91-3F

 

LES FUSIONNEMENTS ET L'ABUS DE
POSITION DOMINANTE : ASPECTS JURIDIQUES

 

Rédaction :
Margaret Smith
Division du droit et du gouvernement
Révisé le 10 septembre 1998


 

TABLE DES MATIÈRES

DÉFINITION DU SUJET

CONTEXTE ET ANALYSE

   A.  La Loi relative aux enquêtes sur les coalitions

   B.  Les propositions de réforme

   C.  La Loi constituant le Tribunal de la concurrence et la Loi sur la concurrence

      1.  Les fusionnements
      2.  L'abus de position dominante

   D.  Lignes directrices pour l'application de la loi

   E.  Lignes directrices pour l'application de la Loi : Fusionnements de banques

   F.  L'application de la loi
      1.  Fusionnements
      2.  L'abus de position dominante

   G.  Modifications proposées

MESURES PARLEMENTAIRES

   A.  Le projet de loi sur la concurrence de 1971

   B.  Les projets de loi sur la concurrence de 1977

   C.  Le projet de loi sur la concurrence de 1984

   D.  Le projet de loi sur la concurrence de 1985

   E.  Projet de loi de 1996 sur la concurrence

   F.  Le projet de loi sur la concurrence de 1997

CHRONOLOGIE

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

JURISPRUDENCE

 


LES FUSIONNEMENTS ET L'ABUS DE
POSITION DOMINANTE : ASPECTS JURIDIQUES

 

DÉFINITION DU SUJET

L'adoption de la Loi sur la concurrence et de la Loi sur le tribunal de la concurrence en 1986 a été qualifiée de début d'une ère nouvelle pour la politique en matière de concurrence du Canada. Pendant près de deux décennies, divers gouvernements avaient tenté en vain de ressusciter les dispositions inefficaces concernant les fusionnements et les monopoles de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. Des questions comme l'attitude à adopter face aux abus de pouvoir de marché et aux fusionnements susceptibles d'accroître les risques d'abus, la détermination de l'autorité chargée d'examiner ces questions et la question de savoir si les fusionnements et les monopoles devraient être traités au civil plutôt qu'au criminel se trouvaient au coeur du processus de réforme. Une tâche difficile mais pourtant essentielle consistait à établir une distinction entre un comportement anticoncurrentiel et éliminatoire et celui qui résulte d'une efficience et d'un rendement supérieurs en ce qui a trait à la concurrence.

Dans le présent document, nous examinons les diverses propositions de réforme que renferment les dispositions concernant les fusionnements et les monopoles de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions ainsi que l'application des modifications apportées par la Loi sur la concurrence de 1986 dans ces domaines.

CONTEXTE ET ANALYSE

   A. La Loi relative aux enquêtes sur les coalitions

Il existe au Canada des lois relatives à la concurrence depuis 1889. Les termes « fusion » et « monopole » ont figuré pour la première fois dans la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions en 1910, tandis que l'idée de coalitions (fusions et monopoles) susceptibles d'exercer leurs activités au détriment ou à l'encontre de l'intérêt public est apparue en 1919. Mais ces termes, qui figuraient également dans la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions de 1923, n'ont pas été définis avant 1935, quand des modifications apportées à la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions ont inclus une définition commune pour les deux concepts. Enfin, en 1960, on a établi une distinction entre une fusion et un monopole et ajouté la notion de « détriment de l'intérêt public » dans les deux cas.

Aux termes de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, il y avait fusion quand une personne ou une société acquérait le contrôle d'une autre société ou un intérêt dans une autre société; un monopole s'exerçait quand une ou plusieurs personnes ou sociétés contrôlaient au moins une grande part d'un marché. Les fusions et les monopoles n'étaient donc pas tous interdits. La loi n'interdisait que les fusions qui réduisaient ou étaient susceptibles de réduire la concurrence au détriment de l'intérêt public et les monopoles qui s'exerçaient ou étaient susceptibles de s'exercer au détriment de cet intérêt.

Être partie à une fusion illégale ou à un monopole illégal constituait un acte criminel. Par conséquent, le tribunal devait être convaincu, « hors de tout doute raisonnable », de l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction. En ce qui concerne les fusions, le demandeur devait prouver hors de tout doute raisonnable qu'elles avaient réduit ou étaient susceptibles de réduire la concurrence au détriment de l'intérêt public. Pour qu'il existe une situation de monopole, il fallait prouver que le monopole s'exerçait ou était susceptible de s'exercer au détriment de l'intérêt public.

La Loi relative aux enquêtes sur les coalitions était un moyen inefficace de lutter contre les conséquences économiques des fusionnements et l'exercice d'un pouvoir monopolisateur. Il n'y avait jamais eu de condamnation par suite d'une contestation d'un cas de fusionnement. La nécessité de prouver une réduction sensible de la concurrence et de fournir des preuves précises du détriment de l'intérêt public attribuable au fusionnement constituait un obstacle presque insurmontable. Les condamnations pour comportement monopolisateur étaient presque aussi difficiles à obtenir, car il fallait prouver l'existence tant d'un contrôle du marché que du détriment de l'intérêt public. Le simple fait de détenir ou de maintenir un monopole n'était pas considéré comme allant à l'encontre de l'intérêt public; il fallait que le comportement monopolisateur vise à éliminer tous les concurrents.

   B. Les propositions de réforme

Le processus de réforme des dispositions concernant les fusionnements et les monopoles de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions s'est amorcé en 1966, quand le gouvernement de l'époque a demandé au Conseil économique du Canada de rédiger un rapport sur la politique de concurrence du Canada. Le rapport du Conseil, publié en 1969, proposait une réforme en profondeur, qui aurait assujetti les fusionnements et l'exercice d'un pouvoir monopolisateur au droit civil plutôt qu'au droit pénal. Un tribunal spécialisé aurait examiné ces questions.

En 1971, le ministre de la Consommation et des Affaires commerciales (qui s'appelait alors ministre de la Consommation et des Corporations) a déposé le projet de loi C-256 à la Chambre des communes. Selon ce projet de loi, tous les fusionnements auxquels des acheteurs étrangers étaient partie et tous ceux qui touchaient des recettes brutes ou un actif brut supérieurs à 5 millions de dollars auraient dû être enregistrés au Tribunal des pratiques de concurrence dont le projet de loi proposait la création. Les fusionnements entraînant ou susceptibles d'entraîner une diminution appréciable de la concurrence qui aurait existé en l'absence de fusionnement auraient été interdits, annulés ou modifiés par le Tribunal. Ils n'auraient pas été annulés ni interdits lorsqu'aucune des parties n'aurait pu exploiter son entreprise indépendamment ou lorsque le fusionnement aurait amené probablement une « amélioration appréciable de l'efficacité » et qu'une partie importante des avantages retirés aurait été transmise au public dans un délai raisonnable, sous la forme d'une diminution des prix ou d'une amélioration des produits. Le projet de loi prévoyait des facteurs dont le Tribunal aurait dû tenir compte pour déterminer si le seuil de l'entrave à la concurrence avait été atteint et si le fusionnement améliorait l'efficacité.

Le milieu des affaires a vigoureusement critiqué le projet de loi C-256. Le gouvernement a donc proposé que la législation en place soit modifiée en deux étapes. La première étape, amorcée en 1973, rendait la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions applicable aux services, créait quelques types de litiges pouvant être traités au civil et modifiait les dispositions relatives à la publicité trompeuse, à la fixation des prix de revente et au complot. Ces modifications ont pris effet le 1er janvier 1976.

Avec l'échec du projet de loi C-256, de nouvelles études sur la politique de concurrence ont été entreprises, à la demande du gouvernement. L'une d'entre elles, particulièrement importante, a été effectuée en 1976. Intitulée Évolution dynamique et responsabilité dans une économie de marché au Canada, elle recommandait qu'un tribunal spécialisé évalue les fusions et les monopoles. On y proposait une analyse en quatre étapes afin de déterminer les conséquences primaires et secondaires des fusions.

Ce rapport traitait aussi du pouvoir monopolisateur et faisait remarquer que ce pouvoir peut être exercé par les petites entreprises aussi bien que par les grandes selon la conjoncture de leur marché. On y recommandait de définir les « entreprises dominantes » et d'examiner de quelle façon la position dominante était maintenue ou accentuée. On préconisait une définition fonctionnelle plutôt que statistique de la position dominante en fonction de la part du marché, une entreprise dominante étant celle qui pouvait déterminer son taux de profits sans avoir à tenir compte de concurrents.

En mars 1977, un autre projet de loi proposant des modifications à la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions (projet de loi C-42) était déposé à la Chambre des communes. Ce projet de loi aurait établi une Commission de la concurrence qui aurait tranché les litiges concernant les fusions et les monopoles. Les fusions auraient été contestées lorsqu'elles « entraînent ou sont susceptibles d'entraîner une réduction sensible de la concurrence actuelle ou potentielle » (paragraphe 31.71(2)). Le cas échéant, la Commission aurait pris en considération les quatorze facteurs qui suivent au cours d'un examen d'une fusion :

a) la possibilité d'obtenir des produits de remplacement équivalents à ceux fournis par les parties qui fusionnent;

b) la possibilité pour les importations d'exercer une concurrence sérieuse;

c) les tendances à la concentration chez les producteurs, les fournisseurs et les acheteurs;

d) la taille des entreprises exploitées par les parties qui fusionnent par rapport à celles de leurs concurrents;

e) les entraves à l'accès au marché et l'incidence de la fusion sur ces entraves;

f) les fusions précédentes réalisées par les parties;

g) le comportement anticoncurrentiel qu'ont eu dans le passé les parties qui fusionnent;

h) la possibilité que la fusion entraîne la disparition d'un concurrent dynamique;

i) toute preuve de l'intention de contrôler un marché ou d'y restreindre la concurrence;

j) la possibilité que la fusion entraîne la disparition de sources d'approvisionnement ou de débouchés;

k) la possibilité que, à défaut de la fusion, une des parties puisse accéder à un nouveau marché dans des conditions plus favorables à la concurrence;

l) les changements et les innovations sur le marché;

m) la possibilité que la fusion stimule la concurrence;

n) la possibilité d'une faillite imminente d'une partie à la fusion.

Mais une fusion n'aurait pas été interdite lorsqu'elle aurait accru ou aurait pu vraisemblablement « accroître sensiblement l'efficacité en réalisant pour l'économie canadienne des économies de ressources qui ne peuvent raisonnablement être obtenues par d'autres moyens » [paragraphe 31.71(5)].

Le projet de loi C-42 visait aussi à restreindre certains comportements monopolisateurs. Des activités comme restreindre l'accès à un marché, interdire à un concurrent l'accès aux sources d'approvisionnement ou aux débouchés, fixer des prix abusifs, forcer un concurrent à limiter ou à abandonner son comportement concurrentiel ou à s'en abstenir, ou prendre d'autres mesures de représailles à son égard auraient été interdites lorsque la personne qui aurait exercé ces activités aurait tenté de créer ou de consolider un monopole ou d'étendre un pouvoir monopolisateur à un autre marché (paragraphe 81.72(2)). Le comportement monopolisateur exprimant une supériorité en matière d'efficacité et de rendement économique supérieur n'aurait pas été contesté.

Le projet de loi a été vivement condamné par le milieu des affaires, par les universitaires et par les comités de la Chambre des communes et du Sénat chargés de l'étudier. Le gouvernement l'a retiré et remplacé par un autre projet de loi (projet de loi C-13) déposé en novembre 1977.

Le projet de loi C-13 prévoyait le même seuil d'entrave à la concurrence qui le projet de loi C-42 ainsi que les mêmes quatorze facteurs dont la Commission de la concurrence devait tenir compter pour déterminer si ce seuil avait été dépassé. Une nouvelle disposition générale aurait permis à la Commission de tenir compte de tout autre facteur qui se rapporte à la concurrence (paragraphe 31.71(4)). L'exception d'efficience était modifiée pour permettre qu'un fusionnement ne soit pas contesté lorsqu'il aurait accru ou pu vraisemblablement accroître sensiblement l'efficacité entraînant une épargne de ressources pour l'économie canadienne (paragraphe 31.71(5)).

Les dispositions relatives aux monopoles du projet de loi C-13 ressemblaient à celles du projet de loi C-42. Le projet de loi C-13 faisait allusion à la notion de monopolisation, qu'il définissait comme la situation dans laquelle une entreprise ou un groupe d'entreprises affiliés « ont tenté ou tentent de contrôler sensiblement » la catégorie ou l'espèce d'entreprise ou de consolider un tel contrôle ou d'étendre un pouvoir monopolisateur à un autre marché (paragraphe 31.72(1)). Il dressait la liste de quelques agissements monopolisateurs sujets à examen et prévoyait une exception fondée sur la supériorité en matière d'efficacité ou de rendement économique.

Le projet de loi C-13 a été largement critiqué lui aussi. Les critiques, en ce qui concerne les fusionnements et les monopoles, portaient sur la complexité des dispositions déterminant quels fusionnements et quels monopoles seraient illégaux, sur l'incertitude que risquaient de provoquer ces dispositions, sur le recours à une autorité administrative plutôt qu'aux tribunaux comme première instance d'application de la loi, sur les vastes pouvoirs accordés à l'autorité compétente et sur les droits limités d'interjeter appel devant les tribunaux. Le projet de loi C-13 est resté en plan lorsque des élections fédérales ont été déclenchées en 1979.

Afin de sonder l'opinion des personnes concernées par la législation relative à la concurrence, le ministre de la Consommation et des Affaires commerciales a publié et fait circuler en 1981 un document de travail intitulé Propositions de modification de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions : Cadre de discussion. De vastes consultations ont été menées dans le milieu des affaires, chez les conseillers juridiques et les universitaires. Mais il n'en est sorti aucun nouveau projet de loi avant avril 1984, quand le projet de loi C-29 a été déposé à la Chambre des communes.

Tout comme pour les autres propositions de réforme de la législation canadienne en matière de concurrence, le projet de loi C-29 aurait assujetti les fusionnements et les monopoles au droit civil plutôt qu'au droit pénal. Mais les tribunaux, et non une autorité quasi-judiciaire, auraient tranché les litiges. Le seuil d'entrave à la concurrence aurait été modifié pour se lire comme suit : « empêche ou diminue la concurrence de façon relativement importante ou aura vraisemblablement cet effet » (article 31.72). Par conséquent, l'idée d'empêcher la concurrence était incluse et la réduction devait être « importante » au lieu de « sensible ».

Pour qu'on puisse déterminer s'il y avait entrave à la concurrence, le projet de loi C-29 établissait douze facteurs dont les tribunaux auraient dû tenir compte. L'exception d'efficience était modifiée et faisait plutôt allusion à un accroissement de l'efficacité tel « qu'il en résultera une épargne nette réelle et sensible de ressources pour l'économie canadienne » qui n'aurait pu être envisagé en l'absence de la fusion (article 31.73).

Les dispositions relatives au monopole contenues dans le projet de loi C-29 différaient nettement de celles qui se trouvaient dans les projets de lois précédents. Le terme « monopole » était remplacé par le terme « abus de position dominante ». Trois éléments auraient dû être présents avant qu'un comportement abusif puisse être interdit : a) une personne aurait contrôlé pour une grande part ou complètement une catégorie ou espèce d'entreprise; b) la personne se serait livrée à une pratique d'agissements anticoncurrentiels; et c) l'effet de la pratique aurait été ou serait vraisemblablement d'empêcher ou de réduire sensiblement la concurrence dans un marché (article 31.41). Le projet de loi prévoyait une liste partielle de huit agissements anticoncurrentiels. Un comportement anticoncurrentiel n'aurait pas été interdit lorsqu'il aurait résulté d'une efficacité économique supérieure. Le projet de loi C-29 est mort au Feuilleton quand les élections ont été déclenchées en 1984.

En mars 1985, le ministre de la Consommation et des Affaires commerciales publiait un autre document de consultation sur la réforme de la politique de concurrence. En ce qui concerne les fusionnements, ce document indiquait que les quatre principales questions à examiner étaient le choix de l'autorité compétente, le critère de la réduction de concurrence, l'exception d'efficience et la situation des entreprises en participation. Dans le cas des monopoles, il fallait se demander si la loi devait contenir une liste de pratiques anticoncurrentielles et réfléchir sur la structure de l'exception d'efficience et la mesure dans laquelle la disposition sur la position dominante devrait s'appliquer à plus d'une entreprise. Après de vastes consultations, le gouvernement a déposé le projet de loi C-91 à la Chambre des communes en décembre 1985. Ce projet de loi, qui comprenait la Loi constituant le Tribunal de la concurrence et des modifications à la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions (désormais appelée Loi sur la concurrence), a été adopté en juin 1986.

   C.  La Loi constituant le Tribunal de la concurrence et la Loi sur la concurrence

Aux termes de la Loi sur la concurrence, les fusionnements et l'abus de position dominante (monopole) relèvent du droit civil plutôt que du droit pénal. La norme de preuve applicable est « la prépondérance des probabilités » plutôt que « hors de tout doute raisonnable ».

Les arrêts aux termes de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions ont été répartis entre les instances criminelles et la Commission sur les pratiques restrictives du commerce. La Loi constituant le Tribunal de la concurrence prévoit la création d'un Tribunal de la concurrence formé de juges de la Section de première instance de la Cour fédérale et de membres qui ne sont pas juges. La Commission sur les pratiques restrictives du commerce a été abolie. Le Tribunal peut entendre des causes qui ont notamment trait aux fusionnements et à l'abus de position dominante et rendre des décisions à cet égard. Il s'agit d'un organisme d'examen uniquement. À ce titre, il n'exerce aucune des autres fonctions dévolues auparavant à la Commission, telles que mener des enquêtes générales et autoriser le recours aux pouvoirs d'enquête officiels du directeur des enquêtes et recherches (le « directeur »).

Les demandes au Tribunal sont entendues par un comité formé d'au moins trois, mais d'au plus cinq, membres. Un juge préside ce comité, qui doit comprendre au moins un juge et un membre qui n'est pas un juge. Les questions de droit sont tranchées par les juges tandis que les juges et les membres qui ne sont pas juges ont compétence pour trancher les questions de fait ou de droit et de fait. Les décisions du Tribunal peuvent faire l'objet d'appel devant la Section d'appel de la Cour fédérale.

L'adoption de la Loi sur la concurrence a mis un terme au débat sur l'autorité appelée à trancher certains litiges en matière de concurrence. Une proposition de réforme avait préconisé l'appel aux tribunaux (projet de loi C-29), alors que les autres avaient recommandé la création d'un tribunal spécialisé (projets de loi C-256, C-42 et C-13). En constituant un tribunal quasijudiciaire, le législateur reconnaît que la participation de personnes versées dans les affaires économiques et commerciales mais qui ne sont pas juges est essentielle au processus de prise des décisions.

      1. Les fusionnements

Selon la Loi sur la concurrence, un fusionnement est l'acquisition ou l'établissement du contrôle sur la totalité ou une partie d'une entreprise d'un concurrent, d'un fournisseur, d'un client ou d'une autre personne, ou encore d'un intérêt relativement important (article 91). Le Tribunal peut examiner tout fusionnement réalisé ou proposé qui empêche ou diminue sensiblement la concurrence ou qui aura vraisemblablement cet effet (paragraphe 92(1)). La Loi met donc l'accent sur l'effet du fusionnement.

Pour déterminer si la concurrence diminuera sensiblement, le Tribunal de la concurrence peut tenir compte d'un certain nombre de facteurs stipulés dans la Loi, tels que la mesure dans laquelle le fusionnement touche les concurrents étrangers sur le marché, la déconfiture vraisemblable d'une des parties, l'existence de produits pouvant servir de substituts, les entraves à l'accès au marché, y compris les barrières tarifaires et non tarifaires au commerce international, les barrières interprovinciales au commerce et la réglementation de l'accès; la mesure dans laquelle il y aurait encore de la concurrence réelle dans le marché touché par le fusionnement; la possibilité que le fusionnement entraîne la disparition d'un concurrent dynamique; la nature des innovations sur le marché; et, dans une disposition générale, tout autre facteur pertinent à la concurrence.

Même si les facteurs stipulés dans la Loi ressemblent étroitement à ceux qui se trouvaient dans les projets de loi précédents relatifs à la concurrence, deux d'entre eux -- le comportement anticoncurrentiel dans le passé et toute preuve de l'intention de contrôler un marché ou d'y restreindre la concurrence sont de grands absents. On pourrait toutefois soutenir que ces facteurs pourraient être pris en considération dans la catégorie des « autres facteurs » indiquée ci-dessus.

La Loi autorise le Tribunal à dissoudre un fusionnement réalisé ou à interdire un fusionnement proposé. D'autres mesures peuvent être prises avec le consentement du directeur et des parties en cause.

Le Tribunal ne peut conclure qu'un fusionnement aura vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence en raison seulement de la concentration ou de la part du marché (paragraphe 92(2)). La Loi prévoit aussi une exception lorsque le fusionnement a pour effet d'entraîner des gains en efficience qui surpassent ou neutralisent les effets de l'empêchement ou de la diminution de la concurrence qui résulterait du fusionnement (article 96).

Les entreprises en participation sont assujetties aux dispositions de la Loi, mais une exception est prévue dans le cas des projets de recherche-développement.

La Loi exige que les parties à certains fusionnements proposés informent à l'avance le directeur de la transaction lorsque les parties et leurs affiliés ont un actif ou un revenu brut provenant de ventes au Canada supérieur à 400 millions de dollars et que l'entreprise acquise possède un actif ou un revenu brut supérieur à 35 millions de dollars. Certaines transactions, comme l'acquisition d'éléments d'actifs ou d'actions en conséquence d'une forclusion, d'un don ou d'une disposition testamentaire entre affiliés, ne donnent pas lieu à un préavis. Les fusionnements assujettis aux préavis ne peuvent être complétés avant l'expiration d'un certain délai (7 jours ou 21 jours selon l'ampleur des renseignements fournis).

      2. L'abus de position dominante

La Loi sur la concurrence abroge les dispositions concernant les monopoles de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions et les remplace par des dispositions de nature civile relatives à l'abus de position dominante. Il y a abus de position dominante lorsque les trois éléments suivants sont présents : a) une ou plusieurs personnes contrôlent sensiblement ou complètement une catégorie ou espèce d'entreprises à la grandeur du Canada ou d'une de ses régions; b) cette personne ou ces personnes se sont livrées à une pratique d'agissements anticoncurrentiels; et c) la pratique a pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans un marché (article 79).

La Loi contient une liste non exhaustive d'agissements jugés anticoncurrentiels, dont la compression, par un fournisseur intégré verticalement, de la marge bénéficiaire accessible à un client-concurrent non intégré afin d'empêcher l'entrée ou la participation accrue du client dans un marché; l'acquisition d'un fournisseur par un client ou d'un client par un fournisseur, dans le but d'empêcher ce concurrent d'entrer dans un marché, dans le but de faire obstacle à cette entrée ou encore dans le but de l'éliminer d'un marché; la péréquation du fret dans le but d'empêcher l'entrée d'un concurrent dans un marché ou d'y faire obstacle ou encore d'éliminer un concurrent d'un marché; l'utilisation temporaire de marques de combat destinées à mettre un concurrent au pas ou à éliminer un concurrent; l'achat de produits dans le but d'empêcher l'érosion des structures de prix existantes; l'adoption, pour des produits, de normes incompatibles avec les produits fabriqués par une autre personne et destinées à empêcher l'entrée de cette dernière dans un marché ou à l'éliminer d'un marché; la préemption d'installations rares; le fait d'inciter un fournisseur à ne vendre uniquement ou principalement qu'à certains clients, ou à ne pas vendre à un concurrent; et le fait de vendre des articles à un prix inférieur au coût d'acquisition dans le but de discipliner ou d'éliminer un concurrent (article 78).

Pour déterminer si la concurrence a été réduite sensiblement, le Tribunal doit établir si la pratique contestée résulte d'un rendement concurrentiel supérieur. Une décision en ce sens, même si elle ne constitue pas une défense absolue à une accusation d'abus de position dominante, réduirait probablement beaucoup les chances que le Tribunal conclue à une réduction sensible de la concurrence.

Lorsqu'il rend une ordonnance au sujet de l'abus de position dominante, le Tribunal de la concurrence doit se limiter aux solutions suffisantes pour enrayer les effets des pratiques anticoncurrentielles et pour rétablir la concurrence sur le marché. Parmi les types d'ordonnance que le Tribunal peut rendre, signalons celles qui interdisent aux parties visées de se livrer à des agissements anticoncurrentiels ou qui enjoignent aux parties visées de prendre les mesures nécessaires, y compris se départir d'éléments d'actifs ou d'actions pour enrayer les effets de ces agissements.

La disposition relative à l'abus de position dominante met l'accent sur les effets réels de pratiques anticoncurrentielles. Aux termes de cette disposition et des dispositions relatives à la conspiration et aux fusionnements, il n’existe pas d’infraction mixte.

   D. Lignes directrices pour l'application de la loi

Avec l'adoption de la Loi sur la concurrence, le directeur a décidé d'appliquer la Loi sous l'angle de la conformité. En ce qui concerne les fusionnements, la négociation préalable vise à restructurer les transactions avant ou après leur parachèvement ou à demander aux parties de s'engager à prendre certaines mesures pour corriger des lacunes relatives à la concurrence dans un certain délai. Ce régime de règlements négociés inquiétait quelques juristes et praticiens du droit de la concurrence. Une critique importante est que l’absence de mécanisme d’interprétation des dispositions relatives aux fusionnements par le Tribunal fait naître de l’incertitude au Bureau de la politique de concurrence et dans le milieu des affaires au sujet des exigences de la loi.

Pour cette raison et pour d’autres encore, le directeur a publié en avril 1991 des Lignes directrices pour l’application de la loi afin d’exposer la méthode d’évaluation des fusionnements employée par le Bureau. Ces Lignes directrices traitent notamment de la définition d’un fusionnement, exposent le point de vue du Bureau sur le seuil de l’entrave à la concurrence et décrivent le cadre de la définition du marché pertinent dans une affaire de fusionnement.

Aux termes de l’article 91 de la Loi sur la concurrence, un fusionnement est l’acquisition ou l’établissement de contrôle sur la totalité ou une partie d’une entreprise d’un concurrent, d’un fournisseur, d’un client ou d’une autre personne ou encore d’un intérêt relativement important. Dans le cadre de cette définition, les Lignes directrices prévoient qu’un intérêt relativement important est détenu lorsqu’une ou plusieurs personnes ont la capacité d’influencer concrètement le comportement économique d’une autre entreprise. Détenir moins de 10 p. 100 des actions comportant droit de vote d’une entreprise ne serait pas considéré comme un intérêt relativement important.

Le paragraphe 92(1) de la Loi définit le seuil de l’entrave à la concurrence. Selon les Lignes directrices, un fusionnement sera généralement considéré susceptible d’empêcher ou de diminuer la concurrence lorsque, par suite du fusionnement, les parties seraient en mesure d’exercer un pouvoir de marché (la capacité d’influer sur les prix à la hausse) nettement supérieur dans une partie importante du marché pendant deux ans ou plus. Pour définir ce qui constitue un marché pertinent, le Bureau examine le groupe le plus restreint de produits et la plus petite région géographique pour lesquels les vendeurs pourraient imposer et maintenir, pendant un an, une augmentation de prix de 5 p. 100.

La plupart du temps, le fusionnement ne sera pas contesté au motif de l’exercice unilatéral d’un pouvoir de marché lorsque l’entreprise fusionnée détient moins de 35 p. 100 de la part du marché après le fusionnement ni au motif de l’exercice en interdépendance d’un pouvoir de marché lorsque la part du marché des quatre plus grandes entreprises sur le marché est inférieure à 65 p. 100 après le fusionnement ou que la part du marché de l’entreprise fusionnée est inférieure à 10 p. 100 après le fusionnement.

En règle générale, le directeur ne conclut pas qu’un empêchement ou une diminution de la concurrence par suite d’un fusionnement est sensible lorsqu’une concurrence suffisante peut être établie afin qu’une hausse de prix notable ne puisse probablement pas être maintenue dans une partie importante du marché pertinent pendant plus de deux ans. En cas de déconfiture d’une entreprise, un fusionnement ne sera probablement pas contesté s’il n’existe pas d’autres solutions moins anticoncurrentielles. Enfin, lorsqu’une concurrence efficace se maintient, un fusionnement ne sera probablement pas contesté.

   E. Lignes directrices pour l'application de la Loi : Fusionnements de banques

En novembre 1997, le Bureau de la concurrence a lancé une consultation sur la manière d’appliquer les Lignes directrices pour l’application de la Loi aux projets de fusionnement de banques de l’Annexe 1. Cette consultation a abouti à la rédaction d’un document intitulé Lignes directrices pour l’application de la Loi : Fusionnements de banques. Parues en juillet 1998, ces lignes directrices établissent le cadre analytique sur lequel le Bureau de la concurrence doit fonder son évaluation des répercussions sur la concurrence du fusionnement de deux banques de l’Annexe 1 ou plus.

On note dans ces lignes directrices qu’un fusionnement peut empêcher ou diminuer la concurrence de deux façons : premièrement, en facilitant une conduite interdépendante entre les entreprises et, deuxièmement, en permettant éventuellement l’exercice unilatéral d’une puissance commerciale. Le fusionnement de banques peut amoindrir la concurrence s’il permet à l’entité issue du fusionnement de hausser les prix unilatéralement ou s’il risque vraisemblablement d’entraîner une hausse des prix par l’accroissement des possibilités de conduite interdépendante sur le marché. Par conduite interdépendante, on entend notamment des ententes tacites ou non dans lesquelles les entreprises conviennent de relever les prix ou de ne pas se faire une vive concurrence. La concurrence peut aussi se trouver amoindrie si un fusionnement permet aux entreprises de diminuer la qualité ou les services avec profit, ou de réduire l’éventail des produits offerts.

Les lignes directrices sur le fusionnement des banques décrivent les étapes de l’examen conduit par le Bureau. La première étape consiste à définir le marché concerné. Comme le marché comporte deux dimensions, à savoir le produit et l’étendue géographique, on précise dans les lignes directrices qu’il faut par conséquent prendre en considération plusieurs marchés dans l’examen d’un fusionnement de banques.

L’étape suivante consiste à appliquer les seuils de part de marché et de concentration qui permettront de distinguer les fusionnements qui n’auront sans doute aucun effet anticoncurrence de ceux qu’il faut examiner plus à fond. En règle générale, le Bureau ne contestera pas un fusionnement par crainte de l’exercice unilatéral d’une plus grande puissance commerciale lorsque la part de marché de l’entité issue du fusionnement sera inférieure à 35 p. 100, ni lorsque la part de marché des quatre premières entreprises en importance sur le marché sera inférieure à 65 p. 100 après le fusionnement et lorsque celle de l’entité née du fusionnement sera inférieure à 10 p. 100.

Les parts de marché sont calculées en fonction des entreprises actives sur le marché et de celles qui pourraient arriver sur le marché d’ici un an sans avoir à engager de dépenses de démarrage élevées. En général, le Bureau déterminera si une entreprise qui n’est pas active sur le marché concerné pourrait éventuellement réagir avec un minimum d’investissement à une hausse des prix modérée mais significative sur le marché pertinent dans l’année. Les entreprises qui auront vraisemblablement une incidence sur le marché après un an mais dans les deux ans suivant le fusionnement ou celles dont l’entrée sur le marché en question exigerait un investissement majeur sont prises en considération dans le contexte de l’analyse, par le Bureau, des entraves à l’accès au marché.

Aux termes des lignes directrices sur le fusionnement de banques, le fait que les parts de marché ou le niveau de concentration dans les marchés concernés dépassent les seuils fixés ne suffit pas en soi pour amener le Bureau à conclure qu’un fusionnement va vraisemblablement éliminer ou diminuer sensiblement la concurrence. Là où les seuils sont dépassés, le Bureau effectuera une analyse détaillée des effets du fusionnement sur la concurrence sur les marchés concernés. Il procédera à une étude fondée sur les critères énoncés à l’article 93 de la Loi sur la concurrence pour déterminer si les parties au fusionnement peuvent supporter une augmentation des prix pendant plus de deux ans.

Les lignes directrices précisent la manière dont le Bureau doit tenir compte de gains en efficience qui donnent lieu à une exception aux termes de la Loi sur la concurrence. Même si le fusionnement de banques risque d’éliminer ou de diminuer sensiblement la concurrence, le Tribunal de la concurrence ne peut pas y faire opposition si les conditions donnant droit à une exception pour gains d’efficience sont remplies. Premièrement, les gains d’efficience doivent représenter des économies sous la forme d’une réduction des coûts qui ne pourrait pas être réalisée si une ordonnance était rendue contre le fusionnement. Deuxièmement, la réduction des coûts doit représenter une économie réelle de ressources économiques et non des gains réservés aux parties au fusionnement qui découlent, par exemple, d’un plus grand pouvoir de négociation avec les fournisseurs. Les lignes directrices précisent que la norme adoptée par le Bureau pour les fins de l’analyse des gains d’efficience dans les cas de fusionnement de banques est la même que celle qu’elle applique aux fusionnements dans les autres secteurs de l’économie.

   F.   L'application de la loi

      1.  Fusionnements

Le Tribunal de la concurrence a rendu un certain nombre de décisions concernant les fusionnements. Dans plusieurs des affaires relatives à un fusionnement, le Tribunal était prié de rendre une ordonnance par consentement permettant aux fusionnements de s'effectuer conformément aux modalités négociées par le directeur et les parties en cause.

Dans le premier arrêt (Palm Dairies), le Tribunal a refusé de rendre une ordonnance par consentement parce qu'il n'était pas convaincu que l'ordonnance pourrait être appliquée ni qu'elle permettrait d'atteindre les objectifs de la Loi sur la concurrence. Dans deux autres arrêts (fusionnement des services de réservation informatiques d'Air Canada et de Canadien International et fusionnement d'Asea Brown Boveri et Westinghouse), des ordonnances par consentement ont été rendues et les fusionnements ont pu s'effectuer. Dans un autre cas (Impériale/Texaco), le Tribunal a approuvé une ordonnance par consentement après que l'Impériale eut remédié aux lacunes relatives à la concurrence soulignées par le Tribunal lorsqu'il avait rejeté le premier projet d'ordonnance de consentement conclu entre l'Impériale et le directeur.

Les motifs invoqués par le Tribunal pour rendre l'ordonnance par consentement dans l'affaire Air Canada sont intéressants parce que le Tribunal y a défini son rôle dans une procédure d'ordonnance par consentement. Le Tribunal a en effet indiqué que son rôle consiste à s'assurer que le fusionnement (dont les modalités sont définies dans l'ordonnance par consentement) ne résulte pas en une diminution sensible de la concurrence. De plus, il a fait remarquer que, au cours de la procédure d'ordonnance par consentement, il n'est pas autorisé à imposer ses propres modalités aux parties.

Dans l'affaire Impériale/Texaco, le Tribunal a déclaré que l'ordonnance par consentement peut être contestée lorsqu'elle ne réalisera probablement pas les objectifs allégués par le directeur. Il a évoqué quelques motifs pouvant rendre une ordonnance par consentement inacceptable, notamment des conditions de l'ordonnance incohérentes ou contradictoires, l'inefficacité des conditions, à cause de difficultés d'exécutions, des ambiguïtés, l'impossibilité de contrôler les conditions et l'incapacité de démontrer une inexécution. Certains ont laissé entendre que la décision dans l'affaire Impériale/Texaco peut rendre le fardeau de la preuve plus lourd pour les parties lorsqu'il y a procédure d'ordonnance par consentement que lorsque l'affaire est contestée.

Dans une autre affaire (Alex Couture), le directeur a demandé au Tribunal de rendre une ordonnance pour dissoudre certains fusionnements qui s'étaient effectués dans le secteur de la transformation de la viande au Québec. Les parties aux fusionnements ont intenté des poursuites devant la Cour supérieure du Québec afin de contester la constitutionnalité de la Loi constituant le Tribunal de la concurrence et de la Loi sur la concurrence au motif qu'elles dépassaient les pouvoirs du Parlement. L'affaire comportait également une contestation du Tribunal de la concurrence et de certains articles de la Loi sur la concurrence fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés.

Dans sa décision rendue le 6 avril 1990 dans l'affaire Couture, la Cour supérieure du Québec a déclaré le Tribunal de la concurrence inconstitutionnel et renversé les dispositions de la Loi sur la concurrence relatives au pouvoir du Tribunal de dissoudre ou d'interdire des fusionnements. La Cour a déclaré que ces dispositions violaient le droit à la liberté d'association garanti par la Charte des droits et libertés. Le Tribunal, qui se compose de juges et de membres qui ne sont pas juges et fonctionne comme un tribunal, a été déclaré inconstitutionnel parce qu'il ne possède pas les qualités d'indépendance et d'impartialité qui caractérisent normalement un tribunal. Ces lacunes se manifestent dans la méthode de nomination des membres du Tribunal autres que les juges et dans le rôle de ces membres. De plus, la Cour a déclaré que la présence de ces autres membres viole le droit à un procès équitable et impartial. La Cour d'appel du Québec a renversé cette décision en septembre 1991.

Dans les décisions qu'il a rendues à l'égard de fusionnements contestés, le Tribunal de la concurrence a précisé ce qu'il convient d'examiner pour déterminer les effets probables d'un fusionnement. Selon lui, il faut premièrement déterminer les limites du « marché » en question; cette détermination a une dimension géographique et une dimension inhérente au produit.

Pour définir les dimensions « inhérentes au produit » du marché, il faut d’abord identifier le ou les produits à l’égard desquels les sociétés fusionnées étaient en concurrence avant le fusionnement. Il faut ensuite savoir s’il existe, pour ce ou ces produits, des substituts proches que les consommateurs pourraient facilement adopter si les prix augmentaient. Les produits devraient être considérés comme appartenant au même marché de produit si, lorsqu’ils sont vendus à un coût marginal, ils ont des substituts proches.

Pour définir le marché géographique, il faut savoir s’il existe une zone géographique dans laquelle l’entité résultant du fusionnement exercera, à elle seule ou avec d’autres, un pouvoir sur le marché. Il faut pour cela déterminer si, dans la zone en question, un nombre important de consommateurs sont disposés à se tourner vers des fournisseurs de l’extérieur de la zone pour obtenir un produit ou un service, et s’il existe à l’extérieur de la zone des fournisseurs capables de les leur fournir.

Le Tribunal doit ensuite déterminer si le fusionnement réduit considérablement la concurrence. Un fusionnement réduit la concurrence s'il accroît la capacité des entreprises concernées d'exercer un contrôle sur le marché en conservant ou en obtenant le pouvoir de hausser les prix au-dessus des niveaux concurrentiels pour une période relativement longue. C'est le degré de l'augmentation et les faits d'une affaire qui détermineront s'il convient de juger que l'augmentation est considérable; il est tenu compte d'un certain nombre de facteurs : la part du marché et la concentration, la capacité excessive, le contexte du marché et les obstacles à l'entrée sur ce marché.

      2. L’abus de position dominante

Le 4 octobre 1990, le Tribunal a rendu sa première décision concernant un abus de position dominante. Dans cette affaire, le directeur a soutenu que NutraSweet s'est livrée à une série d'agissements anticoncurrentiels relativement à la vente de l'édulcorant artificiel nommé aspartame. Le Tribunal a déterminé que certaines modalités des contrats de NutraSweet, des rabais en cas d'affichage du nom et du logo de NutraSweet et les dispositions permettant à la compagnie d'offrir le même prix que les concurrents empêchement les concurrents d'entrer sur le marché ou de progresser sur le marché de l'aspartame.

En janvier 1992, le Tribunal a statué dans l'affaire Laidlaw, dans laquelle Laidlaw Waste System Ltd. était accusée d'abus de sa position dominante. En 1991, le Directeur avait en effet entamé des poursuites, arguant que la société avait abusé et abusait encore de sa position dominante sur le marché de collecte et d'évacuation des déchets commerciaux de l'île de Vancouver.

Laidlaw avait pour pratique d'acquérir les sociétés concurrentes et de les forcer par la suite à adopter des agissements non concurrentiels. Elle utilisait des formulaires de contrat prévoyant des majorations de prix d'office, de longues périodes de validité, des dispositions d'exclusivité, des renouvellements d'office et le versement de dommages-intérêts pour résiliation avant échéance.

Le Tribunal a jugé que les pratiques d'acquisition de Laidlaw entravaient la concurrence, qu'elles étaient soutenues par des barrières artificielles à l'entrée sur le marché établies dans les formulaires de contrat et, donc, qu'elles amoindrissaient sensiblement la concurrence au sein des marchés pertinents. Entre autres choses, le Tribunal émis une ordonnance interdisant à Laidlaw d'acquérir des entreprises concurrentes pour trois ans et l'obligeant à retirer de ses contrats types certaines modalités ou à les modifier.

Dans l’affaire Interac, le directeur a demandé au tribunal de la concurrence d’émettre une ordonnance par consentement relativement au réseau informatique bancaire établi par les neuf membres fondateurs d’Interac, soit les banques et institutions financières les plus importantes du Canada. Dans son jugement sur cette affaire, le Tribunal a élaboré sur son rôle à l’égard des ordonnances par consentement dans les procès pour abus de position dominante. Ce rôle est de déterminer si une ordonnance par consentement respecte un critère minimal et non si elle fournit une solution optimale. Dans un procès pour abus de position dominante, le critère consiste à savoir si l’ordonnance par consentement éliminera, selon toute vraisemblance, l’affaiblissement considérable de la concurrence qui, présume-t-on, résultera des pratiques anticoncurrentielles énoncées dans la requête. C’est au directeur et aux parties qu’il incombe ultimement de prouver au Tribunal que l’ordonnance respecte ce critère. En pratique, cependant, le Tribunal traite à prime abord le directeur avec déférence et présume que l’ordonnance permettra d’atteindre l’objectif énoncé, en conséquence de quoi ce sont les intervenants qui doivent prouver que ce ne sera pas le cas. En fait, une fois que le directeur a démontré qu’à première vue, l’ordonnance respecte le critère, c’est aux intervenants qu’il incombe d’en faire ressortir les faiblesses.

Il n’est pas nécessaire que l’ordonnance proposée remédie à toutes les pratiques anticoncurrentielles énoncées dans la requête. Le seul fait d’interdire certaines d’entre elles ou de prendre d’autres mesures de redressement peut suffire à mettre fin à l’affaiblissement considérable de la concurrence même si certaines pratiques anticoncurrentielles persistent. De plus, s’il existe des solutions de rechange permettant d’atteindre le but visé, soit rétablir la concurrence, le Tribunal doit privilégier les mesures les moins interventionnistes.

   G. Modifications proposées

Le 28 juin 1995, le Bureau de la politique de concurrence a publié un document de travail proposant que des modifications soient apportées à huit sections de la Loi sur la concurrence. La plupart de ces changements ne modifieraient en rien la substance des dispositions de la Loi relatives au fusionnement et à l'abus de position dominante, mais certaines auraient des répercussions sur celles-ci.

En vertu des dispositions actuelles sur le fusionnement, il faut qu'un préavis soit donné pour certaines transactions dépassant les seuils prescrits. Des questions ont été soulevées concernant les renseignements exigés pour les dossiers. Des modifications pourraient être apportées pour faire en sorte que les renseignements demandés soient plus pertinents. On pourrait également supprimer l'obligation de donner un préavis pour certaines transactions n'ayant aucune incidence sur la concurrence, et exiger un préavis pour les transactions comportant l'acquisition d'intérêts dans des sociétés en nom collectif.

Le document de travail propose que la Loi soit modifiée de façon à ce que des particuliers puissent introduire une instance devant le Tribunal de la concurrence. Il est mentionné dans le document que les fusionnements ne devraient peut-être pas être visés par cette proposition, laquelle pourrait néanmoins modifier les dispositions relatives au fusionnement.

En octobre 1995, le directeur a créé un groupe consultatif pour évaluer la pertinence et la faisabilité des propositions de changements législatifs visant la Loi sur la concurrence présentées par le Bureau de la politique de concurrence et pour formuler des recommandations à leur sujet. Le rapport du groupe a été publié en avril 1996.

Le groupe a recommandé que soient améliorées les dispositions relatives aux préavis en cas de fusionnement et que soient prolongées les périodes d’attente actuelles à cet égard. Il a en outre recommandé que le directeur revoie périodiquement les seuils à partir desquels s’applique l’exigence relative aux préavis en cas de fusionnement.

Le groupe a recommandé que le seuil actuellement prévu par la Loi en ce qui a trait aux ordonnances provisoires soit réduit pour que le directeur dispose d’un mécanisme plus efficace pour retarder la conclusion d’une transaction de fusionnement lorsque le Bureau de la politique de concurrence entretient de sérieuses réserves.

Après avoir examiné la question des titrisations d’actif, le groupe en est arrivé à la conclusion que celles-ci ne devraient pas être assujetties aux exigences en matière de préavis.

Le groupe a aussi recommandé que le montant de l’amende imposée à ceux qui omettent de donner un préavis soit majoré de façon à mieux rendre compte de l’importance de cette obligation.

Le 7 novembre 1996, le projet de loi C-67, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et une autre loi en conséquence, a été présenté à la Chambre des communes. Il devait établir un nouveau régime civil pour traiter les cas de publicité trompeuse et de pratiques commerciales de nature à induire en erreur, créer de nouvelles dispositions pénales à l’égard de la téléprospection de nature à induire en erreur, clarifier la disposition relative aux réclamations visant le prix courant, remanier certains aspects de la procédure régissant les avis préalables aux fusionnements et modifier les dispositions de la loi relatives aux ordonnances par consentement. Le projet de loi C-67 est mort au Feuilleton à la dissolution de la législature, le 27 avril 1997.

Un autre projet de loi portant modification de la Loi sur la concurrence a été déposé à la Chambre des communes le 20 novembre 1997. Le projet de loi C-20 est pour l’essentiel identique au projet de loi C-67, exception faite de certains changements, notamment un changement qui remplacerait le titre de directeur par celui de « commissaire de la concurrence ».

MESURES PARLEMENTAIRES

   A. Le projet de loi sur la concurrence de 1971

Les mesures gouvernementales en vue d'une réforme se sont amorcées en 1971 avec le dépôt du projet de loi C-256, qui donnait suite à un grand nombre des recommandations formulées par le Conseil économique du Canada en 1969. Le milieu des affaires s'est opposé farouchement à ce projet de loi. En juillet 1973, on annonçait que la réforme de la politique de concurrence du Canada s'effectuerait en deux étapes et que les changements relatif aux fusionnements et aux monopoles feraient partie de la deuxième étape.

   B. Les projets de loi sur la concurrence de 1977

En mars 1977, le projet de loi C-42, qui contenant les modifications relatives à la deuxième étape de la réforme, était déposé à la Chambre des communes. Il a été renvoyé au Comité permanent des finances, du commerce et des questions économiques. Le rapport du Comité contenant quelques recommandations sur les dispositions relatives aux fusions et aux monopoles. Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a également recommandé des modifications au projet de loi dans son rapport publié en juillet 1977. En novembre 1977, le projet de loi C-13, qui apportait des changements au projet de C-42, était déposé à la Chambre. Ce projet de loi a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a publié son rapport en juin 1978 et recommandé que le projet de loi C-13 soit retiré et réexaminé. Le projet de loi C-13 est resté en plan après la première lecture.

   C. Le projet de loi sur la concurrence de 1984

Le 2 avril 1984, le projet de loi C-29, qui apportait des modifications aux dispositions législatives concernant les fusionnements et les monopoles était lu pour la première fois à la Chambre des communes. Ce projet de loi est resté en plan lorsque les élections fédérales ont été déclenchées.

   D. Le projet de loi sur la concurrence de 1985

Le 17 décembre 1985, le projet de loi C-91 était déposé à la Chambre des communes. Il a reçu la sanction royale le 17 juin 1986 et a pris effet le 19 juin 1986, sauf pour les dispositions relatives aux préavis de fusionnement projeté, qui ont pris effet le 15 juillet 1987.

   E. Projet de loi de 1996 sur la concurrence

Le 7 novembre 1996, le projet de loi C-67 a été présenté à la Chambre des communes. Il aurait modifié l’administration de la procédure régissant les avis préalables aux fusionnements s’il n’était pas mort au Feuilleton lorsque la législature a été dissoute et que des élections générales ont été déclenchées.

   F. Le projet de loi sur la concurrence de 1997

Le projet de loi C-20 a été déposé à la Chambre des communes le 20 novembre 1997. À l’instar de son prédécesseur, le projet de loi C-67, il modifierait l’administration de la procédure de préavis de fusionnement.

CHRONOLOGIE

1923 - Des dispositions visant à contrôler les fusions et les monopoles contraires à l'intérêt public sont incluses dans la Loi relatives aux enquêtes sur les coalitions.

1960 - La Couronne perd deux causes de fusionnement importantes — Canadian Breweries et B.C. Sugar.

juillet 1969 - Le Conseil économique du Canada publie son Rapport provisoire sur la politique de concurrence et recommande une nouvelle législation visant à contrôler les fusionnements et les monopoles.

juin 1971 - Le projet de loi C-256, qui modifie la législation relative aux fusionnements et aux monopoles, est déposée à la Chambre des communes.

juin 1973 - Le ministre de la Consommation et des Affaires commerciales annonce que la réforme de la législation relative à la concurrence s'effectuera en deux étapes et que les propositions de réforme des dispositions relatives aux fusionnements et aux monopoles feront partie de la deuxième étape.

juin 1976 - Le rapport Évolution dynamique et responsabilité dans une économie de marché au Canada est publié. Rédigé par un comité indépendant nommé par le ministre de la Consommation et des Affaires commerciales, il recommande divers changements à la législation relative aux fusionnements et aux monopoles.

novembre 1976 - La Cour suprême du Canada rend sa décision dans l'affaire K.C. Irving et rend ainsi les dispositions relatives aux fusionnements et aux monopoles de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions inefficaces en pratique.

mars 1977 - Le projet de loi C-42, qui apporte des modifications à la législation relative aux fusionnements et aux monopoles, est déposé à la Chambre des communes.

juillet 1977 - Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce publie son rapport provisoire sur le projet de loi C-42.

août 1977 - Le Comité permanent des finances, du commerce et des questions économiques publie son rapport Projet de réforme sur le projet de loi C-42.

novembre 1977 - Le projet de loi C-13, qui apporte des révisions au projet de loi C-42, est déposé à la Chambre des communes.

mai 1978 - Le Rapport de la commission royale d'enquête sur les groupements de sociétés est publié. Il contient un aperçu des éléments généraux de la politique sur les fusionnements et les monopoles et une analyse critique du projet de loi C-13.

juin 1978 - Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce publie son rapport sur le projet de loi C-13.

septembre 1980 - La Commission Kent est instituée pour enquêter sur la concentration de la propriété dans le secteur des quotidiens et sur l'effet de la disparition de quotidiens sur le public.

avril 1981 - Le ministère de la Consommation et des Affaires commerciales publie un document de travail contenant les modification proposées (deuxième étape) à la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions.

août 1981 - La Commission Kent publie son rapport.

juillet et août 1982 - Les porte-parole du ministère de la Consommation et des Affaires commerciales et le ministre lui-même indiquent que les modifications à la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions concernant les fusionnements et les monopoles seront déposées au Parlement à l'automne.

mars et avril 1983 - Le Cabinet ayant approuvé en principe, en décembre 1982, les mesures législatives proposées concernant la politique de concurrence, le ministre de la Consommation et des Affaires commerciales entreprend une série de consultations auprès de groupes d'affaires clés.

décembre 1983 - La Cour suprême de l'Ontario rejette les accusations portées contre Thomson Newspapers et Southam Inc. aux termes des dispositions de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions concernant les fusionnements et le comportement monopolisateur.

avril 1984 - Le projet de loi C-29, qui apporte des modifications aux dispositions concernant les fusionnements et les monopoles de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, est lu pour la première fois à la Chambre des communes.

novembre 1984 - On annonce dans le discours du Trône que les modifications à la législation relative à la concurrence seront apportées sous peu.

février et septembre 1985 - Au cours de réunions fédérales-provinciales, les ministres de la Consommation et des Affaires commerciales discutent de la réforme de la politique de concurrence.

mars 1985 - Le ministère de la Consommation et des Affaires commerciales publie un document de consultation intitulé Réforme de la politique de concurrence du Canada.

septembre 1985 - La Commission royale sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada (Commission Macdonald) préconise une réforme des lois concernant les fusionnements et les monopoles.

décembre 1985 - Le projet de loi C-91, qui apporte des modifications aux dispositions concernant les fusionnements et les monopoles de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, est lu pour la première fois à la Chambre des communes.

19 juin 1986 - Le projet de loi C-91 prend effet, sauf pour les dispositions relatives aux préavis en cas de fusionnement proposé.

15 juillet 1987 - Les dispositions relatives aux préavis en cas de fusionnement proposé prennent effet.

avril 1990 - La Cour supérieure du Québec déclare le Tribunal de la concurrence inconstitutionnel et renverse certaines dispositions de la Loi sur la concurrence relatives aux pouvoirs du Tribunal d'interdire ou de dissoudre des fusionnements.

juillet 1990 - La Section d'appel de la Cour fédérale décide que le Tribunal ne peut punir pour outrage au tribunal les parties qui ne respectent pas une ordonnance finale du Tribunal rendue aux termes de la partie VIII de la Loi sur la concurrence.

octobre 1990 - Le tribunal de la concurrence rend sa première décision relative à l'abus de position dominante (NutraSweet).

novembre 1990 - Le directeur des enquêtes et recherches publie une ébauche de Lignes directrices pour l'application de la Loi, où il expose la méthode d'examen des fusionnements employée par le Bureau.

avril 1991 - Le directeur des enquêtes et recherches publie la version définitive des Lignes directrices pour l'application de la Loi.

septembre 1991 - Dans un jugement unanime, la Cour d'appel du Québec renverse la décision à laquelle en était arrivée la Cour supérieure du Québec en avril 1990; cette dernière avait alors déclaré le Tribunal de la concurrence inconstitutionnel et avait annulé certaines dispositions de la Loi sur la concurrence relatives aux fusionnements.

janvier 1992 - Le Tribunal de la concurrence annonce sa deuxième décision relativement à un abus de position dominante (Laidlaw).

mars 1992 - Le Tribunal de la concurrence refuse d'ordonner le dessaisissement d'une entreprise d'équarrissage de viande lorsque Hillsdown Holdings (Canada) Limited prend une participation majoritaire dans Canada Packers Inc.

juin 1992 - Dans l'affaire Southam, le Tribunal de la concurrence conclut que l'acquisition par Southam de certains journaux communautaires dans la région de Vancouver ne nuira pas à la concurrence publicitaire entre les quotidiens de Southam et les journaux communautaires. Cependant, le Tribunal conclut également que l'achat d'un journal communautaire et d'un journal immobilier desservant le secteur North Shore près de Vancouver réduira grandement la concurrence en matière de publicité immobilière dans le secteur en question.

La Cour suprême du Canada infirme la décision de la Section d'appel de la Cour fédérale de juillet 1990 voulant que le Tribunal de la concurrence n'ait pas le pouvoir de punir pour outrage ceux qui ont contrevenu à l'une des ses ordonnances définitives. La Cour suprême conclut que la Loi sur le tribunal de la concurrence accorde au Tribunal le pouvoir de punir pour outrage ceux qui contreviennent à ses ordonnances.

novembre 1993 - Le Tribunal de la concurrence déclare que la société Canadian Airlines International Inc. doit être soustraite à l'obligation qui la lie à Gemini à l'égard de la gestion de son système interne de réservation.

5 avril 1994 - Le directeur des enquêtes et recherches entreprend une action d'abus de position dominante contre la A.C. Nielsen Company of Canada Limited. Le directeur demande au tribunal de la concurrence d'empêcher Neilsen de mettre en vigueur ou de conclure des contrats qui empêchent les chaînes d'alimentation et de produits pharmaceutiques de faire connaître aux concurrents de Neilsen les données relatives aux ventes de cette société.

novembre 1994 - Le Tribunal de la concurrence rend une ordonnance sur consentement dans une affaire d'abus de position dominante portant sur la vente de « publicité nationale » dans les Pages jaunes (l'expression « publicité nationale » désigne les annonces publicitaires publiées dans ces pages par deux diffuseurs ou plus). C'était la première fois qu'une ordonnance était rendue dans une affaire d'abus de dominance.

décembre 1994 - Le directeur des enquêtes et des recherches introduit auprès du Tribunal de la concurrence une requête selon laquelle Tele-Direct (Publications) Inc. et Tele-Direct (Services) Inc., deux filiales de Entreprises Bell Canada Inc., auraient violé les dispositions de la Loi sur la concurrence relatives à l'abus de dominance, aux ventes liées et au refus de faire le commerce. L'action porte notamment sur la vente d'espace publicitaire dans les Pages jaunes.

avril 1995 - Le Tribunal de la concurrence rend sa décision dans une affaire d’abus de position dominante opposant le Bureau de la politique de concurrence et D.&.B. Companies of Canada Ltd. (A.C. Nielsen Company). Le Tribunal juge que Nielsen a exercé un contrôle sur l’offre de services d’analyse du marché par balayage dans tout le Canada en concluant des contrats d’exclusivité avec des détaillants. Le Tribunal rend une ordonnance pour interdire à Nielsen de mettre en application ses contrats actuels d’exclusivité avec des détaillants et de conclure ultérieurement des contrats ayant pour effet d’obliger ou d’inciter des détaillants à ne fournir des données d’analyse qu’à Nielsen.

28 juin 1995 - Le Bureau de la politique de concurrence publie le document de travail intitulé Modifications à la Loi sur la concurrence et annonce la tenue de consultations publiques en vue d'actualiser la Loi.

août 1995 - La Section d’appel de la Cour fédérale se prononce sur les appels interjetés à l’égard des décisions du Tribunal de la concurrence dans l’affaire Southam. Dans sa décision de 1992, le Tribunal a refusé la demande du directeur concernant l’obtention d’une ordonnance pour obliger Southam Inc. à se départir de certains journaux communautaires dans la région de Vancouver, mais ordonné à Southam de vendre l’une ou l’autre des publications sur l’immobilier. La Section d’appel de la Cour fédérale a jugé que le Tribunal de la concurrence n’avait pas appliqué le bon critère pour déterminer le marché du produit. Dans une deuxième décision, la Section d’appel de la Cour fédérale rejette l’appel de Southam à l’égard de la décision du Tribunal d’ordonner le dessaisissement du North Shore News ou du Real Estate Weekly en guise de redressement. Il en est appelé de ce jugement devant la Cour suprême du Canada.

octobre 1995 - Le directeur crée un groupe consultatif pour examiner les réponses au document de travail du Bureau de la politique de concurrence et formuler des recommandations en ce qui a trait à chacune des sections de la Loi sur la concurrence à modifier.

novembre 1995 - Le directeur publie un bulletin d’information concernant l’application de la Loi, qui renferme des précisions quant à sa politique d’application relative aux alliances stratégiques en ce qui concerne les dispositions de la Loi sur la concurrence portant sur l’examen des fusionnements et les complots de nature criminelle.

décembre 1995 - Le directeur introduit une requête d’ordonnance sur consentement auprès du Tribunal de la concurrence à l’endroit d’Interac Inc. et des grandes institutions financières canadiennes qui sont membres fondateurs de l’Association Interac. Il soutient dans sa requête que les membres fondateurs d’Interac ont créé le réseau de services électroniques partagés dominant au Canada et ont abusé de leur pouvoir à de nombreux égards.

mars 1996 - Le directeur introduit une requête auprès du Tribunal de la concurrence en ce qui a trait à deux fusionnements. Il s’oppose dans sa requête aux acquisitions de Seaspan International Ltd. et de Norsk Pacific Steamship Company Ltd. Il soutient que les fusionnements empêchent ou diminuent sensiblement la concurrence, ou sont susceptibles de le faire, dans le secteur des services de remorqueurs servant à l’accostage des navires à Vancouver et dans celui des services de chaland offerts dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique.

avril 1996 - Le rapport du groupe consultatif chargé d’examiner les propositions de modifications à apporter à la Loi sur la concurrence est rendu public.

juin 1996 - Le Tribunal de la concurrence rend une ordonnance sur consentement à l’endroit d’Interac Inc. et des neuf membres fondateurs d’Interac. L’ordonnance oblige Interac à élargir la composition de son conseil d’administration et à modifier ses règles et ses statuts pour y supprimer les limitations d’accès ainsi que les restrictions actuellement imposées à l’égard de la création de nouveaux produits et de la concurrence des prix. Interac sera tenu d’ouvrir son réseau aux participants éventuels de façon non discriminatoire. Il lui sera également interdit de continuer à facturer des frais d’adhésion aux nouveaux membres en échange de l’émission d’une carte.

7 novembre 1996 - Le projet de loi C-67, Loi modifiant la Loi sur la concurrence, est présenté à la Chambre des communes. Il meurt au Feuilleton à la dissolution de la législature, le 27 avril 1997.

20 décembre 1996 - En mars 1995, lors d’une transaction fusionnant les deux principaux transporteurs de l’industrie du transport international par containers de Montréal, une filiale de Canadien Pacifique Limitée fait l’acquisition de Cast North America Inc. Le directeur soumet au Tribunal de la concurrence une requête dans laquelle il allègue que le fusionnement empêche ou affaiblit considérablement la concurrence pour la fourniture de services de transport intermodal non frigorifique de Montréal vers l’Europe, le Royaume-Uni, l’Ontario et l’ensemble du Québec.

29 janvier 1997 - Le Tribunal de la concurrence émet une ordonnance sur consentement dans l’affaire Seaspan, relative à la fourniture de services d’amarrage des navires, d’emballage par copeaux de bois et de transport par barge couverte dans les eaux littorales de la Colombie-Britannique. Pour remédier aux préjudices à la concurrence prévus par le directeur, l’ordonnance prévoit le dessaisissement de trois actifs.

26 février 1997 - Le Tribunal de la concurrence émet une ordonnance dans l’affaire d’abus de position dominante et de ventes liées impliquant Télé-Direct et publie les motifs qui la justifient. Le directeur avait notamment allégué, à l’égard de la publicité dans les pages jaunes, que Télé-Direct avait abusé de sa position dominante en se livrant à des pratiques anticoncurrentielles à l’endroit de trois groupes : les éditeurs indépendants d’annuaires téléphoniques, les agences de publicité et les experts-conseils assurant des services relatifs à la publicité dans les annuaires. Le Tribunal rejette certaines allégations de pratiques anticoncurrentielles, mais maintient les autres. Par exemple, il rejette les allégations voulant que Télé-Direct se soit livrée à des pratiques anticoncurrentielles à l’endroit des nouveaux venus dans l’industrie de l’édition des annuaires téléphoniques, mais accueille celles de pratiques anticoncurrentielles à l’endroit des experts-conseils.

20 mars 1997 - La Cour suprême du Canada publie son jugement dans la cause en appel de Southam. Jugeant que la Section d’appel de la Cour fédérale n’aurait pas dû renverser la décision du Tribunal de la concurrence, la C.S.C. conclut que le critère à appliquer à l’égard de l’appel n’était pas la « correction », mais le « caractère raisonnable » de la décision. Faisant valoir que la décision du Tribunal sur la définition du marché n’était pas déraisonnable, elle donne raison à Southam. Elle rejette par ailleurs l’appel interjeté par Southam du jugement rendu à l’endroit de l’imprimerie North Shore, qui produit des brochures sur le marché de l’immobilier. Southam doit donc se dessaisir soit de North Shore News, soit de Real Estate Weekly.

16 avril 1997 - Le Tribunal de la concurrence émet une ordonnance sur consentement à l’égard du fusionnement de Canadian Waste Services Inc. (CWS). L’ordonnance fait suite à l’acquisition par CWS des services de gestion des déchets solides non dangereux de Laidlaw dans l’ensemble du Canada. Le directeur allègue que cette acquisition affaiblirait considérablement la concurrence entre les services commerciaux de gestion des déchets dans quatre marchés régionaux. L’ordonnance oblige CWS à vendre certaines parties de ses entreprises de gestion des déchets dans ces marchés.

8 mai 1997 - Le Tribunal de la concurrence émet une ordonnance sur consentement à la suite de l’acquisition par ADM Agri-Industries des meuneries canadiennes de Maple Leaf Mills en février 1997. L’ordonnance oblige ADM à vendre une meunerie de Montréal ainsi qu’un contrat de fourniture. Le directeur conclut que selon toute vraisemblance, le fusionnement empêcherait ou affaiblirait considérablement la concurrence pour la fourniture de farine de blé dur en vrac dans le marché du Québec/Canada atlantique.

9 septembre 1997 - En réponse à l’arrivée prévue d’un service concurrent sur le marché, le Bureau de la concurrence annonce qu’il va réclamer une suspension d’instance relativement à la contestation de l’acquisition de Cast North America Inc. par Canadien Pacifique Limitée. Le Tribunal de la concurrence accorde la suspension le 17 septembre 1997.

20 novembre 1997 - Le projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et d’autres lois en conséquence, est déposé à la Chambre des communes.

23 avril 1998 - Le Tribunal de la concurrence rend une ordonnance par consentement dans l’affaire Canadian Waste/Ressources environnementales. L’ordonnance faisait suite à l’acquisition, en 1997, par Canadian Waste Services Inc. des éléments d’actif de WMI Waste Management of Canada, Inc. liés aux déchets solides non dangereux.

14 juillet 1998 - Le Bureau de la concurrence fait paraître la version finale du document intitulé Lignes directrices pour l’application de la Loi : Fusionnements de banques.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

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La première version de ce bulletin d'actualité a été publiée en janvier 1991.  Le document a été périodiquement mis à jour depuis.