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PROJET DE LOI C-15 : LOI MODIFIANT LA LOI DU
HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-15
TABLE DES MATIÈRES A. Contexte PROJET DE LOI C-15 : LOI MODIFIANT
LA LOI DU TRAITÉ Le 22 novembre 1999, le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales, a été déposé à la Chambre des communes par le ministre des Affaires étrangères, lhonorable Lloyd Axworthy. Le projet de loi vise à clarifier la Loi actuelle et à rendre plus efficace la mise en uvre du Traité relatif aux eaux limitrophes et aux questions originant le long de la frontière entre le Canada et les États-Unis de 1909 (communément appelé le Traité des eaux limitrophes internationales) : a) en interdisant le captage et le transfert deaux limitrophes hors de leur bassin hydrographique; b) en assujettissant à lobtention dune licence auprès du ministre des Affaires étrangères les activités qui ont pour effet de modifier le débit ou le niveau naturels des eaux du côté américain de la frontière; et c) en prévoyant des sanctions et peines précises en cas dinfraction. Linterdiction de capter des eaux limitrophes sappliquerait principalement aux Grands Lacs, mais toucherait également dautres eaux limitrophes, notamment une partie du Saint-Laurent, la rivière Ste-Croix, la partie amont du fleuve St-Jean et le lac des Bois. Lors du dépôt du projet de loi à la Chambre, M. Axworthy a déclaré :
Les modifications à la Loi du traité des eaux limitrophes internationales proposées dans le projet de loi C-15 sinscrivent dans une grande stratégie à trois volets annoncée par le gouvernement fédéral le 10 février 1999 en vue dinterdire les prélèvements à grande échelle, y compris à des fins dexportation, de tous les bassins hydrographiques canadiens. La gestion des ressources hydriques relève avant tout des provinces; toutefois, le Traité des eaux limitrophes accorde au gouvernement fédéral une nette compétence sur les eaux limitrophes dans les limites établies dans le traité. Conformément à larticle 132 de la Loi constitutionnelle de 1867, seul le gouvernement fédéral a le pouvoir de donner suite aux obligations prévues au traité concernant les eaux limitrophes. En plus de proposer des modifications à la Loi du traité des eaux limitrophes internationales et dinterdire ainsi le captage à grande échelle des eaux limitrophes canadiennes, y compris celles des Grands Lacs, la stratégie fédérale prévoyait également un renvoi binational pour demander à la Commission mixte internationale (CMI) détudier les effets de la consommation, de la dérivation et du prélèvement deau provenant des plans deau limitrophes, notamment à des fins dexportation, avec insistance initiale sur les Grands Lacs. Dans son Rapport intérimaire sur la protection des Grands Lacs, publié en août 1999, la CMI appuie en général une approche environnementale. Le rapport définitif devrait être présenté aux gouvernements au plus tard en février 2000. Dans son rapport intérimaire, la Commission en arrive notamment aux conclusions suivantes :
La CMI a également recommandé que le gouvernement fasse preuve de prudence et elle a demandé ladoption dun moratoire sur tout prélèvement deau en vrac dici à la présentation de son rapport définitif. Le troisième volet de la stratégie fédérale visait à proposer, de concert avec les provinces et les territoires, la conclusion dune entente pancanadienne interdisant le prélèvement deau en vrac dans les bassins hydrographiques du Canada. En vertu de lentente, chaque instance gouvernementale (fédérale, provinciale et territoriale) sengagerait à agir par la voie dune loi, dun règlement ou dune politique. Dans le cas des instances ayant déjà mis des mesures en place, laccord servirait à confirmer lengagement pris. Entre temps, le gouvernement fédéral a prié les provinces et les territoires dimposer un moratoire interdisant les prélèvements en vrac deau des bassins hydrographiques, y compris à des fins dexportation, jusquà ce que laccord soit en place. Le gouvernement fédéral cherche actuellement à obtenir laccord des territoires et des provinces; un tel accord complèterait les modifications proposées dans le projet de loi C-15 à la Loi du traité des eaux limitrophes internationales, en étendant la protection à toutes les eaux canadiennes. Lors du dépôt du projet de loi à la Chambre, le ministre de lEnvironnement, lhonorable David Anderson, a déclaré notamment :
Le Traité des eaux limitrophes (« le Traité »), signé par la Grande-Bretagne (au nom du Canada) et les États-Unis en 1909, établissait les principes et les procédures de la prévention et du règlement des différends, particulièrement en ce qui touche à la quantité et à la qualité des eaux limitrophes, entre le Canada et les États-Unis. La Commission mixte internationale (CMI) a également été créée aux termes du traité pour faciliter la mise en uvre des ses dispositions. Par le traité, le Canada et les États-Unis sengagent mutuellement à protéger le niveau ou le débit naturel des eaux partagées par les deux pays. Sauf quelques exceptions, larticle III du traité affirme quaucun usage, obstruction ou dérivation des eaux limitrophes modifiant leur niveau ou leur débit naturels du côté opposé de la frontière ne se fait sauf avec lautorisation du gouvernement du pays concerné et lapprobation de la Commission mixte internationale. Conformément à larticle IV du traité, les pays conviennent que, sauf dans les cas prévus dans une entente spéciale entre eux, ou avec lapprobation de la CMI, ils ne permettront pas, de leur côté respectif de la frontière, la construction ou lentretien de tout ouvrage de réfection ou de protection, ou de tout barrage ou autre obstacle, dans des eaux provenant deaux limitrophes ou dans des eaux dont le niveau à la frontière est inférieur à celui de cours deau transfrontaliers, ce qui pourrait entraîner une hausse du niveau naturel des eaux de lautre côté de la frontière. Le Parlement a adopté la Loi du traité des eaux limitrophes internationales en 1911 pour mettre en uvre le Traité. La Loi reconnaît la compétence du gouvernement fédéral sur les eaux limitrophes, tels que les Grands Lacs, pour que le Canada respecte son obligation en vertu du Traité de ne pas modifier unilatéralement le niveau et le débit des eaux du côté américain de la frontière. Le projet de loi contient deux articles. Larticle 1 modifierait la Loi par adjonction des nouveaux articles 10 à 26, alors que larticle 2 a trait à lentrée en vigueur du projet de loi. Le nouvel article 10 définirait certains termes aux fins des articles 11 à 26 proposés de la Loi. « Eaux limitrophes » sentendrait au sens du traité :
Elles comprennent ainsi le lac des Bois, les Grands Lacs, la partie du Saint-Laurent comprise entre lexutoire du lac Ontario et Cornwall (Ontario)-Massena (New York), la partie amont de la rivière St-Jean (Québec-Nouveau-Brunswick) et la rivière Ste-Croix (Nouveau-Brunswick). Une rivière qui constitue la frontière ou qui sécoule le long de celle-ci sans la franchir est une eau limitrophe (p. ex., une section du Saint-Laurent). « Licence » sentendrait dune licence délivrée en vertu de larticle 16. « Ministre » désignerait le ministre des Affaires étrangères et « bassin hydrographique » sentendrait au sens des règlements. Les modifications proposées à la Loi du traité des eaux limitrophes internationales dans le projet de loi C-15 officialiseraient une démarche de 90 ans selon laquelle le gouvernement fédéral (et la CMI, de son propre chef) a, aux termes du Traité des eaux limitrophes, examiné et approuvé ou rejeté officieusement certains projets relatifs aux eaux limitrophes ou transfrontalières, qui auraient pour effet de modifier le niveau ou le débit naturel des eaux du côté américain de la frontière. Ces projets ont toujours nécessité lapprobation du gouvernement fédéral. Ce dernier a respecté à sa façon ses obligations internationales en vertu du Traité. Toutefois, devant les pressions croissantes qui sexercent sur les ressources en eau douce, le gouvernement fédéral est maintenant davis quil faut renforcer les mesures de protection et officialiser les conditions des licences. Par conséquent, le projet de loi C-15 propose que ces projets soient assujettis à lobtention dune licence auprès du ministre des Affaires étrangères (nouvel article 16). Nul ne pourrait, sauf en conformité avec une licence, utiliser, obstruer ou dériver des eaux limitrophes dune manière qui modifie ou est susceptible de modifier, de quelque façon que ce soit, le débit ou le niveau naturels de ces eaux de lautre côté de la frontière internationale (paragraphe 11(1) proposé). Ce paragraphe ne sappliquerait toutefois pas lorsque les eaux sont utilisées normalement à des fins domestiques ou sanitaires (conformément à larticle III du traité) ni dans les cas dexceptions prévues par règlement (paragraphe 11(2) proposé). Le régime dattribution des licences ne sappliquerait pas aux utilisations traditionnelles, tels les prélèvements à des fins agricoles et industrielles à lintérieur du bassin. Cette disposition permettrait de mettre plus efficacement en uvre larticle III du Traité des eaux limitrophes. De même, nul ne pourrait, sauf en conformité avec une licence délivrée en vertu de larticle 16 proposé, établir ou maintenir dans les eaux qui sortent des eaux limitrophes ou dans des eaux en aval de la frontière internationale des rivières transfrontalières, des ouvrages de protection ou de réfection, ou des barrages ou autres obstacles faisant obstruction de nature à exhausser le niveau naturel des eaux de lautre côté de la frontière (paragraphe 12(1) proposé). Ce paragraphe ne sappliquerait pas dans les cas dexceptions prévues par règlement (paragraphe 12(2) proposé). Cette disposition ne sappliquerait ni aux prélèvements deau ni aux eaux limitrophes. Elle permettrait de mettre plus efficacement en uvre le premier paragraphe de larticle IV du traité. D. Prohibition des prélèvements deaux limitrophes De lavis du gouvernement, il faut interdire définitivement les prélèvements deaux limitrophes en grandes quantités pour protéger lintégrité écologique de ces bassins partagés. Le projet de loi prévoit donc que, malgré larticle 11 proposé, nul ne pourrait prélever les eaux limitrophes dun bassin hydrographique (paragraphe 13(1) proposé). Pour lapplication de ce paragraphe et du traité, le captage et le transfert deaux limitrophes à lextérieur de leurs bassins hydrographiques sont réputés, étant donné leffet cumulatif de ce type dactivité sur les eaux limitrophes, modifier le débit ou le niveau naturels de ces eaux de lautre côté de la frontière internationale (paragraphe 13(2) proposé). Ce paragraphe ne sappliquerait pas dans les cas dexceptions prévues par règlement (paragraphe 13(3) proposé) par exemple, les prélèvements deau de ballast, deau nécessaire à des fins humanitaires à court terme et deau utilisée dans la production daliments ou de boissons. Selon des documents dinformation du gouvernement, la prohibition susmentionnée permettrait de reconnaître que le prélèvement à grande échelle deau hors dun bassin hydrographique doit être géré autrement que le prélèvement deau utilisée à lintérieur du bassin. Le prélèvement à grande échelle entraîne une perte permanente deau du bassin. Compte tenu du fait que les écosystèmes et les collectivités à lintérieur du bassin dépendent de cet approvisionnement en eau, le prélèvement en grandes quantités est considéré comme une utilisation non écologique de la ressource. Le gouvernement maintient quinterdire le prélèvement à grande échelle deaux limitrophes va aussi dans le sens de ses obligations commerciales internationales telles que définies dans la Déclaration commune des gouvernements du Canada, du Mexique et des États-Unis de 1993. À lépoque, les trois pays ont déclaré que, dans son état naturel, leau nest ni un bien ni un produit et nest assujettie à aucun accord commercial, y compris lALENA. Les articles 11 à 13 proposés sur le régime dattribution des licences et la prohibition lieraient Sa Majesté du chef du Canada ou dune province (article 14 proposé). Les articles 11 à 13 proposés ne sappliqueraient pas aux utilisations, dérivations ou obstructions antérieures à la date de leur entrée en vigueur respective, sauf en cas de modifications importantes de celles-ci après cette date (article 15 proposé). F. Pouvoirs du ministre des Affaires étrangères Sous réserve de règlements, le ministre pourrait, sur demande, délivrer, renouveler ou modifier une licence pour les activités visées par la Loi et lassortir des conditions quil estime indiquées (article 16 proposé). Il est à prévoir que le régime dattribution des licences serait conforme au présent système officieux des demandes dapprobation des projets touchant les eaux limitrophes. La licence ne serait pas transférable sans le consentement du ministre (article 17 proposé). Sil a des motifs raisonnables de croire que le titulaire dune licence a contrevenu à la Loi ou aux conditions de la licence, le ministre pourrait suspendre ou révoquer celle-ci après, dune part, lui avoir donné un avis écrit motivant la prise de cette mesure et, dautre part, lui avoir accordé la possibilité de lui présenter ses observations (paragraphe 18(1) proposé). Il pourrait en outre suspendre ou révoquer la licence sur demande du titulaire ou avec son consentement (paragraphe 18(2) proposé). Dans les cas où une personne contrevient aux paragraphes 11(1), 12(1) ou 13(1) proposés, le ministre pourrait lui enjoindre : a) denlever les ouvrages ou obstacles qui font lobjet de la contravention ou de les modifier; b) darrêter les travaux de construction ou autres ou lutilisation ou la dérivation qui font lobjet de la contravention (paragraphe 19(1) proposé). Si la personne nobtempère pas, il pourrait soit modifier ou enlever, soit confisquer au profit de Sa Majesté du chef du Canada, toute chose visée à lalinéa 1a) ou ayant servi aux activités visées à lalinéa 1b) (paragraphe 19(2) proposé). Les choses confisquées pourraient être enlevées ou détruites ou il pourrait en être autrement disposé conformément aux instructions du ministre (paragraphe 19(3) proposé). Les frais occasionnés par toute modification ou tout enlèvement au titre du paragraphe 19(2) proposé ou par lenlèvement, la destruction ou laliénation au titre du paragraphe 19(3) proposé, ainsi que tous frais connexes, déduction faite du produit éventuel de toute aliénation, constitueraient des créances de Sa Majesté du chef du Canada dont le recouvrement pourrait être poursuivi à ce titre contre la personne visée au paragraphe 19(1) devant toute juridiction compétente (paragraphe 19(4) proposé). Aux termes de larticle 20 proposé, le ministre pourrait, avec lagrément du gouverneur en conseil, conclure avec une ou plusieurs provinces un accord ou une entente portant sur les activités visées aux articles 11 à 13 proposés. La disposition permettrait donc de conclure avec les provinces des ententes de collaboration visant à réduire les doubles emplois et les frais associés à lexamen des projets dans le cadre du régime dattribution des licences et des prohibitions. Les modifications proposées à la Loi du traité des eaux limitrophes internationales dans le projet de loi C-15 permettraient la prise de règlements, ce que ne prévoit pas la Loi actuelle. Conformément au paragraphe 21(1) proposé, le gouverneur en conseil (le cabinet), sur recommandation du ministre, pourrait par règlement préciser ce qui constitue une utilisation ou un usage, une obstruction, un ouvrage ou une dérivation pour lapplication de la loi; définir, pour lapplication de la Loi, « bassin hydrographique » et les termes non définis des articles 11 à 26; établir les catégories de licences; préciser la procédure applicable à la présentation des demandes de licences; régir la forme des licences; fixer les droits à acquitter pour les licences; préciser la période de validité de la licence; régir le renouvellement et la modification des licences; préciser les usages, utilisations, obstructions, ouvrages ou dérivations pour lesquels une licence ne pourrait être délivrée; et prendre toute autre mesure nécessaire pour lapplication de la Loi. Quiconque contreviendrait aux paragraphes 11(1), 12(1) ou 13(1) commettrait une infraction et encourrait, sur déclaration de culpabilité : a) par mise en accusation, une amende maximale dun million de dollars et un emprisonnement maximal de trois ans, ou lune de ces peines; b) par procédure sommaire, une amende maximale de 300 000 $ et un emprisonnement maximal de six mois, ou lune de ces deux peines (article 22(1) proposé). Il serait compté une infraction distincte pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue toute contravention à ces paragraphes (paragraphe 22(2) proposé). Le tribunal saisi dune poursuite pour contravention aux paragraphes 11(1), 121) ou 13(1) pourrait, sil est convaincu que le contrevenant a tiré des avantages financiers de la perpétration de celle-ci, lui infliger, en plus de lamende maximale qui peut être infligée en vertu de larticle 22 proposé, une amende supplémentaire dun montant quil juge égal à ces avantages (article 23 proposé). En cas de perpétration par une personne morale dune infraction à la Loi, ceux de ses dirigeants, administrateurs ou mandataires qui lont ordonnée ou autorisée ou qui y ont consenti ou participé, seraient considérés comme des co-auteurs de linfraction et encourraient, sur déclaration de culpabilité, la peine prévue, que la personne morale ait été ou non poursuivie (article 24 proposé). Dans les poursuites pour infraction à la Loi, il suffirait, pour établir la responsabilité pénale de laccusé, détablir que linfraction a été commise par son employé ou son mandataire, que celui-ci ait été ou non identifié ou poursuivi. Laccusé pourrait se disculper en prouvant quil avait pris les mesures nécessaires pour empêcher linfraction (article 25 proposé). Si, sur demande présentée par un ministre, il conclut à lexistence, à limminence ou à la probabilité dun fait constituant une infraction à la loi, ou tendant à sa perpétration, le tribunal compétent pourrait, par ordonnance, enjoindre à la personne nommée dans la demande : a) de sabstenir de tout acte susceptible de constituer linfraction; b) daccomplir tout acte susceptible, selon lui, dempêcher la perpétration de linfraction (paragraphe 26(1) proposé). Toutefois, linjonction serait subordonnée à la signification dun préavis dau moins 48 heures aux parties nommées dans la demande, sauf lorsque cela serait contraire à lintérêt public en raison de lurgence de la situation (paragraphe 26(2) proposé). Aux termes de larticle 2 du projet de loi, larticle 1 (articles 10 à 26 proposés de la Loi du traité des eaux limitrophes internationales), ou telle des dispositions édictées par cet article, entreraient en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret. Le 23 novembre 1999, le lendemain du dépôt du projet de loi C-15 à la Chambre des communes, M. Bill Blaikie, député, a attiré lattention du gouvernement sur la motion suivante, qui avait été adoptée par la Chambre le 9 février 1999 :
Notant que le projet de loi ne reflétait pas exactement sa motion, M. Blaikie a demandé au gouvernement pourquoi il abandonnait maintenant « son engagement à légard dun moratoire national sur les exportations de grandes quantités deau [ ] quil a appuyé il y a quelques mois à peine [ ] Pourquoi les Libéraux ne veulent-ils absolument pas reconnaître que, à cause de lALENA, ils sont incapables dadopter les mesures quils avaient dit vouloir prendre? » Le ministre des Affaires étrangères, lhonorable Lloyd Axworthy, a répondu en partie :
Le gouvernement a abordé précisément cette question dans son document dinformation sur le projet de loi C-15. Il a déclaré publiquement quil est daccord que des mesures doivent être prises pour protéger lintégrité de ressources en eau du Canada, mais quil estime que cet objectif sera mieux atteint dans le cadre de sa stratégie visant à interdire le captage et le transfert de grandes quantités deau de tous les grands bassins hydrographiques du Canada. De lavis du gouvernement, cette interdiction vaudrait mieux que dinterdire les exportations « parce quil sagit dune mesure plus complète, respectueuse de lenvironnement, et conforme au partage des compétences défini par la Constitution et aux obligations du Canada en matière de commerce international. [ ] Leau est protégée dans son bassin hydrographique avant que la question de son exportation ne se pose ». De lavis du gouvernement, il sagit dune mesure de protection de lenvironnement dapplication générale visant à préserver lintégrité des écosystèmes. Elle protégerait leau à sa source en prévenant son transfert en grandes quantités à lextérieur du bassin par toute partie, canadienne ou étrangère. Comme il a déjà été mentionné, chaque niveau de gouvernement aurait la responsabilité, aux termes de laccord pancanadien que le gouvernement fédéral cherche à obtenir de toutes les provinces et territoires, de prendre les mesures qui simposent pour interdire le prélèvement de grandes quantités deau relevant de sa compétence. Leau serait ainsi réglementée dans son état naturel, avant dêtre considérée comme une marchandise ou un produit commercialisable. Le gouvernement fédéral maintient que cela ne contrevient pas aux obligations commerciales du Canada et à la déclaration de 1993 des trois pays de lALENA :
À largument voulant quil impose une interdiction légale immédiate à toute exportation deau canadienne, le gouvernement fédéral répond que cette solution apparemment simple et commode « ne met pas laccent sur la dimension environnementale, comporte déventuelles limitations pour des motifs constitutionnels et peut être contestée sur le plan commercial ». Le gouvernement maintient quune interdiction de lexportation « viserait leau une fois quelle est devenue un bien et est, de fait, assujettie aux accords commerciaux internationaux. Comme ces accords limitent la capacité des gouvernements de contrôler les exportations de biens, interdire les exportations pourrait être contraire aux obligations commerciales internationales du Canada. Cette mesure diverge de manière marquée de lapproche retenue par le gouvernement fédéral ». Le gouvernement fédéral a fait remarquer que sa stratégie est, pour ce qui est des implications commerciales, conforme aux conclusions auxquelles est arrivée la Commission mixte internationale (CMI) dans son rapport provisoire sur la protection de leau des Grands Lacs (août 1999). La CMI a affirmé que « il semblerait peu vraisemblable que leau dans son état naturel (p. ex., dans les lacs, cours deau ou aquifères) soit visée par un de ces accords commerciaux car ce nest pas un produit ou un bien [ ] ». De plus, le gouvernement souligne que, lors dune audience publique de la CMI à Ottawa le 13 octobre, deux experts en droit commercial indépendants se sont dits daccord avec le point de vue du gouvernement fédéral pour toutes les grandes questions de politique commerciale. Dans un essai intitulé « Ottawas Leaky Water Policy », paru dans le Globe and Mail du 18 novembre 1999, Maude Barlow, présidente nationale du Conseil des Canadiens(2), faisait remarquer que les ministres de lEnvironnement fédéral et provinciaux se rencontreraient bientôt à Kananaskis, en Alberta, pour discuter dun projet daccord pancanadien du gouvernement fédéral sur le prélèvement de grandes quantités deau dans les bassins hydrographiques du Canada. Elle a exhorté les provinces à ne pas signer ce document si elles ont à cur de protéger les eaux canadiennes contre leur exportation commerciale. Elle a notamment déclaré :
Mme Barlow prétend que certaines dispositions importantes de lALENA menacent les eaux canadiennes. Elle soutient que si une seule province révoquait son interdiction et entreprenait dexporter de leau, les interdictions des autres provinces feraient lobjet de contestations de la part des compagnies désireuses dacheter de leau canadienne. Selon elle, le gouvernement fédéral doit imposer une interdiction générale exécutoire sur les exportations deau à grande échelle et chercher à soustraire leau de tout accord commercial pernicieux [comme lALENA et le GATT] qui aurait pour effet de privatiser et de commercialiser nos précieuses ressources en eau, et de les vendre sur le marché mondial libre au meilleur offrant. Le gouvernement fédéral est davis contraire. Il soutient que rien dans les obligations commerciales internationales du Canada nexige que les projets futurs de prélèvement de grandes quantités deau à des fins dexportation soient approuvés au seul motif que des projets antérieurs de ce genre ont été approuvés. Notant que les gouvernements canadiens, fédéral et provinciaux, conservent leur pleine souveraineté sur leau au Canada, le gouvernement déclare que « le principal argument est que leau dans son état naturel nest pas une marchandise et quelle nest donc pas visée par les dispositions des accords commerciaux ». Il maintient que « selon les obligations du Canada en matière de commerce international, le fait que certains projets aient été approuvés ne signifie nullement que des projets futurs de prélèvement deau en vrac pour lexportation doivent lêtre aussi (par lui ou par un autre gouvernement au sein du Canada) ». Selon le gouvernement, tout précédent dû à lapprobation dun projet dexportation deau aurait une portée limitée à la province concernée et serait lié à la législation qui a permis le prélèvement deau pour exportation, non à des accords commerciaux. Le gouvernement fédéral maintient quune province pourrait même modifier sa loi afin dinterdire le prélèvement deau en grandes quantités à condition de le faire sans discrimination à légard de la nationalité dans la façon de traiter les demandes (provenant par exemple dinvestisseurs). Selon les communiqués de presse émis lors de la conférence du Conseil canadien des ministres de lEnvironnement tenue à Kananaskis, en Alberta, les 29 et 30 novembre 1999, tous les ministres étaient davis quon mette les eaux douces du Canada à labri de lexploitation commerciale. Même si plusieurs provinces, dont lAlberta et la Colombie-Britannique, avaient imposé auparavant des interdictions de prélever des quantités importantes deau dans les bassins hydrographiques de leur compétence, cinq provinces ont refusé dadhérer à laccord. La Colombie-Britannique, lAlberta et le Québec se sont opposées pour des motifs précis, alors que le Manitoba et la Saskatchewan ont demandé plus de temps pour létudier. Le ministre de lEnvironnement de la Colombie-Britannique a souligné que laccord ne prévoit pas une interdiction fédérale sur les exportations deau, un élément quelle juge nécessaire pour mettre leau à labri des sociétés ayant lintention de faire appel au droit commercial international pour obtenir des droits dexportation. Le ministre de lEnvironnement de lAlberta a dit ne pas aimer le préambule de laccord qui indique quil faut agir suivant le « principe de prudence ». Le Québec sest opposé pour des motifs constitutionnels, soutenant que laction du gouvernement fédéral visant à protéger les eaux limitrophes internationales nuisait au contrôle que la province entend exercer sur ses ressources. Le ministre fédéral de lEnvironnement, lhonorable David Anderson, a déclaré aux journalistes quil tentera de résoudre les questions provinciales à temps pour la rencontre des ministres sur le réexamen de laccord au printemps 2000. (1) Pour une analyse plus détaillée de certains des points abordés, consulter : David Johansen, Les exportations deau et lALENA, Bibliothèque du Parlement, PRB 99-5F, 8 mars 1999. (2) Le Conseil des Canadiens est un organisme de surveillance des citoyens, fondé en 1985, qui sest distingué par sa lutte contre le libre-échange. |