Les documents qui figurent sur ce site ont été rédigés par le personnel de la Direction de la recherche parlementaire; ils visent à tracer, à l'intention des parlementaires canadiens, dans un libellé simple et facile à saisir, le contexte dans lequel chaque projet de loi gouvernemental examiné a été élaboré et à fournir une analyse de celui-ci. Les résumés législatifs ne sont pas des documents gouvernementaux; ils n'ont donc aucun statut juridique officiel et ils ne constituent ni un conseil ni une opinion juridique. Prière de noter que la version du projet de loi décrite dans un résumé législatif est celle qui existait à la date indiquée au début du document. Pour avoir accès à la plus récente version publiée du projet de loi, veuillez vous rendre sur le site parlementaire Internet à l'adresse suivante www.parl.gc.ca. LS-360F
PROJET DE LOI C-19 : LOI SUR LES CRIMES
HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-19
TABLE DES MATIÈRES B. Crimes internationaux et poursuites internationales C. La coopération avec la Cour pénale internationale (CPI) D. Les poursuites pour crimes de guerre au Canada A. Les infractions relatives aux actes de génocide, aux
crimes contre lhumanité 1. Les infractions commises au
Canada (article 4) B. Les infractions portant atteinte à
ladministration de la justice C. Procédure et moyens de défense 1. Procédure et preuve (articles 9, 10 et
44) D. Les biens dorigine criminelle (articles 27 à 29) E. Le Fonds pour les crimes contre lhumanité (articles 30 à 32) F. Extradition et entraide juridique 1. Vue densemble PROJET DE LOI C-19 : LOI SUR LES CRIMES CONTRE LHUMANITÉ Le projet de loi C-19, Loi sur les crimes contre lhumanité, a été introduit à la Chambre des communes et a fait lobjet dune première lecture le 10 décembre 1999. Lobjet du projet est double : 1) concrétiser les obligations du Canada en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (le Statut de Rome) pour veiller à ce quil puisse coopérer pleinement aux enquêtes et aux poursuites entamées par la Cour pénale internationale (CPI), et 2) maintenir et améliorer la capacité du Canada à poursuivre et à punir les personnes accusées de crimes contre lhumanité et de crimes de guerre. B. Crimes internationaux et poursuites internationales La compétence complémentaire de la CPI par rapport aux systèmes juridiques nationaux portera sur les crimes internationaux suivants : le génocide, les crimes contre lhumanité, les crimes de guerre et lagression. Pour ce qui est de lagression, la Cour ne sera compétente que lorsque les États parties se seront entendus sur une définition commune de ce crime et lauront intégrée au Statut de Rome par amendement. Les trois autres infractions sont définies dans le Statut. La notion de crimes contre lhumanité, qui englobe le génocide, est issue des atrocités commises sous le régime nazi au cours de la Deuxième Guerre mondiale et fut à lorigine conçue par le droit international comme une ramification des crimes de guerre. On abandonna cependant très vite lidée dun lien nécessaire entre ces crimes et un conflit armé, pour reconnaître la notion comme base de responsabilité criminelle internationale indépendamment des crimes de guerre. Cela dit, il est encore courant demployer lexpression « crimes de guerre » pour désigner aussi bien des actes de génocide ou dautres crimes contre lhumanité que des infractions aux lois de la guerre proprement dites. La CPI serait en mesure dimposer diverses sanctions, jusques et y compris la prison à perpétuité, aux personnes reconnues coupables de crimes en vertu du Statut. La CPI existera officiellement lorsque 60 États auront ratifié le Statut de Rome. Huit pays seulement lont ratifié jusquici, mais il jouit dun large appui auprès des nations. Le Statut fut adopté à une conférence diplomatique qui eut lieu à Rome le 17 juillet 1998, par une marge de 120 contre sept, avec 21 abstentions. À ce jour, quelque 90 États lont signé. Le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international la signé pour le Canada le 18 décembre 1998. Le Statut de Rome est le produit de plusieurs années de travail, et les représentants du Canada y ont joué un rôle central, mais lidée dun tribunal pénal international permanent remonte à des dizaines dannées(1). Comme nous le disions, la compétence de la Cour viendra compléter celle des systèmes de justice criminelle nationaux, qui conserveront la responsabilité première de la poursuite des auteurs de ces crimes internationaux(2). La Cour permettra de combler les lacunes du système actuel en intervenant là où les États ne désirent pas ou ne peuvent pas exercer de compétence en matière de poursuites. De plus, à titre de tribunal permanent, la CPI contribuera à régler le problème de lexécution sélective, qui a été jusquici une limitation majeure des efforts localisés pour procéder à des poursuites internationales au criminel. C. La coopération avec la Cour pénale internationale (CPI) Même lorsque la CPI décidera dagir de son propre chef, le succès de ses efforts dépendra de la coopération des gouvernements nationaux. Ceux-ci seront tenus daider la Cour de diverses manières, notamment par : larrestation et l extradition de personnes recherchées par la Cour, lobtention déléments de preuve demandés par la Cour, la protection de lintégrité des démarches de la Cour, lexécution des ordonnances de la Cour (voir la Partie 9 du Statut de Rome). Larticle 88 du Statut fait explicitement obligation aux États de sassurer que leur droit national permet « toutes les formes de coopération visées (...)». Le Canada a déjà apporté un certain nombre de changements à ses lois sur lextradition et sur lentraide juridique, qui ont permis daméliorer sa capacité à coopérer avec la CPI. En 1999, on a promulgué une nouvelle Loi sur lextradition (L.C. (1999), ch. 18, (projet de loi C-40 de la session antérieure), qui, entre autres, élargit la portée du droit pour couvrir les demandes dextradition émanant d« entités » comme des tribunaux criminels internationaux ou dautres États. Cette loi simplifie également la procédure dextradition pour les entités demanderesses et représente une mise à jour générale des règles de droit sur lextradition et de la Loi sur lentraide juridique en matière criminelle (L.R.C. (1985), ch. 30 (4e suppl.)(3) en multipliant les formes de coopération possible avec les entités demanderesses. Le projet de loi C-19 élargirait ces mesures récentes et serait loccasion dapporter un certain nombre de changements qui permettrait daccorder un appui et une coopération plus soutenus à la CPI. Le projet de loi prévoit de nouvelles infractions en vertu du droit canadien : le génocide, les crimes contre lhumanité, les crimes de guerre et les infractions aux responsabilités de commandement des chefs militaires ou dautres supérieurs, et ces infractions seraient identiques aux crimes relevant de la compétence de la CPI. Cela faciliterait lextradition en éliminant les arguments invoqués eu égard à la règle de la double criminalité en matière dextradition, selon laquelle linfraction pour laquelle lextradition dun accusé est demandée par la CPI ne correspond pas exactement à une infraction en vertu du droit canadien. Le projet de loi C-19 permettrait également de modifier la Loi sur lextradition et la Loi sur lentraide juridique en matière criminelle pour y insérer une disposition spéciale plus favorable au traitement des demandes dextradition et dentraide juridique émanant de la CPI. Il permettrait également dapporter des modifications à la Loi sur lentraide juridique en matière criminelle pour faciliter la coopération concernant les demandes en général. Le projet de loi prévoit de nouvelles infractions eu égard à ladministration de la justice (p. ex. : la subornation, la corruption ou lintimidation dun témoin, le parjure, le dépôt de faux affidavits, etc.), qui sappliquent spécifiquement aux procédures de la CPI. Enfin, le projet de loi prévoit la création dun Fonds pour les crimes contre lhumanité dans lequel seraient versés le produit des amendes et confiscations imposées eu égard à des infractions à la Loi proposée ainsi que le produit de lexécution au Canada des ordonnances de la CPI concernant la confiscation de biens et le paiement damendes et dindemnités. Les sommes prélevées dans ce Fonds seraient versées au Fonds de fiducie de la CPI ou directement aux victimes. D. Les poursuites pour crimes de guerre au Canada Après la Deuxième Guerre mondiale, le Canada, comme les autres pays alliés, intenta une série de procès militaires contre des membres des armées ennemies accusés davoir commis des crimes de guerre contre ses soldats. Mais, en 1948, larmée canadienne fut rapatriée dEurope, et les Canadiens comme les Alliés commencèrent à porter moins dintérêt à la poursuite des procès(4). Pour le Canada, la question des criminels de guerre passa à larrière-plan jusquau début des années 1980(5). En 1983, le Canada extrada Helmut Rauca en République fédérale allemande, où celui-ci devait subir un procès pour crimes de guerre. En 1985, le gouvernement fédéral entama une enquête publique, quil confia au juge Jules Deschênes, de la Cour supérieure du Québec, pour examiner la question de la présence éventuelle au Canada de criminels de guerre de la période de la Deuxième Guerre mondiale et recommander des mesures pour traduire ces personnes en justice. Cest en décembre 1986 que le juge Deschênes remit son rapport. Il y concluait que 20 personnes soupçonnées dêtre des criminels de guerre résidaient au Canada et devaient absolument être poursuivies par le gouvernement du Canada et que 127 autres personnes devaient faire lobjet de recherches ou denquêtes plus approfondies avant quon puisse prendre une décision définitive(6). Concernant les recours juridiques à prendre dans ces cas, le juge Deschênes recommandait les mesures suivantes, par ordre de préférence : lextradition, la poursuite pénale au Canada, la dénaturalisation et lexpulsion(7). Pour permettre la poursuite pénale de ces personnes au Canada, on recommandait de modifier le Code criminel pour attribuer au Canada le droit de poursuivre des personnes coupables dactes commis à létranger considérés comme des crimes de guerre ou des crimes contre lhumanité. Cest à la suite de la recommandation de la Commission Deschênes que des modifications au Code criminel furent adoptées en 1987 sous la forme des paragraphes 7(3.71) à 7(3.77). Le seul et unique cas de poursuite en vertu de ces paragraphes fut le procès de Imre Finta. Finta fut acquitté, et le jugement fit lobjet dun appel. En 1994, la Cour suprême du Canada confirma la constitutionnalité des dispositions du Code criminel concernant les crimes de guerre et les crimes contre lhumanité, mais refusa dinfirmer la décision dacquittement. Les juges de la Cour dans leur majorité interprétèrent le droit applicable dune façon qui rendit ces poursuites plus difficiles que prévu. Après laffaire Finta, le gouvernement se tourna plutôt vers des mesures de révocation de la citoyenneté et dexpulsion. Le projet de loi C-19 cherche à maintenir et à améliorer la capacité du Canada à entamer des poursuites internes pour ce genre de crimes. Il remplacerait les dispositions du Code criminel en matière de compétence (par. 7(3.71) à 7(3.77)) par de véritables infractions eu égard aux actes de génocide, aux crimes contre lhumanité et aux crimes de guerre commis à létranger. Le projet de loi permettrait également de codifier le moyen de défense des ordres supérieurs tel quil sapplique à ce genre dinfractions et dinterdire en fait aux accusés dinvoquer la propagande contre une population civile ou un groupe identifiable pour justifier une foi raisonnable dans le caractère licite dun ordre visant à commettre des actes considérés comme des actes de génocide, des crimes contre lhumanité ou des crimes de guerre. A. Les infractions relatives aux
actes de génocide, aux crimes contre lhumanité 1. Les infractions commises au Canada (article 4) Le paragraphe 4(1) du projet de loi a pour objet spécifique de faire dun acte de génocide, dun crime contre lhumanité ou dun crime de guerre commis au Canada une infraction. À lheure actuelle, ces crimes internationaux ne sont pas explicitement intégrés au droit pénal canadien. Les graves infractions à la Convention de Genève de 1949 pour la protection des victimes de guerre et le Protocole I de 1977 sont des actes criminels aux termes de la Loi sur la Convention de Genève (L.R.C. (1985), ch. G-3), mais les personnes qui commettent dautres crimes de guerre, des actes de génocide ou des crimes contre lhumanité ne peuvent être poursuivies au Canada quau titre dinfractions internes connexes aux termes du Code criminel, par exemple pour un meurtre, un homicide involontaire coupable, un enlèvement, un isolement forcé, etc. Le paragraphe 7(3.71) du Code criminel constitue une base légale pour la poursuite interne de personnes accusées davoir commis des crimes de guerre et des crimes contre lhumanité à létranger, dans certaines circonstances(8). Le paragraphe 7(3.71) na cependant quun caractère juridictionnel : il ne crée pas de nouvelles infractions. Les nouvelles infractions prévues au paragraphe 4(1) du projet de loi permettraient dentamer des poursuites au titre de ce genre dactes sil sen commettait au Canada, mais lobjet plus immédiat de cette disposition est de faciliter lextradition des personnes recherchées par la Cour pénale internationale. En matière dextradition, la règle de la « double criminalité » suppose que les actes pour lesquels on demande lextradition constituent une infraction dans le pays doù laccusé est censé être extradé ainsi que dans le pays qui demande son extradition. En déclarant que ces trois crimes internationaux sont en tant que tels des infractions pénales internes et en adoptant les définitions du Statut de Rome pour ces crimes, larticle 4 interdirait de prétendre quun crime selon la Cour pénale internationale ne correspond pas à une infraction selon le droit canadien. Le paragraphe 4(2) prévoit une peine de prison à perpétuité obligatoire lorsque linfraction renvoie à lintention délibérée de tuer, et la possibilité dune peine de prison à perpétuité dans tous les autres cas. Quant au premier cas de figure, larticle 15 du projet de loi prévoit lapplication des dispositions du Code criminel concernant la non-admissibilité à la liberté conditionnelle des personnes condamnées pour meurtre (articles 745 et suivants). Les modifications qui découlent de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (L.C. (1992), ch. C-20), prévues dans les articles 38 à 41 du projet de loi, permettraient dajouter le génocide, les crimes contre lhumanité et les crimes de guerre à la liste des infractions à légard desquelles le tribunal imposant la peine pourrait ordonner que ladmissibilité à la libération conditionnelle soit reportée au-delà de léchéance habituelle prévue à larticle 743.6 du Code criminel. Concernant les actes de génocide, les crimes contre lhumanité et les crimes de guerre commis au Canada, le paragraphe 4(3) prévoit ladoption des définitions données à ces crimes dans le Statut de Rome. Les dispositions correspondantes du Statut (articles 6 et 7 et paragraphe 8(2)) sont énoncées dans lannexe du projet de loi. Larticle 6 du Statut de Rome définit le « génocide » comme suit : « l'un des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel » :
Larticle 7 du Statut de Rome définit les « crimes contre lhumanité » comme suit : « l'un des actes ci-après commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque » :
Le paragraphe 8(2) du Statut de Rome fournit une très longue liste dinfractions aux lois et coutumes de la guerre qui constituent des « crimes de guerre ». Cette liste comporte entre autres les « infractions graves » aux Conventions de Genève de 1949, à savoir des actes interdits commis contre des personnes ou des biens protégés, tels que : lhomicide intentionnel, la torture, la destruction gratuite et lappropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires, le fait de contraindre des prisonniers de guerre à servir dans les forces d'une puissance ennemie, la prise d'otages ainsi que dautres infractions graves aux lois et coutumes de la guerre, notamment les attaques directes intentionnelles contre des populations civiles ou des cibles non militaires, lusage darmes, de matières ou de dispositifs prohibés, le pillage ou la conscription ou lenrôlement denfants de moins de 15 ans. 2. Les infractions commises à létranger (articles 6 et 8) Larticle 6 prévoit de nouvelles infractions pénales internes semblables à celles de larticle 4 pour les actes de génocide, les crimes contre lhumanité et les crimes de guerre commis à létranger. Larticle 8 énonce les circonstances dans lesquelles le Canada pourrait se déclarer compétent dans ce genre daffaires. Il sagirait essentiellement des mêmes circonstances que celles qui sont actuellement énoncées au paragraphe 7(3.71) du Code criminel. Aux termes de larticle 8, le Canada pourrait se déclarer compétent en matière de poursuite contre les auteurs dactes de génocide, de crimes contre lhumanité et de crimes de guerre commis à létranger si, au moment où linfraction a été commise :
Les articles 6 et 8 remplaceraient les paragraphes 7(3.71) à (3.77) du Code criminel (lesquelles dispositions seraient abrogées par larticle 42 du projet de loi). Cependant, contrairement au paragraphe 7(3.71) du Code criminel, larticle 6 permettrait au Canada de poursuivre directement les auteurs dactes de génocide, de crimes contre lhumanité et de crimes de guerre pour des crimes internationaux et non pour des infractions internes correspondantes comme le meurtre, lagression ou lisolement forcé. Même si les tribunaux soutiennent quune condamnation pour crimes contre lhumanité ou crimes de guerre exige la production déléments supplémentaires attestant la volonté délibérée au-delà de ce qui est exigé pour les crimes ordinaires subsumés à cet égard(10), la perspective proposée à larticle 6 du projet de loi simplifierait la poursuite des auteurs de ces crimes en éliminant la nécessité de prouver également les aspects relatifs à une infraction au Code criminel incluse. Aux termes du paragraphe 6(2) et des articles 15 et 38 à 41 du projet de loi, les infractions prévues au paragraphe 6(1) actes de génocide, crimes contre lhumanité et crimes de guerre commis à létranger seraient punissables de la même manière que les infractions commises au Canada aux termes de larticle 4 (voir plus haut). Les définitions fournies au paragraphe 6(3) concernant le « génocide », les « crimes contre lhumanité » et les « crimes de guerre », qui seraient applicables aux infractions commises à létranger, si elles sont semblables aux définitions du Statut de Rome adoptées à larticle 4 eu égard aux infractions commises au Canada, seraient limitées par létat du droit international au moment et à lendroit où linfraction a été commise. Les définitions actuelles de « crimes contre lhumanité » et « crimes de guerre » selon le paragraphe 7(3.76) du Code criminel comportent la même réserve. Cette différence entre larticle 4 et larticle 6 tient au fait que ce dernier sappliquerait à des infractions antérieures aussi bien quà des infractions actuelles ou à venir, tandis que le premier ne sappliquerait quà titre prospectif. Larticle 4 (infractions commises au Canada) vise à garantir au Canada la possibilité de coopérer avec la Cour pénale internationale, qui ne sera compétente quau titre des infractions commises après son instauration (voir le paragraphe 24(1) du Statut de Rome). Cependant, comme certains des actes auxquels larticle 6 pourrait sappliquer ont eu lieu il y a plus de 50 ans, il faut sassurer que le contenu de ces infractions soit suffisamment souple pour traduire létat de développement du droit international à différents moments de lhistoire. Le Canada peut se déclarer rétrospectivement compétent pour poursuivre les auteurs de ces infractions, mais il ne peut créer dinfractions rétrospectivement. Le paragraphe 11g) de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit que nul ne peut être déclaré coupable en raison dune action ou dune omission qui, au moment où elle est survenue, ne constituait pas une infraction « daprès le droit interne du Canada ou le droit international et navait pas de caractère criminel daprès les principes généraux de droit reconnus par lensemble des nations ». Les paragraphes 6(4) et 6(5) indiquent aux tribunaux canadiens comment juger de létat du droit international à cet égard à différents moments de lhistoire. Le paragraphe 6(4) précise que les définitions de « génocide », « crimes contre lhumanité » et « crimes de guerre », aux articles 6 et 7 et au paragraphe 8(2) du Statut de Rome, traduisent létat du droit international coutumier à la date de ladoption du Statut (17 juillet 1998) et quil peut également traduire létat du droit international coutumier avant cette date. Autrement dit, le paragraphe 6(4) indique que, à un moment donné, le ou avant le 17 juillet 1998, le contenu des infractions commises au Canada selon larticle 4 et le contenu des infractions commises à létranger selon larticle 6 se sont superposés. Le paragraphe 6(4) précise de plus que, nonobstant ce qui précède, les autres actions ou omissions non prévues par le Statut de Rome en matière de génocide, de crimes contre lhumanité et de crimes de guerre pourraient constituer également des crimes, dont le Canada pourrait poursuivre les auteurs aux termes des conventions internationales applicables ou du droit international coutumier. Le paragraphe 6(5) précise que les infractions constituant des « crimes contre lhumanité » faisaient partie du droit international coutumier ou étaient considérées comme des crimes daprès les principes de droit généralement reconnus par la communauté des nations, bien avant que les Puissances alliées prennent des dispositions pour poursuivre et punir les grands criminels de guerre des pays européens de lAxe et du Japon à lissue de la Deuxième Guerre mondiale. Cet article vise à dissiper la confusion créée par les déclarations de la majorité des juges dans laffaire Finta, où on laisse entendre que la notion de crimes contre lhumanité employée aux procès de Nuremberg et de Tokyo est une dérogation justifiée à la règle interdisant la rétroactivité du droit pénal(11). Cet article affirme sans équivoque que ces actes étaient des crimes aux termes du droit international à lépoque où ils ont été commis et que la question de la criminalité rétroactive ne se pose pas dans les poursuites ultérieures contre leurs auteurs. 3. La responsabilité des chefs militaires et dautres supérieurs (articles 5 et 7) Selon les règles traditionnelles de la responsabilité pénale, les chefs militaires et les autres figures dautorité assument toujours la responsabilité des actes illicites quils ordonnent à leurs subordonnés dexécuter. En fait, en matière de droit, ces chefs et supérieurs deviennent parties aux infractions issues de lapplication de leurs ordres et sont susceptibles dêtre punis de la même façon que sils avaient commis ces actes eux-mêmes(12). Cependant, les principes élaborés dans le cadre des procès pour crimes de guerre qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale ont élargi la responsabilité pénale des chefs aux situations où les chefs navaient pas ordonné effectivement les actes illicites commis par leurs subordonnés, voire nen avaient pas eu connaissance(13). Ce point de vue sur la responsabilité des chefs, qui englobe la négligence, a depuis été adopté dans le Protocole I de 1977 annexé aux Conventions de Genève de 1949, dans les statuts des tribunaux spéciaux des Nations Unies pour les crimes de guerre commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda et dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Le Statut de Rome impute également la responsabilité des chefs aux supérieurs civils. Les articles 5 et 7 sinspirent de larticle 28 du Statut de Rome et élargit la responsabilité des chefs militaires et civils pour y inclure la négligence dans le commandement et le contrôle des subordonnés pour ne pas avoir prévenu des actes de génocide, des crimes contre lhumanité et des crimes de guerre À lheure actuelle, la négligence dans lexercice du commandement par les chefs militaires canadiens pourrait entraîner une accusation de négligence dans lexécution des tâchesaux termes de larticle 124 de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. 1985, ch. N-5. La peine maximale pour cette infraction est la destitution ignominieuse des Forces canadiennes. Linfraction nest cependant applicable quau personnel militaire canadien. Par contre, les infractions prévues aux articles 5 et 7 du projet de loi feraient lobjet dune peine maximale de prison à perpétuité et sappliqueraient à la conduite de chefs militaires étrangers aussi bien que de civils en position dautorité. Le principe du droit international, que traduit larticle 28 du Statut de Rome, est de rendre les chefs et les supérieurs négligents directement responsables des infractions commises par leurs subordonnés. Cependant, le projet de loi C-19 prévoit des infractions distinctes pour manquement aux responsabilités par les chefs et les supérieurs. Ce principe traduit lidée, inspirée de la jurisprudence issue de la Charte des droits, que la négligence, voire la négligence criminelle, peut ne pas constituer un degré dintention suffisant eu égard aux stigmates extrêmes associés à une condamnation pour génocide, crimes contre lhumanité ou crimes de guerre. Aux termes des articles 5 et 7, un chef militaire ou un supérieur serait coupable dune infraction dans les cas suivants :
et
Selon les articles 5 et 7, un « chef militaire » est une personne exerçant un commandement effectif aussi bien quun chef de police doté dun pouvoir et dune capacité de contrôle équivalents. Un « supérieur » est une figure dautorité autre quun chef militaire. Cette définition englobe les civils en position dautorité. Une infraction aux dispositions des articles 5 ou 7 ferait lobjet dune peine de prison à perpétuité. Les modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prévues aux articles 38 à 41 du projet de loi ajouteraient également ces infractions à la liste des infractions au titre desquelles un tribunal imposant une peine pourrait, aux termes de larticle 743.6 du Code criminel, ordonner que ladmissibilité à la liberté conditionnelle soit reportée au-delà de léchéance habituelle. Larticle 5 sappliquerait aux manquements aux responsabilités commis par des chefs militaires et des supérieurs au Canada, tandis que larticle 7 sappliquerait aux manquements commis à létranger. Comme cest le cas de larticle 4, lobjet principal de larticle 5 est de faciliter lextradition des personnes que la Cour pénale internationale demanderait au Canada : il ne sappliquerait donc, comme la compétence de la Cour, que prospectivement. Par contre, larticle 7 vise les auteurs de crimes que le Canada pourrait vouloir poursuivre et sappliquerait donc également à des actes ou omissions rétrospectifs. Par conséquent, comme dans le cas de larticle 6, un acte ou une omission commis avant que la Loi proposée entre en vigueur ne pourraient tomber sous le coup de larticle 7 que sils étaient contraires au droit international au moment et à lendroit où ils ont eu lieu. Les conditions prévues à larticle 8 pour lexercice de la compétence du Canada en matière de poursuites eu égard à des infractions commises à létranger selon larticle 6 sappliqueraient également aux manquements aux responsabilités des chefs militaires et des supérieurs à létranger selon larticle 7. B. Les infractions portant
atteinte à ladministration de la justice Le paragraphe 70(4) du Statut de Rome fait obligation aux États parties dappliquer les dispositions de leur droit pénal protégeant lintégrité de leurs propres procédures denquête et de poursuite aux infractions similaires commises eu égard à la CPI, à son personnel et à ses procédures. Les articles 16 à 23 du projet de loi ont pour objet de permettre de remplir cette obligation. Les articles 16 à 23 prévoient, eu égard aux procédures et au personnel de la CPI, de nouvelles infractions correspondant aux infractions suivantes prévues par le Code criminel :
Ces nouvelles infractions feraient généralement lobjet des mêmes peines que les infractions correspondantes selon le Code criminel. En plus de créer des infractions aux termes du droit pénal canadien eu égard aux personnes qui commettent au Canada des infractions portant atteinte à lintégrité des procédures denquête et de poursuite de la CPI, le projet de loi, aux articles 24 à 26, affirme la compétence du Canada en matière de poursuite pour les infractions portant atteinte à ladministration de la justice eu égard à la CPI dans certaines circonstances. Larticle 25 permettrait au Canada de poursuivre des citoyens canadiens pour lune ou lautre des infractions prévues aux articles 16 à 23 quel que soit lendroit où elles seraient commises dans le monde ainsi que pour les actes ou omissions concernant la CPI qui constitueraient un acte doutrage au tribunal au Canada. Larticle 24 prévoit clairement que les juges et les fonctionnaires de la Cour pénale internationale seraient des « personnes jouissant dune protection internationale » au sens de larticle 2 du Code criminel. On sassurerait ainsi que, conformément au paragraphe 7(3) du Code criminel, le Canada pourrait poursuivre les auteurs dinfractions violentes ou de menaces contre ces personnes, quel que soit lendroit où ces infractions seraient commises dans le monde à condition que lauteur soit un citoyen canadien, que linfraction concerne un navire ou un aéronef canadien utilisé par une personne jouissant dune protection internationale, que lauteur de linfraction se soit trouvé par la suite au Canada ou que sa victime ou la cible de linfraction en question soit une personne jouissant dune protection internationale en vertu de fonctions exercées pour le compte du Canada. Larticle 26 permettrait au Canada dexercer une compétence en matière de poursuite pour les actes de représailles commis par des citoyens canadiens contre des personnes appelées à témoigner devant la CPI ou contre leurs familles. La compétence canadienne, selon cette disposition, sétendrait aux actes qui, sils étaient commis au Canada, constitueraient lune des infractions suivantes au Code criminel : le meurtre, lhomicide involontaire coupable, les menaces, lagression, lagression armée ou les voies de fait causant des lésions corporelles, lagression sexuelle, lagression sexuelle armée ou associée à des menaces contre un tiers ou causant des lésions corporelles, lagression sexuelle grave, lenlèvement; lenlèvement denfant ou lincendie criminel. C. Procédure et moyens de défense 1. Procédure et preuve (articles 9, 10 et 44) Le paragraphe 9(1) prévoit que le Canada pourrait entamer dans nimporte quelle circonscription territoriale des poursuites à légard dune infraction commise à létranger aux termes de la Loi proposée. La même disposition est actuellement prévue au paragraphe 7(5) du Code criminel pour dautres infractions au titre desquelles le Canada affirme sa compétence extraterritoriale pour engager des poursuites aux termes de larticle 7 du Code criminel. Le paragraphe 9(3) prévoit que le consentement écrit personnel du Procureur général ou du sous-procureur général du Canada serait requis pour poursuivre les auteurs des infractions suivantes selon la Loi proposée : les actes de génocide, les crimes contre lhumanité et les crimes de guerre (articles 4 et 6), les manquements aux responsabilités des chefs militaires et des supérieurs (articles 5 et 7), la possession de biens dorigine criminelle eu égard aux infractions à la Loi proposée (article 27), les produits recyclés dorigine criminelle eu égard aux infractions à la Loi proposée (article 28). Le paragraphe 9(3) prévoit également que les auteurs de ces infractions ne pourraient être poursuivis que par des procureurs fédéraux. Les mêmes conditions sappliquent actuellement aux poursuites des auteurs de crimes contre lhumanité et de crimes de guerre selon le paragraphe 7(3.71) du Code criminel. Les infractions portant atteinte à ladministration de la justice par la CPI prévues aux articles 16 à 23 pourraient cependant faire lobjet de poursuites par un avocat pour le compte dun procureur fédéral ou provincial, quoique, dans le cas dune poursuite pour corruption eu égard à un juge de la CPI (contrairement à larticle 18), il faudrait obtenir le consentement du procureur général du Canada. Si linfraction à la Loi proposée est présumée avoir été commise avant lentrée en vigueur de larticle 10, cette disposition permettrait lapplication des règles de procédure pénale et de la preuve en vigueur au moment de linstance. La règle générale des instances pénales est que la personne est poursuivie aux termes du droit en vigueur au moment où linfraction présumée a été commise, mais larticle 10 prévoit que les auteurs dinfractions commises dans le passé jouiraient des protections contemporaines telles que celles que garantit la Charte canadienne des droits et libertés. Larticle 10 réitère essentiellement le paragraphe 7(3.72) du Code criminel, qui serait abrogé par le projet de loi. Larticle 44 prévoit la modification de larticle 469 du Code criminel pour y ajouter les infractions prévues aux articles 4 à 7 du projet de loi (p. ex. : les actes de génocide, les crimes contre lhumanité, les crimes de guerre, les manquements aux responsabilités des chefs militaires et des supérieurs) à celles qui doivent être traitées par les cours supérieures. En vertu de larticle 522 du Code criminel, cette modification aurait également pour effet de donner aux cours supérieures une compétence exclusive en matière de mise en liberté provisoire par voie judiciaire (caution) et ferait porter le fardeau de la preuve à laccusé qui en ferait la demande. a. Moyens de défense contemporains en droit (article 11) La règle générale des poursuites pénales est quelles relèvent du droit en vigueur au moment de linfraction. Larticle 11 prévoit cependant que les personnes accusées dinfractions à la Loi proposée jouiront des avantages de lévolution du droit applicable qui pourraient leur être favorables. Il prévoit également que, sous réserve des dispositions des articles 12 à 14 (ci-après) et du paragraphe 607(6) du Code criminel, toute personne accusée de génocide, de crimes contre lhumanité, de crimes de guerre ou de manquements aux responsabilités dun chef militaire ou dun supérieur (articles 4 à 7) pourrait invoquer toute justification, excuse ou défense prévue par le droit canadien ou le droit international au moment de laudition de sa cause. Les articles 12 à 14 sont analysés plus loin. Le paragraphe 607(6) du Code criminel prévoit que le moyen de défense spécial « autrefois convict » (voir plus loin) ne peut être invoqué eu égard aux infractions internationales faisant lobjet de poursuites à létranger si laccusé a été poursuivi in absentia et na pas été puni conformément à la sentence imposée. b. Double incrimination (ne bis in idem) (article 12) Larticle 12 prévoit lapplication de la règle interdisant la double incrimination (connue dans les juridictions de droit civil et dans le jargon du droit international comme le principe du ne bis in idem) aux poursuites des auteurs dinfractions à la Loi proposée. Aux termes de larticle 607 du Code criminel, un accusé peut jouir de la protection de la règle interdisant la double incrimination dans une instance pénale canadienne en invoquant le moyen de défense spécial appelé « autrefois acquit », « autrefois convict » ou « gracié ». Le paragraphe 7(6) du Code criminel accorde la possibilité dinvoquer ces moyens de défense spéciaux eu égard aux infractions internationales au titre desquelles le Canada se déclare compétent aux termes de larticle 7 du Code et au titre desquelles laccusé a déjà été poursuivi par un tribunal étranger pourvu que la procédure étrangère soit suffisamment conforme aux exigences juridiques du Canada pour justifier linvocation de la double incrimination. Le paragraphe 12(1) réitère simplement le principe de la double incrimination énoncé au paragraphe 7(6) du Code criminel selon la nouvelle Loi proposée. Le paragraphe 12(2), par contre, annule cette protection pour les infractions aux articles 4 à 7 (p. ex. : le génocide, les crimes contre lhumanité, les crimes de guerre et les manquements aux responsabilités des chefs militaires et des supérieurs) lorsque la poursuite à létranger na pas été authentique. Selon le paragraphe 12(2), les moyens de défense spéciaux ci-dessus ne seraient pas permis eu égard à un procès antérieur à létranger si la procédure a été une simple mascarade destinée à éviter à laccusé dassumer sa responsabilité criminelle, si elle na pas été indépendante et impartiale selon les normes internationales dapplication régulière de la loi ou si elle a eu lieu de telle sorte quelle démente « lintention de traduire lintéressé en justice ». Le paragraphe 12(2) sinspire du paragraphe 20(3) du Statut de Rome, qui prévoit une exception semblable au principe du ne bis in idem (double incrimination) dans les instances de la CPI. La décision de reconnaître aux fins du principe de la double incrimination les grâces accordées par les gouvernements nationaux eu égard aux crimes relevant de la compétence de la CPI semble avoir été une concession utile dans lespoir dobtenir un appui au Statut de Rome. Bien que le paragraphe 12(2) du projet de loi propose de donner suite aux poursuites canadiennes, le Statut de Rome ne lexige pas. Rappelons cependant que la reconnaissance dune mesure de grâce étrangère eu égard à ce genre dinfraction soit par la CPI aux termes du paragraphe 20(3) du Statut de Rome, soit par un tribunal canadien aux termes du paragraphe 12(2) du projet de loi serait assujettie à la condition que laccusé aura été poursuivi dans le cadre dun procès indépendant et impartial conformément aux normes internationales dapplication régulière de la loi et dune manière qui ne démente pas lintention de le traduire en justice. Ces circonstances interdiraient, entre autres, de reconnaître une grâce prépondérante (cest-à-dire une grâce obtenue avant un procès ou une condamnation). c. Application des lois de facto (article 13) Larticle 15 du Code criminel prévoit que nul ne peut être déclaré coupable dune infraction à légard dun acte ou dune omission en exécution des lois promulguées par les autorités en possession de facto du pouvoir souverain à lendroit où lacte ou lomission a été exécuté. Larticle 13 interdit linvocation de ce moyen de défense eu égard aux infractions aux articles 4 à 7 du projet de loi (p. ex. : les actes de génocide, les crimes contre lhumanité, les crimes de guerre, les manquements aux responsabilités des chefs militaires et des supérieurs). Lexclusion de ce moyen de défense pour ces crimes est conforme aux règles de droit internationales en vigueur depuis longtemps dans ce domaine. Une disposition semblable est actuellement énoncée au paragraphe 7(3.74) du Code criminel eu égard aux auteurs de crimes contre lhumanité et de crimes de guerre poursuivis en vertu du paragraphe 7(3.71) du Code. Cependant, la formulation de cette disposition permet une interprétation du pouvoir discrétionnaire des juges eu égard à lautorisation de ce moyen de défense(14). Larticle 13 clarifie le fait que lapplication des lois de facto nest tout simplement pas un moyen de défense autorisé pour ces infractions. d. Obéissance aux ordres de supérieurs (article 14) Limportance et la nécessité dobéir aux ordres des supérieurs dans larmée ont donné lieu à lélaboration de principes de droit pénal exonérant les particuliers qui exécutent des ordres militaires ou nattribuant la responsabilité de ces actes quà ceux qui donnent les ordres en question(15). Toutefois, à mesure que le droit pénal international et national a évolué, on sest rendu compte quil y a des limites à la mesure dans laquelle les ordres de supérieurs peuvent lever la responsabilité criminelle de ceux qui les exécutent(16). Par exemple, on estime que les ordres de supérieurs ne suffisent pas à lever la responsabilité de ceux qui participent à des actes de génocide et à des crimes contre lhumanité. En fait, la Charte de 1945, qui a créé le Tribunal militaire international de Nuremberg, prévoyait que les ordres de supérieurs ne seraient pas un moyen de défense autorisé, mais quils ne serviraient que de circonstances atténuantes dans lévaluation des peines à infliger Des dispositions semblables ont été prévues dans le Statut de Rome pour les tribunaux spécialement constitués par les Nations Unies pour juger les crimes de guerre commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Cependant, le droit pénal et le droit militaire dun certain nombre de pays (y compris le Canada) permettent dinvoquer ce moyen de défense dans toutes les accusations au criminel, mais seulement lorsque les ordres de ce genre ne sont pas « manifestement illégaux ». Larticle 33 du Statut de Rome est une tentative pour joindre dans une certaine mesure ces deux perspectives. Le paragraphe 33(1) prévoit que toute personne qui commet un crime relevant de la compétence de la Cour en vertu dun ordre émanant dun gouvernement ou dun supérieur civil ou militaire ne sera pas disculpée à moins
Cependant, le paragraphe 33(2) précise également que tout ordre dexécuter des actes de génocide ou des crimes contre lhumanité est manifestement illégal. Les paragraphes 14(1) et 14(2) du projet de loi intègrent effectivement les dispositions ci-dessus de larticle 33 du Statut de Rome eu égard aux infractions aux articles 4 à 7 du projet de loi (p. ex. : les actes de génocide, les crimes contre lhumanité, les crimes de guerre et les manquements aux responsabilités des chefs militaires et des supérieurs). Le paragraphe 14(3) ajoute que les personnes invoquant les ordres de supérieurs en vertu du paragraphe 14(1) ne pourraient pas fonder leur défense sur la conviction que lordre était légal si cette conviction sappuyait sur de linformation incitant ou susceptible dinciter à des actes inhumains contre des populations civiles ou des groupes identifiables ou en tentant de les justifier. Cette disposition vise à empêcher lutilisation dune information pouvant elle-même représenter une propagande dincitation à la haine comme fondement dune défense axée sur la conviction erronée de faits pouvant par ailleurs excuser lobéissance à un ordre illégal. Dans laffaire Finta, la majorité des juges ont conclu que des preuves comme lexistence de reportages dans les journaux et dautres moyens de propagande suggérant que les Juifs du pays trahissaient leffort de guerre de la Hongrie et soutenaient les Alliés, pourraient former le fondement dune défense axée sur la conviction honnête, mais erronée, que les ordres appelant à la rafle et à la déportation des civils dorigine juive étaient légaux(17). D. Les biens dorigine criminelle (articles 27 à 29) Les articles 27 à 29 du projet de loi visent à priver de tout avantage économique les auteurs dinfractions à la Loi proposée en incorporant les dispositions du Code criminel et dautres lois fédérales sur les biens dorigine criminelle et sur le recyclage de largent. Larticle 27 reconnaît comme infraction (punissable dune peine maximale de 10 ans de prison) le fait de posséder des biens ou de largent ayant pour origine, directement ou indirectement, une infraction à la Loi proposée ou une infraction à légard dun juge ou dun fonctionnaire de la CPI selon le paragraphe 7(3) du projet de loi et larticle 431 du Code criminel (crimes contre les personnes jouissant dune protection internationale) tel quil sera modifié par le projet de loi. Une disposition semblable est prévue au paragraphe 354(1), à larticle 355 et au paragraphe 354(4) du Code criminel eu égard à la possession de biens dorigine criminelle. En fait, on peut dire que la portée du paragraphe 354(1) du Code est suffisante pour englober les produits des infractions prévues dans la Loi proposée. Larticle 28 ferait de même eu égard au recyclage des produits de ces infractions. Le « recyclage » engloberait lutilisation, le transfert, le transport, la modification, lélimination ou toute autre transformation des biens ou de largent issus de ces infractions visant à les dissimuler ou à les convertir. Une disposition semblable à larticle 28 est prévue à larticle 462.31 du Code criminel eu égard aux « infractions de criminalité organisée » énumérées à larticle 462.3 du Code. Larticle 29 élargit lapplication des dispositions du Code criminel relatives à la saisie, à la retenue et la confiscation des produits de la criminalité (Partie XII.2) aux produits des infractions à la Loi proposée. E. Le Fonds pour les crimes contre lhumanité (articles 30 à 32) En plus de traduire en justice les auteurs des crimes internationaux les plus graves, le Statut de Rome a pour objet de tenir compte des besoins des victimes. Cest pourquoi larticle 75 du Statut permet à la Cour pénale internationale dordonner que des indemnités soient versées aux victimes ou à leur égard. Ces indemnités peuvent être versées directement par les personnes condamnées par la Cour aux victimes ou transférées à un Fonds de fiducie créé aux termes de larticle 79, où seraient versés les produits des amendes et des confiscations ordonnées par la Cour. Les articles 30 à 32 du projet de loi prévoient la création dun « Fonds du Canada pour les crimes contre lhumanité » qui permettrait à la fois dimiter et de soutenir le Fonds de fiducie de la CPI. Le paragraphe 30(1) prévoit la création dun fonds et le versement dans ce fonds de tout largent obtenu dans le cadre de lexécution au Canada des ordonnances de la CPI en matière damendes, dindemnités et de confiscations, de tout largent tiré des amendes et confiscations imposées par des tribunaux canadiens eu égard à des infractions à la Loi proposée et de tous les dons reçus. Le paragraphe 30(2) autorise le procureur général du Canada à prélever des sommes dans le Fonds pour les verser à la CPI, au Fonds de fiducie de la CPI, aux victimes et aux familles des victimes dinfractions à la Loi proposée ou au Statut de Rome, ou pour en faire lusage que le procureur général jugera utile. Le paragraphe 30(3) confère au gouverneur en conseil le pouvoir de passer des règlements concernant ladministration et la gestion du Fonds. Enfin, larticle 32 prohibe lapplication de certaines dispositions de la Loi sur ladministration des biens saisis, L.C. 1993, ch. 37, aux amendes et confiscations imposées par des tribunaux canadiens eu égard aux infractions à la Loi proposée et transférées au Fonds conformément à larticle 31. Les dispositions dexclusion ont trait au partage des produits confisqués avec les organismes dexécution de la loi et à la déduction de certains coûts indirects. F. Extradition et entraide juridique Les articles 47 à 53 et 56 à 69 du projet de loi modifient la Loi sur lextradition et la Loi sur lentraide juridique en matière criminelle dans le but de permettre au Canada de remplir ses obligations aux termes de la Partie 9 du Statut de Rome et de coopérer avec la Cour pénale internationale et ses représentants dans les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions relevant de la compétence de la Cour. Ces dispositions permettraient que les diverses formes de coopération avec les autres pays prévues par ces Lois en vue de lexécution de la loi sappliquent également à la Cour pénale internationale. En fait, dans une certaine mesure, les demandes adressées par la CPI en vue de larrestation et de lextradition de suspects et de diverses formes dentraide feraient lobjet dun traitement préférentiel selon les modifications prévues. Le projet de loi C-40 de la session antérieure (L.C. 1999, ch. 18) prévoyait une série de modifications législatives visant à permettre au Canada de répondre aux demandes en ce sens émanant de tribunaux criminels internationaux existants, à savoir les tribunaux spéciaux créés par les Nations Unies pour juger les actes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda. 2. Lextradition (articles 47 à 53) a. Pas dimmunité pour les représentants étrangers Larticle 48 modifie la Loi sur lextradition en créant un nouvel article 6.1 interdisant à toute personne dont lextradition est demandée par la CPI ou par un tribunal spécial créé par le Conseil de sécurité des Nations Unies de revendiquer limmunité eu égard à son arrestation ou son extradition aux termes du droit canadien. En règle générale, au Canada, comme dans dautres pays, les représentants de gouvernements étrangers et les diplomates agréés font lobjet dune immunité en matière darrestation ou de procédure judiciaire. Cependant, en ce qui a trait aux crimes internationaux graves, notamment à ceux qui font lobjet du Statut de Rome et du projet de loi, le droit international limite cette immunité. Les Chartes de Londres et de Tokyo, qui sont les dispositions prises par les Alliés pour juger et punir les auteurs des crimes de guerre, des agressions et des crimes contre lhumanité des puissances de lAxe, exclut particulièrement limmunité invoquée en raison de la « position officielle » de laccusé. Ce principe fut par la suite entériné par lAssemblée générale des Nations Unies et par la Commission du droit international. Des dispositions semblables ont depuis été intégrées à la Convention de 1948 sur le génocide et aux statuts des tribunaux internationaux chargés de juger les auteurs des crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda(18). Larticle 27 du Statut de Rome dispose ce qui suit :
Larticle 48 permet au Canada dêtre en mesure darrêter et dextrader nimporte qui en raison de crimes relevant de la compétence des tribunaux criminels internationaux quelle que soit leur position actuelle ou antérieure dans un gouvernement étranger(19). b. Prorogation déchéance pour les demandes dextradition et les documents justificatifs Larticle 49 modifie le paragraphe 14(2) de la Loi sur lextradition pour permettre à la CPI davoir plus de temps pour faire une demande dextradition officielle et expédier les documents justificatifs nécessaires après larrestation provisoire du suspect. Larticle 49 prévoit en effet que le juge devra accorder une prorogation de délai dans ce cas; dans les cas ne relevant pas de la CPI, cette décision sera laissée à sa discrétion. c. Mise en liberté provisoire par voie judiciaire et détention Larticle 50 modifie larticle 18 de la Loi sur lextradition, qui a trait à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire et à la détention en attendant lextradition, pour prévoir des dispositions spéciales concernant les affaires jugées par la Cour pénale internationale. Pour lessentiel, les modifications proposées à larticle 50 auraient tendance à faire pencher la balance du côté de la détention provisoire de laccusé dans ce cas. Larticle fait peser le fardeau de la preuve sur les personnes arrêtées à la demande de la CPI; ainsi, ce serait à elles de prouver que leur détention en attendant lextradition nest pas nécessaire pour garantir quelles se présenteraient à leur procès ou pour assurer la sécurité du public. Une disposition semblable existe déjà pour les crimes les plus graves. Cependant, larticle 50 permettrait dexiger que, avant de relâcher une personne recherchée par la CPI, un juge soit convaincu que, « considérant la gravité de l'infraction reprochée, que des circonstances urgentes et exceptionnelles justifient la mise en liberté provisoire ». Ce critère est obligatoire selon le paragraphe 59(4) du Statut de Rome. Larticle 50 prévoit également que la Chambre préliminaire de la CPI devra présenter ses recommandations concernant la mise en liberté provisoire par voie judiciaire des personnes recherchées par la Cour. Un juge qui entend la demande de mise en liberté provisoire par voie judiciaire dune personne recherchée par la CPI doit accorder un ajournement de laudition de six jours au maximum, à la demande du procureur général, en attendant ces recommandations. Le juge serait tenu de prendre ces recommandations en considération dans sa décision. Le paragraphe 59(5) du Statut de Rome prévoit que la Chambre préliminaire de la Cour présente des recommandations aux autorités nationales compétentes au sujet de la mise en liberté provisoire par voie judiciaire des personnes recherchées par la Cour. Il exige également que ces autorités tiennent pleinement compte de ces recommandations. d. Prorogation de léchéance de lordonnance dextradition La compétence de la CPI ou ladmissibilité dune instance pourraient être contestées avant que laccusé soit livré à la Cour. Larticle 51 permet au ministre de la Justice de reporter lextradition dans ce cas en attendant la décision de la CPI à cet égard. À lheure actuelle, la Loi sur lextradition prévoit que le ministre doit rendre une ordonnance dextradition dans les 90 jours suivant lincarcération jusquà la remise de laccusé aux autorités ordonnée par le juge qui a entendu la demande dextradition, avec prorogation unique éventuelle de 60 jours si le ministre estime quil faut plus de temps pour régler les demandes présentées par laccusé ou en son nom. e. Exclusion des motifs de refus dextradition Larticle 52 interdit le recours aux divers motifs de refus dextradition par le ministre de la Justice prévus par la Loi sur lextradition. Le paragraphe 89(1) du Statut de Rome fait obligation aux États parties de se conformer aux demandes présentées par la Cour aux termes de la Partie 9 du Statut en matière darrestation et dextradition. Cette obligation est assujettie uniquement aux exigences juridiques nationales à caractère procédural, qui, selon les articles 86 et 88 du Statut, doivent toutefois permettre de coopérer pleinement avec la CPI et notamment dextrader les accusés. Les divers motifs de refus obligatoire ou discrétionnaire dextradition prévus aux articles 44, 46 et 47 de la Loi sur lextradition, qui seraient exclus par larticle 52 eu égard aux cas relevant de la CPI, sont, selon le cas, inapplicables à la CPI ou ont été jugés inutiles dans ces cas. Des exemples de la première éventualité comprennent : la possibilité dune condamnation à mort (la peine maximale prévue par le Statut de Rome est la prison à perpétuité), lexpiration du délai dans la juridiction qui fait la demande (il ny a pas prescription en droit international pour les crimes relevant de la CPI), la condamnation de laccusé in absentia et, en cas dextradition, limpossibilité dexaminer le cas (le Statut de Rome ne prévoit pas de procès in absentia), laccusé âgé de moins de 18 ans au moment de linfraction et lincompatibilité du droit applicable dans la juridiction demanderesse avec les principes de la justice pénale canadienne à lendroit des jeunes contrevenants (la CPI nest pas compétente eu égard aux personnes qui avaient moins de 18 ans au moment de linfraction). Des exemples de motifs de refus dextradition jugés inutiles en ce qui a trait à la CPI comportent : lextradition serait injuste ou abusive, laccusé ferait lobjet de discrimination dans la juridiction demanderesse, laccusé fait déjà lobjet de poursuites pénales au Canada pour les mêmes raisons (si un État fait enquête et entreprend une poursuite en bonne et due forme, laffaire nest pas recevable par la CPI ; de plus, les contestations concernant la recevabilité peuvent être adressées à la CPI), la juridiction demanderesse na pas de compétence territoriale eu égard aux infractions qui fondent la demande dextradition (la compétence de la CPI sétend au territoire de tous les États parties et à tous les navires et aéronefs de ces États ainsi quà toutes les affaires où laccusé est un ressortissant de ces pays; de plus, les contestations concernant la compétence de la CPI à légard dune infraction peuvent être adressées à la Cour). La décision du ministre de livrer une personne à la CPI reste cependant assujettie aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. f. Escales non prévues daccusés en transit livrés à la CPI Pour faciliter lextradition de personnes entre dautres juridictions, la Loi sur lextradition prévoit leur transit par le Canada sous réserve du consentement du ministre de la Justice et de conditions convenues. Larticle 76 a trait aux situations où une personne extradée entre deux autres juridictions fait une escale non prévue au Canada. Dans ce cas, cet article permet à un agent de la paix de maintenir la personne en garde à vue pendant un maximum de 24 heures, pendant que la demande de la juridiction demanderesse en vue de lautorisation de transit est transmise au ministre de la Justice. Si la personne doit être livrée à la CPI, larticle 53 permet à la police canadienne de la retenir pendant un maximum de 96 heures. 3. Lentraide juridique (articles 56 à 69) a. Exécution des ordonnances de la CPI : biens dorigine criminelle et sanctions économiques Larticle 57 modifie la Loi sur lentraide juridique en matière criminelle (Loi sur lentraide juridique) en prévoyant une procédure particulière pour lenregistrement et lexécution au Canada des ordonnances de la CPI en matière de saisie ou de retenue des produits de la criminalité et des ordonnances imposant des amendes, des indemnités ou des confiscations. Ces ordonnances seraient exécutées par lavocat du procureur général du Canada après autorisation du ministre de la Justice. Une fois déposées et enregistrées auprès de la cour supérieure compétente par le procureur général, ces ordonnances seraient exécutables comme si elles émanaient dun tribunal canadien aux termes des dispositions correspondantes du Code criminel. Sous réserve des droits de toute partie tierce de bonne foi ayant un intérêt dans les biens assujettis à une ordonnance, les produits de lexécution des ordonnances seraient versés au Fonds pour les crimes contre lhumanité, prévu par larticle 30 du projet de loi (voir plus haut). Ces dispositions aideraient le Canada à remplir ses obligations de coopération avec la CPI selon les termes du Statut de Rome (voir en particulier lalinéa 93(1)k)). Larticle 58 modifie larticle 10 de la Loi sur lentraide juridique pour permettre lemploi des télémandats prévus à larticle 487.1 du Code criminel dans les cas dentraide juridique. Il sagirait dune modification générale applicable aux demandes dentraide juridique en provenance de toutes les sources.
c. Critères des mandats de perquisition et
des ordonnances de production de preuve : Larticle 60 modifie lalinéa 12(1)a) de la Loi sur lentraide juridique, qui a trait aux conditions de délivrance de mandats de perquisition par des juges canadiens dans le cadre de lentraide juridique. Lalinéa 12(1)a) prévoit actuellement que le juge doit être convaincu quil existe des motifs raisonnables de croire quune infraction a été commise à légard de laquelle le demandeur (État ou entité) est compétent. Le nouvel alinéa 12(1)a) proposé à larticle 60 nexigerait plus que le juge tienne compte de la compétence du demandeur (État ou entité). Si cest la CPI qui fait la demande, la compétence de la Cour est soigneusement délimitée dans le Statut de Rome et elle peut être contestée à différents stades dune enquête ou dune poursuite. De plus, la Loi exige déjà que le ministre de la Justice sinterroge sur la compétence du demandeur (État ou entité) avant dapprouver la demande de perquisition ou de saisie au Canada (voir le paragraphe 11(1)). Des changements analogues sont proposés à larticle 62 et au paragraphe 63(1) eu égard aux ordonnances de production de preuve au Canada aux termes des articles 17 et 18 de la Loi ainsi quaux articles 67 et 68 eu égard aux ordonnances de production de témoignage par liaison vidéo aux termes des articles 22.1 à 22.4 de la Loi. Il sagirait de modifications générales applicables aux demandes dentraide juridique en provenance de toutes les sources. d. Mandats aux termes du Code criminel Larticle 61 modifie la Loi sur lentraide juridique pour clarifier le fait que, outre les mandats de perquisition, dautres mandats associés à dautres techniques et procédés denquête autorisés par le Code criminel seraient utilisables, selon les mêmes principes, dans le cadre de lentraide juridique. e. Refus de répondre aux questions ou de produire des éléments de preuve Larticle 18 de la Loi sur lentraide juridique prévoit le témoignage de personnes au Canada pour usage dans le cadre denquêtes et de poursuites pénales étrangères et internationales. Les paragraphes 18(7) à (9) de la Loi ont trait aux refus de répondre aux questions et de produire des éléments de preuve. Le paragraphe 18(7) énonce les motifs valables de refus. Les paragraphes 18(8) et (9) prévoient que, nonobstant un refus de ce genre, linterrogatoire continuera, mais que la personne interrogée devra par la suite fournir à la personne chargée de linterrogatoire un exposé écrit détaillé des motifs de son refus. Cette déclaration et dautres renseignements et documents utiles associés à linterrogatoire feront partie dun rapport adressé au juge qui a ordonné linterrogatoire. La validité du refus sera finalement décidée, et la personne pourra être tenue de fournir les renseignements manquants sous peine doutrage au tribunal. Le paragraphe 63(2) modifie les paragraphes 18(7) à (9) de la Loi en apportant trois changements à cette procédure. Premièrement le droit de la juridiction demanderesse serait rendu plus clairement applicable à lobligation du témoin de répondre ou de produire des éléments de preuve et à lévaluation de la validité de ses objections. Deuxièmement, la possibilité dinvoquer le droit canadien pour refuser de fournir de linformation serait limitée aux seules dispositions relatives à la non-divulgation de linformation (lois sur la protection des renseignements personnels, sur les secrets officiels, etc.) et au secret professionnel (par exemple entre un client et son avocat). Troisièmement, il y aurait jugement immédiat sur la validité dun refus quelconque si la personne qui interroge le témoin est un juge canadien ou étranger (juge de la juridiction demanderesse), selon le droit aux termes duquel le refus est invoqué. f. Ordonnances dexamen de sites Larticle 69 modifie la Loi sur lentraide juridique pour y inclure des dispositions particulières concernant les ordonnances dexamen de sites -- notamment eu égard à lexhumation et à lexamen de cadavres rendues en réponse à une demande dentraide juridique. Larticle 43 du projet de loi modifie larticle 183 du Code criminel pour ajouter les infractions que le projet de loi créerait à celles au titre desquelles la police peut obtenir lautorisation dintercepter des communications privées aux termes de la Partie VI du Code. Les paragraphes 48(1) et (2) du Statut de Rome disposent que les États parties confèrent certains privilèges et immunités nécessaires à la CPI et à ses représentants supérieurs. Les autres employés de la Cour, les avocats, les experts, les témoins et les autres personnes dont la présence à la Cour est nécessaire jouiraient des privilèges et immunités et du traitement prévus dans un accord qui serait négocié entre les États parties. Larticle 54 modifie le paragraphe 5(1) de la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales, L.C. 1991, ch. 41, pour permettre au gouverneur en conseil daccorder, par ordonnance, les privilèges et immunités et le traitement qui conviennent à la Cour, à son personnel et à dautres, conformément au Statut et au futur accord sur les privilèges et immunités de la Cour. Les articles 71 à 75 modifient la Loi sur le programme de protection des témoins, L.C. 1996, ch. 15, pour prévoir ladmissibilité des témoins de la CPI au programme. Dans la mesure où le projet de loi C-19 permettrait au Canada de remplir ses obligations eu égard au Statut de Rome et de garantir sa capacité à coopérer avec la nouvelle Cour pénale internationale, il ne suscitera guère de controverse. Le Canada a toujours vigoureusement appuyé les efforts en vue de la création dun tribunal pénal international permanent. Les particuliers et les groupes qui ont mis laccent sur la nécessité dune coopération maximale avec les tribunaux internationaux et dune révérence maximale à leur égard voudront sassurer que tous les obstacles juridiques nationaux à la conformité aux demandes de la CPI en matière dextradition de personnes et dautres formes daide soient levés. Au cours des audiences du Comité de la Chambre des communes et du Sénat concernant lactuelle Loi sur lextradition (projet de loi C-40 de la session antérieure), Amnistie internationale sest vigoureusement opposée au fait que les demandes dextradition émanant de tribunaux internationaux eu égard aux auteurs de crimes contre lhumanité, etc. soient assujetties à la procédure ordinaire dextradition. On a plus particulièrement fait valoir que le principe de la double incrimination (qui exige que linfraction étrangère au titre de laquelle lextradition est demandée soit aussi une infraction dans le pays qui extrade laccusé) peut être problématique en raison de larrêt de la Cour suprême du Canada dans laffaire Finta et que les autres « moyens de défense » traditionnels en cas dextradition (p. ex. : les motifs de refus dextradition) ne devraient pas sappliquer aux affaires relevant des tribunaux internationaux. Cependant, les dispositions prévues par le projet de loi pour créer des infractions internes correspondant exactement aux infractions relevant de la compétence de la CPI et pour exempter les affaires relevant de la compétence de la CPI des motifs habituels de refus dextradition aux termes de la Loi sur lextradition devraient suffire à répondre à une grande partie de ces préoccupations. Pour sa part, le Congrès juif canadien a fait savoir quil appuie le projet de loi et quil espère que lon fera dautres efforts pour traduire en justice, aux termes de la nouvelle loi, les criminels de guerre de la Deuxième Guerre mondiale qui vivent au Canada(20). Dautres groupes et particuliers sont cependant susceptibles de sopposer à la réouverture de ces affaires. (1) William A. Schabas, « The International Criminal Court : An Historic Step to Combat Impunity », Refuge, vol. 17, no 21, août 1998. (2) Ibid., p. 22. Le préambule du Statut de Rome rappelle quil « est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux » et souligne que la Cour pénale internationale « est complémentaire des juridictions criminelles nationales ». De plus, si un État met tout en uvre pour enquêter sur une affaire et mener à bien une poursuite, le cas ne sera pas jugé recevable par la CPI conformément à larticle 17 du Statut. (3) Lentraide juridique renvoie à diverses formes de participation aux enquêtes et aux poursuites étrangères et internationales : lexécution de mandats de perquisition, lobtention dordonnances pour laudition obligatoire de témoins au Canada, etc. (4) Jules Deschênes, Rapport de la Commission denquête sur les crimes de guerre, ministère des Approvisionnements et Services, Ottawa, p. 3 et 25-27, 1986. (5) Ibid., p. 3 et 27. (6) Ibid., p. 13-14, 272-274 et 827-828. (7) Ibid., p. 86. (8) Le génocide nest pas mentionné en tant que tel au paragraphe 7(3.71) du Code criminel, mais il est considéré comme un crime contre lhumanité, sinon comme le crime contre lhumanité. (9) Comme le paragraphe 7(3.71) du Code criminel, larticle 8 du projet de loi semble oublier la situation où la victime de ce genre de crime est citoyen dun État tiers, notamment dun État ennemi, mais quelle a néanmoins servi le Canada dans le cadre de fonctions militaires ou civiles. Ce scénario était cependant prévu dans les modifications au Code criminel recommandées dans le rapport de la Commission Deschênes (voir la recommandation 28, p. 168 du rapport). (10) R. c. Finta, [1994] 1 R.C.S. 701, 88 C.C.C. (3d) 417, 112 D.L.R. (4e) 513. (11) [1994] 1 R.C.S. 701, aux p. 870-74, selon le juge Cory, pour la majorité. (12) Voir lalinéa 21(1)c) et larticle 22 du Code criminel sur la provocation et lincitation à une infraction. Concernant les membres des Forces canadiennes, voir le paragraphe 72(1) de la Loi sur la défense nationale. (13) Schabas, p. 25. (14) Finta, R.C.S. p. 840, 843 et 864, selon le juge Cory. (15) Finta, R.C.S. p. 829; et M. Cherif Bassiouni, Crimes Against Humanity in International Law, 2e éd., Kluwer Law International, La Haye, 1999, p. 450. (16) Finta, R.C.S. p. 830-838; et Bassiouni, p. 463-476. (17) Finta, R.C.S. p. 816-817 et 847-848, selon le juge Cory. (18) En fait, au printemps 1999, le président de la République fédérale de Yougoslavie, Slobodan Milosevic, a été inculpé par le Tribunal criminel international pour lancienne Yougoslavie. (19) Une modification connexe à la Loi sur limmunité des États, L.R.C. 1985, ch. S-18, proposée à larticle 70 du projet de loi vise à garantir que le refus doctroyer cette immunité dans la Loi sur lextradition, comme le propose larticle 48, lemporterait sur toute autre disposition contradictoire de la Loi sur limmunité des États. Cependant, larticle 70 du projet de loi ne semble pas nécessaire puisque, aux termes de larticle 48, larticle 6.1 proposé pour la Loi sur lextradition lemporterait sur « toute autre loi ou règle de droit ». De plus, larticle 18 de la Loi sur limmunité des États prévoit déjà que la Loi ne sapplique pas « aux poursuites pénales ni à celles qui y sont assimilées ». (20) Mike Trickey, « War Crimes Law Closes Loophole : New Legislation Makes Prosecution of Human Rights Abusers Easier », The Ottawa Citizen, 11 décembre 1999, p. A5. |