95-4F

LES PERSONNES HANDICAPÉES :
PROFIL SOCIO-ÉCONOMIQUE ET
CHANGEMENTS PROPOSÉS

 

Rédaction :
William R. Young
Division des affaires politiques et sociales
Révisé le 24 janvier 1997


 

TABLE DES MATIÈRES

 

DÉFINITION DU SUJET

CONTEXTE ET ANALYSE

   A.  Le débat sur les orientations

      1.  La définition de « personne handicapée »
      2.   L'aptitude au travail
      3.   La dissociation des soutiens du revenu de l'admissibilité aux mécanismes
           et aux services d'aide

   B.  Les programmes à l'intention des personnes handicapées

      1.  Historique
      2.   Programmes actuels
      3.  Faits récents
         a.  Le régime fiscal
         b.  L'emploi
      4.   Sécurité du revenu et pensions

   C.  Les changements proposés

MESURES PARLEMENTAIRES

CHRONOLOGIE

BIBLIOGRAPHIE


LES PERSONNES HANDICAPÉES :
PROFIL SOCIO-ÉCONOMIQUE ET CHANGEMENTS PROPOSÉS*

 

DÉFINITION DU SUJET

Les personnes handicapées cherchent depuis quelques années à participer davantage à la vie socio-économique du pays. L’évolution de la technologie et des méthodes de réadaptation est en train de rendre désuets les programmes faisant appel à la charité, qui isolaient ces personnes dans un groupe bénéficiant d’un traitement particulier tant qu’elles ne s’intégraient pas à la vie communautaire. Les personnes handicapées pourraient être encore plus actives sur le plan socio-économique si les obstacles à la formation et à l’emploi étaient aplanis et s’ils recevaient le soutien et les services requis; toutefois, les programmes mis en place à une époque où elles étaient considérées comme dépendantes socialement et inaptes au travail ont empêché la réalisation de cet objectif.

Dans le présent bulletin, nous indiquons et analysons certains des obstacles à la pleine intégration des personnes handicapées, puis nous examinons les responsabilités des gouvernements fédéral et provinciaux à cet égard. Nous nous penchons aussi sur les programmes existants et sur les propositions de réforme de ceux-ci et exposons certains des nouveaux défis qui découlent de l’examen des politiques et des programmes.

CONTEXTE ET ANALYSE

Des changements sur les plans de la démographie, des lois, des politiques et des attitudes ont donné une plus grande place aux personnes handicapées. Les Nations Unies ont déclaré «Décennie des personnes handicapées» les années 1983 à 1992, et les divers gouvernements au Canada ont emboîté le pas en examinant les politiques et les programmes offerts à l’égard de ces personnes et en procédant à quelques réformes. En outre, les changements d’orientation effectués par les organismes se consacrant au service ou à la défense des intérêts des personnes handicapées ont accru la sensibilisation du grand public aux problèmes auxquels celles-ci sont confrontées. À l’origine, ces organismes agissaient comme des oeuvres de bienfaisance qui traitaient les «handicapés» comme des patients ou des clients. Mais à la fin des années 70, la plupart d’entre eux ont adopté la philosophie de «l’autonomie», partant du principe que la personne handicapée est la mieux placée pour définir ses besoins et pour y affecter les ressources financières et humaines requises.

Les autorités fédérales et provinciales au Canada ont aussi endossé et adopté le principe de la vie autonome lorsqu’elles ont conjointement revu les services touchant les personnes handicapées dans Pleine participation 1992, rapport où sont énoncés la vision, les principes et l’orientation stratégique devant permettre aux personnes handicapées de devenir membres à part entière de la collectivité et d’être davantage maîtres des décisions qui les concernent.

C’est à la lumière de statistiques socio-économiques exactes, compilées lors des enquêtes postcensitaires de 1986 et de 1991, que s’est déroulé le débat sur la place des personnes handicapées dans la société. Les Enquêtes sur la santé et les limitations d’activités (ESLA) ont révélé que le nombre absolu de Canadiens se déclarant handicapés est passé de 3,3 à 4,2 millions (de 13,2 à 15,5 p. 100) entre 1986 et 1991. Les statistiques des ESLA montrent que les personnes handicapées sont considérablement plus pauvres que le reste de la population. Ainsi, chez les adultes souffrant d’un handicap, 43 p. 100 (981 080) ont un revenu personnel inférieur à 10 000 $ par année et 26 p. 100 (592 160), un revenu inférieur à 5 000 $.

   A. Le débat sur les orientations

Selon des études récentes sur les orientations, la plupart des programmes socio-économiques ne répondent pas aux besoins des personnes handicapées. Dans la majorité des cas, ou bien ces programmes sont fondés sur des prémisses qui marginalisent les personnes handicapées, ou bien ils n’ont pas été conçus pour elles au départ, le volet «déficience» s’étant ajouté subséquemment. Le débat sur les orientations a tourné autour de trois questions : la définition de «personne handicapée», la nature de «l’aptitude au travail» et la nécessité de dissocier la prestation de mécanismes et de services d’aide aux personnes handicapées de l’admissibilité de celles-ci au soutien du revenu.

      1. La définition de «personne handicapée»

Il est extrêmement important de faire la distinction entre la définition de «personne handicapée» et les critères d’admissibilité aux programmes. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a élaboré, au cours des années 80, une définition à plusieurs niveaux selon laquelle la «déficience» est une perte ou une altération psychologique ou anatomique permanente ou temporaire, l’«incapacité», une perte ou une altération fonctionnelle ou locomotrice imputable à une déficience, et le «handicap», un désavantage social ou environnemental résultant de la déficience ou de l’incapacité. Une déficience corrigible au moyen d’une prothèse auditive n’entraînera donc pas nécessairement une «incapacité» ou un «handicap». Autre fait important à signaler : la personne handicapée n’est pas admissible de facto à tous les programmes offerts. Chaque programme est assorti de critères d’admissibilité particuliers, concernant par exemple «l’inaptitude au travail» ou «les dépenses liées à l’incapacité», qui ne servent pas à définir la personne handicapée, mais sont plutôt le résultat de décisions politiques et administratives destinées à établir qui a droit à une aide sociale ou financière.

Au Canada, les représentants du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux, des divers régimes d’indemnisation des accidentés du travail et des régimes privés de pensions et d’assurances ne sont pas parvenus à s’entendre sur une définition de la personne handicapée qui transcende les critères d’admissibilité aux programmes, une situation médicale donnée ou encore le «où, quand, comment» de l’incapacité. Il va s’en dire que cette absence de définition unique entraîne des incohérences.

      2. L’aptitude au travail

Des études réalisées récemment (comme Personnes handicapées : Un document d’information et Le plan d’ensemble : Concrétiser la vision «Portes ouvertes») montrent que, souvent, les personnes handicapées n’ont droit aux pensions et prestations des secteurs public et privé que si elles se déclarent «inaptes au travail en permanence» et incapables de subvenir à leurs besoins. Elles se butent donc à des obstacles si elles veulent réintégrer la population active, surtout si c’est pour occuper un poste à temps partiel ou à court terme. Elles doivent être inaptes au travail pour avoir droit à l’aide et aux services qui leur sont nécessaires pour vaquer à leurs occupations quotidiennes. Si tel n’est pas le cas, cette aide et ces services leur sont retirés. Et si elles intègrent la population active, en général pour occuper un emploi peu remunéré, elles risquent fort de ne pas pouvoir se procurer les produits coûteux dont elles ont besoin.

      3. La dissociation des soutiens du revenu de l’admissibilité aux mécanismes
          et aux services d’aide

Contrairement aux personnes valides, les personnes handicapées doivent, pour faire partie du réseau socio-économique, assumer des frais supplémentaires de façon à se procurer les mécanismes et services d’aide dont elles ont besoin. Pour une personne handicapée, ces besoins peuvent varier dans le temps, et ils varient incontestablement pour ce qui est du coût. Certaines personnes ne demandent qu’un bureau situé à proximité d’un ascenseur, alors que d’autres ont besoin de matériel dispendieux, un ordinateur adapté, par exemple. Il existe à ce chapitre différents programmes d’indemnisation, mais il arrive fréquemment que les employés handicapés sont obligés d’assumer la majorité des frais supplémentaires, pour ensuite obtenir un certain allégement fiscal. De récentes études effectuées par l’Institut Roeher ont révélé que les problèmes sont particulièrement aigus pour ceux qui ont besoin de soins personnels. À l’heure actuelle, les systèmes ne permettent pas de répondre convenablement aux besoins personnels, et l’aide est accordée sur une base discrétionnaire. La plupart des provinces et des territoires n’aident pas les personnes qui ne sont pas admissibles à l’aide sociale, ce qui incite ces dernières à demeurer en marge de la population active.

   B. Les programmes à l’intention des personnes handicapées

      1. Historique

Jusqu’aux années qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, la plupart des Canadiens handicapés recevaient un traitement analogue à celui qui était réservé aux personnes âgées et aux pauvres, c’est-à-dire qu’ils devaient se fier à leurs familles ou aux oeuvres de bienfaisance privées pour répondre à leurs besoins primaires lorsqu’ils ne pouvaient les satisfaire eux-mêmes. Pareillement, les premières prestations d’invalidité versées par les gouvernements au Canada étaient conditionnelles à l’inaptitude au travail et à un examen des ressources. Le gouvernement fédéral s’est appuyé sur le même principe lorsqu’il a instauré les prestations d’invalidité et de décès à l’intention de ses fonctionnaires (1918), les pensions d’invalidité aux anciens combattants (1919) et les allocations aux non-voyants (1937). Traditionnellement, on a justifié par le concept d’inaptitude au travail le traitement plus généreux accordé aux personnes handicapées qu’aux autres bénéficiaires de pensions et prestations du gouvernement fédéral. Cette tendance s’est maintenue durant les années d’après-guerre, époque à laquelle la majorité des programmes sociaux canadiens ont été lancés (y compris les allocations versées à compter de 1954 aux personnes qui souffraient d’une incapacité «totale et permanente», mais ne touchaient pas d’allocation aux non-voyants ni d’indemnisation aux accidentés du travail). Les personnes handicapées, jugées aptes au travail, n’avaient pas droit à ces prestations et devaient se contenter de montants moins généreux, aux termes des programmes d’aide sociale des provinces et des municipalités.

On note d’autres dénominateurs communs aux projets mis de l’avant après la guerre à l’intention des personnes handicapées. Même si le gouvernement fédéral a instauré pour elles, à l’échelle nationale, un programme de réadaptation professionnelle et leur a donné droit à des prestations, les coûts étaient partagés avec les provinces. À compter de 1948, lorsqu’il a commencé à financer la réadaptation en mettant sur pied la Subvention fédérale à la santé, le gouvernement fédéral n’a consenti à offrir de l’aide aux provinces que lorsque celles-ci acceptaient d’assumer leur part (50 p. 100, en règle générale). Il n’a pas dérogé à cette règle lorsqu’il a instauré les allocations d’invalidité en 1954, puis adopté la Loi sur l’assurance-hospitalisation et les services diagnostiques en 1957 (relativement aux frais liés à l’incapacité) et la Loi sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées en 1961.

Dans les plus récents programmes sociaux, la distinction entre les personnes handicapées et les autres prestataires de l’aide sociale et du soutien du revenu a été maintenue, selon leur aptitude ou leur inaptitude au travail. Le Régime de pensions du Canada mis en place en 1966 et le Régime d’assistance publique du Canada (RAPC) adopté la même année disposent que des prestations d’invalidité sont versées aux cotisants blessés et incapables de travailler. On a regroupé quatre programmes dans le RAPC (dont deux allocations pour invalidité), dans le but d’aider les provinces à concevoir des programmes intégrés d’assistance sociale à l’intention des personnes dans le besoin, sans égard à la cause. Le RAPC est devenu immédiatement le plus important instrument gouvernemental de distribution de prestations de soutien du revenu, ainsi que de mécanismes et de services d’aide aux personnes handicapées. Ce sont les gouvernements provinciaux qui sont chargés de l’aide et des programmes dispensés en application du RAPC, mais le gouvernement fédéral a néanmoins accepté de partager les coûts de cette aide et de ces programmes.

La distinction entre l’aptitude et l’inaptitude au travail a également été à la base de la plupart des lois provinciales complémentaires prévoyant l’indemnisation des accidentés du travail, ainsi que d’autres programmes de soutien du revenu et de mesures relatives aux mécanismes et de services d’aide à l’intention des personnes handicapées. Traditionnellement, ces personnes reçoivent de la part des programmes provinciaux de prestations d’aide sociale un soutien de revenu supérieur parce qu’elles sont incapables de travailler. Elles sont en outre admissibles à une série de prestations en nature pour leurs besoins généraux et les besoins découlant de leur incapacité.

Parallèlement, des programmes destinés à favoriser le perfectionnement et l’employabilité, comme les fonds de l’assurance-chômage qui ont commencé à être utilisés à des fins de création d’emplois à la fin des années 80, viennent limiter l’admissibilité aux mécanismes d’aide et aux services pour les personnes qui ont travaillé suffisamment longtemps pour être admissibles selon les critères d’emploi, ce qui a pour effet d’exclure des personnes handicapées qui n’ont jamais fait partie de la population active.

Du côté du régime fiscal, le gouvernement fédéral a également reconnu que les personnes handicapées qui touchaient un revenu devaient assumer des frais supplémentaires à cause de leur invalidité. (L’allégement vient du principe de l’équité horizontale ou de «l’uniformisation des règles du jeu».) En 1930, on a commencé à tenir compte des frais liés aux déficiences visuelles et motrices pour l’application de la taxe de vente et des tarifs. En 1944, les non-voyants ont obtenu des déductions en compensation des frais supplémentaires engagés à cause de leur incapacité. L’admissibilité a depuis été étendue à d’autres catégories d’incapacités, et les montants maximums consentis ainsi que les seuils de revenus sont devenus plus généreux. En effet, l’allégement fiscal peut être transféré aux conjoints ou parents. Un changement d'envergure a été apporté au régime en 1988, lorsque la déduction d’impôt a été convertie en crédit d’impôt pour handicapés.

      2. Programmes actuels

Il existe présentement, à tous les paliers de gouvernement ainsi qu’au sein du secteur privé et des organismes bénévoles, des programmes visant à favoriser l’emploi des personnes handicapées, à leur accorder un soutien du revenu et à leur dispenser des mécanismes et des services d’aide. Parmi ces programmes, certains (l’aide sociale) sont universels, donc offerts aux personnes handicapées. Les programmes ciblés (santé, appareils et prothèses, réadaptation professionnelle, Régime de pensions du Canada/Régie des rentes du Québec [invalidité], crédits et déductions d’impôt, et assurance-invalidité privée) ne tiennent pas compte des circonstances de l’incapacité. Il existe aussi des programmes spécifiques, comme l’indemnisation des accidentés du travail et l’assurance-automobile, qui offrent des prestations en fonction de la cause de l’incapacité.

Parmi les principaux programmes destinés aux personnes handicapées, un grand nombre sont de compétence provinciale et sont administrés, voire financés, par les gouvernements provinciaux. Mentionnons à ce chapitre l’aide sociale et les mécanismes et services d’aide pour les personnes handicapées, les indemnisations aux accidentés du travail, la réadaptation professionnelle, l’assurance-automobile et l’assurance pour invalidité de longue durée. La plupart des provinces n’ont pas de cadre d’action général pour les programmes ou les questions concernant les personnes handicapées : elles ont tendance à se fier à un conseil du premier ministre ou à d’autres mécanismes consultatifs pour établir les grandes orientations. Le Québec s’est toutefois doté d’un cadre plus global pour traiter de ces questions, qui est défini dans À part ... égale. Dans cette province, des services (santé, réadaptation, aide technique et services sociaux) sont dispensés au moyen d’un régime personnalisé mis en application par les services de la santé et les services sociaux et adapté aux besoins, tandis que des questions comme les adaptations aux résidences et aux automobiles relèvent d’autres organismes.

Le rôle le plus important du gouvernement fédéral a été de fournir un montant d’environ 2,5 milliards de dollars annuellement pour les activités des provinces visant les personnes handicapées. Les coûts des régimes provinciaux et territoriaux d’aide sociale et de réadaptation professionnelle sont ainsi partagés dans le cadre du RAPC et du Programme sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées. Le gouvernement fédéral administre également le Programme canadien de prêts aux étudiants, qui en 1996-1997 permettra de verser 15 millions de dollars aux étudiants handicapés afin qu’ils puissent fréquenter un établissement d’enseignement postsecondaire et assumer les frais de leur incapacité. De plus, le Régime de pensions du Canada, qu’administre aussi le gouvernement fédéral, permet de répartir environ 3,3 milliards de dollars par année entre quelque 325 000 cotisants (y compris les enfants à leur charge) qui ne peuvent pas travailler à cause d’une incapacité. Le gouvernement fédéral accorde en aide fiscale aux personnes ayant une incapacité grave à peu près 272 millions de dollars (qui se combinent à une aide provinciale d’environ 135 millions de dollars), sous forme d’un crédit d’impôt pour handicapés et d’un allégement fiscal supplémentaire consenti aux employeurs qui engagent des dépenses pour rendre leurs locaux accessibles à leur personnel handicapé.

Les problèmes de compétence au chapitre de l’aide fédérale et provinciale consentie aux personnes handicapées sont apparus de façon très nette lorsque les prestations d’invalidité versées dans le cadre du Régime de pensions du Canada ont augmenté de 150 $ par mois (à compter de janvier 1987) et que les critères d’admissibilité ont été assouplis. Des personnes handicapées dont le revenu avait augmenté ont subi une réduction de leurs prestations provinciales d’aide sociale. Le gouvernement fédéral a alors réglé partiellement le problème en rendant la pension non imposable. Au surplus, les provinces ont encouragé leurs prestataires d’aide sociale à demander des prestations d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada. Une réévaluation a été effectuée après entente entre les responsables du RPC et de la province d’Ontario, et quelque 20 000 demandes de transfert de prestations provinciales d’aide sociale en faveur de prestations d’invalidité aux termes du RPC ont été présentées; 8 000 ont été acceptées.

Le gouvernement fédéral a tenté d’élaborer un cadre plus global lorsqu’il a mis en branle, en septembre 1991, la Stratégie nationale pour l’intégration des personnes handicapées. C’est ainsi que dix ministères fédéraux devaient se partager, en cinq ans, un montant global de 158 millions de dollars pour financer des activités dans cinq domaines : emploi et formation; intégration communautaire; partenariat; échange d’information; et accès au transport, au logement et aux communications, et coordination dans ce secteur. Lors de la réorganisation gouvernementale en 1993, la plus grande partie des fonds a été impartie au ministère du Développement des ressources humaines, qui est responsable d’environ deux tiers du budget, soit quelque 100 millions de dollars. Les effets de la Stratégie nationale sur les activités du gouvernement fédéral ont été limités du fait qu’elle n’intégrait ni le Régime de pensions du Canada et le Régime d’assistance publique du Canada, programmes clés en matière de dépenses fédérales visant les personnes handicapées, ni le ministère des Finances, dont le rôle est crucial dans l’élaboration des politiques. La Stratégie nationale a pris fin le 31 mars 1996.

      3. Faits récents

         a. Le régime fiscal

Comme nous l’avons signalé précédemment, on s’est servi du régime fiscal pour donner aux personnes handicapées qui ont un revenu gagné (pas nécessairement un revenu d’emploi) les mêmes chances qu’aux autres, en leur permettant d’assujettir à un régime fiscal spécial une partie des coûts que leur impose leur handicap. En 1988, la déduction pour frais médicaux et la déduction pour invalidité sont devenues des crédits d’impôt non remboursables. Le crédit d’impôt pour frais médicaux a été fixé à 17 p. 100 des frais médicaux admissibles dépassant 3 p. 100 du revenu net, sous réserve d’un plafond de 1 614 $. On cherchait ainsi à rembourser aux personnes handicapées leurs frais médicaux exceptionnels, lesquels comprennent par exemple les fauteuils roulants, les chiens-guides, les appareils auditifs, les modifications apportées à un logement et les services d’un préposé aux soins à temps plein. Environ 1 130 000 personnes ont réclamé ce crédit en 1993, mais ce n’étaient pas toutes des personnes handicapées.

Le crédit d’impôt pour handicapés est un complément du crédit pour frais médicaux accordé, sur attestation d’un médecin autorisé, aux personnes atteintes d’un handicap mental ou physique grave et prolongé tel qu’elles peuvent très difficilement vaquer à leurs occupations quotidiennes. En 1993, environ 530 000 personnes ont demandé ce crédit, lequel peut être transféré au conjoint d’une personne handicapée ou à l’un des parents d’un enfant handicapé. Le montant du crédit a été augmenté dans le Budget de 1991, et il réduit actuellement l’impôt fédéral d’environ 720 $. Combiné à l’impôt provincial, le dégrèvement total tourne autour de 1 120 $. (Le montant varie d’une province à l’autre selon le taux d’imposition provincial.) Pour ce qui est de l’emploi, certaines allocations accordées par l’employeur à l’égard des frais de taxi, de stationnement et des services de préposés aux soins sont non imposables pour les personnes admissibles au crédit pour handicapés et donnent droit à une déduction à l’employeur. Les dépenses d’aménagement des entreprises pour rendre des locaux accessibles sont déductibles l’année où elles sont engagées et ne sont pas considérées comme des dépenses d’investissement. Les personnes qui ont droit au crédit d’impôt pour handicapés ont aussi droit à des dépenses déductibles de 5 000 $ pour les soins d’un préposé à temps partiel.

Le régime fiscal prévoit aussi un crédit d’impôt pour personne infirme à charge (qui a coûté 40 millions de dollars en 1993), un plafond de 5 000 $ pour les frais de garde des enfants handicapés (2 000 de plus que pour les autres enfants) et un crédit non remboursable pour les enfants handicapés de plus de 18 ans. Depuis 1992, les personnes qui touchent des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec sont autorisées à les déclarer comme un revenu gagné pour les fins du calcul de leur contribution à un régime enregistré d’épargne-retraite. Au chapitre de la TPS, certains instruments médicaux sont détaxés pour les personnes handicapées, de même que certains soins en établissement et services de soins personnels fournis par des organismes de bienfaisance et des organismes publics.

Les chiffres attestent que les mesures fiscales à l’intention des personnes handicapées ne sont pas complètes. Environ 1,4 million de Canadiens handicapés ont déclaré des débours relativement à des articles nécessaires en raison de leur handicap (médicaments sur ordonnance, etc.) et 837 000 ont eu des dépenses associées à des activités quotidiennes (comme la préparation de repas). Le crédit d’impôt pour handicapés n’indemnise que les personnes souffrant d’un handicap «grave» et ne tient aucun compte de l’impossibilité d’effectuer soi-même certaines activités, comme de faire ses courses, qui ne sont pas considérées comme des activités quotidiennes «essentielles». Par ailleurs, le ministère des Finances estime que 45 p. 100 des dépenses des personnes gravement handicapées ne donnent pas droit à des déductions sur pièces du fait qu’il est bien difficile de distinguer l’élément lié à un handicap de l’élément de simple consommation dans un coût donné.

         b. L’emploi

À l’instar des autres Canadiens, les personnes handicapées ne peuvent pas, sans travail, atteindre une totale indépendance et devenir des participants à part entière à la vie économique et sociale. Or, une bonne partie des mesures récentes de création d’emplois et de formation n’ont ouvert aucune porte aux personnes handicapées, en dépit d’une augmentation substantielle des dépenses du gouvernement fédéral et des administrations provinciales et territoriales au chapitre des programmes d’adaptation du marché du travail.

Cette situation était imputable surtout au fait que les dépenses du gouvernement fédéral dans ce domaine provenaient de deux sources : le Trésor et le budget du programme d’utilisation des fonds de l’assurance-chômage (AC). Comme la loi portait que seuls les prestataires d’assurance-chômage pouvaient bénéficier des prestations ainsi financées, la plupart des personnes considérées comme «difficiles à atteindre», parce que leur participation à population active étaient très limitée, ne pouvaient en bénéficier. Celles-ci, notamment les personnes handicapées, étaient toutefois admissibles à de la formation financée par le Trésor, lequel servait aussi à financer des programmes sectoriels et des partenariats. L’instauration récente du régime d’assurance-emploi n’a pas modifié cette structure fondamentale.

Avec un tel système, les personnes handicapées ont de plus en plus de mal à suivre des cours de formation. En fait, en 1990, seulement la moitié des personnes handicapées en âge de travailler ont déclaré un revenu d’emploi contre 73 p. 100 pour la population générale. En outre, 44 p. 100 des personnes handicapées de 15 à 64 ans sont inactives. Beaucoup de personnes handicapées n’ont pas droit à la formation à laquelle leur donnerait accès à un emploi continu antérieur, parce qu’elles ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi. Abstraction faite de cela, comme les sommes allouées aux mesures de formation et d’emploi prélevées sur le Trésor ont diminué, les critères d’admissibilité à l’assurance-emploi l’emportent maintenant sur les besoins véritables pour déterminer qui a accès à l’aide. Les personnes handicapées représentaient 6,5 p. 100 des personnes en âge de travailler en 1993-1994, mais sur les 587 178 personnes qui participaient aux programmes fédéraux d’emploi et de formation, 2 p. 100 seulement (11 874) étaient des personnes handicapées, ce qui représente une baisse par rapport aux 2,1 p. 100 de 1989-1990.

L’amalgamation, en juin 1993, de certains services de Santé et Bien-être Canada, d’Emploi et Immigration Canada, de Travail Canada et du Secrétariat d’État dans le ministère du Développement des ressources humaines a beaucoup touché les personnes handicapées sur le plan de l’emploi. Selon une récente évaluation des programmes de Développement des ressources humaines Canada (DRHC), l’amalgamation a fait perdre de la visibilité aux mesures concernant les personnes handicapées, sans compter que leur rang dans l’ordre des priorités a baissé, et ce, du simple fait de la taille du ministère. Dans le contexte de la décentralisation, l’administration centrale de DRHC laisse aux bureaux régionaux le soin de mettre en oeuvre diverses mesures visant les personnes handicapées. Or, le niveau de service dont elles bénéficient est insuffisant en raison de la concurrence de priorités multiples et du fait que les centres d’emploi régionaux s’intéressent surtout à la clientèle de l’assurance-chômage. Par ailleurs, à cause des compressions budgétaires, on a tendance à privilégier le principe du libre-service dans les centres d’emploi du Canada, si bien que ceux qui ont davantage besoin de services personnels (par exemple, les personnes handicapées) sont particulièrement désavantagés.

La Loi sur l’équité en matière d’emploi, qui est une façon d’encourager l’emploi selon un modèle fondé sur les droits de la personne, a également eu de moins bons résultats pour les personnes handicapées que pour les autres groupes de personnes qui sont sous-représentées sur le marché du travail.

      4. Sécurité du revenu et pensions

De 1966 à 1996, le Régime d’assistance publique du Canada (RAPC) a permis au gouvernement fédéral de partager à parts égales avec les provinces les coûts de l’aide sociale et des services sociaux destinés aux Canadiens nécessiteux ou susceptibles de l’être. Parce que les personnes handicapées ont souvent besoin d’appareils et de services spéciaux et qu’elles ont du mal à surmonter les obstacles à l’emploi, 320 000 chefs de ménage handicapés (20 p. 100 de tous les assistés sociaux) reçoivent de l’aide du RAPC. Les autorités provinciales accordaient des prestations en fonction de directives provinciales et le montant de l’aide pour les éléments approuvés variait d’une province à l’autre. Pour recevoir des fonds du RAPC, une province doit procéder à une évaluation des besoins en vue de déterminer l’admissibilité aux prestations, n’imposer aucun critère de résidence et instituer un mécanisme d’appel.

Le RAPC comportait deux volets de financement. Le premier permettait d’accorder une aide financière pour répondre aux besoins fondamentaux (alimentation, logement et vêtement) et aux besoins spéciaux (travaux essentiels de réaménagement de propriétés et achat de matériel lié au handicap) et pour fournir des services prescrits (services de réadaptation, services de consultation achetés à la demande d’un organisme agréé par la province). Le deuxième volet de financement du RAPC visait le partage des coûts (y compris des coûts de fonctionnement) des autres services d’aide sociale qui atténuaient, supprimaient ou prévenaient les causes et les effets de la pauvreté, de la négligence envers les enfants de la dépendance à l’égard de l’aide sociale. Il n’existe pas de données détaillées sur la répartition des sommes dépensées par les deux volets de financement pour le soutien du revenu, les services sociaux ou les services en nature.

L’augmentation du coût de la part fédérale du financement du RAPC a amené le gouvernement du Canada à envisager une réforme du financement de l’aide sociale. Il a unilatéralement imposé un plafond au RAPC en 1990, limitant le montant qu’il accorde à l’Ontario, à l’Alberta et à la Colombie-Britannique aux termes du Régime. Dans son Budget de février 1995, il a annoncé son intention de combiner les transferts versés aux provinces aux termes du Financement des programmes établis (santé et enseignement postsecondaire) et du RAPC. En outre, il a réduit le montant total de ces transferts les ramenant de 29,7 milliards de dollars en 1995-1996 à 25,1 milliards en 1997-1998. Le nouveau Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux a été institué par l’adoption du projet de loi C-76 par le Parlement en 1995; le projet de loi est entré en vigueur le 1er avril 1996. Comme les personnes handicapées dépendent du RAPC, en particulier des dispositions relatives au financement des mécanismes et services d’aide liés à un handicap, elles ont eu moins accès à ces prestations depuis l’entrée en vigueur du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

Le Régime de pensions du Canada est aussi très important pour les personnes handicapées, car il offre des prestations aux cotisants qui ne peuvent travailler en raison d’un handicap grave et prolongé (325 000) et aux enfants dont ils ont la charge (100 000 en 1994). Les dépenses du RPC au titre des prestations d’invalidité sont passées de plus de 500 millions de dollars en 1985 à plus de 3,3 milliards en 1994 (17 p. 100 des dépenses du RPC), plus 329 millions de dollars pour les prestations pour enfants des cotisants handicapés. L’augmentation du nombre des personnes qui touchent des prestations d’invalidité du RPC et les répercussions de ce phénomène sur le régime suscitent de plus en plus d’inquiétudes. Cette augmentation a plusieurs explications : les difficultés que les personnes handicapées éprouvent à trouver et à conserver un emploi, l’accroissement du nombre des handicaps ouvrant droit à des prestations, le renvoi des personnes au RPC par d’autres organismes (par exemple, les administrations provinciales de l’aide sociale et les assureurs privés), l’assouplissement des critères d’admissibilité, notamment par suite de l’adoption du projet de loi C-57 en 1992, qui permet aux requérants de déposer une demande de prestations des années après le début de leur période d’invalidité, et l’augmentation de 150$ par mois des pensions d’invalidité en juin 1986.

Les Programmes de la sécurité du revenu, qui administrent le Régime de pensions du Canada, ont donc entrepris plusieurs réformes. De nouvelles directives adoptées en août 1995 mettent l’accent sur l’attestation de l’invalidité par les autorités médicales et excluent les facteurs socio-économiques dans l’évaluation des demandes. D’autres réformes encouragent les efforts de retour au travail et suppriment les facteurs qui découragent un tel retour. Par exemple, un prestataire du RPC ayant un handicap chronique (comme la sclérose en plaques) qui retourne au travail peut faire l’objet de procédures accélérées si sa condition se détériorait au point qu’il ait de nouveau besoin des prestations. La scolarisation à temps plein n’entraîne plus la cessation automatique des prestations, une période d’essai de trois mois étant autorisée. Par ailleurs, la procédure d’appel du RPC a désormais un caractère plus structuré, et un programme de réévaluation des cas a permis des économies annuelles de plusieurs millions de dollars. Une série de mesures expérimentales ont été instituées pour réduire les doubles emplois et accélérer la réadaptation et le retour au travail. Entre septembre 1994 et décembre 1995, on a observé que grâce à toutes les mesures décrites ci-haut, il y a eu une importante stabilisation des coûts du programme de pensions d’invalidité. Les administrateurs du RPC prévoyaient que le nombre des prestataires et, partant, les dépenses, commenceraient à diminuer à partir de mars 1996.

   C. Les changements proposés

En raison de la visibilité croissante des programmes à l’intention des personnes handicapées, de la nécessité de faire face à l’augmentation des coûts de tous les programmes sociaux et de la pression qu’exercent les personnes handicapées pour que les obstacles à la participation économique et sociale soient éliminés, les projets de réforme ont proliféré au cours des dernières années.

L’un des principaux efforts de réforme a peut-être été l’étude fédérale-provinciale-territoriale des services destinés aux personnes ayant un handicap. Cette étude, connue sous le nom de Pleine participation 1992, a abouti, en mai 1993, à la publication d’un rapport intitulé Sur la voie de l’intégration, dans lequel les deux ordres de gouvernement et la collectivité des personnes handicapées conviennent d’une structure de politiques et de programmes s’harmonisant avec l’actuel contexte constitutionnel et législatif. Tous insistent sur l’importance de soutiens en matière de déficiences; sur l’accessibilité aux services courants; sur la nécessité d’efforts coordonnés pour éliminer les obstacles à l’emploi; sur l’aide à l’autonomie; sur les arrangements à long terme permettant aux personnes handicapées d’acheter et d’utiliser les soutiens nécessaires; sur le besoin de mesures préventives; et sur l’obtention d’un soutien du revenu assez élevé pour satisfaire les besoins liés à l’invalidité.

On n’a toutefois pas contrôlé systématiquement si les divers éléments de la structure ont été effectivement mis en oeuvre. Par contre, il y a eu plusieurs initiatives incorporant les idées exprimées dans Pleine participation 1992. Dans le cadre de la Stratégie nationale pour l’intégration des personnes handicapées, le gouvernement fédéral a consenti plus de 14 millions de dollars pour favoriser la réalisation de projets pilotes provinciaux permettant à des personnes ayant des déficiences intellectuelles de réintégrer la société. Il y a également eu le projet pilote des centres de vie autonome, à l’appui des centres établis dans tout le pays pour fournir aux personnes handicapées de l’information, des services d’aiguillage et un soutien entre pairs, ainsi que pour collaborer à la défense des droits individuels et au développement des services.

L’annonce d’un examen des programmes sociaux, dans le discours du Trône de janvier 1994, a déclenché un processus de révision sous la direction du ministre du Développement des ressources humaines. Le budget fédéral de février 1994 prévoyait l’octroi de 800 millions de dollars pour des initiatives stratégiques en vue de l’essai d’approches novatrices pour répondre aux besoins en matière de sécurité sociale, approches élaborées en collaboration avec les provinces et les territoires. L’une de ces initiatives, «Choix et possibilités», conçue par le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard, permet d’examiner les soutiens et les services pour personnes ayant un handicap intellectuel, en vue de créer un système intégré.

En octobre 1994, le gouvernement a publié son document de travail intitulé La sécurité sociale dans le Canada de demain ainsi que, peu de temps après, un supplément sur les personnes handicapées. Ces deux documents mettent en évidence le besoin de trouver des adaptations pour les personnes handicapées dans le milieu d’apprentissage et de discuter avec les provinces de la meilleure façon d’y arriver. Les rapports préconisent l’intégration des personnes ayant un handicap dans les programmes réguliers, par exemple par des politiques visant à étendre les mesures assouplies en matière de formation et de travail, la transmission de compétences de base et l’accès adéquat et en temps opportun aux mécanismes et services d’aide aux personnes handicapées. Dans La sécurité sociale dans le Canada de demain, on propose aussi la mise à jour la Loi sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées.

Le travail de réforme des programmes sociaux a engendré une multitude de propositions, notamment en vue de dissocier le soutien du revenu des aides et services destinés aux personnes handicapées. Durant la campagne électorale de 1995 en Ontario, le Parti conservateur a justement promis qu’il prendrait des mesures en ce sens. L’Institut Roeher a pour sa part proposé un programme national (administré à l’échelle provinciale) qui compenserait les coûts liés aux déficiences et garantirait l’accès aux soutiens prévus pour les personnes handicapées. Ces derniers seraient admissibles au même titre que les autres Canadiens au revenu d’aide sociale.

En décembre 1995, un conseil ministériel sur la réforme de la sécurité sociale a recommandé aux premiers ministres des territoires et des provinces d’envisager de regrouper les programmes de soutien du revenu dans le cas des personnes qui ont de gros handicaps. Ce programme national unique serait géré conjointement, mais offert par le gouvernement fédéral. La proposition rappelle les suggestions que certaines provinces ont faite récemment en vue de la mise en place d’un revenu annuel garanti (RAG) susceptible de retirer les gens des rangs des assistés sociaux. Fait intéressant, le RAG assurerait un soutien du revenu plus adéquat et pourrait accroître les incitatifs financiers à l’emploi si les gains étaient imposés à un taux peu élevé. Par contre, un RAG pourrait renforcer la tendance à considérer les personnes handicapées comme «inaptes au travail» et détourner les ressources des programmes qui préconisent l’intégration à la vie économique. Le revenu fourni par ailleurs ne suffirait sans doute pas à satisfaire les besoins de ceux qui ont de fortes dépenses liées à leur incapacité et ne réussirait pas non plus à couvrir les coûts des mécanismes et des services d’aide requis. Il faudra adopter une mesure de réforme fiscale pour couvrir de tels coûts si un RAG fédéral ou provincial était adopté.

Dans le document d’information fédéral-provincial sur le Régime de pensions du Canada (février 1996), on indique, aux fins de discussion, certaines autres options de changement au programme de revenu d’invalidité offert par le régime : soustraire les prestations d’indemnisation des accidents du travail des prestations d’invalidité du RPC dans le cas des personnes qui touchent les deux; accroître le nombre d’années de contributions requises pour fixer l’admissibilité au RPC; et fonder l’admissibilité aux prestations de retraite du RPC sur le salaire gagné au moment où la personne est devenue invalide.

Dans la foulée de l’application du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, diverses organisations de personnes handicapées ont exhorté le gouvernement fédéral à adopter un énoncé de «valeurs idéales» qui régirait le fonctionnement du nouveau système de transfert; à leur avis, les contribuables doivent savoir comment sont dépensées les sommes fédérales transférées. D’après elles, l’information obtenue pourrait servir à concevoir et à évaluer les programmes sociaux dans le cadre des nouveaux dispositifs de transfert. Elles font donc pression pour l’adoption d’un mécanisme indépendant de compte rendu sur la distribution du Transfert pour ce qui est des régimes de santé, d’éducation, de revenu et de services sociaux.

La réponse du gouvernement au rapport Le Plan d’ensemble : concrétiser la vision «Portes ouvertes» (voir Mesures parlementaires), déposé le 8 mai 1996, a été unanimement rejetée par la collectivité des personnes handicapées qui a reproché au gouvernement de ne pas mettre en application les recommandations du rapport. Les organismes nationaux ont fait remarquer que la coordination entre les ministères laissait de plus en plus à désirer et que le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux rendrait vulnérables les personnes handicapées. Ils ont également soutenu que les dispositions relatives à l’emploi et à l’employabilité de l’assurance-emploi auraient des incidences fâcheuses sur les personnes handicapées, car beaucoup d’entre elles ne seraient pas admissibles à la formation. Les divers organismes de personnes handicapées ont également soulevé publiquement le problème posé par l’élimination progressive du financement accordé par le ministère du Développement des ressources humaines.

Le 5 juin 1996, devant le Comité permanent de la Chambre des communes des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, le ministre du Développement des ressources humaines a annoncé la création du Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées, présidé par Andy Scott, député. Ce groupe relevait de quatre ministres (Finances, Développement des ressources humaines, Justice et Revenu national). Il avait pour mandat d’étudier le rôle joué globalement par le gouvernement fédéral à l’égard des personnes handicapées et d’émettre des recommandations à cet égard, ainsi que de permettre au gouvernement d’honorer sa promesse, faite dans le budget de 1996, d’étudier l’incidence du régime fiscal sur les personnes handicapées.

Après avoir mené de nombreuses consultations publiques dans tout le pays, le Groupe de travail a présenté son rapport aux quatre ministres le 26 octobre 1996. Il y a émis 52 recommandations visant à renforcer les activités du gouvernement fédéral ayant pour but de donner un véritable sens à la citoyenneté canadienne des personnes handicapées et de leur permettre de jouir pleinement de leurs droits civils, politiques et sociaux. Le Groupe de travail a recommandé que des discussions avec les provinces soient entreprises et afin que tous les programmes et toutes les politiques principaux tiennent compte des besoins des personnes handicapées et établissent des mesures supplémentaires pour que celles-ci en bénéficient pleinement. Il a également préconisé le rétablissement du financement accordé aux organismes nationaux de personnes handicapées et établi une liste de changements à apporter immédiatement, ainsi qu’à moyen et à long terme, pour atteindre ces objectifs dans les secteurs de juridiction fédérale.

Plus précisément, le Groupe de travail a recommandé des modifications dans quatre domaines : législation, intégration au monde du travail, sécurité du revenu et coûts liés aux incapacités. En ce qui concerne le cadre législatif, il a recommandé la modification du Code criminel, de la Loi sur la preuve au Canada et de la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d’éliminer les obstacles auxquels doivent faire face les personnes handicapées. En outre, le Groupe de travail a proposé l’établissement d’un processus permanent et systématique d’examen de la loi, ainsi que la promulgation d’une loi visant les personnes handicapées, qui garantirait coordination et imputabilité au niveau fédéral. D’autres recommandations visant l’imputabilité ont trait à la nomination d’un secrétaire d’État aux affaires des personnes handicapées, à la production d’un rapport annuel sur les activités fédérales dans ce domaine et à l’établissement d’un mécanisme d’évaluation de l’incidence des mesures proposées sur les personnes handicapées.

Au chapitre important de l’intégration au monde du travail, le groupe a proposé l’établissement d’une politique et de directives de mise en application qui soient claires, afin de garantir l’accès aux dispositions de formation prévues par l’assurance-emploi, notamment à celles dont la responsabilité a été transférée aux provinces; il a aussi recommandé l’amélioration de l’accès aux services d’aide à l’emploi pour les personnes qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi. À son avis, le principal objectif du Programme de réadaptation professionnelle des personnes handicapées devrait être recentré et le programme lui-même, rebaptisé Fonds d’accès aux programmes d’employabilité; le programme préparerait les personnes handicapées à entrer sur le marché du travail ou à participer à des programmes fondamentaux.

La portée des propositions relatives au régime de revenu pour les handicapés nécessite d’importants changements qui sépareraient les programmes de sécurité du revenu des dispositions relatives au soutien et aux services. Le Groupe de travail a demandé que cette approche soit mise à l’essai grâce à des projets-pilotes. En ce qui concerne le régime fiscal, le Groupe de travail a adopté une approche qui, à long terme, encouragerait une meilleure reconnaissance par le fisc des frais réels entraînés par le handicap et qui, à court terme, mettrait en place ce processus.

Dans son rapport relatif aux consultations prébudgétaires du 5 décembre 1996, le Comité des finances de la Chambre des communes a donné son aval aux travaux du Groupe de travail et résolu de faire de la question des personnes handicapées l’une de ses priorités quand viendra l’heure d’augmenter l’engagement du gouvernement fédéral en matière de questions sociales.

À la fin de 1996 et au début de 1997, le gouvernement fédéral et les provinces ont poursuivi les discussions sur les mesures à prendre pour modifier les programmes conjoints visant les personnes handicapées. Cette initiative a été prise en juin 1996 à la suite de la décision des premiers ministres selon laquelle le conseil ministériel fédéral/provincial/territorial sur le renouvellement de la politique sociale était chargé d’étudier la réforme des programmes d’aide aux personnes handicapées et de faire des recommandations à cet égard. Au cours de la réunion du 27 novembre 1996, le Conseil a accepté de chercher des moyens pratiques d’améliorer ces programmes et d’établir un sous-comité qui étudierait la réadaptation professionnelle des personnes handicapées, qui est actuellement financée à parts égales par le gouvernement fédéral et les provinces; il a également accepté d’étudier les recommandations du Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées.

Au début de 1997, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il rétablirait le versement annuel de capitaux d’exploitation aux organismes nationaux de personnes handicapées (cinq millions de dollars par année) et qu’il continuerait de financer les projets spéciaux (4,6 millions de dollars). En outre, le ministre du Développement des ressources humaines a annoncé la poursuite des initiatives relatives à l’intégration du marché du travail des Canadiens handicapés jusqu’à ce que des mesures de remplacement soient prises, et la poursuite du Programme de réadaptation professionnelle des personnes handicapées jusqu’à la fin des négociations avec les provinces.

En janvier 1997, le projet de loi C-12 est entré en vigueur (Lois du Canada 1996, C23). Cette mesure, qui a mis en oeuvre l’assurance-emploi et modifié le régime d’assurance-chômage, ne sera guère susceptible d’accroître, pour la plupart des personnes handicapées, l’accès aux mesures d’emploi et de formation, compte tenu de la distinction entre le financement par le Trésor et le financement par l’assurance-chômage dont il a été question plus haut. Conformément au projet de loi C-12, une personne handicapée pourra, comme c’était le cas avant, demander une prestation d’emploi seulement dans la mesure où elle est un participant dans le sens du projet de loi, c’est-à-dire par sa participation au marché du travail. Par contre, l’article 60 du projet de loi prévoit des mesures permettant aux organismes d’établir des services d’aide à l’emploi en vue d’aider les travailleurs à trouver un emploi convenable et les employeurs à trouver des travailleurs répondant à leurs besoins, ainsi que de créer d’autres mesures de soutien. Ces mesures ne sont pas conditionnelles à la participation au marché du travail et comprennent des programmes destinés à compenser les désavantages, dont ceux des personnes handicapées.

MESURES PARLEMENTAIRES

Les comités parlementaires ont joué un rôle extrêmement important dans la promotion de l’intégration socio-économique des personnes handicapées. En préparation de l’Année internationale des personnes handicapées, le Parlement a établi, en 1980, un Comité spécial concernant les invalides et les handicapés; ce Comité a déposé au Parlement, en février 1981, un rapport intitulé Obstacles. Ce rapport contenait 130 recommandations où étaient préconisés, entres autres choses, l’instauration d’un système complet d’assurance-invalidité et un meilleur accès aux mécanismes et aux services d’aide destinés aux personnes handicapées.

Depuis juin 1987, le Règlement de la Chambre des communes prévoit la constitution d’un comité chargé de la condition des personnes handicapées; depuis avril 1989, le mandat de ce comité comprend aussi les droits de la personne.

Tout au long de la 34e législature, le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées s’est intéressé à l’intégration économique et sociale des personnes ayant des déficiences. Son rapport intitulé S’entendre pour agir a mené, en 1991, à l’adoption de la Stratégie nationale pour l’intégration des personnes handicapées. Dans son rapport intitulé Les personnes handicapées, une réalité, qu’il a déposé le 10 mars 1993, le Comité a examiné l’application du régime fiscal dans le contexte social et recommandé la réforme des crédits pour frais médicaux et l’établissement d’un crédit d’impôt remboursable pour personnes handicapées. Enfin, dans Boucler la boucle, un rapport sur les autochtones qu’il a déposé le 26 mai 1993, le Comité a recommandé une meilleure coordination des activités et des programmes fédéraux pour les autochtones ayant des déficiences. En juillet 1993, un autre rapport, Des choix rentables pour tous, a résulté d’un forum parlementaire à l’occasion duquel le Comité avait regroupé 70 spécialistes du monde des affaires, des syndicats et de la collectivité des personnes handicapées. Ce rapport contient des recommandations sur la nécessité d’inclure les personnes handicapées dans les commissions consultatives économiques, sur l’élaboration d’une stratégie canadienne de développement économique pour les personnes handicapées et sur le besoin de faciliter la fabrication et la commercialisation de produits destinés aux gens qui ont des handicaps.

Après les élections fédérales de 1993, le Comité permanent des ressources humaines a tenu des audiences sur la nécessité de réformer les programmes sociaux du Canada. Dans son rapport intitulé Équité, sécurité et perspectives d’avenir, le Comité permanent a recommandé des initiatives destinées à promouvoir l’autonomie dans les activités quotidiennes et l’uniformisation, par les autorités fédérales, provinciales et territoriales, des définitions et des critères d’admissibilité des personnes handicapées à leurs programmes respectifs.

En 1995, des mesures législatives fédérales (projet de loi C-76) sont venues consolider les paiements de transfert aux provinces et aux territoires. Le nouveau mécanisme financier couvre le Régime d’assistance publique du Canada et le Financement des programmes établis. Le nouveau Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux consistera en un fonds global couvrant les paiements fédéraux aux provinces dans le domaine de l’aide sociale ainsi que dans ceux des soins de santé et de l’éducation postsecondaire.

Durant l’automne de 1995, le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées a tenu des audiences dans le cadre de la Stratégie nationale pour l’intégration des personnes handicapées, laquelle a pris fin en 1996. Dans son rapport, Le plan d’ensemble : concrétiser la vision «Portes ouvertes», le Comité recommande que le gouvernement fédéral demeure un chef de file pour les questions intéressant les personnes handicapés en nommant un secrétaire d’État expressément chargé de ces questions, en donnant à la Stratégie nationale une vision plus claire et en coordonnant efficacement les politiques gouvernementales. Le Comité propose également l’adoption de normes nationales minimales pour le Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux, en fonction des résultats, ainsi que l’établissement d’un contrôle social visant à communiquer de l’information sur les dépenses effectuées dans le cadre du Transfert. D’une façon précise, le Comité recommande des mesures plus efficaces pour encourager l’emploi des personnes handicapées, l’examen de toutes les mesures fiscales ayant des effets sur ces personnes et une étude approfondie visant à élaborer des options concernant le système de revenu des personnes handicapées et la prestation de mécanismes et de services d’aide à leur égard.

 

CHRONOLOGIE

1981 - Année internationale des personnes handicapées.

Le fait d’être handicapé devient un motif illicite de discrimination dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

février 1981 - Dépôt de Obstacles, rapport du Comité spécial concernant les invalides et les handicapés.

1984 - Rapport du gouvernement du Québec, À part ... égale, recommandant un cadre d’action complet.

octobre 1984 - Rapport de la Commission d’enquête sur l’égalité en matière d’emploi (rapport Abella), traitant des possibilités d’emploi pour les femmes, les autochtones, les minorités visibles et les personnes handicapées.

juin 1987 - La Chambre des communes établit le Comité permanent de la condition des personnes handicapées.

31 mai 1988 - Statistique Canada publie les premières données sur les personnes handicapées, recueillies au moyen de l’Enquête sur la santé et les limitations d’activités.

5 avril 1989 - La Chambre des communes établit le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées.

18 juin 1990 - Le Comité permanent de la condition des personnes handicapées dépose S’entendre pour agir.

6 septembre 1991 - Le premier ministre annonce l’établissement de la Stratégie nationale pour l’intégration des personnes handicapées.

29 et 30 mars 1992 - Le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées tient un forum parlementaire, «Des choix rentables pour tous».

22-25 avril 1992 - Un congrès mondial sur les handicaps, Autonomie 1992, se déroule à Vancouver.

mars 1993 - Publication de Sur la voie de l’intégration, Rapport final, Pleine participation 1992.

10 mars 1993 -
28 juillet 1993 - Le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées dépose les rapports Les personnes handicapées, une réalité, Boucler la boucle et Des choix rentables pour tous.

5 octobre 1994 - Le ministre du Développement des ressources humaines publie La sécurité sociale dans le Canada de demain : document de travail.

27 février 1995 - Le ministre des Finances annonce dans son budget que le Régime d’assistance publique du Canada sera inclus dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

décembre 1995 - Le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées dépose Le plan d’ensemble : concrétiser la vision «Portes ouvertes».

31 mars 1996 - Fin de la Stratégie nationale pour l’intégration des personnes handicapées.

8 mai 1996 - Réponse du gouvernement au rapport du Comité, Le Plan d’ensemble : concrétiser la vision «Portes ouvertes».

5 juin 1996 - Le ministre du Développement des ressources humaines annonce la formation du Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées.

21 juin 1996 - Les premiers ministres chargent le Conseil ministériel fédéral/provincial/territorial sur le renouvellement de la politique sociale d’étudier les programmes visant les personnes handicapées.

26 octobre 1996 - Dépôt du rapport du Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées.

janvier 1997 - Entrée en vigueur de projet de loi C-12, Loi sur l’assurance-emploi.

Le gouvernement fédéral prolonge le Programme de réadaptation professionnelle des personnes handicapées et rétablit le financement aux organismes nationaux de personnes handicapées.

 

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La version originale du présent bulletin d'actualité a été publiée en janvier 1996.   Le document a été sans cesse mis à jour depuis.