LE DIVORCE ÉTAT DU DROIT AU CANADA
TABLE
DES MATIÈRES A. Historique du droit en matière de divorce au Canada
1. Demandes de mesures accessoires 2. Exécution des ordonnances relatives aux aliments, à la garde et à l'accès A. Récents changements législatifs B. Autres domaines de réforme possibles LE DIVORCE ÉTAT DU DROIT AU CANADA* Au cours des dernières décennies, le droit de la famille au Canada a fait lobjet de fréquentes réformes importantes. Les modifications apportées aux lois provinciales et fédérales dans le domaine, ainsi que lévolution imputable à la jurisprudence, ont reflété des transformations sociales spectaculaires comme la multiplication des couples qui se séparent ou qui vivent en concubinage, laccroissement du nombre de femmes qui travaillent à lextérieur du foyer ainsi quà la maison et lapparition de familles où les enfants vivent avec un seul parent ou avec un beau-parent, et elles ont parfois même anticipé sur elles. Le droit en matière de divorce est lune des composantes clés du droit de la famille au Canada. Dans ce document, nous examinons létat actuel du droit en matière de divorce au pays et nous abordons quelques aspects du droit de compétence fédérale qui pourraient éventuellement être modifiés. Comme de plus en plus de gens, chaque année, vivent un divorce ou une séparation, quil sagisse du ou de la leur ou de celui ou de celle dun proche, le droit de la famille continue davoir une incidence considérable sur un nombre croissant de Canadiens. Près de 40 p. 100 des mariages au Canada se terminent maintenant par un divorce. Les publications en sciences sociales regorgent de témoignages sur les effets négatifs que le divorce peut avoir sur la santé affective des enfants et des autres membres de la famille, et les préjudices économiques causés par le divorce et la séparation sont bien connus. Depuis ladoption en 1968 de la première loi fédérale sur le divorce, la société tolère mieux la séparation et le remariage, dautant que les grandes réformes réalisées par la Loi de 1985 sur le divorce les ont rendus plus faciles. A. Historique du droit en matière de divorce au Canada Avant 1968, il ny avait pas de loi fédérale sur le divorce. À Terre-Neuve et au Québec, deux provinces dépourvues dune loi provinciale en la matière, ceux qui voulaient mettre un terme à leur union devaient faire adopter une loi privée par le Parlement fédéral. Dans la plupart des autres provinces et territoires, la loi provinciale incorporait par renvoi la Matrimonial Causes Act britannique de 1857, qui permettait à un homme dobtenir un divorce si son épouse avait commis ladultère. La femme, elle, nobtenait le divorce que si elle pouvait prouver que son mari sétait rendu coupable dadultère incestueux, de viol, de sodomie, de bestialité, de bigamie ou dadultère conjugué à la cruauté ou à labandon du domicile conjugal. Les épouses dont il était prouvé quelles étaient adultères navaient pas droit à une pension alimentaire et les époux ne pouvaient en aucune circonstance demander une pension alimentaire. Certaines provinces ont adopté une loi autorisant lun ou lautre des époux à demander le divorce pour adultère. Les lois provinciales sur le divorce sont demeurées en vigueur jusquà ce que le Parlement adopte la Loi sur le divorce en 1968. La Loi sur le divorce de 1968 a introduit le concept de la rupture définitive du mariage comme motif de divorce, tout en conservant les autres causes liées à la notion de faute, dont les plus importantes étaient ladultère, la cruauté et labandon du foyer conjugal. Le principe du divorce sans égard à la faute ayant soulevé une vive controverse, on a préféré sen tenir au même compromis dans la Loi de 1985 sur le divorce, qui combine les motifs avec faute et les motifs sans faute. On a ainsi reconnu non seulement que les mariages se terminent souvent sans quune faute maritale ait été commise, mais aussi quaccepter uniquement des requêtes en divorce alléguant une faute ne fait quenvenimer et perpétuer une procédure déjà désagréable, coûteuse et parfois préjudiciable. On a allongé la liste des causes de divorce en ajoutant un motif sans notion de faute afin dépargner au moins à quelques couples cette procédure souvent pénible. Les motifs de divorce énoncés dans la Loi sur le divorce de 1968 pouvaient être invoqués tant par les femmes que par les hommes; on avait donc supprimé le deux poids, deux mesures de la Matrimonial Causes Act britannique. Les articles 3 et 4 énuméraient les diverses causes de divorce reconnues. Parmi celles figurant à larticle 3, il y avait ladultère, le viol ou une autre infraction sexuelle telle que un acte dhomosexualité, la bigamie ou la cruauté mentale ou physique. Des motifs supplémentaires prévus à larticle 4 de la Loi sappliquaient si les époux vivaient séparés lun de lautre parce que leur mariage avait été rompu de façon définitive en raison de certaines situations, par exemple si le conjoint intimé avait été emprisonné pendant plus de deux ans, était alcoolique ou toxicomane, avait disparu ou avait abandonné le conjoint requérant, ou encore si le mariage navait pas été consommé. Selon la Loi de 1968, le jugement de divorce ne pouvait être accordé quaprès une instruction devant un juge qui devait être convaincu de ce qui suit : les conjoints avaient un motif autre que le simple consentement au divorce; il ny avait pas eu collusion entre les parties (p. ex. pour induire le juge en erreur); il ny avait pas eu de pardon ou dapprobation de laction dont sétait ensuite plaint le requérant; il ny avait pas eu de connivence de la part du requérant (c.-à-d. le conjoint navait pas été incité à commettre loffense maritale); il ny avait aucun espoir raisonnable de réconciliation; et il y avait eu une entente acceptable sur la garde des enfants ou sur les aliments pour le conjoint à charge et le jugement de divorce ny serait pas préjudiciable. Les jugements de divorce étaient rendus en deux temps : dabord il y avait un jugement conditionnel et, trois mois plus tard, à moins quun juge nabrège cette période, le requérant pouvait demander un jugement irrévocable, après quoi les parties avaient le droit de se remarier. Le droit de la famille est une compétence partagée au Canada. Si la Loi constitutionnelle de 1867 confie le divorce au Parlement fédéral, elle confère aux provinces les pouvoirs législatifs en matière de propriété et de droits civils. Le Parlement a donc le pouvoir exclusif dadopter des lois concernant le divorce, y compris les questions accessoires telles que les aliments et la garde des enfants. Les lois provinciales en droit de la famille visent des questions relatives à la séparation des couples mariés ou non mariés, y compris les aliments et la garde des enfants dans les cas où le divorce nest pas demandé, la répartition des biens, lexécution des ordonnances alimentaires et des autres obligations, ladoption, la protection des enfants, le changement de nom et ladministration des tribunaux. Comme les compétences se chevauchent un peu en droit de la famille, la plupart des réformes entreprises sont le fruit de travaux menés par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Néanmoins, il y a des différences marquées entre les lois des diverses provinces canadiennes dans le domaine. En 1976, dans son influent Rapport sur le droit de la famille, la Commission de réforme du droit du Canada a recommandé de retenir léchec du mariage comme seule cause de divorce afin datténuer lhostilité dont est empreinte la procédure de confrontation traditionnelle et de favoriser des solutions plus constructives aux différends familiaux qui surviennent à loccasion de la séparation. Elle a aussi recommandé que soit établi dans tout le pays des tribunaux unifiés de la famille qui auraient une juridiction exclusive dans ce domaine du droit. Cette dernière recommandation ne sest que partiellement concrétisée lorsque des tribunaux unifiés de la famille ont été créés dans certaines villes canadiennes. En outre, la Loi de 1985 sur le divorce na rejeté quen partie la notion de faute dans les requêtes en divorce, en prévoyant un seul motif de divorce, léchec du mariage, qui peut être établi en prouvant soit que le couple vit séparé depuis au moins un an, soit quil y a eu adultère, cruauté physique ou cruauté mentale, les trois critères rattachés à une faute qui sont toujours reconnus. La Loi de 1985 sur le divorce a modifié les règles régissant la compétence des tribunaux en la matière. Les articles 3 à 6 de la Loi définissent les circonstances dans lesquelles le tribunal dune province a compétence pour instruire une action en divorce, à savoir, de façon générale, lorsque lun au moins des époux réside habituellement dans la province où linstance est introduite. Toute action ultérieure en modification ne sera pas nécessairement entendue par le tribunal qui a rendu le jugement de divorce; elle pourra être présentée soit au tribunal de la province dans laquelle lun au moins des ex-époux réside habituellement, soit au tribunal dont les deux ex-époux reconnaissent la compétence. Comme nous lavons mentionné précédemment, la Loi de 1985 a considérablement modifié les motifs de divorce reconnus. Selon son article 8, le divorce peut être accordé pour cause déchec du mariage. On établit cet échec en démontrant que les époux ont vécu séparément pendant au moins un an ou que le conjoint intimé a soit commis ladultère, soit traité lautre avec une cruauté physique ou mentale telle que la cohabitation est devenue impossible. Lorsque léchec du mariage est établi par la séparation des époux, la période de séparation est calculée à partir de la date à laquelle ils ont commencé à vivre séparément. Le divorce peut être demandé avant la fin de la période de un an, mais le jugement ne sera accordé quaprès lexpiration du délai prévu. Dans leurs tentatives de réconciliation, les époux reprennent souvent la vie commune. Une cohabitation qui dure plus de 90 jours interrompt la période de vie séparée, quil faut donc recommencer à calculer à partir de la date de la nouvelle séparation. Larticle 11 de la Loi énonce les motifs de refus de la juridiction; ce sont sensiblement les mêmes que ceux que prévoyait la Loi de 1968, à savoir que le divorce nest pas autorisé sil y a eu collusion entre les parties ou si des arrangements raisonnables nont pas encore été conclus relativement aux aliments des enfants à charge. De plus, un divorce demandé pour cruauté ne sera accordé que sil ny a pas eu de pardon ou de connivence de la part de lépoux demandeur. La disposition de larticle 8 permettant aux parties de demander conjointement le divorce est lune des nouveautés adoptées en 1985. Cette demande conjointe, fondée sur léchec du mariage confirmé par le fait que les époux vivent séparément depuis au moins un an, peut comprendre des demandes concernant les aliments et la garde des enfants ou laccès à ceux-ci. Bien que les mesures législatives relatives au divorce relèvent du fédéral, la pratique et la procédure judiciaires sont du ressort des provinces. Comme la disposition de larticle 8 envisage clairement des demandes conjointes, cela a permis dutiliser des formulaires que les époux peuvent remplir ensemble. La plupart du temps, sils ont réglé tous les points litigieux ou sils ne recherchent aucune autre mesure que le divorce, les conjoints conviendront que lun deux présente la demande et que lautre ne réplique pas, ce qui permet dinstruire linstance comme sil sagissait dun divorce non contesté. Le cas échéant ou si tout est réglé davance, les conjoints ne sont pas tenus de se présenter devant le juge. Larticle 9 de la Loi oblige les avocats à discuter avec leurs clients des possibilités de réconciliation et des services de négociation ou de médiation pour décider des mesures accessoires à laction en divorce, telles que les aliments ou la garde. Le paragraphe 9(1) réitère lobligation énoncée à larticle 7 de la Loi sur le divorce de 1968, qui exigeait des avocats quils discutent des possibilités de réconciliation, tandis que le paragraphe 9(2) ajoute celle de suggérer la négociation et la médiation. Ce paragraphe favorise les ententes négociées et la médiation, une méthode suivant laquelle les parties règlent les questions litigieuses avec laide dun tiers neutre. En vertu de larticle 10, les juges doivent sassurer quil ny a manifestement aucune possibilité de réconciliation des conjoints. Ils sont aussi tenus de suspendre linstance et dencourager les époux à rencontrer un conseiller matrimonial sil y a lieu. Il nest pas certain que les obligations imposées aux avocats par larticle 9 augmentent la probabilité que les parties accepteront la réconciliation, la négociation ou la médiation. Ce qui ne fait pas de doute, toutefois, cest que de nombreux couples arrivent à négocier des ententes, puisque selon le professeur Julien Payne, 86 p. 100 des divorces ne sont pas contestés au départ et 4 p. 100 seulement font lobjet dun procès. Souvent, les litiges en droit de la famille se règlent par la négociation entre les parties, chacune étant représentée par un avocat, avant même le dépôt dune requête en divorce. Ces divorces sont réputés ne pas avoir été contestés, même si les ententes qui les visent peuvent renfermer une foule de mesures alimentaires différentes, parce quils ont été conclus sans lintervention du tribunal. La médiation est une autre méthode employée soit pour régler les litiges matrimoniaux à lamiable, soit pour faciliter lissue de laction en divorce. Parfois, les médiateurs relèvent du tribunal, mais la plupart du temps, ils sont du secteur privé. Les parties à la médiation sont souvent représentées par leur avocat personnel tout au long du processus. Les qualités et compétences des médiateurs varient énormément, mais lon sefforce actuellement de mettre sur pied un système de reconnaissance professionnelle afin de sassurer que ceux qui se prétendent médiateurs remplissent certaines conditions de base. Les partisans de la médiation soutiennent quelle permet aux gens de régler leurs affaires matrimoniales plus rapidement quun procès et que les conjoints qui ont choisi eux-mêmes le mode de règlement de leur litige seront plus déterminés à exécuter lentente conclue et auront donc plus de facilité, avec le temps, à discuter ensemble amicalement. La médiation comme méthode de substitution au procès suscite un intérêt croissant, même si son effet na pas encore été parfaitement démontré. De plus en plus davocats en droit de la famille font de la médiation parce que cest un domaine en croissance. Dailleurs, leurs corporations professionnelles dans presque toutes les provinces ont avalisé cette pratique. On estime que la médiation des litiges sur la garde et laccès devrait pourtant être menée par des spécialistes ayant une formation en travail social ou en psychologie plutôt quen droit. Après la conclusion dune entente, ce qui aura été réglé soit par la négociation avec laide des avocats, soit par la médiation sera consigné dans une convention de séparation ou dans les documents de règlement afférents à laction en divorce. Les termes du règlement ou de la convention peuvent ensuite être incorporés dans le jugement de divorce afin den faciliter lexécution. En vertu de larticle 12 de la Loi de 1985 sur le divorce, un divorce prend effet 31 jours après que le jugement laccordant a été prononcé. Cette disposition a supprimé la procédure en deux temps jugement conditionnel suivi du jugement irrévocable prévue dans la Loi de 1968. Le tribunal peut écourter le délai de 31 jours dans des circonstances particulières, si les époux conviennent de ne pas interjeter appel du jugement. Les certificats prouvant la prise deffet du divorce, que doivent présenter ceux qui désirent se remarier, ne sont généralement pas disponibles avant lexpiration du délai de 31 jours. 1. Demandes de mesures accessoires Aux termes des articles 15 à 19 de la Loi sur le divorce, le tribunal qui instruit linstance de divorce a le pouvoir daccorder des mesures accessoires. Ces mesures peuvent être formulées par le conjoint qui demande le divorce ou, dans une requête reconventionnelle, par le conjoint contre qui le divorce est demandé. Les demandes de mesures accessoires peuvent être conjuguées à celles concernant le partage des biens ou à dautres mesures de redressement rendues en vertu des lois provinciales pertinentes. Les ordonnances peuvent être provisoires ou permanentes. Il existe même dans certaines provinces des ordonnances provisoires sur la garde et les aliments afin de subvenir aux besoins des membres dune famille à charge, en attendant que les demandes de mesures accessoires provisoires soient réglées. Il est également possible, dans les provinces où les règles de procédure le permettent, de séparer la requête en divorce de la demande de mesures accessoires. Ainsi, un jugement conditionnel de divorce peut-être rendu avant même que le tribunal ait examiné la question des mesures accessoires. Un tribunal qui, conformément aux articles 3 à 7 de la Loi sur le divorce, a compétence pour connaître dune demande de divorce, peut rendre ou modifier des ordonnances alimentaires au profit des enfants ou du conjoint et des ordonnances concernant les droits de garde et daccès relativement aux enfants à charge. En vertu des articles 15 à 15.3 de la Loi, le tribunal peut ordonner à un époux de garantir ou de verser (ou de garantir et de verser), sous forme de capital ou de pension, des aliments soit à lautre époux, soit aux enfants à charge, soit à tous. Des ordonnances alimentaires provisoires peuvent aussi être rendues dans le but de subvenir aux besoins des membres de la famille à charge en attendant le jugement définitif, ou pour payer les honoraires dexperts chargés dévaluer les biens qui devront être partagés en vertu des lois provinciales sur le patrimoine familial. Il est expressément interdit, en vertu du paragraphe 15.2(5), de tenir compte des fautes commises par les époux dans la détermination de lordonnance alimentaire. Le paragraphe 15.2(4) énonce les facteurs qui doivent plutôt être considérés, notamment les ressources, les besoins et la situation de chacun des époux et de tout enfant à charge, la durée de la cohabitation des époux, les fonctions quils ont remplies au cours de celle-ci, et toute ordonnance, entente ou autre arrangement alimentaire au profit de lépoux ou des enfants. Le paragraphe 15.2(6) énumère une liste dobjectifs que doivent viser les ordonnances alimentaires au profit dun époux. Les ordonnances alimentaires au profit dun époux doivent tenir compte des avantages ou inconvénients économiques qui découlent pour les époux du mariage ou de son échec, répartir les conséquences économiques découlant du soin des enfants à charge, remédier à toute difficulté économique et, dans la mesure du possible, favoriser lindépendance économique de chacun des époux dans un délai raisonnable. Depuis 1997, les demandes dordonnance alimentaire se font en vertu de larticle 15.1 de la Loi sur le divorce, qui fait référence aux lignes directrices applicables, notamment les Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants énoncées dans le règlement dapplication de la Loi. Jusquen 1997, le montant des pensions alimentaires pour enfants était fixé en fonction des résultats dun critère législatif visant à partager la responsabilité des frais engagés pour élever un enfant entre les parents, proportionnellement à la capacité de payer de ces derniers. Depuis ladoption du projet de loi C-41, qui est entré en vigueur le 1er mai 1997, le montant de la pension alimentaire pour enfants est régi par les « lignes directrices » applicables définies dans la Loi comme étant des lignes directrices provinciales, lorsque le Cabinet fédéral les a déclarées applicables, ou les lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants dans tous les autres cas. Les ordonnances alimentaires au profit des enfants doivent être rendues en fonction des lignes directrices applicables sur les pensions alimentaires pour enfants ou correspondre à un montant différent, en vertu du paragraphe 15.1(5), lorsque le tribunal est convaincu que lapplication des lignes directrices serait inéquitable. Les demandes de garde et daccès sont régies par larticle 16 de la Loi sur le divorce; elles peuvent être présentées par lun ou lautre des conjoints ou par toute autre personne qui a obtenu lautorisation du tribunal (paragraphe 16(3)). Ces ordonnances peuvent être provisoires, en attendant une décision irrévocable. Dans certains cas, le tribunal peut rendre une ordonnance de garde partagée au lieu de confier la garde à un seul des conjoints. Aux termes du paragraphe 16(5), le conjoint qui obtient un droit daccès peut demander au parent qui a la garde et se faire donner des renseignements relatifs à la santé, à léducation et au bien-être de lenfant. Comme le prévoient les paragraphes 16(8) et 16(9), en rendant une ordonnance de garde ou daccès, le tribunal doit tenir compte de lintérêt de lenfant à charge, défini en fonction de ses ressources, de ses besoins et de sa situation, mais faire abstraction de la conduite antérieure dune personne, sauf si cette conduite est liée à laptitude de cette personne à agir comme père ou comme mère. Le paragraphe 16(10) oblige le tribunal qui rend une ordonnance de garde ou daccès à appliquer le principe selon lequel lenfant à charge doit avoir avec chaque conjoint un maximum de communication compatible avec son propre intérêt et, donc, à tenir compte de la volonté des deux époux de faciliter lexercice du droit daccès. Cette règle des « parents sympathiques » se fonde sur la prémisse quil est dans lintérêt de lenfant davoir le contact le plus étroit possible avec ses deux parents et quil faut décourager toute conduite, de la part dun des époux, susceptible de nuire à la relation entre lenfant et lautre conjoint. Larticle 17 de la Loi énonce les conditions que doivent remplir les demandes de modification dune ordonnance alimentaire ou dune ordonnance de garde. Les paragraphes 17(7) et 17(8) énumèrent les mêmes objectifs que ceux fixés pour lordonnance initiale. Le principe du maximum de communication est répété au paragraphe 17(9), car il doit aussi être appliqué à lordonnance modificative dune ordonnance de garde. En rendant une ordonnance modificative, le tribunal doit tenir compte des facteurs énumérés aux paragraphes 17(4) et 17(5), à savoir sassurer quil est survenu un changement dans les ressources, les besoins ou la situation de lépoux ou de lenfant depuis le prononcé de lordonnance alimentaire à modifier. Une ordonnance alimentaire dont la durée de validité est déterminée ou dépend dun événement précis ne peut être modifiée après léchéance de son terme que si le tribunal est convaincu que lordonnance modificative simpose pour remédier à une difficulté économique causée par un changement lié au mariage et que lordonnance à modifier aurait été vraisemblablement différente si les nouvelles circonstances avaient existé à lépoque où elle a été rendue. a. Les ordonnances alimentaires au profit des enfants Selon la Loi sur le divorce, une ordonnance alimentaire peut être demandée pour les enfants à charge ou lun deux, cest-à-dire, daprès la définition, plusieurs enfants ou lenfant des deux parties à un divorce qui nont pas atteint lâge de la majorité ou qui ont au moins 16 ans et qui ne peuvent cesser dêtre à leur charge, ou subvenir à ses propres besoins, pour cause de maladie ou dinvalidité ou pour toute autre cause. Pourtant, les pensions alimentaires pour enfants ne cessent pas dêtre versées lorsque ceux-ci atteignent lâge de 16 ans, ou même de 18 ans, mais lorsque lenfant subvient lui-même à ses besoins ou que sa situation le permet. La fréquentation dun établissement denseignement postsecondaire justifie souvent le versement dune pension alimentaire à un enfant qui a dépassé lâge de la majorité, à condition que les parents en aient les moyens et que, sils nétaient pas séparés, ils aient vraisemblablement approuvé ses études. Pour avoir droit à une pension alimentaire, il nest pas nécessaire dêtre lenfant biologique des deux conjoints ou de lun des deux. Le paragraphe 2(2) de la Loi stipule que lexpression « enfant à charge » comprend lenfant pour lequel les deux époux tiennent lieu de père et de mère ou pour lequel lun des époux est le père ou la mère et lautre en tient lieu. Entre autres considérations servant à déterminer si tel est le cas, il y a le degré daide financière apportée à lenfant par cette personne; lintention de cette personne dagir comme le père ou la mère de lenfant au sens affectif, pratique et juridique; et la durée de la période pendant laquelle cette personne a joué ce rôle auprès de lenfant. Dans certains cas seulement, les obligations relatives du père ou de la mère biologique, du beau-père ou de la belle-mère ou de la personne qui a manifesté son intention de jouer ce rôle sont appréciées relativement à un même enfant et, selon lensemble des facteurs considérés, lobligation alimentaire des parents naturels peut être jugée plus importante. Jusquen 1997, les facteurs dont le tribunal devait tenir compte en rendant une ordonnance alimentaire au profit dun enfant étaient énumérés au paragraphe 15(5) de la Loi sur le divorce, tandis que les objectifs se trouvaient au paragraphe 15(8). Des critères comparables étaient prévus à larticle 17 relativement à lordonnance modificative dune pension alimentaire pour un enfant. Les objectifs, y compris la reconnaissance et la répartition de lobligation financière commune des époux, constituaient une codification du célèbre arrêt Paras c. Paras rendu par la Cour dappel de lOntario, qui établissait une formule pour calculer la pension alimentaire après avoir réparti entre les parents les dépenses liées à lenfant, en fonction de leurs moyens financiers respectifs. Pour fixer le montant des aliments à verser, le tribunal tentait de sassurer que tous les frais raisonnablement engagés pour élever un enfant étaient assumés proportionnellement par chacun des parents et que la séparation et le divorce des parents changeraient le moins possible le niveau de vie de lenfant. Le calcul du montant des aliments reposait en partie sur la détermination des moyens financiers de celui des parents qui devrait les verser (le « débiteur »). Cétait une démarche qui consistait à apprécier les faits en se basant sur les renseignements financiers que cette personne soumettait au tribunal. Cependant, le tribunal pouvait imputer un revenu à un conjoint qui lavait réduit artificiellement, par exemple en quittant son emploi ou en refusant deffectuer des heures supplémentaires. Il fallait encore déterminer combien élever un enfant pouvait coûter. On le faisait à partir des preuves produites par le conjoint qui avait la garde sur les coûts réels et prévus associés à chacun des enfants, entre autres, les frais de garderie et les frais relatifs à lalimentation, aux vêtements, au logement, aux activités parascolaires comme les diverses leçons, les frais médicaux et dentaires, et même les colonies de vacances et les articles de sport. Le projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi daide à lexécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada,a été adopté au printemps de 1997 et est entré en vigueur le ler mai 1997. Ce projet de loi a supprimé le critère préalable appliqué pour le calcul du montant des pensions alimentaires pour enfants, décrit ci-dessus, qui avait été largement critiqué, du fait quil donnait lieu à des montants insuffisants, incompatibles et arbitraires. Le principe à lorigine de ce critère, soit la répartition conjointe des frais engagés pour élever un enfant, reste dans la Loi, puisquil a été réinséré au paragraphe 26.1(2) par le Comité sénatorial des affaires sociales lors de son étude du projet de loi. Cependant, les tribunaux sont maintenant tenus dadjuger les pensions alimentaires pour enfants conformément aux tableaux établis dans les lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, qui sont promulguées comme règlements pris en vertu de larticle 26.1 de la Loi, à moins que les époux ne résident dans une province dont les lignes directrices ont été déclarées applicables. Les lignes directrices comprennent non seulement les tableaux fixant le montant des pensions alimentaires payables pour chaque enfant (en fonction du revenu de lépoux débiteur), mais elles établissent aussi une série de dispositions régissant dautres aspects de la détermination, comme le calcul du revenu du débiteur, les circonstances dans lesquelles les montants peuvent être augmentés ou diminués par rapport aux montants des tableaux, et le critère à appliquer à la suite dun divorce dans les cas de garde partagée (c.-à-d. lorsque lépoux débiteur a la garde physique de lenfant pendant au moins 40 p. 100 du temps). La plupart des provinces et des territoires soit la Saskatchewan, lOntario, lÎle-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve, la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon ont adopté ou légèrement modifié les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants et les utilisent dans les affaires de droit familial à léchelon provincial. Le Québec a adopté ses propres lignes directrices en mai 1997. Le gouvernement fédéral a reconnu les lignes directrices du Manitoba, de lÎle-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick, ainsi que du Québec de sorte que celles-ci sappliqueront dans les affaires réglées aux termes de la Loi sur le Divorce et des lois de compétence provinciale. LAlberta ne sest pas encore donné de lignes directrices, ayant décidé quelle examinerait ses choix au bout dune période de surveillance de lapplication des lignes directrices fédérales. La province a adopté une loi habilitante, mais ne la pas édictée. Le ministère de la Justice de lAlberta fournit à la population des renseignements concernant les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, par lentremise de bureaux dinformation publique situés dans les palais de justice dEdmonton et de Calgary. Dans la plupart des cas, lorsque les lignes directrices adoptées par les provinces diffèrent du modèle fédéral, il sagit de variantes mineures, destinées à harmoniser les lignes directrices fédérales et la législation et la procédure de la province. Par exemple, la Loi sur le droit de la famille en Ontario a été modifiée pour permettre ladoption de lignes directrices où le terme « parent » remplace le terme « conjoint », étant donné que la Loi sapplique tant à des parents mariés que non mariés. Ailleurs, on note des différences plus importantes, comme à Terre-Neuve où les deux parents sont obligés de fournir des informations financières, ou en Nouvelle-Écosse, où il nest pas question de service provincial en matière de pensions alimentaires, étant donné que la province nen a pas. Il existe des différences plus grandes dans le cas des provinces dont les lignes directrices ont été reconnues, notamment au Manitoba, à lÎle-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick. b. Les ordonnances alimentaires au profit de l'époux La question de la pension alimentaire pour le conjoint est lun des aspects du droit en matière de divorce qui est des plus complexes et qui évolue rapidement. La Loi sur le divorce a rompu le lien qui existait autrefois entre la conduite des époux et le droit à une pension. Le paragraphe 15.2(6) énonce les objectifs que doivent viser les ordonnances alimentaires pour les conjoints, à savoir prendre en compte les avantages ou inconvénients économiques, répartir les conséquences économiques, remédier à toute difficulté économique et favoriser lindépendance économique. Depuis ladoption de la Loi en 1985, ces objectifs ont été maintes fois interprétés par les tribunaux. Des nombreux développements clés survenus dans lapplication des dispositions de la Loi sur le divorce relatives aux aliments pour les conjoints, lun des principaux a été sans conteste la trilogie darrêts en la matière rendue par la Cour suprême du Canada en 1987, à savoir les arrêts Pelech, Caron et Richardson. Ces trois affaires concernent des ex-épouses démunies qui demandaient une pension alimentaire malgré lexistence de conventions de séparation niant leur droit aux aliments ou y mettant un terme. On a généralement considéré que la trilogie avait établi le principe de la « rupture nette » applicable aux aliments pour le conjoint et le critère du lien de causalité. Le premier veut quil soit préférable pour les conjoints de rompre nettement lun avec lautre en réglant chacun leurs propres affaires de façon définitive; le second veut quil existe un lien de cause à effet démontrable entre la dépendance économique du conjoint et le mariage pour quon puisse faire accepter une demande dannulation de la convention de séparation. Lapplication du raisonnement exposé dans la trilogie, en particulier dans les affaires concernant les ordonnances alimentaires initiales pour le conjoint, a abouti à des jugements extrêmement durs. On a exagéré limportance de lindépendance économique comme objectif des ordonnances, prévu au paragraphe 15.2(6), parce que lon avait un point de vue irréaliste de la condition des femmes dans la société canadienne. Alors que la Loi part du principe que lhomme et la femme devraient être en mesure autant lun que lautre de subvenir à leurs besoins matériels, en réalité, le salaire des femmes a toujours été et continue dêtre inférieur à celui des hommes. De plus, en décidant de délaisser le marché du travail pour élever leurs enfants, les femmes accentuent leur désavantage économique. Le critère de lindépendance économique a été graduellement affaibli par les tribunaux de tout le Canada jusquà ce quil soit finalement aboli par la Cour suprême du Canada dans larrêt Moge c. Moge. La Cour a rejeté le modèle de lindépendance économique pour les ordonnances alimentaires au profit du conjoint et elle la remplacé par une série de considérations générales, fondées sur un partage équitable des conséquences économiques, que les tribunaux devaient appliquer aux causes futures. Les objectifs énoncés au paragraphe 15.2(6) reflètent lintention du législateur de reconnaître la valeur économique de la contribution tant de lépoux qui subvient aux besoins de la famille que de celui qui soccupe des enfants et de léconomie domestique. Dans larrêt Moge, le juge LHeureux-Dubé étaye sa conclusion que le nombre disproportionnellement élevé de femmes pauvres au Canada est imputable en partie au divorce et à ses effets économiques, en citant des statistiques tirées dune publication du ministère de la Justice du Canada intitulée Évaluation de la Loi sur le divorce : Étape II. Lindépendance économique nest plus lobjectif le plus souvent considéré par les juges pour déterminer le droit dun conjoint à une ordonnance alimentaire, comme cétait le cas avant larrêt Moge. Depuis lors, le professeur Carol Rogerson a constaté que lon reconnaît davantage le concept des aliments compensatoires et que la pension alimentaire constitue de nouveau une obligation juridique sérieuse. À lheure actuelle, très peu de pensions alimentaires dune durée limitée sont accordées par les tribunaux; à moins que le mariage nait été de courte durée, la pension est presque toujours dune durée indéterminée et sujette à révision. Mais vu la gamme des considérations couvertes par les objectifs énoncés dans la Loi et la variété infinie des situations dans lesquelles se trouvent les couples en instance de divorce au Canada, il nest pas étonnant que les décisions au sujet des ordonnances alimentaires pour les conjoints soient imprévisibles et pas du tout constantes. Le plus difficile pour un avocat en droit de la famille, cest de suggérer à ses clients le montant quils ont avantage à offrir ou à accepter comme pension alimentaire. Vers la fin de 1999, dans larrêt Bracklow, la Cour suprême du Canada a confirmé que larrêt Moge demeure la décision de référence en matière de pensions alimentaires. Les tribunaux doivent suivre la méthode établie dans cet arrêt, en conciliant les facteurs énoncés au paragraphe 15.2(4) et les objectifs établis au paragraphe 15.2(6) et en prenant en compte les facteurs spécifiques à chaque cas de manière à compenser équitablement les désavantages de léchec du mariage. La décision confirme lexistence de trois fondements conceptuels du droit à la pension alimentaire : compensatoire, contractuel et non compensatoire. Selon la nature du lien matrimonial des parties, un conjoint pourrait avoir droit à une pension pour lun ou plusieurs de ces motifs. Une fois que ce droit est établi, le montant de la pension alimentaire est déterminé à partir dune évaluation discrétionnaire de divers facteurs, dont la durée de la relation, les besoins et la capacité de payer. Depuis les arrêts Moge et Hickey de la Cour suprême du Canada en 1997, les spécialistes du droit ont noté quil demeure difficile de prévoir le montant des pensions alimentaires et les délais applicables. Ce sont les juges qui décident, en fonction de divers facteurs. La seule règle générale semble être que tout conjoint incapable de maintenir son niveau de vie habituel après léchec du mariage sera considéré comme ayant droit à une certaine pension alimentaire, pour une certaine période(1). c. Les ordonnances de garde et d'accès La garde des enfants est une vaste notion qui recouvre les droits et obligations se rapportant aux enfants à charge. Au moment du divorce, les droits et obligations liés à la garde, que les parents assument également quand ils sont mariés, sont habituellement partagés; ainsi, lun des parents a la garde et fournit à lenfant son lieu de résidence principal, tandis que lautre obtient un droit daccès, de visite ou dinformation concernant lenfant. Cest la partie du droit du divorce qui est souvent la plus pénible, parce que ce sont des sujets qui soulèvent les passions et parce que toute décision a des conséquences graves étant donné quelle peut donner limpression darracher un enfant à celui de ses parents qui en perd la garde au profit de lex-époux. Par contre, il est relativement rare que les questions de garde et daccès soient litigieuses. La plupart des couples sont capables de décider seuls la manière dont ils vont assumer leurs obligations de garde envers leurs enfants. Lorsque les parents sont incapables de sentendre seuls sur les questions de garde et daccès, cest le tribunal qui tranche. Le paragraphe 16(8) de la Loi sur le divorce oblige le tribunal à tenir compte de lintérêt de lenfant à charge. Le critère de « lintérêt » est celui généralement appliqué dans ces décisions rendues dans toutes les régions du pays, que ce soit en vertu des lois provinciales ou de la loi fédérale. Certains lont critiqué le trouvant trop ambigu, mais il se défend puisque cest le seul qui soit assez souple pour permettre aux tribunaux den arriver à la décision qui convient le mieux dans les circonstances particulières à chaque enfant. Ce critère oblige à tenir compte de toutes les considérations pertinentes à lintérêt de lenfant; parmi les plus importantes, il y a les rapports de lenfant avec chacun des deux parents, le bien-être moral et affectif de lenfant, les voeux de lenfant si celui-ci est assez vieux pour les exprimer, le désir de garder les frères et soeurs ensemble, et la volonté des deux parents de faciliter laccès du conjoint à lenfant. La recherche du statu quo, cest-à-dire faire en sorte que la vie de lenfant soit perturbée le moins possible, est souvent le facteur déterminant, surtout pour les ordonnances de garde et daccès provisoires. Dans certaines provinces, le législateur a énuméré expressément dans les lois pertinentes les critères que le tribunal doit prendre en considération pour déterminer quel est lintérêt de lenfant. Cest une méthode efficace pour codifier tout en les avalisant certains aspects du droit de la famille qui nétaient pas réglementés auparavant, notamment les avantages de maintenir les communications entre les enfants et leurs grands-parents. La règle du principal fournisseur de soins est un critère utile pour déterminer quel arrangement servira le mieux lintérêt de lenfant et cest celui quutilisent de nombreux juges et les avocats qui assistent leurs clients dans les négociations sur la garde. Elle est basée sur lhypothèse quil est dans lintérêt de lenfant de rester avec celui de ses parents qui sest surtout occupé de lui pendant tout le mariage. Dans de nombreuses familles, un seul des parents (généralement la mère) sest chargé des enfants pendant toute leur vie. On est donc fondé de conserver cette personne dans son rôle de principal fournisseur de soins afin de réduire le plus possible les bouleversements que subiront les enfants, surtout, les plus jeunes, après la séparation de leurs parents. Le paragraphe 16(9) de la Loi sur le divorce interdit expressément au tribunal de tenir compte de la conduite antérieure des parents quand il rend son ordonnance de garde ou daccès, sauf si cette conduite est liée à laptitude de la personne à agir comme père ou comme mère de lenfant. Cette disposition a pour but dempêcher le juge de prendre en considération les témoignages entendus au sujet des fautes maritales lorsquil décide des affaires de garde et daccès. Son importance est maintenant discutable étant donné que, de nos jours, la plupart des divorces sont demandés sans égard à la faute. La disposition a déjà eu pour effet dexclure certains types de renseignements sur le passé de la famille de lexamen des questions de garde et daccès. Par exemple, quelques-uns ont soutenu que la violence dun conjoint envers lautre ne signifie pas une inaptitude à agir à titre de père ou de mère et que, en conséquence, seule la violence manifestée à lendroit dun enfant est pertinente. Cependant, on prétend (et démontre) de plus en plus que tout acte de violence familiale ou toute autre forme dabus ou de mauvais traitements dont lenfant serait témoin a une incidence sur son bien-être et devrait donc être jugé pertinent pour létablissement des aptitudes parentales. Quoique utilisés couramment, les termes garde et accès sont fréquemment mal compris. La garde dun enfant comprend le pouvoir de prendre des décisions concernant la scolarité de lenfant, ses soins médicaux, son instruction religieuse et dautres aspects importants de sa vie. Traditionnellement, le pouvoir décisionnel allait de pair avec les soins quotidiens des enfants, leur éducation et laménagement du « foyer » de lenfant. Le père ou la mère qui na pas la garde obtient généralement un droit daccès à lenfant, qui inclut à la fois des privilèges de visite et le droit dobtenir certains renseignements concernant les décisions prises par lex-époux qui a la garde. On observe aujourdhui un large éventail de droits et dobligations de garde et daccès différents, depuis la solution traditionnelle de la garde confiée à un seul des conjoints (habituellement la mère), lautre parent (généralement le père) ayant accès aux enfants les mercredis soirs et une fin de semaine sur deux, jusquà la formule de la garde partagée également entre le père et la mère, lenfant passant une semaine ou un mois chez lun et la semaine ou le mois suivant chez lautre et les parents ayant toujours un pouvoir décisionnel conjoint. Les ordonnances de garde partagée sont rarement imposées par les tribunaux sans le consentement des époux. On croit généralement que si les parents ne sont même pas capables de discuter ensemble amicalement et constructivement pour organiser eux-mêmes la garde des enfants, la garde partagée ne servira pas lintérêt de lenfant parce quelle implique des contacts soutenus et fréquents entre les parents qui doivent régler toutes les questions qui se posent régulièrement au sujet de léducation de lenfant. Ils doivent pouvoir communiquer fréquemment lun avec lautre et partager lautorité parentale pour choisir les écoles, la religion, les soins médicaux et prendre toutes les autres décisions qui surgiront. En général, les tribunaux ont estimé quil ne fallait pas imposer une telle formule à des parents récalcitrants. La garde partagée a aussi dimportantes répercussions sur la mobilité des parents dans lavenir; ainsi, dans un certain nombre de causes, un ex-époux ayant la garde partagée na pas été autorisé à déménager à lextérieur de la province dans laquelle les deux parents résidaient après leur séparation ou leur divorce. Garde partagée ne signifie pas automatiquement que lenfant passe autant de temps chez son père que chez sa mère, bien que ce soit souvent lobjectif qui motive un parent à demander cette formule. Quand le tribunal rend une ordonnance de garde partagée, les parents ont tous deux le même pouvoir de décision au sujet de lenfant et tous les détails concernant le lieu de résidence de lenfant sont prévus. Cest ainsi que les modalités peuvent ressembler à celles dune ordonnance traditionnelle de garde et daccès sil est convenu que lenfant habitera avec lun de ses parents et passera une fin de semaine sur deux chez lautre. De nombreuses familles trouvent que les enfants sont plus à laise sils vivent presque tout le temps chez lun de leurs parents, surtout durant lannée scolaire, et quils rendent fréquemment visite à lautre. À certains stades de son développement, lenfant peut être perturbé sil est obligé de faire la navette entre les deux maisons. Les parents peuvent faciliter ces déplacements en sinstallant dans le même quartier pour que les enfants restent toujours proches de leur école et de leurs amis. Lorsquun des ex-époux obtient la garde de lenfant, lautre hérite généralement dun droit daccès. La décision est prise là encore en fonction de lintérêt de lenfant. Les clauses régissant laccès prévoient habituellement le calendrier annuel des visites, en précisant comment les fêtes, les anniversaires et les vacances dété seront réparties entre les parents. Lorsque la coopération entre les parents est excellente, la décision peut mentionner simplement un droit daccès « généreux » ou « raisonnable ». Ce type dordonnance est malheureusement plus difficile à faire exécuter en cas de différend. Un calendrier des visites simpose donc lorsque les parents cessent de coopérer. Même lorsque le tribunal a prévu un calendrier précis dans son ordonnance, les parents doivent se montrer plus souples lorsque les enfants grandissent, afin de se plier à leurs désirs et à leurs activités parascolaires. Lordonnance peut prévoir, sil y a lieu, certaines restrictions à laccès, par exemple interdire au conjoint de quitter la province ou le territoire avec lenfant ou exiger que les visites se fassent en présence dune tierce personne ou quil sabstienne de consommer de lalcool ou de la drogue. La Cour suprême du Canada a rendu, en 1994, deux jugements sur les droits des conjoints qui nont pas la garde : larrêt Young c. Young et son pendant québécois Droit de la famille 1150 D.P. c. C.S. Ces arrêts portaient tous deux sur le droit dun père ayant accès à ses enfants de les faire participer à certaines activités et discussions religieuses. Même sils nont pas eu la même issue, ils ont plusieurs points communs. Les droits daccès sont décidés suivant le critère de lintérêt de lenfant, les juges sentendant pour dire quil repose sur les faits et quil focalise sur lenfant. Les intérêts ou les désirs du conjoint qui a la garde ne sont pas pertinents, sauf sils coïncident avec lintérêt de lenfant. Lune des grandes priorités en droit de la famille, cest de faciliter lexercice du droit daccès, comme le donne à penser la règle des « parents sympathiques » de la Loi sur le divorce. On présume quentretenir des liens étroits avec les deux parents est un excellent moyen datténuer leffet négatif du divorce sur les enfants; cest pourquoi il est rare que le droit daccès soit catégoriquement refusé. Les publications en sciences sociales montrent que lenfant qui continue davoir avec ses deux parents un contact sans friction ni disputes se remet plus rapidement du divorce et échappe aux répercussions néfastes sur son développement. Les demandes de garde ou daccès peuvent être présentées par des personnes autres que le père ou la mère de lenfant, à condition quelles aient obtenu lautorisation du tribunal. Cette autorisation est habituellement accordée, sauf si la demande du tiers est frivole ou vexatoire. De toute façon, même après avoir reçu lautorisation voulue, le tiers nobtiendra la garde ou un droit daccès que si cest dans lintérêt de lenfant. Normalement, une telle ordonnance sera rendue lorsquun proche parent a joué un rôle particulièrement important dans la vie de lenfant, par exemple un grand-parent dont le contact étroit et régulier avec lenfant serait interrompu au détriment de ce dernier par le divorce des parents. 2. Exécution des ordonnances relatives aux aliments, à la garde et à l'accès Même si lexécution est surtout de compétence provinciale (en vertu du pouvoir législatif des provinces en matière de « propriété et droits civils »), plusieurs lois fédérales forment une composante importante du système dexécution des ordonnances relatives aux aliments et à la garde. Par le passé, lexécution dune obligation alimentaire, comme nimporte quelle autre obligation résultant dune ordonnance judiciaire civile, incombait à chaque créancier bénéficiaire de lordonnance; celui-ci avait plusieurs recours à sa disposition pour faire respecter les ordonnances et conventions en droit de la famille, par exemple convoquer le débiteur à un interrogatoire du débiteur-saisi, demander la saisie-arrêt du salaire du débiteur ou dautres sommes qui sont dues à ce dernier, saisir ses biens, enregistrer des brefs de saisie au nom du débiteur ou sur ses biens immobiliers, ou le faire condamner pour outrage. Depuis le milieu des années 80, la plupart des provinces canadiennes ont mis sur pied des organismes administrés par lÉtat, qui sont chargés de faire exécuter les obligations alimentaires; les créanciers nont rien à débourser. Pendant de nombreuses années, le taux élevé dinexécution des ordonnances et ententes alimentaires a été inacceptable et a eu de terribles conséquences économiques tant pour les enfants qui étaient censés en bénéficier que pour le conjoint qui avait la garde (la mère le plus souvent). Nombre de ces mères ont dû faire appel à lassistance sociale pour subvenir à leurs besoins, à telle enseigne que lexécution des obligations alimentaires ne pouvait plus être considérée comme une affaire strictement privée. Selon les régimes provinciaux, les ordonnances judiciaires étaient automatiquement signifiées à une agence centrale qui percevait les pensions alimentaires et les faisait parvenir aux créanciers. Les systèmes variaient énormément dune province à lautre et le degré defficacité de chacun navait pas encore clairement démontré. Le gouvernement de lOntario, lune des provinces les plus empressées à faire exécuter les ordonnances alimentaires, est en train de comprimer les services administratifs qui soccupent dappliquer la loi provinciale pertinente et il a fermé tous les bureaux du régime des obligations alimentaires envers la famille, à lexception de celui de Toronto. Daprès les créanciers, il en résulte une exécution moins efficace, et déjà on a signalé de sérieux retards dans lacheminement des pensions alimentaires, ce qui remet lefficacité du système dapplication de lOntario en question. Les lois fédérales visant lexécution des ordonnances familiales ont été conçues pour appuyer et faciliter les efforts des organismes provinciaux compétents. La Loi daide à lexécution des ordonnances et des ententes familiales (L.R.C. (1985), (2e suppl.) ch. 4) confère aux organismes provinciaux laccès aux sources fédérales de renseignements, y compris les banques de données de Revenu Canada, afin de les aider à retracer les ex-époux qui ne respectent pas les ordonnances ou ententes relatives aux aliments, à la garde ou à laccès. Elle permet aussi, pour lexécution des ordonnances ou ententes qui ne le sont pas, la saisie-arrêt des «sommes saisissables» qui, depuis 1988, sentendent, selon la définition figurant dans le règlement dapplication de la Loi, des remboursements dimpôt, des prestations dassurance-chômage, des prestations de sécurité de la vieillesse et des allocations de formation, des crédits pour TPS et des prestations du Régime de pensions du Canada. Le projet de loi C-41 ajoute un nouveau régime de refus dautorisation qui permet de rejeter certaines demandes dautorisations fédérales dans les cas de personnes qui ne remplissent pas leurs obligations alimentaires familiales. Le mot « autorisation » englobe dans sa définition les passeports, ainsi quun certain nombre de licences ou de certificats professionnels énumérés dans une annexe au projet de loi, comme les certificats de la marine marchande et les licences de contrôleur de la circulation aérienne et de pilote. La Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions (L.R.C. (1985), ch. G-2) autorise la saisie-arrêt du traitement des fonctionnaires fédéraux et des prestations de retraite fédérales en vue de lexécution des obligations alimentaires. Depuis 1968, le Parlement a étudié un certain nombre de projets de modification de la Loi sur le divorce, outre les deux versions de la Loi adoptées en 1968 et en 1985, ainsi que diverses modifications apportées à un moment ou lautre. Daprès le professeur Julien Payne auquel on attribue communément la rédaction de la Loi de 1985, les principaux objectifs dune bonne loi sur le divorce sont les suivants :
Depuis quelques années, les législateurs et les décideurs de tout le Canada ont accordé une attention particulière aux répercussions économiques du divorce et de la séparation sur les enfants. Le Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille a exploré à fond la façon daméliorer le sort économique de ces enfants. Cest ainsi que les provinces se sont efforcées de créer de nouveaux mécanismes coûteux pour lexécution des pensions alimentaires et dadopter des lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants. Dautres observateurs se sont concentrés sur la réforme possible de limposition des pensions alimentaires pour enfants, ce qui a entraîné lannulation du système dinclusion/de déduction relatif à limposition des paiements de pensions alimentaires pour enfants à compter du 1er mai 1997. Pendant plusieurs années, une action revendicatrice avait été menée au nom des bénéficiaires de pensions alimentaires qui sélevaient contre le traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants, sous prétexte quil diminuait injustement le montant dargent dont disposaient les parents pour les enfants dont ils avaient la garde. Les députées fédérales Dawn Black et Beryl Gaffney ont présenté à la Chambre des communes une série de motions sur la question, qui ont abouti à ladoption, le 30 mai 1994, de la motion de Mme Gaffney demandant labolition de lobligation dinclure la pension alimentaire pour enfants dans le revenu du conjoint qui a la garde, aux fins de limpôt. Plusieurs dispositions de la Loi de limpôt sur le revenu qui imposaient cette façon de faire ont été contestées devant la Cour suprême du Canada, qui a confirmé leur validité dans son arrêt Thibaudeau c. R. en 1995. Ces dispositions ont été toutefois abrogées par des modifications à la Loi de limpôt sur le revenu qui sont entrées en vigueur le 1er mai 1997. Les pensions alimentaires versées en application daccords de séparation ou dordonnances rendues ou modifiées à cette date ou après celle-ci sont sans aucune incidence fiscale; le bénéficiaire ne déclare pas les sommes reçues comme revenu et le débiteur nobtient pas de déduction fiscale. On sest concentré aussi sur les problèmes de garde et daccès, lesquels ont fait lobjet de la controverse la plus évidente lors de létude du projet de loi C-41 par les comités de la Chambre des communes et du Sénat. En mars 1993, le ministère de la Justice du Canada a publié un document de travail sur le sujet en demandant aux intéressés de se prononcer sur plusieurs mesures dont la modification était envisagée. En 1994 et 1995, le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes a étudié un projet de loi dinitiative parlementaire (C-232) présenté par la députée réformiste Daphne Jennings, traitant du droit des grands-parents de présenter des demandes de garde et daccès en vertu de la Loi. Le Comité a même entendu des témoignages sur le sujet, mais il a néanmoins rejeté le projet de loi à deux reprises. Cependant, ses délibérations ont suscité un vif intérêt tant chez les parlementaires que chez les défenseurs des droits des grands-parents. Dans la foulée de létude du projet de loi C-41 par le Comité sénatorial des affaires sociales, le ministre de la Justice et le leader du gouvernement au Sénat ont accepté la création dun comité parlementaire mixte chargé dexaminer les questions relatives à la garde et au droit de visite à légard des enfants. Ce comité devrait être créé au cours de la trente-sixième législature. En novembre 1997, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, de sciences et de la technologie a reçu du Sénat une ordre de renvoi lui demandant dentreprendre une étude pour surveiller la mise en oeuvre du projet de loi C-41 et des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants. En juin 1998, le Comité a publié un rapport intérimaire dans lequel il fait une série de recommandations concernant les consultations, la modification des lignes directrices, les « dépenses spéciales ou extraordinaires » (également appelées « ajouts »), laide à fournir aux jeunes qui poursuivent des études postsecondaires, la garde partagée, les difficultés excessives, les mécanismes dexécution, le droit de visite et les dépenses des parents qui ne vivent pas avec leurs enfants. Le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants a été établi en novembre 1997. Au début de 1998, il a commencé ses audiences sur les arrangements parentaux après le divorce. Son mandat est le suivant :
Le Comité mixte spécial a déposé son rapport, Pour lamour des enfants, en décembre 1998. Fruit dune série de 39 audiences publiques tenues dans toutes les provinces sur une période dun an, le rapport renferme 48 recommandations couvrant de nombreux aspects du domaine sensible du droit et des usages en matière de garde et de visite des enfants. Après avoir entendu plus de 500 témoins, les membres du Comité ont acquis la conviction que les problèmes soulevés appelaient, entre autres, une réforme de la loi. Les recommandations du Comité couvrent des questions juridiques dordre international, fédéral et provincial, ainsi que des enjeux comme le financement, la politique sociale et léducation. Pour ce qui est de la Loi sur le divorce, le Comité recommande que les termes « garde » et « accès » soient remplacés par une nouvelle notion appelée « partage des responsabilités parentales ». Il précise que cette notion na pas pour but de créer une présomption en faveur de la garde conjointe, mais plutôt de valoriser le rôle des deux parents dans la vie des enfants, indépendamment de la formule de garde qui sera décidée. Le Comité recommande également que les décisions relatives aux ententes parentales après la séparation devraient être prises « dans lintérêt supérieur de lenfant » et que la Loi sur le divorce devrait être modifiée de manière à comprendre une liste de critères légaux qui serviraient à déterminer quel est cet intérêt supérieur. Par son rapport, le Comité a porté à la connaissance du gouvernement les préoccupations soulevées au cours des audiences à propos des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour les enfants. Bien que le Comité nait pas été chargé détudier ces questions et quil nait pas sollicité de mémoires dans ce sens, ses membres ont jugé que les vues dautant de témoins devaient être portées à lattention du ministre. La réponse du gouvernement au rapport Pour lamour des enfants, intitulée Stratégie de réforme, a été rendue publique en mai 1999. Le document parle de lobligation légale du ministère de la Justice de déposer au Parlement au plus tard le 1er mai 2002 les constatations dun examen complet de la législation et de lapplication des Lignes directrices sur les pensions alimentaires ainsi que de la détermination des pensions sous leur régime. Le ministère se propose dintégrer une réforme des questions de garde et de visite à cet examen. Des recherches complémentaires seront menées conjointement avec les provinces et comporteront des consultations publiques sur des propositions spécifiques de réforme au cours de 2001. Comme la garde et la visite sont des questions sensibles sur lesquelles le débat est polarisé, il nest pas étonnant que les réactions à la stratégie du gouvernement aient été contradictoires. Ceux qui sont en faveur de la garde conjointe se félicitent que le document appuie le principe voulant que les deux parents aient les mêmes responsabilités légales en ce qui concerne lorientation, les soins et le soutien financier de chacun de leurs enfants. Dautres affirment que le Comité et le ministère de la Justice refusent de se prononcer en faveur dune formule particulière de garde. De nombreux commentateurs sopposent au délai de consultation que le document du gouvernement juge nécessaire avant quune réforme législative puisse être mise en place. A. Récents changements législatifs Les plus récentes propositions du gouvernement visant à modifier la Loi sur le divorce sont celles annoncées dans le budget fédéral de mars 1996. Elles ont donné lieu aux modifications de 1997 de la Loi sur le divorce, de la Loi de limpôt sur le revenu et de plusieurs autres mesures législatives sattachant à lexécution des ordonnances. Nous en traitons ci-après. Le projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi daide à lexécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada, a franchi létape de la première lecture le 30 mai 1996. Il a reçu la sanction royale le 19 février 1997 et est entré en vigueur le 1er mai 1997. Il a mis en oeuvre le nouveau système de pensions alimentaires pour enfants annoncé dans le budget fédéral de mars 1996. Il a apporté plusieurs modifications aux lois fédérales visant les aliments et les questions connexes, y compris la Loi sur le divorce, afin de rendre les pensions alimentaires, établies en vertu de la législation fédérale, plus adéquates et plus faciles à exécuter. Les deux autres éléments sur les quatre que comprend la nouvelle stratégie ont été mis en oeuvre au moyen des lois budgétaires modifiant la Loi de limpôt sur le revenu, également en vigueur depuis le 1er mai 1997. Ces modifications ont permis à la fois dinverser le mode dimposition des pensions alimentaires et de doubler le supplément au revenu gagné inclus dans la prestation fiscale fédérale pour les enfants. Grâce à ladoption du projet de loi C-41, la Loi sur le divorce a été modifiée de façon à encadrer lutilisation des lignes directrices qui serviraient à fixer le montant des pensions alimentaires pour enfants. Ces lignes directrices, qui remplaceront le pouvoir discrétionnaire des juges, ont été établies par règlement. Le second volet du système de pensions alimentaires annoncé en mars 1996, soit diverses mesures dexécution, a aussi été concrétisé par le projet de loi. La Loi daide à lexécution des ordonnances et des ententes familiales a été modifiée pour que Revenu Canada (maintenant appelé lAgence des douanes et du revenu du Canada) soit ajouté à la liste des ministères fédéraux dont les banques de données peuvent être consultées dans le but de retracer ceux qui ne versent pas la pension alimentaire pour les enfants ou pour le conjoint, et que soit mis sur pied un nouveau système fédéral qui permettrait de refuser certaines autorisations aux débiteurs qui, de façon répétée, omettent de payer la pension alimentaire. Le projet de loi a aussi permis de régler les arriérés en saisissant la pension de retraite des fonctionnaires fédéraux et le salaire des marins. Ladoption de ces lignes directrices a pour objectif sous-jacent den arriver à des pensions alimentaires plus justes et plus uniformes. Le mécanisme proposé a déjà été implanté dans tous les États-Unis, mais les résultats sont assez mitigés jusquà présent. On espère également que le divorce sera moins traumatisant pour les familles et quil coûtera moins cher en frais et dépens tant aux parties quà lÉtat, si la pension alimentaire pour enfants na plus à être négociée au moment de la séparation. En effet, le coût des services daide juridique et de ladministration des tribunaux devrait être moindre. Au Canada, depuis le dépôt du budget en mars 1996, les avocats et les défenseurs de ceux qui reçoivent une pension alimentaire et de ceux qui la payent ont fait valoir des points de vue divergents sur le modèle adopté. Les avocats en droit de la famille ne sont pas satisfaits des montants prévus dans les lignes directrices, la plupart en étant arrivé à la conclusion que leur application produira des résultats inéquitables surtout chez ceux dont les revenus sont les plus faibles ou les plus élevés. Depuis une dizaine dannées, la sensibilisation de la magistrature aux dépenses nécessaires pour élever des enfants avait amorcé une tendance à la hausse des pensions accordées dans bien des causes. Certains craignent que ce bénéfice disparaisse si les juges perdent leur pouvoir discrétionnaire. Au cours des audiences sur le projet de loi C-41, le Comité permanent de la justice de la Chambre des communes et le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie ont entendu un certain nombre de témoins manifester leur mécontentement à propos de lordre des priorités du gouvernement. Selon eux, il naurait pas fallu régler la question des pensions alimentaires pour enfants avant de tenter dexaminer les réformes législatives dans les domaines importants de la garde et du droit de visite à légard des enfants. Les membres du Comité sénatorial en particulier nont pas apprécié la rapidité avec laquelle le projet de loi a été étudié et adopté et ils prétendent quils nont pas eu le loisir dexaminer les questions relatives à la garde et au droit de visite soulevées par les témoins. Les sénateurs ont été également vivement intéressés par lincidence des termes employés en matière de divorce sur les parents en instance de divorce et sur leurs enfants. Selon certains témoins, les expressions « garde » et « parent qui na pas obtenu la garde » ont un impact indésirable qui aliène et rabaisse les familles, surtout le parent qui ne fournit pas à lenfant sa résidence principale après le divorce, soit le père, le plus souvent. Les membres du Comité sénatorial ont demandé que lon poursuive lexamen des questions qui, selon eux, ont été oubliées dans la conception du projet de loi C-41; ils ont également demandé que le gouvernement sengage à poursuivre lexamen des questions soulevées par les témoins. Laccord conclu entre le ministre de la Justice et le leader du gouvernement au Sénat à propos de la création dun comité parlementaire mixte chargé dexaminer les questions de garde et de droit de visite à légard des enfants a été lun des facteurs de lentente préalable à ladoption du projet de loi par le Comité sénatorial. Les sénateurs ont également indiqué quils craignaient que les lignes directrices, règlements pris sous le régime de la Loi sur le divorce, ne soient pas assujetties à la même forme dexamen parlementaire que celle prévue pour lélaboration des lois. En réponse à cette inquiétude, il a été convenu quà lavenir, le Comité sénatorial participerait de façon permanente à lexamen des lignes directrices. Il est question de ces deux comités ci-dessus, la partie « Mesures parlementaires ». B. Autres domaines de réforme possibles Des observateurs et des avocats en droit de la famille ont souligné certaines autres dimensions du droit en matière de divorce qui auraient besoin dêtre modifiées. Par exemple, depuis au moins une dizaine dannées, un débat fait rage dans toute lAmérique du Nord sur lopportunité dincorporer dans la loi la présomption que la garde partagée sert lintérêt des enfants, ou lobligation pour tous les couples en instance de divorce de participer à au moins une séance de médiation avant dêtre autorisés à se présenter devant le juge. Ces deux suggestions ont été suivies dans plusieurs États américains, mais elles continuent davoir dimportants détracteurs. Le recours à la médiation est maintenant obligatoire dans toutes les affaires de droit familial au Québec. Dautres questions, soulevées devant les tribunaux canadiens, ont étendu le champ dapplication des lois actuelles et nous amènent à nous demander sil ny aurait pas lieu den traiter expressément dans la législation du divorce ou dans les lois provinciales pertinentes. Il y a, entre autres, les droits et obligations relatifs aux pensions alimentaires, à la garde et à laccès chez les couples homosexuels, la liberté de circulation et détablissement des conjoints divorcés ou séparés, la façon de prévenir les enlèvements denfants ou dintervenir plus efficacement après coup, et les obligations économiques relatives des ex-conjoints et de lÉtat en cas de maladie ou dinvalidité. Deux innovations américaines, implantées à divers degrés au Canada, sont destinées à rendre la procédure en droit de la famille plus sensible aux besoins des enfants dont les parents divorcent. La première, léducation en matière de divorce, a pour but de renseigner les parents au sujet des effets du divorce sur les enfants et de les outiller afin quils soient mieux en mesure de protéger leurs enfants contre ces effets. Les programmes de préparation au divorce relèvent des tribunaux dans bon nombre dÉtats américains et dans certaines provinces canadiennes où ils font partie intégrante de la procédure de divorce. Leur contenu et leur forme varient énormément et ils nobtiennent pas toujours les résultats escomptés, mais les recherches indiquent quils peuvent aider les parents à éviter certains des comportements les plus néfastes pendant la période qui suit la séparation. La seconde innovation, cest le plan parental qui est élaboré par les parents eux-mêmes au moyen de la négociation ou de la médiation et qui est maintenant devenu une composante essentielle du règlement du divorce dans certains États. Certaines de ces possibilités - notamment la médiation, linformation sur le divorce et les plans parentaux - ont été examinées par le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite, et il en fait état dans son rapport. On trouve également dans le rapport des faits nouveaux sur des questions comme le droit de circulation des parents qui divorcent et lenlèvement denfants. Depuis 1997, le Fonds dexécution et de mise en uvre des pensions alimentaires pour enfants, qui sélève à 63,6 millions de dollars, a permis aux provinces et aux territoires de mettre à lépreuve et dappliquer diverses mesures destinées à améliorer lefficacité du régime du droit de la famille, notamment des programmes dinformation, léducation parentale, la médiation et les nouvelles règles de procédure. En Alberta, lune des premières administrations canadiennes à appliquer léducation parentale, un programme sur le rôle des parents après la séparation (Parenting After Separation Program) est mis en oeuvre dans tous les districts judiciaires. Il a pour but de renseigner les personnes concernées sur les réactions des enfants à la séparation de leurs parents, sur les répercussions juridiques, émotionnelles et financières de la séparation et sur le recours à la médiation pour résoudre les conflits. Le programme traite aussi des options en matière de garde et de droits de visite, de lélaboration de plans déducation des enfants et des méthodes pour améliorer les relations parents-enfant après la séparation. 1968 - La première Loi sur le divorce est adoptée; elle introduit le concept de rupture définitive du mariage comme motif de divorce. 1976 - Dans son Rapport, la Commission de réforme du droit sur le droit de la famille recommande que léchec du mariage soit le seul et unique motif de divorce. 1985 - La Loi de 1985 sur le divorce est adoptée; elle ramène à un an la période de séparation requise pour établir « léchec du mariage », la cause du divorce. 1990 - Le ministère de la Justice publie Évaluation de la Loi sur le divorce : Étape II, Contrôle et évaluation, dans lequel il conclut que le motif de divorce sans notion de faute, adopté en 1985, a contribué à faire en sorte que les actions en divorce portent moins à la confrontation. 1993 - Le ministère de la Justice publie Garde et accès : Document de travail public. 1994 - La Cour suprême du Canada rend son jugement dans laffaire Young c. Young concernant les droits des parents qui nont pas la garde. - La Chambre des communes adopte la motion dinitiative parlementaire présentée par la députée libérale Beryl Gaffney, appuyant labrogation de lobligation dajouter la pension alimentaire pour les enfants au revenu du parent qui a la garde. 1995 - Publication du Rapport et des recommandations du Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille concernant les pensions alimentaires pour enfants, notamment des lignes directrices sur le sujet. - Le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes étudie et rejette le projet de loi C-232 dinitiative parlementaire présenté par la députée réformiste Daphne Jennings, qui aurait modifié la Loi sur le divorce afin de faciliter les demandes de garde et daccès de la part des grands-parents. 1996 - Dans le cadre du budget fédéral, un nouveau système de pensions alimentaires pour enfants est annoncé, y compris des lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, la modification des modalités dimposition de la pension alimentaire, de nouvelles mesures dexécution et une hausse du supplément au revenu gagné inclus dans la prestation fiscale fédérale pour les enfants. 1997 - Le projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi daide à lexécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada reçoit la sanction royale le 19 février 1997 et entre en vigueur le 1er mai 1997. 1998 - Pour lamour des enfants, le rapport du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite, est déposé en décembre. 1999 - Stratégie de réforme, la réponse du gouvernement au rapport du Comité mixte spécial, est rendue publique en mai. Arbuthnot, Jack et Donald Gordon. « Divorce Education for Parents and Children ». Conférence présentée au Programme national du droit de la famille. Ottawa, juillet 1996. Douglas, Kristen. Projet de loi C-41 : Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi daide à lexécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada. Résumé législatif, LS-258F. Ottawa, Service de recherche, Bibliothèque du Parlement, 10 juillet 1996. Gouvernement du Canada. Budget 1996 : Le nouveau système de pensions alimentaires pour enfants. Ottawa, 1996. Hovius, Berend. Family Law: Cases, Notes & Materials. Quatrième édition. Toronto, Carswell, 1996. MacDonald, James et Ann Wilton. The Annotated Divorce Act. Toronto, Carswell, 1991-1998. McLoed, J.G. et A.A. Mamo. Annual Review of Family Law. Toronto, Carswell, 1999. Ministère de la Justice. Évaluation de la Loi sur le divorce : Étape II. Ottawa, mai 1990. Payne, Julien. Payne on Divorce. Quatrièmeédition. Toronto, Carswell, 1996. Rogerson, Carol. « Spousal Support After Moge ». (1996-97), 14 C.F.L.Q. 281. Bracklow c. Bracklow, [1999] 1 R.C.S. 420. Caron c. Caron, [1987] 1 R.C.S. 892; (1987), 7 R.F.L. (3d) 274 (C.S.C.). Droit de la famille 1150; D.P. c. C.S. [1993] 4 R.C.S. 141; (1994), 49 R.F.L. (3d) 317 (C.S.C.). Hickey c. Hickey, [1997] 46 R.F.L (4th) 1 (C.S.C). Moge c. Moge, [1992] 3 R.C.S. 813, 43 R.F.L. (3d) 345. Paras c. Paras, [1971] 1 O.R. 130 (C.A.). Pelech c. Pelech [1987] 1 R.C.S. 801; (1987), 7 R.F.L. (3d) 225 (C.S.C.). Richardson c. Richardson [1987] 1 R.C.S. 857; (1987), 7 R.F.L. (3d) 304 (C.S.C.). Young c. Young [1993] 4 R.C.S. 3; (1994) 49 R.F.L. (3d) 117 (C.S.C). * La version originale du présent bulletin d'actualité a été publiée en octobre 1996. Le document a été sans cesse mis à jour depuis. (1) J.G. McLeod et A.A. Mamo, Annual Review of Family Law 1999,Carswell, Toronto, 1999, p. 201. |