95-2F

LE TRANSFERT CANADIEN EN MATIÈRE DE SANTÉ
ET DE PROGRAMMES SOCIAUX : FONCTIONNEMENT
ET RÉPERCUSSIONS POSSIBLES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ

Rédaction :
Odette Madore
Division de l'économie
Révisé le 3 juin 2003


TABLE DES MATIÈRES

 

DÉFINITION DU SUJET

CONTEXTE ET ANALYSE

   A.  Les transferts versés au titre du Financement des programmes établis et du Régime d’assistance publique du Canada : Bref historique
      1.  Le Financement des programmes établis
      2.  Le Régime d’assistance publique du Canada

   B.  Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux : Nature et fonctionnement

   C.  Conséquences du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux
      1.  Les finances publiques provinciales et les dépenses des provinces en matière de soins de santé
      2.  Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et la Loi canadienne sur la santé

MESURES PARLEMENTAIRES

CHRONOLOGIE

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE


LE TRANSFERT CANADIEN EN MATIÈRE DE SANTÉ
ET DE PROGRAMMES SOCIAUX : FONCTIONNEMENT
ET RÉPERCUSSIONS POSSIBLES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ*

 

DÉFINITION DU SUJET

Depuis plus de quatre décennies, le gouvernement fédéral aide les provinces à s’acquitter de leurs responsabilités en matière de soins de santé, d’enseignement postsecondaire et d’assistance publique par le truchement de paiements de transfert.  Avant 1996-1997, les transferts au titre des soins de santé et de l’éducation postsecondaire étaient versés en vertu de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d’enseignement postsecondaire et de santé, que l’on appelle généralement le Financement des programmes établis (FPE).  Pour leur part, les transferts relatifs aux services de bien-être et d’assistance sociale étaient versés dans le cadre du Régime d’assistance publique du Canada (RAPC).  Les contributions fédérales au titre du FPE et du RAPC étaient considérables.  Selon des documents du ministère des Finances, les paiements de transfert au titre du FPE totalisaient 22 milliards de dollars et les transferts au titre du RAPC, environ 7,9 milliards de dollars en 1995-1996.

En 1995, le gouvernement fédéral a décidé de remplacer les transferts du FPE et du RAPC par un seul mécanisme de financement : le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS).  Le projet de loi C-76, qui créait ce nouveau transfert global, a reçu la sanction royale le 22 juin 1995, et le TCSPS est entré en vigueur en 1996-1997.  On estimait alors que le TCSPS laisserait une plus grande latitude aux provinces pour décider de la façon dont les fonds allaient être répartis entre les soins de santé et les autres programmes sociaux.  L’octroi d’une plus grande marge de manœuvre aux provinces s’est toutefois fait au détriment de la visibilité fédérale et de la transparence, au point que l’obligation des provinces de rendre compte de la façon dont les transferts fédéraux sont dépensés s’en est trouvée réduite.  C’est ce qui a incité le gouvernement fédéral à adopter en 2003 le projet de loi C-28, qui scinde le TCSPS en deux transferts distincts : un pour les soins de santé et un autre pour les programmes sociaux.

Dans ce document, nous examinons le fonctionnement général du TCSPC et tentons d’en évaluer les répercussions, essentiellement dans le secteur des soins de santé.  La première partie de l’analyse porte sur l’historique et le fonctionnement du FPE et du RAPC, tandis que la deuxième décrit la nature et le fonctionnement général du TCSPS.  Enfin, la troisième traite des effets du TCSPS sur les finances publiques des provinces et les dépenses de ces dernières au titre des soins de santé, ainsi que sur l’application de la Loi canadienne sur la santé par le gouvernement fédéral.

CONTEXTE ET ANALYSE

   A.  Les transferts versés au titre du Financement des programmes établis et du Régime d’assistance publique du Canada : Bref historique

Le gouvernement fédéral et les provinces assument des responsabilités fort différentes dans le secteur des soins de santé, de l’enseignement postsecondaire et de l’assistance publique.  En vertu de la Constitution canadienne, les soins de santé, l’éducation et les programmes sociaux sont des domaines principalement de compétence provinciale, et ce sont les provinces qui assument la prestation de ces services.  Le gouvernement fédéral est intervenu dans ces champs de compétence provinciale en invoquant son « pouvoir de dépenser » constitutionnel, ce qui a entraîné le versement de paiements de transfert fédéraux aux provinces.  Ces transferts permettent de corriger le déséquilibre constitutionnel qui existe entre les pouvoirs de taxation des provinces, lesquels sont plus limités que ceux du gouvernement central, et les responsabilités de ces dernières, qui sont souvent fort onéreuses.  Les transferts fédéraux assurent aussi une meilleure équité interprovinciale pour ce qui est du niveau des services à la population.

      1.  Le Financement des programmes établis

Le FPE, qui est entré en vigueur le 1er avril 1977, constituait le plus important programme de transferts fédéraux aux provinces.  Dans le cadre de ce programme, chaque province recevait un montant égal par habitant pour l’assurance-santé (y compris l’assurance-hospitalisation, l’assurance-maladie et les services complémentaires de santé) et l’enseignement postsecondaire.  Une proportion d’environ 70 p. 100 du montant total des transferts au titre du FPE était consacrée à la composante « santé », tandis que les autres 30 p. 100 allaient à la composante « éducation ».  Cette répartition demeurait arbitraire, car le FPE était un mécanisme de financement « global » ou « en bloc ».  Contrairement à ce qui se vérifie pour les programmes à frais partagés, les transferts du FPE ne dépendaient pas des dépenses des autorités provinciales dans les domaines des soins de santé et de l’éducation.  En outre, les provinces étant libres d’utiliser les transferts dans le cadre du FPE selon leurs propres priorités, la répartition des fonds n’était pas la même dans toutes les provinces.

À l’origine, le paiement de base versé au titre du FPE reposait sur un montant initial par habitant qui avait été déterminé en 1975-1976, puis qui était ajusté année après année selon un facteur d’indexation tenant compte du taux de croissance du PIB par habitant.  Pour connaître la valeur totale des transferts auxquels une province avait droit dans le cadre du FPE, il fallait multiplier le montant initial par le facteur d’indexation et, ensuite, par la population de la province.

Le facteur d’indexation a été modifié à plusieurs reprises entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 1990.  En 1983-1984 et 1984-1985, le facteur d’indexation associé au FPE-éducation a été limité à 6 et 5 p. 100 respectivement (si la formule basée sur la croissance du PIB/habitant avait été utilisée, les sommes versées au titre du FPE-éducation auraient augmenté de 9 p. 100 en 1983-1984 et de 8 p. 100 en 1984-1985).  Pour toutes les autres années, le facteur d’indexation pour l’enseignement postsecondaire a été le même que pour l’assurance-santé.  De 1986-1987 à 1989-1990, le facteur d’indexation utilisé pour calculer les versements totaux au titre du FPE a été réduit de 2 p. 100.  Après cette période et jusqu’en 1994-1995, les transferts par habitant ont été gelés à leur niveau de 1989-1990, de sorte que le montant total des paiements de transfert n’a augmenté que selon la croissance de la population de chaque province (soit environ 1 p. 100).  Pour l’exercice financier 1995-1996, le facteur d’indexation a été diminué de 3 p. 100; cela a eu pour résultat un facteur d’indexation négatif (évalué à près de 1 p. 100 selon les calculs de la Division des relations fédérales-provinciales du ministère des Finances), soit, en d’autres termes, une baisse des transferts par habitant (étant donné que la croissance du PIB a été inférieure à 3 p. 100).

Les transferts totaux au titre du FPE avaient deux composantes, à savoir un transfert en points d’impôt (aussi appelé « transfert fiscal ») et une contribution pécuniaire (aussi appelée « en espèces »).  Les contributions pécuniaires étaient des paiements périodiques versés par chèque aux provinces; par ailleurs, le transfert en points d’impôt résultait de la cession, par le gouvernement fédéral aux provinces, d’un certain espace fiscal.  Pour ce faire, le gouvernement central abaisse ses taux d’imposition, alors que les provinces augmentent les leurs d’une manière équivalente.  Cela entraîne un réaménagement de la répartition des recettes entre les deux niveaux de gouvernement : les revenus du gouvernement fédéral se trouvent diminués d’un montant équivalent à l’augmentation des revenus des gouvernements des provinces.  En outre, le fardeau fiscal du contribuable demeure inchangé, puisque si celui-ci paie plus d’impôt provincial, il paie par contre moins d’impôt fédéral.

En vertu du FPE, le transfert fiscal du gouvernement fédéral vers les provinces correspondait à des réductions de un point de l’impôt sur le revenu des sociétés et de 13,5 points de l’impôt de base sur le revenu des particuliers.  Les provinces dont le potentiel fiscal était inférieur à la norme représentative recevaient des paiements de péréquation afin que le transfert après péréquation soit égal à cette norme (les provinces constituant la norme sont le Québec, l’Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique).  Le transfert pécuniaire correspondait à la différence entre le total des droits de chaque province en matière de FPE et la valeur du transfert fiscal.  Dans le cadre des accords de non-participation, le Québec recevait un abattement spécial de 8,5 points supplémentaires d’impôt sur le revenu des particuliers.  En raison de cet abattement supplémentaire, le Québec, par rapport aux autres provinces, percevait une portion relativement plus grande de sa contribution fédérale sous forme de transferts en points d’impôt, et une portion pécuniaire moindre.  Au total, cependant, les transferts du FPE par habitant au Québec étaient exactement les mêmes que ceux des autres provinces.

Le gouvernement fédéral n’imposait aux provinces aucune condition particulière pour ce qui est de la proportion des transferts affectée à l’enseignement postsecondaire.  Par contre, les provinces étaient tenues de respecter, sous peine de pénalités pécuniaires, les exigences énoncées dans la Loi canadienne sur la santé (LCS) : universalité, accessibilité, intégralité, tranférabilité, administration publique et absence de frais modérateurs ou de surfacturation.

Jusqu’en 1991-1992, les pénalités attribuables aux manquements à la LCS s’étaient limitées aux transferts pécuniaires au titre du FPE-santé, mais par la suite, elles avaient été appliquées à d’autres programmes fédéraux de transferts pécuniaires aux provinces.  Cette extension de la pénalité pécuniaire à des paiements liés à d’autres programmes fédéraux avait été rendue nécessaire par la limitation continuelle du taux de croissance des transferts pécuniaires FPE et les effets particuliers qu’entraînaient de telles restrictions sur les transferts pécuniaires : on estimait que, au tournant du siècle, les transferts pécuniaires au titre du FPE-santé seraient devenus nuls dans certaines provinces.  Sans transfert pécuniaire, le gouvernement fédéral n’aurait plus le pouvoir de faire appliquer la Loi canadienne sur la santé.

      2.  Le Régime d’assistance publique du Canada

Créé en 1966, le Régime d’assistance publique du Canada visait deux objectifs principaux en ce qui concerne les personnes dans le besoin : aider les provinces, d’une part, à fournir l’aide sociale et les soins en établissements appropriés et, d’autre part, à assurer des services de bien-être social visant à atténuer, à éliminer ou à prévenir les causes et les effets de la pauvreté, de la négligence à l’égard des enfants ou de la dépendance envers l’assistance publique.  Le Régime comprenait les composantes suivantes :

Assistance générale : Assistance accordée pour subvenir aux besoins fondamentaux : nourriture, logement, vêtements, etc.  Les paiements d’assistance générale comptaient pour la plus grande part des dépenses du RAPC.

Foyers de soins spéciaux : Soins donnés aux personnes vivant dans les foyers pour personnes âgées, les maisons de repos et d’autres genres d’établissements définis dans les accords.

Soins de santé : Frais de santé, comme les médicaments et les services dentaires, non couverts par les régimes provinciaux d’assurance-santé.

Protection de l’enfance : Frais d’entretien des enfants placés en famille d’accueil.

Services de bien-être social : Services de garde, d’adoption, de réadaptation et de développement communautaire.

Projets d’adaptation au travail : Projets destinés à ceux ayant des difficultés à obtenir ou à conserver un emploi pour des raisons personnelles ou familiales.

Le RAPC était un programme à frais partagés : le gouvernement fédéral remboursait environ 50 p. 100 des frais admissibles engagés par les provinces.  La croissance des contributions versées dans le cadre du RAPC variait donc directement en fonction des dépenses provinciales engagées au chapitre de l’assistance publique.  Le RAPC ne comportait que des transferts en espèces, sauf dans le cas du Québec; cette province recevait en effet un abattement spécial de cinq points d’impôt sur le revenu des particuliers.  Aux termes des accords du RAPC, le gouvernement fédéral imposait certaines conditions.  Ainsi, les provinces devaient inclure le droit d’appel dans leur législation sur l’aide sociale et elles ne devaient pas restreindre l’admissibilité en imposant une période de résidence dans la province.

Ce sont les provinces elles-mêmes qui voyaient à la conception, aux critères d’admissibilité et à l’application des programmes d’assistance publique.  Toutefois, pour obtenir leur part de financement, elles devaient faire la preuve que leurs programmes et services étaient conformes aux exigences du Régime; certaines réclamations provinciales pouvaient faire l’objet d’un différend si le gouvernement fédéral estimait que les fonds engagés ne correspondaient pas aux critères définis dans les accords.  Par exemple, le gouvernement de la Colombie-Britannique avait décidé d’imposer, à compter du 1er décembre 1995, un délai de résidence de trois mois avant que les gens puissent recevoir de l’aide sociale.  Le ministre fédéral responsable du RAPC de l’époque, l’honorable Lloyd Axworthy, avait annoncé en décembre 1995 que les paiements de transferts versés à la Colombie-Britannique au titre du RAPC seraient réduits de 47,1 millions de dollars parce que cette province avait limité l’admissibilité au programme.

Du début du régime jusqu’en 1990-1991, les transferts effectués dans le cadre du RAPC étaient ouverts : le gouvernement fédéral emboîtait le pas chaque fois que la province décidait de dépenser, et les transferts ne faisaient l’objet d’aucune limite.  En 1990-1991, le gouvernement fédéral a imposé un plafond à l’égard du financement.  Plus précisément, il a limité à 5 p. 100, pour les années financières 1990-1991 et 1991-1992, la croissance annuelle des contributions versées aux trois provinces ne recevant pas de péréquation, soit l’Alberta, la Colombie-Britannique et l’Ontario; les autres provinces n’avaient été assujetties à aucune limite.  En février 1991, le gouvernement fédéral a prolongé ce plafond jusqu’en 1994-1995.  Ensuite, dans son budget de février 1994, il a bloqué les sommes versées à toutes les provinces au titre du RAPC à leur niveau de 1994-1995 pour l’exercice 1995-1996.

   B.  Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux : nature et fonctionnement

Le gouvernement fédéral a annoncé la création du nouveau transfert global regroupant les contributions du FPE et du RAPC dans le discours sur le budget de février 1995.  Selon des documents budgétaires, le financement global accordé dans le cadre du TCSPS devait donner aux provinces plus de latitude concernant la manière de dépenser les fonds et de les distribuer entre les composantes soins de santé, enseignement postsecondaire et assistance publique.  Le projet de loi C-76 : Loi d’exécution du budget 1995, qui a reçu la sanction royale le 22 juin 1995, a instauré le nouveau transfert et précisé le montant du TCSPS et sa répartition par province pour l’exercice financier 1996-1997.  Depuis, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, qui régit maintenant le TCSPS, a été modifiée à six reprises par les projets de loi C-31 (20 juin 1996), C-28 (1998), C-71 (1999), C-32 (2000), C-45 (2000) et C-28 (2003).  On trouvera plus loin, dans la Chronologie, un aperçu des diverses étapes législatives concernant le TCSPS.  La présente partie examine l’effet de ces différents projets de loi sur le fonctionnement du TCSPS en ce qui concerne les aspects suivants : la détermination du montant total; la formule de répartition provinciale; la structure des transferts pécuniaires et fiscaux et le plancher des transferts pécuniaires.

Les projets de loi C-76 et C-31 avaient porté le montant total du TCSPS à 26,9 milliards de dollars pour 1996-1997 et à 25,1 milliards de dollars pour chacun des exercices de 1997-1998 à 1999-2000.  Pour chacun des exercices suivants et jusqu’en 2002-2003, le montant total du TCSPS devait être relevé selon un facteur d’indexation égal à la moyenne de la croissance du PIB pour les trois années précédentes moins un coefficient prédéterminé.  En prévoyant des transferts pécuniaires additionnels, les projets de loi C‑71, C‑32, C‑45 et C‑28 garantissaient que le montant total du TCSPS croîtrait en même temps que les transferts pécuniaires et fiscaux au lieu d’être fixé à un montant prévu dans la Loi.

La loi qui régit le TCSPS précise également le mode de répartition du transfert entre les provinces.  Aux termes du projet de loi C‑76, les provinces devaient recevoir la part des transferts reçus dans le cadre du RAPC en 1994-1995 et du FPE en 1995-1996.  Ensuite, aux termes du projet de loi C‑31, la formule de calcul a été modifiée pour tenir compte de la part provinciale de 1996-1997 et du poids démographique de la province dans l’ensemble du Canada; de cette façon, on garantissait que le montant total du TCSPS représenterait progressivement un montant égal par habitant pour toutes les provinces.  La promulgation du projet de loi C‑71 a accéléré l’évolution en ce sens, de sorte qu’en 2001-2002, toutes les provinces bénéficiaient d’un transfert total égal par habitant.  Cependant, la partie pécuniaire de ce transfert variait toujours d’une province à l’autre.  Les provinces qui affichaient les plus hauts revenus touchaient une plus grande partie du transfert sous la forme de points d’impôt, tandis que les autres bénéficiaient d’un plus important transfert pécuniaire pour que leur transfert corresponde à la moyenne nationale.

Le TCSPS a une structure analogue à celle du FPE et se compose d’un transfert en points d’impôt et d’une contribution pécuniaire.  Comme il est indiqué précédemment, le transfert de points d’impôt correspond à 13,5 points de l’impôt de base des particuliers et à un point de l’impôt sur les sociétés.  L’abattement spécial de points d’impôt du Québec demeure et réduit d’autant la partie pécuniaire du TCSPS comme auparavant.  De plus, comme par le passé, les provinces dont le potentiel fiscal est inférieur à la norme représentative reçoivent des paiements de péréquation afin que le transfert fiscal après péréquation soit égal à cette norme.

Cependant, contrairement à ce qui se passait dans le cas du FPE, la loi régissant le TCSPS (projet de loi C-31) prévoyait expressément un seuil pour les transferts pécuniaires pendant un certain nombre d’années.  Ce seuil constituait une garantie contre les fluctuations économiques imprévues pouvant réduire le montant total à verser ou augmenter considérablement la valeur du transfert fiscal, ce qui se traduirait par une diminution des transferts pécuniaires aux provinces.  À l’origine, ce seuil ne devait pas être inférieur à 11 milliards de dollars.  Le projet de loi C-28 qui a reçu la sanction royale en juin 1998 a porté le seuil à 12,5 milliards de dollars pour 1997-1998 et les exercices ultérieurs.  La disposition relative au seuil de la contribution pécuniaire dans le cadre du TCSPS a été abolie en 1999, car le projet de loi C‑71 prévoyait des transferts pécuniaires supérieurs au seuil de 12,5 milliards de dollars.  De nombreux analystes affirment que, contrairement au FPE, qui laissait craindre que les transferts pécuniaires tombent à zéro, le TCSPS assure le versement d’une contribution pécuniaire aux provinces et préserve de ce fait le pouvoir du gouvernement fédéral de faire respecter la Loi canadienne sur la santé.

Le projet de loi C-28 adopté en 2003 prévoit aussi l’octroi de transferts pécuniaires additionnels au titre du TCSPS.  Fait plus important encore, cette mesure législative abolit le TCSPS en le scindant en deux transferts distincts – le Transfert canadien en matière de santé (TCS) et le Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS).  Le TCS et le TCPS entreront en vigueur en 2004-2005.  Environ 62 p. 100 du montant actuellement alloué au transfert de points d’impôt en vertu du TCSPS seront affectés au TCS, tandis que les 38 p. 100 restants seront consacrés au TCPS.  La mesure législative prévoit que la portion pécuniaire du TCS et du TCPS demeurera au même niveau de 2004-2005 à 2007-2008.  Ainsi, le montant total des deux transferts progressera au même rythme que les transferts pécuniaires et fiscaux.  Les montants totaux seront ensuite alloués aux provinces suivant un montant égal par habitant.

Comme l’illustre le graphique 1, l’entrée en vigueur de la loi régissant le TCSPS a considérablement réduit les montants totaux alloués aux soins de santé, à l’enseignement postsecondaire et à l’assistance sociale.  Cette réduction s’est surtout fait sentir au niveau des transferts pécuniaires, puisque les transferts de points d’impôt ont continué de progresser. 

De 1995‑1996 à 1996‑1997, le montant total des transferts dans le cadre du TCSPS (en dollars courants) a reculé de près de trois milliards de dollars, ce qui représente une baisse de près de 10 p. 100.  Au cours de l’exercice suivant, le montant global des transferts dans le cadre du TCSPS a été de nouveau réduit, cette fois de 1,1 milliard de dollars (ou 5 p. 100).  La portion pécuniaire du TCSPS a subi une chute encore plus brusque, de 3,7 milliards de dollars (20 p. 100), entre 1995-1996 et 1996-1997, et de 2,2 milliards de dollars (15 p. 100), entre 1996‑1997 et 1997‑1998.  Les changements introduits par le projet de loi C‑28 (de 1998) ont renversé cette tendance à la baisse, tandis que les projets de loi C‑71, C‑32, C‑45 et C-28 (de 2003) ont collectivement donné lieu à une progression substantielle du montant global du transfert et de sa partie pécuniaire.  En 1999‑2000, le montant global du transfert est revenu au sommet de 1995-1996, mais la portion pécuniaire n’est retournée au sommet de 1993-1994 qu’en 2002-2003.

Cependant, quand on convertit les chiffres en dollars constants (de 1993‑1994), le montant global du TCSPS n’a dépassé le niveau de 1995-1996 qu’en 2001‑2002, et la portion pécuniaire ne reviendra jamais au sommet de 1993‑1994.  Autrement dit, si les projets de loi C‑28 (de 1998), C‑71, C- 45 et C-28 (de 2003) ont effectivement entraîné une croissance réelle des transferts pécuniaires, ils n’aboutissent pas pour autant au rétablissement intégral de la contribution pécuniaire que le gouvernement fédéral versait aux provinces avant la création du Transfert.

 

Source : Finances Canada et Bibliothèque du Parlement.  La conversion en dollars constants (1993‑1994) a été calculée à partir de l’indice implicite des prix de Statistique Canada.  Les prévisions se fondent sur les données tirées du Bulletin des prévisions économiques de TD.

   C.  Conséquences du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux

Le TCSPS s’inscrivait dans les efforts du gouvernement fédéral pour réduire et éliminer le déficit.  Lorsqu’il l’a créé, le gouvernement fédéral a expliqué que les transferts aux provinces ne pouvaient échapper aux réductions des dépenses : en 1995‑1996, ces transferts représentaient près d’un quart de l’ensemble des dépenses de programmes du gouvernement fédéral.  Ce dernier soutenait que les provinces étaient en mesure d’absorber l’effet des compressions, signalant que certaines d’entre elles avaient même équilibré leur budget.  Tout en reconnaissant que ces baisses étaient considérables, le gouvernement fédéral a fait remarquer qu’elles n’étaient pas aussi importantes que celles dont faisaient l’objet les autres programmes fédéraux.

Selon certains observateurs, le TCSPS, dans sa forme initiale, n’avait rien de bien nouveau.  D’une part, il reflétait la politique de compression des dépenses adoptée au cours des années 1980.  D’autre part, la législation le concernant n’encourageait aucune nouvelle approche visant à accroître l’efficacité du système de soins de santé, bien que ce manque d’efficacité ait été considéré comme le principal obstacle au maintien d’un régime public d’assurance‑santé au Canada.

Les majorations du TCSPS prévues dans les projets de loi C‑71, C‑32, C‑45 et C‑28 (de 2003) ont renversé le mouvement à la baisse des paiements de transferts fédéraux et se solderont par une hausse des recettes des provinces.  Par ailleurs, les transferts pécuniaires additionnels prévus dans le cadre du TCSPS protègent le pouvoir du gouvernement fédéral de faire respecter la Loi canadienne sur la santé.

      1.  Les finances publiques provinciales et les dépenses des provinces en matière de soins de santé

Lorsqu’il a créé le TCSPS, le gouvernement fédéral a réduit systématiquement les paiements de transfert aux provinces dans le but de réduire et d’éliminer son déficit, mais les provinces ont toutefois contesté ses méthodes.  Un certain nombre de gouvernements provinciaux ont fait savoir que les restrictions imposées par le gouvernement fédéral ne se justifiaient pas, car les transferts aux provinces n’étaient pas la cause du déficit fédéral.  Certains ont même déclaré que la tentative du gouvernement fédéral d’assainir ses finances par le truchement d’une baisse de ses contributions aux provinces ne faisait que déplacer les coûts d’un ordre de gouvernement à un autre; ils ont expliqué que cela n’avait aucun effet concret sur l’efficacité des programmes offerts ni sur la gestion des deniers publics.

Les provinces, déjà aux prises avec leur propre déficit, ont été contraintes de revoir leurs priorités de manière à compenser la diminution de leurs revenus découlant des réductions des paiements de transfert du gouvernement fédéral.  La plupart des provinces ont donc réduit le niveau des services de santé, et un certain nombre ont enclenché un processus de désassurance de certains services et de rationalisation des hôpitaux.

Le relèvement du transfert pécuniaire prévu dans le projet de loi C‑71 et, ce qui est plus important encore, les transferts pécuniaires additionnels prévus dans les projets de loi C‑32, C‑45 et C-28 ont contribué à renverser la situation.  Les transferts en vertu du TCSPS progressent désormais régulièrement et les provinces consacrent davantage de fonds aux soins de santé, de manière à répondre aux préoccupations concernant les listes d’attente, l’engorgement des salles d’urgence et les services de diagnostic.

Bien que l’augmentation du financement au titre du TCSPS ait constitué une mesure importante, les provinces la considèrent comme insuffisante.  En février et en août 2000, et de nouveau en février 2003, elles ont réclamé non seulement le rétablissement intégral de la portion pécuniaire du TCSPS, mais aussi l’établissement d’un facteur d’indexation garantissant que les transferts pécuniaires dans le cadre du TCSPS suivront l’évolution des facteurs économiques et sociaux qui influent sur la viabilité du système de santé.  Dans des études réalisées récemment, notamment dans Turning the Tide – Saving Medicare for Canadians (juillet 2000) et dans On the Road to Recovery (septembre 2000), on propose même de fonder l’augmentation de la portion pécuniaire du TCSPS sur un ensemble de facteurs comprenant notamment la croissance démographique, le vieillissement, l’apparition, la fréquence et l’évolution des maladies, le coût des technologies de la santé et la croissance économique.  Les premiers ministres provinciaux sont d’avis qu’il ne peut y avoir une véritable réforme de la santé sans un niveau de financement convenable.  Le projet de loi C-28, qui crée le TCS et le TCPS, ne comporte aucune disposition prévoyant l’ajustement du montant total ou de la portion pécuniaire des transferts en fonction d’un facteur d’indexation précis.

      2.  Le Transfert canadien au titre de la santé et des programmes sociaux et la Loi canadienne sur la santé

Le TCSPS ne fait aucune distinction, pas même théorique, entre les transferts destinés aux services de santé, à l’enseignement postsecondaire et aux programmes d’assistance sociale.  Cependant, les exigences qu’établit la Loi canadienne sur la santé continuent de s’appliquer aux régimes publics d’assurance-santé des provinces et concernent toutes les contributions pécuniaires au titre du TCSPS.  En vertu de la loi, les provinces sont tenues, comme elles l’étaient par le passé, d’offrir une assistance sociale sans imposer de période minimum de résidence, faute de quoi elles peuvent voir le transfert pécuniaire réduit ou retenu.  La loi régissant le TCSPS prévoit même que des normes supplémentaires pourraient être imposées à l’égard d’autres programmes sociaux provinciaux.  Aucune modalité particulière n’est prévue pour l’enseignement postsecondaire.

Pour ce qui est des soins de santé, un certain nombre d’analystes craignaient que le gouvernement fédéral ne soit pas en mesure d’assurer le respect par les provinces des critères et dispositions contenus dans la Loi canadienne sur la santé.  Ils estimaient que, si la formule de calcul du TCSPS continuait d’être modelée sur celle du FPE, la composante pécuniaire du transfert finirait par disparaître au début du nouveau siècle.  La disposition plancher convenue dans la loi concernant le TCSPS de même que l’augmentation récente du TCSPS ont calmé ces craintes.  Le gouvernement fédéral a conservé l’autorité morale et le poids politique, qu’il était sur le point de perdre, nécessaire pour forcer les provinces à respecter la Loi canadienne sur la santé.  Toutefois, l’absence de norme nationale stricte en ce qui concerne les programmes sociaux financés auparavant par le RAPC fait craindre un réaménagement des enveloppes budgétaires au niveau provincial.  Ainsi, les provinces pourraient être tentées de réduire le financement des programmes sociaux, de manière à réaffecter les fonds vers le système de soins de santé, puisque c’est dans ce secteur que des normes précises ont été fixées.

MESURES PARLEMENTAIRES

Le gouvernement fédéral participe depuis longtemps au financement des programmes provinciaux au titre des soins de santé, de l’enseignement postsecondaire et de l’aide sociale.  Les transferts fédéraux au titre des soins de santé dans le cadre du FPE et l’application des conditions et dispositions de la Loi canadienne sur la santé ont contribué à créer un régime public d’assurance-santé universel et complet dans toutes les provinces.  La diminution des paiements de transfert fédéraux découlant de l’adoption du TCSPS s’est traduite par des choix politiques et budgétaires difficiles à l’échelon provincial entre les soins de santé, l’enseignement postsecondaire et l’aide sociale.  Bien que considérables, les augmentations consenties depuis 1998-1999 au titre du transfert pécuniaire dans le cadre du TCSPS ne compensent toujours pas les réductions de recettes qu’ont subies les gouvernements provinciaux.  Les provinces réclament encore une fois une part équitable de l’excédent budgétaire du gouvernement fédéral par l’entremise d’un rétablissement complet et d’une indexation entière du TCSPS, ou du TCS et du TCPS, qui le remplacent maintenant.

CHRONOLOGIE

22 juin 1995 - Le projet de loi C-76, qui établit le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPC), reçoit la sanction royale.

20 juin 1996 - Le projet de loi C-31, qui établit le montant et la répartition par province du TCSPS pour les exercices financiers allant de 1997-1998 à 2002-2003, reçoit la sanction royale.

18 juin 1998 - Le projet de loi C-28, qui porte le plancher des transferts pécuniaires à 12,5 milliards de dollars, reçoit la sanction royale.

17 juin 1999 - Le projet de loi C-71, qui prévoit des transferts pécuniaires supplémentaires pour les soins de santé dans le cadre du TCSPS, reçoit la sanction royale.

29 juin 2000 - Le projet de loi C‑32, qui prévoit des transferts pécuniaires additionnels destinés à la santé et à l’enseignement postsecondaire dans le cadre du TCSPS, reçoit la sanction royale.

20 octobre 2000 - Le projet de loi C‑45, qui prévoit des transferts pécuniaires additionnels dans le cadre du TCSPS, reçoit la sanction royale.

19 juin 2003 - Le projet de loi C-28, qui prévoit l’octroi de fonds fédéraux additionnels au titre des soins de santé et la scission du TCSPS en deux transferts distincts (le Transfert canadien en matière de santé ou TCS, et le Transfert canadien en matière de programmes sociaux ou TCPS) reçoit la sanction royale.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Association médicale canadienne.  On the Road to Recovery – An Action Plan for the Federal Government to Revitalize Canada’s Health Care System, septembre 2000.

Banting, Keith et Robin Boadway (Université Queen’s).  Mémoire présenté au Comité permanent des Finances de la Chambre des communes, Ottawa, 9 mai 1995.

British Columbia Medical Association, Turning the Tide – Saving Medicare for Canadians (Part I of II),document de travail, juillet 2000.

Conseil des Canadiens.  Mémoire présenté au Comité permanent des Finances de la Chambre des communes, Ottawa, 26 avril 1995.

Conseil national du bien-être social.  Le budget de 1995 et le financement global, Ottawa, printemps 1995.

Gouvernement du Canada. 

Gouvernement du Québec, Ministère des Finances.  Discours sur le budget et renseignements supplémentaires, Québec, 9 mai 1995.

Groupe d’intervention action santé (HEAL).  Présentation au Comité permanent des Finances concernant le projet de loi C-76, ou loi d’exécution du Budget, Ottawa, mai 1995.

Madore, Odette.

Mendleson, Michael.  Looking for Mr. Good-Transfer: A Guide to the CHST Negotiations, Ottawa, The Caledon Institute of Social Policy, octobre 1995.

Ministère des Finances, Division des relations fédérales-provinciales.  Financement des programmes établis – Calculs finals 1995-1996, Ottawa, 12 octobre 1998.

Ministres de la santé des provinces et des territoires.  Comprendre les coûts du système de santé du Canada, août 2000.

Neumann, Ronald H.  « Negotiating Inter-Governmental Transfers in 1993:  What is on the Table? », Options Politiques, vol. 14, décembre 1993, p. 31-35.

Rencontre des premiers ministres des provinces et des leaders des territoires, Lettre au premier ministre du Canada, 3 février 2000.

Schroeder, Walter J.  Brian A. Miron et Jeff Moore.  Federal Transfer Payments:  A Government Study by DBRS, mars 1995.

Vérificateur général du Canada.  L’appui fédéral à la prestation des soins de santé, Rapport, ch. 29, novembre 1999.