Les documents qui figurent sur ce site ont été rédigés par le personnel de la Direction de la recherche parlementaire; ils visent à tracer, à l'intention des parlementaires canadiens, dans un libellé simple et facile à saisir, le contexte dans lequel chaque projet de loi gouvernemental examiné a été élaboré et à fournir une analyse de celui-ci. Les résumés législatifs ne sont pas des documents gouvernementaux; ils n'ont donc aucun statut juridique officiel et ils ne constituent ni un conseil ni une opinion juridique. Prière de noter que la version du projet de loi décrite dans un résumé législatif est celle qui existait à la date indiquée au début du document. Pour avoir accès à la plus récente version publiée du projet de loi, veuillez vous rendre sur le site parlementaire Internet à l'adresse suivante www.parl.gc.ca.

LS-352F

 

PROJET DE LOI C-16 :
LOI SUR LA CITOYENNETÉ AU CANADA

 

Rédaction :
Margaret Young
Division du droit et du gouvernement
Le 11 février 2000
Révisé le 16 mai 2000


HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-16

CHAMBRE DES COMMUNES

SÉNAT

Étape du Projet de loi Date Étape du projet de loi Date
Première lecture : 25 novembre 1999 Première lecture : 31 mai 2000
Deuxième lecture : 23 mars 2000 Deuxième lecture :  
Rapport du comité : 14 avril 2000 Rapport du comité :  
Étape du rapport : 16 mai 2000 Étape du rapport :  
Troisième lecture : 30 mai 2000 Troisième lecture :  


Sanction royale :
Lois du Canada







N.B. Dans ce résumé législatif, tout changement d'importance depuis la dernière publicaiton est indiqué en caractères gras.

TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

DESCRIPTION

   A. Définition et interprétation (article 2)

   B. Droit à la citoyenneté (articles 3-12; article 14)
      1. Naissance en sol canadien
      2. Citoyenneté par attribution
      3. Citoyenneté par naturalisation
         a. Résidence
         b. Connaissance d’une des langues officielles et du Canada
      4. Enfants adoptés à l’étranger
      5. Attribution d’office du statut de résident permanent

   C. Perte de la citoyenneté (article 13-18)
      1. Citoyenneté par attribution
      2. Répudiation et révocation
      3. Arrêtés d’annulation

   D. Réintégration dans la citoyenneté (articles 19-20)

   E. Interdictions (articles 21-28)
      1. Refus de la citoyenneté au nom de l’intérêt public
      2. Refus de la citoyenneté au nom de la sécurité nationale (articles 23-27)
      3. Refus de la citoyenneté pour d’autres motifs (article 28)

   F. Mise en oeuvre (articles 29-38; article 44)
      1. Commissaires à la citoyenneté
      2. Certificats (articles 35-38)
      3. Infractions (articles 39-42)
      4. Règlement (article 43)
      5. Délégation des pouvoirs du Ministre (article 44)
      6. Divulgation (article 45)

   G. Différents statuts personnels au Canada (articles 47-54)

   H. Dispositions transitoires, modifications connexes et modification conditionnelle
        (articles 55-71); Abrogation et entrée en vigueur (articles 72 et 73)

   I. Serment de citoyenneté (annexe)

COMMENTAIRE

   A. Modification des exigences en matière de résidence

   B. Enfants adoptés à l’étranger

   C.  Procédure de révocation


PROJET DE LOI C-16 : LOI SUR LA CITOYENNETÉ AU CANADA

CONTEXTE

Le projet de loi C-16, Loi concernant la citoyenneté au Canada, a été adopté à l’étape de la première lecture à la Chambre des communes le 25 novembre 1999. Le projet de loi vise à moderniser les éléments dépassés de la Loi sur la citoyenneté, à renforcer et à clarifier certaines dispositions qui ont suscité des litiges, à remplacer les procédures actuelles par une nouvelle structure administrative et à prévoir de nouveaux pouvoirs permettant de refuser la citoyenneté. Il comporte également des mesures visant à souligner l’importance de la citoyenneté. La nouvelle loi abrogerait et remplacerait l’actuelle Loi sur la citoyenneté.

Ce projet de loi est très semblable au projet de loi C-63 présenté au cours de la première session de la 36e législature. Cette mesure avait alors été étudiée et amendée par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, et elle attendait de franchir l’étape du rapport lorsque la session a été prorogée. Le projet de loi est alors mort au Feuilleton. Les quelques différences de fond entre les deux projets de loi seront signalées dans le présent résumé.

Avant 1947 et avant l’adoption de la première Loi sur la citoyenneté canadienne, la citoyenneté canadienne n’existait pas, au plan juridique. Les citoyens de naissance et les citoyens naturalisés étaient des sujets britanniques. En 1977, l’actuelle Loi sur la citoyenneté est entrée en vigueur, apportant de vastes modifications au dispositif législatif. La citoyenneté est devenue plus facilement accessible, car la Loi, par exemple, ramenait de cinq à trois ans la période de résidence exigée et faisait disparaître le traitement spécial réservé aux ressortissants britanniques et les éléments de discrimination qui subsistaient entre hommes et femmes(1). La Loi de 1977 permettait également aux Canadiens de posséder une double citoyenneté : contrairement à ce qui se passait jusque-là, les Canadiens ne perdaient pas la citoyenneté canadienne en acquérant celle d’un autre pays. Des modifications mineures ont été apportées à la législation canadienne sur la citoyenneté au fil des ans, mais le projet de loi C-16 constitue la première révision en profondeur depuis 1977.

Les modifications ont beaucoup tardé. Au début de 1987, le gouvernement a annoncé son intention d’apporter des modifications à la Loi et publié un document de travail intitulé Notre fierté nationale, qui exposait un certain nombre de problèmes et de possibilités de changement et invitait le public à faire connaître son avis. Depuis lors, le Parlement n’a cependant donné aucune suite sérieuse à ce dossier.

Le gouvernement libéral qui a été élu en 1993 a annoncé son intention de revoir la loi en profondeur et sollicité l’avis du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration. Le rapport de comité qui a suivi, La citoyenneté canadienne : un sentiment d’appartenance, a été déposé à la Chambre des communes en juin 1994. Il soulevait un certain nombre de questions qui sont maintenant prises en considération dans le projet de loi C-16, ainsi que d’autres questions auxquelles celui-ci ne donne pas suite.

DESCRIPTION

Le projet de loi C-16 comporte de nombreuses dispositions qui sont identiques ou très semblables aux dispositions législatives actuelles. Dans la description proposée ici, nous mettrons donc l’accent sur les propositions qui diffèrent des dispositions de la loi en vigueur.

   A. Définition et interprétation (article 2)

Deux dispositions de cette partie du projet de loi ne sont pas sans intérêt. L’alinéa 2(2)b) porte sur les Indiens inscrits aux termes de Loi sur les Indiens, mais qui ne sont pas citoyens. Le projet de loi propose que les personnes qui décident de devenir citoyens (elles seront probablement peu nombreuses) soient réputées résidents permanents dès leur inscription, ce qui leur permet d’amorcer des démarches de naturalisation.

L’autre disposition qui mérite mention est l’alinéa 2(2)c), aux termes duquel il n’y a résidence au Canada que lorsque la personne y est effectivement présente et n’est pas sous le coup d’une ordonnance de probation ou de libération conditionnelle, ou détenue. Nous reviendrons plus longuement sur les conséquences de cette disposition un peu plus loin.

   B. Droit à la citoyenneté (articles 3–12; article 14)

      1. Naissance en sol canadien

Le projet de loi C-16 maintiendrait la règle actuelle voulant que les enfants nés au Canada soient des citoyens canadiens (alinéa 4(1)a)). Les seules exceptions (comme c’est maintenant le cas) visent les enfants de diplomates étrangers et de leurs employés (paragraphe 4(2)).

      2. Citoyenneté par attribution

À l’heure actuelle, toute personne née à l’étranger d’un parent canadien est automatiquement citoyen. Ce principe est souvent appelé « citoyenneté par attribution ». Les enfants de deuxième génération ou de générations ultérieures nés à l’étranger sont aussi citoyens automatiquement, mais ils perdent la citoyenneté à moins que, au plus tard à 28 ans, ils ne soient inscrits et aient soit vécu au Canada pendant un an immédiatement avant leur demande ou soit établi l’existence d’un lien solide avec le Canada. Le projet de loi limiterait la possibilité d’obtention automatique de la citoyenneté aux seuls enfants de deuxième génération nés à l’étranger et imposerait des exigences plus lourdes aux personnes qui souhaitent conserver la citoyenneté après l’âge de 28 ans (alinéa 4(1)b)). L’article 14 stipule qu’il faut demander à conserver la citoyenneté et avoir résidé au Canada pendant au moins 1 095 jours (trois ans) au cours des cinq années précédant la demande. Comme nous le verrons plus loin, la présence effective au Canada serait exigée pendant la période de trois ans. Il s’agit de la même exigence de résidence qui serait imposée à tous les résidents permanents qui souhaitent devenir citoyens.

De façon à éviter l’apatridie pour les enfants de troisième génération nés à l’étranger, l’article 11 permettrait d’accorder la citoyenneté, sur demande, à toute personne de moins de 28 ans qui n’a jamais acquis (ou n’a pas eu le droit d’acquérir) la citoyenneté de quelque pays que ce soit, mais a pour parent un citoyen canadien. Pour être admissible, cette personne devrait avoir passé au Canada au moins trois ans, dans les six années précédentes et ne pas avoir été reconnue coupable d’une infraction contre la sécurité nationale. La nature de ce type d’infraction n’est pas précisée, et on ne trouve cette catégorie précise d’infraction ni dans la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité ni dans le Code criminel.

      3. Citoyenneté par naturalisation

         a. Résidence

Le projet de loi C-16 apporterait un certain nombre de modifications aux exigences à satisfaire pour obtenir la citoyenneté autrement que par la naissance. L’une des plus importantes préciserait les exigences en matière de résidence. Le changement important porte sur la définition de la résidence comme présence effective au Canada (alinéa 2(2)c)). Les demandeurs seraient tenus d’accumuler trois ans (1 095 jours) de présence effective au cours des six ans précédant la présentation de leur demande. Ils pourraient continuer à faire compter la période passée légalement au Canada avant de devenir résident permanent, à condition d’avoir un statut légal. Aucune exception à l’exigence de résidence permanente serait faite pour les conjoints étrangers de citoyens canadiens travaillant à l’étranger dans les Forces armées canadiennes, la fonction publique fédérale ou la fonction publique d’une province, comme c’est le cas actuellement(2).

L’exigence objective de résidence proposée - une présence effective de trois ans en tout (1 095 jours) au cours de la période prescrite - dissiperait les incertitudes considérables que comporte la loi actuelle. Bien que la Loi exige actuellement trois ans de résidence, ce dernier terme n’est pas défini. C’est ainsi que des décisions judiciaires aux interprétations radicalement divergentes ont gravement compliqué l’application de la loi. L’année même qui a suivi l’entrée en vigueur, en 1977, de la Loi actuelle, la Cour fédérale a statué dans une cause que la présence effective au Canada n’était pas nécessaire pour satisfaire aux exigences(3). Ce qu’il fallait, selon le juge, c’était que le demandeur fasse état de liens importants avec le Canada tout au long de la période, qu’il y soit effectivement présent ou non. Pour établir la réalité de ces liens, on pouvait donner des indicateurs comme le maintien de la résidence (bien que ce ne soit pas essentiel), des comptes dans des banques canadiennes, des placements, l’appartenance à des clubs, des permis de conduire provinciaux, etc. Conséquence extrême, certains demandeurs ont obtenu la citoyenneté canadienne même si la période passée effectivement au Canada se résumait à quelques mois, voire quelques jours.

D’autres juges de la Cour fédérale ont cependant exprimé un vif désaccord sur cette approche et se sont refusés à excuser des absences prolongées. Une jurisprudence contradictoire s’est ainsi développée, ce qui a rendu l’application de la loi imprévisible et incertaine et, de l’avis de certains, compromis gravement l’exigence de résidence et donc la valeur du processus d’obtention de la citoyenneté canadienne. Dans son rapport de 1994, le Comité permanent recommandait que la définition législative de la résidence exige une présence effective importante.

         b. Connaissance d’une des langues officielles et du Canada

Le projet de loi C-16 maintiendrait l’obligation de montrer qu’on a une connaissance suffisante d’une des langues officielles (alinéa 6(1)c)). Les demandeurs seraient toujours tenus également de montrer qu’ils ont une connaissance suffisante du Canada ainsi que des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté canadienne (alinéa 6(1)d)) et pourraient avoir recours pour ce faire aux services d’un interprète. Au cas où l’exigence linguistique serait trop lourde pour certains (les personnes âgées ou confinées au foyer, peut-être), le ministre conserverait le pouvoir de passer outre pour des raisons d’ordre humanitaire. (À l’heure actuelle, les personnes de 60 ans et plus sont soustraites à ces deux obligations, et le ministre a fait savoir que la dispense serait maintenue.)

      4. Enfants adoptés à l’étranger

De nouvelles dispositions régiraient l’octroi de la citoyenneté aux enfants adoptés par des citoyens canadiens à l’étranger (article 8). Aux termes de la loi actuelle, les enfants adoptés à l’étranger doivent devenir des résidents permanents avant qu’on envisage de leur accorder la citoyenneté, ce qui a plusieurs conséquences. Tout d’abord, les enfants doivent se soumettre à l’examen médical exigé de quiconque demande à devenir résident permanent ou obtenir une permission spéciale à cet égard(4). (Ils doivent aussi se soumettre aux vérifications judiciaire et de sécurité exigées par la loi.) Deuxièmement, cela veut dire que des enfants adoptés par des parents canadiens qui habitent à l’étranger et souhaitent continuer à le faire ne peuvent devenir des résidents permanents et conséquemment, des citoyens canadiens.

Le projet de loi C-16 dispose qu’un mineur adopté à l’étranger en conformité des lois des pays de l’enfant et des parents deviendrait citoyen canadien sur demande. Trois autres dispositions seraient également appliquées : l’adoption devrait avoir été dans l’intérêt véritable de l’enfant, elle devrait avoir créé un véritable lien de filiation entre parents et enfants, et elle ne devrait pas avoir été faite pour éluder les obligations légales régissant l’admission au Canada ou la citoyenneté. Ces règles viseraient toutes les adoptions postérieures au 14 février 1977.

Durant les discussions en comité sur le projet de loi qui a précédé le projet de loi C-16 et par la suite dans la presse, des questions ont été soulevées au sujet de la portée et de la signification de cette disposition exigeant qu’une adoption soit dans l’intérêt véritable de l’enfant. Les fonctionnaires du Ministère ont expliqué qu’elle visait à dissiper les inquiétudes des provinces qui se préoccuperaient surtout des examens médicaux, uniquement aux fins d’informer les parents. Des fonctionnaires ont indiqué que l’ajout de ce critère permettrait de réglementer de manière plus générale et complète les processus d’adoption et d’attribution de la citoyenneté, et donnerait notamment le pouvoir d’exiger des examens médicaux et des évaluations du foyer d’accueil.

      5. Attribution d’office du statut de résident permanent

L’article 10 ajouterait une nouvelle disposition permettant au Ministre, « pour l’application de la présente loi » (c’est-à-dire pour accorder la citoyenneté), de déclarer résident permanent une personne qui a habité au Canada pendant au moins 10 ans. Cette disposition vise les cas où des personnes ont cru, à tort, être des citoyens canadiens. Elle accorderait explicitement le pouvoir de prendre les mesures actuellement prises en vertu du paragraphe 2(2) de la Loi.

   C. Perte de la citoyenneté (articles 13–18)

      1. Citoyenneté par attribution

Il a été question à la rubrique précédente de la perte de la citoyenneté par attribution (article 14).

      2. Répudiation et révocation

Tout comme le fait la loi en vigueur, le projet de loi C-16 définit les circonstances dans lesquelles une personne pourrait renoncer à la citoyenneté canadienne (article 15). Les critères sont très semblables. La répudiation pourrait être révoquée, tout comme l’attribution de la citoyenneté et la réintégration dans celle-ci s’il est ultérieurement constaté qu’elles sont intervenues par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels (article 16).

Le mécanisme actuel permettant de contester un décret de révocation demeurerait à peu près inchangé (article 17). Sur réception d’un avis du Ministre signifiant son intention de révoquer la citoyenneté, la personne visée pourrait demander à celui-ci de saisir de l’affaire la Section de première instance de la Cour fédérale. Élément nouveau, la Cour devrait se prononcer à la lumière de la prépondérance des probabilités (alinéa 17(1)b)). Cela réglerait le problème de certaines décisions de la Section de première instance quant aux critères à appliquer.

      3. Arrêtés d’annulation

Outre l’actuel mécanisme, décrit plus haut, permettant de révoquer la citoyenneté, le projet de loi C- 16 accorderait au Ministre le nouveau pouvoir de prendre des arrêtés d’annulation (article 18). Cet arrêté peut déclarer nulle l’attribution, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté ou la réintégration dans celle-ci. Cette prérogative devrait s’exercer dans les cinq ans suivant la décision initiale en matière de citoyenneté, et cela vaudrait dans tous les cas où la personne a utilisé une fausse identité ou n’était pas admissible à la citoyenneté pour l’une des raisons énumérées à l’article 28. Ce dernier énumère de nombreux motifs d’inadmissibilité, dont la criminalité, l’implication comme criminel de guerre, certaines infractions à la Loi sur l’immigration, des préoccupations en matière de sécurité, etc. Un avis devrait être communiqué à la personne en cause l’informant du projet d’arrêté, après quoi elle pourrait présenter des observations au Ministre. Le ministre serait tenu d’informer les personnes visées que l’arrêté a été pris, et qu’elles auraient le droit de demander un réexamen. Un arrêté d’annulation signifierait que la personne n’est jamais parvenue à obtenir la citoyenneté. Ainsi, toute personne qui a acquis la citoyenneté grâce à la qualité de citoyen de la personne dont la citoyenneté a été annulée perdrait d’office la sienne également.

On peut comparer la procédure d’annulation à la procédure de révocation (en vigueur et proposée), qui fait intervenir le Ministre, le gouverneur en conseil et, à la demande de l’intéressé, la Cour fédérale. Dans une affaire de révocation, la cour doit acquérir la conviction que l’intimé à obtenu la citoyenneté par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. La cour doit donc tenir des audiences en bonne et due forme.

Il ne faut pas oublier que l’un des motifs qu’on peut invoquer pour prendre un arrêté d’annulation, soit l’utilisation d’une fausse identité, pourrait facilement être englobé dans les critères de révocation - fausse déclaration, fraude ou dissimulation de faits importants. Il n’y a cependant aucun droit d’appel dans le cas d’un arrêté d’annulation. S’il est vrai que la décision du Ministre pourrait faire l’objet d’un réexamen par la Cour fédérale, les motifs seraient bien plus restreints que s’il y avait possibilité d’appel, et il n’y aurait pas d’audience en bonne et due forme.

   D. Réintégration dans la citoyenneté (articles 19–20)

Le projet de loi C-16 maintiendrait, à quelques rares modifications près, les dispositions actuelles régissant la révocation de la citoyenneté. Actuellement, les personnes qui perdent leur citoyenneté doivent d’abord être admises comme résidents permanents et peuvent demander la citoyenneté après avoir passé au Canada l’année précédant immédiatement la demande. Le projet de loi exigerait plutôt que les personnes qui se trouvent dans cette situation habitent au Canada pendant au moins 365 jours dans les deux ans précédant immédiatement la demande (article 19). Ici encore, la modification importante est que la nouvelle définition de résidence exigerait la présence effective au Canada.

Une disposition du projet de loi qui a précédé le projet de loi C-16 aurait évité que ne soient pénalisées les personnes qui ont perdu leur citoyenneté et sont mariées à des citoyens canadiens travaillant à l’étranger pour les Forces canadiennes, la fonction publique fédérale ou la fonction publique d’une province du fait qu’elles se trouvent à l’étranger; cette disposition n’a pas été retenue dans le projet de loi C-16.(5).

   E. Interdictions (articles 21–28)

      1. Refus de la citoyenneté au nom de l’intérêt public

Le projet de loi C-16 prévoit un nouveau pouvoir qui permettrait au gouverneur en conseil, sur recommandation du Ministre, de refuser la citoyenneté s’il « existe des motifs raisonnables de croire qu’il est contraire à l’intérêt public d’attribuer la citoyenneté » (article 21). Ce pouvoir n’est pas seulement nouveau; il constituerait aussi une modification de principe par rapport à la loi actuelle, selon laquelle la citoyenneté est un droit et non un privilège, pourvu que des critères objectifs soient remplis. Bien qu’il n’existe aucune définition de l’« intérêt public », la nouvelle disposition permettrait par exemple de refuser la citoyenneté à une personne connue pour diffuser de la littérature haineuse mais qui, par ailleurs, satisfait aux critères.

Pour faire jouer cet article, le Ministre devrait remettre à l’intéressé un résumé du contenu du rapport qu’il se propose de remettre au gouverneur en conseil. L’intéressé aurait alors 30 jours pour répondre par écrit au Ministre. Si ce dernier communiquerait effectivement le rapport, et si le gouverneur en conseil donnait son aval, celui-ci prendrait le décret refusant la citoyenneté. La décision du Cabinet ne serait pas susceptible d’appel ni de contrôle judiciaire, et le décret vaudrait pour une période de cinq ans. Le décret ferait foi de son contenu.(6).

      2. Refus de la citoyenneté au nom de la sécurité nationale (articles 23–27)

Le projet de loi C-16 maintiendrait, avec quelques changements, les procédures existantes, relativement au refus de la citoyenneté au nom de la sécurité nationale. Comme à l’heure actuelle, le processus serait enclenché par un rapport du Ministre au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité disant qu’il existe des motifs raisonnables de croire que la personne s’est livrée ou se livrera à une activité qui constitue une menace pour la sécurité du Canada ou une activité liée au crime organisé.

Dans les dix jours suivant la date du rapport au Comité de surveillance, l’intéressé serait mis au courant de la transmission du rapport et des conséquences possibles. Le Comité ferait enquête selon les méthodes prévues par la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité; dans les meilleurs délais, le Comité communiquerait à l’intéressé le résumé des informations dont il dispose. Selon une disposition nouvelle, le Comité de surveillance serait obligé de tenir compte de la possibilité que la divulgation des informations porte atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes (paragraphe 23(5)). Son enquête terminée, le Comité de surveillance ferait rapport de ses conclusions au gouverneur en conseil et à l’intéressé, quoique pas nécessairement au même moment.

Si, pour quelque raison, le Comité de surveillance estimait être dans l’impossibilité de remplir ses fonctions (p. ex., s’il y a des risques qu’il paraisse avoir un parti pris), les modifications apportées à la loi en 1997 seraient maintenues. Elles prévoient la possibilité qu’un juge à la retraite se charge de l’enquête et fasse rapport au gouverneur en conseil (articles 24–26).

Si le gouverneur en conseil déclarait que l’intéressé constitue un risque pour la sécurité, la demande de citoyenneté serait rejetée. Une nouvelle disposition préciserait que cette déclaration est définitive et non susceptible d’appel ni de contrôle judiciaire(7). Le projet de loi ferait passer de deux à cinq ans la durée de validité de la déclaration (article 27).

      3. Refus de la citoyenneté pour d’autres motifs (article 28)

Le projet de loi C-16 étofferait quelque peu la liste des interdictions liées à l’octroi de la citoyenneté. Il serait tenu compte des actes criminels commis à l’étranger de la même manière que de ceux qui ont été commis au Canada. L’interdiction relative aux infractions commises ailleurs alourdirait l’ensemble du processus : inculpation, procès, pourvoi en appel et contrôle judiciaire (alinéa 28c)). Le fait d’avoir été reconnu coupable d’un acte criminel commis à l’étranger (même s’il y a eu réhabilitation) ajouterait au moins trois ans aux délais d’obtention de la citoyenneté. Pour la première fois, le fait d’avoir été reconnu coupable de deux ou plusieurs infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité serait pris en compte et retarderait l’obtention de la citoyenneté d’un an.

Le projet de loi empêcherait aussi d’accorder la citoyenneté à quiconque est sous le coup d’un ordre d’expulsion ou fait l’objet, aux termes de la Loi sur l’immigration, d’une enquête qui risque d’entraîner l’expulsion ou la perte du statut de résident permanent. Il serait également tenu compte, à l’article 28, de procédures que nous avons déjà vues comme la révocation, l’annulation et les procédures prévues au nom de l’intérêt public ou de la sécurité publique.

   F. Mise en oeuvre (articles 29–38; article 44)

      1. Commissaires à la citoyenneté

Le projet de loi C-16 propose d’importantes modifications dans le traitement des demandes de citoyenneté. Les actuels juges de la citoyenneté, dirigés par un juge en chef, seraient remplacés et leurs fonctions de fond seraient assumées par des fonctionnaires, agissant en vertu du pouvoir délégué du Ministre (article 44). Leurs fonctions cérémonielles seraient confiées à des commissaires à temps plein ou à temps partiel de la citoyenneté, qui seraient nommés par le gouverneur en conseil à titre amovible pour un mandat d’au plus cinq ans (article 31). Les postes seraient rémunérés. Un commissaire principal pourrait être désigné pour surveiller et coordonner les activités des commissaires.

Pour être nommés, les commissaires à la citoyenneté devraient « être sensibles aux valeurs qui animent la citoyenneté et être reconnus pour avoir apporté une contribution civique importante » (paragraphe 31(6)). Leurs fonctions seraient les suivantes : présider les cérémonies de citoyenneté; encourager la participation active des citoyens; conseiller le Ministre à la demande de ce dernier concernant les demandes de citoyenneté, l’exercice des pouvoirs discrétionnaires du Ministre, les méthodes de vérification des connaissances des demandeurs en ce qui concerne le Canada, les responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté et les langues officielles; mettre en oeuvre les directives du Ministre (paragraphe 31(7)). Il n’est pas facile de distinguer clairement comment l’élément consultation du mandat des commissaires serait exécuté ni pourquoi les commissaires seraient particulièrement bien placés pour donner ces conseils.

Le projet de loi C-16 souligne l’importance de la cérémonie de la citoyenneté pour sensibiliser davantage les nouveaux citoyens aux responsabilités et avantages rattachés à la citoyenneté et donne aux commissaires des indications sur l’objet et le contenu de la cérémonie (article 33). Entre autres fonctions, les commissaires devraient :

  • souligner l’importance de la cérémonie, qui marque un tournant dans la vie des nouveaux citoyens;

  • faire prêter le serment de citoyenneté avec dignité et solennité;

  • promouvoir le sens civique, notamment le respect de la loi, l’exercice du droit de vote, la participation aux affaires de la collectivité et la compréhension respectueuse entre Canadiens.

      2. Certificats (articles 35–38)

Les règles régissant la délivrance, la restitution, l’annulation et la remise des certificats de citoyenneté qui figurent dans ces dispositions se trouvent déjà dans les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur. Le projet de loi renforcerait ces dispositions.

      3. Infractions (articles 39–42)

Le projet de loi C-16 modifierait une disposition de la loi existante sur les infractions, ajouterait une nouvelle infraction relative aux fonctionnaires de la citoyenneté et actualiserait les peines :

  • L’infraction de trafic de certificats serait modifiée par l’ajout des mots « dans un but lucratif ou non » (alinéa 39(2)d)).

  • Les fonctionnaires qui falsifient des documents ou des déclarations, se laissent corrompre d’une façon ou d’une autre ou contreviennent à une disposition de la Loi ou de son règlement d’application se rendraient coupables d’une infraction (alinéas 40(1)a) et b)).

  • Quiconque corrompt (ou essaie de corrompre) un fonctionnaire ou entrave l’exercice de ses fonctions ou se fait passer, alors qu’il ne l’est pas, pour un fonctionnaire de la citoyenneté se rendrait coupable d’une infraction (alinéa 40(1)c) à e)).

  • Toutes les infractions seraient punissables sur déclaration de culpabilité par mise en accusation ou par procédure sommaire(8), selon la décision de la Couronne.

  • Les peines pour les infractions faisant l’objet d’une mise en accusation seraient une amende de 10 000 $ (actuellement 5 000 $) et un emprisonnement d’au plus cinq ans (actuellement trois ans), ou l’une de ces peines.

  • La prescription de trois ans pour les infractions faisant l’objet de la procédure sommaire commencerait à compter à partir du moment où le Ministre est informé de l’affaire et non, comme c’est le cas à l’heure actuelle, à partir du moment où l’infraction présumée aurait été commise.

      4. Règlement (article 43)

Le projet de loi conférerait au gouverneur en conseil des pouvoirs de réglementation plus larges dans un certain nombre de domaines :

  • les éléments de preuve à produire à l’appui des demandes, notamment la preuve médicale pour établir la filiation;

  • la désignation des personnes qui peuvent faire une demande au nom d’un mineur;

  • l’établissement des cas de dispense des droits;

  • les facteurs à considérer pour établir l’authenticité des adoptions et définir ce qui constitue une relation de filiation;

  • la procédure que la Cour fédérale doit suivre dans les affaires de révocation(9);

  • les pouvoirs du greffier de la citoyenneté canadienne, fonctionnaire dont la nomination relèverait du Ministre (paragraphe 44(2)).

      5. Délégation des pouvoirs du Ministre (article 44)

Fait intéressant, le mécanisme d’examen et d’approbation des demandes de citoyenneté et régissant toutes les autres tâches administratives liées à la citoyenneté ne ressort pas de façon évidente dans le projet de loi C-16. Comme nous l’avons déjà signalé, les tâches administratives actuellement accomplies par les juges de la citoyenneté seraient assumées par des fonctionnaires et possiblement, dans une certaine mesure, par les commissaires à la citoyenneté. (En réalité, cette transition s’est déjà faite dans la mesure où la loi en vigueur le permet.) Toutes leurs décisions seraient prises au nom du Ministre, qui, en vertu de l’article 29, aurait l’obligation législative d’étudier toutes les demandes et d’informer les demandeurs malheureux du rejet de leur demande et de la possibilité qui leur est offerte de demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale(10).  Toutes ces décisions pourraient être déléguées à des fonctionnaires, en vertu de l’article 44, et le seraient effectivement. L’article 30 dispose également que le Ministre pourrait casser toute décision de refus de la citoyenneté qui semble entachée d’une « erreur importante ». Cette disposition permet de révoquer une décision erronée sans que le demandeur soit forcé de s’adresser à la Cour fédérale.

Le paragraphe 44(3) précise que seul un citoyen canadien pourrait occuper les fonctions de greffier de la citoyenneté, statuer sur le droit d’une personne à l’égard de la citoyenneté ou rendre une décision sur les demandes visant à obtenir, à conserver, à répudier ou à reprendre la citoyenneté.

      6. Divulgation (article 45)

Sauf opposition de l’intéressé, une nouvelle disposition permettrait de communiquer le nom des nouveaux citoyens au président du Sénat et à celui de la Chambre des communes à l’intention des parlementaires pour permettre à ceux-ci de féliciter les nouveaux citoyens qui résident dans la région qu’ils représentent.

   G. Différents statuts personnels au Canada (articles 47–54)

Ces dispositions seraient quasi identiques, pour le fond, à celles de la loi en vigueur. Elles portent sur le statut des sujets britanniques et des citoyens du Commonwealth et de l’Irlande, le pouvoir des provinces de restreindre pour les non-citoyens le droit de posséder des biens immeubles, les limites de ce pouvoir et l’égalité des citoyens et des non-citoyens devant les tribunaux.

   H. Dispositions transitoires, modifications connexes et modification conditionnelle
        (articles 55–71); Abrogation et entrée en vigueur (articles 72 et 73)

L’article 55 précise ce qu’il adviendra des demandes en traitement si le projet de loi C-16 est adopté et entre en vigueur. Toutes les procédures relatives à une demande en cours obéiraient à la nouvelle loi, exception faite des demandes qui en sont à l’étape du juge de la citoyenneté. Cependant, les nouvelles dispositions visant le refus de la citoyenneté au nom de l’intérêt public et de la sécurité nationale s’appliqueraient. Les pouvoirs existants des juges de la citoyenneté dans ces cas seraient maintenus comme si la loi actuelle était toujours en vigueur.

Aux termes de l’article 56, les juges de la citoyenneté deviendraient automatiquement commissaires de la citoyenneté, avec le même mandat.

L’article 57, qui ne figurait pas dans le projet de loi qui a précédé le projet de loi C-16, soit le C-63, établirait une période de trois ans au cours de laquelle ont pourrait attribuer la citoyenneté à toute personne qui ne l’a jamais eu et qui est née à l’étranger d’un parent canadien entre le 31 décembre 1946 et le 15 février 1977. Les enfants adoptés seraient aussi visés. Une fois que ces personnes auraient acquis la citoyenneté, leurs enfants pourraient faire de même s’ils démontrent l’existence de liens manifestes avec le Canada. De la même façon, leurs enfants pourraient aussi les imiter s’ils démontrent eux aussi l’existence de liens manifestes avec le Canada.

Ces dispositions visent à donner suite à bon nombre des préoccupations exprimées par le Comité central mennonite du Canada lorsqu’il a témoigné devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration au moment de l’étude du projet de loi C-63. Les Mennonites avaient alors signalé que plusieurs membres de leur collectivité étaient déménagés en Amérique latine au début des années 20. Toutefois, la vie se révélait souvent difficile là-bas et certains de leurs descendants sont revenus au Canada. L’attribution de la citoyenneté à ces descendants dépendait de l’interprétation de plusieurs dispositions de la Loi actuelle qui n’auraient pas été maintenues dans le projet de loi C-63. Le Comité mennonite demandait que la nouvelle loi contienne des mesures facilitant l’obtention de la citoyenneté canadienne pour les membres de leur collectivité qui souhaitaient toujours revenir vivre au pays ou qui étaient déjà revenus. Ainsi, le projet de loi C-16 accorderait une période de trois ans à ces gens pour régulariser leur situation; il est toutefois clairement précisé que ce traitement spécial ne serait plus offert après cette période.

Mis à part les Mennonites, un certain nombre d’autres personnes seraient aussi en mesure de bénéficier des dispositions de l’article 57 et d’obtenir la citoyenneté. On éliminerait ainsi certains divergences en matière de droits de la personne qu’a entraînées la loi en vigueur de 1947 à 1977.

Au moment de l’entrée en vigueur du projet de loi C-16, l’actuelle Loi sur la citoyenneté serait abrogée (article 72).

   I. Serment de citoyenneté (annexe)

La prestation du serment de citoyenneté est un élément obligatoire du processus d’acquisition de la citoyenneté. Voici le texte actuel de ce serment :

Je jure [ou déclare solennellement] que je serai fidèle et que je porterai sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Élisabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et à ses successeurs en conformité de la loi et que j’observerai fidèlement les lois du Canada et remplirai mes devoirs de citoyen canadien.

Le projet de loi C-16 le remplacerait par ce qui suit :

Dorénavant, je promets fidélité et allégeance au Canada et à Sa Majesté Elizabeth Deux, Reine du Canada. Je m’engage à respecter les droits et libertés de notre pays, à défendre nos valeurs démocratiques, à observer fidèlement nos lois et à remplir mes devoirs et obligations de citoyen(ne) canadien(ne).

Il est à signaler que la suppression des termes « à ses héritiers et à ses successeurs » ne signifie pas que le serment d’allégeance à la Couronne britannique prendrait fin au décès de la reine actuelle. L’article 35 de la Loi d’interprétation stipule que, dans tout texte législatif, les expressions « Sa Majesté », « la Reine », « le Roi » ou « la Couronne » désigne le souverain du Royaume-Uni, du Canada et de ses autres royaumes et territoires et chef du Commonwealth. Ainsi, au décès de la reine, toute mention de la Reine Elizabeth s’interpréterait comme désignant son successeur.

COMMENTAIRE

Le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration a examiné le projet de loi C-63, le prédécesseur du C-16, et bon nombre des commentaires formulés à cette occasion pourraient s’appliquer également au projet de loi C-16(11).  Plusieurs témoins qui se sont présentés devant le Comité ont fait remarquer que la procédure d’évaluation des demandes de citoyenneté, qui donne au juge de la citoyenneté une certaine indépendance, serait remplacée par un processus administratif. Certains se sont élevés contre ce changement, en particulier lorsqu’il s’ajoute à la suppression des procès de novo à la Cour fédérale pour les remplacer par une révision judiciaire plus limitée.

Des questions ont été soulevées au sujet du nouveau pouvoir qu’il est proposé de conférer au ministre. Celui-ci pourrait en effet annuler la citoyenneté attribuée à des personnes qui ont utilisé une fausse identité ou qui n’étaient pas admissibles. On craint surtout que le processus régissant les annulations ne soit pas suffisamment exhaustif. Des témoins se sont dit en outre d’avis que le nouveau pouvoir conféré au Cabinet n’est pas suffisamment bien défini. Sur la base d’un rapport du ministre, le Cabinet pourrait en effet refuser la citoyenneté dans l’intérêt public.

Des témoins ont remis en cause la nécessité des postes de commissaire à la citoyenneté, alors que d’autres se sont dit d’avis que cette fonction est importante et ont demandé qu’elle soit définie de façon plus précise.

Quelques groupes ont estimé, pour diverses raisons, que le serment proposé ne convenait pas.

Comme il a été mentionné précédemment, le projet de loi C-16 maintiendrait la règle qui confère la citoyenneté canadienne aux personnes nées en sol canadien. Un des groupes qui a soulevé cette question devant le Comité s’est opposé au statu quo, alors que les autres se sont dit en faveur du maintien de la règle. En comité, le ministre et des fonctionnaires ont déclaré que celle-ci ne serait pas modifiée s’il n’est pas démontré qu’elle pose des difficultés sérieuses.

Nous présentons ci-après des observations plus approfondies sur d’autres aspects litigieux du projet de loi.

   A. Modification des exigences en matière de résidence

Comme nous l’avons déjà vu, les règles actuelles en matière de citoyenneté donnent lieu à des difficultés. En l’absence de définition de la notion de « résidence », les juges n’appliquent pas les règles de façon uniforme; l’issue est donc imprévisible, et la citoyenneté a été accordée à des personnes qui sont pour ainsi dire étrangères au Canada. Le projet de loi C-16 préciserait et simplifierait les exigences : on exigerait une présence effective au Canada totalisant trois ans dans les six années précédant la demande de citoyenneté.

Dans sa version originale, le projet de loi C-63 proposait que les demandeurs soient tenus de remplir le critère de la présence effective au pays dans un délai de cinq ans. Ces dispositions ont été sévèrement critiquées en comité. Signalant que, dans une économie mondialisée, les hommes et femmes d’affaires doivent voyager, des avocats de l’immigration et des représentants de groupes ethnoculturels ont déclaré que les règles proposées décourageraient les hommes et femmes d’affaires qui envisagent d’immigrer au Canada, et constitueraient une injustice à l’égard des autres personnes obligées de séjourner à l’extérieur du pays pendant de longues périodes pour d’autres raisons. Par ailleurs, on peut signaler que, même si les personnes qui doivent beaucoup voyager ne peuvent, à certaines périodes de leur vie active, satisfaire aux exigences pour obtenir la citoyenneté, elles peuvent néanmoins conserver le statut de résident permanent(12)On peut difficilement prétendre, comme un critique l’a fait, que ces personnes sont « enfermées » au Canada. Il reste à voir si l’on parviendra à faire taire ces critiques en proposant une période de six ans au cours de laquelle on exigerait trois ans de présence effective au pays.

Une autre critique était plus pragmatique : le système proposé ne peut marcher parce qu’il n’y a actuellement aucun moyen objectif ou indépendant de prouver la présence effective d’une personne au Canada. La fraude n’est pas difficile, car le Canada ne tient pas de registre des entrées au Canada ni des sorties. Les fonctionnaires peuvent bien demander aux intéressés de produire tout document utile pour attester leur présence effective au Canada, le gouvernement doit en fin de compte s’en remettre à l’honnêteté de ceux qui demandent la citoyenneté. En comité, les fonctionnaires du ministère se sont dits conscients des difficultés, mais ils ont soutenu que la fraude pourrait être réduite au minimum par l’établissement de profils, par l’assurance de la qualité et par l’utilisation d’une variété de documents.

   B. Enfants adoptés à l’étranger

Comme il a été dit plus haut, les enfants adoptés à l’étranger deviennent citoyens canadiens sur simple demande, sans devoir devenir résidents permanents. Tous les témoins qui se sont exprimés sur cette question étaient globalement en faveur de l’amendement, quoique certains se soient opposés à l’exigence voulant que les adoptions à l’étranger soient conformes aux lois du pays de l’enfant et de celui des parents. Les fonctionnaires ont répondu que cette mesure cadrait avec l’esprit et la lettre des conventions sur l’adoption internationale.

Des témoins ont demandé quelles procédures seront utilisées pour s’assurer que les enfants adoptés à l’étranger satisfont aux exigences, c’est-à-dire si l'adoption est dans leur meilleur intérêt, s’il y a un véritable lien de filiation, si toutes les lois en matière d’adoption ont été respectées et si l’adoption avait pour seul but de contourner les lois canadiennes sur l’immigration ou la citoyenneté. À l’heure actuelle, les agents des visas prennent ce type de décision en évaluant la demande de statut de résident permanent d’un enfant adopté parrainé dans la catégorie de la famille. Des fonctionnaires du Ministère ont laissé entendre que cette pratique serait maintenue.

Si les agents rejettent une demande (ce qui arrive couramment), le parrain a actuellement le droit d’en appeler à la division d’appel de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui étudie tous les aspects de l’affaire, y compris les considérations humanitaires qui peuvent jouer. Des témoins ont fait remarquer que selon le projet de loi C-16, il n’y aurait pas de demande de statut de résident permanent, donc pas de parrain, et, par conséquent, pas de possibilité d’appel auprès de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Les parents pourraient demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale, mais les motifs seraient beaucoup plus restreints et les procédures plus officielles que dans le cadre du système actuel. Il semblerait donc que la situation des parents serait pire, en cas de refus, dans le système proposé que dans le système actuel. Des témoins ont soutenu que les parents auxquels on refuse la citoyenneté pour un enfant qu’ils ont adopté devraient pouvoir interjeter appel devant la Commission. Les fonctionnaires ont toutefois fait remarquer que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ne s’occupe que des affaires relevant de la Loi sur l’immigration.

Il importe de signaler que les dispositions sur l’adoption du projet de loi C-16 s’appliqueraient uniquement aux enfants déjà adoptés à l’étranger, et non aux enfants parrainés pour venir au Canada afin d’y être adoptés. Ces derniers devraient toujours demander le statut de résident permanent avant d’être admis au Canada. Des membres du Comité ont fait remarquer qu’au Québec, une adoption faite à l’étranger n’est terminée qu’une fois que l’enfant est arrivé au Canada et qu’un tribunal a approuvé son adoption. Ils ont signalé que le gouvernement fédéral et celui du Québec ayant apparemment cessé de négocier, on ignorait comment les dispositions proposées pourraient s’appliquer aux enfants adoptés à l’étranger par des Québécois.

De 1992 à 1997 inclusivement, près de 11 000 enfants adoptés à l’étranger ou destinés à l’adoption au Canada ont été reçus(13). La plupart d’entre eux avaient été adoptés à l’étranger. Il n’en reste pas moins que plus de 900 enfants, soit 8,5 p. 100 du total, sont venus au Canada avant que l’adoption ne soit chose faite(14). Ces enfants ne seraient pas visés par le projet de loi C-16 et devraient toujours devenir résidents permanents.

   C. Procédure de révocation

Des témoins entendus en comité et des députés, à l’étape du rapport à la Chambre des communes, se sont demandé si la procédure de révocation de la citoyenneté était valable. Ils ont signalé que comme aucune procédure ne permettait d’appeler des décisions prises par la Section de première instance de la Cour fédérale, il était impossible de résoudre les divergences que pouvaient avoir des juges différents sur des points de droit. Ils se sont demandé s’il faudrait laisser à l’exécutif (c.-à-d. au gouverneur en conseil) le soin de décider de la révocation dans chaque cas ou confier ce soin aux tribunaux. Les amendements proposés dans un sens comme dans l’autre ont été défaits tant en comité qu’à la Chambre.


(1) Il subsistait un problème de discrimination que la Cour suprême du Canada a récemment réglé. Avant 1977, les enfants nés à l’étranger de femmes possédant la citoyenneté canadienne ne pouvaient devenir citoyens; aux termes de la Loi actuelle, ces enfants doivent demander la citoyenneté et se soumettre à une vérification judiciaire et de sécurité. Par contre, les enfants nés à l’étranger avant 1977 d’un père canadien n’avaient qu’à faire enregistrer leur naissance. Au début de 1997, la Cour suprême a statué que cette disposition était discriminatoire et allait à l’encontre de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Voir Benner c. Canada, [1997] 1 S.C.R. 358.

(2) Il est probable qu’on n’éliminera que temporairement cette disposition dont peuvent bénéficier les conjoints de Canadiens travaillant à l’étranger qui se trouvent dans les circonstances décrites. En effet, le gouvernement serait en train de rédiger un projet de loi exhaustif sur la définition du « conjoint » et la disposition pourrait être rétablie de cette façon. Si ce projet de loi est retardé, le gouvernement pourrait toujours invoquer le pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 9 pour accorder la citoyenneté à des conjoints se trouvant dans cette situation.

(3) Affaire Papadogiorgakis, [1978] 2 C. F. 208.

(4) Les données de Citoyenneté et Immigration Canada montrent que, en 1995 et 1996 respectivement, 56 et 43 enfants se sont fait refuser un visa pour des raisons d’ordre médical. De ce nombre, peut-être quatre ou cinq par année auraient reçu un permis ministériel. Les données de 1997 ne sont pas disponibles.

(5) Comme nous l’avons déjà mentionné, l’élimination de cette disposition dont bénéficieraient les conjoints de Canadiens travaillant à l’étranger sera probablement temporaire.

(6) Il importe de signaler que, en principe, il n’existe pas de pouvoir de décision entièrement discrétionnaire. Même s’il existe une disposition (appelée clause privative) qui exclut tout contrôle judiciaire, les tribunaux pourraient décider d’intervenir malgré tout dans le cas d’une violation sérieuse des principes d’équité au cours des procédures menant au refus de la citoyenneté.

(7) Comme il est signalé à la note (6), il est possible qu’une clause privative semblable n’empêche pas les tribunaux d’exercer un contrôle si la cause l’exige.

(8) Antérieurement, certaines infractions (prévues au paragraphe 39(2)) étaient punissables seulement par procédure sommaire. Il y a toutefois une exception à la règle voulant que toutes les infractions soient mixtes : la disposition générale sur les infractions du paragraphe 39(5), selon laquelle les infractions à la loi pour lesquelles aucune peine n’est précisée seraient punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire seulement.

(9) Le comité de la Chambre a supprimé ce pouvoir; c'est donc la procédure habituelle de la Cour fédérale qui s'appliquerait.

(10) Il est important d’informer expressément les demandeurs qui essuient un refus de la possibilité d’un contrôle judiciaire, car l’actuel droit d’interjeter appel auprès de la Cour fédérale disparaîtrait.

(11) Nous ne traitons pas ici des préoccupations qui ont donné lieu à la présentation d’amendements en Comité.

(12) À noter toutefois qu’il y a des exigences en matière de résidence à respecter pour conserver le statut de résident permanent.

(13) Information reçue de Citoyenneté et Immigration Canada.

(14) Ce chiffre est légèrement faussé par les pourcentages plus élevés de 1992 et de 1993; au cours des quatre dernières années, 6 ou 7 p. 100 du total étaient des enfants venus au Canada pour adoption.