90-5F

DROITS ÉLECTORAUX :
CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS

Rédaction :
James R. Robertson
Division du droit et du gouvernement
Révisé le 30 septembre 2002


TABLE DES MATIÈRES

DÉFINITION DU SUJET

CONTEXTE ET ANALYSE

   A.  Contexte

   B.  Le droit de vote
      1.  Conditions de résidence
      2.  Âge ou handicaps mentaux
      3.  Retrait des droits des détenus
      4.  Causes d’inhabilité administratives
      5.  Restrictions applicables à l’égalité du pouvoir de voter

   C.  Le droit d’éligibilité à une assemblée législative

   D.  Conclusions sur les droits démocratiques de l’article 3

   E.  Autres questions liées à la Charte
      1.  La répartition du temps d’antenne
      2.  Limites aux dépenses faites par des tiers
      3.  La publicité faite par des tiers
      4.  Publication de dernière heure de résultats de sondages
      5.  L’enregistrement des partis politiques
      6.  La mention de l’appartenance politique sur le bulletin

   F.  Articles 4 et 5

MESURES PARLEMENTAIRES

CHRONOLOGIE

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

JURISPRUDENCE


DROITS ÉLECTORAUX :
CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS*

DÉFINITION DU SUJET

Les articles 3 à 5 de la Charte canadienne des droits et libertés garantissent les droits démocratiques fondamentaux :

  • le droit de vote;
  • le droit de se porter candidat aux élections;
  • la réunion périodique des assemblées législatives fédérales et provinciales;
  • la tenue obligatoire d’élections tous les cinq ans, sauf en période de guerre ou d’insurrection.

Dans l’ensemble, les droits démocratiques des Canadiens étaient considérés comme relativement bien protégés avant l’adoption de la Charte, et ces articles n’ont pas suscité autant de causes ou d’attention que les dispositions de la Charte portant sur les libertés fondamentales, les droits juridiques ou les droits à l’égalité.  Néanmoins, les jugements rendus ont une incidence fondamentale sur la façon dont les Canadiens se gouvernent ainsi que sur leur conception de ce que devrait être une démocratie.  En outre, alors que la plupart des droits conférés par la Charte peuvent être invalidés par l’application de l’article 33, la « disposition dérogatoire », les droits démocratiques ne peuvent l’être.  Plus récemment, l’alinéa 2b) de la Charte, qui porte sur la liberté d’expression, a été invoqué avec succès pour décider d’autres questions électorales, comme l’activité politique des fonctionnaires et l’accès à la radiodiffusion.

Un certain nombre de questions électorales ont fait l’objet de contestations en vertu de la Charte, entraînant des décisions judiciaires et des changements législatifs.  Dans le présent document, nous résumons les principales causes et questions et faisons état des dernières réformes législatives**.

CONTEXTE ET ANALYSE

   A.  Contexte

L’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés traite des droits démocratiques des citoyens :

3.  Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.

L’article 3 a suscité relativement peu d’intérêt au cours des débats qui ont mené à la Loi constitutionnelle de 1982.  La raison en est peut‑être que les droits démocratiques sont si largement acceptés que la Charte apparaissait comme une simple affirmation du droit en vigueur.  Comparativement aux notions de vaste portée telles que les « libertés fondamentales », les « droits à la mobilité », les « droits juridiques » et les « droits à l’égalité », le droit de vote ou le droit d’éligibilité à une élection législative semblaient être bien établis et triviaux.

Tant le droit de vote que le droit d’éligibilité à une assemblée législative découlent des anciens pouvoirs du Parlement à titre de cour ayant une compétence étendue en matière électorale.  Dès le départ, il semble toutefois qu’il y ait eu une distinction entre le droit d’élire et le droit d’être élu.  Voici ce qu’on peut lire dans l’édition de 1863 de l’ouvrage de Erskine May intitulé Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament :

Par ailleurs, on a objecté qu’il y avait une grande différence entre le droit des électeurs et le droit des élus : le premier est un droit temporaire de nommer un Parlement Pro hac vice; l’autre est une tenure ou un privilège.  Qui a le droit de siéger à la Chambre des communes peut convenablement être déterminé dans cette enceinte; mais qui a le droit de choisir est une question définie à l’origine, avant même que n’existe un Parlement.  (p. 55) [Traduction]

Certaines restrictions à ces droits s’imposent manifestement, et celles‑ci sont habituellement justifiées en vertu de l’article premier de la Charte, qui dit que les droits et libertés garantis dans celle‑ci ne sont « restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ».  Ainsi, interprété isolément, l’article 3 accorderait le droit de vote et le droit de se porter candidat à un enfant de deux ans ou à un citoyen condamné pour trahison au profit d’un autre État. 

Le Canada était généralement considéré comme une société démocratique, possédant une abondante jurisprudence en matière de droit électoral, avant l’adoption de la Charte.  Par conséquent, certaines restrictions aux droits démocratiques (telles que les conditions de résidence ou d’âge) peuvent très bien être considérées comme « préalables » ou inhérentes à l’article 3 lui‑même.

Les nouvelles conditions ou causes d’inhabilité, ou les anciennes qui ont une portée trop vaste et qui ne respectent pas les critères de proportionnalité ou d’atteinte minimale aux droits, doivent être justifiées en vertu de l’article premier.  Il ne semble pas non plus que l’argument des « conditions préalables » concerne des restrictions qui étaient appliquées de façon inégale à travers le pays, telles que les restrictions particulièrement rigoureuses visant les fonctionnaires dans certaines provinces.

Enfin, puisque l’article 3 de la Charte a pour effet d’accorder un droit plutôt que de confirmer une liberté, la question de la déchéance du droit en raison de formalités ou de modalités administratives, par opposition aux motifs juridiques, se pose également.  Le gouvernement a le devoir d’empêcher que des obstacles administratifs non raisonnables n’entravent l’exercice des droits démocratiques.  La notion d’inhabilité découlant de formalités peut aussi rejoindre celle de l’égalité du pouvoir de voter : si le droit de vote est clairement établi, on peut aussi affirmer que la valeur d’un vote individuel est réduite en raison de la répartition inéquitable des sièges.

Il n’est pas évident qu’être « éligible » à la Chambre des communes ou à une assemblée législative signifie seulement le droit de se présenter à une élection et d’être élu, ou s’il s’étend au droit de siéger et de continuer d’avoir la qualité de membre.  Dans ce dernier cas, la Charte pourrait entrer en conflit avec le droit et la coutume du Parlement, en vertu desquels le Parlement continue de régir ses propres affaires internes.

   B.  Le droit de vote

Les lois électorales ont tendance à accorder ce droit à virtuellement tous les citoyens canadiens d’âge adulte.  À diverses époques depuis la Confédération, les conditions applicables au droit de vote dans les diverses sphères de compétence au Canada ont comporté des critères tels que la race et le sexe.  Il semble peu probable, toutefois, qu’un tribunal moderne ait pu considérer ces restrictions comme acceptables au Canada, même avant l’adoption de la Charte.

Mais d’autres conditions ont généralement été acceptées dans le droit électoral moderne antérieur à la Charte.  En termes généraux, les restrictions modernes au droit de vote, qu’elles prennent la forme de conditions ou de motifs d’inhabilité, peuvent être réparties selon les catégories suivantes :

  • l’exigence que l’électeur ait un lien suffisant avec la région géographique qui élit un député (tel que la citoyenneté ou la résidence), habituellement exprimée sous forme de « condition »;
  • des qualités physiques (telles que l’âge), exprimées soit sous la forme de « conditions » ou de « motifs d’inhabilité »;
  • d’autres motifs d’inhabilité qui ont trait au statut juridique (tels que l’emprisonnement), habituellement exprimés sous la forme d’un « motif d’inhabilité » spécifique;
  • des restrictions liées aux formalités applicables à l’enregistrement et à l’acte de voter, ou à une invalidation administrative;
  • des restrictions touchant l’égalité du pouvoir de voter sous la forme, par exemple, de limites électorales non appropriées.

Dans la majorité de ces domaines, des contestations devant les tribunaux ont eu lieu. 

      1.  Conditions de résidence

Les tribunaux se sont montrés réticents à annuler des normes législatives au sujet du lien requis entre l’électeur et la collectivité, ou de la durée de résidence requise pour avoir droit de vote.  Dans la cause Re Storey and Zazelenchuck (1984), l’une des premières causes portant sur cette question, la Cour d’appel de la Saskatchewan a refusé de « préciser » les exigences en matière de résidence provinciale.  La Cour a aussi indiqué que la position des autres provinces était pertinente, un principe qui a été appliqué dans plusieurs causes ultérieures.

Dans la cause Renvoi relatif à Yukon Election Residency Requirement, le ministre de la Justice du Yukon a fait valoir que l’article 3 de la Charte comporte implicitement une condition de résidence raisonnable visant à tenir compte de la répartition géographique des entités politiques au sein du système fédéral canadien.  Le tribunal a jugé cet argument persuasif et peut‑être suffisant pour statuer sur l’appel, notamment si l’on tient compte de la population restreinte et particulièrement mobile du Yukon.

Dans l’affaire Haig, la Cour suprême du Canada a confirmé la nécessité de satisfaire aux conditions de résidence pour avoir le droit de vote; la décision concernait la loi référendaire mais est assez générale pour s’appliquer aux lois électorales.  Dans l’ensemble, la jurisprudence semble indiquer que le droit de vote prévu à l’article 3 pourrait très bien être assorti d’une condition de résidence implicite, mais le caractère raisonnable d’une telle condition sera évalué à la lumière de l’article premier.

      2.  Âge ou handicaps mentaux

Une disposition de la Loi électorale du Canada, qui a pour effet de priver de leur droit certaines personnes ayant un handicap mental, a été contestée avec succès lors de l’élection fédérale de 1988 par le Conseil canadien des droits des personnes handicapées.  L’article en question prive de leur droit les gens qui ont vu leur liberté restreinte ou à qui l’on a retiré la gestion de leurs propres biens en raison d’une maladie mentale.  Le jugement n’a pas la portée que l’on pourrait supposer.  Il semble, cependant, qu’une loi visant à priver certaines personnes de leurs droits pour raison d’incapacité mentale doit traiter explicitement de leur capacité ou incapacité mentale de voter, plutôt que de toute autre caractéristique ou habileté.  Un tel critère n’a pas encore été approuvé par un tribunal supérieur, mais il pourrait avoir des conséquences intéressantes s’il était appliqué aux conditions relatives à l’âge, qui n’ont pas encore été contestées. Mais à ce stade, la cause du Conseil canadien des droits des personnes handicapées soulève autant de questions qu’elle apporte de réponses.

Le projet de loi C-114 a eu pour effet de supprimer les motifs d’inhabilité applicables aux personnes handicapées par une maladie mentale; toutefois, il est difficile de dire dans quelle mesure les personnes en question pourront effectivement exercer leur droit de vote.

      3.  Retrait des droits des détenus

Bien que certaines « conditions » puissent être implicites dans l’article 3, on peut supposer que les « motifs d’inhabilité » doivent respecter le critère de l’article premier.  L’emprisonnement a été le premier de ces motifs d’inhabilité à être sérieusement contesté en vertu de la Charte, mais les causes ont presque invariablement été compliquées par des questions de procédure tant en ce qui a trait au recours invoqué qu’au vote proprement dit.

En 1983, la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a statué que le droit de vote signifiait le droit d’exercer un choix électoral informé, fondé sur la liberté de croyance, de conscience, d’expression, d’opinion, d’association et de réunion – c’est‑à‑dire en toute liberté d’accès au processus de la « discussion et de l’interaction des idées » par lequel se forme l’opinion publique.  Parce qu’il était administrativement impossible d’accorder aux détenus ces libertés nécessaires à l’exercice d’un choix démocratique et informé, le retrait du droit de vote a été considéré comme une restriction raisonnable dans le contexte de l’article premier.

Un an plus tard, la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a eu à se prononcer sur une disposition de la British Columbia Elections Act qui privait du droit de vote toute personne déclarée coupable d’un délit pénal jusqu’à ce qu’elle ait obtenu un pardon ou qu’elle ait purgé la peine imposée.  Tout en maintenant le jugement antérieur, le tribunal a statué que le fait de nier le droit de vote aux personnes en probation n’était pas raisonnable, notamment en raison du fait que l’objet premier de la libération conditionnelle est de favoriser la réintégration dans la société.

Toujours en 1984, un juge de la Cour fédérale a examiné la Loi électorale du Canada et en est arrivé à la conclusion que la nécessité de restreindre certains droits des prisonniers, tels que la liberté d’association et d’expression, n’était pas une justification suffisante pour leur retirer le droit de vote.  La Cour d’appel fédérale a invalidé ce jugement mais seulement parce que le recours suggéré n’était pas approprié.

Deux ans plus tard, les tribunaux du Manitoba se sont penchés encore une fois sur la question, sous la pression d’une élection imminente.  La cour a établi une distinction entre les conditions, qui sont inhérentes au droit prévu à l’article 3, et les motifs d’inhabilité qui doivent respecter le critère de l’article premier.  Tout en reconnaissant que les restrictions imposées au droit de vote d’un détenu peuvent s’appuyer sur plusieurs raisons valables, la Cour a conclu que le fait de priver de leur droit l’ensemble des détenus ne respectait pas le critère dela Charte au sujet du lien rationnel, de l’atteinte minimale et de la proportionnalité de l’objet.  L’article contesté a été déclaré nul, mais le juge de première instance a refusé d’affirmer que les prisonniers concernés avaient le droit de voter et il a plutôt choisi de laisser à l’assemblée le soin de modifier la Loi sur les élections de la province.

La Cour d’appel du Manitoba a abordé de nouveau la question avant l’élection fédérale de 1988 et décidé à l’unanimité que le juge de première instance avait erré en ordonnant au Directeur des élections du Canada d’inscrire le nom des détenus sur la liste électorale.  En plus de signaler les difficultés énormes qui découleraient de l’adoption, au Manitoba, d’une norme différente de celle des autres provinces, les trois juges de la Cour ont indiqué dans des jugements séparés qu’il ne serait pas approprié que ce soit l’instance judiciaire, plutôt que le Parlement, qui émette une ordonnance pour accorder le droit de vote à tous les prisonniers.  Il est intéressant de noter que deux des juges se sont demandé s’il y avait même violation de l’article 3, ou si le droit de vote de l’article 3 devait être interprété à la lumière du droit qui s’est développé et que l’on connaît au pays.

En 1992, la Cour d’appel de l’Ontario, aux prises avec deux décisions contraires, a annulé la disposition fédérale interdisant aux détenus de voter.  Elle a examiné trois objectifs pouvant être considérés comme suffisamment importants pour qu’on puisse restreindre le droit de vote et elle a statué que ces trois objectifs, même pris collectivement, ne justifiaient pas le retrait complet du droit de vote aux détenus (Sauvé).  Les trois objectifs étaient :

  • l’affirmation et le maintien du caractère sacré du droit de vote dans la démocratie canadienne;
  • la préservation de l’intégrité du processus électoral;
  • l’imposition de peines aux contrevenants. 

Au début de 1991, la Cour fédérale du Canada avait également jugé que le retrait du droit de vote aux prisonniers allait à l’encontre de l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés.  En février 1992, la Section d’appel de la Cour fédérale a confirmé ce jugement en indiquant que le fait de priver les prisonniers de leur droit de vote est davantage une peine imposée aux criminels qu’une mesure sociale visant à assurer que seuls ceux qui peuvent prendre pleinement part au processus démocratique sont autorisés à voter.  À son avis, même si l’objectif de la loi est acceptable, la justification du retrait du droit de vote ne peut se démontrer dans une société libre et démocratique parce qu’elle constitue un moyen irrationnel, arbitraire et disproportionné de parvenir au but visé (Belgzowski).

Par suite des arrêts Belczowski et Sauvé de la Cour fédérale (section d’appel), et de la Cour d’appel de l’Ontario, l’interdiction de vote pour les détenus n’était pas en vigueur au moment du référendum fédéral de 1992 sur l’Accord de Charlottetown.  Ainsi, comme le note le Directeur général des élections dans son rapport sur le référendum fédéral, les détenus avaient le droit de voter.  Comme ces deux jugements n’avaient pas établi de lignes directrices pour le vote des détenus, le Bureau du directeur général des élections a dû mettre au point les mécanismes administratifs nécessaires.

Dans le cas des pénitenciers fédéraux, les inscriptions ont eu lieu au début de la période référendaire, mais pour les établissements provinciaux et territoriaux, où les peines sont moins longues et les départs et arrivées fréquents, dans les trois jours avant le vote.

Le Bureau du directeur général des élections a mis sur pied un programme pour renseigner les détenus sur leur droit de vote et sur la façon d’exercer ce droit.  Un guide de l’électeur a été remis à chaque détenu, accompagné d’une demande d’inscription, et des affiches ont été mises bien en vue dans chaque établissement.  Avec l’aide des sociétés Elizabeth Fry et John Howard, des trousses d’information ont été remises aux détenus; de plus, des représentants de ces associations ont été invités à surveiller le déroulement du scrutin.

La résidence ordinaire des électeurs détenus a été définie comme étant la circonscription où ils vivaient avant leur incarcération ou la résidence du conjoint, d’un parent ou d’une personne à charge.  Lorsqu’il était impossible d’établir ainsi un domicile fixe, la résidence ordinaire du détenu a été réputée être l’adresse de la cour où il avait été condamné ou arrêté.

Les détenus ont voté le 16 octobre 1992, soit dix jours avant le jour ordinaire de scrutin, le 26 octobre.  Les bulletins ont été envoyés dans des enveloppes aux scrutateurs à Ottawa, qui les ont triés et comptés, sous la supervision d’un administrateur de scrutin spécial nommé par le directeur général des élections, en collaboration avec le Directeur de scrutin spécial nommé pour le territoire de vote d’Ottawa en vertu des Règles électorales spéciales.  Au total, 188 pénitenciers comptant presque 28 000 détenus ont participé au vote.

Comme la participation des électeurs détenus ne semble pas avoir posé problème, il sera désormais difficile de justifier le retrait du droit de vote aux détenus en s’appuyant sur des raisons administratives, ou sur les difficultés pratiques de veiller à ce que les détenus soient bien informés avant de voter.

En mai 1993, le projet de loi C-114 est entré en vigueur, entraînant des changements importants à la Loi électorale du Canada.  Ce texte législatif a notamment éliminé l’inhabilité à voter pour les détenus purgeant une peine de moins de deux ans, qui, sauf exception, se trouvent dans des pénitenciers provinciaux plutôt que fédéraux.  Au cours du mois, la Cour suprême du Canada a confirmé les décisions de la Cour d’appel de l’Ontario et de la Cour fédérale (section d’appel) (Sauvé et Belczowski).  Dans une décision très brève, la Cour suprême a simplement jugé que la disposition fédérale interdisant aux détenus de voter était trop large et ne répondait pas au critère de proportionnalité, et en particulier au critère de l’atteinte minimale.

En décembre 1995, la Cour fédérale (section de première instance) a jugé que les dispositions du projet de loi C-114 étaient inconstitutionnelles (Sauvé, 1995).  La Cour a accepté un double but ou objectif de la privation du droit de vote : l’accroissement du sens du devoir civique et du respect de la primauté du droit; et l’imposition d’une peine additionnelle aux prisonniers qui ont commis des actes antisociaux graves.  La Cour a jugé que priver du droit de vote les détenus purgeant une peine d’au moins deux ans ne répondait pas au critère voulant que la mesure choisie entraîne une atteinte minimale aux droits garantis par la Charte, ainsi que l’exigence que les effets négatifs de la privation du droit soient proportionnés aux effets bénéfiques.

Quant au critère de l’atteinte minimale, la Cour a jugé que le Parlement n’avait pas pris en considération la possibilité que le juge du procès décide de la suspension du droit de vote au cas par cas, en s’appuyant éventuellement sur des critères établis par le Parlement.  À son avis, ce serait là une façon beaucoup moins envahissante et tout aussi efficace de restreindre le droit de vote des citoyens.  En outre, selon la Cour, cette façon de faire serait beaucoup plus visible pour le public que l’actuelle interdiction absolue du droit de vote des détenus purgeant une peine d’au moins deux ans, et elle contribuerait aux objectifs sociaux visés par la suspension de ce droit des détenus.

Quant au critère de la proportionnalité, la Cour n’a pas vu beaucoup d’avantages à cette privation, même en théorie.  Elle n’a pas accepté l’argument voulant que priver les détenus du droit de vote contribue à rehausser le sens du devoir civique et le respect de la primauté du droit, car elle a constaté, « sans conteste » que ce fait « n’est pas bien connu dans la société canadienne ».  Bien que le gouvernement ait prétendu que cette mesure renforçait l’aspect rétributif de la justice pénale, la Cour a plutôt constaté qu’elle allait à l’encontre de la réadaptation et de la réinsertion sociale, qui sont les deux grands buts de la politique correctionnelle.

Le fait que les électeurs détenus aient pu voter au référendum de 1992, ainsi qu’à plusieurs élections provinciales, semble avoir influencé la Cour.  D’après des chiffres fournis au procès, plus de 55 p. 100 des détenus « fédéraux » au Canada avaient le droit de voter aux élections provinciales au 30 avril 1995.  La Cour a noté que le gouvernement n’a pu faire la preuve que l’exercice du droit de vote par des détenus aurait des effets nuisibles, ni présenter d’arguments pour justifier la contradiction que le public perçoit entre les politiques fédérales et provinciales en matière de droit de vote des prisonniers.

En appel, la Section d’appel de la Cour fédérale a statué que si le retrait du droit de vote à des personnes incarcérées pour deux ans ou plus contrevenait à l’article 3 de la Charte, cela pouvait se justifier en vertu de l’article premier.  La Cour a fait remarquer que la disposition actuelle était suffisamment différente de celle qui la précédait – laquelle prévoyait une privation générale du droit de vote – pour mériter d’être examinée à nouveau en vertu de l’article premier.  Les objectifs de la disposition – l’accroissement du sens du devoir civique et du respect de la primauté du droit, ainsi que l’imposition d’une peine additionnelle – étaient suffisamment importants pour justifier que soit enfreint un droit garanti par la Charte.  La Cour a conclu que la disposition satisfaisait au critère du lien rationnel et qu’elle portait au droit en question une atteinte minimale et de façon appropriée.  La disposition ne vise que les auteurs d’infractions graves.  Elle a été édictée après que le Parlement a examiné et rejeté la solution de rechange à une privation discrétionnaire imposée par un juge.  La Cour n’avait aucune raison de déclarer invalide la tentative de parvenir à un juste équilibre à laquelle s’était livré le Parlement.  Se fondant sur la politique électorale, le Parlement était en droit d’ajouter des conséquences civiles à la sanction pénale.  Enfin, la disposition satisfaisait au critère de proportionnalité.  Même si l’ensemble de la population ne connaît pas la disposition, cela ne rend pas nulle sa proportionnalité, en particulier lorsque les juges qui prononcent la sentence et l’avocat de la défense la connaissent bien (Sauvé, 1999).  Cette décision a été portée en appel à la Cour suprême du Canada, qui a entendu la cause le 10 décembre 2001; l’affaire est en délibéré.

      4.  Causes d’inhabilité administratives

La question de la déchéance du droit en raison de formalités, c’est‑à‑dire jusqu’où l’État doit aller pour faire respecter le droit de vote plutôt que de l’enfreindre, a été abordée explicitement par la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique en 1985.  Deux résidents temporairement absents (qui, incidemment, étudiaient au Osgoode Hall Law School) ont tenté d’obtenir une ordonnance précisant qu’il y avait atteinte à leur droit constitutionnel de voter parce que la loi électorale de la province ne prévoyait pas de scrutin pour les personnes absentes.

Le juge qui a entendu la cause a convenu que c’était leur comportement, à savoir le fait d’être absent de la province, qui les privait de la possibilité de voter.  La Cour d’appel a émis une opinion différente, statuant que lorsqu’une personne est privée de la substance du droit de vote, il importe peu que ce soit par commission (une restriction législative expresse) ou par omission (le fait qu’une loi ne prévoit pas de modalités de vote et crée, par le fait même, une restriction au droit de vote).

Il est difficile, à ce stade, de prévoir quel équilibre s’établira en ce qui a trait à la responsabilité de l’assemblée législative de restreindre les formalités faisant obstacle au droit de vote.  Ainsi, le temps accordé pour aller voter le jour de l’élection est une pratique bien établie, mais ce n’est pas le cas pour le scrutin par anticipation ou les bureaux de vote spéciaux.  Les pratiques en matière de recensement varient d’une province à l’autre, imposant aux électeurs admissibles la responsabilité, à des degrés divers, de veiller à ce que leur nom soit dûment inscrit.

Ainsi, en 1986, la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a maintenu une disposition exigeant que les électeurs inscrits dans la mauvaise circonscription s’inscrivent dans leur nouvelle circonscription 20 jours avant l’élection s’ils souhaitaient voter à cet endroit.  En outre, en considérant l’argument selon lequel cette disposition était discriminatoire (parce qu’un électeur qui n’était inscrit nulle part pouvait demander d’être inscrit dans la circonscription où il résidait le jour de l’élection), la Cour a explicitement rejeté la tentative d’établir un lien entre l’article 15 de la Charte (droits à l’égalité) et l’article 3.

En 1982, un tribunal de la Saskatchewan a statué que l’on avait effectivement refusé le droit de vote aux détenus parce qu’aucune disposition n’avait été prise pour leur permettre de l’exercer, apparemment pour des raisons de sécurité.

En 1986, la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a dû se prononcer sur une question intéressante, à savoir si le rejet ou le recomptage des bulletins de vote sur lesquels figurait un crochet plutôt qu’une croix privait indûment de leur droit de vote les personnes qui faisaient un crochet.  Le tribunal a choisi de ne pas intervenir dans le système électoral conçu par le législateur.

En 1988, une disposition administrative de la Loi électorale du Canada en vertu de laquelle les électeurs des régions rurales peuvent s’inscrire sur la liste officielle plus facilement que les électeurs des régions urbaines le jour de l’élection a été contestée.  Le tribunal n’a pas eu beaucoup de difficulté à conclure que l’article 15 ne s’appliquait pas.  Tout en étant sympathique à la cause des résidents des régions urbaines privés du droit de vote, le tribunal n’a pas voulu proposer de solution et a invité le législateur à le faire.  Le projet de loi C-114 permet toutefois l’enregistrement le jour du scrutin tant dans les régions rurales qu’urbaines.

Le projet de loi C-114 renferme aussi une nouvelle « Annexe II – Règles électorales spéciales », qui énonce la procédure spéciale prévue dans le cas des personnes qui votent à l’extérieur de leur lieu habituel de résidence.  Longue et technique, cette annexe vise essentiellement six catégories d’électeurs :

  • les membres des Forces canadiennes;
  • les fonctionnaires fédéraux ou provinciaux en poste à l’étranger;
  • les employés d’organismes internationaux dont le Canada fait partie et auxquels il contribue;
  • les Canadiens qui ont été absents du pays pendant moins de cinq années consécutives et qui ont l’intention d’y revenir;
  • les détenus purgeant une peine de moins de deux ans;
  • tout autre électeur qui désire voter conformément aux règles électorales spéciales.

      5.  Restrictions applicables à l’égalité du pouvoir de voter

Dans la première ronde de contestations en vertu de la Charte, les tribunaux ne sont pas allés au-delà de la question du droit à l’exercice du vote pour examiner la qualité du vote exercé.  En 1986, cependant, un requérant de la Colombie‑Britannique a demandé au tribunal de se prononcer sur le fait que la population inégale des circonscriptions électorales constituait une violation de la Charte.

La première question était de savoir si la requête était justifiable, puisque l’on considérait depuis longtemps que la détermination des limites des circonscriptions électorales relevait exclusivement de la responsabilité des assemblées législatives.  En particulier, les disparités dans la représentation urbaine/rurale étaient justifiées par des considérations d’équité plutôt que d’égalité.  Toutefois, en avril 1989, la juge McLachlin a émis une ordonnance précisant que les limites des circonscriptions électorales provinciales n’étaient pas compatibles avec le droit de vote prévu à l’article 3 de la Charte.

Bien que l’article 3 n’exige pas une égalité complète du pouvoir de voter, le tribunal a maintenu que la population doit être le facteur primordial dans l’établissement des limites des circonscriptions électorales.  Des facteurs tels que la géographie et les intérêts régionaux peuvent entrer en ligne de compte, mais l’objectif visé doit être la meilleure administration possible de la population dans son ensemble.  L’assemblée doit disposer d’une souplesse considérable en cette matière, et le tribunal ne doit s’interposer que s’il lui semble qu’une population raisonnable régie par des principes appropriés n’aurait pu établir les limites actuelles.

La juge McLachlin n’a pas été insensible aux motifs invoqués pour justifier l’attribution d’un plus grand poids aux électeurs ruraux :

  • les intérêts spéciaux des habitants des régions rurales;
  • les difficultés de communication avec les électeurs dans les grandes régions rurales;
  • un manque relatif d’accès aux médias de communication;
  • la grande diversité des problèmes qui confrontent les députés des régions rurales;
  • les ressources limitées mises à la disposition de ces députés.

La juge McLachlin, cependant, n’a pas été influencée par l’argument fondé sur la jurisprudence des États‑Unis selon lequel il faudrait une égalité quasi absolue du pouvoir de voter, libre de toute autre considération.  En faisant remarquer que l’évolution de la démocratie au Canada avait des racines différentes de celles de la démocratie américaine, elle a fait valoir que si le principe de la représentation en fonction de la population peut être considéré comme étant au cœur de la répartition des limites électorales au Canada, de tout temps celle‑ci a été conditionnée par d’autres facteurs.

Mais, à son avis, compte tenu de la mesure dans laquelle le principe de l’égalité relative des droits de vote avait été enfreint, ajouté au manque de justification par rapport aux considérations régionales ou géographiques ou aux mouvements de population à court terme, les limites des circonscriptions électorales ne pouvaient être défendues en vertu de l’article premier de la Charte.

En invalidant la loi, la juge McLachlin a accordé une période temporaire au cours de laquelle celle‑ci devait demeurer valide pendant que le législateur procédait à l’adoption d’un meilleur système.  En signalant qu’elle avait déjà précisé les grands principes de droit qui devaient guider le législateur, la juge McLachlin a fait notamment mention de la Commission Fisher créée en 1987 pour faire des recommandations au sujet des changements à apporter aux limites des circonscriptions électorales en se fondant sur le recensement de 1986.  La Commission a soumis son rapport à l’assemblée législative en mars 1989 et recommandé que les écarts de population de plus de 25 p. 100 au‑dessus ou au‑dessous de la norme ne soient pas tolérés.  Le juge McLachlin a indiqué que cela semblait raisonnable pour une province comme la Colombie‑Britannique.

En mars 1991, la Cour d’appel de la Saskatchewan a été saisie d’un renvoi sur la validité des limites des circonscriptions électorales provinciales prévues dans la Representation Act de 1989.  On a demandé à la Cour si la variation du nombre d’électeurs par circonscription ou la distinction établie entre les circonscriptions urbaines, rurales et du Nord dérogeaient à la Charte des droits et libertés.  La Loi sur la Commission de délimitation des circonscriptions électorales portant création de la Commission qui recommande les délimitations en question, avait spécifiquement requis que 29 circonscriptions soient urbaines, 35 rurales et deux du Nord.

La Cour d’appel s’est largement fondée sur des précédents américains concernant le droit à l’égalité du pouvoir de voter, allant jusqu’à citer Daniel Webster selon lequel le droit de vote pour un représentant « est la part du pouvoir souverain revenant à chaque citoyen ».  Convenant que l’égalité absolue était pratiquement impossible étant donné les limitations inhérentes à une démocratie parlementaire représentative, la Cour a néanmoins décidé que les systèmes électoraux doivent « s’efforcer de veiller à l’égalité du pouvoir souverain de voter de chaque citoyen ».  Les écarts de population entre les circonscriptions de la Saskatchewan étaient suffisamment importants pour amener la Cour à conclure que les délimitations existantes dérogeaient effectivement au droit de vote prévu à l’article 3, qui inclut l’égalité du pouvoir de voter.

La Cour a refusé de fixer les écarts de population minimums ou d’indiquer les écarts admissibles entre les circonscriptions.  Elle a fait observer que la Commission de délimitation des circonscriptions électorales pour la province de la Saskatchewan, créée en 1987 en vertu de la Loi sur la révision des circonscriptions électorales (loi fédérale), avait réussi à délimiter toutes les circonscriptions fédérales moyennant un écart de plus ou moins 5 p. 100 par rapport à la population moyenne de la province.  Cela veut dire qu’il n’est pas besoin de formule pour calculer l’écart acceptable quand une commission de délimitation des circonscriptions électorales tient compte avant tout de l’égalité du pouvoir de voter des électeurs.

Contrairement à la juge McLachlin dans l’affaire de la C.‑B., la Cour d’appel de la Saskatchewan a rejeté la distinction entre les circonscriptions urbaines et rurales invoquée pour justifier les écarts de population entre les diverses circonscriptions.  Par conséquent, elle a conclu que l’obligation légale de délimiter 35 circonscriptions rurales et 29 circonscriptions urbaines donnait aux électeurs hors des circonscriptions urbaines un pouvoir déraisonnable qui ne pouvait être justifié en vertu de l’article premier de la Charte.  Si la taille, plus grande, et la structure, différente, des circonscriptions rurales imposent des contraintes de temps et de communication supplémentaires aux représentants élus, il faudrait régler ces problèmes par d’autres moyens, comme du personnel additionnel ou des indemnités de déplacement, qui ne dérogent pas au principe de l’égalité du pouvoir de voter.

Les Parties et la Cour ont généralement convenu que la situation extraordinaire du Nord justifie que l’on s’écarte quelque peu du concept de l’égalité du pouvoir de voter en ce qui concerne les deux circonscriptions du Nord.

La Saskatchewan devant tenir des élections en novembre 1991 au plus tard, la décision de la Cour d’appel a soulevé certains problèmes pratiques.  La Cour suprême du Canada a entendu un appel hâtif à la fin d’avril 1991 et rendu sa décision au sujet du jugement porté par le tribunal d’appel de la Saskatchewan le 6 juin 1991.  Dans un jugement rendu à 6 contre 3, la Cour a statué que la délimitation actuelle des circonscriptions électorales ne portait pas atteinte au droit de vote garanti par l’article 3 de la Charte.  L’exposé majoritaire des motifs du jugement a été rédigé par madame la juge McLachlin, qui avait rédigé le jugement de la Cour dans l’affaire Dixon (No 2).

La Cour d’appel de la Saskatchewan avait statué que l’article 3 de la Charte garantissait l’égalité des droits de vote, là où l’exercice de ce droit est raisonnablement possible.  Certains facteurs tels la géographie, les limites fixées historiquement et les intérêts communautaires pourraient être considérés comme des limites raisonnables en vertu de l’article premier, mais le gouvernement se devrait alors de faire la preuve que les dérogations au principe de l’égalité sont justifiées.

La Cour suprême a rejeté cet argument, concluant que l’article 3 de la Charte garantissait le droit à une « représentation effective » et non la parité entre les électeurs.  Bien que la parité entre le poids relatif de chacun des électeurs demeure le premier critère d’une représentation effective, il n’est pas le seul.  La Cour suprême a signalé, par exemple, que sir John A. Macdonald avait reconnu cet élément fondamental dès 1872, lorsqu’il a déclaré, en déposant la loi intitulé Act to re‑adjust the Representation in the House of Commons, S.C. 1872, ch. 13 :

[...] l’on constatera que [...] bien qu’il ait été tenu grand cas du principe de la démographie, d’autres facteurs ont également été pris en considération; pour que les diverses catégories de la population et de localités soient équitablement représentées, le critère du nombre ne doit pas être le seul dont il faille tenir compte. [Traduction]

Les rédacteurs de la Charte étaient devant deux modèles électoraux : le modèle américain où la parité entre les électeurs est absolue et l’approche moins radicale et plus pragmatique qui s’est développée au Canada et en Angleterre au fil des siècles.  Faisant référence au jugement qu’elle avait déjà rendu dans l’affaire Dixon (No 2), madame la Juge McLachlin a rappelé les caractéristiques qui distinguent ces deux modèles et la tendance du Canada à adopter le modèle britannique : « Le pragmatisme, plutôt que l’adhésion aveugle à un idéal philosophique, a dicté sa conduite ».

Bref, la Cour a jugé que la parité absolue entre les électeurs peut être impossible en pratique et que, même lorsqu’elle est possible, elle ne permet pas toujours d’atteindre l’objectif premier qui consiste à assurer une représentation effective notamment lorsqu’il faut tenir compte de la géographie, des circonstances historiques, des intérêts collectifs ou des besoins des minorités.  Les élus ont deux rôles : celui de législateur et celui de défenseur des électeurs.  Dans un pays aussi vaste, à la population aussi éparse et aux intérêts aussi variés que le Canada, il est parfois nécessaire de s’éloigner du principe de la parité électorale absolue pour garantir à tous une représentation effective.

En Saskatchewan, à l’exception des circonscriptions du Nord, l’écart par rapport au quotient ou à la norme provinciale n’est jamais supérieur à 25 p. 100, en plus ou en moins.  La Cour a donc jugé que, pour cette raison, les faits fournis par la province étaient suffisants pour justifier les limites actuelles des circonscriptions, y compris les deux circonscriptions du Nord, et qu’il n’y avait donc pas violation de l’article 3 de la Charte.  En conséquence, il n’y avait donc pas lieu, selon elle, d’invoquer l’article premier.

La récente décision de la Cour suprême du Canada invite les tribunaux à ne pas prêter d’intention aux législateurs au sujet de l’à‑propos de la délimitation des circonscriptions électorales.  Lorsque les écarts par rapport à la norme démographique ne sont pas supérieurs à 25 p. 100, en plus ou en moins, le gouvernement n’a probablement qu’à faire la preuve que des facteurs géographiques ou des intérêts collectifs distincts, notamment des différences entre milieux urbains et milieux ruraux, justifient qu’on se soit écarté de la norme pour favoriser une représentation plus effective.  Aucune violation de l’article 3 n’est alors commise et il n’est pas nécessaire de faire la preuve que les écarts sont justifiables dans une société libre et démocratique.

Le critère semble se rapprocher de l’opinion émise par madame la juge McLachlin, à savoir que « les tribunaux ne devraient s’ingérer dans la prérogative des provinces de délimiter elles‑mêmes leurs circonscriptions électorales en invoquant l’article 3 que s’il appert que des personnes raisonnables appliquant des principes appropriés [...] n’auraient pu fixer autrement qu’elles l’ont été les limites des circonscriptions ».  Ce critère étant aussi général, il semble également que toute limite électorale qui n’y serait pas conforme serait extrêmement difficile à justifier aux termes de l’article premier.  Il en est probablement très bien ainsi, puisque, de tous les droits garantis par la Charte, s’il en est dont il devrait être difficile de justifier la violation dans une société libre et démocratique, ce sont bien les droits démocratiques.

En février 1993, la Cour suprême de l’Île-du-Prince-Édouard a rendu une décision qui reprend les principes énoncés par madame la juge McLachlin.  Depuis toujours, l’île est divisée en trois comtés.  Or, selon l’Election Act, la représen­tation à l’Assemblée législative doit être répartie par comté, sans égard à la population.  Deux des comtés regroupent cinq districts et le troisième, six.  En grande partie à cause des mouvements de la population rurale vers les centres urbains survenus au fil des ans, il y a une très grande disparité dans le nombre d’électeurs inscrits dans chaque district.  Sur les 16 districts, huit ont un nombre d’électeurs inférieur de plus de 40 p. 100 à la moyenne provinciale et quatre ont un nombre supérieur de plus de 40 p. 100 à la moyenne.  Aux deux extrêmes, on trouve le district de Fifth Queens, dont le nombre est supérieur de 115 p. 100 à la moyenne provinciale, et le district de Fifth Kings, dont le nombre est inférieur de 63 p. 100 à la moyenne.  À l’élection de 1989, le district de Fifth Queens comptait 5 982 électeurs par député élu, tandis que celui de Fifth Kings en avait 1 021 (les circonscriptions de l’Île-du-Prince-Édouard ont deux députés chacune).

Le jugement s’étend longuement sur la notion de « représen­ta­tion effective », telle que l’entend la Cour suprême du Canada, et conclut qu’idéalement, une représentation juste et effective suppose un équilibre entre la parité absolue entre les électeurs et des facteurs non démographiques comme les circonstances histori­ques, les intérêts collectifs, le taux de croissance, les particularités géographiques et autres considérations semblables.  Tout en reconnaissant que l’établissement d’un bon équilibre rural/urbain et régional aux fins de la représentation politique est un objectif législatif valable, la Cour doute de la proportionnalité et de l’à-propos des moyens adoptés par la province.

Le tribunal a pris note de la mention, dans les jugements de la Colombie-Britannique et de la Cour suprême du Canada, d’un écart de plus ou moins 25 p. 100, mais se demande si une province comme l’Île-du-Prince-Édouard peut justifier un tel écart : « Compte tenu de la preuve présentée au cours de la présente audience, j’estime qu’une différence de plus ou moins 10 p. 100, comme au sud du 53e parallèle au Manitoba, pourrait bien être plus acceptable. »  Le tribunal a jugé que les dispositions de l’Election Act de l’Île-du-Prince-Édouard dérogeaient à la Charte, mais a laissé la loi en place pendant une période raisonnable pour éviter une crise.

En octobre 1994, la Cour d’appel de l’Alberta a été invitée, par un renvoi, à présenter des commentaires sur la conformité de l’Electoral Divisions Statutes Amendment Act de 1993 avec la Charte.  La demande faisait suite à une série d’événements qui ont montré un écart inquiétant entre les circonscriptions urbaines et rurales, en ce qui concerne leur taille et leur nature.  La Cour, comme dans un renvoi précédent en 1991, jugeant qu’il valait mieux que les tribunaux fassent preuve de retenue en ces matières, a décidé de ne pas déclarer la Loi contraire à la Charte.

Après le plus récent remaniement  des circonscriptions fédérales, la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau‑Brunswick a contesté le poids accordé à la composition linguistique de la population dans la délimitation des circonscriptions électorales. 

   C.  Le droit d’éligibilité à une assemblée législative

Comme dans le cas du droit de vote, le droit de se porter candidat semble maintenant régi presque entièrement par des lois fédérales ou provinciales.  Ce droit est beaucoup moins restreint qu’au siècle dernier alors que s’appliquaient, par exemple, des conditions liées à la propriété pour les personnes qui voulaient présenter leur candidature.  Dans la plupart des cas, les conditions de candidature qui s’appliquent de nos jours sont les mêmes que celles qui doivent être respectées pour être électeur.  Par conséquent, ce sont les motifs d’inhabilité, traditionnels ou récents, qui tendent à faire l’objet de contestations devant les tribunaux.

Il semble raisonnable de supposer que les tribunaux suivront la même approche générale en ce qui a trait aux motifs d’inhabilité des candidats que celle qui se dessine au sujet du droit de vote :

  • ils prendront en considération les pratiques actuelles dans d’autres administrations et seront portés à suivre les plus libérales;
  • ils auront tendance à rejeter les motifs d’inhabilité de trop grande portée qui ne respectent pas les critères de Oakes au sujet de l’atteinte minimale et de la proportionnalité;
  • tout en étant peu réceptifs aux « causes d’inhabilité administratives », ils laisseront au législateur le soin d’apporter les modifications requises.

Une cause entendue en Nouvelle‑Écosse en 1986 fournit un bon exemple à cet égard.  Un fonctionnaire et le syndicat des employés gouvernementaux ont fait valoir que le Civil Service Act de la Nouvelle‑Écosse empêchait celui‑ci de se porter candidat à une élection.  Le syndicat n’a pas prétendu qu’un fonctionnaire devait demeurer fonctionnaire lorsqu’il se portait candidat à un poste public et encore moins qu’il devait le rester après avoir été élu. L’argument invoqué était plutôt que les articles de la Loi interdisant le travail partisan et le versement des frais d’adhésion à un parti, conjugués à l’absence de dispositions relatives à un congé non payé, constituaient une interdiction.  La question se rapprochait davantage d’une « cause d’inhabilité administrative » que juridique au sens strict.

Le juge a étudié la situation dans d’autres provinces et a même intégré à son jugement un tableau comparatif de cinq pages qui indique de façon explicite que les dispositions en vigueur en Nouvelle‑Écosse étaient exceptionnellement restrictives.  Il a ensuite statué que ces restrictions ne respectaient pas le critère de l’atteinte minimale ou celui de la proportionnalité entre la fin visée et les moyens utilisés.  Selon lui, l’objectif de la neutralité politique de la fonction publique pouvait être atteint par le moyen plus modeste d’un congé plutôt que d’un renvoi.

Une cause entendue en Ontario a, depuis, confirmé que le fait d’exiger d’un candidat ou d’une personne élue à une charge publique provinciale ou fédérale qu’il prenne un congé non payé de son emploi dans la fonction publique n’enfreint pas les droits en vertu de l’article 3.  En 1992, la Cour d’appel de l’Ontario a également statué que les droits prévus à l’article 3 ne s’appliquent pas aux conseils municipaux.

Il y a aussi la question de savoir jusqu’où s’étend la portée de l’article 3.  Il est clair que celui‑ci porte sur le droit de se présenter à une élection, d’être élu et d’avoir la qualité de député, mais il n’est pas aussi évident qu’il englobe le droit de siéger ou de continuer à siéger à la Chambre des communes ou à une assemblée législative.  L’interdiction ou l’expulsion d’un député en exercice a, traditionnellement, été un privilège du Parlement.  Dans l’affaire MacLean, l’une des principales causes portant sur le rapport entre la Charte et le droit d’avoir la qualité de membre de la députation, le juge de première instance a fait remarquer que l’article 3 traite du droit de vote et du droit d’être élu et que cela est différent de l’établissement de normes pour les députés qui siègent.

L’affaire MacLean portait sur la question de la validité d’une interdiction expresse d’exercer le droit de devenir député du Parlement.  Il existe depuis longtemps un motif d’interdiction en common law à l’égard des personnes trouvées coupables de corruption électorale, dont le but à l’origine semble avoir été de préserver l’intégrité du système électoral.  Le fondement en droit semble être la théorie selon laquelle une personne qui s’est livrée à la corruption électorale lors d’une élection pourrait très bien le faire de nouveau, discréditant du même coup le système.  En 1986, l’Assemblée législative de la Nouvelle‑Écosse est allée beaucoup plus loin et a adopté une loi pour expulser William MacLean, un ancien ministre du gouvernement qui avait plaidé coupable à l’accusation d’avoir présenté des comptes de dépenses falsifiés.

Les affaires financières de M. MacLean, au sujet desquelles des rumeurs avaient circulé depuis un certain nombre d’années, étaient devenues une source d’embarras pour le gouvernement.  Probablement parce qu’il voulait régler la question une fois pour toutes, le gouvernement a ajouté à la loi un article visant à priver les personnes trouvées coupables de certains crimes du droit de se porter candidat ou de se présenter à une élection législative pour une période de cinq ans.  Influencée manifestement par la Charte, la loi s’intitulait An Act Respecting Reasonable Limits for Membership in the House of Assembly (loi portant sur les restrictions raisonnables imposées à la qualité de député à l’assemblée législative).

M. MacLean, qui avait annoncé son intention de se présenter à nouveau comme candidat indépendant, mais qui aurait été empêché de le faire en vertu de cet article, a alors jugé que ses droits fondamentaux en vertu de la Charte étaient enfreints.  Aussi en cause étaient les droits des électeurs de Port Hawkesbury, d’où il est originaire.  Pouvaient‑ils continuer de voter pour M. MacLean ou l’assemblée législative pouvait‑elle les empêcher de le faire?

Au début de 1987, le juge en chef de la division de première instance de la Cour de la Nouvelle‑Écosse a rendu un jugement dans lequel il affirmait que M. MacLean avait le droit de se présenter à une élection et que les gens de Port Hawkesbury avaient le droit de voter pour lui.  Les élus ne pouvaient, par une loi, restreindre les droits des électeurs.  Dans cette affaire, M. MacLean a été réélu et a siégé à nouveau à l’assemblée législative, mais il a été défait à l’élection suivante.

En analysant si oui ou non la Charte s’appliquait à la modification d’une constitution provinciale, une question qui s’est également posée dans la cause entendue en Colombie‑Britannique au sujet du tracé des limites des circonscriptions électorales, le juge en chef a noté que s’il en était autrement, une province pourrait, par exemple, modifier sa constitution en adoptant une loi précisant que seules les personnes aux yeux bleus et aux cheveux bruns peuvent siéger à l’assemblée législative.

Les nouveaux motifs législatifs d’inhabilité portant sur le droit de se présenter à une élection ont été considérés comme ayant un caractère punitif et que l’on ne peut justifier dans une société libre et démocratique.  Historiquement, il semble clair que le Parlement peut expulser des membres pour violation de privilège, y compris une conduite ayant pour effet de discréditer la Chambre, mais il ne peut les empêcher d’être réélus.  Ainsi, par sa propre loi et ses coutumes, la Chambre des communes exerce un contrôle sur ses affaires internes, y compris sur ses membres, mais non sur les conditions qui s’appliquent à ceux qui aspirent à y être élus. 

La différence subtile qui subsistait se situait entre l’exclusion et l’expulsion.  La Chambre des communes pouvait‑elle refuser à un membre élu d’y siéger ou pouvait‑elle l’exclure effectivement si sa conduite était contraire aux traditions de la Chambre?  Ou doit‑on plutôt permettre d’abord à un membre d’y siéger et attendre ensuite que celui‑ci commette un nouvel outrage au Parlement qui justifierait son expulsion?

En 1996, la Cour suprême du Canada a confirmé une disposition de la Loi électorale du Nouveau-Brunswick portant que toute personne trouvée coupable d’une manœuvre frauduleuse ou d’un acte illicite au sens de cette loi ne peut être élue ni siéger à l’assemblée législative pendant une période de cinq ans (Harvey).  M. Harvey avait incité une jeune femme de 16 ans à voter, sachant qu’elle n’en avait pas le droit.

La majorité des juges a noté que la version anglaise de l’article 3, qui prévoit le droit « to be qualified for membership » dans une assemblée législative, est quelque peu ambigu, alors que la version française indique clairement qu’il s’agit du droit d’être candidat et de siéger à l’assemblée : « est éligible aux élections ».  Elle a jugé que l’interdiction de siéger à l’assemblée législative enfreint les droits de l’article 3, mais qu’il s’agit d’une atteinte justifiée afin de préserver l’intégrité du processus électoral.  À son avis, l’interdiction de cinq ans évite qu’une personne trouvée coupable d’une manœuvre frauduleuse ou d’un acte illicite puisse se présenter à la prochaine élection générale; il s’agit d’une atteinte minimale et proportionnelle aux droits garantis par l’article 3.

Deux juges ont jugé que l’interdiction de siéger ne devrait pas faire l’objet d’une révision judiciaire étant donné qu’elle relève du privilège historique de l’assemblée législative, qui jouit d’un statut constitutionnel et n’est pas assujettie à la Charte.  Selon eux, de telles interdictions peuvent être examinées par les tribunaux pour s’assurer qu’elles ne débordent pas du cadre du règlement du Parlement, comme le serait une interdiction fondée sur la race ou le sexe; toutefois, à leur avis, une fois qu’un tribunal a décidé qu’une loi tombe dans le domaine du privilège parlementaire, il ne devrait pas la soumettre aux critères de la Charte.  De son côté, le juge en chef a jugé qu’une loi qui concerne le privilège parlementaire est assujettie à la Charte.  La décision majoritaire n’a pas abordé la question du privilège parce qu’elle a été soulevée par un intervenant et non par les parties elles-mêmes, et que les arguments invoqués n’étaient pas sérieux.

   D.  Conclusions sur les droits démocratiques de l’article 3

Dans l’ensemble, les tribunaux ont été partagés sur la question de savoir s’il existe des restrictions au droit de vote, notamment au sujet de la résidence et de l’âge qui sont inhérents à l’article 3, ou si toutes les restrictions doivent être justifiées comme étant raisonnables à la lumière de l’article premier.  Bon nombre des causes entendues jusqu’à maintenant se sont déroulées sous la pression d’une élection imminente et les tribunaux ont préféré laisser au législateur le soin de remanier les lois électorales même lorsque celles‑ci sont trop restrictives.

On a souvent été porté à examiner la situation dans d’autres administrations électorales au Canada.  Si la disposition contestée respecte la norme, il est probable qu’elle sera maintenue.  Si elle est manifestement plus restrictive que la moyenne canadienne, le tribunal sera naturellement enclin à l’examiner d’un oeil plus critique.

Quant au droit d’éligibilité à une assemblée législative, il semblerait que les seules restrictions législatives fondées soient les suivantes :

  • des motifs de nature structurelle ou administrative, tels que le fait d’être membre ou d’être nommé à une autre assemblée législative, ou le fait de détenir une charge publique rémunérée, ou l’article 750 du Code criminel qui précise que quiconque a été trouvé coupable d’un acte criminel et condamné à une sentence d’emprisonnement de plus de deux ans est incapable d’être élu, de siéger ou de voter à titre de membre du Parlement ou d’une assemblée législative jusqu’à ce que la sentence ait été purgée;
  • la corruption électorale qui jette le discrédit sur le système électoral lui‑même;
  • la condamnation pour des infractions qui, de par leur nature, constituent une atteinte à la dignité de la Chambre ou impliquent un abus manifestement frauduleux de la confiance du public à un point tel que le fait d’en être trouvé coupable justifie, en toute circonstance, une exclusion automatique.

En général, l’article 3 de la Charte a clairement établi et accéléré la tendance à une plus grande cohérence en matière de suffrage universel et de procédure.  Il a donné aux tribunaux un moyen de faire appliquer des modifications aux restrictions de forme qui subsistent dans les diverses lois électorales, et il a entraîné un resserrement de certains motifs d’inhabilité.  Il reste à voir quelles autres répercussions il peut encore avoir.

Somme toute, en ce qui concerne les restrictions visant tant le droit de vote que les conditions l’éligibilité, force est de constater qu’il est peu probable que les tribunaux se prononcent en faveur de nouvelles catégories de restrictions.  Quant aux restrictions qui existent déjà, l’argument qui prévaut est qu’elles sont à première vue raisonnables dans une société démocratique, sauf le cas d’une application trop vaste ou déraisonnable.  Les restrictions qui s’appuient sur l’efficacité administrative seront vraisemblablement mal vues, en particulier si on a réussi à appliquer une méthode moins restrictive dans d’autres sphères de compétence.

   E.  Autres questions liées à la Charte

Les questions électorales, autres que le droit de vote ou le droit de présenter sa candidature à une élection, sont de plus en plus envisagées sous l’angle de la « liberté d’expression ».  En 1991, dans l’affaire Osborne, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur l’article de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique qui interdit aux fonctionnaires de travailler pour ou contre un candidat ou un parti politique.  La Cour a convenu que cette disposition met en oeuvre la convention constitutionnelle de la neutralité de la fonction publique, mais décidé que cela ne la protégeait pas d’un examen minutieux à la lumière de la Charte.  Elle a jugé que bien que la protection de la neutralité de la fonction publique soit un objectif important, cette disposition ne constitue pas une « limite raisonnable », étant donné qu’elle est inutilement vaste.  La Cour a indiqué qu’elle n’était pas prête à interpréter la loi d’une manière restrictive et a déclaré que c’est au Parlement qu’il revient de se prononcer sur les limites appropriées. 

Les dispositions de la Loi électorale du Canada traitant des dépenses électorales ont donné lieu à plusieurs affaires.

La Cour suprême du Canada a confirmé l’utilisation des cotisations syndicales obligatoires à des fins politiques (Lavigne, 1991), ainsi que l’utilisation des fonds publics pour appuyer des candidats sérieux aux élections (MacKay, 1989).

      1.  La répartition du temps d’antenne

En novembre 1992, une cour de l’Alberta s’est prononcée sur une contestation du Parti réformiste du Canada relative à la répartition, en vertu de la Loi électorale du Canada, du temps d’antenne pendant une élection.  Selon la Loi, les radiodiffuseurs doivent mettre un total de six heures et demie à la disposition des partis politiques enregistrés à des fins de publicité politique payante.  Les deux parties ont convenu qu’à certains moments de l’année (notamment en octobre, novembre, avril et mai), la publicité aux heures de grande écoute peut être vendue à l’avance.  Il est arrivé que des radiodiffuseurs empiètent sur le temps publicitaire vendu préalablement afin de se conformer à la Loi électorale du Canada.  Il se pourrait donc que les partis politiques ne puissent pas acheter de temps publicitaire aux heures de grande écoute en plus du temps qui leur est imparti en vertu de la Loi.  En outre, après avoir entendu de longs témoignages de spécialistes, le tribunal a conclu que la télédiffusion de la publicité politique est, selon toute probabilité, la manière la plus efficace d’atteindre les électeurs.

Le tribunal a conclu que l’objet de la Loi – garantir un temps adéquat et une répartition équitable de radiodiffusion aux heures de grande écoute pendant les campagnes électorales fédérales aux partis politiques – était pertinent.  Il a indiqué qu’une telle répartition a toutefois pour effet d’établir une discrimination contre des groupes politiques nouveaux comme le Parti réformiste du Canada et de limiter ainsi leur capacité de s’exprimer librement.

Après une analyse fondée sur l’article premier, la Cour a décidé que l’objet de la Loi était suffisamment pressant et important pour justifier une violation possible de la liberté d’expression.  Elle a en outre indiqué que la réservation du temps de radiodiffusion était proportionnelle à l’objet en question et constitutionnellement valide.

La Cour a fait toutefois quelques réserves quant à la répartition du temps de radiodiffusion.  La répartition est calculée en fonction du pourcentage des sièges d’un parti à la Chambre des communes, ainsi que du pourcentage des votes qu’il a obtenus et du nombre des candidats qu’il a présentés aux dernières élections.  La Cour a mentionné que bien que tous ces facteurs puissent être considérés comme un indicateur fiable de l’intérêt du public, ils sont également de nature rétrospective.  Envisagés hors de leur contexte, ils tendent, selon elle, à limiter le temps de radiodiffusion mis à la disposition des nouveaux partis nationaux.

La Cour a noté que le Parti réformiste du Canada avait indiqué qu’il prévoyait présenter 220 candidats aux prochaines élections fédérales.  Selon la répartition du temps publicitaire en vigueur au moment de l’audience, il n’aurait droit qu’à 10 des 390 minutes prévues pour la publicité radiodiffusée.  Le Parti progressiste conservateur aurait droit à 173 minutes (environ 17 fois plus) et les deux autres partis nationaux à 110 et 71 minutes respectivement.

En conséquence, la Cour a jugé que la nature rétrospective de la formule de répartition était effectivement discriminatoire, qu’elle n’était pas proportionnelle et ne répondait pas à l’objectif visé, soit l’attribution d’un temps d’antenne adéquat aux partis ayant la plus grande audience nationale.  Elle a déclaré la formule de répartition inconstitutionnelle; elle a cependant suggéré que l’effet discriminatoire pourrait être atténué si l’on tenait compte de certains facteurs, comme le nombre de candidats aux élections qui seraient désignés avant une certaine date.  Bien qu’une disposition distincte de la Loi électorale du Canada ait donné à l’arbitre d’Élections Canada en matière de radiodiffusion le loisir de modifier les résultats si la formule de répartition semblait injuste, la cour a jugé que cette disposition était invalide en raison de son imprécision, une fois la formule de répartition annulée.

Le jugement a été porté en appel et, en mars 1995, la Cour d’appel de l’Alberta, dans une décision rendue à une faible majorité de trois contre deux, a autorisé le procureur général du Canada à en appeler de l’élément principal et permis un contre-appel pour ce qui est d’autres articles.

La majorité de la Cour d’appel a souscrit à la décision du tribunal de première instance en ce qui a trait à la formule de répartition du temps de radiodiffusion, mais estimé que le juge avait eu tort de ne pas tenir compte du vaste pouvoir discrétionnaire dont est investi l’arbitre en matière de radiodiffusion afin de pallier toute iniquité ou discrimination qui pourrait découler d’une application stricte de cette formule.  Selon elle, la formule de répartition doit être considérée dans son ensemble, et le pouvoir discrétionnaire de l’arbitre constitue le mécanisme interne permettant de corriger tout effet discriminatoire ou toute iniquité.  À son avis, les dispositions n’ont donc pas pour effet de limiter la liberté d’expression d’un parti politique quelconque; elles ne font que réserver du temps d’antenne qui, autrement, ne serait peut-être pas libre, et prévoir la répartition de ce temps.

Le Parti réformiste avait toutefois interjeté un contre-appel de la décision du juge qui confirmait d’autres articles de la Loi électorale touchant la réglementation du temps de radiodiffusion en période d’élections.  Deux de ces articles avaient pour effet d’empêcher un parti politique enregistré d’acheter du temps d’antenne supplémentaire.  Les radiodiffuseurs qui vendaient du temps supplémentaire à un parti étaient tenus d’offrir aux autres partis une quantité proportionnelle de temps sans frais.  En guise de justification, le procureur général a affirmé que ces dispositions assuraient l’intégrité de la formule de répartition et régissaient les dépenses électorales.  La Cour a jugé que d’autres dispositions de la Loi régissaient déjà l’ensemble de ces dépenses.  Du moment que tous les partis ont accès à du temps de radiodiffusion grâce aux dispositions de répartition, il n’est pas nécessaire d’empiéter sur la liberté des partis en leur dictant la meilleure façon d’effectuer les dépenses autorisées.  La décision de la minorité aurait donné raison au Parti réformiste à tous les égards et aurait de fait abrogé la formule de répartition. 

      2.  Limites aux dépenses faites par des tiers

En 1984, la National Citizens’ Coalition a contesté devant les tribunaux une interdiction de 1983 relative aux dépenses par un tiers.  Le gouvernement a prétendu que cette limite s’imposait dans le cadre législatif de réglementation des dépenses des candidats et des partis et qu’elle empêchait les candidats ayant des partisans fortunés de bénéficier d’un avantage injuste.  La cour a décidé que de telles craintes ne constituaient pas à elles seules des raisons suffisantes pour limiter les droits en vertu de la Charte et que le gouvernement n’avait pas établi de manière adéquate que de telles dispositions étaient nécessaires.  La décision, qui a été rendue quelques mois seulement avant les élections de 1984, n’a pas fait l’objet d’un appel.

Le projet de loi C-114, en vertu duquel la Loi électorale du Canada a été modifiée au printemps 1993, limite de nouveau les frais de publicité directe des tiers à 1 000 $.  Le 25 juin 1993, un juge de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, le même tribunal qui s’était prononcé sur la contestation de 1984, a encore une fois annulé les restrictions imposées à l’égard des dépenses des tierces parties.

En 1996, la Cour d’appel de l’Alberta a confirmé la décision de la juridiction inférieure (Somerville).  La Cour a jugé que cette disposition portait atteinte à trois droits prévus dans la Charte : liberté d’expression, alinéa 2b); liberté d’association, alinéa 2d); et droit de vote, article 3.  Comme il était reconnu que la disposition enfreint la liberté d’expression, il s’agissait essentiellement de déterminer si cette atteinte pouvait être justifiée en vertu de l’article premier de la Charte.  L’article portait atteinte à la liberté d’association parce qu’il empêchait les tiers de mettre leurs fonds en commun pour informer les électeurs; un aspect important de la liberté d’association est la possibilité de mettre des ressources en commun pour poursuivre des objectifs communs, influencer les autres, échanger des idées et favoriser le changement.

En ce qui concerne le « droit de vote » de l’article 3, la Cour d’appel l’a décrit comme étant « au cœur de notre démocratie inscrite dans la constitution » et a conclu qu’il serait très difficile de justifier une atteinte à ce droit.  La Cour a également trouvé qu’il est bien reconnu au Canada que le droit de vote accordé par l’article 3 comporte le droit à une information suffisante, bien que l’étendue de ce droit reste à préciser.  Interdire la publicité par des tiers a pour résultat, selon la Cour, qu’un « vote soi-disant informé se résume à peu près à choisir entre plusieurs candidats lorsque les citoyens sont informés (ou pas) dans la seule mesure où les médias, les partis et les candidats veulent bien les informer ».

La Cour a conclu que les limites imposées aux dépenses par des tiers ont pour but premier :

  • de préserver un système électoral qui accorde une voix privilégiée aux partis politiques et aux candidats officiels de ces partis;
  • de faire en sorte que les groupes d’intérêt ne puissent se faire entendre efficacement.

Il n’y a pas eu d’appel de la décision rendue en 1996 par la Cour d’appel de l’Alberta.  Cependant, dans une décision rendue en 1997 sur la loi régissant les référendums au Québec, la Cour suprême du Canada a indiqué clairement que les restrictions imposées aux tierces parties pouvaient être justifiées en vertu de la Charte des droits et libertés et a précisé qu’elle n’était pas d’accord avec le raisonnement de la Cour d’appel de l’Alberta.

La décision Somerville a également désavoué les dispositions qui interdisent la publicité au cours des 18 premiers jours de la campagne, la veille du vote et le jour du vote.  La Cour a jugé qu’elles portaient atteinte à la liberté d’expression, sans preuve de l’existence d’un objectif qui justifierait une telle atteinte.

Dans la décision rendue en 1998 concernant la loi régissant les référendums au Québec (Libman), la Cour suprême du Canada a conclu que la limitation des dépenses faites par des tiers pouvait être justifiée par la Constitution et a jeté un doute sur la décision Somerville de 1996.

      3.  La publicité faite par des tiers

La question de la publicité faite par des tiers a été décidée dans la nouvelle Loi électorale du Canada, qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2000.  Le plafond général est fixé à 150 000 $ relativement à une élection générale et il est interdit aux tiers de dépenser, au total, plus de 3 000 $ dans une circonscription.  Les tiers doivent être identifiés dans toute publicité électorale.  Une disposition interdit à un tiers de chercher à esquiver les plafonds, notamment en se divisant en plusieurs tiers ou en agissant de concert avec un autre tiers.  En outre, le tiers doit s’enregistrer dès qu’il a engagé des dépenses de publicité électorale de 500 $ et après la délivrance du bref, en présentant la demande en ce sens au directeur général des élections.  Celui-ci l’enregistre si les exigences énoncées dans la Loi sont respectées.  L’enregistrement ne vaut que pour l’élection pour laquelle la demande est faite.  Les exigences englobent la nomination d’un vérificateur, la consignation des contributions et l’autorisation de toutes les dépenses de publicité électorale effectuées pour le compte du tiers.  Après l’élection, le tiers est tenu de présenter un rapport qui indique : la liste des dépenses de publicité électorale; les date et lieu de publication des annonces auxquelles elles se rapportent; des renseignements sur les contributions destinées à la publicité reçues dans les six mois précédant la délivrance du bref et pendant la période électorale; les nom et adresse des donateurs dont la contribution destinée à la publicité dépasse 200 $.  Les renseignements demandés aux tiers sont analogues à ceux requis des partis politiques.

Peu après que la Loi a obtenu la sanction royale, Stephen Harper, à l’époque président de la National Citizens’ Coalition, a poursuivi le procureur général du Canada.  Il souhaitait que les dispositions touchant la publicité faite par des tiers soient déclarées nulles, parce qu’elles violaient ses droits constitutionnels de liberté de parole, de liberté d’association et de vote.  L’affaire a été portée rapidement devant le tribunal.  Le procès, qui a duré neuf jours, s’est terminé le 13 octobre; la décision a été mise en délibéré.  Elle n’avait pas été rendue quand les élections générales ont été déclenchées, le 22 octobre 2000.  M. Harper a donc demandé une injonction interlocutoire pour empêcher le directeur général des élections d’appliquer les dispositions de la Loi restreignant et réglementant la publicité par des tiers.  Le juge a accordé une partie de la mesure demandée, soit la suspension des plafonds des dépenses, mais a autorisé les dispositions, concernant notamment l’enregistrement et la déclaration des contributions, l’interdiction de publicité le jour du scrutin et la mise en commun des contributions.  Il a été interjeté appel devant la Cour d’appel de l’Alberta, qui a maintenu l’injonction, le 23 octobre 2000.  Le 10 novembre 2000, cependant, la Cour suprême du Canada, dans une décision à 8 contre 1, a suspendu l’injonction, en se fondant sur la prépondérance des inconvénients.  Ainsi, les plafonds des dépenses par des tiers demeurent en vigueur, mais ils ne devaient pas être appliqués à la publicité entre le 22 octobre et le 10 novembre 2000.

Le 29 juin 2001, la Cour du banc de la Reine de l’Alberta a statué que les plafonds des dépenses de publicité électorale faite par des tiers fixés par la Loi électorale du Canada violaient l’alinéa 2b) de la Charte des droits et libertés (Harper c. Canada (P.G.)).  Le gouvernement fédéral soutenait que les plafonds étaient raisonnables et équitables, mais le juge Robert Cairns a déterminé que les règles ne pouvaient pas être justifiées par l’article premier de la Charte.  Il a également déterminé que l’article interdisant aux tiers de se diviser ou d’agir de concert pour esquiver les plafonds de dépenses violait l’alinéa 2d) et n’était pas justifié par l’article premier.

Le juge a toutefois convenu avec le gouvernement que l’interdiction de faire de la publicité électorale au cours des 20 heures précédant la fermeture des bureaux de scrutin le jour de l’élection était raisonnable et pouvait bel et bien être justifiée par l’article premier.  Il a également déterminé que les autres articles contestés de la Loi ne violaient pas la Charte, y compris ceux qui obligent les tiers à mentionner leur nom dans leur publicité électorale et à s’enregistrer auprès du Directeur général des élections lorsqu’ils dépensent plus de 500 $.  Par conséquent, le juge Cairns n’a pas invalidé les contrôles réglementaires en matière de déclaration des coûts et des détails de la publicité faite par des tiers.

Peu après le jugement, M. Harper a déclaré qu’il interjetterait appel au sujet des articles contestés de la Loi électorale du Canada que le juge Cairns n’avait pas invalidés.  Il a par la suite quitté la présidence de la National Citizen’s Coalition pour présenter sa candidature à la direction de l’Alliance canadienne, qu’il a remportée, et s’est fait élire comme député fédéral.  À ce jour, aucun appel n’a été interjeté par lui ou en son nom.  En octobre 2001, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il portait en appel les décisions du juge Cairns concernant le plafonnement des dépenses de publicité faite par des tiers.  La Cour d’appel de l’Alberta a été saisie de l’affaire.

Le 29 novembre 2001, Élections Canada a confirmé que la National Citizens’ Coalition à Toronto était accusée d’avoir violé la Loi électorale du Canada pendant la campagne électorale fédérale de 2000.  Elle était accusée d’avoir enfreint la Loi en négligeant de s’enregistrer après avoir engagé des dépenses de publicité électorale de 500 $.  Gerry Nicholls, un vice-président de la Coalition, a déclaré que la publicité en question n’était pas une publicité électorale puisqu’elle « demandait simplement aux Canadiens d’appuyer la contestation judiciaire menée par la Coalition contre la loi du bâillon ».

      4.  Publication de dernière heure de résultats de sondages

En mai 1995, la Cour de justice de l’Ontario s’est prononcée sur la constitutionnalité d’interdire la publication de sondages durant la fin de semaine précédant une élection (Thomson Newspapers).  Le juge Somers, dans un long jugement motivé, a émaillé son processus décisionnel d’observations utiles.  Par exemple, il a fait remarquer qu’il faut retenir raisonnablement que la loi s’applique seulement aux nouveaux sondages, et non à ceux qui ont déjà été discutés publiquement.

Toutes les parties ont convenu que la disposition contrevenait à l’article de la Charte qui garantit la liberté d’expression.  La question de savoir si elle portait aussi atteinte au droit de vote garanti par l’article 3 a toutefois été plus difficile à trancher.  Tout en acceptant que le droit de vote doit être interprété dans le sens large d’un vote dans une élection multipartite véritablement libre, le juge Somers a conclu que dans le contexte général d’une campagne électorale, le fait d’interdire la publication de sondages de dernière heure ne dérogeait pas au droit de vote garanti par l’article 3.

Le juge Somers a ensuite analysé la question en fonction de l’article premier, à savoir si l’interdiction pouvait être justifiée dans une société libre et démocratique.  Il s’agissait en premier lieu de déterminer si la loi vise des considérations urgentes et réelles dans une société libre et démocratique.  De l’avis de la Cour, l’importance donnée par le public à l’effet des sondages sur le processus électoral montrait qu’il y avait là matière suffisante.

Le critère suivant portait sur l’existence d’un lien rationnel entre les mesures législatives et la correction à apporter.  Le tribunal a jugé que pareil lien existe, étant donné que les sondages de dernière heure peuvent influencer le public, sans qu’il soit possible d’y opposer une réponse ou une contestation.  Quant à la question de l’atteinte minimale, c’est-à-dire de savoir si l’objectif aurait pu être atteint en respectant davantage les droits garantis par la Charte, le tribunal a estimé que les autres mesures proposées, par exemple l’interdiction de faux sondages ou l’obligation de publier la méthodologie utilisée, n’auraient pas été efficaces.

Enfin, le tribunal a noté que le Parlement avait eu la difficile tâche d’évaluer des études sociales douteuses tout en pesant les intérêts de plusieurs groupes :

  • l’intérêt du public, qui a le droit d’obtenir le plus d’informations électorales possibles, d’être protégé contre des informations trompeuses et de débattre la validité des informations reçues;
  • l’intérêt des médias, qui ont le droit de couvrir l’élection comme ils l’entendent et de pouvoir offrir à leur public un produit intéressant et vendable;
  • l’intérêt des partis et des candidats, qui doivent avoir le temps de répondre à des informations éventuellement fallacieuses.

Le juge Somers, confirmant la constitutionnalité de la disposition interdisant les sondages de dernière heure, a cité, en terminant, le jugement de la Cour suprême du Canada rendu dans une affaire semblable : « Si l’assemblée législative a procédé à une évaluation raisonnable pour savoir où établir la meilleure distinction possible, surtout s’il lui a fallu pour cela peser des preuves scientifiques contradictoires et consacrer des ressources limitées à ce titre, il n’appartient pas au tribunal de reconsidérer la question.  Cela consisterait à remplacer une estimation par une autre. »

En 1996, la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté un appel de cette décision, en adoptant en gros le raisonnement du juge Somers.  Malgré l’absence de preuves concrètes de l’étendue ou de la nature de l’impact des sondages d’opinion, la Cour d’appel a jugé qu’il existait une préoccupation réelle au sujet de leur capacité d’induire en erreur s’ils ne sont pas accompagnés d’indications méthodologiques ou si le temps manque pour y répondre adéquatement.  Si, selon elle, le droit de vote comporte le droit d’être informé afin de voter de façon rationnelle et éclairée, la cour a tout de même décidé que le droit à un vote informé n’implique pas que la production d’un instantané des intentions des électeurs à un moment donné soit un droit constitutionnel au cours des trois derniers jours d’une campagne électorale.

La Cour d’appel a également élargi l’application de la décision du juge Somers en jugeant que l’interdiction s’applique aux « sondages hamburgers » (c.-à-d. les sondages fondés sur le postulat que la vente de certains produits – comme les hamburgers – peut être une indication de l’opinion des électeurs) et aux sondages déjà parus avant les trois derniers jours de la campagne.  La Cour d’appel a pris note de la décision de la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire Somerville.  Mais comme il était surtout question dans cette affaire de communications directes avec les électeurs, la Cour a jugé qu’il s’agissait d’interdictions beaucoup plus fortes que les limitées imposées au droit d’être renseigné sur l’opinion des autres.

L’affaire a été portée en appel devant la Cour suprême du Canada qui, en mai 1998, a annulé l’interdiction de la publication de sondages d’opinion pendant les 72 dernières heures d’une campagne électorale (Thomson Newspapers).  Dans une décision de cinq voix contre trois, la Cour a déclaré que cette interdiction constituait une ingérence très grave dans la liberté d’expression conférée aux Canadiens par la Charte.  Le juge Michel Bastarache a déclaré que l’embargo équivalait à une interdiction complète d’information politique à un moment critique du processus électoral et portait atteinte à la fois aux droits des électeurs de disposer des renseignements le plus à jour possible et aux droits des médias et des sondeurs de leur fournir cette information.  Il a également déclaré que c’était faire preuve de condescendance que de croire que les électeurs seraient incapables d’évaluer le poids à accorder aux sondages.  Il a ajouté que même s’il est possible que des sondages soient inexacts, il faut présumer que les électeurs ont un certain degré de maturité et d’intelligence.  À son avis, des mesures moins importunes pourraient être mises en place, comme l’obligation, pour le sondeur, de divulguer la méthodologie utilisée.  Le juge a également soutenu que l’embargo affectait la perception de liberté et de validité de leur vote.  Il n’existe pas, selon lui, de preuve que l’absence d’embargo puisse causer un tort important aux électeurs canadiens ni que ceux‑ci soient un groupe vulnérable aux manipulations des sondeurs ou des médias.  Les trois juges dissidents – tous du Québec – ont soutenu, cependant, que l’interdiction était une mesure modeste visant à protéger les électeurs contre la désinformation et ils ont déploré l’influence exercée par les sondages dans les campagnes électorales modernes.

Dans la nouvelle Loi électorale du Canada, entrée en vigueur le 1er septembre 2000, l’article 328 interdit de diffuser les résultats d’un nouveau sondage électoral le jour du scrutin.  À l’origine, le projet de loi prévoyait une interdiction de publicité et de sondage de 48 heures, mais une motion d’amendement du gouvernement durant l’étude du projet de loi à la Chambre des communes a réduit la période au jour du vote, avant la fermeture de tous les bureaux de scrutin.  Cette modification a suscité nombre de critiques de la part des médias et d’autres sources.  La nouvelle disposition vise en outre à interdire le sondage des votants à l’entrée et à la sortie des bureaux de scrutin.

      5.  L’enregistrement des partis politiques

Une autre question qui a été soumise aux tribunaux ces dernières années est celle de l’enregistrement des partis politiques conformément à la Loi électorale du Canada. Pour avoir droit à l’enregistrement, un parti doit répondre à certains critères.  Par la suite, il doit respecter diverses exigences permanentes.  L’enregistrement donne des avantages, notamment ceux de pouvoir :

  • délivrer des reçus fiscaux pour les contributions;
  • obtenir remboursement de certaines dépenses électorales;
  • faire indiquer sur le bulletin de vote à quel parti appartiennent les candidats;
  • obtenir du temps d’antenne à la radio et à la télévision.

Les modifications apportées à la Loi en 1993 ont entraîné la radiation de plusieurs partis politiques.  Les dispositions en question ont été contestées devant les tribunaux par Miguel Figueroa, chef du Parti communiste du Canada, parti qui avait été radié.  M. Figueroa voulait faire déclarer nulles plusieurs dispositions, soutenant qu’elles enfreignaient la Charte.

En mars 1999, la juge Molloy de la Cour de l’Ontario a tranché que l’exigence qu’un parti doive nommer au moins 50 candidats pour pouvoir être un parti enregistré aux élections fédérales violait l’article 3 de la Charte et que l’atteinte qui en résultait ne pouvait être justifiée par l’application de l’article premier.  Elle a ordonné que les dispositions pertinentes soient modifiées en remplaçant « cinquante » par « deux ».  Vu cette décision, il n’était pas nécessaire d’aborder la question de la mention de l’appartenance politique des candidats sur les bulletins, mais la juge l’a fait.  Elle a conclu que le fait d’interdire cette mention aux candidats n’appartenant pas à un parti enregistré enfreignait l’article 3 et ne pouvait être justifié en vertu de l’article premier.  Les conséquences de la radiation d’un parti – liquidation de tous les biens, remboursement des dettes et versement de tout solde au gouvernement – ont été jugées contraires aux articles 2 et 3 de la Charte.

La juge Molloy a en outre prononcé inconstitutionnel l’article exigeant que les candidats présentent un cautionnement de 1 000 $, dont 500 $ seraient remboursables si le candidat respecte les conditions de présentation de rapport après l’élection et 500 $, s’il obtient au moins 15 p. 100 des votes, article considéré comme une limitation au droit de se présenter aux élections.  La Cour a décidé que la disposition ne pouvait être justifiée et qu’il convenait de maintenir l’exigence du cautionnement, mais de prévoir que toute la somme serait remboursée une fois satisfaite l’exigence de rapport.  Cet aspect du jugement n’a pas fait l’objet d’un appel.  En fait, la Loi électorale du Canada a été modifiée en ce sens.

Le procureur général a appelé des conclusions concernant le nombre de candidats et l’identification de leur parti sur le bulletin de vote.  Le juge Doherty, rédigeant les motifs d’une décision unanime, a affirmé que l’objet du droit de se porter candidat aux élections prévu à l’article 3 de la Charte était d’assurer une représentation effective.  Les partis politiques améliorent la représentation effective en structurant le choix offert aux électeurs, en fournissant un moyen à la population de s’engager dans la politique et en donnant aux électeurs l’occasion de participer au choix du gouvernement du pays.  Ces rôles exigent une participation importante au processus électoral.  Cette participation est donc proprement une condition préalable qu’un parti doit respecter pour pouvoir profiter des avantages offerts aux partis politiques enregistrés, et le nombre de candidats est un moyen légitime de mesurer cette participation.  Les personnes raisonnables peuvent ne pas s’entendre sur le nombre exact, mais l’exigence des 50 candidats est raisonnable.  La Cour a aussi rejeté l’argument avancé par M. Figueroa que l’exigence des 50 candidats enfreint l’article 15 et l’alinéa 2d) de la Charte.

      6.  La mention de l’appartenance politique sur le bulletin

La Cour, dans l’affaire Figueroa, a en outre tranché que les dispositions de la Loi qui prévoient que seuls les partis enregistrés ont le droit d’indiquer l’appartenance politique de leurs candidats sur les bulletins portent atteinte au droit de vote prévu à l’article 3 de la Charte et que cette atteinte ne se justifie pas en vertu de l’article premier.  Le droit de vote comporte un élément d’information, et la mention de l’appartenance politique sur les bulletins est une information importante pour les votants.  Ces dispositions de la Loi visent à éviter de déconcerter ou d’induire en erreur les électeurs, mais ce n’est pas parce qu’un parti présente 49 candidats ou moins que la mention de l’appartenance au parti sur les bulletins dérouterait les électeurs.  En fait, pour les petits partis, cette mention peut être le seul renseignement dont disposent les votants au sujet de leurs candidats.  Ces dispositions ont donc été déclarées nulles, mais la décision a été suspendue durant six mois pour donner au Parlement suffisamment de temps pour modifier la Loi.

En réponse au jugement, le gouvernement a déposé le projet de loi C-9 : Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.  Le projet de loi a reçu la sanction royale le 14 juin 2001.  Il avait pour objet principal d’intégrer la décision de la Cour d’appel de l’Ontario au sujet de la mention de l’appartenance politique des candidats sur le bulletin de vote.

Conformément au jugement de la Cour d’appel de l’Ontario, le projet de loi C-9 prévoit un moyen d’indiquer l’appartenance politique des candidats qui ne sont pas membres de partis enregistrés.  Il introduit le nouveau concept de « parti politique » à l’égard d’un groupe ou d’une entité qui présente au moins 12 candidats en le distinguant toutefois d’un « parti enregistré », d’un « parti admissible » et d’un « parti suspendu ».  La Loi continue de faire de l’enregistrement d’un parti la condition du droit aux autres avantages accordés aux partis.  Le projet de loi permet aux « partis politiques » de mentionner sur le bulletin de vote l’appartenance des candidats qu’ils appuient.  En d’autres termes, un groupe ou un parti politique peut présenter des candidats aux élections et faire indiquer leur appartenance sur le bulletin de vote, pourvu qu’il présente un candidat dans au moins 12 circonscriptions.  Dans le cas d’une élection partielle, seuls les partis qui ont présenté au moins 12 candidats aux élections générales précédentes ont droit de faire indiquer l’appartenance de leur candidat sur le bulletin de vote.  Le chiffre 12 a été retenu parce que c’est le nombre de sièges que doivent remporter les partis pour être reconnus à la Chambre.

   F.  Articles 4 et 5

Les articles 4 et 5 de la Charte prescrivent ceci :

4.(1) Le mandat maximal de la Chambre des communes et des assemblées législatives est de cinq ans à compter de la date fixée pour le retour des brefs relatifs aux élections générales correspondantes.

(2) Le mandat de la Chambre des communes ou celui d’une assemblée législative peut être prolongé respectivement par le Parlement ou par la législature en question au-delà de cinq ans en cas de guerre, d’invasion ou d’insurrection, réelles ou appréhendées, pourvu que cette prolongation ne fasse pas l’objet d’une opposition exprimée par les voix de plus du tiers des députés de la Chambre des communes ou de l’assemblée législative.

5.  Le Parlement et les législatures tiennent une séance au moins une fois tous les douze mois.

La Loi constitutionnelle de 1867 contenait des dispositions analogues concernant le Parlement, et ces dispositions n’ont pas suscité de controverse.  On s’est demandé combien de temps un gouvernement pourrait continuer de fonctionner après l’expiration de la durée normale de cinq ans du Parlement, mais le débat est purement théorique.

MESURES PARLEMENTAIRES

La Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis a été créée en novembre 1989.  Le 13 février 1992, elle a déposé un rapport en quatre volumes intitulé Pour une démocratie électorale renouvelée, lequel renferme plusieurs propositions de loi.  La Commission en est arrivée à la conclusion que le système électoral devrait viser six grands objectifs :

  • garantir l’exercice du droit de vote;
  • faciliter l’accès à la députation;
  • assurer l’égalité et l’efficacité du vote;
  • affermir la primauté des partis dans le système politique canadien;
  • assurer le caractère juste et équitable du processus électoral;
  • renforcer la confiance du public dans l’intégrité du processus électoral.

Le 14 février 1992, la Chambre des communes a chargé un comité spécial de huit membres de procéder à un examen détaillé de ce rapport et de lui recommander des modifications à la Loi électorale du Canada.  Étant donné l’ampleur de la tâche, ce comité, le Comité spécial sur la réforme électorale, a décidé de diviser son travail en étapes.

La première allait porter sur les modifications, surtout de nature administrative, pour l’application desquelles le Directeur général des élections allait devoir disposer du plus long délai possible avant les prochaines élections générales.  Le 11 décembre 1992, le Comité a présenté son rapport sur cette étape; le document comprenait un avant-projet de loi pour donner suite à ses recommandations.  Plus tard, le gouvernement s’en est inspiré pour présenter le projet de loi C‑114, qui a reçu la sanction royale le 6 mai 1993.  Cette mesure porte surtout sur :

  • les activités qu’Élections Canada le jour du scrutin et avant;
  • des modifications qui faciliteront l’inscription des électeurs sur les listes électorales;
  • des modifications visant à permettre à un plus grand nombre de personnes de voter.

Au cours de la deuxième étape de ses travaux, le Comité a examiné d’autres mesures qui, selon lui, devaient également entrer en vigueur avant les prochaines élections, et que le Directeur général des élections pourrait appliquer rapidement.  Ces mesures visaient notamment la radio-télédiffusion, la communication des résultats de sondages d’opinion, la publicité par des tiers, la décriminalisation de certaines infractions électorales et le financement des élections.  Le Comité a aussi examiné divers moyens d’aider dans leur campagne les candidats et candidates handicapés ou ayant de jeunes enfants à leur charge.  Le Comité a déposé son rapport sur la deuxième étape, mais la législature a été prorogée avant qu’il ne puisse y être donné suite.

Le Comité voulait consacrer la troisième étape de son étude à l’examen de toutes les autres recommandations faites par la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis.  Cette étape aurait inclus :

  • la répartition des sièges entre les provinces;
  • la délimitation des circonscriptions électorales;
  • les mesures propres à accroître le nombre de femmes qui se présentent comme candidates;
  • la création de circonscriptions autochtones;
  • la question de l’établissement d’une Commission électorale du Canada dont les membres seraient nommés par la Chambre des communes ou d’un organisme comparable.

En mars 1994, le gouvernement a déposé le projet de loi C-18 : Loi suspendant l’application de la Loi sur la révision des circonscriptions électorales.  Cette mesure aurait eu pour effet de dissoudre les 11 commissions de délimitation des circonscriptions électorales qui étaient en train de réviser les limites des circonscriptions à partir des données du recensement fédéral de 1991.  Même si le gouvernement a fait valoir que cette mesure visait à améliorer le système de redistribution et de révision, plusieurs députés et sénateurs de l’opposition ont soutenu qu’elle constituait une intervention injustifiée et sans précédent dans le processus décennal de révision des circonscriptions électorales prévu à l’article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867.  Les intéressés étaient particulièrement préoccupés par le fait qu’en raison du projet de loi C-18, les prochaines élections risquaient de se tenir en fonction d’une carte électorale établie à partir des données du recensement de 1981.  Un tel scénario aurait pour effet de priver les provinces qui connaissent une croissance rapide d’un certain nombre de sièges auxquels elles ont droit.

Depuis, divers amendements au projet de loi C-18 proposés par le Sénat ont abouti à un compromis en vertu duquel les commissions de délimitation des circonscriptions électorales ont été suspendues jusqu’au 22 juin 1995, au lieu d’être dissoutes.  Le projet de loi C-18 (dans sa forme modifiée) a reçu la sanction royale le 15 juin 1994.  Par ailleurs, le 19 avril 1994, la Chambre des communes a ordonné au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre de rédiger un projet de loi sur le mode de révision des limites des circonscriptions électorales.

Le Comité devait traiter de quatre sujets précis :

  • le plafonnement ou la réduction du nombre des députés à la Chambre des communes;
  • la pertinence du mode de sélection des membres des commissions de délimitation des circonscriptions électorales;
  • les règles et procédures régissant le travail de ces commissions;
  • la participation du public et de la Chambre aux travaux des commissions.

Le Comité a déposé son rapport le 25 novembre 1994, lequel contenait un projet de loi, ainsi qu’une opinion dissidente sur certaines questions émanant des membres du Comité appartenant au Parti réformiste.  Le Comité a conclu, à regret, qu’il était impossible pour le moment de plafonner ou de réduire la représentation à la Chambre des communes.  Le Comité a cependant recommandé qu’un comité parlementaire soit chargé d’élaborer une nouvelle formule en vue de réduire ou de plafonner le nombre des députés à la Chambre d’ici la prochaine révision, qui reposera sur le recensement décennal de 2001.  On aurait ainsi le temps de débattre de questions complexes comme l’éventualité d’une révision constitutionnelle et des nombreuses répercussions politiques de l’adoption d’une nouvelle formule.

À la mi-février 1995, le gouvernement a déposé le projet de loi C-69, qui se fonde sur le texte de loi rédigé par le Comité.  Ce projet de loi propose un nombre appréciable de réformes du système de découpage électoral.

  • Le président de chaque commission de délimitation des circonscriptions électorales continuerait d’être nommé par le juge en chef de la province et les deux autres membres par le Président de la Chambre des communes.  Cependant, le Président annoncerait la mise en nomination, lancerait un appel de candidatures et tiendrait de vastes consultations, ce qui rendrait le processus plus transparent.  La Chambre des communes pourrait s’opposer aux deux nominations faites par le Président.
  • Afin de réduire au maximum les effets des mouvements de population, il y aurait redistribution des sièges à l’intérieur des provinces après chaque recensement quinquennal.  Ce processus ne modifierait en rien les dispositions constitutionnelles concernant la redistribution des sièges entre les provinces tous les dix ans (2001, 2011 et ainsi de suite) et n’aurait lieu que dans les provinces où plus de 10 p. 100 des circonscriptions s’écartent de plus de 25 p. 100 du quotient électoral.   À l’inverse, même une redistribution tous les dix ans ne serait pas nécessaire dans les provinces où le nombre total de circonscriptions fédérales n’a pas changé et où toutes les circonscriptions existantes affichent une population en deçà de 25 p. 100 du quotient provincial.
  • Les commissions seraient tenues de mieux informer – et plus tôt – la population sur le processus de révision.  Pour aider le public intéressé, chaque commission devrait produire trois séries de dessins et de cartes illustrant des régimes différents de révision, tout en indiquant et justifiant sa préférence.
  • Le projet de loi C-69 établit des critères plus détaillés qu’utiliseraient les commissions pour dessiner les cartes électorales, notamment la communauté d’intérêts (définie plus clairement), l’étendue raisonnable des circonscriptions et la probabilité d’augmentation de la population.
  • Toutes les circonscriptions devraient être en deçà de 25 p. 100 du quotient provincial sauf en des circonstances « extraordinaires » comme c’est le cas actuellement.  Il faudrait cependant que ces circonscriptions soient éloignées géographiquement du reste de la province, ou difficiles d’accès, et la commission devrait dans ce cas justifier par écrit leur création.
  • Si, après l’audience publique, une commission propose des modifications qui concernant plus de 25 p. 100 de la population totale, une deuxième audience publique devrait être tenue.
  • Enfin, la disposition actuelle portant que les propositions des commissions doivent être déposées à la Chambre des communes en vue d’y être étudiées en comité serait supprimée, car on estime qu’il incombe aux députés de participer aux audiences publiques comme tous les autres Canadiens.

(Pour plus d’information sur le projet de loi C-69, voir le résumé législatif LS‑216F, Projet de loi C‑69 : Loi sur la révision des limites des circonscriptions, produit par la Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement, Ottawa.)

Le Sénat, suivant les recommandations du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, a proposé sept amendements au projet de loi C-69, dont le plus important ramènerait de 25 à 15 p. 100 l’écart maximum par rapport au quotient provincial.  Cette modification correspond aux recommandations de la commission Lortie et à la position du Parti réformiste à la Chambre des communes, bien que la Cour suprême du Canada ait bien précisé que l’écart maximum de 25 p. 100 est constitutionnel.

La Chambre des communes a accepté une révision de forme relativement mineure, mais rejeté les autres amendements du Sénat le 20 juin 1995.  Le 22 juin, la suspension du processus de révision a pris fin, et le Directeur général des élections a envoyé les rapports de la commission de délimitation des circonscriptions électorales pour les dix provinces et les Territoires du Nord-Ouest au Président, qui les a déposés à la Chambre.  Le 8 janvier 1996, le gouverneur général, par suite d’un décret en conseil, a proclamé l’entrée en vigueur, à la prochaine dissolution du Parlement survenant au moins un an après cette proclamation, du projet d’ordonnance de représentation concernant les limites électorales.  Le projet de loi C-69 est toutefois mort au Feuilleton avec la prorogation du Parlement le 2 février 1996.

En octobre 1996, le Parlement a adopté le projet de loi d’initiative parlementaire C-243, qui impose des conditions plus sévères pour le remboursement aux partis politiques inscrits d’un certain pourcentage des dépenses engagées pour la campagne électorale; en vertu du projet de loi, pour être admissible au remboursement, un parti doit obtenir 2 p. 100 des suffrages exprimés lors d’une élection ou 5 p. 100 des voix exprimées dans les circonscriptions dans lesquelles le parti a présenté des candidats.  (Voir le résumé législatif LS-242F, Projet de loi C423 : Loi modifiant la Loi électorale du Canada (remboursement des dépenses d’élection), produit par la Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement, Ottawa.)

Le Parlement a adopté le projet de loi C-63 en décembre 1996.  Ce projet de loi, qui modifie la Loi électorale du Canada, prévoit la création d’une liste ou d’un registre permanent et automatisé des électeurs en vue des élections fédérales, des élections complémentaires et des référendums, ce qui élimine la nécessité de passer de porte à porte pour procéder au recensement.  Ce changement permet ainsi de ramener la période électorale minimale de 47 à 36 jours.  De plus, le projet de loi modifie les heures de vote partout au pays, en les décalant dans chacun des six fuseaux horaires, afin que les résultats soient connus à peu près au même moment dans toutes les régions.  (Voir le résumé législatif LS-275F, Projet de loi C‑63 : Loi modifiant la Loi électorale du Canada, la Loi sur le Parlement du Canada et la Loi référendaire (Liste électorale permanente), produit par la Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement, Ottawa.)

Au début de la 36e législature, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes a entrepris un examen approfondi du système électoral canadien et de la Loi électorale du Canada.  Dans le rapport qu’il a déposé à la Chambre en juin 1998, il a examiné la plupart des recommandations faites par :

  • la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis dans son rapport de 1989;
  • le Comité spécial sur la réforme électorale de la Chambre des communes en 1992‑1993;
  • le Directeur général des élections dans ses rapports de 1996 et de 1997;
  • divers partis politiques, parlementaires et autres témoins. 

Le rapport du Comité devait servir de base aux futures modifications législatives à apporter par le gouvernement.

Le 7 juin 1999, le gouvernement a déposé le projet de loi C-83, qui remplacerait la Loi électorale du Canada.  Le projet, renommé C-2, a été présenté à nouveau au début de la deuxième session de la 36e législature, le 14 octobre 1999 (Voir le résumé législatif LS-343F, Projet de loi C-2 : Loi électorale du Canada, produit par la Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement, Ottawa).  L’intention était de moderniser la Loi et de résoudre des problèmes administratifs survenus depuis l’adoption de celle-ci, près de 30 ans plus tôt.  Il s’agissait aussi de tenir compte des arrêts des tribunaux relatifs aux dépenses des tiers et aux périodes d’interdiction de publicité et de publication de sondages.  Le projet de loi a obtenu la sanction royale le 31 mai 2000, et la Loi est entrée en vigueur le 1er septembre 2000.

Le 15 février 2001, le gouvernement a déposé le projet de loi C-9 : Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.  Le projet de loi visait à intégrer la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Figueroa c. Canada (Procureur général) concernant la mention de l’appartenance politique des candidats sur le bulletin de vote.  Il prévoyait également un certain nombre de modifications techniques et administratives et corrigeait certaines erreurs rédactionnelles dans la nouvelle Loi électorale du Canada adoptée en 2000.  Il a reçu la sanction royale le 14 juin 2001.

 CHRONOLOGIE

février 1981 ‑ Le Comité spécial de la Chambre des communes chargé des invalides et des handicapés fait plusieurs recommandations en ce qui a trait aux électeurs handicapés.

17 avril 1982 ‑ La Charte canadienne des droits et libertés entre en vigueur.

17 août 1983 ‑ La Cour suprême de la Colombie‑Britannique soutient que le fait de voter dans un pénitencier ne constitue pas une négation du droit de vote et que l’on peut en démontrer la justification dans une démocratie (Jolivet).

25 mai 1984 ‑ La Cour d’appel de la Colombie‑Britannique déclare qu’une personne qui a obtenu une libération conditionnelle ne devrait pas se voir refuser le droit de vote (Reynolds).

31 août 1984 ‑ La section d’appel de la Cour fédéral affirme qu’un procès en bonne et due forme est requis pour établir si l’on peut démontrer que le refus du droit de vote aux détenus est justifié et elle refuse d’accorder une injonction interlocutoire obligatoire qui permettrait au détenu requérant de voter.

4 septembre 1984 ‑ Première élection fédérale après l’entrée en vigueur de l’article 3.

octobre 1985 ‑ Le Sous-comité sur les droits à l’égalité du Comité permanent de la justice et des questions juridiques recommande dans son rapport, Égalité pour tous, que les personnes ayant une déficience mentale aient le même droit à être inscrits sur les listes électorales et à voter que tous les autres Canadiens.

10 juin 1986 ‑ La Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse en vient à la conclusion que la Nova Scotia Civil Service Act refuse inutilement à un fonctionnaire le droit de se porter candidat (Fraser).

5 janvier 1987 ‑ La Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse en vient à la conclusion que l’assemblée législative ne peut imposer de restrictions non raisonnables au droit d’une personne à se porter candidate à une élection (MacLean).

7 novembre 1988 ‑ Un juge de la Cour supérieure de l’Ontario déclare que le fait de priver un détenu du droit de voter à une élection fédérale est justifié en vertu de l’article premier, en raison de l’évolution historique et des conséquences du droit de vote, ainsi que des pratiques en vigueur dans d’autres sociétés libres et démocratiques (Sauvé).

18 novembre 1988 ‑ La Cour d’appel du Manitoba affirme que le fait de priver les détenus du droit de voter à une élection fédérale est justifié en vertu de l’article premier (Badger).

28 novembre 1988 ‑ Deuxième élection fédérale sous l’empire de la Charte.

1988 ‑ Un juge de la Cour supérieure de l’Ontario déclare que le fait de priver les détenus du droit de voter à une élection provinciale ne peut être justifié, en partie à cause des possibilités de réadaptation que comporte l’exercice du vote (Grondin).

Un juge de la Cour fédérale maintient que les dispositions visant à priver du droit de vote certaines personnes atteintes d’une maladie mentale ont une portée trop vaste pour être justifiées en vertu de l’article premier (Conseil canadien des droits des personnes handicapées).

18 avril 1989 ‑ La Cour suprême de la Colombie‑Britannique soutient que la notion du pouvoir de vote relativement égal est fondamentale au droit de vote et que les limites des circonscriptions électorales doivent en tenir compte (Dixon).

15 novembre 1989 ‑ Le gouvernement annonce la création d’une Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, présidée par M. Pierre Lortie et formée de cinq personnes.

6 mars 1991 ‑ La Cour d’appel de la Saskatchewan décide que la variation du nombre d’électeurs dans les diverses circonscriptions, tout comme la distinction établie dans la Loi sur la Commission de délimitation des circonscriptions électorales entre les circonscriptions urbaines et rurales, déroge à l’article 3 de la Charte.

6 juin 1991 ‑ La Cour suprême du Canada renverse la décision de la Cour d’appel de la Saskatchewan et déclare valides les limites des circonscriptions électorales de la Saskatchewan.

1991- La Cour suprême du Canada déclare inconstitutionnelle la disposition législative interdisant toute activité politique aux fonctionnaires (Osborne).

13 février 1992 ‑ La Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis dépose son rapport à la Chambre des communes.

14 février 1992 ‑ La Chambre des communes charge un comité spécial de huit membres de procéder à un examen détaillé du rapport de la Commission royale.

11 décembre 1992 - Le Comité spécial sur la réforme électorale présente son rapport sur la « première étape ».

6 mai 1993 - Le projet de loi C-114, qui modifie la Loi électorale du Canada, reçoit la sanction royale.

19 avril 1994 - La Chambre des communes adopte une motion ordonnant au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre d’étudier la question de la révision des limites des circonscriptions électorales et de rédiger un projet de loi à ce sujet.  Le 51e rapport du Comité renferme le projet de loi demandé et il est adopté par la Chambre le 14 février 1995.

16 février 1995 - Le projet de loi C-69 : Loi sur la révision des limites des circonscriptions, est déposé et adopté en première lecture à la Chambre des communes.  Il s’agit essentiellement du projet de loi présenté dans le rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.   Adopté par la Chambre, il fait l’objet d’amendements au Sénat; la Chambre n’est pas disposée à accepter la majorité de ces amendements et le projet de loi meurt au Feuilleton à la prorogation du Parlement le 2 février 1996. 

2 février 1996 - Le projet de loi C-69 meurt au Feuilleton à la prorogation du Parlement.

octobre 1996 - Le Parlement adopte le projet de loi C-243.

18 décembre 1996 - Le projet de loi C-63, qui prévoit la création d’un registre permanent d’électeurs et établit de nouvelles heures de vote, reçoit la sanction royale.

juin 1998 - Le projet de loi C-411, qui apporte un certain nombre de modifications de forme à la Loi électorale du Canada, reçoit la sanction royale.

1998 - Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes dépose son 35e rapport, qui renferme des recommandations de modifications législatives à apporter à la Loi électorale du Canada.

7 juin 1999 - Le projetde loi C-83, nouvelle Loi électorale du Canada, est déposé en Chambre et franchit l’étape de la première lecture.  Il meurt au Feuilleton quand la première session de la 36e législature est prorogée.

14 octobre 1999 - Le projetde loi C-2, nouvelle Loi électorale du Canada, est déposé à la Chambre et franchit l’étape de la première lecture.  Il est presque identique au projet de loi C-83 de la session antérieure.

31 mai 2000 - Le projetde loi C-2 reçoit la sanction royale.

1er septembre 2000 - Le directeur général des élections promulgue la nouvelle Loi électorale du Canada.

14 juin 2001 - Le projet de loi C-9 reçoit la sanction royale.  Il constitue en partie la réponse à l’arrêt Figueroa

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Bibliothèque du Parlement.  Élections au Canada, Bibliographie no 178.

Boyer, J. Patrick.

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  • Election Law in Canada:  The Law and Procedure of Federal, Provincial and Territorial Elections, Toronto, Butterworths, 1987.

Hogg, Peter W.  Constitutional Law of Canada.  2e éd. Toronto, Carswell, 1985.

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Badger c. Canada (Procureur général) (1988), 55 D.L.R. (4th) 177 (C.A. Man.), appel devant la C.S.C. rejeté, 57 D.R.L., (4th) viii.

Barrette c. Procureur général du Canada (1994), 13 D.L.R. (4th) 623, (C.A. Qc).

Belczowski c. Canada (1991), 90 D.L.R. (4th) 330 (C.F. 1re inst.), confirmé par la Section d’appel de la Cour fédérale, 90 D.R.L. (4th) 330; confirmé par la Cour suprême du Canada, [1993] 2 R.C.S. 438.

Conseil canadien des droits des personnes handicapées c. Canada (1988), 21 F.T.R. 268 (C.F. 1re inst.).

Craig c. Nouveau-Brunswick (1992), 128 N.B.R. (2d) 344 (B.R.).

Dixon c. Colombie‑Britannique (Procureur général) (1989), 59 D.L.R. (4th) 247 (C.S. C.-B.).

Figueroa c. Canada (Procureur général) (2000) 189 D.L.R. (4th) 577; renversant (1999), 170 D.L.R. (4th) 647.

Grondin c. Ontario (Procureur général) (1988), 65 O.R. (2d) 427 (H.C.J.).

Haig c. Canada (1993), 105 D.L.R. (4th) 577 (C.S.C.) (1996).

Harper c. Procureur général du Canada [2001] Atla. D. 300.30.00.00-01; C.R.D. 27.30.00-02.

Harvey c. Nouveau-Brunswick (Procureur général) (1996), 137 D.L.R. (4th) 142 (C.S.C.).

Jones c. Ontario (Procureur général); Rhéaume c. Ontario (Procureur général) (1992), 89 D.R.L. (4th) 11 (C.A. Ont.).

Jonson c. Ponoka # 3 (County) (1988), 88 A.R. 31 (B.R. Alb.).

Lavigne c. Syndicat des employés et employées de la fonction publique de l’Ontario, [1991] 2 R.C.S. 211.

Lévesque c. Procureur général du Canada (1985), 25 D.L.R. (4th) 184 (C.F 1re inst.).

Libman c. Québec (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 569.

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MacLean c. Nouvelle‑Écosse (Procureur Général) (1987), 35 D.L.R. (4th) 306 (C.S. N.-É.).

Muldoon c. Canada, [1983] 3 C.F. 628 (1re inst.).

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O.P.S.E.U. c. Ontario (Procureur général) (1988), 52 D.L.R. (4th) 701 (H.C.J. Ont.).

O.P.S.E.U. c. Ontario (Procureur général) (1988), 52 D.L.R. (4th) 701 (H.C.J. Ont.).

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Re Attorney General of Canada and Gould (1984), 13 D.L.R. (4th) 485 (C.F. Appel), confirmé [1984] 2 R.C.S. 124.

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Re Hooqbruin and Attorney General of British Columbia (1985), 24 D.L.R. (4th) 718 (C.A. C.‑B.).

Re Jolivet et Barker et la Reine et le Solliciteur général du Canada (1983), 1 D.L.R. (4th) 604 (C.S. C.‑B.).

Re Maltby and the Attorney General of Saskatchewan (1982), 143 D.L.R. (3d) 649 (B.R. Sask.).

Re Reynolds and Attorney General of British Columbia (1982), 143 D.L.R. (3d) 365 (C.S. C.‑B.), confirmé par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique [1984], 11 D.L.R. (4th) 380.

Re Scott and Attorney General of British Columbia (1986), 29 D.L.R. (4th) 545 (C.S. C.-B.).

Re Storey and Zazelenchuck (1984), 36 Sask. R. 103 (C.A.).

Re Weremchuk and Jacobsen (1986), 35 D.L.R. (4th) 278 (C.A. C.‑B.).

Renvoi relatif à la Loi sur la Commission de délimitation des circonscriptions électorales (Alberta) (1991), 84 D.L.R. (4th) 447 (C.A. Alb.).

Renvoi relatif à la Electoral Divisions Statutes Amendment Act, 1993 (Alta.) (1994), 119 D.L.R. (4th) (C.A. Alta.)

Renvoi relatif à Circonscriptions électorales provinciales (Sask.), [1991] 2 R.C.S. 158.

Renvoi relatif à Yukon Election Residency Requirement, [1986] 4 W.W.R. 79 (C.A. Yukon).

Sauvé c. Canada (Procureur général) (1992), 89 D.L.R. (4th) 644 (C.A. Ont.), renversant (1988), 53 D.R.L. (4th) 595 (H.C.J.).  Confirmé par la Cour suprême du Canada, [1993] 2 R.C.S. 438.

Sauvé c. Canada (Directeur général des élections) (1999), 180 D.L.R. (4th) 385; [2000] 2 C.F. 117.

Somerville c. Canada (Procureur général) 1996, 136 D.L.R. (4th) 205 (C.A. Alb.).

Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 877, 159 D.L.R. (4th) 385 1 (C.S.C.).


*  La première version de ce bulletin d’actualité a été publiée en septembre 1990.  Le document a été périodiquement mis à jour depuis.

**  Pour plus d’information, voir James R. Robertson, Le système électoral canadien, Étude générale BP-437F, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement, mars 1997.