont les sociétés qui bénéficient des mesures fiscales, il semble approprié qu'elles soient responsables des rajustements. Ces modifications vont grandement faciliter l'administration du programme des crédits d'impôt à la RS-DE et en réduire les coûts. De plus, les changements devraient vraisemblablement limiter le nombre de demandes relatives aux exercices antérieurs.

Le budget fédéral du 27 février 1995 a apporté d'autres changements au crédit d'impôt. Les modifications proposées portent sur quatre aspects précis : la recherche applicable aux technologies de l'information, la RS-DE à contrat entre personnes liées, les paiements au titre de la RS-DE à des tiers et les montants engagés dans la RS-DE mais non payés.

Les changements ayant trait aux technologies de l’information ont fait suite aux constats selon lesquels des banques à charte canadiennes réclamaient des stimulants fiscaux pour des dépenses liées aux développement de technologies d’information (utilisation de logiciels et de matériel pour recueillir, traiter et diffuser de l’information). Le gouvernement fédéral a décidé d’entreprendre un examen sur cette question et, entre temps, il a exclu provisoirement les institutions financières de l’admissibilité aux stimulants fiscaux de RS-DE applicables aux technologies de l’information. Les résultats de l’examen ont été annoncés dans le budget du 6 mars 1996. Le gouvernement en est venu à la conclusion que les règles relatives aux mesures fiscales à la RS-DE doivent s’appliquer à toutes les entreprises investissant dans le domaine de la technologie de l’information, y compris les institutions financières. Il est d’avis que l’on pourra régler les problèmes éventuels en modifiant les directives administratives et en étendant la portée des vérifications.

Ensuite, le budget de 1995 a modifié certaines règles applicables aux contrats de RS-DE, notamment les transactions entre les personnes liées. Les sociétés qui octroient des contrats de RS-DE ont droit aux mesures fiscales applicables au montant du contrat. Le montant du contrat comprend normalement des sommes qui ne seraient pas admissibles à l’application des stimulants fiscaux si les travaux de recherche étaient effectués à l’interne (par exemple, un profit, le coût de la location d’un immeuble et des frais d’intérêts). Lorsque le payeur a un lien de dépendance avec celui qui est engagé à contrat pour exécuter les travaux de RS-DE (par exemple une société mère et sa filiale), il existe évidemment une plus vaste latitude pour fixer (voire surévaluer) le montant du contrat. Le budget de 1995 a fait en sorte que les dépenses admissibles aux mesures fiscales dans le cadre de contrats avec personnes liées se limitent désormais aux coûts engagés par l’exécutant pour réaliser la RS-DE. Dorénavant, les sociétés qui octroient des contrats de RS-DE doivent fournir des renseignements sur l’exécutant, y compris le nom et le numéro d’enregistrement de TPS.

Par ailleurs, le budget de 1995 a apporté des modifications aux paiements à des tiers au titre de la RS-DE. Les travaux de RS-DE réalisés en vertu d’une entente avec un tiers se distinguent des autres contrats de RS-DE de deux façons. D’une part, lorsque la RS-DE est effectuée à contrat, les travaux sont exécutés directement pour le compte du payeur, qui obtient les titres de propriété de la RS-DE. Dans le cas d’un paiement à des tiers, le payeur obtient le droit d’exploiter les résultats de la RS-DE, mais il n’a pas le contrôle sur les travaux de RS-DE exécutés. D’autre part, et contrairement à ce qui est le cas dans les autres contrats de RS-DE, les paiements à des tiers donnent droit à des stimulants fiscaux au moment où le paiement est effectué et non au moment où les travaux sont réalisés. Depuis le budget de 1995, les tiers doivent fournir de l’information sur la nature de la RS-DE qu’ils ont réalisée et indiquer les dépenses qui y ont été associées. En outre, les paiements à des tiers sont traités comme les contrats de RS-DE : ils peuvent être admissibles aux mesures fiscales au cours de l’année pendant laquelle les travaux de RS-DE sont exécutés.

Enfin, le gouvernement fédéral a limité les crédits d’impôt qui peuvent être réclamés pour des dépenses de RS-DE qui n’ont pas encore été engagées. Les activités de RS-DE sont souvent des projets pluriannuels, de sorte que les dépenses de RS-DE s’échelonnent sur plusieurs années. Avant 1995, des sociétés ont réclamé des crédits pour des montants qui n’avaient pas encore été payés. Le budget de 1995 a établi des règles selon lesquelles le crédit d’impôt s’applique dorénavant à l’année au cours de laquelle le montant en souffrance est versé (c’est-à-dire lorsque le plein montant de la dépense de RS-DE est réalisé).

En juin 1998, le ministre du Revenu national a annoncé des mesures visant à améliorer l’administration des encouragements fiscaux à la RS-DE. D’une part, une organisation nationale autonome sera créée afin d’administrer le programme de RS-DE. D’autre part, le formulaire de demande aux fins de crédit d’impôt à la RS-DE sera simplifié. Par ailleurs, un comité d’examen, formé de représentants de l’industrie et de fonctionnaires, a été mis sur pied afin de veiller à la bonne mise en place du nouveau mode d’administration. Toutes ces mesures ne modifient en rien les encouragements fiscaux à la RS-DE.

   D. Commentaires sur les mesures fiscales en matière de RS-DE

Le principal avantage des mesures fiscales en matière de RS-DE est certes leur degré d'application générale, qui laisse à l'entreprise les décisions relatives aux activités de recherche scientifique; c'est le secteur privé qui détermine lui-même le niveau et le type des travaux de RS-DE à entreprendre en fonction de leur rentabilité et de leurs possibilités de commercialisation.

Un autre avantage général des mesures fiscales tient au fait que leur administration et leur application sont relativement peu coûteuses lorsqu'elles consistent en une structure fiscale simple. Cependant, dans le cas des mesures fiscales fédérales applicables à la RS-DE, la fréquence des modifications apportées au cours des années a au contraire accentué la complexité du système d'imposition et créé un environnement fiscal incertain pour la société qui planifie un investissement en RS-DE.

La nature complexe du régime des mesures fiscales en matière de RS-DE résulte en partie du nombre croissant de critères qui en régissent l'application. Cette complexité est aussi liée en partie à la définition de la recherche scientifique aux fins de l'impôt sur le revenu. En effet, les sociétés doivent expliquer de façon détaillée la nature de leurs activités de RS-DE et faire la preuve du contenu scientifique et technologique de tels travaux. À cet égard, il leur est parfois difficile d'établir si une activité est admissible ou non comme recherche scientifique.

Les mesures fiscales applicables à la RS-DE, comme toutes les dépenses fiscales d'ailleurs, posent aussi le problème du contrôle des coûts. Des mesures fiscales qui ne sont pas évaluées de façon adéquate et suffisante peuvent se révéler d'intéressantes échappatoires fiscales et engendrer des pertes de recettes gouvernementales fort importantes. Heureusement, le gouvernement fédéral a éliminé durant les années 80 les abus possibles du système d'imposition. Cela ne signifie pas pour autant qu'il contrôle et évalue efficacement les mesures fiscales qu'il accorde aux sociétés canadiennes en matière de RS-DE. À cet égard, le vérificateur général du Canada, dans son rapport de 1994, a déploré le manque d'évaluation et suggéré que l'on exerce un contrôle régulier et complet des mesures fiscales à la RS-DE pour modérer les coûts découlant du manque à gagner du gouvernement fédéral. Il semble que celui-ci ait décidé de donner suite aux recommandations du vérificateur général. Dans le budget du 6 mars 1996, le ministère des Finances a annoncé que le gouvernement avait entrepris une évaluation de la pertinence, de l’incidence et de l’efficacité des stimulants fiscaux à la RS-DE.

Les données disponibles sur le coût des mesures fiscales à la RS-DE donnent une idée générale de l'importance relative du financement indirect, par le gouvernement fédéral, des activités de recherche entreprises par le secteur privé. Selon un manuel de référence d'Industrie Canada (1994), les dépenses fiscales relatives à la RS-DE représentent près de 15 p. 100 du financement total (direct et indirect) des activités scientifiques et technologiques par le gouvernement fédéral. De plus, selon ce manuel, le gouvernement, qui subventionne près de 8 p. 100 de l'ensemble de la RS-DE industrielle, finance aussi indirectement un autre 18 p. 100 de ce total au moyen des mesures fiscales. On peut également donner un aperçu d'une des mesures fiscales fédérales les plus significatives, à savoir les crédits d'impôt. En 1997, le gouvernement fédéral a accordé 1,3 milliard de dollars en crédits d'impôt à plus de 11 000 entreprises oeuvrant au Canada; en 1986, 4 413 sociétés avaient réclamé 759 millions de dollars à ce chapitre. Les crédits d'impôt attirent donc un nombre croissant d'entreprises et représentent un coût considérable pour le gouvernement fédéral.

D'après une évaluation de Warda (1995), le Canada est, des pays industrialisés, celui qui offre les encouragements fiscaux à la RS-DE les plus avantageux. Selon cette évaluation, l'ensemble des stimulants fiscaux offerts au pays (y compris les mesures fédérales et provinciales) permet aux sociétés canadiennes de récupérer, selon les provinces, de 50 à 60 p. 100 environ de leur investissement initial en RS-DE. Autrement dit, cela signifie que les mesures fiscales pourraient permettre aux sociétés de réaliser le double de RS-DE pour un engagement monétaire donné. Les données de cette étude ne permettent toutefois pas de vérifier si les sociétés canadiennes réagissent aux mesures fiscales en engageant, à la marge, des dépenses supplémentaires à la RS-DE.

Dans son rapport d’évaluation, Finances Canada a tenté de vérifier si les sociétés canadiennes réagissent aux mesures fiscales en engageant, à la marge, des dépenses supplémentaires de RS-DE. Cette vérification a montré que chaque dollar de recettes fiscales abandonnées par le gouvernement fédéral produit 1,38 dollar de dépenses supplémentaires. Les encouragements fiscaux à la RS-DE sont donc rentables. Malgré cela, le niveau des dépenses de RS-DE en industrie demeure relativement bas au Canada comparativement à celui des autres pays industrialisés.

MESURES PARLEMENTAIRES

Depuis plusieurs années, le gouvernement fédéral accorde différentes mesures fiscales afin de stimuler la RS-DE industrielle. Les changements apportés au fil des ans ont permis d'accroître le nombre des bénéficiaires admissibles aux mesures fiscales. La modification la plus notable est certes la possibilité pour les sociétés non imposables de recevoir un remboursement des crédits d'impôt. Les mesures permettant le transfert des mesures fiscales des sociétés à des investisseurs extérieurs sont celles qui ont entraîné le plus d'abus. Si le développement de la recherche constitue un objectif fondamental de la croissance au pays, il doit malgré tout s'effectuer dans le cadre d'un régime fiscal équitable. À cet égard, il semble que les modifications apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu en 1987 aient permis de limiter les abus. Enfin, les nouvelles mesures résultant des changements apportés en 1994 ont vraisemblablement accru le nombre de sociétés qui peuvent bénéficier des mesures fiscales applicables à la RS-DE.

Par ailleurs, pour apprécier les coûts et les bénéfices des diverses mesures fiscales en matière RS-DE, il semble opportun d'en évaluer les répercussions. L'évaluation des dépenses fiscales relatives à la recherche scientifique et des conséquences de ces dernières reflète mieux l'engagement véritable du gouvernement fédéral et facilite les changements d'orientation de la politique scientifique et technologique.

CHRONOLOGIE

15 août 1944 - La Loi modifiant la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu est proclamée. Par suite de ces modifications, toutes les dépenses courantes et un tiers des dépenses en capital engagées dans la recherche scientifique peuvent être déduites, jusqu'à concurrence de 5 p. 100 du revenu imposable des sociétés.

13 juillet 1961 - Les modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu reçoivent la sanction royale. Les dépenses en capital engagées au Canada pour la recherche scientifique deviennent totalement déductibles.

29 novembre 1962 - Le Parlement sanctionne les modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu qui permettent à une société de se prévaloir d'une déduction additionnelle de 50 p. 100 au titre de la recherche scientifique.

10 mars 1967 - Entrée en vigueur de la Loi stimulant la recherche et le développement scientifique, en vertu de laquelle le gouvernement fédéral accorde des subventions couvrant 25 p. 100 des dépenses courantes et 25 p. 100 des dépenses en capital engagées dans la RS-DE.

30 juin 1978 - Les modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu permettent aux sociétés de se prévaloir d'un crédit d'impôt à la RS-DE variant de 5 à 10 p. 100 en fonction de la taille de l'entreprise et de l'endroit où les activités de RS-DE sont réalisées.

17 février 1983 - Les modifications apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu augmentent les taux du crédit d'impôt de 10 points de pourcentage et permettent le remboursement de crédits aux sociétés non imposables.

19 avril 1983 - Marc Lalonde, ministre des Finances, présente le document La politique fiscale en matière de recherche et de développement, dans lequel il est suggéré de modifier les mesures fiscales applicables à la RS-DE.

18 juin 1987 - Le ministre des Finances, Michael Wilson, dépose le Livre blanc sur la réforme fiscale, qui comprend plusieurs modifications aux encouragements fiscaux à la RS-DE.

22 février 1994 - Lors du discours du budget, le ministre des Finances, Paul Martin, annonce diverses modifications aux mesures fiscales applicables à la RS-DE.

12 mai 1994 - Les modifications apportées en 1994 à la Loi de l'impôt sur le revenu (projet de loi C-9) reçoivent la sanction royale.

15 juin 1994 - Le projet de loi C-27, qui oblige les sociétés à calculer et déterminer elles-mêmes les dépenses de RS-DE admissibles au crédit d'impôt, reçoit la sanction royale.

28 juin 1994 - Le ministre de l'Industrie, John Manley, annonce que le gouvernement procédera à l'examen des politiques fédérales en matière de sciences et de technologie.

27 février 1995 - Lors du discours du budget, le ministre des Finances, Paul Martin, annonce d'autres modifications aux mesures fiscales à la RS-DE.

6 mars 1996 - Dans son budget, le ministre des Finances annonce que les institutions financières qui investissent dans les technologies de l’information auront elles aussi droit au crédit d’impôt pour RS-DE et que le gouvernement terminera en 1996 son évaluation de l’incidence et de l’efficacité des stimulants fiscaux à la RS-DE.

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Ce bulletin est une refonte du bulletin paru antérieurement sous le titre Recherche et développement : la politique fiscale et dont la première version a été publiée en octobre 1989.  Le document a sans cesse été mis à jour depuis.