Direction de la recherche parlementaire


93-5F
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LE SIDA : ASPECTS MÉDICAUX ET SCIENTIFIQUES

 

Rédaction :
Sonya Norris, Alan Nixon, William Murray
Division des sciences et de la technologie
Révisé le 18 décembre 2001


TABLE DES MATIÈRES

DÉFINITION DU SUJET

CONTEXTE ET ANALYSE

   A.  L'épidémiologie du VIH/sida

   B.  Le virus de l'immunodéficience humaine (VIH)

   C.  Le système immunitaire et l'étiologie de l'infection à VIH

   D.  Les maladies opportunistes

   E.  Les vaccins anti-VIH

   F.  Les médicaments anti-VIH

   G.  La Commission Krever

MESURES PARLEMENTAIRES

CHRONOLOGIE

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE


LE SIDA : ASPECTS MÉDICAUX ET SCIENTIFIQUES*

DÉFINITION DU SUJET

Le syndrome d’immunodéficience acquise (sida) a été décrit pour la première fois aux États-Unis à l’été 1981; il a d’abord été associé à des cas de pneumonie à Pneumocystis carinii pneumonia et de sarcome de Kaposi chez des homosexuels mâles qui, par ailleurs, étaient immunocompromis.  Au Canada, le premier cas de sida a été signalé en février 1982.  Depuis, la fréquence de la maladie n’a cessé d’augmenter.  Dans le monde 36,1 millions de personnes sont séropositives (infectées par le VIH), et plus de 14 000 nouvelles infections se déclarent chaque jour.  La grande majorité des personnes infectées vivent dans le monde en développement, en particulier en Afrique subsaharienne et dans le Sud-Est asiatique et le sous-continent indien.  On estime que presque 22 millions de personnes sont déjà mortes du sida et que 13,2 millions d’enfants sont devenus orphelins à cause de la maladie.  Cependant, les chiffres exacts sont difficiles à obtenir parce que, dans de nombreux pays, les cas ne sont pas tous diagnostiqués et que les déclarations de cas sont incomplètes et souvent faites en retard.

Comme son nom l’indique, le sida se caractérise par le dérèglement du système immunitaire de l’organisme, laissant le malade sans défense contre des maladies inhabituelles et mortelles.  Le virus de l’immunodéficience humaine ou VIH – l’agent étiologique du sida – a été découvert en 1983.  Le VIH n’est pas très contagieux et sa transmission est facile à prévenir, mais la prévention dépend d’un changement de comportement chez les populations à risque.  Ce virus est inhabituel; son taux de mutation est très élevé et, même s’il fait l’objet d’une recherche intense, son mode d’action est mal connu.  On ne prévoit pas découvrir de vaccin anti-VIH efficace avant plusieurs années et, jusqu’à tout récemment, il n’existait pas de traitement efficace contre la maladie.  Au milieu de 1996, on a fait rapport sur les résultats de plusieurs essais cliniques portant sur la combinaison de plusieurs médicaments anti-VIH.

Selon les premières observations, les associations de trois médicaments ou plus peuvent stopper l’apparition de mutants pharmacorésistants; dans de nombreux cas, la concentration du virus dans le sang chute sous le seuil de détection.  Il est encore trop tôt pour affirmer qu’un remède contre le VIH-sida est à portée de la main; cependant, il semble bien qu’il puisse être possible de transformer l’infection au VIH en une infection chronique contrôlable.

CONTEXTE ET ANALYSE

Depuis l’identification du sida en 1981, les nombreux progrès de la recherche ont permis de mieux comprendre la maladie, son mode de propagation et les méthodes pour la prévenir.  La maladie sera décrite ici sous les rubriques suivantes : épidémiologie du VIH/sida; le virus de l’immunodéficience humaine (VIH); le système immunitaire et l’étiologie de l’infection à VIH; les maladies opportunistes; les vaccins anti-VIH; et les médicaments anti-VIH.

   A. L'épidémiologie du VIH/sida

Depuis le premier cas de sida diagnostiqué au Canada en 1982, la maladie s’est propagée rapidement.  Au 31 décembre 2000, elle avait été diagnostiquée chez 17 594 Canadiens et 12 419 d’entre eux (70,6 p. 100) étaient décédés.  Santé Canada affirme que le retard important dans la déclaration des cas de sida, ainsi que la fréquence des cas non rapportés, font que les chiffres précités sous-estiment la réalité.  Après l’infection initiale au VIH, la maladie se caractérise par une longue période asymptomatique qui peut durer plus de 10 ans avant que les symptômes du sida ne se manifestent.  En 2000, 2 104 cas d’infection à VIH ont été déclarés au Canada, portant le cumul depuis 1985 à 48 014.  On calcule qu’à la fin de 2000, au-delà de 50 000 personnes au Canada étaient séropositives ou sidéennes.  Environ 30 p. 100 d’entre elles ignorent qu’elles sont infectées.

Santé Canada publie maintenant des statistiques sur l’incidence du VIH et du sida dans Le VIH et le sida au Canada.  Ce document, qui paraît deux fois l’an, traite de sujets auparavant présentés dans deux rapports distincts, Le VIH au Canada et Le sida au Canada,et témoigne d’une approche intégrée pour la surveillance du VIH et du sida.

Entre autres statistiques, Le VIH et le sida au Canada classe tous les cas de sida signalés au Canada dans une catégorie d’exposition et de risques.  Au 31 décembre 2000, 72,3 p. 100 de tous les cas de sida chez les adultes attribuables à des catégories de risques identifiables étaient dus aux rapports homosexuels, tandis que 4,8 p. 100 des sidéens étaient des hommes qui indiquaient à la fois des rapports homosexuels et l’utilisation de drogues intraveineuses.  Les cas restants chez les adultes attribués à des catégories de risques identifiables se répartissaient comme suit : utilisation de drogues intraveineuses, 6,5 p. 100; transfusions de sang, 1,6 p. 100; transfusions de facteurs de coagulation sanguine, 1,7 p. 100; rapports hétérosexuels, 11,6 p. 100.  Chez les adultes ne présentant pas de facteurs de risques identifiables, 581 cas de sida ont été signalés (3,3 p. 100 des cas).  Deux cent trois cas de sida ont été relevés chez des enfants de moins de 15 ans (1,2 p. 100 des cas).

Les données qui précèdent ne donnent qu’un aperçu de l’épidémie de VIH au Canada; elles n’indiquent pas quels segments de la population canadienne sont aujourd’hui infectés.  Il n’y a qu’au Canada et dans les pays développés de l’Europe et de l’Australie que le sida demeure une maladie qui touche majoritairement les gays.  La fréquence des nouvelles infections à VIH chez les homosexuels masculins du Canada a chuté, surtout chez les plus âgés qui ont éprouvé la mort d’amis et d’amants.  Malheureusement, les jeunes homosexuels ont moins tendance à se protéger dans leurs relations sexuelles et présentent encore un taux relativement élevé d’infection.  Pendant que l’épidémie faiblit chez la population homosexuelle, elle s’intensifie chez les jeunes hétérosexuels.  À la fin de 2000, les femmes comptaient pour 7,7 p. 100 du cumul des cas de sida chez les adultes.  Elles représentent une part croissante des cas d’infection à VIH et de sida déclarés chaque année chez les jeunes adultes.  En 2000, 22,9 p. 100 des infections à VIH déclarées chez les adultes l’étaient chez des femmes.  De 1985 à 1994, seulement 9,8 p. 100 de tous les cas d’infection à VIH déclarés chez des adultes l’ont été chez les femmes.

Le profil des nouveaux cas d’infection à VIH a beaucoup changé depuis que la maladie a été identifiée.  Presque les trois quarts de toutes les infections déclarées entre 1984 et 1995 étaient attribuables à des activités à risque d’hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes.  La situation a changé au cours des années suivantes : on a constaté une augmentation de la proportion de femmes infectées et du rôle joué par l’utilisation de drogues intraveineuses dans la propagation du virus.  Par ailleurs, entre 1994-1995 et 1999 il y a eu diminution du nombre de cas d’infection à VIH déclarés, de diagnostics de sida et de décès liés au sida.  Toutefois, en 2000, le nombre de nouveaux cas de sida déclarés a augmenté pour la première fois depuis 1994.  En outre, il y a eu une augmentation tant du nombre que de la proportion relative de cas séropositifs chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, ce qui confirme la fréquence accrue des infections à VIH constatée chez ce groupe en 1999.

Aux États-Unis, le sida a cessé d’être avant tout une maladie des gays peu après 1990.  Les données des Centres for Disease Control and Prevention (centres de contrôle et de prévention des maladies) aux États-Unis indiquent que la proportion de nouveaux cas d’infection à VIH signalés chez les homosexuels et les bisexuels masculins a régressé, passant de 43 p. 100 en 1996 à 41 p. 100 en 1997 et à 40 p. 100 en 1999.  Toutefois la tendance s’est renversée en 2000, et le taux a de nouveau grimpé à 43 p. 100.  Chez les adultes de race blanche, la part de nouveaux cas, qui avait auparavant diminué et qui était ensuite demeurée inchangée à 32 p. 100 en 1998 et 1999, a augmenté de nouveau pour atteindre 37,3 p. 100.  Pendant ce temps, le taux de séroposivité a continué d’augmenter chez les femmes et les groupes minoritaires, comme au Canada.  Le nombre de cas de sida chez les femmes a augmenté au fil des ans, passant de 13 p. 100 du total en 1993 à 17,4 p. 100 en 2000.  Chez les Noirs aux États-Unis, le nombre de cas continue d’augmenter.  Il est passé de 31,8 p. 100 du total des cas en 1993 à 37,8 p. 100 en 2000.  Ces statistiques sont troublantes, parce que les Noirs ne constituent que 12,3 p. 100 de la population américaine.  De la même façon, les Hispaniques, qui composent seulement 12,5 p. 100 de la population américaine, représentaient 18 p. 100 des cas de sida en 2000. Chez les Américains âgés de 25 à 44 ans, le VIH était la cinquième cause de mortalité en 1999; chez les Noirs du même groupe d’âge, c’était la première cause de décès.

Les rapports sexuels sont le principal mode de transmission du VIH.  Les relations anales ou vaginales non protégées présentent le plus grand risque d’infection, étant donné que le tissu épithélial du vagin, de l’anus et du rectum contient des cellules susceptibles d’être envahies par le virus.  Des études scientifiques ont montré que les femmes sont au moins deux fois plus vulnérables que les hommes à la transmission hétérosexuelle du VIH; par ailleurs, la circoncision diminue le risque chez les hommes.  On estime que les pratiques sexuelles orales présentent moins de risques, parce que la pénétration du virus est alors limitée aux coupures, aux abrasions ou aux zones d’inflammation de la bouche; cependant, on a découvert que le VIH est capable d’infecter des cellules de Langerhans présentes dans l’épithélium des amygdales.  Le virus est détruit par les acides de l’estomac.  L’usage du condom (dans une matière autre que le latex) pour toutes les pratiques sexuelles qui impliquent l’échange de liquides corporels réduit sensiblement le risque de transmission du VIH.

Même si seulement 6,5 p. 100 de tous les cas de sida diagnostiqués au 31 décembre 2000 étaient attribuables directement à l’utilisation de drogues intraveineuses, il reste que l’injection de drogues à l’aide de seringues partagées est une activité à haut risque.  Des études canadiennes révèlent que les personnes sans domicile fixe et à faible revenu qui habitent le centre des villes courent deux fois plus de risques de devenir séropositifs que les toxicomanes plus riches.  On a également observé que les personnes qui s’injectent de la cocaïne plus de quatre fois par jour risquent 2,4 fois plus de s’infecter que ceux qui s’injectent d’autres drogues.  Aux États-Unis, l’usage des drogues intraveineuses est une cause importante de nouvelles infections à VIH.  Une analyse menée en février 1995 par les centres de contrôle et de prévention des maladies des États-Unis révèle que 75 p. 100 environ des nouveaux cas d’infection à VIH dans ce pays en 1994 étaient de fait attribuables à la toxicomanie.

Le VIH peut être transmis par le sang entier et par les dérivés sanguins.  Un grand nombre de personnes ont été infectées après avoir reçu du concentré de facteur VIII, un produit de coagulation préparé à partir de plasma sanguin.  Environ 1 200 Canadiens ont été infectés par le VIH durant les années 1980 après avoir reçu du sang et des dérivés sanguins contaminés.  Depuis le 1er novembre 1985, la Société canadienne de la Croix-Rouge soumet tout le sang reçu à des analyses de recherche des anticorps anti-VIH.  Avant cette date, la Croix-Rouge avait institué le dépistage des donneurs afin d’éliminer les sujets appartenant aux groupes à risque.  Aujourd’hui, le système canadien de distribution du sang est aussi sécuritaire que n’importe quel autre dans le monde.  La Société canadienne du sang, en activité depuis septembre 1998, recherche les lignées les plus courantes de VIH, VIH-1 et VIH-2 dans tous les dons de sang, à l’aide d’un test très sensible qui ne produit pas de « faux négatifs »; en d’autres mots, aucun échantillon infecté n’échappe au test.  Cependant, le test peut produire des « faux positifs ».

Les bébés nés de mères infectées par le VIH risquent de contracter le virus.  Le VIH peut être transmis de la mère à l’enfant (transmission périnatale) de trois manières : 1) par infection in utero lorsque le virus traverse le placenta; 2) par exposition du nouveau-né au sang et aux sécrétions vaginales durant le travail et l’accouchement; 3) par transmission postpartum pendant l’allaitement.   Le taux d’infection varie considérablement, d’un minimum de 13 p. 100 à un maximum de 40 p. 100.   Dans une étude américaine, on a trouvé que le taux de transmission périnatale passait de 25,5 à 8,3 p. 100 quand on administrait de l’AZT aux mères séropositives durant leur grossesse et, par la suite, aux nouveau-nés pendant huit semaines après la naissance.  On estime que les associations médicamenteuses faisant appel à au moins trois médicaments anti-VIH permettront d’autres améliorations.  Au 31 décembre 2000, on avait recensé 158 cas de transmission périnatale ayant progressé jusqu’au stade du sida au Canada.  Ce mode de transmission est de loin le plus important chez les enfants de moins de 15 ans (83,6 p. 100 des cas).

L’infection par le VIH inquiète énormément les médecins et les dentistes et, dans une certaine mesure, les intervenants des secours d’urgence qui sont en contact avec le sang.  Des cas de transmission du VIH sont survenus dans les hôpitaux, d’habitude à la suite d’une blessure par piqûre d’aiguille contaminée.  Les interventions chirurgicales effractives comportent aussi un risque de transmission du virus par des coupures occasionnées par un instrument chirurgical ou un fragment osseux, mais l’incidence d’infection par cette voie est minime.  Aucun cas de transmission du VIH d’un travailleur de la santé à un patient n’a encore été enregistré.

Le risque d’infection en dentisterie a été soulevé après qu’il eut été révélé qu’un dentiste de la Floride (aujourd’hui décédé) avait peut-être infecté jusqu’à cinq patients.  Les traitements dentaires ne sont pas considérés comme un facteur de risque grave pour le public, cependant, et des techniques de stérilisation du matériel de dentisterie sont utilisées pour protéger les patients.  Dans la profession médicale, le risque est plus grand chez les dentistes et leur personnel qui soignent des personnes infectées par le VIH, mais ce risque est considéré comme minime.

Le virus du sida a été isolé dans différents liquides organiques, dont la salive, mais les probabilités de transmission du virus par cette voie sont très minces, voire inexistantes.

   B. Le virus de l'immunodéficience humaine (VIH)

Contrairement à la plupart des virus qui infectent les êtres humains, le VIH est un rétrovirus, c’est-à-dire un virus dont le matériel génétique est composé d’acide ribonucléique (ARN) et non d’acide désoxyribonucléique (ADN).  Deux grandes souches de VIH ont été identifiées : le VIH-1, souche la plus répandue dans le monde, et le VIH-2, que l’on trouve surtout en Afrique de l’Ouest.  Des deux, le VIH-1 détermine les formes les plus graves de la maladie.  À ce jour, on a identifié neuf sous-types génétiquement distincts du VIH, désignés sous-types A à H, et O.

Dans l’histoire, aucun virus n’aura été autant étudié que le VIH, mais il reste encore beaucoup à apprendre.  Une particule du virus, ou virion, apparaît comme une sphère irrégulière.  Son enveloppe externe est une double couche de cellules lipidiques.  L’enveloppe est parsemée de protéines, dont certaines sont d’origine humaine : ce sont des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), qui jouent un rôle clé dans le système immunitaire humain.

L’enveloppe du virion est également hérissée de nombreuses « spicules » de protéines, chacune contenant la protéine gp120 à l’extérieur et la gp41 dans l’enveloppe.  Les protéines sont liées à des sucres, d’où le sigle gp signifiant glycoprotéine.  Le nombre désigne la masse de la protéine.  La protéine gp120 de l’enveloppe est dérivée d’une molécule précurseur appelée gp160.  La protéine gp120 possède une forte affinité pour la protéine CD4 présente à la surface des cellules du système immunitaire, ce qui facilite la pénétration du VIH dans la cellule.  Des recherches récentes permettent de penser qu’une deuxième protéine à la surface de la cellule, une enzyme appelée CD26, servirait en fait de porte d’entrée au VIH.  Dans la protéine gp120 il y a une boucle appelée boucle V3, qui jouerait un rôle important dans le processus infectieux du VIH.  Deux autres protéines ont été identifiées dans l’enveloppe, les protéines p17 et p24.  Le noyau, ou capside, du virion renferme le matériel génétique du virus sous forme de deux brins d’ARN.  Un certain nombre d’enzymes essentielles au cycle infectieux du VIH ont été identifiées.  Elles sont décrites en détail plus loin.

   C. Le système immunitaire et l'étiologie de l'infection à VIH

Un des principaux facteurs qui empêchent de comprendre à fond le rôle du VIH dans le développement du sida est la connaissance incomplète du fonctionnement du système immunitaire humain.  Nous donnons ci-après une brève description du système immunitaire.

Le système immunitaire humain consiste en deux sous-systèmes : l’immunité humorale et l’immunité à médiation cellulaire.  L’immunité humorale est basée sur la production d’anticorps par les lymphocytes ou cellules B, qui sont produits dans la moelle des os et circulent dans le sang.  Les cellules B ont des fonctions extrêmement variées; au total, elle représentent des millions de gènes d’anticorps qui commandent la production d’un nombre égal d’anticorps différents.  Les lymphocytes, qui portent à leur surface un anticorps parmi des millions d’anticorps différents, parcourent l’organisme en permanence, prêts à rencontrer un antigène envahisseur.  (Un antigène est une protéine étrangère ou une toxine glucidique pouvant être produite par un organisme pathogène.)  Quand un antigène rencontre un lymphocyte B porteur de l’anticorps correspondant, la cellule B est amenée à se diviser rapidement et à sécréter de grandes quantités d’anticorps qui attaquent l’envahisseur.  Il n’est même pas nécessaire, pour être efficace, que l’anticorps corresponde exactement à l’antigène.

L’immunité à médiation cellulaire fait intervenir un type de lymphocyte, appelé lymphocyte T, qui provient du thymus.  Contrairement au lymphocyte B, le lymphocyte T ne peut pas « voir » l’antigène entier, mais les récepteurs à sa surface reconnaissent les fragments protéiques de l’antigène, ou peptides.  Les peptides, qui sont des séquences linéaires courtes d’acides aminés, peuvent même contenir la partie interne d’un microbe.  Une molécule de la protéine du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) véhicule le fragment d’antigène et le « présente » au lymphocyte T.

Les lymphocytes T se divisent en deux sous-populations : les CD4 (auxiliaires) et les CD8 (tueurs).  Ces derniers sont aussi appelés « lymphocytes T cytotoxiques » parce qu’ils tuent littéralement les cellules infectées, limitant ainsi la propagation du virus.  Les lymphocytes T CD4 réagissent au signal chimique donné par le fragment d’antigène sur la protéine CMH et sécrètent de grandes quantités de substances chimiques appelées lymphokines.  Les interférons et les interleukines sont deux des diverses classes de lymphokines.  Ces substances chimiques stimulent le système immunitaire et déclenchent l’inflammation des tissus qui fait partie de la réaction immunisante.

Le système complémentaire est un autre élément important du système immunitaire. Ce sous-système fait interagir plus de 18 fractions protéiques qui accroissent les défenses de l’organisme quand les anticorps s’imbriquent avec les antigènes envahisseurs.  Entre autres choses, le système complémentaire facilite la lyse (dégradation) des cellules des pathogènes envahisseurs.

Les lymphocytes B et T forment un système étroitement lié qui a des réactions en boucle positives et négatives.  Les lymphocytes T stimulent les lymphocytes B et contribuent à leur activation, état où ils se divisent rapidement et produisent de grandes quantités d’anticorps.  De leur côté, les lymphocytes B transforment les antigènes de telle manière que les lymphocytes T réagissent immédiatement, contribuant ainsi à leur activation.

Il faut une certaine compréhension du système immunitaire avant d’aborder la question du sida, car la théorie dominante veut que les lymphocytes T CD4 soient altérés par le virus, ce qui cause des anomalies fonctionnelles et une diminution du nombre de cellules et finit par entraîner la grave immunosuppression qui caractérise l’infection à VIH avancée.  D’autres types de cellules, notamment les grosses cellules phagocytaires appelées macrophages, sont aussi infectées par le VIH et peuvent agir comme des réservoirs importants du virus en dehors du système sanguin et comme vecteurs du virus à d’autres organes (l’effet « cheval de Troie »).

On sait que l’infection par le VIH suit différentes étapes avant d’aboutir à l’état appelé sida.  Chez 50 à 70 p. 100 des gens, entre trois à six semaines après la primo-infection par le VIH, un syndrome aigu semblable à la mononucléose apparaît, caractérisé par de la fièvre et des malaises généralisés.  On note aussi une virémie élevée (présence de particules virales dans le sang) durant cette période.

Une semaine à trois mois après la primo-infection, l’organisme   mobilise ses défenses contre le VIH.  En même temps, il se peut que le virus se propage largement dans l’organisme, particulièrement dans les organes lymphoïdes.  La réaction immunitaire provoque une chute importante de la virémie mais ne réussit pas à supprimer totalement la reproduction du VIH.  Le virus devient presque impossible à déceler dans les cellules du sang périphérique, mais il reste décelable dans les ganglions lymphatiques.

On connaît mal le ou les mécanismes qui entraînent le dysfonctionnement du système et la destruction des lymphocytes T CD4.  L’hypothèse la plus simple veut que les lymphocytes T soient tués directement par le virus après l’infection.  Il a été démontré également, in vitro, qu’un lymphocyte T infecté se liera avec un certain nombre de lymphocytes non infectés, formant des grappes appelées syncytiums; ce processus entraîne la mort de toutes les cellules concernées.  La formation de syncytiums a rarement été observée in vivo cependant.

Il se pourrait aussi que les lymphocytes T CD4 soient détruits à la suite d’une réponse immunitaire propre au VIH où interviennent à la fois le sous-système humoral et le sous-système cellulaire.  Différentes protéines virales qui stimulent la formation d’anticorps ont été identifiées; les lymphocytes T infectés par le VIH qui expriment ces protéines à leur surface sont peut-être détruits sélectivement par les lymphocytes T cytotoxiques.  Il se peut aussi que le système immunitaire soit perturbé sans qu’il y ait destruction proprement dite de cellules : les cellules infectées ne fonctionneront pas normalement, d’où l’immunodépression du système.  Selon une autre hypothèse, une forme quelconque de réaction auto-immune provoquerait la mort des lymphocytes T CD4.

On a constaté qu’un nombre important de personnes infectées par le VIH ne développaient pas le sida; selon les résultats de certaines études, à peu près la moitié des personnes n’ont toujours pas le sida 10 ans après avoir été infectées.   Une étude réalisée à San Francisco indique que 8 p. 100 des hommes infectés depuis 10 à 15 ans demeurent cliniquement normaux, n’affichant que des anomalies mineures des systèmes sanguin et immunitaire.   Un groupe de recherche britannique laisse entendre que jusqu’à 25 p. 100 des personnes infectées par le VIH survivront 20 ans sans développer le sida.

Tout indique que la « charge virale » – la quantité de virus dans l’organisme – est un facteur important dans le développement du sida.  Les personnes dont la charge virale est élevée, tant au départ qu’avec la progression de l’infection, semblent développer plus rapidement la maladie.  On ne sait pas pourquoi la charge virale est plus élevée chez certaines personnes que chez d’autres, mais la réponse à cette question pourrait donner des renseignements sur l’étiologie de la maladie et contribuer à l’amélioration des thérapies.

En somme, malgré les différentes hypothèses qui ont été proposées pour expliquer comment le VIH provoque les événements pathologiques qui finissent par déclencher le sida, aucune explication n’est totalement satisfaisante.  L’opinion à laquelle la majorité semble se rallier, c’est que le sida résulterait d’une surcharge de VIH dans l’organisme de la personne infectée, causant une activation incomplète de la réponse immunitaire, suivie par la destruction du système par le virus.

   D. Les maladies opportunistes

On sait maintenant que l’infection par le VIH conduit à un processus pathologique, qui débute par l’exposition initiale et se termine par les formes avancées de l’immunodéficience, le stade appelé sida.  La mort du malade résulte des interactions complexes entre l’infection par le VIH en soi et les infections opportunistes et les cancers qui sont fréquemment liés au syndrome.

Le premier stade de l’infection, le « syndrome rétroviral aigu », est caractérisé par des accès de fièvre, une pharyngite, des maux de tête, des malaises généralisés et une éruption cutanée.  Les symptômes sont souvent confondus avec ceux de la grippe ou de la mononucléose infectieuse.  Ces symptômes se manifestent entre une et trois semaines après l’infection et peuvent durer une semaine ou deux.  Durant cette période, le nombre de particules virales dans le sang est très élevé, et la personne infectée est contagieuse.  Il est essentiel, par conséquent, que le counseling soit entrepris immédiatement afin de prévenir la transmission du virus.

À l’étape suivante de la maladie, la plupart des personnes infectées entrent dans une période de « latence clinique ».  Une étude portant sur un grand nombre d’homosexuels mâles a révélé que la période médiane entre la date estimative de l’infection et l’apparition du sida était de 10,8 ans.  Cette période peut varier entre un minimum de 12 mois et plus de 11 ans.  En réalité, le virus n’est pas réellement inactif durant cette période; le terme latence est donc inexact.  Pratiquement toutes les personnes infectées subissent une détérioration graduelle de leur système immunitaire, qui se manifeste surtout par une baisse des lymphocytes T CD4 dans le sang périphérique; de plus, une lymphadénopathie (gonflement des ganglions lymphatiques) apparaît habituellement au cours de cette période.

En janvier 1995, dans un article sur la dynamique démographique du VIH chez des personnes infectées, il a été révélé que la longue période de « latence clinique » associée au VIH/sida est au contraire une période d’activité intense au cours de laquelle un nombre important de cellules sont infectées et meurent à un rythme élevé.  Un certain état d’équilibre pourrait être atteint, où l’infection, la mort cellulaire et le remplacement cellulaire seraient en équilibre.  On peut supposer dès lors que le virus subit un nombre extraordinaire de cycles de réplication, un roulement qui commande le mécanisme pathogénique et qui entraîne de profondes variations génétiques dans le virus.  Cette prolifération de mutations explique la résistance que l’organisme finit toujours par opposer aux médicaments antiviraux.

L’étape suivante de la maladie est appelée « infection symptomatique par le VIH ».  Cette désignation a largement remplacé le terme « affections reliées au sida » ou « para-sida ».   À ce stade-ci, la numération des cellules T CD4 a beaucoup baissé, et on note une augmentation des états infectieux, sans toutefois que ceux-ci soient critiques.  Une série de symptômes chroniques ou intermittents peuvent survenir, et presque tous les systèmes organiques peuvent être touchés.  Les symptômes observés comprennent des sueurs nocturnes, une diarrhée chronique, l’épuisement, des infections buccales mineures et des maux de tête.

Un autre facteur qui peut être important à ce stade-ci est la manifestation d’effets contraires aux médicaments antirétroviraux comme la zidovudine (AZT).   C’est aussi à ce moment que le virus commence à résister aux médicaments antiviraux.

Durant la phase symptomatique avancée de la maladie, le nombre de cellules T CD4 décline encore davantage, et le risque augmente de contracter des maladies opportunistes graves.  La plupart des maladies peuvent être traitées efficacement par des antibiotiques, mais ces médicaments causent souvent des effets secondaires et il y a un risque de résistance au médicament par les différents organismes pathogènes.  La pneumonie à Pneumocystis carinii est fréquente durant cette phase, mais elle répond au traitement.  Des traitements pour les autres infections, notamment la méningite à Cryptococcus, la rétinite à cytomégalovirus, la toxoplasmose du système nerveux central et la tuberculose à Mycobacterium avium-intracellulare sont à l’étude ou à l’essai.

L’étape finale de la maladie est appelée le sida avéré.  Certains professionnels de la santé préfèrent parler de formes cliniques évoluées de l’infection à VIH.  À ce stade, la numération des lymphocytes T CD4 n’atteint pas 50/ml et les probabilités de décès sont très élevées.  Les maladies opportunistes demeurent les plus grands facteurs de risque de morbidité et de mortalité.  Des soins médicaux attentifs et suivis sont indispensables à ce stade.

   E. Les vaccins anti-VIH

La vaccination est l’arme la plus rentable pour combattre les maladies infectieuses; la solution idéale à l’épidémie du VIH/sida serait un vaccin efficace et abordable qui pourrait être utilisé systématiquement dans tous les pays et dans tous les groupes démographiques.  La transmission du VIH est presque complètement évitable par l’emploi des précautions appropriées, mais cette approche suppose un changement radical de mentalité sur le plan des pratiques sexuelles et de la consommation de drogues par injection, où des changements sont notoirement difficiles à réaliser.  Le programme international de recherche sur les vaccins est très actif et, en ce moment, plus d’une vingtaine de vaccins expérimentaux contre le sida sont testés chez les humains.

Lorsque le VIH a été identifié en 1983, la possibilité de trouver un vaccin a soulevé une vague d’optimisme.  Cependant, comme le VIH est différent de la plupart des virus pour lesquels des vaccins ont été créés, il présente des difficultés particulières.  L’organisme mobilise promptement ses défenses contre l’infection aiguë par le VIH, mais l’immunité ne dure pas et le système immunitaire finit par être détruit.

De tous les virus connus, le VIH est peut-être celui qui possède la plus grande diversité génétique.  Le VIH-1, la souche qui prédomine dans la plupart des pays du globe, est très différent du VIH-2, qui cause le sida en Afrique de l’Ouest.  Il existe au moins neuf sous-groupes distincts de VIH-1 dans le monde.  À l’intérieur de ces sous-groupes, la diversité génétique du VIH est énorme, et n’importe quelle population donnée de virus dans un organisme hôte présentera une proportion importante de génomes viraux défectueux.  Une personne séropositive asymptomatique peut présenter au moins un million de formes génétiquement distinctes du VIH; dans le cas des sidéens, ce peut être cent fois ce nombre.  La source de cette diversité se trouve dans l’enzyme transcriptase inverse, qui ne possède pas de mécanisme de révision pour corriger les erreurs de transcription qui surviennent durant la réplication virale.  Par conséquent, un vaccin efficace contre une souche de VIH ne conférera pas nécessairement une immunité contre le mélange de souches rencontrées dans la nature.

Des animaux de laboratoires (modèles animaux) sont nécessaires pour l’élaboration de vaccins et pour l’étude des processus pathologiques observés dans le sida.  Idéalement, il faudrait un animal d’un prix raisonnable chez qui le VIH produit un état semblable au sida.  Il n’en existe pas en ce moment.  On peut infecter le chimpanzé avec le VIH-1, mais il doit l’être par les lignées les plus virulentes pour développer des symptômes apparentés au sida.  Son utilisation est tout de même avantageuse pour les travaux sur les vaccins.   Le virus de l’immunodéficience simienne (VIS) est apparenté au VIH, et très apparenté au VIH-2.  On trouve le VIS à l’état naturel dans différents primates non humains d’Afrique, mais le virus n’est habituellement pas pathogène.  Le VIS provoque toutefois un état semblable au sida chez les macaques, un groupe simien qui inclut le singe rhésus.

Plusieurs types de vaccins contre le VIH sont actuellement à l’étude.  L’approche usuelle est l’élaboration d’un vaccin prophylactique qui empêchera l’infection.  Une autre approche utilise un vaccin thérapeutique destiné à modifier la maladie chez les personnes infectées.  On tente également de trouver un vaccin pour prévenir la transmission du VIH de la mère au foetus durant la grossesse, ce qui est important étant donné que de plus en plus de femmes contractent l’infection.

Il existe deux manières classiques d’élaborer des vaccins contre les maladies virales. 

  • Premièrement, on peut utiliser un virus vivant qui a été modifié génétiquement, ou « atténué », pour l’empêcher de causer la maladie.  C’est le cas, par exemple, des vaccins contre la poliomyélite et la rougeole.  Dans le cas du VIH, cette option est très risquée.  Le virus, comme il a été dit, subit des mutations extrêmement rapides et on sait qu’il se recombine avec d’autres souches de VIH, et peut-être avec d’autres virus; il y a donc un risque que le virus altéré retrouve sa pathogénicité.  En outre, étant donné qu’il n’existe pas de modèle animal fiable pour l’étude de l’infection par le VIH, on ne peut mesurer la pathogénicité d’une souche atténuée du virus.

  • Deuxièmement, des vaccins peuvent aussi être élaborés à partir de virus entiers inactivés ou « tués ».  L’administration expérimentale de vaccin VIS inactivé à des primates non humains a réussi à créer une réponse protectrice; cette réponse a toutefois été de courte durée, et a été efficace seulement lorsque le virus a été administré par voie intraveineuse.  De plus, on ne sait pas si le vaccin a stimulé la réponse des lymphocytes T cytotoxiques, que l’on croit essentielle à une immunité véritable contre le VIH.

Différentes techniques innovatrices pour l’élaboration de vaccins contre le VIH et le sida sont en cours d’utilisation.  La technique de recombinaison de l’ADN est utilisée pour produire de grandes quantités de protéines et de peptides viraux, et même de gènes viraux, pouvant servir d’immunogènes pour la production de vaccins.  Une autre technique de pointe consiste en l’utilisation de différents micro-organismes atténués, par exemple le virus de la vaccine, contenant un gène VIH encodant une protéine VIH.

Un seul vaccin de ce genre a fait l’objet d’essais à ce jour : un vaccin « sous-unité gp120 ».  Le terme « gp120 » désigne une sous-unité de l’enveloppe de glycoprotéine produite par le virus qui s’en sert pour s’arrimer aux cellules de l’hôte.  Le vaccin s’est révélé sans danger pour l’homme, selon des essais à petite échelle réalisés en Europe et aux États-Unis.  Selon les recherches récentes, il semble toutefois que l’actuelle génération d’immunogènes gp120 (anticorps du gp120) pourrait ne pas être efficace contre le VIH-1.  À la place, les scientifiques travaillent à produire un meilleur anticorps au gp120.  Il faut d’abord une lignée de cellules qui imite le VIH par la présence de la protéine gp120 sur leur membrane.  On active les cellules « hybrides » en les mélangeant à des cellules vulnérables au VIH.   Ensuite, les cellules hybrides sont fixées avec de la formaldéhyde en une forme compétente pour la fusion, qui sert ensuite à produire des anticorps chez la souris.  Ceux-ci se sont révélés capables de neutraliser plusieurs souches de VIH.

En résumé, il faudra encore des recherches poussées pour vaincre les innombrables difficultés que présente l’élaboration de vaccins contre le VIH.   Dans les études sur des animaux, la protection vaccinale ne dure que très peu longtemps et seulement contre un virus identique à celui qui a servi à la fabrication du vaccin.  L’obstacle est de taille, compte tenu de la grande variabilité génétique des souches de VIH : les vaccins devront conférer une immunité contre l’immense diversité génétique du VIH observée chez les humains, une propriété appelée réactivité croisée.  Il reste à déterminer s’il faut posséder un type spécial d’immunité pour se prémunir contre l’exposition au VIH via les secreta, par exemple durant les relations sexuelles, comparativement à l’exposition au virus via le système sanguin.  De plus, une protection devra être réalisée contre les particules virales non cellulaires et cellulaires étant donné que les humains sont rarement infectés par un virus non cellulaire.

Enfin, l’essai de n’importe quel vaccin prophylactique contre le VIH sera difficile et controversé.  Pour bien évaluer l’efficacité d’un vaccin, il faudra utiliser un groupe témoin non protégé.   La perspective de ne pas tout mettre en œuvre pour éviter qu’un groupe soit contaminé par le virus soulève des questions éthiques et morales très difficiles.

   F. Les médicaments anti-VIH

Les échos les plus médiatisés de la XIe conférence internationale sur le sida en 1996 ont concerné les succès obtenus dans la lutte contre le VIH au moyen de traitements faisant appel simultanément à deux, trois ou quatre médicaments anti-VIH.  De bons indices laissent croire aujourd’hui que l’infection au VIH deviendra un état chronique contrôlable et qu’on pourrait dans l’avenir trouver un véritable remède.

Le VIH comporte neuf gènes, dont trois codent des enzymes essentielles.  La première enzyme, la transcriptase inverse (RT) copie l’ARN virale en chaîne d’ADN, matériel génétique plus courant.  La deuxième enzyme, l’intégrase, coupe l’ADN de la cellule hôte et y insère la séquence d’ADN viral à la place.  Ainsi, les opérations normales de la cellule hôte font que la séquence du VIH est lue et traduite en un long filament protéique.  Enfin, la troisième enzyme, une protéase, coupe le filament de protéine aux bons endroits et libère tous les chaînons protéiques requis pour que le virus puisse se réassembler en un nouveau virion.  Ainsi, une cellule CD4 infectée peut produire et libérer des centaines de nouveaux virions de VIH.

L’objectif de la lutte pharmaceutique au VIH a été la production de médicaments qui s’attaquent directement à la fonction d’une de ces enzymes.   À ce jour, la plus grande partie du travail a porté sur deux classes de médicaments combattant la RT.  Les plus communs d’entre eux sont des analogues de nucléosides : AZT, ddI, ddC, 3TC et d4T.  En outre, il existe également un groupe d’inhibiteurs non nucléosidiques de la RT, dont certains ont été étudiés en détail : névirapine, loviride et delavirdine.   On a réussi également à mettre au point des médicaments qui inactivent la protéase.  Les principaux inhibiteurs de la protéase sont les suivants : saquinavir, ritonavir, indinavir, amprenavir et nelfinavir.  À ce jour, seuls quelques médicaments visent à entraver l’activité de l’intégrase.  Ces médicaments anti-intégrase, ainsi que plusieurs autres inhibiteurs de la RT et de la protéase, en sont aux premiers essais.  Jusqu’à 20 médicaments anti-VIH peuvent servir dans plusieurs associations médicamenteuses efficaces.

Depuis l’arrivée sur le marché du premier médicament anti-VIH, l’AZT, le virus a réussi à combattre le médicament en créant des mutants pharmacorésistants.  On estime que chaque fois que le matériel génétique du VIH se réplique, au moins une erreur de duplication se produit, parfois deux ou plus.  Chaque virus différent de son parent est un mutant.  Certaines mutations sont délétères et rendent le virus moins infectieux ou apte à se répliquer; d’autres mutations peuvent être bénéfiques pour le virus; cependant, la grande majorité d’entre elles n’ont guère d’effet.  À cause du taux rapide de reproduction des virus et de la quantité formidable de virions présents dans l’organisme, il peut s’en trouver déjà quelques-uns qui sont résistants à un médicament particulier même si le virus n’a jamais été en contact avec lui.  Lorsque cela se produit, le médicament peut éliminer les virions susceptibles et la charge virale (quantité de virus dans le sang) chute radicalement.  Cependant, le virion résistant se voit alors conférer un avantage sélectif; quelques mois plus tard il aura proliféré au point que sa concentration atteint à nouveau la charge virale d’avant le traitement.  Il se peut également qu’aucun mutant résistant ne soit présent, mais que le médicament anti-VIH ne puisse pas réprimer complètement la réplication virale.  La charge virale chute, la reproduction du virus continue faiblement et finalement un mutant résistant apparaît et prolifère.

Les analyses mathématiques ont révélé que la pharmacorésistance à la monothérapie (traitement au moyen d’un médicament unique) apparaîtra en quelques mois seulement.  Il est également très possible qu’une double mutation se produise et donne lieu à une pharmacorésistance à deux médicaments combinés; cependant, la probabilité est presque nulle qu’une mutation triple ou quadruple donne lieu à une pharmacorésistance à trois médicaments ou plus.  Si le VIH est attaqué par de fortes doses de trois médicaments ou plus, la réplication virale devrait normalement stopper complètement au point que la reproduction ne puisse plus se produire et que les mutations triples ou quadruples ne puissent s’accumuler avec le temps.  Par conséquent, on recommande aujourd’hui des associations médicamenteuses agressives le plus tôt possible après le début de l’infection, avant que le système immunitaire n’ait été gravement altéré et pendant que la charge virale est encore relativement faible et qu’il ne se soit pas accumulé une grande variété de mutants.  C’est ce que l’on appelle le recours aux médicaments antirétroviraux fortement actifs (MAFA).

On reconnaît aujourd’hui que toute association médicamenteuse doit inclure à la fois l’AZT et le 3TC.  L’AZT est un médicament anti-VIH très puissant.  Même si le 3TC est moins puissant, l’association 3TC-AZT agit comme un déclencheur contre la résistance.  La résistance à l’AZT peut augmenter, mais le 3TC tient la réplication virale en échec jusqu’à l’apparition de la résistance à ce médicament.  Fort heureusement, la mutation qui confère de la résistance au 3TC est à l’inverse de celle qui avait produit la résistance à l’AZT, de sorte que le virus mutant redevient susceptible à l’AZT.  On a trouvé que l’AZT et le 3TC associés au ddI ou à la névirapine, inhibiteur non nucléosidien de la RT, réduisaient la charge virale à une concentration quasi-indétectable.  Cependant, on peut obtenir des résultats encore meilleurs si l’AZT et le 3TC sont associés avec un inhibiteur de la protéase.  Employés seuls, les inhibiteurs de la protéase se sont révélés des inhibiteurs très puissants de la réplication du VIH; cependant, des mutants résistants apparaissent très vite.  La résistance ne semble pas constituer un problème quand on a recours à une concentration optimale d’inhibiteurs de la protéase, d’AZT et de 3TC.  Ainsi, lors d’essais cliniques, l’usage continuel d’une association d’indinavir, d’AZT et de 3TC a provoqué une chute soutenue de la charge virale jusque sous le seuil de détection et une augmentation soutenue des CD4.

On pose l’hypothèse qu’une attaque très forte contre le VIH au premier stade stoppera la réplication, permettra au système immunitaire de récupérer et, à terme, permettra à l’organisme de se débarrasser du virus.   Quelques indices laissent croire que les systèmes immunitaires très altérés peuvent ne pas s’en remettre entièrement, ce qui laisse entrevoir malheureusement l’obligation de recourir à des thérapies lourdes toute la vie durant.  Une autre solution plus intéressante consiste à rétablir le système immunitaire; c’est le but des travaux sur l’interleukine-2 et le facteur stimulant les colonies granulocytes-macrophages (IL-2 et GM-CSF).  Même si l’on croit qu’une combinaison de ces médicaments peut stimuler le système immunitaire, il reste beaucoup à faire dans ce secteur.

Personne ne sait encore combien de temps il faudrait pour que l’organisme se débarrasse du VIH, si même cela devenait possible.  Certaines cellules de l’organisme peuvent fonctionner pendant trois ans avant d’être remplacées, et il est possible que des virions de VIH s’y trouvent en latence.  En outre, certains cliniciens craignent que le VIH latent puisse s’abriter indéfiniment dans certaines cellules nerveuses spécialisées ou dans le cerveau.  Par conséquent, seule une expérimentation par essai et erreur chez les humains indiquera si on peut mettre fin au traitement par association médicamenteuse, et quand.  Sur une note positive, mentionnons qu’on n’a trouvé aucune trace de VIH dans des biopsies effectuées sur les ganglions lymphatiques de six malades après 78 semaines d’un traitement associant l’AZT, le 3TC, le ddI, le ddC et l’interféron alpha.

Malgré les bonnes nouvelles, on a signalé à la conférence que le coût extrêmement élevé des traitements multiples, estimé à plus de 13 000 $ par année, imposerait un fardeau au budget de santé des pays développés.  Cela n’est rien à côté du sort des séropositifs vivant dans les pays en développement.  C’est en effet dans ces pays qu’on retrouve 90 p. 100 des cas de VIH, et les pauvres qui y vivent n’ont aucun espoir d’obtenir des traitements.  À moins qu’on puisse réduire radicalement le coût des médicaments anti-VIH, les succès récents des traitements par association médicamenteuse n’auront à peu près aucun effet pour ce qui est d’enrayer la pandémie de sida dans le monde.

   G. La Commission Krever

En septembre 1993, suivant leur conférence annuelle à Edmonton, les ministres fédéraux-provinciaux-territoriaux de la santé ont annoncé qu’une enquête publique serait réalisée sur la capacité du système canadien de distribution du sang de protéger adéquatement la population canadienne contre l’infection par le VIH.  Le Juge Horace Krever, juge à la Cour suprême de l’Ontario et membre de la Cour d’appel de l’Ontario, a été nommé commissaire et l’enquête, qui a débuté le 22 novembre 1993, a été menée conformément à la Partie I de la Loi canadienne sur les enquêtes.

Les premiers témoins dans le cadre de l’enquête sur le système canadien de distribution du sang ont été entendus le 14 février 1994.  Des audiences publiques ont été tenues dans chaque province.   Avant même le début des audiences publiques, les sous-ministres de la Santé du Canada ont toutefois suggéré que le système de distribution du sang soit modifié en profondeur et recommandé que la Croix-Rouge canadienne ne prenne plus en charge les achats de produits du sang.  Dans un rapport, ils proposent de confier cette responsabilité à l’Agence canadienne du sang.

Le commissaire Krever a publié un rapport provisoire de 485 pages le 24 février 1995.  En plus de mesures pour l’amélioration du système canadien de distribution du sang, il y recommande que les hôpitaux communiquent avec chacun des 3,5 millions de Canadiens qui ont reçu des transfusions sanguines entre 1978 et 1985, pour les informer du risque d’infection à VIH auquel ils ont été exposés et pour leur conseiller d’obtenir un test de dépistage.

En décembre 1995, conformément à l’article 13 de la Loi sur les enquêtes, le juge Krever a émis des avis destinés à plusieurs personnes, les informant que le rapport final de la Commission pourrait émettre un blâme à leur endroit.  Ce droit de la Commission a été contesté en Cour fédérale par la Société canadienne de la Croix-Rouge, le gouvernement fédéral, six provinces, cinq compagnies pharmaceutiques et plusieurs particuliers.  En juin 1996, le juge John Richard a permis le maintien d’allégations de faute possible contre 17 responsables du gouvernement fédéral et de la Croix-Rouge; cependant, il a interdit à l’enquête d’en faire autant pour 47 autres personnes, y compris d’anciens ministres et des fonctionnaires supérieurs de la santé.

Lorsqu’on a établi la Commission, on lui a donné pour mandat de faire enquête sur les problèmes et les faiblesses du système canadien de distribution du sang, puis de présenter des recommandations.  Ces recommandations devaient servir au gouvernement fédéral et aux provinces à réorganiser le système canadien de distribution du sang afin de faire en sorte que la tragédie qui avait eu lieu ne se produise plus.  À cause de nombreux retards que la Commission a connus, les ministres de la Santé du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires ont estimé que la sécurité du système canadien d’approvisionnement en sang ne pouvait pas attendre le dépôt du rapport final.  Le 10 septembre 1996, ils ont annoncé la création, d’ici un an, d’un nouvel organisme national autonome, responsable de l’exploitation du système d’approvisionnement du sang.

Le 26 novembre 1997, le ministre de la Santé a publié le rapport final de la Commission Krever au nom du gouvernement fédéral.  Le rapport du juge Krever traitait de sujets importants liés à la crise du sida y compris :

  • la réponse du Canada aux menaces faites à la sûreté de l’approvisionnement en sang causées par l’avènement du sida;

  • la sûreté des produits sanguins et des dérivés plasmatiques;

  • les réponses internationales face au risque de VIH dans l’approvisionnement en sang;

  • la nécessité de réformer l’actuel système d’approvisionnement du sang.

En réponse aux recommandations de la Commission Krever concernant le système canadien d’approvisionnement, la Société canadienne du sang (SCS) a été créée en tant qu’organisme de bienfaisance, sans but lucratif, pour fournir aux Canadiens un approvisionnement en sang qui soit sûr et fiable.  (Le Québec a établi son propre système d’approvisionnement en sang appelé Héma-Québec).  La SCS assume la responsabilité de l’exploitation du système canadien d’approvisionnement en sang depuis le 28 septembre 1998.

Le 28 mai 1998, le ministre de la Santé a annoncé les détails de la nouvelle stratégie canadienne sur le VIH et le sida (SCVS).  Contrairement aux initiatives antérieures en matière de VIH et de sida (phases I et II de la Stratégie nationale sur le sida),cette nouvelle stratégie se démarque parce qu’elle n’est pas assortie d’une échéance et qu’elle recevra chaque année 42,2 millions de dollars du budget de services votés du gouvernement.  Parmi les autres éléments de la SCVS, mentionnons :

  • une nouvelle politique visant à mettre les médicaments prometteurs plus rapidement à la disposition des Canadiens;

  • des fonds supplémentaires du Service correctionnel du Canada (SCC) pour la prévention de la propagation de l’infection à VIH et le traitement des détenus ayant le sida dans les établissements correctionnels fédéraux;

  • l’établissement d’un conseil ministériel sur le VIH/sida formé de 15 membres venant de différents secteurs liés au VIH et au sida et possédant tous de vastes connaissances.  Ce conseil donnera au ministre de la Santé des conseils sur l’application adéquate et efficace d’une stratégie nationale commune sur le VIH/sida et remplacera le Comité consultatif national sur le sida.

MESURES PARLEMENTAIRES

Le Parlement a produit plusieurs rapports sur le sida.   En mai 1986, le Comité permanent de la santé nationale et du bien-être social de la Chambre des communes a déposé son rapport intitulé Le sida au Canada.   En juin 1990, le Comité parlementaire spécial sur le sida a fait paraître Le sida : Un défi.  En novembre 1992, le Comité permanent de la santé, du bien-être social, des affaires sociales, du troisième âge et de la condition féminine de la Chambre des communes a tenu des audiences publiques sur le sida, sous forme d’une table ronde avec le Comité parlementaire spécial sur le sida.  Les audiences ont surtout porté sur le renouvellement des fonds fédéraux affectés à la Stratégie nationale sur le sida.

Le 26 novembre 1992, le Sous-comité sur les questions de santé du Comité permanent de la santé, du bien-être social, des affaires sociales, du troisième âge et de la condition féminine de la Chambre des communes a entrepris des audiences publiques dans le cadre d’une étude sur le sang contaminé par le VIH et d’autres facteurs connexes.  Le rapport du Sous-comité, intitulé Tragédie et Enjeu : La transfusion sanguine au Canada et le VIH, a été déposé à la Chambre des communes en mai 1993; il renferme neuf recommandations.  La principale recommandation concerne la tenue d’une enquête publique sur le système canadien de distribution du sang.  Dans le rapport, qui est axé sur l’efficacité et la sécurité du système, le Sous-comité examine en détail les événements des années 1980 entourant la contamination du sang par le VIH.

Le Sous-comité sur le VIH/sida de la Chambre des communes a été formé en décembre 1994, et il a présenté son premier rapport, Une étude la Stratégie nationale sur le sida : Rapport du Sous-comité sur le VIH/sida, au Parlement un an plus tard.  Le rapport contient 23 recommandations visant le renforcement de la réaction du gouvernement fédéral à l’épidémie de sida.  Le Sous-comité a ensuite examiné la question de l’accès humanitaire aux médicaments de recherche pour les malades catastrophés et, en octobre 1996, il a soumis ses résultats dans le document intitulé L’accès aux médicaments de recherche pour des raisons humanitaires : deuxième rapport du Sous-comité sur le VIH/sida.  Il y présente huit recommandations centrées sur la création de mécanismes facilitant l’accès aux médicaments non reconnus tout en conservant aux essais cliniques la rigueur nécessaire.

CHRONOLOGIE

juin 1981 - Le Centers for Disease Control (CDC) d’Atlanta (États-Unis) signale pour la première fois l’existence du sida et l’attribue faussement aux activités homosexuelles masculines uniquement.

février 1982 - Le sida est signalé pour la première fois au Canada.

juin 1982 - Le CDC rapporte que 20 p. 100 des malades américains sont des toxicomanes hétérosexuels des deux sexes qui se font des injections intraveineuses de drogues.

juillet 1982 - Le CDC annonce que des hémophiles ont contracté le sida par des produits sanguins.

mai 1983 - Le virus du sida, LAV (virus lymphadéno-associé), est isolé en France.

septembre 1983 - Le Comité consultatif national du sida est créé au Canada.

avril 1984 - Le virus du sida, HTLV-III (virus humain T- lymphotrope de type III), est découvert aux États-Unis.  On croit qu’il s’agit du même virus que le LAV.

mars 1985 - Les États-Unis approuvent le premier test commercial de dépistage des anticorps du virus du sida dans le sang.

mai 1985 - On commence à utiliser au Canada un traitement thermique des complexes sanguins administrés aux hémophiles (application généralisée à partir de juin 1985).

novembre 1985 - La détection des anticorps du virus du sida dans le sang des donneurs commence au Canada.

1er mai 1986 - Le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social annonce un plan quinquennal de 39 millions de dollars destiné à favoriser les activités concernant le sida au Canada.

8 juin 1988 - Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social affecte un montant supplémentaire de 129 millions, réparti sur cinq ans, au programme fédéral de lutte contre le sida.

16 octobre 1989 - Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social annonce qu’un nouveau réseau pour les essais cliniques de médicaments anti-VIH sera mis sur pied au Canada par l’Université de la Colombie-Britannique, à l’Hôpital Saint-Paul de Vancouver.  Le réseau améliorera l’accès des malades et des médecins aux essais cliniques de médicaments et de vaccins pour le traitement du sida et de l’infection par le VIH.

24 avril 1990 - Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social annonce que le gouvernement fédéral se propose de créer un Répertoire national des thérapeuti­ques pour les victimes du VIH/sida.  Ce répertoire, appelé Système d’information sur les thérapeutiques pour le sida et le VIH (SITSV), sera tenu par l’université de Toronto.

28 juin 1990 - Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, M. Beatty, présente la Stratégie nationale sur le sida.  Celle-ci ne comporte pas de nouvelles attributions de fonds, mais les fonds déjà consentis sont réaffectés.

octobre 1990 - Des analyses sanguines effectuées anonymement sur 67 078 bébés nés en Ontario entre octobre 1989 et juillet 1990 révèlent que 21 avaient des anticorps du VIH, ce qui représente un taux d’infection de 3,1 par 10 000, soit à peu près le double du taux auquel on s’attendait.  Quand les analyses indiquent que la mère est infectée par le VIH, le nouveau-né a une probabilité de 30 à 50 p. 100 d’être infecté lui aussi.

30 octobre 1991 - Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, M. Benoît Bouchard, annonce que le Centre fédéral sur le sida sera progressivement démantelé et que ses attributions seront réparties entre d’autres services au ministère.  Un Secrétariat national sur le sida est créé pour servir de point de convergence ministériel sur la question de l’infection par le VIH et le sida.  Le Laboratoire de lutte contre la maladie est chargé de la recherche épidémiologique et de la surveillance sur le sida, ainsi que de la recherche biomédicale et de la recherche en laboratoire.  La Direction générale des services et de la promotion de la santé s’occupera des stratégies d’éducation et de prévention et du financement des groupes nationaux, des groupes communautaires et des organismes non gouvernementaux.  La Direction générale se dotera d’un nouveau service pour s’occuper des questions de soins et de traitement.

janvier 1992 - Le ministère de la Santé de l’Ontario met sur pied des centres de dépistage anonyme des personnes atteintes du VIH.  Le programme, dont le coût s’élèvera à 600 000 $, relève d’un programme de lutte contre le sida, d’une valeur de 2,1 millions de dollars, annoncé par le gouvernement en octobre 1991.  D’après de nombreuses personnes travaillant auprès de sidéens, l’anonymat encouragera les personnes à risque à se soumettre aux examens de dépistage.

juillet 1992 - À la VIIIe Conférence internationale sur le sida, à Amsterdam, l’attention se porte sur le fait qu’il est possible que le sida, ou une condition semblable au sida, puisse avoir une autre cause qu’une infection par le VIH-1 ou le VIH-2, les virus tenus responsables de la maladie.

15 avril 1993 - Le Hospital for Sick Children de Toronto prend la décision d’informer les parents des enfants transfusés entre 1980 et 1985 qu’ils ont peut-être été exposés au VIH.  Quelque 17 000 ex-patients pourraient être touchés.  Le programme doit débuter par l’envoi de lettres aux 1 700 familles d’ex-patients en cardiologie pédiatrique.  Il sera agrandi si les mesures initiales portent fruit.  À la mi-juin, l’hôpital annonce que six ex-patients sont séropositifs.

24 novembre 1993 - Le Hospital for Sick Children de Toronto annonce que 17 des 1 700 ex-patients en chirurgie pédiatrique contactés en avril 1993 sont séropositifs.  Ce taux d’infection de 1 p. 100 est plus élevé que prévu.  L’hôpital met une ligne téléphonique à la disposition des parents   qui veulent de l’information au sujet des transfusions entre 1980 et 1985.

7 juin 1994 - À sa réunion annuelle à Halifax, l’Association des hôpitaux du Canada annonce qu’elle lancera une campagne nationale pour exhorter les personnes qui ont reçu du sang entre 1978 et 1985 à subir un test de dépistage pour le VIH.  Certains hôpitaux ainsi que les gouvernements fédéral et provinciaux participeront à cette campagne.  Trois semaines plus tard, l’Association des hôpitaux de l’Ontario lance une campagne dans toute la province pour presser ceux qui ont reçu du sang pendant la période en question à subir un test de dépistage pour le VIH.

25 juin 1994 - Après deux ans de tergiversations, la Société canadienne de la croix rouge annonce officiellement la construction d’une usine de traitement du sang de 150 millions de dollars à Halifax.   L’usine sera exploitée conjointement par la Croix rouge et Miles Inc., une filiale de la société pharmaceutique allemande, Bayer AG.  L’usine devrait devenir opérationnelle en 1997.

juillet 1994 - Dans un article de la revue Science, on cite une évaluation de l’OMS selon laquelle au moins trois millions de personnes ont développé le sida dans le monde entier, et au moins 15 millions ont été infectées par le VIH.  On prévoit que, en l’an 2000, de 30 à 40 millions de personnes au total auront été infectées par le VIH depuis le début de l’épidémie.

19 juillet 1994 - Selon un reportage de Reuter paru dans le Globe and Mail, le U.S. National Task Force on AIDS Drug Development a eu vent que certains fabricants de produits pharmaceutiques projettent de mettre fin à leurs travaux de recherche sur le sida si l’approche actuelle  à la recherche d’une thérapie ne donne aucun résultat.  Les travaux les plus récents portaient sur les « inhibiteurs de protéases »; la protéase est une enzyme essentielle à la reproduction du VIH.  Cette annonce concorde avec les renseignements présentés à la Xe Conférence internationale sur le sida (voir ci-dessous).

7-12 août 1994 - La Xe Conférence internationale sur le sida se tient à Yokohama, au Japon, pour la première fois en Asie.  Peu de nouveaux résultats sur des médicaments ou des thérapies y sont annoncés, et rien n’indique qu’on puisse espérer la mise au point d’un vaccin dans un proche avenir.  Une nouvelle importante est que la zidovudine (AZT), administrée à des femmes enceintes déclarées positives, peut protéger leurs bébés de l’infection.  La conférence a pour thème principal le fait qu’il faut consacrer davantage de ressources à la recherche fondamentale sur le virus et le système immunitaire humain.  Il se pourrait que la U.S. National Institute of Health transfère à la recherche fondamentale certains fonds actuellement consacrés aux essais cliniques de médicaments pour le sida, mais la recherche et les essais de vaccins ne seraient pas touchés.  Les organisateurs pensent organiser une conférence tous les deux ans, à l’avenir, plutôt que chaque année comme ce fut le cas jusqu’à maintenant.

31 août 1994 - Selon un article du Globe and Mail, le Laboratoire fédéral de lutte contre la maladie estime qu’entre 940 et 1 440 personnes ont été infectées par transfusion, au Canada, au cours de la période allant de 1978 à 1985, et que 245 personnes pourraient ne pas savoir qu’elles sont positives.  Le chiffre de 1 440 est considéré comme l’évaluation la plus pessimiste.

16 décembre 1994 - L’OMS annonce que les premiers essais majeurs de vaccins contre le sida sur des sujets humains seront effectués sous peu, les volontaires étant des hétérosexuels toxicomanes en Thaïlande et des homosexuels au Brésil.

1er mai 1995 - Le secrétaire général de la Société canadienne de la Croix-Rouge déclare que bien que les réserves actuelles de sang au Canada soient aussi sûres que celles de n’importe quel autre pays développé, ceux qui reçoivent du sang courent encore le risque de contracter le VIH par suite de la transfusion de sang ou de produits sanguins dans environ un cas sur 50 000.  L’existence de ce petit risque d’infection est en partie attribuable au fait qu’un donneur peut être infecté par le VIH au moment où il donne du sang même si les résultats au test de dépistage des anticorps au VIH sont négatifs.

29 juin 1995 - La ministre de la Santé, Diane Marleau, annonce l’attribution de fonds pour la mise en place, à l’échelle nationale, du Réseau d’information sur le VIH/sida; les fonds seront administrés par le Community AIDS Treatment Information Exchange (CATIE), de Toronto.  Le réseau fournira de l’information sur le diagnostic et le traitement du VIH et du sida, sur les progrès cliniques dans ce domaine, sur les pharmacothérapies et les traitements sans médicament, les thérapies médicales et les thérapies complémentaires, ainsi que sur les endroits où aller pour obtenir des soins.  Santé Canada fournira 4,9 millions de dollars sur trois ans pour la création du réseau, qui sera opérationnel à la fin de 1995.

7-12 juillet 1996 - Vancouver accueille la XIe Conférence internationale sur le sida. Les données présentées à cette conférence montrent qu’il devrait être possible de transformer le VIH/sida, de maladie mortelle qu’elle est présentement, en une affection chronique contrôlable grâce au recours à des associations médicamenteuses regroupant au moins trois médicaments anti-VIH.

10 septembre 1996 - Les ministres de la Santé du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires conviennent d’établir, d’ici un an, un nouvel organisme national responsable de l’exploitation du système d’approvisionnement canadien du sang.  Le nouvel organisme serait indépendant des gouvernements et aurait la responsabilité de gérer tous les aspects d’un système d’approvisionnement transparent et entièrement intégré.  Le Québec décide pour sa part de créer sa propre agence.

septembre 1997 - En collaboration étroite avec des intervenants nationaux en matière de VIH/sida et sous la direction du ministre de la Santé, Allan Rock, Santé Canada entreprend une consultation nationale pour recueillir des avis, des suggestions et des conseils auprès des organismes et des particuliers, afin d’avoir une meilleure idée de l’orientation et des priorités à donner à la phase III de la Stratégie nationale sur le sida, que l’on a rebaptisée la Stratégie canadienne sur le VIH/sida (SCVS).  La SCVSdevait débuter en avril 1998 et se prolonger ensuite pendant encore cinq ans.

septembre 1998 -La Société canadienne du sang prend en charge l’approvisionnement sanguin au Canada.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

« AIDS:  The Unanswered Questions », Science, vol. 260, 28 mai 1993, p. 1219 et 1253-1293.

Canada, Chambre des communes, Comité permanent de la santé nationale et du  bien-être social.  Le sida au Canada, 9 mai 1986.

Canada, Santé et Bien-être social.

  • Le VIH et le sida : Le plan d’action du Canada, Ottawa, 1990.

  • Une collaboration fructueuse : l’action du gouvernement fédéral contre le sida, Ottawa, 1990.

DeVita, Vincent T, Jr., Samuel Hellman et Steven A. Rosenberg.  AIDS – Etiology, Diagnosis, Treatment and Prevention, 3e éd., J.B. Lippincott Company, 1992.

Greene, Warner C.  « AIDS and the Immune System », Scientific American, numéro spécial, septembre 1993, p. 98-105.

MacDonald, l’hon. David, président.  Le sida : un défi.   Rapport du Comité parlementaire sur le sida, juin 1990, 77 pages.

Nossal, Sir Gustav J.V.  « Life, Death and the Immune System », Scientific American, numéro spécial, septembre 1993, p. 52-63.

Pantaleo, Giuseppe, Cecilia Graziosi et Anthony S. Fauci.  « The Immunopathogenesis of Human Immunodeficiency Virus (HIV) Infection », The New England Journal of Medicine, vol. 228, no 5, 4 février 1993, p. 327-335.

Société Royale du Canada.  Le sida : L’état de la question au pays.  Rapport de synthèse et recommandations, Ottawa, 1988.


La première version de ce bulletin d'actualité a été publiée en novembre 1993.  Le document a été mis à jour régulièrement depuis.