Les documents qui figurent sur ce site ont été rédigés par le personnel de la Direction de la recherche parlementaire; ils visent à tracer, à l'intention des parlementaires canadiens, dans un libellé simple et facile à saisir, le contexte dans lequel chaque projet de loi gouvernemental examiné a été élaboré et à fournir une analyse de celui-ci. Les résumés législatifs ne sont pas des documents gouvernementaux; ils n'ont donc aucun statut juridique officiel et ils ne constituent ni un conseil ni une opinion juridique. Prière de noter que la version du projet de loi décrite dans un résumé législatif est celle qui existait à la date indiquée au début du document. Pour avoir accès à la plus récente version publiée du projet de loi, veuillez vous rendre sur le site parlementaire Internet à l'adresse suivante www.parl.gc.ca.

LS-356F

 

PROJET DE LOI C-3:  LOI SUR LE SYSTÈME DE
JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS

 

Rédaction
Kristen Douglas, David Goetz
Division du droit et du gouvernement
Le 21 février 2000


HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-3

CHAMBRE DES COMMUNES

SÉNAT

Étape du Projet de loi Date Étape du projet de loi Date
Première lecture : 14 octobre 1999 Première lecture :  
Deuxième lecture : 23 novembre 1999 Deuxième lecture :  
Rapport du comité :   Rapport du comité :  
Étape du rapport :   Étape du rapport :  
Troisième lecture :   Troisième lecture :  


Sanction royale :
Lois du Canada







N.B. Dans ce résumé législatif, tout changement d'importance depuis la dernière publicaiton est indiqué en caractères gras.

TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A. Préambule, définitions et principes
      1. Préambule
      2. Définitions (article 2)
      3. Déclaration de principes (article 3)

   B. Partie 1 : Mesures extrajudiciaires
      1. Introduction
      2. Principes et objectifs
      3. Avertissements, mises en garde et renvois
      4. Sanctions extrajudiciaires

   C. Partie 2 : Organisation du système de justice pénale pour adolescents
      1. Introduction
      2. Tribunal pour adolescents
      3. Comités de justice pour la jeunesse
      4. Groupes consultatifs
      5. Juges de paix et greffiers du tribunal pour adolescents
      6. Directeurs provinciaux

   D. Partie 3 : Procédures judiciaires
      1. Examen avant l’inculpation
      2. Droit aux services d’un avocat
      3. Avis aux père et mère
      4. Détention avant le prononcé de la peine
         a. Introduction
         b. Règles régissant la détention des adolescents avant le prononcé de la peine
         c. Détention avant procès des adultes assujettie au système de justice pénale pour adolescents
         d. Placement auprès d’une « personne digne de confiance » comme solution
            de rechange à la détention
         e. Révision de l’ordonnance de cautionnement
      5. Comparution
      6. Rapports médicaux et psychologiques
      7. Jugement
      8. Appels

   E. Partie 4 : Détermination de la peine
      1. Introduction
      2. Objectif et principes
         a. Introduction
         b. Objectif et principes de la détermination de la peine
         c. Principes de la peine comportant le placement sous garde
      3. Rapport prédécisionnel
      4. Peines spécifiques
         a. Vue d’ensemble
         b. Recommandations sur la détermination de la peine
         c. Peines spécifiques susceptibles d’être infligées
         d. Peines spécifiques en cas de meurtre
         e. Placement et surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation
         f. Infraction qualifiée « d’infraction grave avec violence »
         g. Durée totale des peines spécifiques
         h. Autres peines comportant le placement sous garde
         i. Placement sous garde continue et discontinue
         j. Motifs de la peine
         k. Non-application des dispositions du Code criminel concernant la détermination de la peine
         l. Interdiction de possession d’armes
         m. Affectation d’une somme à l’aide aux victimes
         n. Ordonnances assorties de conditions relatives à la conduite
            i. Conditions
            ii. Modification de l’ordonnance
            iii. Violation de l’ordonnance
         o. Transfert des peines
         p. Examen des peines ne comportant pas de placement sous garde
      5. Peines applicables aux adultes
         a. Vue d’ensemble
         b. Demande de non-assujettissement à la peine applicable aux adultes présentée
             par l’adolescent
         c. Demande et avis du procureur général quant à l’assujettissement à une peine
             applicable aux adultes
         d. Choix du mode d’instruction
         e. Décision relative à l’assujettissement à une peine applicable aux adultes
         f. Adolescent condamné à une peine d’emprisonnement
      6. Conséquences de la cessation d’effet des peines pour adolescents

   F. Partie 5 : Garde et surveillance
      1. Objectif et principes du régime de garde et de surveillance applicable aux adolescents
         a. Objectif général et principes
         b. Séparation des adolescents et des adultes
      2. Niveaux de garde
      3. Adolescents âgés de 20 ans ou plus au moment de l’imposition de la peine
      4. Délégués à la jeunesse
      5. Congé de réinsertion sociale
      6. Transfert ou placement dans un établissement pour adultes
      7. Examen des peines de placement sous garde et mise en liberté anticipée
         a. Introduction
         b. Examen des peines de placement sous garde
         c. Examen d’autres ordonnances
      8. Mise en liberté au terme de la période de placement sous garde
         a. Conditions de la surveillance
         b. Conditions applicables à la mise en liberté sous condition
      9. Détention d’une durée excédant la période de garde
         a. Demande présentée par un directeur provincial
         b. Demande présentée par le procureur général
         c. Révision d’une ordonnance par la cour d’appel
      10. Manquement aux conditions

   G. Partie 6 : Publication, dossiers et renseignements
      1. Introduction
      2. Protection de la vie privée des adolescents
      3. Empreintes digitales et photographies
      4. Dossiers qui peuvent être tenus
      5. Accès aux dossiers

   H. Partie 7 : Dispositions générales
      1. Exclusion de la salle d’audience
      2. Infractions et peines
         a. Vue d’ensemble
         b. Non-conformité avec une peine spécifique
         c. Défaut de se conformer à une peine spécifique
         d. Non-conformité aux dispositions relatives à la publication des dossiers et des renseignements
         e. Non-conformité aux dispositions relatives à la détention avant le prononcé de la peine
         f. Utilisation illicite de formulaires de demande d’emploi
      3. Application du Code criminel
        
a. Applicabilité générale des dispositions du Code criminel
        
b. Troubles mentaux
         c. Poursuites par procédure sommaire
      4. Preuve
         a. Admissibilité des déclarations
            i. Déclarations faites par des personnes en autorité
            ii. Déclarations faites au cours des évaluations prédécisionnelles
         b. Détermination de l’âge de l’accusé
      5. Création et financement de programmes
      6. Divers

COMMENTAIRES


PROJET DE LOI C-3 : LOI SUR LE SYSTÈME
DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS

CONTEXTE

Le projet de loi C-3, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA), a été présenté à la Chambre des communes le 14 octobre 1999 par l’honorable Anne McLellan, ministre de la Justice. Le texte est essentiellement le même que le projet de loi C-68, présenté pour la première fois à la précédente session parlementaire, le 11 mars 1999. Le projet de loi C-3 abroge et remplace la Loi sur les jeunes contrevenants (LJC), adoptée par le Parlement en 1982, en vigueur depuis 1984 et modifiée en 1986, 1992 et 1995. (Cette loi avait elle-même remplacé la Loi sur les jeunes délinquants(1) adoptée en 1908). Le projet de loi C-3 a été établi en fonction du document intitulé Stratégie de renouvellement du système de justice pour les jeunes que le gouvernement a publié en mai 1998 en réponse au rapport que le Comité permanent de la justice et des questions juridiques a publié en avril 1997 et qui s’intitulait Le renouvellement du système de justice pour les jeunes.

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A. Préambule, définitions et principes
      1. Préambule

Le projet de loi comporte un préambule décrivant le contexte dans lequel le Parlement légifère, où sont décrits notamment les grandes questions sociales sur lesquelles il se penche, et les objectifs législatifs qu’il compte réaliser. Depuis quelques années, le Parlement fait un plus grand usage des préambules et d’autres techniques législatives semblables pour informer les institutions gouvernementales, les tribunaux et la population canadienne de la façon dont ses textes de loi devraient à son avis être interprétés et appliqués. C’est dans le même ordre d’idée que sont publiés des énoncés législatifs des buts, principes, objectifs et facteurs à considérer. Le projet de loi C-3 a recours à ces techniques dans plusieurs contextes différents.

Le préambule comporte cinq déclarations ou allégations qui ont pour objectif de situer le reste du texte de loi dans un cadre politique. La première d’entre elles stipule que pour protéger la société, le système de justice pénale pour les adolescents doit imposer le respect, favoriser la responsabilité et s’assurer la responsabilisation par la prise de mesures offrant des perspectives positives, ainsi que par la réadaptation et la réinsertion sociale efficaces. Le système doit limiter la prise des mesures les plus sévères aux crimes les plus graves et diminuer l’incarcération des adolescents non violents sur laquelle nous comptons trop aujourd’hui. Selon la deuxième déclaration du préambule, la meilleure façon d’atteindre ces objectifs est de substituer à la LJC un nouveau cadre juridique pour le système de justice pénale pour les adolescents.

Aux termes de la troisième déclaration du préambule, la société se doit de répondre aux besoins des adolescents dans leur développement et de leur offrir soutien et conseil jusqu’à l’âge adulte. Par conséquent, selon la quatrième déclaration, les collectivités, les familles, les parents et les autres personnes qui s’intéressent au développement des adolescents devraient s’efforcer, par la prise de mesures multidisciplinaires, de prévenir la délinquance juvénile en s’attaquant à ses causes, de répondre aux besoins des adolescents et d’offrir soutien et conseil à ceux d’entre eux qui risquent de commettre des actes délictueux.

Enfin, le préambule rappelle que le Canada est partie à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et que les adolescents, outre les protections constitutionnelles offertes à tous les Canadiens, bénéficient de mesures spéciales de protection de leurs droits et libertés.

Malgré la déclaration de principes à l’article 3, un préambule comme celui-ci n’existe pas dans la LJC.

      2. Définitions (article 2)

L’article 2 du projet de loi fournit un certain nombre de définitions essentielles à l’application de la loi proposée. Une grande partie des principaux termes et des définitions – plus particulièrement ceux qui ont trait à la portée de l’application du texte législatif – n’ont pas changé par rapport à la LJC. Par exemple, les définitions attribuées aux termes « enfant », « adolescent » et « adulte » continuent de limiter l’application de la Loi aux personnes âgées de douze à dix-huit ans. De plus, s’entend toujours d’une « infraction » toute infraction créée par une loi fédérale ou par ses textes d’application (règlement, règle, décret, arrêté, règlement administratif ou ordonnance), à l’exclusion des ordonnances du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest. L’unique modification que l’article 2 apporte à cette définition est l’ajout des infractions créées par les lois de la nouvelle Législature du Nunavut à celles qui ne créent pas une « infraction » aux termes de la Loi. Tout comme le stipule la LJC, les adolescents qui commettent une infraction provinciale ou territoriale sont assujettis aux lois provinciales ou territoriales qui s’appliquent.

L’article 2 ajoute aussi quelques nouvelles définitions résultant d’autres modifications proposées au texte de loi. Ainsi, le terme « infraction désignée » fait référence aux infractions pour lesquelles une peine applicable aux adultes est supposée pertinente. Une « infraction désignée » comprend les quatre infractions précisées pour le moment au paragraphe 16(1.01) de la LJC qui traite du renvoi par présomption, à savoir un meurtre au premier ou au deuxième degré, une tentative de meurtre, un homicide involontaire coupable et une agression sexuelle grave. Est également considérée comme une infraction désignée une infraction grave avec violence pour laquelle un adulte encourrait une peine d’emprisonnement de plus de deux ans dans le cas où, avant que cette infraction soit commise, il a déjà été décidé à au moins deux reprises et lors de poursuites distinctes, que l’adolescent a commis une infraction grave avec violence. L’article 2 ajoute aussi les termes « infraction avec violence » (toute infraction qui cause des lésions corporelles ou risque d’en causer), « infraction grave avec violence (toute infraction qui cause des lésions corporelles graves ou risque fort d’en causer), et « infraction sans violence ».

Enfin, certains des termes courants utilisés et définis dans la LJC sont modifiés. Ainsi, le terme « mesures de rechange » est remplacé par « mesures extrajudiciaires » bien que leur définition demeure inchangée. C’est aussi le cas du terme « décision » qui est remplacé par « peine spécifique », précisant que même si les conséquences peuvent changer, les jeunes contrevenants sont, comme les adultes, tenus responsables aux yeux de la loi des gestes qu’ils posent et qui contreviennent aux règlements. Le terme « juridiction normalement compétente » et sa définition sera supprimée de la Loi. Cette décision fait écho à la proposition d’éliminer les dispositions liées au renvoi de certaines infractions commises par des adolescents au système de justice pénale pour les adultes. En lieu et place, le projet de loi C-3 permet aux « tribunaux pour adolescents » (le nouveau titre proposé) de prononcer des peines applicables aux adultes dans certaines circonstances.

      3. Déclaration de principes (article 3)

L’article 3 énonce dans des termes généraux l’intention du Parlement relativement à la promulgation du projet de loi C-3. Contrairement au préambule, la déclaration de principes est insérée dans le texte de loi, ce qui renforce son influence sur l’interprétation de la loi proposée en ce qu’elle précise les valeurs à respecter au moment de ses mise en œuvre et application.

Le paragraphe 3(1) comporte quatre principes interreliés et classés par ordre. Selon le premier, le système de justice pénale pour adolescents a pour but premier de protéger le public par les moyens suivants : la prévention du crime, la prise de mesures offrant des perspectives positives aux adolescents qui commettent des actes délictueux, la réadaptation et la réinsertion sociale de ceux-ci. Selon le deuxième principe, le système de justice pénale pour les adolescents doit être distinct de celui pour les adultes et mettre l’accent sur une responsabilité juste et proportionnelle, sur la prise de mesures procédurales supplémentaires, de même que sur la réadaptation et la réinsertion sociale.

Le troisième principe établit que les mesures prises à l’égard des adolescents qui commettent des actes délictueux, en plus de respecter le principe de la responsabilité juste et proportionnelle, doivent viser à renforcer leur respect pour les valeurs de la société, favoriser la réparation des dommages causés à la victime et à la collectivité, leur offrir des perspectives positives, prendre en compte les différences ethniques, culturelles, linguistiques et entre les sexes, et répondre aux besoins propres à d’autres groupes particuliers d’adolescents. Le dernier des quatre principes établit que des règles spéciales s’appliquent aux procédures intentées contre les adolescents. Au titre de celles-ci, les adolescents jouissent, et ce personnellement, de droits et libertés, les victimes doivent être traitées avec courtoisie, compassion et respect, elles doivent aussi être informées, et les père et mère de l’adolescent doivent être informés et être encouragés à lui offrir leur soutien.

Ces mêmes principes se retrouvent en grande partie au paragraphe 3(1) de la LJC, sauf que la nouvelle déclaration de principes proposée au paragraphe 3(1) tente de prioriser un sous-ensemble particulier des principes énoncés. On a critiqué la déclaration que contient la LCJ en raison du fait que quelques-uns des principes qu’elle contient en contredisent d’autres et que la Loi elle-même ne procure aucune façon claire et précise pour résoudre pareils conflits. Ainsi, on peut lire à l’alinéa 3(1)a) que la protection du public est « un des buts premiers du droit pénal applicable aux jeunes ». Toutefois, l’article précise que c’est par la prévention du crime qu’on arrivera le mieux à protéger la société en supprimant les causes sous-jacentes à la criminalité chez les jeunes, et que si les mesures de prévention ne donnent pas de résultats, il faut prendre des mesures qui leur offrent des « perspectives positives », plus particulièrement la réadaptation et la réinsertion sociale. L’alinéa 3(1)a) semble parler du concept de la protection de la société à long terme.

Règle générale, la nouvelle déclaration de principes proposée semble écarter certaines considérations, celles notamment de demander à la société de dénoncer le comportement délictueux des adolescents et de vouloir protéger le public à court terme contre certains types de contrevenants, pour favoriser plutôt les décisions comportant le placement sous garde des jeunes contrevenants. Dans l’ensemble, la nouvelle déclaration de principes proposée au paragraphe 3(1) du projet de loi cadre avec les recommandations qu’a faites le Comité permanent de la justice et des questions juridiques dans son rapport publié en 1997(2).

L’autre différence majeure par rapport à la déclaration de principes de la LJC est l’ajout à l’alinéa 3(1)d) de références aux besoins, aux intérêts et au rôle des victimes à l’intérieur d’un système de justice pénale pour les adolescents.

Tout comme le paragraphe 3(2) de la Loi, le paragraphe 3(2) du projet de loi exige que la loi soit « interprétée libéralement » conformément au contenu de la déclaration de principes.

   B. Partie 1 : Mesures extrajudiciaires
      1. Introduction

La partie 1 du projet de loi C-3 porte sur les « mesures extrajudiciaires », le nouveau terme proposé pour remplacer ce qu’on appelle les « mesures de rechange » dans la LJC, qui permettent de faire répondre les adolescents de leurs gestes délictueux sans porter contre eux une accusation formelle devant les tribunaux. Les sanctions extrajudiciaires, notamment un avertissement par la police, une mise en garde, le renvoi à un programme communautaire, l’obligation de s’excuser auprès de la victime, la reconnaissance et la réparation des dommages causés et l’exécution d’un travail au profit de la collectivité, sont perçues comme des mesures qui offrent des perspectives plus positives pour la majeure partie des crimes commis par les adolescents et qui permettent de sanctionner rapidement et à un coût moindre les comportements délictueux comparativement à une accusation formelle devant les tribunaux. De plus, ces mesures de rechange extrajudiciaires respectent l’engagement du Canada en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (voir l’article 40(3)(b) de la Convention). Des recherches effectuées récemment indiquent que par rapport aux États-Unis, au Royaume-Uni, à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande, le Canada sous-utilise de telles mesures et a donc tendance à soustraire un moins grand nombre de crimes commis par les adolescents au système formel de justice(3).

La partie 1 du projet de loi donne suite à une recommandation que le Comité permanent de la justice a formulée dans son rapport de 1997 en faveur de la réforme du système de justice pour les jeunes de façon à inclure des mesures de rechange(4). Les provinces conservent toutefois une marge de manœuvre considérable pour ce qui concerne la précision des différentes mesures extrajudiciaires et la portée de leur application.

La LJC dans son libellé actuel prévoit des mesures de rechange aux poursuites judiciaires, mais donne peu d’information quant à leur nature exacte, le moment où il convient le mieux de les appliquer, l’autorité qui décide de leur utilisation et le but de chacune. Le projet de loi C-3 veut combler ces lacunes en offrant un cadre d’action plus précis et plus structuré pour appliquer de telles mesures extrajudiciaires. Aux termes de la LJC, des mesures de rechange supposent l’exécution de certaines actions, par exemple un travail au profit de la collectivité, en contrepartie desquelles le poursuivant retire l’accusation portée contre l’adolescent. Le projet de loi C-3 incorpore expressément des mesures moins formelles – par exemple un avertissement par la police, une mise en garde, et le renvoi à des programmes communautaires – qui pourraient être appliquées plus rapidement encore et sans qu’aucune accusation ne soit portée. La police, depuis toujours, a le choix d’appliquer certaines de ces mesures de rechange informelles, mais certains indices portent à croire que la police exerce dans une moins grande mesure, depuis quelques années, le pouvoir discrétionnaire qu’elle a de ne pas porter d’accusation(5). Le projet de loi C-3 consacre dans la loi l’application de ces mesures extrajudiciaires moins formelles pour sanctionner le comportement délictueux des adolescents, oblige la police à s’interroger sur la pertinence de telles mesures en regard de chacun des crimes commis et présume de leur pertinence à l’endroit des adolescents qui commettent une infraction sans violence et n’ont jamais été déclarés coupables d’une infraction auparavant.

      2. Principes et objectifs

La partie 1 du projet de loi établit tout d’abord une série de principes et d’objectifs qui sont sensés donner matière à réflexion aux personnes participant à la détermination et à la mise en œuvre des mesures extrajudiciaires (principalement les ministres de la justice provinciaux, la police et les procureurs). L’article 4 stipule que les principes suivants s’appliquent à la partie 1 du projet de loi :

  • le recours aux mesures extrajudiciaires est souvent la meilleure façon de s’attaquer à la délinquance juvénile;
  • le recours à ces mesures permet d’intervenir rapidement et efficacement pour réprimer le comportement délictueux des adolescents;
  • il est présumé que la prise de mesures extrajudiciaires suffit pour faire répondre les adolescents de leurs actes délictueux dans le cas où ceux-ci ont commis des infractions sans violence et n’ont jamais été déclarés coupables d’une infraction auparavant;
  • il convient de recourir aux mesures extrajudiciaires lorsqu’elles suffisent pour faire répondre les adolescents de leurs actes délictueux même si les adolescents ont déjà été déclarés coupables d’une infraction.

Le recours à des mesures extrajudiciaires vise les objectifs suivants (article 5) :

  • sanctionner rapidement et efficacement le comportement délictueux de l’adolescent sans avoir recours aux tribunaux;
  • inciter l’adolescent à reconnaître et à réparer les dommages causés à la victime et à la collectivité;
  • favoriser la participation de la famille de l’adolescent à leur détermination et mise en œuvre;
  • donner la possibilité à la victime de participer au traitement du cas de l’adolescent et d’obtenir réparation;
  • respecter les droits et libertés de l’adolescent et tenir compte de la gravité de l’infraction.

      3.  Avertissements, mises en garde et renvois

Le projet de loi propose deux vastes catégories de mesures extrajudiciaires : les avertissements, les mises en garde et les renvois à des programmes communautaires dans le cas des infractions moins graves, et les « sanctions extrajudiciaires » à l’égard d’infractions dont la nature est plus grave.

Aux termes du paragraphe 6(1), l’agent de police doit déterminer s’il est préférable, compte tenu des principes énoncés précédemment (article 4), plutôt que d’engager des poursuites contre l’adolescent ou de recourir à des sanctions extrajudiciaires, de lui donner soit un avertissement, soit une mise en garde (si de tels programmes existent -- voir le paragraphe suivant), ou de le renvoyer à un programme communautaire. Le fait pour l’agent de police de ne pas se conformer au paragraphe 6(1) n’a pas pour effet cependant d’invalider les accusations portées contre l’adolescent pour l’infraction en cause (paragraphe 6(2)).

Les corps policiers ou les poursuivants peuvent mettre en garde un adolescent si le procureur général des gouvernements fédéral et provinciaux a établi un programme les autorisant à le faire (articles 7 et 8). Contrairement à un simple « avertissement » que l’agent de police donne sur-le-champ ou au domicile de l’adolescent, une « mise en garde » est faite normalement plus tard au poste de police ou au bureau du poursuivant, et peut obliger l’adolescent qui a commis l’infraction à s’excuser auprès de la victime. Cependant, le projet de loi ne donne aucune définition spécifique des termes « avertissement » et « mise en garde », pas plus qu’il ne les distingue l’un de l’autre.

Aux termes de l’article 9, les renseignements relatifs à la prise des mesures d’avertissement, de mise en garde ou de renvoi par suite d’une infraction, ou au fait que l’agent de police n’a pris aucune autre mesure en regard de l’infraction en cause ne peuvent être mis en preuve dans les procédures judiciaires devant le tribunal pour adolescents pour établir le comportement délictueux de l’adolescent. Cette restriction fait référence principalement aux audiences de détermination de la peine pour toutes infractions subséquentes.

      4. Sanctions extrajudiciaires

Le recours à une sanction extrajudiciaire n’est possible que dans les cas où la nature et le nombre des infractions antérieures commises par l’adolescent, la gravité de celle qui lui est reprochée ou toute autre circonstance aggravante ne permettent pas le recours à l’avertissement, à la mise en garde ou au renvoi (paragraphe 10(1)). Les sanctions extrajudiciaires correspondent au modèle actuel des « mesures de rechange » que prévoit la LJC. Elles représentent une intervention plus sérieuse et plus formelle que les autres mesures extrajudiciaires. À l’instar de la loi actuelle, les sanctions extrajudiciaires sont appliquées selon les principes de l’absolution sous condition, à l’exception toutefois de tout verdict de culpabilité. Dans la mesure où l’adolescent a respecté certaines conditions – par exemple la réparation des torts causés à la victime ou l’exécution d’un travail au profit de la collectivité – une accusation au criminel est suspendue ou une ordonnance de non-lieu est rendue à son égard.

Quant aux autres mesures extrajudiciaires, le projet de loi ne décrit pas la nature exacte des sanctions envisagées. Il appartiendrait aux provinces de fournir ces précisions. Le projet de loi réitère toutefois les conditions et les restrictions auxquelles sont assujettis le recours et l’exécution des sanctions extrajudiciaires, soit les mêmes qui s’appliquent pour le moment aux mesures de rechange que prévoit la LJC (voir l’article 4 de la LJC et les paragraphes 10(2) à 10(6) du projet de loi C-3) :

  • la sanction extrajudiciaire doit être prévue dans le cadre d’un programme autorisé soit par le procureur général, soit par une personne désignée par le lieutenant-gouverneur en conseil de la province;
  • la sanction extrajudiciaire doit être appropriée, compte tenu des besoins de l’adolescent et de l’intérêt de la société;
  • l’adolescent doit accepter librement de faire l’objet de la sanction extrajudiciaire;
  • l’adolescent, avant d’accepter de faire l’objet de la sanction extrajudiciaire, doit être avisé de son droit aux services d’un avocat et se voit donner la possibilité d’en consulter un;
  • l’adolescent doit se reconnaître responsable de l’acte ou de l’omission à l’origine de l’infraction qui lui est imputée;
  • le procureur général doit estimer qu’il y a des preuves suffisantes justifiant la poursuite de l’infraction;
  • aucune règle de droit ne doit par ailleurs y faire obstacle;
  • l’adolescent ne peut dénier sa participation à la perpétration de l’infraction;
  • l’adolescent ne peut manifester le désir d’être jugé par le tribunal pour adolescents;
  • les aveux de culpabilité par l’adolescent ne sont pas, lorsqu’il les a faits pour pouvoir bénéficier d’une sanction extrajudiciaire, admissibles en preuve contre lui dans toutes poursuites civiles ou pénales;
  • le recours à une sanction extrajudiciaire ne fait pas obstacle à l’introduction de poursuites contre l’adolescent sauf si ce celui-ci s’est totalement conformé aux modalités de la sanction.

Le projet de loi stipule également que des tierces parties sont informées du recours à des sanctions extrajudiciaires. Ainsi, les parents de l’adolescent doivent recevoir un avis oral ou écrit de la sanction qui a été prise (article 11), et la victime a le droit d’être informée de l’identité de l’adolescent qui fait l’objet d’une sanction extrajudiciaire et de la nature de celle-ci (article 12).

   C. Partie 2 : Organisation du système de justice pénale pour les adolescents
      1. Introduction

La partie 2 du projet de loi C-3 procure une base législative à l’existence et aux pouvoirs de certains intervenants clés à l’intérieur du système de justice pénale pour les adolescents.

      2. Tribunal pour adolescents

L’article 13 prévoit l’établissement d’un « tribunal pour adolescents » soit sous le régime d’une loi provinciale soit par les pouvoirs exécutifs provinciaux ou fédéraux. Le juge d’un tribunal désigné ainsi porte le titre de juge d’un tribunal pour adolescents. Les mêmes dispositions existent dans la LJC, à l’exception du nom désignant le tribunal dans le cas de jeunes contrevenants qui pourrait changer de « tribunal à la jeunesse » à « tribunal pour adolescents ».

L’article 13 stipule également qu’une autre cour de juridiction criminelle, autrement dit un tribunal pour adultes, est réputée constituer un tribunal pour adolescents pour les causes devant eux qui impliquent des adolescents. Plutôt que de prévoir le renvoi de certaines infractions graves perpétrées par les adolescents devant les tribunaux de justice pénale pour adultes, comme c’est le cas sous le régime de la LJC, le projet de loi C-3 permet aux tribunaux de justice pénale pour adolescents d’appliquer des peines applicables aux adultes. Cependant, il faut pour cela que les adolescents se voient offrir le choix d’une enquête préliminaire et d’un procès devant jury, soit une procédure autorisée pour les infractions graves devant un tribunal de justice pénale pour adultes mais que ne peut appliquer pour le moment un tribunal de justice pénale pour adolescents, sauf dans les cas de meurtre. Un tribunal de justice pénale pour adolescents désigné est généralement une cour « inférieure » présidée par des juges nommés par la province. Toutefois, ce type de tribunal n’a pas la compétence généralement de juger des infractions criminelles qui ont fait l’objet d’une enquête préliminaire(6) et n’instruit jamais un procès devant jury. L’article 13 permet donc à un juge nommé par le fédéral à une cour supérieure, qui a déjà la compétence d’instruire pareilles causes, de siéger à un tribunal de justice pénale pour adolescents sans perdre les attributions de la cour supérieure (paragraphe 14(7)).

Le tribunal de justice pénale pour adolescents conserve la compétence, accordée sous le régime de la présente LJC, de prendre des mesures à l’égard d’adultes pour ce qui concerne des infractions présumées avoir été commises avant qu’ils aient atteint l’âge de 18 ans. L’article 14 accorde au tribunal de justice pénale pour adolescents la compétence exclusive pour toute présumée infraction à une loi fédérale qu’une personne aurait commise entre l’âge de 12 et de 17 ans inclusivement, mais sous réserve des infractions réglementaires visées par la Loi sur les contraventions et des infractions de compétence militaire en vertu de la Loi sur la défense nationale. De plus, l’article 14 indique expressément que le tribunal de justice pénale a la compétence pour rendre des ordonnances de prévention telle une ordonnance de bonne conduite. Comme c’est le cas pour les tribunaux pour adolescents sous le régime de la LJC, le juge du tribunal pour adolescents, aux termes du projet de loi C-3 et pour l’application de la loi, est juge de paix ou juge de la cour provinciale et a les attributions que le Code criminel confère à la cour des poursuites sommaires. En vertu du projet de loi C-3, le juge d’une cour supérieure réputé être un juge du tribunal pour adolescents conserve aussi les attributions de cette cour.

À l’instar de la LJC, il est prévu dans le projet de loi C-3 que toute infraction dont le délai de prescription fixé est expiré ne peut donner lieu à des mesures judiciaires ou extrajudiciaires. Contrairement au paragraphe 5(2) de la LJC, toutefois, le paragraphe 14(3) précise cependant qu’à moins d’une entente à l’effet contraire entre le procureur général et l’adolescent, cette interdiction générale s’applique. Le poursuivant serait donc en mesure de procéder par voie sommaire dans le cas où il serait obligé autrement de procéder par voie de mise en accusation pour pouvoir intenter une poursuite.

L’article 15 du projet de loi précise les attributions du tribunal pour adolescents en matière d’outrage au tribunal, et remet en vigueur, dans une large partie, les dispositions à cet effet à l’article 47 de la LJC. Le tribunal pour adolescents exerce, en matière d’outrage au tribunal, toutes les attributions conférées à un juge de la cour supérieure de la province où il siège. Il a compétence pour tout outrage au tribunal commis soit par un adolescent envers un autre tribunal au cours des audiences de celui-ci, soit par un adulte à son encontre au cours de ses audiences. Un adolescent trouvé coupable d’outrage au tribunal peut se voir infliger une peine spécifique prévue à la partie 4 du projet de loi. L’article 708 du Code criminel s’applique aux poursuites pour outrage au tribunal engagées contre des adultes devant le tribunal pour adolescents. En vertu de cette dernière disposition, un témoin adulte qui ne se présente pas au tribunal ou ne reste pas présent comme requis peut faire l’objet d’une procédure sommaire devant le tribunal pour adolescents, et être passible en pareil cas d’une amende d’au plus 100 $ ou d’une peine d’emprisonnement d’au plus 90 jours, sinon les deux. Toutefois, contrairement à l’actuel tribunal pour adolescents, le tribunal de justice pénale pour adolescents proposé n’aurait pas nécessairement une compétence exclusive, quelle qu’elle soit, pour outrage au tribunal commis par un adolescent.

L’article 16, qui traite du problème de juridiction dans le cas d’une infraction qu’une personne aurait commise au cours d’une période comprenant le jour où elle a atteint l’âge de 18 ans, accorde la compétence au tribunal pour adolescents dans des causes semblables. S’il est prouvé que l’infraction a été commise après que la personne eut atteint l’âge de 18 ans, le tribunal pour adolescents est libre de lui infliger la peine dont serait passible l’adulte déclaré coupable de la même infraction.

L’article 17 reproduit l’article 68 de la LJC qui procure au tribunal pour adolescents siégeant dans une province le pouvoir d’établir des règles de fonctionnement qui régissent entre autres les fonctions du personnel du tribunal, la pratique et la procédure devant le tribunal, les formules à utiliser et toute autre question jugée opportune « pour la bonne administration de la justice ». Ces règles de fonctionnement doivent être compatibles avec tous règlements du gouverneur en conseil qui sont pris en vertu de l’article 154. Qui plus est, les règles établies sous le régime du présent article doivent, comme le prescrit la LJC, recevoir l’agrément du lieutenant-gouverneur en conseil de la province et être publiées dans la gazette de la province indiquée.

      3. Comités de justice pour la jeunesse

L’article 69 de la LJC prévoit la création de comités de justice pour la jeunesse, qui sont des comités de citoyens nommés pour prêter leur concours, à titre bénévole, à la mise en œuvre de la Loi ainsi qu’à tout service ou programme pour jeunes contrevenants. La création de tels comités appartient au procureur général d’une province, ou à tout autre ministre désigné par le lieutenant-gouverneur en conseil de la province, qui prévoit également leurs fonctions et le mode de nomination de leurs membres.

L’article 18 du projet de loi conserve cette disposition, exception faite de la clause voulant que les membres du comité s’acquittent de leurs responsabilités à titre bénévole, et autorise le procureur général du Canada à établir des comités de justice pour la jeunesse. L’article 18 fournit aussi une direction législative spécifique à l’établissement des fonctions de ces comités. Le paragraphe 18(2) précise que les comités de justice pour la jeunesse peuvent exercer les attributions suivantes :

  • recommander les mesures extrajudiciaires qu’il convient de prendre dans le cas d’un adolescent à l’agent de police ou au procureur général;
  • s’informer des préoccupations de la victime et encourager sa réconciliation avec l’adolescent;
  • veiller au soutien de l’adolescent par la collectivité;
  • aider à coordonner l’action de tout organisme de protection de la jeunesse ou groupe communautaire qui est également saisi du cas de l’adolescent, avec le système de justice pénale pour les adolescents;
  • informer les gouvernements fédéral et provinciaux sur les dispositions à être observées de la présente loi qui confère aux adolescents des droits ou leur offre des mesures de protection;
  • conseiller les gouvernements fédéral et provinciaux sur les orientations et les procédures relatives au système de justice pénale pour les adolescents;
  • renseigner le public sur les dispositions de la présente loi et sur le système de justice pénale pour les adolescents;
  • jouer le rôle de groupe consultatif (voir ci-dessous);
  • exercer les autres fonctions que lui confie le procureur général/fédéral ou provincial.

En mettant plus d’emphase dans la loi sur l’existence des comités de justice pour la jeunesse et sur leur rôle éventuel de coordonnateur entre le tribunal de justice pénale pour les adolescents et d’autres institutions et systèmes pour la jeunesse au sein de la collectivité (notamment les systèmes d’éducation et de protection des enfants), l’article 18 du projet de loi tient compte de points importants soulevés dans les conclusions et les recommandations du rapport que le Comité permanent de la justice a publié en 1997. Bien que ce rapport semble promouvoir la coordination avec ces institutions et systèmes par l’entremise de leur représentation au sein des comités de justice pour la jeunesse(7), le projet de loi C-3 ne précise pas toutefois la composition des comités.

      4. Groupes consultatifs

Tout comme les comités de justice pour la jeunesse, les groupes consultatifs sont établis pour permettre à des gens qui ne font partie du système judiciaire de participer aux activités du tribunal pour adolescents en recommandant des mesures communautaires plus créatives pour réprimer la délinquance juvénile. Toutefois, contrairement aux comités de justice pour la jeunesse, les groupes consultatifs sont généralement des groupes spéciaux qui se réunissent pour traiter d’une cause particulière. D’ordinaire, le groupe consultatif réunit dans un cadre informel l’adolescent qui a commis l’infraction, les membres de sa famille, la victime et les gens qui la soutiennent dans le but de discuter franchement de l’infraction et de ses effets, et de la solution au conflit, ce peut être une excuse, une restitution ou un service rendu au profit de la collectivité. Le concept des groupes consultatifs s’inspire dans un premier temps de la concertation des familles qui se fait dans d’autres pays, entre autres en Nouvelle-Zélande et en Australie, et d’expériences fructueuses fondées sur le même principe dans certaines collectivités éloignées au Canada, dans un deuxième temps du modèle autochtone qu’on appelle « cercle de détermination de la peine ». Dans le rapport qu’il a publié en 1997, le Comité permanent de la justice a recommandé la réforme du système de justice pour les jeunes de façon à inclure des mesures de rechange pour réprimer la délinquance juvénile, notamment la création de groupes consultatifs(8).

L’article 19 du projet de loi procure une base législative pour ces groupes consultatifs. Aux termes du paragraphe 19(1), le juge du tribunal pour adolescents, le directeur provincial (voir la description qui suit), l’agent de la paix ou toute autre personne tenue de prendre une décision dans le cadre de la présente loi peut, à cette fin, constituer un groupe consultatif. Le paragraphe 19(2) suggère des mandats que le groupe consultatif peut avoir, ceux notamment de faire des recommandations relativement aux mesures extrajudiciaires, aux conditions de mise en liberté avant procès, à la peine, y compris son examen, et à tout plan de réinsertion sociale (voir ci-après les articles 59, 89 et 93-95) à cet effet. Comme c’est le cas pour les comités de justice pour la jeunesse, le projet de loi procure une marge de manœuvre considérable pour ce qui est de l’actuelle mise en œuvre des groupes consultatifs.

      5. Juges de paix et greffiers du tribunal pour adolescents

Les articles 20 et 21 du projet de loi remettent en vigueur les dispositions de la LJC qui traitent des compétences du juge de paix et du greffier du tribunal pour adolescents (voir les articles 6 et 65 de la LJC). Le seul changement réside dans l’ajout du paragraphe 20(2) qui précise que le juge de paix a aussi compétence pour rendre à l’égard de l’adolescent l’ordonnance de bonne conduite visée à l’article 810 du Code criminel. Si toutefois l’adolescent omet ou refuse de contracter l’engagement prévu (ordonnance de bonne conduite), le juge de paix renvoie l’affaire au tribunal pour adolescents.

      6. Directeurs provinciaux

Le directeur provincial est une personne, un groupe de personnes ou un organisme, nommé ou désigné par une province pour y exercer les attributions que lui confère la LJC, à savoir la supervision de certains aspects du travail du tribunal pour adolescents, notamment la détention et la garde de l’adolescent, les rapports pré-décisionnels, l’administration des ordonnances de probation ou de surveillance, et l’examen des décisions. Le projet de loi C-3 maintient cette position et l’article 22 du document reprend le paragraphe 2.1 de la LJC qui permet au directeur provincial d’autoriser toute personne à exercer les pouvoirs et fonctions qui lui sont attribués sous le régime de la loi.

   D. Partie 3 : Procédures judiciaires
      1. Examen avant l’inculpation

L’article 23 autorise le procureur général des gouvernements provinciaux et fédéral à établir un programme d’examen préalable à l’inculpation. De tels programmes ont pour effet de soustraire une cause de la procédure pénale traditionnelle quand une intervention moins sévère, par exemple la prise de mesures extrajudiciaires (appelées « mesures de rechange » dans la LJC) suffit. Dans l’ensemble, cette disposition attribue simplement un cadre statutaire fédéral et de reconnaissance pour l’examen avant inculpation et les programmes de déjudiciarisation qui existent déjà.

La possibilité de soustraire les crimes appropriés au processus de justice formel est élargie aux poursuites privées dans la mesure où le procureur général concerné donne son consentement à cet effet (article 24).

      2. Droit aux services d’un avocat

Aux termes du paragraphe 10(b) de la Charte canadienne des droits et libertés, chacun a droit, en cas d’arrestation ou de détention « d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informé de ce droit ». L’article 11 de la LJC est explicite par rapport à cette garantie juridique fondamentale et fournit plus de détails sur le droit qu’a l’adolescent de recourir à l’assistance d’un avocat devant le tribunal pour adolescent, et sur la façon dont le tribunal rend ce droit exécutoire. L’article 25 du projet de loi reprend essentiellement les dispositions de l’article 11 de la LJC.

Il déclare généralement que l’adolescent a le droit de se faire représenter par un avocat, et ce personnellement (c.-à-d. que ce droit doit être exercé par l’entremise d’un parent ou d’un gardien même si cela peut nécessiter un lien contractuel), à toute phase des poursuites intentées contre lui, ainsi qu’avant et pendant l’examen de l’opportunité de recourir à une sanction extrajudiciaire au lieu d’intenter des poursuites (paragraphe 25(1)).

L’article 25 propose également que l’adolescent soit avisé du droit qu’il a de recourir aux services d’un avocat, et qu’on lui donne la possibilité d’exercer ce droit à des moments précis durant la procédure de justice pénale pour adolescents. L’adolescent doit, dès son arrestation ou sa mise en détention, être avisé de son droit par l’agent (paragraphe 25(2)). Par la suite, le tribunal ou la commission d’examen saisi de différentes procédures sous le régime du projet de loi doit également aviser l’adolescent de son droit d’avoir recours aux services d’un avocat, à moins qu’il ne soit déjà représenté par un avocat (paragraphe 25(3)).

Lorsque l’adolescent désire obtenir les services d’un avocat et n’y arrive pas, le tribunal ou la commission saisi de la procédure doit soumettre le cas de l’adolescent au service d’aide juridique de la province où se déroule l’audience pour qu’il lui soit désigné un avocat (alinéas 25(4)a) et 25(6)a)). S’il n’existe pas de service d’aide juridique ou si l’adolescent n’a pu obtenir un avocat par l’intermédiaire d’un tel service, le tribunal ou la commission d’examen doit ordonner qu’un avocat lui soit désigné (alinéas 25(4)b) et 25(6)b)) par le procureur général de la province (paragraphe 25(5)).

Le paragraphe 25(7) stipule que le tribunal ou la commission d’examen peut permettre à l’adolescent, s’il en fait la demande, de se faire assister par un adulte jugé idoine plutôt que par un avocat.

Le paragraphe 25(9) stipule qu’une déclaration attestant que l’adolescent a le droit d’être représenté par un avocat doit figurer dans différents documents publiés en rapport avec la procédure contre l’adolescent.

De plus, dans le cas où il estime qu’il y a conflit entre les intérêts de l’adolescent et ceux de ses père et mère et qu’il serait préférable pour l’adolescent qu’il soit représenté par son propre avocat, le tribunal pour adolescents doit s’assurer que l’adolescent est représenté par un avocat n’ayant aucun lien avec les père ou mère (paragraphe 25(8)).

L’article 25 ajoute deux nouvelles dispositions par rapport au droit qu’a l’adolescent de recourir aux services d’un avocat devant le tribunal pour adolescents. Le paragraphe 25(10) précise que rien dans le projet de loi n’a pour effet d’empêcher une province d’établir un programme autorisant à recouvrer auprès de l’adolescent ou de ses père et mère le montant des honoraires versés à l’avocat qui le représente. Le recouvrement ne peut avoir lieu toutefois qu’au terme de la procédure. Le paragraphe 25(11) limite l’application de certaines des obligations précitées à l’adolescent qui, à la date de sa première comparution devant le tribunal pour adolescents relativement à l’infraction qui lui est reprochée, n’a pas atteint l’âge de 20 ans.

      3. Avis aux père et mère

Pour renforcer la responsabilité des père et mère de l’adolescent, la LJC comporte des dispositions exigeant, lorsqu’un adolescent doit comparaître devant le tribunal pour adolescents, que les père et mère de l’adolescent soient avisés et, dans certains cas, que les père et mère se présentent au tribunal pour adolescents. Ces dispositions (articles 9 et 10) de la LJC sont préservées dans les articles 26 et 27 du projet de loi C-3.

Le paragraphe 26(1) exige qu’un avis soit donné dans les meilleurs délais au père ou mère de l’adolescent qui est arrêté et détenu sous garde en attendant sa comparution devant le tribunal. Lorsque l’adolescent se voit décerner une sommation ou une citation à comparaître, ou que l’agent de police le met en liberté en attendant qu’il comparaisse devant le tribunal, le paragraphe 26(2) exige que l’agent donne au père ou à la mère de l’adolescent un avis écrit de la sommation, de la citation à comparaître, de la promesse de comparaître, ou de l’engagement, selon le cas. Aux termes du paragraphe 26 (3), qui est une nouvelle disposition dans le projet de loi, le père ou la mère de l’adolescent doit recevoir un avis écrit du procès-verbal de toute contravention que reçoit l’adolescent sous le régime de la Loi sur les contraventions (qui traite des infractions aux lois fédérales).

Tout avis sous le régime de l’article 26 peut être donné à un parent adulte de l’adolescent, connu de lui et susceptible de l’aider ou, à défaut, à un autre adulte, connu de lui et susceptible de l’aider, que la personne qui donne l’avis estime approprié, lorsque ni le père ni la mère ne semblent être disponibles. En cas de doute sur la personne fondée à recevoir l’avis prévu à l’article 26, un juge du tribunal pour adolescents peut déterminer, aux termes du paragraphe 26(5), à qui l’avis doit être donné.

Généralement, le fait de ne pas donner l’avis prévu à l’article 26 n’invalide pas les procédures engagées sous le régime du présent projet de loi (paragraphe 26(9)). Par contre, si l’avis mentionné n’est pas donné et si aucune des personnes auxquelles il aurait pu être donné ne s’est présentée au tribunal avec l’adolescent, le juge du tribunal pour adolescents doit soit ajourner l’affaire et ordonner qu’avis soit donné selon les modalités indiquées, soit passer outre à l’avis s’il l’estime non indispensable (paragraphes 26(10) et (11)).

Le nouveau paragraphe 26(12) précise que les obligations concernant la signification de l’avis au père ou à la mère ne s’appliquent pas à l’adolescent qui, à la date de sa première comparution devant le tribunal pour adolescents relativement à l’infraction qui lui est reprochée, a atteint l’âge de 20 ans.

Si le tribunal pour adolescents est d’avis que la présence du père ou de la mère de l’adolescent est nécessaire ou qu’elle s’impose dans l’intérêt de l’adolescent, il peut par ordonnance lui enjoindre d’être présent à n’importe quelle phase de l’instance (article 27). Le père ou la mère qui, après en avoir reçu l’ordre, ne se présente pas au tribunal pour adolescents et ne peut justifier d’une excuse valable à cet égard peut être trouvé coupable d’outrage au tribunal par procédure sommaire et être passible de la peine prévue. L’article 27 ne s’applique pas aux procédures introduites par dépôt d’un procès-verbal en vertu de la Loi sur les contraventions.

      4. Détention avant le prononcé de la peine
         a. Introduction

Malgré la présomption d’innocence, le système de justice pénale reconnaît comme nécessaire, dans certains cas, la détention d’un accusé avant jugement. Dans le système de justice pénale pour adultes et le système de justice pénale pour adolescents, la détention avant le prononcé de la peine a pour but de s’assurer que le détenu se présentera au tribunal pour faire face à l’accusation portée contre lui, d’assurer la protection ou la sécurité du public, d’éviter aussi que l’accusé ne commette une autre infraction ou nuise à l’administration de la justice. Règle générale, il appartient au poursuivant de démontrer la nécessité de la détention avant jugement, toutefois le fardeau de faire la preuve du contraire revient à l’adolescent s’il est accusé de certaines infractions graves punissables sur déclaration de culpabilité, de tout acte criminel alors qu’il ne réside pas ordinairement au Canada, de tout acte criminel commis pendant qu’une autre accusation criminelle portée contre lui est en instance devant la cour, ou s’il n’observe pas les conditions de la libération avant procès.

Le projet de loi, sous réserve de quelques ajustements mineurs, conserve les dispositions relatives à la détention de l’adolescent avant le prononcé de la peine qui sont énoncées à l’article 7 de la LJC.

         b. Règles régissant la détention des adolescents avant le prononcé de la peine

Une nouvelle disposition (article 28), précise que dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec le projet de loi ou écartées de celui-ci, les dispositions de la partie XVI du Code criminel qui s’appliquent à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire et à la détention avant jugement des adultes s’appliquent également aux adolescents.

L’article 29, qui est nouveau également, fait référence aux situations où le tribunal pour adolescents peut faire un usage inapproprié de la détention avant procès. Le paragraphe 29(1) stipule en effet que la détention sous garde de l’adolescent avant le prononcé de la peine ne doit pas se substituer à des services de protection de la jeunesse ou de santé mentale, ou à d’autres mesures sociales appropriés. Aux termes du paragraphe 29(2), il y a présomption que la détention avant procès de l’adolescent n’est pas nécessaire pour la protection ou la sécurité du public dans le cas où l’adolescent, sur déclaration de culpabilité, ne pourrait être placé sous garde. Toutefois, cette présomption ne s’applique pas s’il y a une forte probabilité que l’adolescent, s’il est mis en liberté, commette une infraction ou nuise à l’administration de la justice. Le projet de loi ne précise pas en quoi cette nouvelle présomption diffère du test qui s’appliquerait normalement en pareils cas sous le régime de la partie XVI du Code criminel.

L’adolescent arrêté et détenu en attendant le prononcé de la peine doit être tenu à l’écart des adultes (paragraphe 30(3)) à un endroit désigné par la province comme lieu de détention provisoire (contrairement à un lieu où sont détenues les personnes qui purgent une peine d’emprisonnement (paragraphe 30(1)). Toutefois, ces restrictions ne s’appliquent pas au cas où un adolescent se trouve temporairement sous la surveillance d’un agent de la paix après son arrestation (paragraphe 30(7)). De plus, l’adolescent peut être détenu dans un établissement pour adultes si un juge du tribunal pour adolescents ou un juge de paix est convaincu que la sécurité de l’adolescent ou celle d’autres personnes n’est pas garantie si l’adolescent est détenu dans un lieu de détention pour adolescents, ou qu’aucun lieu de détention pour adolescents n’est disponible à une distance raisonnable (paragraphe 30(3)). Le paragraphe 39(3) du projet de loi apporte un changement au paragraphe 7(2) de la LJC en ajoutant qu’au moment de prendre cette décision, le tribunal doit tenir compte de l’intérêt de l’adolescent. La loi canadienne cadre ainsi davantage avec les dispositions de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, dont le Canada est partie(9).

Le directeur provincial conserve la compétence de transférer un adolescent détenu sous garde d’un lieu de détention provisoire à un autre (paragraphe 30(6)). De plus, dans les provinces où une personne ou un groupe de personnes a été désigné pour autoriser la détention d’un adolescent avant le prononcé de la peine, il est interdit de détenir l’adolescent sans cette autorisation (paragraphes 30 (8) et (9)).

         c. Détention avant procès des adultes assujettie au système de justice pénale pour adolescents

Les paragraphes 30(4) et (5) ajoutent de nouvelles règles pour tenir compte des situations où l’accusé a atteint l’âge de 18 ans au moment de sa détention avant procès sous le régime du projet de loi, ou qui atteint 18 ans durant sa période de détention. Un tribunal pour adolescents peut ordonner le transfert d’un adolescent qui atteint 18 ans au cours de la période de détention à un établissement correctionnel pour adultes s’il considère que c’est dans l’intérêt de l’adolescent (paragraphe 30(4)). Un tel transfert doit être demandé par le directeur provincial et peut être ordonné seulement après que l’adolescent ait eu l’occasion de se faire entendre. L’adolescent âgé de 20 ans ou plus, qui est gardé en détention avant le prononcé de la peine en regard de l’accusation déposée contre lui devant le tribunal pour adolescents, est détenu dans un établissement correctionnel pour adultes (paragraphe 30(5)).

         d. Placement auprès d’une « personne digne de confiance » comme solution
             de rechange à la détention

L’article 31 du projet de loi stipule qu’un adolescent peut être confié aux soins d’une « personne digne de confiance » plutôt que d’être gardé en détention en attendant le prononcé de la peine, ce que prévoit également la LJC (voir le paragraphe 7(1)). Le tribunal peut en décider ainsi s’il est convaincu que l’adolescent serait, en l’absence de cette option, placé sous garde, qu’il existe une personne digne de confiance capable et désireuse de s’en occuper et que l’adolescent consent à être confié à ses soins. Les deux parties doivent s’engager par écrit à respecter les conditions de cet arrangement. Celui-ci peut être annulé sur ordonnance du tribunal pour adolescents à la demande de l’adolescent, de la personne à laquelle celui-ci a été confié ou de toute autre personne. Le tribunal rend dans ce cas une ordonnance qui dégage les parties des obligations contractées en vertu de l’arrangement et délivre un mandat visant l’arrestation de l’adolescent. L’adolescent est ramené ensuite devant le tribunal pour adolescents en vue d’une audition de cautionnement.

L’article 31 apporte quelques changements aux dispositions de la LJC. Ainsi, le paragraphe 31(1) précise que le directeur d’un programme destiné aux adolescents ou un membre de son personnel est une « personne digne de confiance » aux soins de qui l’adolescent peut être confié en attendant le procès. Aux termes du paragraphe 31(2), le juge du tribunal pour adolescents ou le juge de paix chargé de l’audition de cautionnement, doit s’informer, avant de mettre l’adolescent sous garde, s’il existe une personne digne de confiance capable et désireuse de s’en occuper. Enfin, s’il y a cessation du placement et que l’adolescent est ramené devant le tribunal, celui-ci peut remplacer simplement l’arrangement par un autre au lieu de tenir une autre audition de cautionnement (paragraphe 31(6)).

         e. Révision de l’ordonnance de cautionnement

L’article 33 du projet de loi reprend les dispositions stipulées à l’article 8 de la LJC pour ce qui concerne la révision de l’ordonnance de mise en liberté ou de détention de l’adolescent avant le prononcé de la peine.

La procédure de révision de l’ordonnance de cautionnement rendue par un tribunal pour adolescents est semblable, dans l’ensemble, à la procédure qu’applique le tribunal pour adultes, sauf que dans certains cas il est nécessaire d’ajouter un niveau à la procédure de révision. Une demande de révision d’une ordonnance de cautionnement rendue à l’endroit d’un adolescent par un juge de paix ou un juge d’une cour provinciale qui n’est pas juge du tribunal pour adolescents est présentée d’abord au tribunal pour adolescents plutôt que directement à un juge de la cour supérieure de juridiction criminelle de la province concernée, comme c’est le cas dans le système judiciaire pour adultes (paragraphes 33(1) et (7)).

La demande en vue de la révision de l’ordonnance de cautionnement rendue par un juge du tribunal pour adolescents qui est juge d’une cour supérieure est portée devant un juge de la cour d’appel concernée. Toutefois, si l’ordonnance a été rendue par un juge qui est juge de la Cour de justice du Nunavut, la demande de révision est portée devant un juge de ce tribunal. (paragraphes 33(5) et (6)).

Dans le cas d’une infraction visée à l’article 522 du Code criminel – s’entend d’un acte criminel qui, dans le système judiciaire pour adultes, ne peut être jugé que par une cour supérieure de juridiction criminelle (le plus important de ces actes étant le meurtre) – l’adolescent ne peut être mis en liberté que par un juge du tribunal pour adolescents (paragraphe 33(8)). Toute décision à cet égard rendue par un juge du tribunal pour adolescents peut être révisée par la cour d’appel (paragraphe 33(9)).

      5. Comparution

À l’instar de l’article 12 de la LJC, l’article 32 du projet de loi stipule que certains renseignements doivent être transmis formellement à l’adolescent qui fait l’objet d’une dénonciation lorsqu’il comparaît devant le tribunal pour répondre à l’accusation criminelle portée contre lui, à savoir : la nature précise de l’accusation décrite dans la dénonciation, son droit d’avoir recours à un avocat et, le cas échéant, la perspective d’être assujetti à la peine applicable aux adultes s’il est déclaré coupable, et les conséquences qui découlent d’une telle accusation (paragraphe 32(1)). Toutefois, l’adolescent peut renoncer à ces exigences si l’avocat qui le représente avise le tribunal que l’adolescent a été informé de ces questions (paragraphe 32(2)).

Le paragraphe 32(3) précise que dans le cas où l’adolescent n’est pas représenté par un avocat, le tribunal pour adolescents, avant d’accepter un plaidoyer doit : s’assurer que l’adolescent a bien compris l’accusation dont il fait l’objet; s’il est passible de la peine applicable aux adultes, l’informer des conséquences qu’entraînerait son assujettissement à cette peine et de la procédure à suivre pour demander l’infliction d’une peine spécifique, lui expliquer qu’il peut plaider coupable ou non coupable ou, s’il est passible de la peine applicable aux adultes, l’informer qu’il peut choisir le mode d’instruction. Dans le cas où le tribunal pour adolescents n’est pas convaincu que l’adolescent a bien compris les points énoncés ci-dessus, il doit ordonner qu’un avocat lui soit désigné (paragraphe 32(5)) Si le tribunal n’est pas convaincu que l’adolescent a compris l’accusation portée contre lui, il inscrit un plaidoyer de non-culpabilité au nom de celui-ci et le procès suit son cours, sauf si l’adolescent est passible de la peine applicable aux adultes et doit choisir le mode d’instruction (paragraphe 32(4)).

      6. Rapports médicaux et psychologiques

Les dispositions de la LJC qui traitent de l’évaluation médicale, psychiatrique et psychologique de l’adolescent (article 13) sont reproduites à l’article 34 du projet de loi C-3 (sauf qu’il n’est plus question de procédure de renvoi mais d’imposition de la peine applicable aux adultes conformément à la nouvelle formule de détermination de la peine proposée dans la partie 4 du projet de loi).

Aux termes du paragraphe 34(2) du projet de loi, le tribunal peut ordonner une évaluation médicale, psychiatrique ou psychologique à l’égard de l’adolescent afin de :

  • examiner une demande de révision d’une décision en rapport avec le cautionnement;
  • statuer sur une demande entendue en faveur ou contre l’imposition d’une peine applicable aux adultes;
  • infliger ou réviser une peine spécifique;
  • examiner une demande de prolongation de la garde au-delà de la « période de garde » prévue par la peine de maintien sous garde et de surveillance infligée;
  • prévoir les conditions dont est assortie la mise en liberté sous condition;
  • rendre une ordonnance de suspension ou de rétablissement de la liberté sous condition;
  • autoriser la communication des renseignements contenus dans le dossier de l’adolescent;
  • rendre une ordonnance de placement et de surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation (cette peine ne s’applique que si l’adolescent est trouvé coupable de certaines infractions graves avec violence).

Le paragraphe 34(1) stipule que le tribunal pour adolescents peut exiger, par ordonnance, que l’adolescent soit évalué par une personne compétente soit avec le consentement de l’adolescent et du poursuivant, soit parce qu’il croit qu’une telle évaluation est nécessaire pour l’une ou l’autre des raisons susmentionnées et où :

  • le tribunal a des motifs raisonnables de croire que l’adolescent pourrait souffrir d’une maladie ou de troubles d’ordre physique ou mental, d’un dérèglement d’ordre psychologique, de troubles émotionnels, de troubles d’apprentissage ou de déficience mentale;
  • plusieurs déclarations de culpabilité ont été prononcées contre l’adolescent;
  • l’adolescent a été accusé d’une infraction grave avec violence.

Pour les besoins de l’évaluation, le paragraphe 34(3) permet au tribunal de renvoyer l’adolescent sous garde pour une période maximale de 30 jours. Toutefois, l’adolescent peut être envoyé sous garde sans son consentement dans le cas seulement où le tribunal est convaincu que la détention de l’adolescent est nécessaire aux fins de l’évaluation, ou que l’adolescent doit être détenu de toute façon (paragraphe 34(4)).

La personne qualifiée est chargée de faire un rapport écrit au tribunal des résultats de l’évaluation (paragraphe 34(1)), qui est ensuite versé au dossier de l’affaire pour laquelle il est demandé (paragraphe 34(12)). Sauf s’il estime que la communication des renseignements que contient le rapport pourrait nuire à l’adolescent (voir ci-dessous), le tribunal doit en faire remettre une copie à l’adolescent, à l’avocat qui le représente, au poursuivant, et au père ou à la mère de l’adolescent qui assistait aux procédures menées contre lui ou qui, s’il n’y a pas assisté, s’y intéresse vivement (paragraphe 34(7)). Sur demande présentée au tribunal, il est donné au poursuivant et à l’avocat qui représente l’adolescent l’occasion de contre-interroger l’auteur du rapport (paragraphe 34(8)).

Le tribunal est néanmoins tenu de refuser de communiquer la totalité ou une partie du rapport concernant l’adolescent au poursuivant à titre privé, s’il estime que cette communication n’est pas nécessaire pour les besoins des poursuites intentées contre l’adolescent et pourrait nuire à celui-ci (paragraphe 34(9)). De plus, le tribunal pour adolescents est tenu de refuser de communiquer la totalité ou une partie de ce rapport à l’adolescent, à ses père et mère ou au poursuivant à titre privé, s’il estime que cette communication nuirait sérieusement au traitement ou à la guérison de l’adolescent ou risquerait de mettre en danger la vie ou la sécurité d’un tiers ou de lui causer des dommages psychologiques (paragraphe 34(10)). Le rapport peut être communiqué à ces personnes si le tribunal estime que l’intérêt de la justice l’exige (paragraphe 34(11)). Malgré les autres dispositions du projet de loi, la personne compétente peut communiquer les renseignements que contient le rapport à la personne qui a la garde de l’adolescent si elle croit que ce dernier est susceptible d’attenter à sa vie ou à sa sécurité ou à celle d’un tiers (paragraphe 34(13)).

      7. Jugement

L’article 35 du projet de loi stipule simplement que lorsque l’adolescent plaide coupable de l’infraction dont il est accusé, le tribunal pour adolescents, s’il est convaincu que les faits justifient l’accusation, doit le déclarer coupable de l’infraction. Sinon, le procès doit suivre son cours et le juge déclare l’adolescent coupable ou non coupable, ou rejette l’accusation, selon le cas. L’article 35 reprend ainsi les dispositions des paragraphes 19(1) et (2) de la LJC.

      8. Appels

Les dispositions du projet de loi (article 36) régissant l’appel des décisions rendues par le tribunal pour adolescents sont semblables à celles de la LJC à cet égard (voir l’article 27 et les paragraphes 47(6) et 10(4)).

Aux termes du paragraphe 36(1), un appel relativement à un acte faisant l’objet d’une poursuite par mise en accusation est régi par les dispositions du Code criminel afférentes aux infractions punissables sur déclaration de culpabilité (partie XXI), lesquelles s’appliquent avec les modifications nécessaires. Il peut être interjeté appel d’une décision relative à une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire aux termes du paragraphe 36(5), qui applique les dispositions de la partie XXVII du Code criminel au système judiciaire pour les jeunes. Un appel interjeté relativement à des actes criminels et à des infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire qui ont été jugés conjointement est régi par les dispositions afférentes aux infractions punissables sur déclaration de culpabilité (paragraphe 36(6)).

Les paragraphes 36(2) et (3) traitent de l’appel dans les cas d’outrage au tribunal. Bien qu’un procès pour outrage sous le régime du projet de loi suppose des poursuites sommaires, les paragraphes 36(2) et (3) stipulent que l’appel de la déclaration de culpabilité pour outrage au tribunal ou de la peine prononcée à cet égard par le tribunal pour adolescents est traité comme s’il s’agissait de l’appel d’une déclaration de culpabilité et d’une peine prononcées à l’issue de poursuites par voie de mise en accusation.

Le paragraphe 36(4) traite du regroupement des appels pour ce qui concerne un certain nombre de questions afférentes à la détermination de la peine. Sauf décision contraire du tribunal d’appel, certaines décisions prononcées et ordonnances rendues par le tribunal pour adolescents après une condamnation qui sont portées en appel doivent faire l’objet d’un seul et même appel. Ce peut être le cas de la décision du tribunal qui qualifie une infraction « d’infraction grave avec violence » (paragraphe 41(8)), de la décision rendue suivant une demande en faveur ou contre l’imposition d’une peine applicable aux adultes (paragraphe 72(1)), ou suivant une demande en vue d’interdire la communication des renseignements permettant d’identifier un adolescent qui a fait l’objet de mesures prises sous le régime du projet de loi (paragraphe 75(3)), de la décision en faveur du placement sous garde d’un adolescent passible d’une peine applicable aux adultes qui est condamné à une peine d’emprisonnement (paragraphe 76(1)).

Dans toute province où le tribunal pour adolescents est une cour supérieure, l’appel relativement à une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire est porté devant la cour d’appel de la province (paragraphe 36(8)). Il y a une exception dans le cas du Nunavut, où l’appel est porté d’abord devant un juge de la Cour d’appel du Nunavut; la décision rendue est susceptible d’appel à la Cour d’appel du Nunavut (paragraphe 36(9)).

L’article 36(10) stipule qu’une cause devant le tribunal pour adolescents n’est pas susceptible d’appel à la Cour suprême du Canada, sauf si celle-ci a donné une autorisation d’appel. Cette disposition cadre avec le paragraphe 27(5) de la présente LJC, sauf que l’obligation pour la Cour suprême, sous le régime de la Loi, de donner cette autorisation dans les 21 jours du prononcé du jugement de la cour d’appel (ou dans un délai plus long accordé par la cour pour des motifs spéciaux) a été éliminée. En l’absence de ce délai particulier, le délai de 60 jours prévu dans la Loi sur la Cour suprême (article 58) s’applique.

Cette disposition, tout comme le paragraphe 27(5) de la LJC, a pour effet d’interdire les appels de plein droit (c.-à-d. sans l’obligation d’obtenir l’autorisation d’appel) à la Cour suprême du Canada à l’égard des actes criminels. Un adulte trouvé coupable peut interjeter appel à la Cour suprême, sans avoir obtenu cette autorisation, sur toute question de droit au sujet de laquelle il y a dissidence à la cour d’appel, ou sur toute question de droit lorsque la cour d’appel substitue une déclaration de culpabilité à un acquittement (article 691 du Code criminel).

Le paragraphe 27(5) de la LJC et le paragraphe 36(10) du projet de loi ont pour effet d’interdire

ce droit d’appel dans les causes jugées par le tribunal pour adolescents(10).

Le paragraphe 36(11) interdit tout appel relatif à l’examen de peines spécifiques (voir ci-après les articles 59 et 93-95 à cet effet).

   E. Partie 4 : Détermination de la peine
      1. Introduction

C’est au chapitre de la détermination de la peine que le projet de loi C-3 apporte le plus de modifications au régime de la loi actuelle. Il y a d’abord l’ajout de la déclaration de l’objectif et des principes applicables à la détermination des peines en général auxquelles sont assujettis les adolescents, ensuite l’ajout d’une série de principes qui régissent la détermination de peines spécifiques. Contrairement aux principes généraux énoncés dans la Déclaration de principes à l’article 3 de la LJC, qui s’applique à l’interprétation et à l’application des dispositions du projet de loi en général, les principes énoncés à la partie 4 traitent spécifiquement de la détermination de la peine. Le projet de loi propose également de créer quelques peines nouvelles susceptibles d’être infligées aux adolescents, d’élargir la catégorie des infractions à l’égard desquelles une peine applicable aux adultes peut être imposée, et de modifier la procédure permettant au tribunal d’infliger des peines applicables aux adultes.

      2. Objectif et principes
         a. Introduction

Les articles 37 et 38 du projet de loi établissent une série de principes sur lesquels s’appuiera le tribunal pour adolescents pour déterminer la peine à infliger à l’adolescent passible d’une peine spécifique sous le régime du projet de loi. L’article 37 traite des principes et des facteurs à prendre en compte lors de la détermination de la peine en général, tandis que l’article 38 établit les conditions assorties à l’imposition d’une peine comportant le placement sous garde de l’adolescent. Les articles 37 et 38 ne s’appliquent que lorsque le tribunal pour adolescents doit imposer une peine spécifique. Dans les cas où une peine applicable aux adultes doit être imposée, ce sont les règles et les principes du Code criminel qui s’appliquent.

         b. Objectif et principes de la détermination de la peine

Le paragraphe 37(1) stipule que l’infliction d’une peine spécifique a pour objectif « de favoriser la protection de la société en faisant répondre l’adolescent de l’infraction qu’il a commise par l’infliction de sanctions justes assorties de perspectives positives favorisant sa réadaptation et sa réinsertion sociales ».

Le paragraphe 37(2) précise que le tribunal pour adolescents détermine la peine spécifique à infliger conformément aux principes suivants :

    1. la peine ne doit en aucun cas aboutir à une peine plus grave que celle qui serait indiquée dans le cas d’un adulte coupable de la même infraction commise dans des circonstances semblables;
    2. la peine doit être semblable à celle qui serait infligée à d’autres adolescents pour la même infraction commise dans des circonstances semblables;
    3. la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité de l’adolescent à l’égard de l’infraction;
    4. sous réserve de l’alinéa c), la peine doit :
  1. être la moins contraignante possible pour atteindre l’objectif général mentionné au paragraphe 37(1) (ci-dessus);
  2. lui offrir les meilleures chances de réadaptation et de réinsertion sociale;
  3. susciter le sens et la conscience de ses responsabilités, notamment par la reconnaissance des dommages causés à la victime et à la collectivité.

Le paragraphe 37(3) exige que le tribunal pour adolescents détermine la peine spécifique à infliger en tenant compte des facteurs suivants :

    1. du degré de participation de l’adolescent à l’infraction;
    2. des dommages causés à la victime et du fait qu’ils ont été causés intentionnellement ou étaient raisonnablement prévisibles;
    3. de la réparation par l’adolescent des dommages causés à la victime ou à la collectivité;
    4. du temps passé en détention avant le procès par suite de l’infraction;
    5. des déclarations de culpabilité antérieures de l’adolescent;
    6. des autres circonstances aggravantes ou atténuantes pertinentes au titre des principes et objectif énoncés au présent article.

Les principes et objectif de la détermination de la peine proposés à l’article 37 reflètent un grand nombre des objectifs généraux du système de justice pénale pour adolescents qui sont énoncés dans la déclaration de principes du projet de loi (article 3). À l’exception de l’alinéa 37(2)a), les principes et objectif susmentionnés sont également semblables à plusieurs qui sous-tendent la détermination des peines applicables aux adultes (voir l’article 718 au paragraphe 718(2) du Code criminel et la jurisprudence pertinente). Toutefois, conformément à la philosophie voulant qu’il y ait un système de justice pénale différent pour les adolescents et les adultes, les principes et objectif de la détermination de la peine proposés à l’article 37 du projet de loi n’accordent pas la même importance au fait de dénoncer un comportement illégal et de dissuader quiconque de commettre des infractions, qui demeurent des considérations importantes dans le système de justice pénale pour adultes (voir les paragraphes 718(a) et (b) du Code criminel).

Le seul principe lié à la détermination de la peine qui est propre au système de justice pénale pour adolescents est celui proposé à l’alinéa 37(2)a) et en vertu duquel la peine ne doit pas aboutir à une peine plus grave que celle qui serait indiquée dans le cas d’un adulte coupable de la même infraction commise dans des circonstances semblables. Cette disposition accroît la protection qu’offre la restriction prévue au paragraphe 20(7) de la LJC, qui a pour effet d’empêcher seulement les décisions prononcées à l’endroit d’un adolescent d’aboutir à une peine plus grave que la peine maximale dont est passible l’adulte qui commet la même infraction. L’alinéa 37(2)a) exige toutefois que le tribunal pour adolescents impose une peine spécifique dans la limite maximale de la peine que recevrait un adulte dans une situation semblable.

         c. Principes de la peine comportant le placement sous garde

Le paragraphe 38 a pour but de minimiser le recours à la peine comportant le placement sous garde dans le système de justice pénale pour adolescents au Canada. Cet objectif est motivé par l’impression d’une incarcération abusive dans ce système aujourd’hui. Les statistiques du gouvernement suggèrent en effet que le taux d’incarcération chez les adolescents est considérablement plus élevé que le taux d’incarcération chez les adultes au Canada et chez les adolescents dans d’autres pays industrialisés. L’article 38 conserve et complète l’article 24 de la LJC, qui vise aussi à mettre en valeur le principe voulant que le placement sous garde soit réservé aux infractions les plus graves.

Le paragraphe 38(1) stipule que le tribunal pour adolescents ne peut imposer une peine comportant le placement sous garde que si :

  • l’adolescent est coupable d’une infraction avec violence;
  • l’adolescent n’a pas respecté les peines ne comportant pas de placement sous garde qui lui ont déjà été infligées;
  • l’adolescent a commis un acte criminel pour lequel un adulte est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de plus de deux ans, et a fait l’objet de plusieurs déclarations de culpabilité;
  • les circonstances de la perpétration de l’infraction font que l’infliction d’une peine ne comportant pas de placement sous garde enfreindrait les principes et objectif énoncés à l’article 37 (ci-dessus).

Le paragraphe 38(2) permet au tribunal pour adolescents d’imposer le placement sous garde en dernier recours seulement, après avoir examiné toutes les mesures de rechange raisonnables au cours de l’audience pour la détermination de la peine, et être arrivé à la conclusion qu’aucune d’elles, même combinée à d’autres, ne serait conforme aux principes et objectif énoncés à l’article 37. Dans le cadre de son examen, le tribunal doit, aux termes du paragraphe 38(3), tenir compte des observations faites sur les mesures de rechange à sa disposition, du fait que l’adolescent s’est conformé ou non par le passé à une peine ne comportant pas de placement sous garde et des mesures de rechange imposées à des adolescents pour des infractions semblables.

Les paragraphes 38(4) et 38(5) ont pour effet d’empêcher le tribunal d’invoquer certains facteurs pour justifier l’infliction d’une peine comportant le placement sous garde. Le paragraphe 38(4) stipule que l’infliction à un adolescent d’une peine ne comportant pas de placement sous garde n’a pas pour effet d’empêcher que la même peine lui soit infligée à nouveau pour une autre infraction. Autrement dit, le tribunal ne devrait pas se sentir obligé d’imposer une peine plus sévère lorsque l’adolescent commet une autre infraction. Aux termes du paragraphe 38(5), le placement sous garde ne doit pas se substituer à des services de protection de la jeunesse ou de santé mentale, ou à d’autres mesures sociales appropriées.

Le paragraphe 38(6) exige que le tribunal prenne connaissance du rapport prédécisionnel concernant l’adolescent, sauf s’il est convaincu de son inutilité et qu’il ne le demande pas, avec le consentement du poursuivant et de l’avocat de l’adolescent (paragraphe 38(7)).

Pour faire en sorte que le tribunal pour adolescents respecte les restrictions et les conditions précitées qui sous-tendent l’infliction d’une peine comportant le placement sous garde, le paragraphe 38(9) exige que le tribunal donne les motifs pour lesquels une peine spécifique ne comportant pas de placement sous garde ne suffirait pas pour atteindre l’objectif mentionné au paragraphe 37(1) (ci-dessus).

Une fois que le tribunal pour adolescents décide de la pertinence et de la nécessité d’une peine comportant le placement sous garde, le paragraphe 38(8) demande au tribunal, au moment de fixer la durée de la peine spécifique, de tenir compte des principes et objectif énoncés à l’article 37. Le tribunal ne peut tenir compte cependant du fait que la période de surveillance de cette peine peut ne pas être purgée sous garde (voir ci-dessous) et que la peine peut faire l’objet d’un examen périodique et régulier par le tribunal (voir l’article 93 à la partie 5 du projet de loi). En d’autres mots, au moment de fixer la durée de la peine comportant le placement sous garde, le tribunal pour adolescents doit présumer que l’adolescent purgera toute la période de surveillance de cette peine sous garde.

      3. Rapport prédécisionnel

Le rapport prédécisionnel a pour but de procurer au tribunal une source indépendante de renseignements généraux concernant l’adolescent qui lui seront utiles pour décider de la peine à infliger. Les systèmes de justice pénale pour adolescents et pour adultes prévoient respectivement la production d’un tel rapport. Dans le système pertinent aux adolescents cependant, ces rapports sont présentement désignés comme des « rapports prédécisionnels » en se conformant au vocabulaire de la LJC. En vertu du projet de loi, puisque le mot « décision » devient « peines spécifiques » les « rapports prédécisionnels » deviendraient des « rapports présententiels » comme dans le système pour adultes. L’article 39 reprend essentiellement les dispositions pertinentes de la LJC (article 14).

Le paragraphe 39(1) exige que le directeur provincial prenne des mesures pour qu’un rapport prédécisionnel soit établi puis soumis au tribunal pour adolescents chaque fois que le tribunal le juge utile ou qu’il est tenu de prendre connaissance d’un tel rapport (lorsqu’il examine s’il y a lieu de prononcer une peine comportant le placement sous garde), avant de prononcer la peine.

Aux termes du paragraphe 39(2), dans la mesure où ils sont pertinents compte tenu des principes et objectif énoncés aux articles 37 et 38 (ci-dessus), les éléments suivants doivent faire partie du rapport prédécisionnel, s’il y a lieu et autant que c’est possible :

  • le résultat d’une entrevue avec l’adolescent, ses père et mère et, s’il y a lieu, celui d’une entrevue avec des membres de sa famille étendue;
  • le résultat d’une entrevue avec la victime;
  • les recommandations faites par un groupe consultatif (voir l’article 19 à la partie 2);
  • l’âge, le degré de maturité, le caractère, le comportement et l’attitude de l’adolescent, et son désir de réparer les torts causés;
  • les projets de l’adolescent en vue de modifier sa conduite ou de prendre des dispositions en vue de s’amender;
  • les antécédents de l’adolescent en ce qui concerne les déclarations de culpabilité pour infractions prévues par toute loi fédérale et provinciale ou par un règlement municipal, et les services rendus à l’adolescent notamment par la collectivité(11);
  • les effets produits sur l’adolescent par les peines ou décisions prononcées à son égard et par les services qui lui ont été rendus;
  • les antécédents de l’adolescent en ce qui concerne les mesures de rechange prises sous le régime de la LJC ou les sanctions extrajudiciaires qui lui ont été appliquées, et leurs effets sur lui(12);
  • l’existence de services communautaires et d’installations adaptés aux adolescents, et le désir de l’adolescent de profiter de ces services et installations;
  • les rapports entre l’adolescent et ses père et mère, et, s’il y a lieu, les rapports entre l’adolescent et les membres de sa famille étendue, y compris le degré de surveillance et d’influence qu’ils peuvent exercer sur lui;
  • l’assiduité et les résultats scolaires de l’adolescent, ainsi que ses antécédents professionnels;
  • tout renseignement susceptible d’aider le tribunal pour adolescents à examiner les mesures de rechange au placement sous garde conformément à l’article 38 (ci-dessus);
  • tout autre renseignement que le directeur provincial estime pertinent, y compris les recommandations que ce dernier croit opportun de faire.

Le paragraphe 39(4) exige que le rapport prédécisionnel soit versé au dossier de l’instance. Une copie du rapport est remise à l’adolescent et à l’avocat qui le représente, au père ou à la mère qui suit les procédures menées contre l’adolescent ou qui ne les a pas suivies, mais qui s’y intéresse vivement, ainsi qu’au poursuivant (paragraphe 39(5)). De plus, sur demande au tribunal, l’avocat qui représente l’adolescent ou le poursuivant est autorisé à contre-interroger l’auteur du rapport (paragraphe 39(6)). Toutefois, le tribunal peut, s’il estime que la communication du rapport ou de certaines parties du rapport au poursuivant, lorsqu’il s’agit d’un poursuivant privé, porterait préjudice à l’adolescent et n’est pas nécessaire pour les besoins des poursuites exercées contre celui-ci, ne pas communiquer ces renseignements (paragraphe 39(7)).

Tout tribunal saisi de questions concernant l’adolescent ou tout délégué à la jeunesse auquel le cas de l’adolescent a été confié a droit, sur demande au tribunal saisi d’un rapport prédécisionnel, d’obtenir une copie du rapport (alinéa 39(8)a)). Le tribunal peut également fournir une copie du rapport à toute personne qui, selon lui, a un intérêt légitime dans l’instance (alinéa 39(8)b)). De plus, le directeur provincial peut communiquer l’intégralité ou une partie du rapport à toute personne qui a la garde ou la surveillance de l’adolescent ou à toute personne qui participe directement aux soins ou au traitement de celui-ci (paragraphe 39(9)).

Aux termes du paragraphe 39(10), les déclarations faites par l’adolescent au cours de l’établissement du rapport prédécisionnel le concernant ne sont pas admissibles en preuve contre lui dans le cadre de procédures civiles ou pénales, à l’exception des procédures entourant l’infliction d’une peine spécifique, la révision d’une peine spécifique ou la décision par rapport à une demande en faveur ou contre l’infliction d’une peine applicable aux adultes.

      4. Peines spécifiques
         a. Vue d’ensemble

À moins d’infliger par ordonnance une peine applicable aux adultes à l’endroit d’un adolescent en vertu des paragraphes 63(5) et 70(2) ou de l’alinéa 72(1)b) (voir « peines applicables aux adultes » ci-dessous), le tribunal doit imposer une, ou une combinaison des peines spécifiques énumérées au paragraphe 41(2). Toutes les « décisions » possibles sous le régime du paragraphe 20(1) de la LJC sont conservées dans le projet de loi C-3. Toutefois, cinq nouvelles peines spécifiques sont proposées, et le projet de loi stipule que le dernier tiers d’une peine comportant le placement sous garde doit être purgé au sein de la collectivité, sous condition. La LJC, sans sa formulation actuelle, prévoit une période de surveillance au sein de la collectivité après une période de garde en cas de meurtre seulement.

Les cinq nouvelles peines spécifiques sont : une réprimande, un programme d’assistance et de surveillance intensives, imposé par ordonnance, l’obligation pour l’adolescent, imposée par ordonnance, de participer à un programme approuvé, une ordonnance différée de placement et de surveillance, et une ordonnance de placement et de surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation (voir les alinéas 41(2) a), l), m), o), et q) ci-dessous). Toutefois, l’infliction de certaines de ces nouvelles peines dépend de l’établissement des programmes en question par les provinces.

         b. Recommandations sur la détermination de la peine

Dans le cas d’un adolescent trouvé coupable d’une infraction, l’article 40 permet au tribunal de saisir un groupe consultatif du cas de l’adolescent pour qu’il lui présente des recommandations sur la peine à infliger (voir l’article 19).

L’article 41 établit les diverses peines spécifiques pouvant être infligées et certaines règles et conditions qui s’y rattachent. Avant d’infliger une peine spécifique, le tribunal doit tenir compte des recommandations du groupe consultatif, du rapport prédécisionnel, des observations faites par l’avocat qui représente l’adolescent ou par le poursuivant, par les père et mère de l’adolescent et de tous éléments d’information pertinents qui lui ont été présentés (paragraphe 41(1)).

         c. Peines spécifiques susceptibles d’être infligées

Aux termes du paragraphe 41(2), un tribunal qui déclare un adolescent coupable d’une infraction doit lui infliger l’une des peines spécifiques ci-après, ou une combinaison de plusieurs qui sont compatibles entre elles (le cas échéant, la disposition correspondante de la LJC est indiquée entre parenthèses) :

    1. une réprimande (nouveau);
    2. l’absolution inconditionnelle (alinéa 20(1)a) de la LJC);
    3. l’absolution sous condition (sous la surveillance du directeur provincial) (alinéa 20(1)a.1) de la LJC)(13);
    4. une amende maximale de 1 000 $ (alinéa 20(1)b) de la LJC)(14);
    5. l’obligation pour l’adolescent, imposée par ordonnance, de verser une somme au profit d’une autre personne à titre d’indemnité pour dommages causés à celle-ci (alinéa 20(1)c) de la LJC – toutefois, la nouvelle disposition fait référence à la terminologie du droit civil qui s’applique dans la province de Québec)(15);
    6. l’ordonnance de restitution à une autre personne des biens obtenus par suite de l’infraction (alinéa 20(1)d))(16);
    7. l’obligation pour l’adolescent, imposée par ordonnance, d’indemniser l’acquéreur de bonne foi des biens obtenus par suite de l’infraction et dont la restitution a été ordonnée (alinéa 20(1)e) de la LJC)(17);
    8. l’obligation pour l’adolescent, imposée par ordonnance, d’indemniser toute personne qui a droit aux mesures visées aux alinéas e) ou g) soit en nature, soit en services (alinéas 20(1)f) de la LJC)(18);
    9. l’obligation pour l’adolescent, imposée par ordonnance, d’exécuter un travail bénévole au profit de la collectivité, et de se présenter au directeur provincial ou à la personne désignée par le tribunal et de se soumettre à sa surveillance (alinéa 20(1)g) de la LJC)(19);
    10. le prononcé par ordonnance de l’interdiction, la saisie ou la confiscation prévues par une loi fédérale (à l’exception de l’ordonnance d’interdiction prévue à l’article 161 du Code criminel(20)) (alinéa 20(1)h) et paragraphe 20(11) de la LJC);
    11. une période déterminée de probation ne dépassant pas deux ans (alinéa 20(1)j) de la LJC);
    12. sous réserve de l’accord du directeur provincial, l’obligation pour l’adolescent, imposée par ordonnance, de suivre un programme d’assistance et de surveillance intensives conformément aux instructions du directeur provincial (ce sont les provinces qui décident du contenu de tels programmes – les programmes en vigueur permettent une surveillance plus serrée et offrent un plus grand soutien que dans le cadre d’un programme de probation ordinaire) (nouveau);
    13. sous réserve de l’accord du directeur provincial, l’obligation pour l’adolescent, imposée par ordonnance, de fréquenter une institution offrant un programme approuvé par le directeur provincial dont la durée n’excède pas 240 heures sur une période d’au plus six mois (nouveau)(21);
    14. l’imposition, par une ordonnance de placement et de surveillance, d’une peine maximale de trois ans dans le cas où l’adolescent est déclaré coupable d’une infraction passible de l’emprisonnement à vie prévue par le Code criminel, ou d’une peine maximale de deux ans dans tous les autres cas – l’adolescent doit purger les deux tiers de la durée de cette peine sous garde, un tiers au sein de la collectivité, sous condition (cette période désignée de mise en liberté surveillée est semblable à la libération d’office applicable aux adultes en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, et représente une modification par rapport aux dispositions relatives au placement sous garde à l’alinéa 20(1)k) de la LJC);
    15. l’assujettissement de l’adolescent à une ordonnance différée de placement et de surveillance (ce serait comme une condamnation avec sursis dans le système pénal pour adultes) d’une période d’au plus six mois sous réserve des conditions pertinentes(22) (nouveau);
    16. l’ordonnance de placement et de surveillance d’une période d’au plus sept à dix ans, dont l’application est continue (en cas de meurtre seulement, voir ci-dessous) (alinéa 20(1)k.1) de la LJC);
    17. l’imposition, par une ordonnance de placement et de surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation (applicable seulement à une « infraction désignée », dans certaines circonstances, voir ci-dessous) (nouveau);
    18. l’imposition, à l’adolescent, de toutes autres conditions raisonnables et accessoires qu’il estime indiquées et conformes aux intérêts de l’adolescent et de la société (alinéa 20(1)l) de la LJC).

         d. Peines spécifiques en cas de meurtre

Outre l’une ou l’autre des sanctions précitées qu’il juge pertinente, dans le cas d’un adolescent passible d’une peine spécifique et qui est trouvé coupable de meurtre, le tribunal pour adolescents doit imposer l’une ou l’autre des peines suivantes :

  • dans le cas d’un meurtre au premier degré, une peine maximale de dix ans consistant, d’une part, en une mesure de placement sous garde, exécutée de façon continue, pour une période maximale de six ans, d’autre part, en la mise en liberté sous condition au sein de la collectivité (alinéas 41(2)p)(i));
  • dans le cas d’un meurtre au deuxième degré, une peine maximale de sept ans consistant, d’une part, en une mesure de placement sous garde, exécutée de façon continue, pour une période maximale de quatre ans, d’autre part, en la mise en liberté sous condition au sein de la collectivité (alinéa 41(2)p)(ii)).

Le tribunal a le choix aussi, selon le cas, de rendre une ordonnance de placement et de surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation (voir ci-dessous), sous réserve des mêmes périodes maximales qui s’appliquent aux mesures de placement sous garde et de surveillance qui composent la peine (alinéas 41(2)q)(ii) et (iii)).

Comme le prévoit l’alinéa 20(1) k.1) de la LJC, un adolescent accusé de meurtre et puni conformément aux alinéas 41(2) p) ou q) du projet de loi peut être incarcéré pendant cinq ans ou plus, ce qui lui donne le droit de bénéficier d’un procès avec jury aux termes du paragraphe 11(f) de la Charte canadienne des droits et libertés. Par conséquent, à l’instar des article 19 et paragraphe 19(1) de la LJC, les articles 66 et 67 du projet de loi (voir « peines applicables aux adultes » ci-dessous) donnent à l’adolescent le choix du mode d’instruction pour ces instances.

Les articles 66 et 67, toutefois, élargissent le choix quant au mode d’instruction dans cette situation. À l’heure actuelle, lorsqu’un adolescent souhaite une enquête préliminaire, il doit choisir d’être jugé par un juge et un jury. En vertu des articles 66 et 67, l’adolescent dans la même situation peut choisir d’être jugé par un juge sans jury après enquête préliminaire, et bénéficie ainsi du même droit que confère le Code criminel pour la plupart des actes criminels.

         e. Placement et surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation

En vertu de l’alinéa 41(2)q), une nouvelle peine spécifique – une « ordonnance de placement et de surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation » – peut être infligée à l’égard de toute « infraction désignée » sous le régime du projet de loi (c.-à-d. un meurtre, une tentative de meurtre, un homicide involontaire coupable et une agression sexuelle grave, ou toute autre infraction grave avec violence pour laquelle un adulte encourrait une peine d’emprisonnement de plus de deux ans, dans le cas où il a déjà été décidé à au moins deux reprises que l’adolescent a commis de telles infractions). Conformément au paragraphe 41(7), cette ordonnance ne peut être rendue que si : l’adolescent souffre d’une maladie ou de troubles d’ordre mental, d’un dérèglement d’ordre psychologique ou de troubles émotionnels; un projet de traitement et d’étroite surveillance a été élaboré pour répondre à ses besoins; il existe des motifs raisonnables de croire que la mise en œuvre de ce projet pourrait permettre de réduire les risques que l’adolescent commette une autre infraction désignée; et le directeur provincial consent à la participation de l’adolescent au programme. L’ordonnance oblige l’adolescent à purger une partie de la peine sous garde de façon continue dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation, l’autre, en liberté au sein de la collectivité, sous condition. Pour les infractions autres que le meurtre (voir ci-dessus), l’ordonnance prévoit une peine maximale de trois ans dans le cas d’une infraction passible de l’emprisonnement à vie selon le Code criminel, ou de deux ans pour toute autre infraction (alinéa 41(2)q)(i)).

Bien qu’il appartienne aux provinces de faire en sorte que l’ordonnance puisse être rendue en créant les programmes nécessaires, cette nouvelle peine spécifique proposée a pour but de surveiller et de traiter dans une plus vaste mesure les adolescents qui commettent des infractions graves avec violence et qui souffrent d’une maladie ou de troubles d’ordre mental, psychologique ou émotionnel importants.

         f. Infraction qualifiée d’« infraction grave avec violence »

Conformément au paragraphe 41(8), le tribunal pour adolescents peut, à la demande du poursuivant, après avoir donné aux parties l’occasion de présenter des observations, décider que l’infraction dont l’adolescent a été déclaré coupable est une infraction grave avec violence et faire mention de ce fait sur la dénonciation. À l’article 2 du projet de loi, une « infraction grave avec violence » est définie comme étant « toute infraction qui cause des lésions corporelles ou risque fort d’en causer ». Lorsqu’il est trouvé coupable à une troisième reprise d’une infraction grave avec violence, l’adolescent qui a atteint l’âge de 14 ans est passible d’une peine applicable aux adultes, à moins qu’il puisse convaincre le tribunal que l’infliction d’une peine spécifique suffit pour le faire répondre de l’infraction qu’il a commise.

         g. Durée totale des peines spécifiques

Le paragraphe 41(12) stipule qu’aucune peine spécifique infligée pour la même infraction ne peut rester en vigueur plus de deux ans, à l’exception d’une ordonnance d’interdiction, de saisie ou de confiscation (alinéa 41(2)j)), d’une ordonnance de placement et de surveillance, ou d’une ordonnance de placement et de surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation (alinéas 41(2)n), p) ou q)). Lorsque plusieurs peines spécifiques sont infligées à l’endroit d’un adolescent pour des infractions différentes, leur durée totale continue ne doit pas dépasser trois ans, sauf dans le cas où l’une de ces infractions est le meurtre au premier degré ou le meurtre au deuxième degré, auquel cas leur durée totale continue ne peut être supérieure à dix ans et à sept ans respectivement (paragraphe 41(13)). On trouve des dispositions équivalentes aux paragraphes 20(3) et (4) de la LJC.

Les peines peuvent être purgées consécutivement si l’adolescent est condamné pour une infraction au moment où le tribunal lui inflige une nouvelle peine comportant un placement sous garde, ou s’il est déclaré coupable de plus d’une infraction et que des périodes de placement sous garde sont infligées pour chacune (paragraphe 41(15)).

À l’instar du paragraphe 20(5) de la LJC, le paragraphe 41(16) prévoit qu’une peine spécifique prononcée à l’endroit d’un adolescent continue à produire ses effets après qu’il a atteint l’âge adulte.

         h. Autres peines comportant le placement sous garde

Les articles 42 à 45 du projet de loi traitent de l’exécution d’une peine spécifique supplémentaire imposée pour une infraction commise avant le début de l’exécution d’une première peine infligée.

En pareil cas, l’article 42 stipule qu’aux fins du calcul de la durée totale de la peine infligée à l’adolescent et de la durée respective de la période de garde et de celle purgée au sein de la collectivité (c.-à-d. mise en liberté surveillée au sein de la collectivité, sous condition, ou surveillance conditionnelle), les deux peines sont additionnées de sorte que l’adolescent n’est réputé avoir été condamné qu’à une seule peine commençant le jour du début de l’exécution de la première. La durée de cette nouvelle peine fusionnée ne peut excéder les périodes mentionnées au paragraphe 41(13) (c.-à-d. dix ans, dans le cas d’un meurtre au premier degré, sept ans, dans le cas d’un meurtre au deuxième degré, et trois ans pour toutes les autres infractions), et la durée totale de la période de garde à purger ne doit pas dépasser six ans en vertu de l’article 45.

L’article 43 prévoit le prolongement de la période de garde de la peine que l’adolescent a commencé de purger de sorte à tenir compte de la période de garde supplémentaire à purger.

Dans le cas où la peine supplémentaire a pour effet de prolonger la période de garde à purger, l’article 44 stipule que la mise sous surveillance au sein de la collectivité devient ineffective et que l’adolescent doit être replacé sous garde. Toutefois, même quand la peine supplémentaire comportant le placement sous garde ne modifie pas automatiquement la période de garde à purger, le directeur provincial peut, en vertu du paragraphe 44(2), placer l’adolescent sous garde le temps qu’il réexamine le cas. Conformément au paragraphe 44(3), le directeur provincial est obligé de procéder ainsi lorsque l’adolescent a été mis en liberté sous condition avant la fin de la période de garde de la première peine (voir les articles 93 et 95 à la partie 5). Ces dispositions ont pour but de garantir que, même lorsqu’une peine supplémentaire ne modifie pas la durée de la peine que l’adolescent a commencé de purger, l’autorité responsable a toujours la possibilité de réexaminer le cas, puisque la peine supplémentaire infligée peut traduire un comportement susceptible de modifier le profil des risques que présente l’adolescent.

         i. Placement sous garde continue et discontinue

À l’instar du paragraphe 24(4) de la LJC, l’article 46 précise que même si les peines spécifiques comportant le placement sous garde sont réputées être purgées de façon continue, le tribunal pour adolescents peut rendre une ordonnance de placement sous garde discontinue (c.-à-d. pendant les fins de semaine), dans la mesure où il existe un lieu où l’adolescent peut être placé sous garde de façon discontinue. Toutefois, le paragraphe 46(2) modifie la Loi de manière à ne permettre une ordonnance de placement sous garde discontinue que dans les cas où la durée maximale de la peine est de 90 jours ou moins. De plus, une peine comportant le placement sous garde discontinue ne peut être prononcée lors d’une instance de meurtre ou de toute autre instance où une ordonnance de placement et de surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation est rendue. Les alinéas 41(2) p) et q) ci-dessus stipulent qu’en pareil cas, une peine comportant le placement sous garde continue doit être imposée.

         j. Motifs de la peine

Aux termes de l’article 47, le tribunal pour adolescents qui prononce une peine spécifique doit en consigner les motifs au dossier de l’instance et, sur demande, faire fournir une copie des motifs et du prononcé de la peine à l’adolescent, à son avocat, à ses père ou mère, au directeur provincial, au poursuivant et, s’il s’agit d’une peine comportant la garde, à la commission d’examen (qui examine le niveau de garde du lieu où l’adolescent doit être placé – voir l’article 86). On trouve une disposition équivalente au paragraphe 20(6) de la LJC.

         k. Non-application des dispositions du Code criminel concernant la détermination de la peine

Conformément au paragraphe 20(8) de la LJC, l’article 49 précise que les dispositions du Code criminel concernant la détermination de la peine (partie XXIII) ne s’appliquent pas aux poursuites intentées sous le régime de LJC, sauf les dispositions prévues à l’article 722 (admission des éléments de preuve concernant la victime), au paragraphe 730(2) (maintien en vigueur de la citation à comparaître, la promesse de comparaître, la sommation, la promesse remise par l’accusé ou l’engagement contracté par lui dans certaines situations) et aux articles 748 et 749 ainsi qu’au paragraphe 748(1) (dispositions traitant du pardon, de la remise de peine et de la prérogative royale de clémence).

         l. Interdiction de possession d’armes

L’article 50 stipule que dans le cas où le tribunal le déclare coupable de certaines infractions, un adolescent, en plus des peines spécifiques mentionnées au paragraphe 41(2) ci-dessus, est passible, comme le serait un adulte, d’une ordonnance du tribunal lui interdisant d’avoir en sa possession des armes, munitions, substances explosives, etc. (les infractions qui suscitent une telle ordonnance sont précisées aux alinéas 109(1)a) à d) et 110(1)a) et b) du Code criminel). Aux termes de l’article 50 du projet de loi, cependant, la période d’interdiction liée à de telles ordonnances est considérablement plus courte que la période applicable aux adultes en vertu du Code criminel (durée maximale, dans le cas d’une ordonnance discrétionnaire, ou minimale, dans le cas d’une ordonnance obligatoire, de deux ans sous le régime du projet de loi, par rapport à une durée maximale ou minimale, selon le cas, de dix ans en vertu du Code criminel). L’article 51 stipule que le tribunal pour adolescents peut, sur demande, procéder à l’examen de l’ordonnance rendue en application de l’article 50. Des dispositions équivalentes sont prévues au paragraphe 20(1) et à l’article 33 de la LJC.

         m. Affectation d’une somme à l’aide aux victimes

L’article 52 prévoit qu’une partie de l’amende imposée à l’adolescent conformément à l’alinéa 41(2)d) soit affectée à l’aide aux victimes. Aux termes du paragraphe 52(1), le lieutenant-gouverneur en conseil d’une province peut fixer le pourcentage de l’amende imposée qui sera affecté à l’aide aux victimes d’actes criminels en conformité avec ses instructions. Dans le cas où le lieutenant-gouverneur en conseil n’a rien prescrit au titre de l’affectation partielle de l’amende, le paragraphe 52(2) stipule que le tribunal pour adolescents peut ordonner que l’adolescent à qui il impose une amende verse également une suramende compensatoire d’au plus 15 p. 100 de l’amende, qui est affectée à l’aide aux victimes d’actes criminels en conformité avec les instructions du lieutenant-gouverneur en conseil de la province où elle est imposée.

Conformément au paragraphe 53(1), avant d’imposer par ordonnance une suramende compensatoire, le tribunal doit tenir compte de la capacité de payer de l’adolescent. Celui-ci peut s’en acquitter, en totalité ou en partie, en effectuant un travail dans le cadre d’un programme établi à cette fin par la province où la suramende a été imposée (paragraphe 53(2)).

         n. Ordonnances assorties de conditions relatives à la conduite
            i. Conditions

L’article 54 établit les conditions applicables à l’ordonnance de probation (alinéa 41(2)k)) et à l’ordonnance obligeant l’adolescent à suivre un programme d’assistance et de surveillance intensives (alinéa 41(2)l)). L’article 23 de la LJC prévoit des dispositions semblables. Le tribunal pour adolescents doit assortir l’ordonnance rendue des conditions suivantes, intimant à l’adolescent de ne pas troubler l’ordre public, d’avoir une bonne conduite et de répondre aux convocations du tribunal. Le tribunal pour adolescents peut aussi assortir l’ordonnance rendue de l’une ou plusieurs des conditions suivantes, intimant à l’adolescent :

  • de se présenter au directeur provincial ou à la personne désignée par le tribunal pour adolescents et de se soumettre à sa surveillance;
  • d’aviser le greffier du tribunal pour adolescents, le directeur provincial ou le délégué à la jeunesse responsable de son cas de tout changement soit d’adresse soit de lieu de travail, de scolarité ou de formation;
  • de rester dans le ressort du tribunal ou des tribunaux mentionnés dans l’ordonnance;
  • de faire les efforts voulus en vue de trouver et de conserver un emploi approprié;
  • de fréquenter l’école ou tout établissement d’enseignement, de formation ou de loisirs approprié où il existe, pour l’adolescent, un programme convenable;
  • de résider chez l’un de ses père ou mère ou chez un autre adulte qui est prêt à assurer son entretien;
  • de résider à l’endroit fixé par le directeur provincial;
  • l’interdiction d’être en possession d’une arme, de munitions, de munitions prohibées, d’un dispositif prohibé ou de substances explosives ou d’en avoir le contrôle, sauf en conformité avec l’ordonnance;
  • d’observer les autres conditions que le tribunal considère souhaitables.

L’ordonnance de placement et de surveillance, dont l’application est différée,

(c.-à-d. les condamnations avec sursis, sous condition) prévue à l’alinéa 41(2)o) pourrait également être assortie des conditions précitées.

            ii. Modification de l’ordonnance

Aux termes de l’article 55, le tribunal pour adolescents qui a rendu une ordonnance de probation (alinéa 41(2)k)) ou obligé l’adolescent, par ordonnance, à suivre un programme d’assistance et de surveillance intensives (alinéa 41(2)l)) peut, sur demande de l’adolescent ou du directeur provincial, soit apporter aux conditions facultatives de l’ordonnance les modifications qu’il estime justifiées eu égard aux modifications des circonstances depuis qu’elle a été rendue, soit relever l’adolescent, complètement ou en partie, de l’obligation de respecter une condition facultative, soit annuler l’ordonnance ou lui substituer une peine appropriée (choisie parmi les sanctions visées aux alinéas 41(2)d) à m)), soit annuler complètement l’ordonnance.

            iii. Violation de l’ordonnance

L’article 56 traite de la violation de l’ordonnance de probation (alinéa 41(2)k)), de l’obligation, imposée par ordonnance, de suivre un programme d’assistance et de surveillance intensives (alinéa 41(2)l)), ou de l’ordonnance différée de placement et de surveillance (alinéa 41(2)o)). Le tribunal pour adolescents peut, sur demande du directeur provincial, ordonner à l’adolescent de comparaître devant lui en vue d’une audition s’il est convaincu que l’adolescent a enfreint l’ordonnance sans excuse raisonnable. Après audition de l’adolescent, un éventail d’options s’offre au tribunal, en tenant compte de tout manquement antérieur de la part de l’adolescent et de la nature du manquement. Le tribunal peut ne prendre aucune sanction, en cas de violation mineure, ou apporter aux conditions facultatives de l’ordonnance les modifications qu’il estime justifiées eu égard aux modifications de circonstances depuis qu’elle a été rendue. Le tribunal peut également obliger l’adolescent, par ordonnance, à fréquenter une institution offrant un programme approuvé aux termes de l’alinéa 41(2)m). Dans le cas de violation des conditions de l’ordonnance différée de placement et de surveillance, le tribunal peut ordonner que l’adolescent purge le reste de sa peine comme si celle-ci était une ordonnance de placement sous garde et de surveillance prévue à l’alinéa 41(2)n). L’article 56 est semblable au paragraphe 26(6) de la LJC.

         o. Transfert des peines

Les articles 57 et 58 stipulent qu’il est possible de transférer une peine spécifique à un district judiciaire situé hors du ressort du tribunal qui a infligé la peine, ce que prévoient également l’article 25 et le paragraphe 25(1) de la LJC.

         p. Examen des peines ne comportant pas de placement sous garde

L’article 59 prévoit l’examen des peines spécifiques ne comportant pas de placement sous garde (c.-à-d. les peines infligées en application du paragraphe 41(2), autres que celles visées aux alinéas 41(2)n), p) ou q)) par le tribunal pour adolescents. L’article 59 reprend les dispositions de l’article 32 de la LJC. Le mécanisme d’examen des peines permet au tribunal de revoir la peine qui a été infligée à un adolescent et de déterminer si elle convient toujours compte tenu des circonstances, ou s’il y a lieu de la modifier, voire de l’annuler.

La peine ne comportant pas de placement sous garde est examinée six mois après avoir été infligée -- soit antérieurement avec la permission d’un juge du tribunal pour adolescents – à la demande de l’adolescent, de ses père ou mère, du procureur général ou du directeur provincial (paragraphe 59(1)). Aucun examen ne peut, sous le régime du paragraphe 59 (5), être fait avant la fin de toutes les procédures découlant de l’appel. Pour faciliter l’examen de la peine, le tribunal pour adolescents peut exiger du directeur provincial qu’il fasse préparer et lui présente un rapport d’étape sur le comportement de l’adolescent depuis le début de l’exécution de la peine (paragraphe 59 (3)). L’auteur du rapport d’étape peut y insérer les renseignements qu’il estime utiles sur les antécédents personnels ou familiaux de l’adolescent et sa situation actuelle (paragraphe 59(4)). Les dispositions régissant la distribution et la communication du rapport prédécisionnel (voir les paragraphes 39(4) à (10)) qui s’appliquent au rapport d’étape (paragraphe 59(4)).

Aux termes du paragraphe 59(2), l’examen d’une peine ne comportant pas de placement sous garde peut être effectué pour les motifs suivants :

  • la survenance de modifications importantes dans les circonstances qui ont conduit à l’infliction de la peine
  • l’impossibilité pour l’adolescent visé par l’examen d’observer les conditions de la peine ou les sérieuses difficultés que cette observation lui cause;
  • l’existence d’obstacles découlant des conditions de la peine, qui compromettent les chances de l’adolescent de bénéficier de certains services, de cours de formation ou d’un emploi;
  • tout autre motif que le tribunal pour adolescents estime approprié.

Le tribunal pour adolescents peut, après avoir examiné la peine et donné l’occasion aux parties concernées de se faire entendre (c.-à-d. l’adolescent, ses père ou mère, le procureur général et le directeur provincial), prendre l’une des mesures suivantes :

    1. confirmer la peine examinée;
    2. annuler la peine;
    3. la modifier ou en infliger une nouvelle (autre qu’une peine comportant le placement sous garde) pourvu que la peine modifiée ne soit, sans l’accord de l’adolescent, plus sévère pour celui-ci que le reste des obligations imposées par la peine examinée.

      5. Peines applicables aux adultes
         a. Vue d’ensemble

À l’heure actuelle, en vertu de la LJC, un adolescent reçoit une peine applicable aux adultes seulement dans le cas où l’instance a été renvoyée au système de justice pénale applicable aux adultes avant le jugement. Les cas de renvoi au système de justice pénale pour les adultes sont décrits à l’article 16 de la LJC. La LJC prescrit deux formes de renvoi : le renvoi général et le renvoi par présomption.

Le mécanisme de renvoi général entre en jeu si l’adolescent a au moins 14 ans et qu’il est accusé d’un acte criminel (autre qu’un acte criminel qui ne peut être instruit que devant une juridiction provinciale). Aussi bien le poursuivant que l’avocat de la défense peut demander au tribunal pour adolescents de renvoyer un dossier au système applicable aux adultes. Avant d’ordonner le renvoi, le tribunal doit être convaincu que deux objectifs, soit la protection du public et la réinsertion sociale de l’adolescent, ne peuvent être conciliés si l’affaire est placée sous la compétence du système pour adolescents. La partie qui demande le renvoi – c’est normalement la Couronne – assume le fardeau de la preuve.

En 1995, la LJC a été modifiée pour permettre le renvoi par présomption de certains dossiers devant le système applicable aux adultes. Il s’agit des cas où l’adolescent est âgé d’au moins 16 ans et se voit imputer un meurtre, une tentative de meurtre, un homicide involontaire coupable ou une agression sexuelle grave; l’instruction par un tribunal pour adultes est inévitable, sauf si la défense ou le poursuivant peuvent, sur demande, persuader le tribunal que les mêmes deux objectifs, c’est-à-dire la protection du public et la réinsertion sociale de l’adolescent, peuvent être satisfaits par un procès devant le tribunal pour adolescents. La partie qui cherche à empêcher le renvoi – habituellement la défense – assume alors le fardeau de la preuve.

Le projet de loi C-3 propose une modification en profondeur de la LJC dans ce domaine : il abolit le mécanisme de renvoi et prévoit l’imposition de peines applicables aux adultes par le système de justice pénale pour les adolescents. Comme pour le renvoi général dans la LJC, le poursuivant serait en mesure de demander que le tribunal ordonne l’assujettissement de l’adolescent à une peine applicable aux adultes s’il est déclaré coupable d’un acte criminel sanctionné (dans le cas d’un adulte) par un emprisonnement de plus de deux ans. Le mécanisme de renvoi par présomption serait converti en une catégorie d’infractions, les « infractions désignées » : dès la déclaration de culpabilité au titre de ces infractions, le tribunal serait tenu d’infliger une peine applicable aux adultes, sauf si le jeune contrevenant a réussi à obtenir une ordonnance de non-assujettissement à cette peine. En outre, le projet de loi élargit l’accès aux peines applicables aux adultes, de sorte qu’elles pourraient s’appliquer non seulement au meurtre, à la tentative de meurtre, à l’homicide involontaire coupable ou à l’agression sexuelle grave, mais aussi aux infractions désignées énumérées dans le projet de loi, et dont la liste serait étendue pour inclure celles que commet un adolescent déclaré coupable pour la troisième fois d’un crime grave avec violence. De plus, l’âge où un jeune pourrait être présumé passible d’une peine applicable aux adultes serait ramené de 16 à 14 ans.

Par suite d’un autre changement à la LJC, c’est à la fin de l’instruction que le tribunal déterminerait si l’adolescent doit être assujetti à une peine applicable aux adultes – c’est-à-dire après le verdict de culpabilité mais avant l’audience sur la détermination de la peine. Toutefois, un jeune contrevenant susceptible de recevoir une peine applicable aux adultes aurait le droit, dans le cas où il n’est pas jugé pour une infraction désignée, de recevoir un avis, préalable au procès, l’informant que la Couronne a l’intention de demander l’imposition d’une peine applicable aux adultes; il aurait alors le choix de bénéficier d’une enquête préliminaire et d’un procès devant jury. On croit que le déplacement de cette procédure après l’instruction rendra le processus plus efficient qu’à l’heure actuelle, où la décision de renvoi doit être prise avant le procès. En ce moment, une bonne partie de la preuve produite à l’audience de renvoi doit l’être à nouveau au procès ou à l’audience sur la détermination de la peine. Qui plus est, même si une décision de renvoi fait l’objet d’un appel, avant même l’instruction de l’affaire, l’ordonnance imposant ou non l’assujettissement à une peine applicable aux adultes ne pourrait être contestée en appel qu’à la fin du procès, dans le cadre de la détermination de la peine. Une décision postérieure au verdict est aussi plus compatible avec la présomption d’innocence.

En proposant de remplacer le renvoi préalable à l’instruction par une détermination postérieure au procès, le projet de loi est davantage conforme aux recommandations que formulait le Comité permanent de la Chambre des communes sur la justice et les questions juridiques dans son rapport de 1997 et celles du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur le système de justice pour adolescents(23).

         b. Demande de non-assujettissement à la peine applicable aux adultes
             présentée par l’adolescent

Selon l’article 62 du projet de loi, l’adolescent accusé ou déclaré coupable d’une infraction désignée peut, en tout temps avant la détermination de la peine, adresser au tribunal une demande de non-assujettissement à la peine applicable aux adultes et d’infliction d’une peine pour adolescents. Lorsqu’aucune demande en ce sens n’est déposée, l’article 70 oblige le tribunal à vérifier avant de prononcer la peine si l’adolescent désire présenter une telle demande. Si le poursuivant avise le tribunal qu’il ne s’est pas opposé à la demande de l’adolescent, le tribunal devra rendre l’ordonnance.

         c. Demande et avis du procureur général quant à l’assujettissement à une peine
            applicable aux adultes

L’article 63 permet à la Couronne de demander au tribunal l’assujettissement de l’adolescent à une peine applicable pour adultes s’il a commis, après l’âge de 14 ans, un acte criminel pour lequel un adulte serait passible de plus de deux années d’emprisonnement. La demande devrait être présentée après le verdict de culpabilité et après que le tribunal a décidé en application du paragraphe 41(8) (voir ci-dessus) que l’adolescent a commis une infraction grave avec violence, mais avant l’audience sur la détermination de la peine. Si le jeune contrevenant a avisé le tribunal qu’il ne s’opposait pas à son assujettissement à la peine applicable aux adultes, le tribunal est tenu d’ordonner qu’une telle peine soit infligée.

Cependant, lorsque la Couronne a l’intention de présenter une demande d’assujettissement ou de prouver que l’adolescent a commis une infraction désignée, elle devra aviser l’adolescent et le tribunal de son intention avant le dépôt du plaidoyer ou, avec la permission du tribunal, avant le début du procès. La Couronne serait également tenue, avant le plaidoyer, d’informer l’adolescent contrevenant qu’elle a l’intention d’établir, après le verdict de culpabilité, qu’il a commis une troisième infraction grave avec violence et, donc, une infraction désignée.

Dans le cas des infractions désignées énumérées, soit le meurtre, la tentative de meurtre, l’homicide involontaire coupable et l’agression sexuelle grave, aucun avis ne serait nécessaire, ni s’il s’agit d’une infraction incluse pour laquelle un adulte serait passible de plus de deux années d’emprisonnement.

L’article 64 permet à la Couronne de ne pas demander l’assujettissement à une peine applicable aux adultes pour une infraction désignée. Si la Couronne donne avis à cette fin, le tribunal pour adolescents devra ordonner que le jeune contrevenant déclaré coupable ne soit pas assujetti à une peine applicable aux adultes. Il devra aussi interdire la publication de renseignements permettant d’identifier l’adolescent qui a été jugé sous le régime du projet de loi.

         d. Choix du mode d’instruction

Lorsqu’un adolescent est susceptible de recevoir une peine applicable aux adultes ou qu’il est inculpé de meurtre (voir ci-dessus la rubrique sur les peines infligées aux adolescents en cas de meurtre), l’article 67 permet le choix d’un mode d’instruction : sans enquête préliminaire et par un juge du tribunal pour adolescents; avec enquête préliminaire et devant un juge seul; avec enquête préliminaire et devant un juge et jury. Ces instances seraient régies par les dispositions pertinentes du Code criminel (c’est-à-dire les parties XVIII, XIX et XX), sauf dans la mesure où celles-ci sont contraires au projet de loi.

Indépendamment de ce choix, l’article 67 du projet de loi comporte des dispositions semblables à celles qu’on retrouve dans le Code criminel et qui permettent de refuser dans certaines circonstances le mode de procès choisi par l’accusé. En effet, selon le paragraphe 67(3) du projet de loi, le tribunal pourra imposer un procès devant juge et jury assorti d’une enquête préliminaire lorsque plusieurs adolescents sont accusés et ont fait des choix différents. Cette disposition est essentiellement la même que l’article 567 du Code criminel. Le paragraphe 67(4), en revanche, laisse au procureur de la Couronne la possibilité de passer outre au choix de l’adolescent et de demander une instruction devant jury pour quelque raison que ce soit. Ce paragraphe est fondé sur l’article 568 du Code criminel.

         e. Décision relative à l’assujettissement à une peine applicable aux adultes

Avant de décider qu’un adolescent est assujetti à une peine applicable aux adultes en raison d’une infraction pour laquelle il est déclaré coupable, le tribunal tiendra une audience semblable à l’audience de renvoi prévue à l’article 16 de la LJC.

L’article 71 exige la tenue d’une audience à moins que la demande d’assujettissement ou de non-assujettissement à une peine applicable aux adultes, selon le cas, ne fasse l’objet d’aucune opposition. Comme au paragraphe 16(1.1) de la LJC, la poursuite, la défense ainsi que les père et mère de l’adolescent auront l’occasion de se faire entendre.

Lorsqu’il prend une décision relative à l’assujettissement à une peine applicable aux adultes, le tribunal pour adolescents doit, selon l’article 72, se demander si la peine pour adolescents suffirait à tenir le jeune contrevenant responsable de son comportement délinquant à la lumière des facteurs suivants : la gravité de l’infraction et les circonstances de sa perpétration, le degré de responsabilité, l’âge, la maturité, le caractère, les antécédents et les condamnations antérieures de l’adolescent, de même que tout autre élément pertinent. Si les facteurs dont il doit tenir compte sont semblables à ceux qui entrent en jeu dans l’examen d’une demande de renvoi prévue à l’article 16 de la LJC, le critère lui-même est différent : le paragraphe 16(1.1) de la loi actuelle mentionne en effet la capacité du système de justice pour adolescents de concilier deux objectifs, soit la protection du public et la réinsertion sociale de l’adolescent, mais énonce clairement que le premier a préséance, alors que l’article 72 du projet de loi ne contient aucune mention expresse de la protection du public ou de la réinsertion sociale. Toutefois, l’incidence du critère proposé reste peu évidente.

Comme pour une demande de renvoi, le tribunal doit examiner le rapport présententiel lorsqu’il rend une décision en application de l’article 72. En outre, il doit bien évidemment motiver sa décision. Contrairement au renvoi prévu dans la LJC, par contre, où la demande peut être contestée séparément, une décision prévue à l’article 72 ne pourrait être portée en appel que dans le cadre de la peine infligée, sauf décision contraire du tribunal d’appel (voir aussi le paragraphe 36(4)).

L’article 74 applique les dispositions du Code criminel sur la détermination de la peine (partie XXIII) et les délinquants dangereux (partie XXIV) aux adolescents assujettis à une peine applicable aux adultes. Lorsque cette peine est confirmée à l’issue d’un appel, ou une fois que les délais d’appel ont expiré, l’article 74 transformera une « déclaration de culpabilité » en une « condamnation ».

Dans le cas où le jeune contrevenant est déclaré coupable d’une infraction désignée, mais que le tribunal a décidé de ne pas l’assujettir à une peine applicable aux adultes, l’article 75 permet dans certaines circonstances la publication de renseignements identifiant l’adolescent. Cette disposition déroge à l’ancienne LJC (article 38), car la publication serait permise sauf lorsque le tribunal est convaincu, sur demande présentée par la défense ou la poursuite, que l’objectif de réadaptation atteint par la suppression des renseignements pèse plus lourd que l’intérêt public satisfait par sa publication.

         f. Adolescent condamné à une peine d’emprisonnement

Lorsqu’un adolescent est condamné à l’emprisonnement à titre de peine applicable pour adultes, l’article 76 du projet de loi laisse au tribunal, à l’instar de l’article 16.2 de la LJC, un certain pouvoir discrétionnaire dans le choix du genre d’établissement correctionnel où la peine doit être purgée. Le paragraphe 76(1) exige que le tribunal qui prononce la peine ordonne à l’adolescent de purger tout ou partie de sa peine dans un lieu de garde à l’écart des adultes, dans un établissement correctionnel provincial pour adultes ou, dans le cas d’une peine de deux ans ou plus, dans un pénitencier fédéral. Avant de rendre cette ordonnance, le tribunal doit exiger la préparation d’un rapport et donner aux personnes suivantes l’occasion de se faire entendre : l’adolescent, ses père et mère, le procureur de la Couronne, le directeur provincial et les représentants des systèmes correctionnels provinciaux et fédéraux (paragraphes 76(1) et (3)).

L’article 76 limite quand même le pouvoir discrétionnaire du tribunal qui prononce la peine en matière de mise sous garde. En effet, contrairement à l’article 16.2 de la LJC, le paragraphe 76(2) établit les présomptions suivantes : si l’adolescent est âgé de moins de 18 ans au moment du prononcé de la peine, il faut ordonner son placement dans un lieu de garde pour adolescents; s’il est âgé de 18 ans ou plus, il doit être placé dans un lieu de garde convenable (c’est-à-dire un établissement provincial ou un pénitencier, selon la durée de la peine). Ces présomptions peuvent être réfutées lorsque le tribunal est convaincu que le placement par présomption n’est pas dans l’intérêt de l’adolescent ou menace la sécurité d’autres personnes.

Une fois que les délais d’appel ont expiré, les personnes énumérées plus haut peuvent demander au tribunal pour adolescents d’examiner la décision de mise sous garde (paragraphes 76(5) et (6)). Après avoir entendu les autres parties et intéressés, le tribunal peut modifier son ordonnance s’il est convaincu que les circonstances qui ont donné lieu à l’ordonnance originelle ont changé de façon importante (paragraphe 76(5)).

Lorsqu’un « adolescent » de 20 ans ou plus se trouve déjà dans un lieu de garde pour adolescents, le tribunal qui rend ou examine l’ordonnance de mise sous garde devra ordonner son transfèrement à l’établissement approprié pour adultes, sauf s’il est convaincu que l’adolescent – dans son propre intérêt et pour éviter de mettre en danger la sécurité d’autres personnes – devrait y demeurer (paragraphe 76(8)).

Les paragraphes 77 et 78 font en sorte que les règles régissant la libération conditionnelle (partie II de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition) et les remises de peine (article 6 de la Loi sur les prisons et les maisons de correction), selon le cas, s’appliquent aux adolescents qui purgent une peine d’emprisonnement applicable aux adultes, même si le jeune contrevenant a été placé dans un lieu de garde pour adolescents durant tout ou partie de sa peine.

Malgré ce qui précède, les articles 79 et 80 permettent qu’un adolescent ayant reçu une peine d’emprisonnement applicable aux adultes sous le régime du projet de loi soit transféré dans un établissement correctionnel pour adultes lorsqu’il est condamné ultérieurement à une peine d’emprisonnement en application d’une autre loi fédérale (par exemple, le Code criminel); s’il purgeait déjà une peine infligée en vertu d’une autre loi fédérale à ce moment-là, il restera dans un établissement pour adultes.

      6. Conséquences de la cessation d’effet des peines pour adolescents

Selon l’article 81 du projet de loi, un adolescent qui a reçu une peine applicable aux adolescents peut être soustrait à certaines conséquences de la déclaration de culpabilité à une infraction pénale. Tout comme le paragraphe 36(1) de la LJC, le paragraphe 81(1) énonce que la déclaration de culpabilité visant un adolescent est réputée n’avoir jamais existé dans le cas où, soit un tribunal a ordonné l’absolution inconditionnelle de l’adolescent, soit la peine spécifique infligée à l’égard de cette infraction a été purgée ou a cessé de produire ses effets. Contrairement à la disposition correspondante de la loi actuelle, cependant, l’avantage du paragraphe 81(1) s’étendrait aux personnes visées par une ordonnance d’interdiction de possession d’armes en application de l’article 50 ci-dessus ou de l’article 20.1 de la LJC. Le paragraphe 81(2) permet aussi que la cessation des effets d’une peine pour adolescents mette fin à l’incapacité dont était frappé l’adolescent en application d’une autre loi fédérale en raison de sa déclaration de culpabilité. De plus, le paragraphe 81(3) interdit l’utilisation d’une formule de demande d’emploi dans le secteur public fédéral ou une entreprise fédérale qui exige la divulgation d’une déclaration de culpabilité concernant une infraction pour laquelle la personne a purgé une peine infligée sous le régime du projet de loi. Les paragraphes 81(2) et (3) offrent des avantages semblables à ceux que confère une absolution inconditionnelle prononcée en vertu de la Loi sur le casier judiciaire (voir l’alinéa 5b) et l’article 8).

Certaines exceptions et réserves s’appliquent à la disposition générale énoncée au paragraphe 81(1), qui dispose qu’une personne ayant purgé sa peine pour adolescents serait présumée ne pas avoir été déclarée coupable de l’infraction. Tout d’abord, ce paragraphe est assujetti à l’article 12 de la Loi sur la preuve au Canada, ce qui signifie qu’un adolescent qui est présumé ne pas avoir été coupable d’une infraction en application du paragraphe 81(1) et qui comparaît par la suite comme témoin dans une instance pourrait quand même être interrogé sur cette déclaration de culpabilité en ce qui concerne sa crédibilité. La déclaration de culpabilité antérieure pourrait également être signalée dans d’autres instances mettant en cause le même adolescent. Elle pourrait être soulevée dans le cadre de la défense d’autrefois convict (condamnation antérieure) à l’occasion d’une infraction subséquente se rapportant à l’infraction (alinéa 81(1)a)). Un tribunal de la justice pour adolescents pourrait prendre en considération une telle déclaration de culpabilité dans le cadre d’une demande d’assujettissement ou de non-assujettissement à une peine applicable aux adultes (alinéa (81(1)b)), dans le cadre d’une demande de mise en liberté provisoire ou aux fins de la détermination de la peine appropriée pour une infraction (alinéa 81(1)c)). En outre, la Commission nationale des libérations conditionnelles ou une commission provinciale des libérations conditionnelles pourrait se servir de cette déclaration de culpabilité dans le cadre d’une demande de libération conditionnelle ou de réhabilitation (alinéa 81(1)d)).

Selon le paragraphe 81(4), une déclaration de culpabilité sous le régime du projet de loi ne constituerait pas une déclaration antérieure de culpabilité aux fins de toute infraction fédérale pour laquelle une punition plus lourde est prescrite en raison d’une condamnation antérieure sauf lorsqu’il s’agit de déterminer qu’une infraction est désignée (c’est-à-dire pour laquelle une peine applicable aux adultes devrait être infligée – voir la partie b) de la définition d’une « infraction désignée » au paragraphe 2(1) du projet de loi) - ou de déterminer la peine applicable aux adultes qui doit être infligée à l’adolescent. Ces exceptions s’écartent de la disposition actuelle de la LJC (paragraphe 36(5)).

   F. Partie 5 : Garde et surveillance
      1. Objectif et principes du régime de garde et de surveillance applicable aux adolescents
         a. Objectif général et principes

Aux termes du paragraphe 82(1) du projet de loi, le régime de garde et de surveillance applicable aux adolescents viserait à contribuer à la protection de la société. D’une part, en assurant l’exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires, justes et humaines et, d’autre part, en aidant, au moyen de programmes appropriés pendant l’exécution des peines sous garde ou au sein de la collectivité, à la réadaptation des adolescents et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois. Au paragraphe 82(2) sont énoncés les principes servant à la poursuite de cet objectif :

  • les mesures nécessaires à la protection du public, du personnel travaillant avec l’adolescent et de l’adolescent lui-même doivent être le moins restrictives possible;
  • l’adolescent mis sous garde doit continuer à jouir des droits reconnus à tous les autres adolescents, sauf de ceux dont la restriction est une conséquence nécessaire de la peine qui lui est infligée en vertu du projet de loi ou de toute autre loi fédérale;
  • le régime de garde et de surveillance doit faciliter la participation de la famille de l’adolescent et du public;
  • les décisions relatives à la garde ou à la surveillance doivent être claires et équitables, et l’adolescent doit avoir accès à des mécanismes efficaces de règlement de griefs;
  • le placement qui vise à traiter les adolescents comme des adultes ne doit pas les désavantager en ce qui concerne leur admissibilité à la libération et les conditions afférentes.

Ces principes s’ajoutent évidemment à tous autres principes pertinents énoncés dans la Déclaration de principes à l’article 3 du projet de loi.

         b. Séparation des adolescents et des adultes

En vertu de l’article 83, l’adolescent placé sous garde doit être tenu à l’écart de tout adulte, sauf quelques exceptions explicites stipulant qu’un adolescent placé sous garde ne doit pas toujours être tenu à l’écart des adultes, notamment lorsque :

  • dans le cas d’un adolescent qui doit être détenu en attendant le prononcé de la peine, sa sécurité ou celle d’autres personnes ne peut être garantie s’il est détenu dans un lieu de garde pour adolescents, ou qu’aucun établissement n’est disponible à une distance raisonnable de la maison et de la famille (voir le paragraphe 30(3));
  • certains « adolescents » aux termes du projet de loi seraient, en fait, d’âge adulte au moment du prononcé de la peine ou pourraient le devenir durant l’exécution de leur peine (voir les articles 76, 88, 91 et 92);
  • certains adolescents, quoique toujours d’âge mineur, peuvent mériter une peine d’emprisonnement applicable aux adultes et que, compte tenu de l’intérêt de ces adolescents et de la sécurité d’autres personnes, leur placement ou détention dans un établissement pour adolescents ne serait pas approprié (voir l’article 76 et les paragraphes 91(4) et 91(5)); et, d’autre part,
  • compte tenu des intérêts de l’adolescent ou de la sécurité d’autres personnes, il n’est pas toujours nécessaire ni souhaitable que chaque adolescent placé sous garde en vertu de la future LSJPA qui a ou atteint l’âge adulte soit placé dans un établissement pour adultes (p. ex., l’adolescent pourrait être un détenu à faible risque n’ayant qu’une courte peine à purger) (voir l’article 76).

Le projet de loi renforcerait la séparation des adolescents et des adultes en limitant, toutefois, le pouvoir discrétionnaire du tribunal à l’égard du placement des délinquants de 18 ans ou plus condamnés à l’emprisonnement en vertu du projet de loi. S’ajouterait ici la présomption que tout délinquant de 18 ans ou plus qui est frappé d’une peine d’emprisonnement applicable aux adultes en application du projet de loi doit être placé dans un établissement pour adultes (alinéa 76(2)b)). La présomption serait encore plus forte si ce délinquant avait 20 ans ou plus (paragraphe 76(8)). En outre, le délinquant âgé de 20 ans ou plus au moment où une peine spécifique lui est infligée doit être détenu dans un établissement pour adultes, sans autre exception (article 88).

L’importance accordée au principe de la séparation des adultes et des délinquants est renforcée à lumière de l’alinéa 37c) de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, aux termes duquel chaque État doit veiller à ce que tout enfant privé de liberté soit séparé des adultes, à moins que l’on estime préférable de ne pas le faire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Bien que signataire de la Convention, le Canada se réserve le droit de ne pas séparer les enfants et les adultes « lorsque cela n’est pas approprié ou possible ».

      2. Niveaux de garde

En vertu de l’article 84, il incombe au directeur provincial de déterminer le niveau de garde indiqué aux fins du placement de l’adolescent. Suivant cette disposition, les provinces doivent offrir au moins deux niveaux de garde qui se distinguent par le degré de confinement. Au moment d’imposer ou de réviser le niveau de garde approprié, le directeur provincial doit tenir compte des facteurs suivants :

  • le besoin d’imposer le niveau de garde le moins élevé possible, compte tenu :
  • de la gravité de l’infraction et des circonstances de sa perpétration;
  • des besoins de l’adolescent et de sa situation, notamment la proximité de la famille, d’une école, d’un emploi et de services de soutien;
  • de la sécurité des autres adolescents sous garde;
  • de l’intérêt de la société;
  • le besoin que le niveau de garde imposé permette la meilleure adéquation possible entre le programme destiné à l’adolescent, d’une part, et les besoins et la conduite de celui-ci, d’autre part, compte tenu des résultats de son évaluation;
  • les risques d’évasion.

Selon l’article 85, le directeur provincial doit s’assurer qu’une décision prise, ou un examen effectué, aux termes de l’article 84 est conforme au principe d’application régulière de la loi. En particulier, le directeur provincial doit communiquer à l’adolescent tout renseignement utile qu’il détient pour en arriver à une décision, lui donner l’occasion de se faire entendre, et l’aviser de ses droits à un examen en application de l’article 86. En vertu du paragraphe 84(7), le directeur provincial doit également faire donner un avis écrit de la décision prise ou de l’examen effectué à l’égard du niveau de garde, motifs à l’appui, à l’adolescent et à ses père ou mère.

En vertu de l’article 86, le directeur provincial devrait veiller à la mise en place des procédures pour l’examen par une commission indépendante d’une décision ou d’un changement visé à l’article 84. Les facteurs précités et le concept d’application régulière de la loi auxquels sont assujettis une décision ou un examen par le directeur provincial s’appliquent également à un examen par une commission indépendante, dont la décision serait définitive.

Si une province préfère que le niveau de garde soit déterminé par une instance judiciaire plutôt qu’administrative, l’article 87 autorise le gouvernement provincial à conférer à un tribunal pour adolescents le pouvoir de prendre la décision visée à l’article 84. Dans ce cas, différentes dispositions de la LJC actuelle s’appliqueraient, sans autre modification nécessaire.

Même si les critères applicables à la détermination du niveau de garde demeurent ceux prévus par la LJC (voir le paragraphe 24.1(4)), le projet de loi viendrait, contrairement à la LJC, présumer le recours à un mécanisme administratif pour la prise d’une décision. À l’heure actuelle, la LJC stipule que le tribunal pour adolescents a compétence pour prendre cette décision, sauf si la province confie cette responsabilité au directeur provincial (voir l’article 21.4). Autre changement par rapport à la LJC : les provinces jouiraient d’une plus grande latitude dans la désignation des types d’établissement où les adolescents pourraient être placés. L’article 24.1 de la LJC précise que les établissements offrent le mode de « garde en milieu ouvert » – soit les centres résidentiels locaux, les foyers collectifs, les établissements d’aide à l’enfance, les camps forestiers ou les camps de pleine nature, ou autre établissement du genre; ou de « garde fermée » – c’est-à-dire les lieux ou établissements pour le placement ou l’internement sécuritaires. Le projet de loi C-3 exige seulement, à l’article 84, que les provinces offrent plus d’un niveau de confinement.

La procédure elle-même subirait quelques modifications. Le projet de loi viendrait ajouter à l’article 85 des droits spécifiques d’application régulière aux fins de la procédure que le directeur provincial doit suivre dans la détermination du niveau de garde. Aux termes de l’article 86, cependant, les père ou mère de l’adolescent n’auraient plus le droit indépendant de demander un examen du choix du niveau de garde (voir le paragraphe 28.1(1)) de la LJC), et la décision d’une commission d’examen ne serait plus sujette à réexamen par le tribunal pour adolescents (voir l’article 31 de la LJC).

      3. Adolescents âgés de 20 ans ou plus au moment de l’imposition de la peine

L’article 88 prévoit que l’adolescent âgé de 20 ans ou plus au moment où une peine d’emprisonnement spécifique lui est infligée doit être détenu, au départ du moins, dans un établissement correctionnel provincial pour adultes(24). Lorsque le délinquant a purgé une partie de sa peine dans un établissement provincial pour adultes, le tribunal pour adolescents, sur demande présentée par le directeur provincial, peut ordonner que le reste de la peine soit purgé dans un pénitencier fédéral si le temps à courir sur la peine est de deux ans ou plus. L’adolescent, le directeur provincial et les représentants des systèmes correctionnels fédéral et provinciaux auront tous eu la possibilité de se faire entendre au moment de la présentation de la demande, et le tribunal doit être convaincu que le transfèrement dans un pénitencier est préférable pour l’adolescent ou dans l’intérêt public.

Un délinquant qui purge une peine spécifique dans un établissement pour adultes serait assujetti à la législation régissant les autres détenus de l’établissement particulier (dans le cas d’un établissement correctionnel provincial, la Loi sur les prisons et les maisons de correction et, dans le cas d’un pénitencier fédéral, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition), sous réserve qu’elle n’enfreigne pas les dispositions prévues à la Partie 6 du projet de loi (accès aux dossiers, communication des renseignements contenus dans les dossiers de l’adolescent, etc.). Les modifications attenantes à ces lois sont proposées aux articles 170, 172, 195 et 196 du projet de loi.

      4. Délégués à la jeunesse

L’article 89 traite des délégués à la jeunesse et de leur rôle de soutien durant la réinsertion sociale de l’adolescent. Au paragraphe 89(1), il est précisé que le directeur provincial doit désigner le délégué à la jeunesse qui travaillera avec l’adolescent dès son placement sous garde. Au lieu de garde, le délégué à la jeunesse verrait à établir et à mettre en œuvre un plan qui prévoit les programmes les mieux adaptés aux besoins de l’adolescent en vue d’augmenter le plus possible ses chances de réinsertion sociale. Le paragraphe 89(2) (comme le sous-alinéa 37a.1) de la LJC) prévoit que le délégué à la jeunesse assume aussi la surveillance de l’adolescent qui purge une partie de sa peine au sein de la collectivité, et qu’il continue de lui fournir l’appui nécessaire et de l’aider à observer les conditions de sa mise en liberté, ainsi qu’à mettre en œuvre le plan de réinsertion sociale.

      5. Congé de réinsertion sociale

L’article 90 autorise le directeur provincial à accorder un « congé de réinsertion sociale » à tout adolescent placé dans un lieu de garde de la province en exécution d’une peine spécifique ou d’une peine applicable aux adultes. L’article 35 de la LJC contient une disposition similaire prévoyant la « mise en liberté provisoire ». Le congé de réinsertion sociale peut être accordé selon les modalités jugées souhaitables par le directeur provincial, soit :

  • pour une période maximale de trente jours (renouvelable après réexamen du cas), accompagné ou non, soit pour des raisons médicales, humanitaires ou de compassion, soit en vue de la réadaptation ou de la réinsertion sociale de l’adolescent; ou
  • durant les jours et les heures fixés par le directeur provincial, de manière que l’adolescent puisse, selon le cas :
  • fréquenter l’école ou tout autre établissement d’enseignement ou de formation,
  • obtenir ou conserver un emploi ou effectuer, pour sa famille, des travaux ménagers ou autres,
  • participer à un programme spécial qui, de l’avis du directeur général, lui permettra de mieux exercer les fonctions de son poste ou d’accroître ses connaissances ou ses compétences ou
  • suivre un traitement externe ou prendre part à un autre type de programme offrant des services adaptés à ses besoins.

Le directeur provincial peut, à tout moment, révoquer l’autorisation de congé. Le cas échéant, ou lorsque l’adolescent n’a pas obtempéré aux conditions dont est assorti son congé, l’adolescent peut être arrêté sans mandat et renvoyé sous garde.

      6. Transfert ou placement dans un établissement pour adultes

Les articles 91 et 92 traitent du transfert et du placement dans un établissement pour adultes de certains adolescents placés sous garde en exécution d’une peine spécifique. L’article 76 du projet de loi concerne le placement des adolescents qui se sont vu imposer une peine d’emprisonnement applicable aux adultes aux termes du projet de loi. L’article 88 traite du placement des adolescents qui sont âgés de 20 ans au moment où la peine de placement sous garde leur est infligée. Les articles 91 et 92 traitent des cas où des adolescents purgeant une peine de placement sous garde doivent être transférés ou placés dans un établissement pour adultes parce qu’ils ont atteint un âge donné pendant leur séjour dans un établissement pour adolescents, ou parce qu’ils purgeaient également une peine d’emprisonnement non spécifique (c.-à-d. une peine applicable aux adultes aux termes du projet de loi ou toute peine infligée sous le régime d’une autre loi).

Le paragraphe 91(1) autorise le tribunal pour adolescent à envoyer un adolescent purgeant une peine de placement sous garde dans un établissement pour adultes, à la demande du directeur provincial, à tout moment après que l’adolescent a atteint l’âge de 18 ans. Le tribunal doit d’abord donner l’occasion de se faire entendre à l’adolescent, au directeur provincial ainsi qu’aux représentants du système correctionnel provincial et il doit estimer que cette mesure est préférable pour l’adolescent ou dans l’intérêt du public. L’adolescent est ainsi transféré vers un établissement correctionnel provincial pour adultes; si le temps à courir sur la peine est de deux ans ou plus, le directeur provincial peut, en vertu du paragraphe 91(2), présenter une nouvelle demande au tribunal visant le transfert de l’adolescent dans un pénitencier fédéral. Le directeur provincial doit attendre que l’adolescent ait purgé une partie de sa peine dans l’établissement provincial pour adultes, et le tribunal doit autoriser les représentants du service correctionnel fédéral à se faire entendre, ainsi que les personnes mentionnées ci-dessus au sujet du transfert initial à partir du lieu de garde.

Le paragraphe 91(4) oblige l’adolescent à purger sa peine de placement sous garde dans un établissement correctionnel pour adultes lorsqu’il est déjà passible d’une peine applicable aux adultes (p. ex., une peine d’emprisonnement imposée au titre du projet de loi à l’égard de laquelle le tribunal pour adolescents a rendu une ordonnance de placement dans un établissement pour adultes au titre de l’article 76 ou toute peine d’emprisonnement imposée sous le régime d’une autre loi).

Le paragraphe 91(5) confère au directeur provincial le pouvoir discrétionnaire d’ordonner le transfert vers un établissement correctionnel pour adultes d’un adolescent placé sous garde lorsqu’il purge déjà une peine applicable aux adultes imposée au titre de l’article 76.

Aux termes du paragraphe 92(1), un adolescent qui atteint l’âge de 20 ans au moment où il purge une peine de placement sous garde dans un établissement pour adolescents doit être transféré dans un établissement provincial pour adultes, à moins que le directeur provincial n’en décide autrement. Dans le cas où l’adolescent est ainsi transféré, le paragraphe 92(2) autorise le directeur provincial à ordonner, pour le motif et selon les modalités énoncés à l’article 91, que l’adolescent purge le reste de sa peine de deux ans ou plus dans un pénitencier fédéral.

Aux termes des paragraphes 91(3) et 92(3), les adolescents transférés dans un établissement pour adultes au titre des paragraphes 91(1), 91(2), 92(1) ou 92(2) ci-dessus, sont assujettis aux lois régissant les prisonniers incarcérés dans ces établissements (dans le cas d’un établissement correctionnel provincial, la Loi sur les prisons et les maisons de corrections et, dans le cas d’un pénitencier fédéral, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition), sauf sans la mesure où ces paragraphes sont incompatibles avec la partie 6 du projet de loi (accès aux dossiers de l’adolescent, communication des renseignements contenus dans les dossiers de l’adolescent, etc.). Les adolescents transférés dans un établissement pour adultes au titre des paragraphes   91(4) et (5) sont déjà assujettis à la Loi sur les prisons et les maisons de correction ou à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, selon le cas, au titre du paragraphe 77(2) ainsi qu’aux modifications ultérieures apportées à ces lois au titre des articles   170, 172, 195 et 196.

      7. Examen des peines de placement sous garde et mise en liberté anticipée
         a. Introduction

Nonobstant l’imposition d’une peine de placement sous garde pour une période donnée en application des alinéas 41(2)n), p) ou q), les articles 93 et 95 autorisent le tribunal à examiner une peine purgée dans un établissement pour adolescents. À l’instar des articles 28 et 29 de la LJC, les articles 93 et 95 autorisent le tribunal pour adolescents, après examen de la peine, à ordonner la mise en liberté de l’adolescent sous condition, s’il juge que la détention n’est plus nécessaire.

Contrairement aux personnes purgeant une peine dans un établissement correctionnel pour adultes ou aux adolescents purgeant une peine d’emprisonnement applicable aux adultes imposée au titre du projet de loi, les adolescents qui purgent une peine dans un établissement pour adolescents ne sont pas admissibles à une libération conditionnelle ou à une remise de peine. À moins de ne bénéficier d’une mise en liberté anticipée au titre des articles  93 ou 95 de la future LSJPA (ou des articles 28 et 29 de la LJC), ces adolescents sont tenus de demeurer sous garde jusqu’à ce qu’ils aient purgé les deux tiers de leur peine, dans le cas d’une peine infligée en application de l’alinéa 41(2)n) ou du sous-alinéa q)(i), ou jusqu’à la fin de la période prescrite, dans le cas d’une peine infligée au titre de l’alinéa 41(2)p) ou des sous-alinéas q)(ii) ou (iii) (meurtre).

L’examen des peines prévu au titre des articles 93 et 95 incombe au tribunal pour adolescents. L’examen effectué au titre de l’article 93 est déclenché par un changement de circonstances justifiant le réexamen de la peine. L’examen effectué au titre de l’article 95 est effectué sur la recommandation du directeur provincial.

         b. Examen des peines de placement sous garde

Les paragraphes 93(1) et (2) prévoient l’examen annuel des peines de placement sous garde d’une période de plus d’un an. Le paragraphe 93(3) prévoit l’examen facultatif des peines de placement sous garde d’une période inférieure à un an selon des délais plus courts : pour une peine inférieure à un an, 30 jours suivant le prononcé de la peine ou, si cette période est plus longue, après l’expiration du tiers de la peine; dans le cas d’une peine de plus d’un an, l’examen doit avoir lieu six mois suivant le prononcé de la dernière peine infligée relativement à l’infraction. L’examen d’une peine par le tribunal pour adolescents dans les délais indiqués doit être effectué à la demande de l’adolescent, de ses père ou mère, du procureur général ou du directeur provincial, pour un des motifs autorisés (voir ci-après). En outre, le paragraphe 93(4) stipule que l’adolescent peut être amené devant le tribunal pour adolescents pour l’examen de sa peine à tout autre moment avec l’autorisation du juge.

Le tribunal pour adolescents doit procéder à l’examen de la peine de placement sous garde s’il est convaincu que l’examen est justifié par l’un des motifs suivants (paragraphes 93(5) et (6)) :

  • l’accomplissement par l’adolescent de progrès suffisant à justifier la modification de la peine;
  • la survenance de modifications importantes dans les circonstances qui ont conduit à l’infliction de la peine;
  • la possibilité pour l’adolescent de bénéficier de services et de programmes qui n’existaient pas au moment de l’infliction de la peine;
  • le fait que les possibilités de réinsertion sociale sont maintenant plus grandes au sein de la collectivité;
  • tout autre motif que le tribunal pour adolescents estime approprié.

Pour faciliter la conduite de l’examen, le tribunal peut demander au directeur provincial de faire établir un rapport d’étape sur le comportement de l’adolescent depuis le début de l’exécution de sa peine (paragraphe 93(9)). Le tribunal doit également donner l’occasion de se faire entendre à l’adolescent, à ses père ou mère, au procureur général et au directeur régional (paragraphe 93(19)).

Après avoir examiné la peine et pris en considération les besoins de l’adolescent et les intérêts de la société, le tribunal pour adolescents peut :

  • confirmer la peine;
  • libérer l’adolescent sous condition (voir ci-dessous);
  • sur recommandation du directeur provincial, convertir une peine de placement sous garde dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation prévu à l’alinéa 41(2)q) en une peine de placement sous garde et de surveillance prévue à l’alinéa 41(2)n) ou en une peine de placement sous garde et de mise en libération sous condition prévue à l’alinéa 41(2)p), selon le cas.

Les conditions assorties à la mise en liberté anticipée sous condition sont similaires à celles applicables à la surveillance sous condition prévue à l’article 104 au terme de la période de garde de la peine de placement sous garde et de mise en liberté sous condition (pour meurtre) ou de la période de garde et de surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation (pour une infraction désignée imputable à des troubles psychologiques ou émotifs) (voir plus loin).

L’examen effectué au titre de l’article 95 est similaire à celui prévu à l’article 93, sauf qu’il ne peut être déclenché que sur la recommandation du directeur provincial, selon aucun délai et sans l’autorisation du tribunal.

Aucun examen de peine ne peut être effectué au titre des articles 93 et 95 dans le cas d’une peine portée en appel (paragraphes 93(7) et 95(4)).

         c. Examen d’autres ordonnances

Aux termes de l’article 94, certaines autres décisions peuvent faire l’objet d’un examen comme les peines infligées au titre de l’article 93 : l’imposition de conditions additionnelles de surveillance ou de mise en liberté sous condition (voir plus loin, paragraphes 96(2) et 104(1)), une décision rendue par le tribunal pour adolescents de maintenir l’adolescent sous garde pour une période excédant la période de placement sous surveillance (voir plus loin, paragraphes 97(3) et 103(1)) et l’annulation de la période de placement sous surveillance ou de mise en liberté sous condition au sein de la société pour manquement aux conditions (voir plus loin, alinéas 102(2)b) et 108(2)b)).

      8. Mise en liberté au terme de la période de placement sous garde
         a. Conditions de la surveillance

L’adolescent condamné à une peine de placement sous garde et de surveillance infligée au titre de l’alinéa 41(2)n) peut purger le dernier tiers de sa peine sous surveillance au sein de la collectivité à condition de respecter certaines conditions automatiquement applicables au cours de cette période (paragraphe 96(1)). Ces conditions sont identiques à celles énoncées au paragraphe 26.2(2) de la LJC. L’adolescent doit s’engager à :

    1. ne pas troubler l’ordre public et à bien se conduire;
    2. se rapporter à son directeur provincial et à demeurer sous la surveillance de celui-ci;
    3. informer immédiatement le directeur provincial s’il est arrêté ou interrogé par la police;
    4. se présenter à la police ou à la personne nommément désignée, selon les indications du directeur provincial;
    5. communiquer au directeur provincial son adresse résidentielle et à l’informer immédiatement de tout changement :
  1. d’adresse,
  2. d’occupation habituelle, tel qu’un changement d’emploi ou de travail bénévole ou de formation,
  3. dans sa situation familiale ou financière,
  4. dont il est raisonnable de s’attendre qu’il soit susceptible de modifier sa capacité de respecter les conditions de l’ordonnance;
    1. ne pas être propriétaire, ne pas posséder ou avoir sous son contrôle toutes armes, munitions ou substances explosives, etc.

En outre, le paragraphe  96(2) autorise le directeur provincial à fixer des conditions additionnelles susceptibles de favoriser la réinsertion sociale de l’adolescent et de protéger le public. En fixant les conditions, le directeur provincial doit tenir compte de la nature de l’infraction et de la capacité de l’adolescent de respecter les conditions

         b. Conditions applicables à la mise en liberté sous condition

L’article 104 énonce les conditions imposées aux adolescents mis en liberté sous condition à la fin de la période de placement sous garde imposée au titre de l’alinéa  41(2)p) (meurtre) ou de l’alinéa 41(2)q) (placement et surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation). L’adolescent doit être amené devant le tribunal pour adolescents un mois avant l’expiration de la période de garde pour que le tribunal fixe, après audience, les conditions dont est assortie sa mise en liberté sous condition. Afin de fixer ces conditions, le tribunal peut demander au directeur provincial de faire préparer et soumettre un rapport sur l’adolescent en cause.

Le paragraphe 104(2) énonce une série de conditions obligatoires et le paragraphe 104(3), diverses conditions discrétionnaires pouvant être imposées par le tribunal; celles-ci sont les mêmes que celles actuellement appliquées à la mise en liberté sous condition au titre de l’article 26.2 de la LJC. Les conditions obligatoires comprennent toutes celles énoncées dans la partie précédente et elles s’appliquent à la surveillance imposée au titre du paragraphe 96(1) ci-dessus. Toutefois, l’adolescent mis en liberté sous condition doit automatiquement se conformer à toute directive raisonnable formulée par le directeur provincial pour l’empêcher d’enfreindre les conditions ou pour protéger la société (voir l’alinéa 104(2)h)). Les conditions additionnelles que le tribunal pour adolescents peut imposer à l’adolescent au titre du paragraphe 104(3) obligent ce dernier à :

    1. se rendre directement à sa résidence ou à tout autre lieu, dès sa mise en liberté;
    2. faire des efforts raisonnables en vue de trouver et de conserver un emploi approprié;
    3. fréquenter tout établissement d’enseignement, de formation ou de loisirs approprié, si le tribunal estime qu’il offre un programme convenable pour l’adolescent;
    4. résider chez l’un de ses père ou mère ou chez un autre adulte prêt à assurer son entretien;
    5. résider à l’endroit fixé par le directeur provincial;
    6. demeurer dans le ressort d’un ou de plusieurs tribunaux mentionnés dans l’ordonnance;
    7. observer les autres conditions prévues à l’ordonnance que le tribunal estime opportunes notamment les conditions visant à assurer sa bonne conduite et à empêcher la récidive.

Le paragraphe 104(8) prévoit que la révision, par le tribunal pour adolescents, de l’ordonnance fixant les conditions de la mise en liberté sous condition peut être révisée, à la demande de l’adolescent ou du directeur provincial.

      9. Détention d’une durée excédant la période de garde
         a. Demande présentée par un directeur provincial

Même si les alinéas  41(2)n), p) ou q) prévoient qu’une partie de la peine imposée doit être purgée sous surveillance ou en liberté sous condition au sein de la collectivité, les adolescents peuvent, dans certains cas, être détenus plus longtemps, jusqu’à la fin de la période maximale de leur peine. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition contient des dispositions similaires ayant trait aux détenus des pénitenciers fédéraux durant leur période de mise en liberté d’office.

L’article 97 autorise le directeur général à demander au tribunal pour adolescents d’émettre une ordonnance en ce sens, après avoir fourni au directeur, à l’adolescent et aux père ou mère de l’adolescent l’occasion de se faire entendre, s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire :

  • que l’adolescent pourrait vraisemblablement perpétrer, avant l’expiration de sa peine, une infraction grave avec violence et
  • que les conditions ne pourraient empêcher adéquatement la perpétration de l’infraction.

En rendant cette décision, le tribunal doit tenir compte de tous les facteurs pertinents, notamment :

    1. l’existence d’un comportement violent continuel démontré par divers éléments de preuve, en particulier,
  1. le nombre d’infractions commises par l’adolescent ayant causé du tord à autrui,
  2. ses difficultés à maîtriser ses impulsions violentes au point de mettre en danger la sécurité d’autrui,
  3. l’utilisation d’armes lors de la perpétration de toute infraction,
  4. les menaces explicites de recours à la violence,
  5. le degré de brutalité dans la perpétration d’une infraction,
  6. une grande indifférence quant aux conséquences de ses actes pour autrui;
    1. les rapports de psychiatres ou de psychologues indiquant qu’à cause de maladie ou de trouble physique ou mental, l’adolescent est susceptible de commettre, avant l’expiration de sa peine, une infraction grave avec violence;
    2. l’existence de renseignements sûrs qui convainquent le tribunal que l’adolescent projette de commettre, avant l’expiration de sa peine, une infraction grave avec violence;
    3. l’existence de programmes de surveillance adéquats au sein de la collectivité susceptibles d’assurer la protection du public;
    4. le risque de récidive si jamais l’adolescent purgeait toute sa peine sous garde;
    5. la tendance de l’adolescent à perpétrer des infractions contre la personne lorsqu’il purge une partie de sa peine sous surveillance au sein de la collectivité.

Pour rendre sa décision, le tribunal pour adolescents pourra consulter le rapport que le directeur provincial aura fait préparer à son intention et lui aura présenté (article 98).

         b. Demande présentée par le procureur général

L’article 103 stipule qu’une ordonnance similaire peut être rendue à la demande du procureur général, mais seulement dans le cas des peines spécifiques imposées au titre des alinéas  41(2)p) (meurtre) ou 41(2)q) (placement sous garde dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation). Les dispositions applicables sont empruntées à l’article 26.1 de la LJC. La procédure est similaire à celle décrite plus haut dans le cas d’une demande présentée par le directeur provincial. Toutefois, le critère utilisé est que l’adolescent peut vraisemblablement perpétrer, avant l’expiration de sa peine, une infraction susceptible de causer la mort d’autrui ou de causer des torts graves. En outre, dans le cadre d’une demande présentée au titre de l’article   103, le tribunal n’est pas obligé de tenir compte des facteurs mentionnés aux alinéas e) et f) de l’article 97.

         c. Révision d’une ordonnance par la cour d’appel

La cour d’appel peut réviser, sur demande, une ordonnance rendue par le tribunal pour adolescents en application des articles 97 ou 103, visant le maintien sous garde d’un adolescent pour une période excédant la période de garde de sa peine spécifique (article 100).

      10. Manquement aux conditions

Les articles 101, 102 et 105 à 108 traitent des cas où des adolescents purgeant une partie de leur peine en liberté au sein de la collectivité n’ont pas respecté les conditions dont est assortie leur mise en liberté. Ces dispositions sont similaires à celles prévues aux articles 26.3 à 26.6 de la LJC. Contrairement à la LJC, toutefois, les dispositions du projet de loi couvrent deux scénarios distincts : le non-respect de la condition de l’ordonnance de surveillance imposée au titre de l’article 96, et le non-respect de la condition de mise en liberté sous condition imposée au titre de l’article 104. Ces dispositions se recouvrent en grande partie.

S’il a des motifs raisonnables de croire qu’un adolescent a enfreint ou est sur le point d’enfreindre une condition de sa surveillance imposée en application de l’article 96, le directeur provincial peut, par mandat écrit : a) autoriser l’adolescent à continuer de purger sa peine au sein de la collectivité selon les mêmes conditions ou selon de nouvelles conditions ou b) s’il est convaincu qu’il y a manquement important aux conditions susceptibles d’augmenter le risque pour la sécurité du public, ordonner la mise sous garde de l’adolescent jusqu’au moment de l’examen (article 101).

L’article 105 contient une disposition similaire applicable au manquement réel ou éventuel à une condition de l’ordonnance de mise en liberté sous condition. Aux termes de cet article, le directeur provincial doit, du moins dans un premier temps, suspendre la liberté sous condition et renvoyer l’adolescent sous garde. Dans ce cas, le paragraphe 101(2) et l’article 107 stipulent qu’après l’arrestation et la détention de l’adolescent, le directeur provincial doit examiner le cas sans délai et, dans les 48 heures, soit annuler l’ordonnance renvoyant l’adolescent sous garde jusqu’à la tenue de l’examen (dans le cas d’une liberté sous condition, annuler la suspension de la mise en liberté), soit renvoyer l’affaire devant le tribunal pour adolescents.

Après avoir donné à l’adolescent l’occasion de se faire entendre, le tribunal pour adolescents peut, s’il n’est pas convaincu que l’adolescent a enfreint ou était sur le point d’enfreindre les conditions de sa liberté sous condition, ordonner que l’adolescent continue de purger la partie de sa peine sous surveillance selon les mêmes conditions ou selon de nouvelles conditions (alinéa 102(1)a)). Toutefois, si le tribunal est convaincu que l’adolescent a enfreint, ou est sur le point d’enfreindre, une de ces conditions, il est tenu : a) de modifier ou de remplacer les conditions de surveillance imposées à l’adolescent ou b) s’il est convaincu qu’il y a eu manquement important, d’ordonner le maintien sous garde de l’adolescent pour une période n’excédant pas le reste de sa peine (alinéa 102(1)b) et paragraphe 102(2)). L’article 108 énonce des dispositions similaires visant les adolescents en liberté sous condition mais, contrairement aux adolescents sous surveillance (voir l’alinéa 102(1)a)), le tribunal ne peut modifier les conditions, sauf s’il est convaincu qu’il y a eu, ou qu’il pourrait y avoir, un manquement aux conditions (voir le paragraphe 108(1)).

L’article 100 autorise la cour d’appel à réviser, sur demande, toute ordonnance rendue par le tribunal pour adolescents si elle est convaincu qu’il y a eu manquement aux conditions.

   G. Partie 6 : Publication, dossiers et renseignements
      1. Introduction

La partie 6 maintient l’approche actuelle visant la protection de l’identité des adolescents visés par le système de justice pénale, tout en élargissant les circonstances dans lesquelles leur nom peut être publié.  À l’heure actuelle, la règle de la confidentialité prévue à la Loi sur les jeunes contrevenants s’applique dans la plupart des cas, sauf lorsque l’adolescent est transféré à un tribunal pour adultes. Les juges des tribunaux pour adolescents peuvent autoriser la publication, pour une brève période, du nom d’un adolescent en liberté représentant un danger pour autrui, lorsque cette publication peut contribuer à son arrestation. Il est également permis de communiquer l’identité d’un jeune contrevenant aux autorités scolaires lorsque cela est nécessaire pour protéger le personnel ou les étudiants.

Les modifications proposées dans cette partie visent les circonstances dans lesquelles est autorisée la publication de renseignements concernant des adolescents traduits en justice. Le nom de tous les adolescents purgeant une peine applicable aux adultes peut être publié, tout comme celui des adolescents purgeant une peine pour une infraction désignée; dans ce dernier cas, les juges ont le pouvoir discrétionnaire d’ordonner que le nom d’un adolescent ne soit pas publié. Les dispositions autorisant la publication s’appliquent uniquement aux adolescents condamnés à une peine et, de ce fait, elles ne visent pas les adolescents prévenus mais qui n’ont pas été déclarés coupables d’une infraction. Aux termes de la LJC, il est permis de publier des renseignements sur un jeune contrevenant, à partir du moment où son cas est transféré à un tribunal pour adultes.

Les modifications visant la conservation et la communication des dossiers sont conformes à la politique qui consiste à traiter les adolescents coupables d’infractions très graves comme des adultes. Le projet de loi stipule que les dossiers des adolescents purgeant une peine applicable aux adultes doivent être traités de la même manière que les dossiers des contrevenants adultes. Comme le prévoit la LJC, les dossiers des adolescents sont d’une durée limitée, en conformité avec l’objectif visant la réadaptation des adolescents déclarés coupables d’un acte criminel. Le projet de loi précise également le système de conservation des dossiers des adolescents et énonce les procédures assurant l’accès aux dossiers à certaines personnes autorisées telles que les agents de police, les victimes et les autorités scolaires.

      2. Protection de la vie privée des adolescents

Le paragraphe 109(1) du projet de loi C-3 interdit, sous réserve de certaines exceptions, la publication du nom d’un adolescent ou de tout autre renseignement de nature à révéler qu’il fait l’objet de mesures prises sous le régime de la loi. Les paragraphes (2) à (6) énoncent les circonstances dans lesquelles le nom de l’adolescent peut être publié.

Le paragraphe 109(2) autorise la publication de tout renseignement concernant un adolescent assujetti à une peine applicable aux adultes, tout comme le prévoit le paragraphe 38(1) de la LJC à l’égard d’un jeune contrevenant transféré à un tribunal pour adultes. À moins qu’une interdiction de publication ne soit ordonnée au titre des articles 64 ou 75, le paragraphe 109(2) autorise la publication de renseignements concernant un adolescent assujetti à une peine applicable à une infraction désignée. Il est à remarquer que l’article 75 du projet de loi, dont il a déjà été question, autorise le tribunal pour adolescents à ordonner une interdiction de publication relativement aux infractions désignées. Aux termes de l’article 64, le tribunal pour adolescents doit ordonner une interdiction de publication lorsque le procureur général décide d’exiger une peine spécifique relativement à une infraction désignée visée à l’alinéa 2(1)a) (meurtre, tentative de meurtre, homicide ou agression sexuelle grave).

Cette présomption en faveur de la publication du nom des adolescents condamnés à une peine spécifique pour une infraction désignée constitue un changement par rapport aux dispositions actuelles de la LJC qui autorisent la publication du nom des jeunes contrevenants seulement lorsque leur cas est transféré au tribunal pour adultes.

L’alinéa 109(2)c) autorise également la publication de renseignements concernant un adolescent aux fins d’administration de la justice et non pas simplement de diffusion des renseignements dans la collectivité. Cette restriction est également prévue aux termes du paragraphe 38(1.1) de la LJC.

Lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans, les adolescents dont la vie privée est protégée par les dispositions du paragraphe 109(1) et qui ne sont plus sous garde peuvent publier des renseignements les concernant (paragraphe 109(3)). Cette disposition est conforme à la politique visant l’interdiction générale de publication dans le but de protéger le jeune contrevenant du stigmate de la publication. Devenus adultes, les adolescents visés par la Loi peuvent décider de publier des renseignements concernant leur vie privée, à condition de ne plus être sous garde. Cette interdiction vise à empêcher les adolescents de se servir de la publication pour se forger une réputation de criminel pendant leur séjour dans un établissement pour adolescents. Les adolescents (de moins de 18 ans) qui sont protégés de la publication en vertu du paragraphe 109(1) peuvent demander, au titre du paragraphe 109(6), qu’une ordonnance soit émise les autorisant à publier des renseignements de nature à révéler leur identité. Pour acquiescer à cette demande, le tribunal doit être convaincu que la publication ne sera pas contraire à l’intérêt de l’adolescent ou à celui du public.

Le paragraphe 109(4) autorise les agents de police à demander qu’une ordonnance soit rendue visant la publication de renseignements révélant l’identité d’un adolescent lorsqu’ils doivent arrêter un adolescent considéré comme dangereux pour autrui. Le paragraphe 109(5) limite la durée d’application des ordonnances à cinq jours. Cette disposition semble conforme à la recommandation du Comité permanent selon laquelle les juges du tribunal pour adolescents ont le pouvoir d’autoriser la publication générale du nom d’un jeune contrevenant lorsque des personnes risquent de subir des dommages considérables et lorsque, pour des raisons de sécurité, l’intérêt public l’exige (recommandation 13). Le paragraphe 38(1.2) de la LJC confère un pouvoir similaire aux juges et la durée d’application des ordonnances est de deux jours.

Le paragraphe 110(1) maintient l’interdiction faite aux termes de la LJC concernant la publication de tout renseignement susceptible de révéler l’identité d’un enfant ou d’un adolescent victime d’une infraction commise par un adolescent, ou appelé à témoigner dans le cadre de la poursuite d’une telle infraction. Après avoir atteint l’âge de 18 ans, l’enfant ou l’adolescent ainsi protégé peut publier les renseignements pertinents (paragraphe 110(2)). Avant l’âge de 18 ans, l’enfant ou l’adolescent peut également demander au tribunal pour adolescents, au titre du paragraphe 110(3), qu’il rende une ordonnance autorisant la publication de ces renseignements. Le tribunal peut acquiescer à cette requête s’il est convaincu que cela n’est pas contraire à l’intérêt de l’enfant ou de l’adolescent ni à celui du public.

L’article 111 stipule qu’après leur publication au titre des articles 109 ou 110, les renseignements ne peuvent plus faire l’objet d’aucune interdiction de publication aux termes de l’un ou l’autre de ces articles. Cette disposition est nécessaire parce qu’une fois publiés, les renseignements deviennent notoires; il n’existe donc plus aucune raison politique d’en interdire la publication. À partir du moment où un adolescent s’est identifié comme contrevenant, victime ou témoin, cette disposition autorise d’autres personnes à publier des renseignements ou des commentaires au sujet des renseignements révélés.

      3. Empreintes digitales et photographies

L’article 112 précise que la Loi sur l’identification des criminels s’applique aux adolescents de sorte que ce n’est qu’au titre de cette loi qu’il est permis de prendre les empreintes digitales ou les mensurations. Cette disposition est conforme à l’article 44 de la LJC.

      4. Dossiers qui peuvent être tenus

Aux termes du paragraphe 113(1), la partie 6 du projet de loi vise tous les dossiers d’un tribunal pour adolescents, d’une commission d’examen ou de tout tribunal saisis de questions relatives à des procédures intentées sous le régime du projet de loi C-3. Le paragraphe 114(1) autorise tout corps de police ayant mené l’enquête sur une infraction imputée à un adolescent à tenir des dossiers relatifs à l’infraction (comme il est actuellement autorisé à le faire en vertu de l’article 42 de la LJC), visée par la présente partie (paragraphe 114(1)). Lorsqu’un adolescent est accusé d’un acte criminel visé par la Loi sur l’identification des criminels, le dossier contenant les empreintes digitales ou les mensurations peut être transmis à la GRC sous le régime de cette loi. Lorsque l’adolescent est déclaré coupable, le dossier doit être transmis à la GRC au titre du paragraphe 114 (2). Le paragraphe 114(3) oblige la GRC à conserver les dossiers qui lui sont transmis en vertu de ce paragraphe. Les paragraphes 114 (2) et (3) correspondent à l’article 41 de la LJC.

L’article 115, qui traite des dossiers gouvernementaux et privés, remplace l’article 43 de la loi actuelle pour refléter les modifications proposées par le projet de loi, notamment en remplaçant « mesures de rechange » par « mesures extrajudiciaires ». Le seul élément nouveau est l’adjonction d’une disposition autorisant les ministères ou les organismes à conserver les dossiers obtenus aux fins d’administration des ordonnances rendues en application de la Loi sur les armes à feu ou des articles 810 à 810.2 du Code criminel (qui traitent de l’engagement à ne pas troubler la paix publique). La présente partie vise tous les dossiers relatifs à des infractions perpétrées par des adolescents conservés par les ministères ou les organismes publics ainsi que ceux conservés par des professionnels et des organismes aux fins d’administration des mesures extrajudiciaires ou d’une peine.

      5. Accès aux dossiers

L’article 116 stipule qu’à l’expiration du délai d’appel applicable, les dossiers relatifs aux infractions pour lesquelles une peine applicable aux adultes a été imposée doivent être traités comme s’il s’agissait de dossiers d’adultes et que les protections spéciales accordées aux dossiers des adolescents, au titre des articles 117 à 128 du projet de loi, ne s’appliquent pas. Cette disposition est compatible avec la LJC qui stipule que les dossiers des adolescents transférés à un tribunal pour adultes doivent être traités comme s’il s’agissait de dossiers d’adultes. Lorsqu’une peine applicable aux adultes est imposée, le verdict de culpabilité prononcé par le tribunal pour adolescents est réputé être une condamnation en application de la Loi sur le casier judiciaire (article 116). En vertu de la Loi sur le casier judiciaire, les dossiers sont scellés seulement en cas de pardon.

À l’instar de la LJC, le paragraphe 117(1) interdit l’accès aux dossiers des adolescents, c’est-à-dire de tous les adolescents à l’exception de ceux qui purgent une peine applicable aux adultes, à moins de dispositions contraires prévues au projet de loi. L’article 2 du projet de loi définit un dossier comme étant toute chose renfermant des éléments d’information obtenus ou conservés pour l’application de la présente loi ou dans le cadre d’une enquête conduite à l’égard d’une infraction qui est ou peut être poursuivie en vertu de la présente loi. L’interdiction d’accès aux dossiers des adolescents ne vise pas les personnes engagées pour conserver ou tenir ces dossiers (paragraphe 117(2)).

Le paragraphe 118(1) dresse la liste des personnes ayant accès aux dossiers judiciaires et pouvant avoir accès aux dossiers de la police, du gouvernement ou autre. Une restriction particulière vise les dossiers portant sur des avertissements, des mises en garde et des renvois, les rapports médicaux ou psychologiques, les rapports prédécisionnels et des analyses d’empreintes génétiques. Le paragraphe 118(2) établit la période d’accès en fonction du verdict, de la gravité de l’infraction et du mode de poursuite ainsi que des autres infractions susceptibles d’avoir été commises au cours de la période. En cas de perpétration d’une nouvelle infraction au cours de la période d’accès, celle-ci est rétablie de nouveau et le dossier relatif à la première infraction demeure accessible durant toute la période d’accès au dossier portant sur toute nouvelle infraction. Ces dispositions sont dans l’ensemble similaires à celles des articles 44.1 et 45(1) de la LJC.

Les paragraphes (3) à (10) de l’article 118 imposent d’autres restrictions à l’accès aux dossiers des adolescents. Le paragraphe (4) limite l’accès aux dossiers tenus à l’égard des mesures extrajudiciaires. Les paragraphes (5) et (6) limitent l’accès aux évaluations médicales et psychologiques, aux analyses d’empreintes génétiques, aux rapports établis avant le prononcé de la peine. L’accès aux dossiers ne rend pas nécessairement ceux-ci admissibles comme élément de preuve (paragraphe 118(7)); cette disposition correspond au paragraphe 44.1(3) de la LJC. Les dossiers rendus accessibles aux fins de recherche peuvent être communiqués d’une manière qui ne permette pas d’identifier les personnes visées (paragraphe 118(8)). Si l’adolescent devenu adulte commet une nouvelle infraction avant l’expiration de la période d’accès au dossier, celui-ci est alors traité comme s’il s’agissait d’un dossier d’adulte et est assujetti à la Loi sur le casier judiciaire (paragraphe 118(9)).

L’article 119 stipule que les dossiers doivent être conservés dans le fichier central de la GRC pour une période supplémentaire et en restreint davantage l’accès que l’article 118. Il existerait une distinction entre les infractions mentionnées à l’annexe du projet de loi, notamment certaines infractions très graves visées par le Code criminel, et d’autres infractions; la période d’accès aux dossiers tenus relativement aux infractions mentionnées à l’annexe et aux infractions désignées est plus longue et vise une liste élargie de personnes. Les dossiers ayant trait à des infractions désignées peuvent demeurer dans le fichier central de la GRC pour une période indéfinie.

Parallèlement aux articles 118 et 119 visant la tenue des dossiers, l’article 120 prévoit que si la Couronne ne fait pas le choix de la poursuite dans le cas d’une infraction hybride, cette infraction sera réputée être une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Cette disposition a le même effet que l’actuel paragraphe 45(5) de la LJC.

L’article 122 stipule qu’à la demande d’un juge du tribunal pour adolescents, les dossiers peuvent être accessibles après l’expiration des périodes d’accès prévues aux articles 118 et 119 aux fins d’administration ou de recherche. L’article 123 précise que les adolescents peuvent avoir accès à leur dossier personnel en tout temps, tant que le dossier existera.

L’article 124 énonce les circonstances dans lesquelles certains dossiers peuvent être communiqués, pour divers motifs précis, par des personnes désignées, notamment des agents de la paix, le procureur général et les délégués à la jeunesse. Ces motifs comprennent les enquêtes criminelles, la communication de renseignements à un coaccusé, les procédures d’extradition et la préparation de rapports. Le paragraphe 124(5) autorise la communication de renseignements à des professionnels ou à des représentants d’établissements scolaires chargés de la garde ou de la surveillance d’un adolescent lorsque ces renseignements sont nécessaires pour faire en sorte que l’adolescent se conforme à une ordonnance de probation ou de mise sous surveillance, pour assurer la sécurité d’autrui ou pour favoriser la réadaptation de l’adolescent. La communication de renseignements au titre de l’article 124 n’est autorisée que durant la période d’accès du dossier prévue au paragraphe 118(2).

Le tribunal pour adolescents peut ordonner la communication de tout renseignement nécessaire pour avertir une ou plusieurs personnes du danger posé par un adolescent déclaré coupable d’une infraction comportant des lésions corporelles graves (article 126). À moins de demeurer introuvable, l’adolescent doit avoir l’occasion de se faire entendre au sujet de la demande. Une telle demande serait aussi assujettie à la période d’accès applicable au paragraphe 118(2).

L’article 127 réglemente l’accès aux dossiers et leur destruction à l’expiration de la période d’accès. À ce moment-là, les dossiers peuvent être détruits ou transmis à l’archiviste national du Canada ou à un archiviste provincial, à la discrétion de la personne qui les a tenus. Les dossiers tenus aux Archives peuvent être communiqués pour des fins de recherche ou de statistiques, à condition qu’ils ne soient pas communiqués d’une manière permettant d’identifier l’adolescent visé (article 125). Les articles 118 ou 119 stipulent que les dossiers conservés au fichier central de la GRC doivent être détruits à la fin de la période d’accès, sauf s’ils sont requis par l’archiviste national du Canada.

Quiconque ayant eu accès à des renseignements, en vertu du projet de loi, peut les communiquer à condition d’y être autorisé au titre du projet de loi (article 128).

   H. Partie 7 : Dispositions générales
      1. Exclusion de la salle d’audience

Selon la règle générale, les procédures criminelles doivent être conduites en public et en présence de l’accusé, mais le droit criminel prévoit certaines exceptions à cette règle. L’article 486 du Code criminel confère au tribunal le pouvoir d’exclure de la salle d’audience certains membres du public dans l’intérêt du maintien de l’ordre, de la moralité publique ou de l’administration de la justice, notamment pour protéger les enfants et les adolescents appelés à témoigner. En outre, le paragraphe 650(2) du Code criminel prévoit que, sous réserve de la disposition générale prévue au paragraphe 650(1) selon laquelle l’accusé doit être présent à son procès, le tribunal peut autoriser l’accusé à être à l’extérieur du tribunal ou encore le faire éloigner, lorsque celui-ci interrompt les procédures ou lorsque son état mental risque d’être perturbé pendant l’examen de son aptitude mentale à subir le procès.

Dans le cas d’une poursuite contre un adolescent, l’article 39 de la LJC incorpore et élargit le pouvoir général conféré aux juges par l’article 486 du Code criminel relativement à l’exclusion de certaines personnes des procédures pénales. L’article 131 du projet de loi reprend essentiellement l’article 39 de la LJC.

      2. Infractions et peines
         a. Vue d’ensemble

Les articles 135 à 138 du projet de loi prévoient une série d’infractions susceptibles de faciliter l’application de diverses dispositions du projet de loi et de la LJC.

         b. Non-conformité avec une peine spécifique

L’article 135 reprend essentiellement l’article 50 de la LJC et considère les infractions suivantes comme des actes criminels passibles d’une peine d’emprisonnement maximale de deux ans ou comme des infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire :

    1. inciter ou aider un adolescent à quitter illicitement le lieu où il est maintenu sous garde ou tout autre lieu où il est placé en application d’une peine spécifique ou d’une décision prononcée en vertu de la LJC :
    2. retirer illicitement un adolescent d’un lieu visé à l’alinéa a);
    3. héberger ou cacher sciemment un adolescent qui a illicitement quitté un lieu visé à l’alinéa a);
    4. inciter ou aider sciemment un adolescent à enfreindre ou à ne pas respecter une condition d’une peine spécifique ou de toute autre ordonnance du tribunal ou d’une disposition de la LJC;
    5. empêcher sciemment un adolescent d’exécuter une condition d’une peine spécifique ou de toute autre ordonnance du tribunal ou d’une disposition de la LJC.

Ces infractions relèvent de la compétence absolue de la cour provinciale. Autrement dit, lorsqu’un adulte est poursuivi pour ces infractions, la procédure de procès sommaire (c.-à-d. conduit par un juge seul, sans enquête préliminaire) s’applique, même si la Couronne décide de procéder par mise en accusation.

         c. Défaut de se conformer à une peine spécifique

L’article 136 stipule que tout adolescent qui omet sciemment de se conformer aux conditions d’une peine spécifique ou aux dispositions de la LJC commet une infraction punissable sur déclaration sommaire. Cette infraction s’applique dans les cas de non-conformité aux peines suivantes : absolution assortie de conditions, amende, versement d’une indemnité pour dommages, restitution des biens, versement d’une indemnité tenant lieu de restitution, versement d’une indemnité en nature ou en services personnels au titre des dommages; travail bénévole sous surveillance au profit de la collectivité, ordonnance d’interdiction,(25) probation, programme intensif de soutien et de surveillance, assistance à des programmes offerts par un établissement et ordonnance imposant d’autres conditions. L’article 136 est similaire à l’article 26 de la LJC; l’article 136 stipule cependant que le non-respect d’une peine vise également l’absolution assortie de conditions et les ordonnances d’interdiction ainsi que certaines des nouvelles peines prévues au paragraphe 41(2) du projet de loi.

         d. Non-conformité aux dispositions relatives à la publication des dossiers et des renseignements

L’article 137, qui reprend l’article 46 de la LJC, stipule que quiconque contrevient aux diverses interdictions prévues à la partie 6 du projet de loi (et à la LJC) concernant la publication de renseignements relatifs aux poursuites intentées contre des adolescents ou l’accès à ces renseignements commet un acte criminel punissable d’une peine d’emprisonnement maximale de deux ans ou sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Comme pour les infractions mentionnées à l’article 135 (voir ci-dessus), les infractions visées à l’article 137 relèvent de la compétence absolue de la cour provinciale.

         e. Non-conformité aux dispositions relatives à la détention avant le prononcé de la peine

Le paragraphe 138(1) stipule que quiconque contrevient sciemment aux conditions énoncées à l’article 30 concernant la détention avant le prononcé de la peine d’un adolescent ou de tout adolescent ou d’une « personne responsable » qui contrevient sciemment à une condition visée au paragraphe 31(3) (placement auprès d’une personne responsable en remplacement de la détention avant le prononcé de la peine) commet un acte criminel punissable d’une peine d’emprisonnement maximale de deux ans ou sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. L’article 138(2) stipule que quiconque contrevient aux dispositions correspondantes de la LJC (articles 7 et 7.1(2)) commet une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire seulement; cette disposition correspond à l’article 7.2 de la LJC.

         f. Utilisation illicite de formulaires de demande d’emploi

Le paragraphe 138(3) maintient l’interdiction, actuellement prévue au paragraphe 36(4) de la LJC, d’utiliser ou d’autoriser l’utilisation, en violation du paragraphe 81(3), d’un formulaire de demande d’emploi dans la fonction publique fédérale ou dans une entreprise relevant de la compétence du gouvernement fédéral, exigeant la communication de renseignements concernant un verdict de culpabilité visé par la future LSJPA ou par la LJC, après l’expiration de la peine ou l’exécution de la décision.

      3. Application du Code criminel
        
a. Applicabilité générale des dispositions du Code criminel

À l’instar de l’article 51 de la LJC, l’article 139 stipule que, dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les dispositions du projet de loi, les dispositions du Code criminel s’appliquent aux infractions reprochées aux adolescents, avec les adaptations nécessaires.

         b. Troubles mentaux

L’article 140 reprend essentiellement en effet l’article 13.2 de la LJC ayant trait à l’application des dispositions du Code criminel relatives aux troubles mentaux. L’article 16 du Code prévoit une défense pour cause de troubles mentaux, alors que la partie XX.1 énonce les procédures d’évaluation mentale et les dispositions relatives aux personnes jugées inaptes à subir leur procès et non criminellement responsables en raison d’un trouble mental.

L’article 140 prévoit l’application générale de ces dispositions, de même que l’adaptation de certaines d’entre elles au cas particulier de l’adolescent. Par exemple, le paragraphe 140(2) stipule que toute disposition énoncée à la partie XX.1 du Code criminel (troubles mentaux) exigeant la publication d’avis doit être interprétée comme exigeant que des copies de ces avis soient envoyées à l’avocat de l’adolescent et à ses père et mère. Le paragraphe 140(6) stipule qu’avant de se prononcer à l’égard d’un adolescent au titre de la partie  XX.1, le tribunal pour adolescents ou la commission d’examen doit tenir compte de son âge et de ses besoins spéciaux ainsi que des observations présentées par le père ou la mère. L’article 672.64 du Code criminel prévoit la durée maximale des décisions rendues en vertu de la partie XX.1 pour éviter que les personnes jugées inaptes à subir leur procès ou non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux soient privées de leur liberté plus longtemps que les personnes qui sont réellement déclarées coupables de l’infraction. Le paragraphe 140(7) adapte les durées maximales prévues à celle de la peine spécifique à laquelle l’adolescent serait assujetti s’il était déclaré coupable de l’infraction. Les paragraphes 140(8) et (9) prévoient le prolongement de la durée maximale, à la demande du procureur général toutefois, lorsque l’adolescent est jugé inapte à subir son procès pour une infraction désignée ou pour une infraction à l’égard de laquelle un avis a été donné de l’intention d’exiger la peine applicable aux adultes. Lorsque l’adolescent est jugé inapte à subir son procès, une preuve prima facie à l’égard de l’infraction en cause doit être établie contre lui tous les ans plutôt que tous les deux ans, afin que le tribunal conserve sa compétence de juger l’adolescent, si jamais celui-ci devenait apte à subir son procès (paragraphe 140(10)). Enfin, le paragraphe 140(11) stipule qu’un renvoi à un hôpital, en vertu de la partie XX.I du Code criminel, s’entend d’un renvoi à un hôpital désigné par le ministre de la Santé de la province en vue de la garde, du traitement et de l’évaluation de l’adolescent.

         c. Poursuites par procédure sommaire

À l’instar de l’article 52 de la LJC, l’article 141 stipule que les dispositions du Code criminel relatives aux poursuites par procédure sommaire (partie XXVII) s’appliquent à l’égard des poursuites visées par le projet de loi, qu’il s’agisse d’infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou d’actes criminels, sauf dispositions contraires du projet de loi (par exemple, lorsque l’adolescent est passible d’une peine applicable aux adultes ou qu’il subit un procès pour meurtre, le projet de loi laisse le choix du mode de procès, comme dans le cas des adultes accusés d’un acte criminel). Le paragraphe 141(3) stipule toutefois que la disposition de l’article 650 du Code criminel obligeant les personnes accusées d’un acte criminel à être présentes tout au long du procès (et qu’elle ne se fassent pas simplement représenter par leur avocat ou un agent, comme cela est autorisé dans le cas des poursuites par procédure sommaire) s’applique à toutes les poursuites intentées contre des adolescents, sans égard à l’infraction. En outre, le paragraphe 141(4) stipule que, nonobstant l’applicabilité générale des dispositions du Code criminel relatives aux procédures sommaires, la période de six mois prévue au paragraphe 786(2) du Code criminel pour les procédures sommaires ne s’applique pas.

      4. Preuve
         a. Admissibilité des déclarations
            i. Déclarations faites par des personnes en autorité

À l’instar du paragraphe 56(1) de la LJC, le paragraphe 145(1) stipule que les règles de droit concernant l’admissibilité des déclarations des accusés s’appliquent aux adolescents. Essentiellement, le droit commun exige que, bien qu’il soit permis de présenter en preuve contre un suspect une déclaration faite par une personne en autorité, comme un agent de police, la poursuite doit d’abord établir que la déclaration était volontaire; cela veut dire qu’il doit être démontré que la déclaration a été faite sans crainte d’un préjudice ou espoir d’un avantage, et qu’elle a été produite dans un « état d’esprit conscient » capable de comprendre ce qui était dit et d’évaluer les conséquences de la déclaration.

Le paragraphe  145(2), qui est similaire à l’article 56(2) de la LJC, va toutefois plus loin que le droit commun en codifiant et en bonifiant la protection offerte aux adolescents à cet égard. L’article précise que ces protections spéciales s’appliquent seulement aux adolescents âgés de moins de 18 ans au moment où ils ont fait leur déclaration; elles ne visent pas les adultes susceptibles d’être assujettis à la loi applicable aux adolescents en raison de leur âge au moment où ils ont commis l’infraction.

Premièrement, l’alinéa 145(2)a) stipule que la déclaration de l’adolescent doit être volontaire, tel qu’exigé par le droit commun.

Deuxièmement, l’alinéa 145(2)b) stipule que l’agent de la paix ou toute autre personne en autorité à qui la déclaration a été faite doit avoir expliqué clairement à l’adolescent, en des termes appropriés à son âge et à sa compréhension que :

  • il n’est pas obligé de faire de déclaration;
  • toute déclaration faite par lui pourra servir de preuve dans les poursuites intentées contre lui;
  • il a le droit de consulter son avocat et ses père ou mère ou une tierce personne de son choix;
  • sauf s’il en décide autrement, toute déclaration faite par lui doit l’être en présence de son avocat, et/ou de ses père ou mère ou de tout autre adulte consulté avant de faire sa déclaration.

Troisièmement, avant de faire sa déclaration, l’adolescent doit avoir eu la possibilité raisonnable de consulter son avocat et son père ou sa mère ou tout autre adulte idoine (alinéa 145(2)c)).

Enfin, après avoir consulté son avocat et/ou ses père ou mère ou tout autre adulte, l’adolescent doit avoir la possibilité raisonnable de faire sa déclaration en présence de la personne ou des personnes ainsi consultées (alinéa 145(2)d)).

À l’instar du paragraphe 56(3) de la LJC, le paragraphe 145(3) stipule toutefois que les conditions prévues aux alinéas 145(2)b), c) et d) ne s’appliquent pas aux déclarations spontanées faites par l’adolescent à un agent de paix ou à une autre personne en autorité avant qu’il n’y ait eu la possibilité raisonnable de se conformer aux conditions prévues à ces alinéas.

Une nouvelle disposition, le paragraphe 145(6), stipule que le défaut de se conformer aux conditions prévues aux alinéas 145(2)b), c) et d) ne rend pas la déclaration de l’adolescent inadmissible, si le tribunal est convaincu que l’admission de la déclaration ne jetterait pas le discrédit sur l’administration de la justice. Ce critère est inspiré du critère d’admissibilité des éléments de preuve obtenus en violation de la Charte canadienne des droits et libertés (voir le paragraphe 24(2)). Le pouvoir discrétionnaire judiciaire d’admettre les déclarations faites en violation des conditions établies aux alinéas 145(2)b) à d) est accordé afin de prévenir toute perte d’éléments de preuve autrement légaux par voie d’enfreintes techniques ou mineures à ces procédures; ces dispositions sont conformes à une recommandation du Comité permanent de la Chambre des communes de la justice et des questions juridiques(26).

Comme les adultes, les adolescents peuvent renoncer à leur droit de consulter leur avocat avant de faire une déclaration à la police. Ils peuvent aussi renoncer à leur droit unique de consulter leur père ou leur mère ou un tout autre adulte idoine et de faire leur déclaration en présence de leur avocat et du parent ou de l’adulte consulté. Pour que le renoncement à ces droits soit appliqué, toutefois, le paragraphe 56(4) de la LJC stipule que la renonciation doit être enregistrée sur bande magnétoscopique ou faite par écrit et comporter une déclaration signée par l’adolescent attestant qu’il a été informé du droit auquel il renonce. Le paragraphe 145(4) du projet de loi maintient la procédure de renonciation aux droits décrite au paragraphe 56(4) de la LJC, mais ajoute la possibilité de l’enregistrer sur bande audio. Une nouvelle disposition, le paragraphe 145(5), autorise toutefois le tribunal à obtenir des déclarations sans suivre la procédure de renonciation décrite au paragraphe 145(4), à condition qu’il soit convaincu que l’adolescent a été informé de ses droits et qu’il y ait réellement renoncé.

À l’instar du paragraphe 56(5) de la LJC, le paragraphe 145(7) stipule que le tribunal pour adolescents peut déclarer inadmissible une déclaration lorsque l’adolescent convainc le tribunal qu’elle lui a été extorquée par contrainte exercée par une personne qui n’est pas en autorité.

Le paragraphe 145(8), comme le paragraphe 56(5.1) de la LJC, vise à empêcher qu’un adolescent tire profit du non-respect des procédures spéciales décrites ci-dessus lorsqu’il a été incité à enfreindre la loi en se faisant passer pour un adulte. Toutefois, la personne en autorité à qui la déclaration ou la renonciation a été faite doit faire une enquête raisonnable pour vérifier l’âge de l’adolescent et avoir des motifs raisonnables de croire qu’il est âgé de 18 ans ou plus. En outre, la déclaration ou la renonciation doit, dans toutes les autres circonstances, être admissible (c.-à-d. qu’elle doit respecter les conditions applicables aux déclarations et aux renonciations en vertu du droit commun et de la Charte).

Le paragraphe 145(9) stipule que toute personne consultée par un adolescent au titre de l’alinéa 145(2)c) doit être réputée ne pas être une personne en autorité, sauf preuve du contraire. Autrement dit, à condition qu’elles ne constituent pas une extorsion (voir le paragraphe 145(7) ci-dessus), les menaces ou les incitations exercées par l’avocat de l’adolescent, ses père ou mère ou l’adulte choisi par lui ne rendent pas la déclaration ou la confession de l’adolescent involontaire aux termes de la loi.

            ii. Déclarations faites au cours des évaluations prédécisionnelles

L’article 146 reprend l’article 13.1 de la LJC relative à l’utilisation des déclarations faites par les adolescents au cours des évaluations prédécisionnelles ordonnées en vertu de l’article 34. Le paragraphe 146(1) stipule que les déclarations faites par l’adolescent au cours des examens, sans son consentement, sont généralement inadmissibles. Le paragraphe 146(2) prévoit toutefois que ces déclarations peuvent être admises en preuve pour certains motifs précis, notamment pour déterminer l’aptitude mentale de l’adolescent ou s’il souffrait de troubles mentaux au moment de la perpétration de l’infraction, pour évaluer le témoignage incohérent de l’adolescent dans le but de mettre en doute sa crédibilité ou prouver qu’il s’est parjuré ou encore pour rendre certaines décisions relatives à sa mise en liberté sous condition (p. ex., surveillance sous condition).

         b. Détermination de l’âge de l’accusé

Déterminer l’âge d’un accusé est particulièrement important dans les poursuites contre des adolescents parce que cela a des conséquences directes sur l’application de la loi sur les jeunes contrevenants et la compétence des tribunaux pour adolescents. À l’instar de l’article 57 de la LJC, l’article 147 énonce des règles particulières régissant la détermination de l’âge d’une personne comme l’utilisation du témoignage de ses père ou mère, de certains documents et de toute déduction que le tribunal peut tirer à partir de l’apparence physique ou des déclarations faites par la personne au moment de sa déposition.

      5. Création et financement de programmes

Les articles 155 et156 du projet de loi prévoient des ententes entre divers niveaux de gouvernement en vue du financement de programmes et de services prévus au projet de loi.

L’article 155, qui reprend l’article 70 de la LJC, prévoit le remboursement aux provinces et aux municipalités, par le gouvernement fédéral, des dépenses engagées pour assurer des services aux adolescents visés par le projet de loi. Ces versements seraient effectués dans le cadre d’un accord intergouvernemental conclu par un ministre fédéral, avec l’approbation du gouverneur en conseil.

L’article 156 stipule que le procureur général du Canada ou un ministre désigné par le gouvernement provincial peut mettre sur pied les types suivants de programmes communautaires comme mesures de rechange :

  • aux procédures judiciaires, notamment des programmes de médiation, de restitution ou de réconciliation des victimes avec les jeunes contrevenants;
  • à la détention avant le prononcé de la peine, notamment des programmes de surveillance;
  • au placement sous garde, notamment des programmes d’assistance et de surveillance intensives (voir l’alinéa 41(2)l)) et des programmes relatifs à la fréquentation d’une institution (voir l’alinéa 41(2)(m)).

      6. Divers

Les articles 129 et130 prévoient le dessaisissement d’un juge du tribunal pour adolescents dans certaines instances et le remplacement d’un juge lorsque celui-ci est inapte à continuer d’entendre la cause. Ces dispositions reprennent les articles 15 et 64 de la LJC.

L’article 132 reprend l’article 18 de la LJC prévoyant le transfert de compétences entre les provinces.

Les articles 133 et 134 reprennent les articles 48 et 49 de la LJC relatifs à la confiscation du montant des engagements contractés par des adolescents.

Les articles 142 à 144 prévoient l’application de règles spéciales pour les procédures utilisées au tribunal pour adolescents : les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et les actes criminels peuvent être jugés conjointement sous le même chef d’accusation et les assignations et les mandats émanant du tribunal pour adolescents peuvent être exécutés sur toute l’étendue du territoire canadien. On trouve les mêmes dispositions aux articles 53 à 55 de la LJC.

Les articles 148 à 152 reprennent essentiellement les dispositions des articles 58 à 63 de la LJC concernant diverses questions de procédure ou de nature technique liées à la preuve.

Les articles 153 et 154 sont une répétition des articles 66 et 67 de la LJC concernant la détermination de formules pour la procédure suivie par les tribunaux pour adolescents et l’établissement d’un règlement par le gouverneur en conseil prévoyant la détermination de formules, l’établissement de règles de fonctionnement uniforme et, d’une manière générale, l’exécution des objectifs du projet de loi.

COMMENTAIRES

Ce projet de loi, tout comme la Loi sur les jeunes contrevenants, a fait l’objet d’opinions fort divergentes. Cette mesure législative visait notamment à rétablir la confiance dans le système de justice pénale pour les adolescents en abrogeant et en remplaçant, dans sa totalité, la loi actuelle largement discréditée par de nombreux commentateurs.

Le projet de loi a été la cible de vives critiques venant autant de ceux qui le trouvent trop sévère que de ceux qui le jugent trop indulgent envers les adolescents coupables d’infractions graves. Une partie des opinions exprimées sont favorables au projet de loi parce qu’il contient des éléments nouveaux susceptibles d’améliorer la loi actuelle.

Les critiques qui le jugent trop sévère soutiennent qu’il est axé sur l’infraction perpétrée par l’adolescent sans égard au contexte dans lequel elle a été perpétrée. Ils soutiennent que le principe directeur du projet de loi vise essentiellement « la protection du public » aux dépens de la réadaptation et de la réinsertion sociale des jeunes contrevenants. Ces critiques prétendent également que le projet de loi introduit dans le système de justice pénale pour adolescents de nombreux éléments empruntés au système de justice pénale pour adultes, au détriment des jeunes contrevenants traités par ce système.

Les critiques qui considèrent que le projet de loi est trop indulgent soutiennent que les peines prévues pour les infractions les plus graves perpétrées par des adolescents ne sont pas assez sévères et que ces contrevenants devraient être automatiquement traités par le système de justice pénale pour adultes. Ils prétendent que le projet de loi n’attache pas suffisamment d’importance aux mesures de dissuasion et de dénonciation des jeunes contrevenants.

Certains estiment qu’il faudrait, dans certains cas, fixer à 10 ans l’âge minimal des contrevenants visés par le système de justice pénale pour adolescents, ce qui permettrait de traiter les jeunes contrevenants à l’égard desquels les approches d’éducation, de santé mentale et d’aide sociale et de protection de l’enfance sont inadéquates. D’autres proposent de fixer à 16 ans l’âge maximal des contrevenants pouvant être poursuivis dans le cadre du système de justice pénale pour les adolescents et d’imposer des peines applicables aux adultes aux contrevenants adultes.

Les critiques favorables au projet de loi se réjouissent pour la plupart des nouveaux éléments qui seront ajoutés au système de justice pénale pour les adolescents. Ils soutiennent que les déclarations de principes énoncées dans différentes parties du projet de loi guideront ceux qui auront la tâche d’appliquer la loi et ceux qui y seront assujettis. Ils sont d’avis que les mesures extrajudiciaires, les groupes consultatifs et les mesures du comité sur la justice et les jeunes prévues au projet de loi permettront d’intervenir rapidement en dehors du système pénal afin de réduire la délinquance. Ils soutiennent également que de nombreuses peines et autres solutions proposées devraient réduire le taux d’incarcération d’adolescents, actuellement trop élevé.

De nombreux commentateurs du Québec ont fait savoir que la province avait adopté une approche originale, intégrée et axée sur la déjudiciarisation pour mettre en œuvre la Loi sur les jeunes contrevenants; cette approche a permis de réduire le nombre d’adolescents traduits devant les tribunaux et incarcérés. Il est dit que cette loi fonctionne bien, ce qui rend inutile le projet de loi C-3. D’autres juridictions sont priées avec insistance d’adopter une approche similaire à l’égard des jeunes contrevenants.

De nombreux commentateurs ont fait savoir que la modification législative n’est qu’une partie d’une stratégie efficace de renouvellement du système de justice pénale pour adolescents. Elle doit s’accompagner d’un engagement à fournir un niveau approprié de ressources et d’installations, et d’établir des programmes pour en faciliter la mise en œuvre.

Certains ont laissé entendre que la plupart, sinon la totalité, des éléments nouveaux contenus dans le projet de loi auraient pu être mis en place par voie de modification de la loi actuelle.

Nombreux sont ceux qui déplorent la longueur et la complexité du projet de loi. Ils soutiennent que les personnes qui seront chargées de sa mise en œuvre devront recevoir une formation approfondie et qu’il sera difficile d’informer le public et les jeunes de son contenu. Ils ajoutent qu’en comparaison, la Loi sur les jeunes contrevenants est un modèle de concision et de clarté.


(1) Pour un examen plus approfondi de la Loi sur les jeunes contrevenants et de son évolution, voir : Philip Rosen, La Loi sur les jeunes contrevenants, Bulletin d’actualité 86-13, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement.

(2) Chambre des communes, Comité permanent de la justice et des questions juridiques, treizième rapport, Le renouvellement du système de justice pour les jeunes, 2e session, 35e législature, avril 1997, p. 12 et 15.

(3) Ministère de la justice, Fiche documentaire : Statistiques sur le système de justice pénale pour les adolescents, Ottawa, mars 1999; ministère de la Justice, Stratégie de renouvellement du système de justice pour les jeunes : Composantes de la loi et du programme de soutien, Ottawa, 12 mai 1998; et Le renouvellement du système de justice pour les jeunes, chapitre 6.

(4) Le renouvellement du système de justice pour les jeunes, p. 55 (Recommandation 7).

(5) Idem, p. 45.

(6) Au Québec, les juges nommés par l’autorité provinciale à la Cour du Québec instruisent de telles causes lorsque l’accusé choisit d’être jugé par un tribunal formé d’un juge sans jury. Comme partout ailleurs au Canada, cependant, les procès avec jury au Québec sont présidés par des juges de la cour supérieure nommés par le fédéral.

(7) Le renouvellement du système de justice pour les jeunes, p. 55-57.

(8) Idem, p. 49-55 et recommandation 7.

(9) Aux termes du paragraphe 37(c) de la Convention, les États parties veillent à ce que :

Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d’une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. En particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l’on estime préférable de ne pas le faire dans l’intérêt supérieur de l’enfant

Le Canada a ajouté une clause de réserve à cette disposition de la Convention indiquant que le gouvernement du Canada accepte les principes généraux énoncés au paragraphe 37(c) de la Convention, mais qu’il se réserve le droit de ne pas séparer l’enfant des adultes quand la situation ne s’y prête pas ou que ce n’est pas possible.

(10) Cette interprétation a été confirmée par la Cour suprême elle-même dans : R. c. C. (T.L.), [1994] 2 R.C.S. 1012, 92 C.C.C. (3e) 444. Étant donné que la question avait été soulevée en réponse à une requête, que l’argument était inadéquat et que l’avis prescrit n’avait pas été donné au procureur général du Canada ni aux procureurs généraux provinciaux, la Cour a refusé de traiter de l’argument voulant que l’impossibilité de cette voie d’appel pour les actes criminels commis par les adolescents constitue à leur égard une discrimination fondée sur l’âge et viole le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés.

(11) Aux fins de l’établissement du rapport prédécisionnel, l’accès aux dossiers tenus relativement aux infractions dont a été déclaré coupable un adolescent et pour lesquelles il s’est vu infliger une peine est assujetti aux périodes applicables visées au paragraphe 118(2) du projet de loi (voir la partie 6). Le paragraphe 118(2) limite l’accès à ces dossiers, selon l’infraction et la peine infligée, à des périodes de deux mois à compter de la déclaration de culpabilité, lorsque l’adolescent fait l’objet d’une réprimande (voir « peines spécifiques » ci-dessous), à cinq ans à compter de l’exécution complète de la peine spécifique, lorsque l’adolescent est déclaré coupable d’une infraction punissable par déclaration de culpabilité et qu’il ne fait pas l’objet d’une réprimande ni d’une absolution.

(12) Dans le cas d’une sanction extrajudiciaire, le paragraphe 118(2) stipule que la période d’accès au dossier est de deux ans à compter du moment où l’adolescent consent à collaborer à la mise en œuvre de la sanction.

(13) En plus de toutes les autres peines spécifiques qui peuvent de toute évidence de ne pas être compatibles entre elles, le paragraphe 41(10) stipule que les peines ci-après ne peuvent être combinées à une ordonnance d’absolution sous condition : une ordonnance de probation en vertu de l’alinéa 41(2)k), l’obligation, imposée par ordonnance, de suivre un programme d’assistance et de surveillance intensives en vertu de l’alinéa 41(2)l), et l’obligation, par ordonnance, de participer à un programme en vertu de l’alinéa 41(2)m).

(14) Le paragraphe 53(1) exige que le tribunal pour adolescents, lorsqu’il impose une amende en vertu de l’alinéa 41(2)d), doit tenir compte de la capacité de payer de l’adolescent. Le paragraphe 53(2) autorise l’adolescent à qui une amende est imposée en vertu de cet alinéa à s’en acquitter, en totalité ou en partie, en effectuant un travail dans le cadre d’un programme établi à cette fin par la province.

(15) Le paragraphe 53(1) exige que le tribunal pour adolescents, lorsqu’il rend une ordonnance d’indemnisation en vertu de l’alinéa 41(2)e), doit tenir compte de la capacité de payer de l’adolescent. Aux termes du paragraphe 53(4), lorsqu’il examine s’il y a lieu de rendre une telle ordonnance, le tribunal pour adolescents peut tenir compte des observations qui lui ont été présentées par la personne à indemniser.

(16) Lorsqu’il examine s’il y a lieu de rendre une telle ordonnance, le paragraphe 53(4) permet au tribunal pour adolescents de tenir compte des observations qui lui ont été présentées par la personne à qui une restitution est à faire.

(17) Le paragraphe 53(1) exige que le tribunal pour adolescents, lorsqu’il rend une ordonnance d’indemnisation de l’acquéreur de bonne foi en vertu de l’alinéa 41(2)g), doit tenir compte de la capacité de payer de l’adolescent. Lorsqu’il examine s’il y a lieu de rendre une telle ordonnance, le paragraphe 53(4) permet au tribunal pour adolescents de tenir compte des observations qui lui ont été présentées par la personne à qui une somme est éventuellement à verser.

(18) Aux termes du paragraphe 53(4), lorsqu’il examine s’il y a lieu de rendre une telle ordonnance, le tribunal pour adolescents peut tenir compte des observations qui lui ont été présentées par la personne à indemniser, et, en vertu du paragraphe 53(6), le tribunal ne peut ordonner la mesure que s’il a obtenu le consentement de la personne à indemniser. De plus, le paragraphe 53(7) stipule qu’avant de rendre une telle ordonnance, le tribunal doit être convaincu que la mesure prise convient à l’adolescent et ne perturbe pas les heures normales de travail ou de classe de l’adolescent. En vertu du paragraphe 53(8), une telle ordonnance ne peut imposer que des services réalisables en 240 heures sur une période qui n’excède pas un an.

(19) Le paragraphe 53(7) stipule qu’avant de rendre une telle ordonnance, le tribunal doit être convaincu que la mesure prise convient à l’adolescent et ne perturbe pas les heures normales de travail ou de classe de l’adolescent. En vertu du paragraphe 53(8), une telle ordonnance ne peut imposer que des services réalisables en 240 heures sur une période qui n’excède pas un an. Aux termes du paragraphe 53(9), une telle ordonnance ne peut être imposée à moins que le travail à exécuter ne fasse partie d’un programme approuvé par le directeur provincial, ou que le tribunal ne soit convaincu que la personne ou l’organisme au profit duquel le travail doit être exécuté par l’adolescent a donné son accord.

(20) En vertu de l’article 161 du Code criminel le tribunal peut, par ordonnance, interdire au contrevenant déclaré coupable de certaines infractions de se trouver dans une zone publique que peuvent fréquenter des personnes âgées de moins de 14 ans ou d’accepter un emploi qui le placerait en relation de confiance ou d’autorité vis-à-vis de personnes âgées de moins de 14 ans.

(21) Le paragraphe 53(7) stipule qu’avant de rendre une telle ordonnance, le tribunal doit être convaincu que la mesure prise convient à l’adolescent et ne perturbe pas les heures normales de travail ou de classe de l’adolescent.

(22) Le paragraphe 41(5) limite l’imposition de cette peine aux infractions sans violence. Chose curieuse, cependant, le projet de loi ne mentionne pas la possibilité d’imposer une peine spécifique moins sévère (notamment une réprimande ou une absolution), voire de recourir à des mesures extrajudiciaires (partie 1 du projet de loi) à l’endroit d’infractions avec violence.

(23) Le renouvellement du système de justice pour les jeunes, p. 65.

(24) Fait ironique, si l’adolescent était jugé comme un adulte, l’autorité compétente aurait toujours la possibilité de le placer dans un établissement pour adolescents, quoique la présomption à l’encontre serait forte (voir le paragraphe 76(8)).

(25) Cette nouvelle infraction ne s’applique toutefois que dans les cas de non-conformité à une ordonnace d’interdiction imposée sous le régime de la nouvelle LSJPA (alinéa 41(2)j)). Dans le cas d’une ordonnance d’interdiction imposée au titre de l’alinéa 20(1)h) de la LJC, la loi prévoit que l’interdiction en question demeure le fondement d’une accusation de non-respect de l’ordonnance.

(26) Le renouvellement du système de justice pour les jeunes, p. 71 (recommandation 14).