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LS-354F

 

PROJET DE LOI S-13 :  LOI SUR LA DÉNONCIATION
DANS LA FONCTION PUBLIQUE

 

Rédaction :
David Johansen
Division du droit et du gouvernement
Le 18 janvier 2000


 

HISTORIQUE DU PROJET DE LOI S-13

 

CHAMBRE DES COMMUNES

SÉNAT

Étape du Projet de loi Date Étape du projet de loi Date
Première lecture :   Première lecture : 2 décembre 1999
Deuxième lecture :   Deuxième lecture : 22 février 2000
Rapport du comité :   Rapport du comité :  
Étape du rapport :   Étape du rapport :  
Troisième lecture :   Troisième lecture :  


Sanction royale :
Lois du Canada







N.B. Dans ce résumé législatif, tout changement d'importance depuis la dernière publicaiton est indiqué en caractères gras.

 

 

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

   A.  Introduction

   B.  La législation actuelle concernant la dénonciation au Canada

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A.  Objet du projet de loi

   B.  Définitions

   C.  Commissaire de l'intérêt public

   D.  Dénonciation

   E.  Enquête et rapport

   F.  Interdictions

   G.  Application

   H.  Recours du fonctionnaire

COMMENTAIRE


PROJET DE LOI S-13 : LOI SUR LA DÉNONCIATION
DANS LA FONCTION PUBLIQUE

 

CONTEXTE

   A. Introduction

 Le 2 décembre 1999, l’honorable Noel Kinsella a déposé au Sénat un projet de loi d’initiative parlementaire (S-13), Loi sur la dénonciation dans la fonction publique. Le projet de loi établirait un mécanisme visant la dénonciation de conduites répréhensibles dans la fonction publique. Même si au niveau fédéral il n’existe pour l’instant aucun projet de loi gouvernemental sur le sujet, un certain nombre de projets de loi d’initiative parlementaire ont été présentés à la Chambre des communes. Par exemple, le projet de loi C-293, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, le Code canadien du travail et la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, (3e session, 34e législature) a été déposé à la Chambre des communes par Mme Joy Langan, le 24 septembre 1991. Il a fait l’objet d’un débat en deuxième lecture et est mort au Feuilleton. Un projet de loi à peu près identique, le projet de loi C-248, a été présenté à la Chambre par Pierre de Savoye le 11 mai 1994 (1re session, 35e législature). Ce projet de loi a par la suite franchi l’étape de la deuxième lecture, puis a été retiré du Feuilleton. Plus tard, un autre projet de loi d’initiative parlementaire sur le même sujet a été déposé à la Chambre par M. de Savoye, le 19 juin 1996; ce projet de loi, le C-318, Loi sur la protection des dénonciateurs (2e session, 35e législature), qui était différent du précédent a expiré au Feuilleton après n’avoir franchi que l’étape de la première lecture. Le projet de loi C-49, un projet de loi similaire émanant d’un député et comportant certaines nouvelles dispositions, a été déposé à la Chambre par M. Pat Martin le 23 avril 1999 (1re session, 36e législature), mais n’a franchi que l’étape de la première lecture. Il a par la suite été présenté de nouveau à la Chambre sous le numéro C-239 par M. Martin, le 18 octobre 1999 de la session en cours (2e session, 36e législature).

Dans la partie suivante du document, nous décrivons la législation qui existe à l’heure actuelle au Canada en ce qui a trait à la dénonciation afin de bien situer l’examen du projet de loi S-13 dans son contexte.

   B. La législation actuelle concernant la dénonciation au Canada

Au Canada, comme dans d’autres pays et plus particulièrement aux États-Unis, un certain nombre de lois, surtout celles qui traitent de questions environnementales ou de sécurité et santé au travail, protègent les employés, dans les limites de leur champ d’application, contre des représailles pour avoir exercé les droits qu’elles leur confèrent. On retrouve une disposition de ce genre au niveau fédéral au Canada à l’article 16 de la nouvelle Loi canadienne sur la protection de l’environnement (S.C. 1999, c. 33), qui a reçu la sanction royale le 14 septembre 1999 et qui contient des dispositions visant à protéger des représailles les employés qui, agissant de bonne foi, donnent à des agents désignés des renseignements concernant des infractions à la Loi.

Les gouvernements au Canada, toutefois, tant aux niveaux fédéral que provincial, ont jusqu’à maintenant refusé de promulguer une loi plus exhaustive visant à protéger les dénonciateurs comme l’on fait d’autres pays. Aux États-Unis, par exemple, la législation au niveau fédéral protège les employés de la fonction publique fédérale, tandis que la législation dans certains États protège les travailleurs du secteur public et dans d’autres ceux des secteurs public et privé. Il semble que le seul texte à caractère juridique en vigueur au Canada, soit l’article 28 de la Loi sur les normes d’emploi du Nouveau-Brunswick, qui s’applique aux employeurs tant du secteur public que du secteur privé et qui, en général, prévoit une protection contre les représailles pour les employés qui déposent une plainte contre leur employeur relativement à la violation présumée de toute mesure législative provinciale ou fédérale.

En Ontario, le paragraphe 58(6) de la Loi de 1993 modifiant des lois en ce qui concerne la fonction publique et les relations de travail, qui a reçu la sanction royale le 4 décembre 1993, ajoutait une nouvelle partie IV (article 28.11 à 28.43), intitulé « Protection des dénonciateurs », à la Loi sur la fonction publique afin de mieux protéger les dénonciateurs de la fonction publique dans cette province. Conformément à l’article 28.43 de la Loi sur la fonction publique, toutefois, la Partie IV doit entrer en vigueur le jour qui sera fixé par proclamation du lieutenant-gouverneur. Après promulgation de la Loi, toutefois, le Nouveau parti démocratique a été remplacé par un gouvernement progressiste-conservateur qui en est maintenant à son deuxième mandat mais dont le programme n’inclut pas l’entrée en vigueur par proclamation de la Partie IV.

Par conséquent, au Canada les dénonciateurs tant des secteurs public que privé doivent miser sur la protection offerte par la common law. Comme les auteurs du Report on Political Activity, Public Comment and Disclosure by Crown Employees de la Commission de réforme du droit de l’Ontario de 1986 l’ont fait remarquer, en vertu de la common law, l’employé a envers son employeur le devoir de lui être loyal, d’agir de bonne foi et, lorsque cela s’impose, de taire des renseignements confidentiels. Le devoir de « loyauté » sous-entend l’obligation d’accomplir certaines tâches avec habileté et application, de s’abstenir de toute duperie quant au contrat de travail, d’éviter d’avoir des relations professionnelles, rémunérées ou non, dont les intérêts ne cadrent pas avec ceux de l’employeur et de se comporter en tout temps de façon à ne pas mettre son employeur dans l’embarras. Le devoir de « bonne foi » exige de l’employé qu’il s’acquitte des tâches qui lui sont assignées pour le plus grand avantage de son employeur. Enfin, l’employé peut être dans l’obligation de tenir des renseignements secrets jusqu’à ce que l’employeur le dégage de cette obligation. Cette obligation peut découler d’un contrat ou être imposée à un employé selon l’équité lorsque l’employeur lui confie des renseignements confidentiels à la condition que ces renseignements ne soient pas divulgués sans permission. Une obligation de confidence peut en outre naître de la nature particulière des rapports qui lient l’employeur et l’employé.

Un employé peut se sentir obligé de manquer à ses devoirs et révéler une confidence ou un renseignement, s’il estime agir dans l’intérêt du public. Dans de pareilles circonstances, l’employeur prend généralement des mesures disciplinaires, parmi lesquelles figure évidemment le renvoi. Face à une telle sanction, certains employés ont cherché à obtenir une protection en s’adressant aux tribunaux ou, s’ils étaient assujettis à une convention collective, au moyen de la procédure de grief.

Les tribunaux ont permis que soit invoqué de façon très limitée l’argument de l’intérêt public dans le cas où la faute dénoncée était grave, et l’intérêt de faire des révélations manifestes. Ils ont insisté sur la nécessité, pour l’employé, d’épuiser d’abord les recours internes, de s’assurer de la véracité de ses propos et de faire preuve de jugement dans les actes qu’il pose. Les arbitres ont appliqué des critères semblables. Dans l’ensemble, on peut dire que la gamme de protections offerte aux employés est loin d’être étendue et que ceux-ci peuvent gravement compromettre leur carrière s’ils manquent à leurs obligations envers leurs employeurs.

L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFC), un syndicat national représentant quelque 36 000 employés professionnels et scientifiques, demande depuis quelques années au gouvernement fédéral de promulguer une loi visant à protéger les fonctionnaires fédéraux contre des mesures de représailles pour avoir dénoncé des conduites répréhensibles. L’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), qui représente plus de 150 000 fonctionnaires fédéraux , employés d’organismes, de sociétés d’État et des territoires, a aussi recommandé la promulgation d’une mesure législative de ce genre.

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A. Objet du projet de loi

Le projet de loi S-13 s’intitule Loi sur la dénonciation dans la fonction publique (article 1). Comme l’indique l’article 2, il a pour objet :

  • de sensibiliser les fonctionnaires aux pratiques conformes à l’éthique en milieu de travail et d’encourager le respect de ces pratiques;

  • d’instituer un mécanisme pour permettre aux fonctionnaires de dénoncer en toute confidentialité des abus ou omissions dans le lieu de travail à un commissaire indépendant qui pourra mener des enquêtes à leur sujet, assurer le suivi nécessaire et faire rapport au Parlement relativement à toute irrégularité vérifiée et non corrigée;

  • de protéger ces fonctionnaires contre des mesures de représailles pour avoir dénoncé de bonne foi — ou avoir l’intention de le faire — pour des motifs raisonnables, des conduites répréhensibles au sein du lieu de travail.

   B. Définitions

L’article 3 définirait plusieurs termes aux fins du projet de loi. Ainsi, « commissaire » désignerait un commissaire de la Commission de la fonction publique désigné à titre de Commissaire de l’intérêt public en vertu de l’article 4; « fonctionnaire » désignerait un employé au sens de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, c’est-à-dire une personne nommée à la fonction publique sous l’autorité de la Commission de la fonction publique où « fonction publique » s’entendrait des postes relevant d’un ministère ou des secteurs de la fonction publique fédérale précisés à l’annexe 1 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. De même, en vertu du projet de loi, « fonction publique » désignerait les secteurs de l’administration publique auxquels s’applique la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. « Loi en vigueur au Canada » s’entendrait d’une loi fédérale ou provinciale ou de tout texte réglementaire d’application de celle-ci. « Ministre » désignerait un ministre fédéral du Cabinet, tandis que « abus ou omission » s’entendrait d’un acte ou d’une omission qui : a) constitue une infraction à toute loi en vigueur au Canada; b) risque d’entraîner un gaspillage considérable de fonds publics; c) risque de compromettre soit la santé publique, soit la sécurité, soit l’environnement; d) constitue un manquement à une politique ou à une directive publique et confirmée dans les documents de la fonction publique; ou e) constitue un cadre flagrant de mauvaise gestion ou d’abus de pouvoir.

   C. Commissaire de l’intérêt public

Le cabinet fédéral désignerait l’un des commissaires de la Commission de la fonction publique pour agir à titre de Commissaire de l’intérêt public pour l’application du projet de loi (paragraphe 4(1)). Les fonctions du commissaire de l’intérêt public feraient partie du mandat de la Commission de la fonction publique pour l’application de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (paragraphe 4(2)), et les pouvoirs conférés au commissaire par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique pour l’application de cette loi pourraient être exercés pour l’application du projet de loi (paragraphe 4(3)).

Sous réserve de l’article 10, dont il est fait mention ci-dessous, s’il estime que l’intérêt public le justifie, le commissaire pourrait rendre publics les renseignements dont il prendrait connaissance dans l’exercice des pouvoirs et fonctions qui lui seraient conférés en vertu du projet de loi (paragraphe 5(1)). Le commissaire, ou une personne agissant en son nom, pourrait divulguer les renseignements qui, à son avis, sont nécessaires pour mener une enquête prévue par le projet de loi ou pour motiver les conclusions et recommandations contenues dans les rapports prévus dans le projet de loi (paragraphe 5(2)). Par ailleurs, le commissaire, ou une personne agissant en son nom, pourrait divulguer des renseignements dans le cadre des procédures intentées pour infraction à l’article 21 du projet de loi ou pour infraction à l’article 132 du Code criminel (parjure) se rapportant à une déclaration faite en vertu du projet de loi (paragraphe 5(3)). Dans les cas où, à son avis, il existe des éléments de preuve touchant la perpétration d’infractions à toute loi en vigueur au Canada, le commissaire pourrait faire part au Procureur général du Canada ou d’une province des renseignements dont il prendrait connaissance dans l’exercice des pouvoirs et fonctions qui lui sont conférés en vertu du projet de loi (paragraphe 5(4)).

En ce qui concerne les questions venues à leur connaissance dans l’exercice des pouvoirs et fonctions qui lui sont conférés en vertu du projet de loi, le commissaire ou les personnes qui agissent en son nom n’auraient qualité pour témoigner que dans les procédures intentées pour infraction à l’article 21 du projet de loi ou pour infraction à l’article 132 du Code criminel (parjure) se rapportant à une déclaration faite en vertu du projet de loi (article 6).

Le commissaire et les personnes qui agissent en son nom bénéficieraient de l’immunité en matière civile ou pénale pour les actes accomplis, les rapports établis et les paroles prononcées de bonne foi dans l’exercice des pouvoirs et fonctions qui lui sont conférés en vertu du projet de loi (paragraphe 7(1)). Ne pourraient donner lieu à poursuites pour diffamation verbale ou écrite les paroles prononcées, les renseignements fournis ou les pièces produites de bonne foi et pour des motifs raisonnables au cours d’une enquête menée par le commissaire ou en son nom dans le cadre du projet de loi; et les rapports établis de bonne foi par le commissaire dans le cadre du projet de loi, ainsi que les relations qui en sont faites de bonne foi par la presse (paragraphe 7(2)).

Le commissaire devrait encourager dans le lieu de travail de la fonction publique des pratiques conformes à l’éthique et un environnement favorable à la dénonciation de conduites répréhensibles, par la diffusion d’information relative au projet de loi, ainsi que par tout autre moyen qui lui semble approprié (article 8).

   D. Dénonciation

Un fonctionnaire qui croit qu’un autre fonctionnaire a commis ou s’apprête à commettre un abus ou une omission pourrait présenter une dénonciation écrite au commissaire et demander que la confidentialité de son identité soit assurée (paragraphe 9(1)). La dénonciation préciserait l’identité du fonctionnaire qui en est l’auteur, l’identité de la personne qui en fait l’objet et les motifs de la dénonciation (paragraphe 9(2)). La dénonciation faite de bonne foi et pour des motifs raisonnables ne constituerait pas une violation du serment professionnel ou du serment secret souscrit par le fonctionnaire et, sous réserve du paragraphe 9(4), ne constituerait pas un manquement à son devoir (paragraphe 9(3)). Un fonctionnaire ne pourrait, lorsqu’il fait une dénonciation conformément au paragraphe 9(1), violer une loi en vigueur au Canada ou une règle de droit protégeant les communications confidentielles entre un avocat et son client, à moins qu’il ne l’ait fait pour des motifs raisonnables de préoccupation au sujet de la santé ou de la sécurité publiques (paragraphe 9(4)).

Sous réserve de toute obligation qui lui est imposée par le projet de loi ou toute autre loi en vigueur au Canada, le commissaire serait tenu de garder confidentielle l’identité du fonctionnaire qui lui a présenté une dénonciation et auquel il a donné l’assurance de l’anonymat (article 10).

Conformément à l’article 9, le commissaire examinerait la dénonciation et pourrait demander des renseignements additionnels au fonctionnaire qui la lui a présentée et procéder à toute autre forme d’enquête qu’il estimerait nécessaire (article 11).

Le commissaire rejetterait la dénonciation si, après un examen préliminaire, il déterminait qu’elle est vexatoire ou que l’objet en est trivial ou frivole; qu’elle ne représente pas une allégation d’abus ou d’omission ou ne donne pas de détails suffisants au sujet d’un abus ou d’une omission; qu’elle contrevient au paragraphe 9(4); ou qu’elle n’a pas été faite de bonne foi ou pour des motifs raisonnables (paragraphe 12(1)). Si la dénonciation d’un fonctionnaire comportait des déclarations que ce dernier savait fausses ou trompeuses au moment où il les a faites, le commissaire pourrait conclure que la dénonciation n’a pas été faite de bonne foi (paragraphe 12(2)). Toutefois, le commissaire ne serait pas tenu de conclure qu’une dénonciation n’a pas été faite de bonne foi pour le seul motif qu’elle est fondée sur une erreur de fait (paragraphe 12(3)). S’il rendait une décision, le commissaire en informerait par écrit, en temps opportun, le fonctionnaire qui a fait la dénonciation (paragraphe 12(4)). Par ailleurs, s’il concluait en vertu du paragraphe 12(1) que la dénonciation a été faite en violation du paragraphe 9(4) ou qu’elle n’a pas été faite de bonne foi et pour des motifs raisonnables, le commissaire pourrait en aviser la personne qui en fait l’objet et le ministre responsable du fonctionnaire qui en est l’auteur (paragraphe 12(5)).

Le commissaire accepterait la dénonciation s’il conclut qu’elle n’est pas vexatoire ou que l’objet n’en est pas trivial ou frivole; qu’elle représente une allégation d’abus ou d’omission et donne des détails suffisants au sujet d’un tel abus ou d’une telle omission; qu’elle ne contrevient pas au paragraphe 9(4) et qu’elle a été faite de bonne foi et pour des motifs raisonnables (paragraphe 13(1)). En pareil cas, le commissaire en informerait par écrit, en temps opportun, le fonctionnaire qui a fait la dénonciation (paragraphe 13(2)).

   E. Enquête et rapport

Le commissaire ferait enquête sur la dénonciation acceptée en vertu du paragraphe 13(1) du projet de loi et établirait un rapport écrit faisant état des conclusions de son enquête ainsi que de ses recommandations (paragraphe 14(1)), sauf s’il est convaincu : que le fonctionnaire devrait épuiser les autres recours internes ou procédures d’appel; que la question pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi; ou que la période qui s’est écoulée à compter du moment où l’abus ou l’omission a eu lieu jusqu’à la date où la dénonciation a été présentée aurait pour effet de rendre un tel rapport inutile (paragraphe 14(2)). Si un rapport écrit n’est pas jugé nécessaire, le commissaire en informerait par écrit, et en temps opportun, le fonctionnaire qui a fait la dénonciation (paragraphe 14(3)). Cependant, si le commissaire décidait de produire un rapport, il enverrait, en temps opportun, une copie du rapport au ministre responsable du fonctionnaire qui fait l’objet de la dénonciation (paragraphe 14(4)).

Après avoir examiné le rapport, le ministre indiquerait au commissaire les mesures qu’il a prises ou qu’il entend prendre (paragraphe 15(2)). Si des mesures étaient proposées, le ministre assurerait le suivi « que le commissaire juge indiqué » jusqu’à ce que le ministre l’informe que la situation a été réglée (paragraphe 15(3)).

S’il le jugeait dans l’intérêt public, le commissaire établirait un rapport d’urgence et le ferait déposer par le président du Conseil du Trésor devant le Parlement le prochain jour où siège l’une des deux chambres (paragraphe 16(1)). Le rapport d’urgence devrait décrire la teneur du rapport fait au ministre en vertu du paragraphe 14(4) et faire état de la réponse fournie par le ministre en application de l’article 15 ou de l’absence d’une telle réponse (paragraphe 16(2)).

La Commission de la fonction publique inclurait dans son rapport annuel présenté au Parlement (conformément à l’article 47 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique) un relevé, préparé par le commissaire de l’intérêt public, des activités découlant de l’application du projet de loi et fournissant les renseignements énumérés au paragraphe 17(1) de ce dernier. Le rapport pourrait aussi inclure une analyse du projet de loi et des conséquences de son application et de recommandations à l’égard de celui-ci (paragraphe 17(2)).

   F. Interdictions

Il serait interdit à toute personne d’imposer quelque mesure disciplinaire que ce soit à un fonctionnaire qui, agissant de bonne foi et pour des motifs raisonnables : a) a révélé ou fait part de son intention de révéler qu’un autre fonctionnaire a commis un abus ou une omission; b) a refusé ou a fait part de son intention de refuser de commettre un abus ou une omission contraire au projet de loi; ou c) a commis ou a fait part de son intention d’accomplir un acte qui est obligatoire pour assurer le respect du projet de loi (paragraphe 19(1)). Il serait aussi interdit à toute personne d’imposer quelque mesure disciplinaire que ce soit à un fonctionnaire si la personne croit que le fonctionnaire fera l’une des choses mentionnées ci-dessus (paragraphe 19(1)). « Mesure disciplinaire » s’entendrait de toute mesure négative concernant le fonctionnaire ou ses conditions de travail, notamment le harcèlement, une sanction pécuniaire, des mesures touchant l’ancienneté, la suspension ou le congédiement, le refus de travail utile ou la rétrogradation, le refus d’avantages sociaux, ou toute autre mesure au désavantage du fonctionnaire (paragraphe 19(2)). Quiconque imposerait à un fonctionnaire une mesure disciplinaire contrairement à l’article 19 dans les deux ans suivant la présentation par celui-ci d’une dénonciation au commissaire conformément au paragraphe 9(1) serait réputé, sauf preuve contraire faite par prépondérance des probabilités, avoir imposé cette mesure disciplinaire au fonctionnaire parce que ce dernier a fait une telle dénonciation (paragraphe 19(3)).

Sauf dans la mesure permise par le projet de loi ou toute autre loi en vigueur au Canada, le paragraphe 20(1) interdirait à toute personne de communiquer à autrui le fait ou la nature d’une dénonciation présentée par un fonctionnaire au commissaire en vertu du paragraphe 9(1) de manière à identifier l’auteur de la dénonciation. Il y aurait une exception lorsque la dénonciation a été faite en violation du paragraphe 9(4) ou si elle n’a pas été faite de bonne foi et pour des motifs raisonnables (paragraphe 20(2)).

   G. Application

Quiconque contreviendrait au paragraphe 9(4), à l’article 18 ou aux paragraphes 19(1) ou 20(1) serait coupable d’une infraction et encourrait, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 10 000 $ (article 21).

   H. Recours du fonctionnaire

Le fonctionnaire qui fait l’objet d’une mesure disciplinaire contrairement à l’article 19 pourrait intenter tout recours prévu par une règle de droit, y compris les griefs prévus par une loi fédérale ou autrement (paragraphe 22(1)). Le fonctionnaire pourrait intenter un tel recours indépendamment du fait qu’une poursuite fondée sur les mêmes faits que ceux allégués dans le cadre de son recours a été intentée en vertu de l’article 21 (paragraphe 22(2)). Dans le cadre d’un recours visé au paragraphe 22(1), le fonctionnaire pourrait se prévaloir de la présomption prévue au paragraphe 19(3) (paragraphe 22(3)). Les griefs en instance à la date d’entrée en vigueur du projet de loi seraient entendus et tranchés comme si le projet de loi n’avait pas été adopté (paragraphe 22(4)).

COMMENTAIRE

Il semble que, jusqu’ici, les médias n’ont fait aucun commentaire sur le projet de loi S-13.

Étant donné qu’actuellement la protection des dénonciateurs est très limitée en common law, on pourrait soutenir qu’il est vraiment nécessaire que cette protection soit assurée par des lois fédérales et provinciales. Au niveau fédéral, le projet de loi S-13, tel qu’il est rédigé, s’appliquerait aux fonctionnaires, mais non aux employés parlementaires, qui ne font pas partie de la fonction publique.

Si le projet de loi S-13 était adopté, le Canada emboîterait le pas à un certain nombre d’autres pays ou États qui ont déjà adopté des lois pour protéger les dénonciateurs dans le secteur public. Les États-Unis ont été l’un des premiers pays à adopter une loi de ce genre. Au niveau fédéral, le Congrès américain a adopté la Civil Service Reform Act of 1978, qui a par la suite été modifiée par la Whistleblower Protection Act of 1989. Beaucoup d’États américains ont aussi adopté des lois particulières pour protéger les dénonciateurs, surtout les fonctionnaires, mais dans certains cas les employés du secteur privé également.

Parmi les pays membres du Commonwealth, la Grande-Bretagne, a adopté tout récemment, le 2 juillet 1999, une loi à ce sujet, la Public Interest Disclorure Act. La Loi protège de façon générale les dénonciateurs du secteur public et du secteur privé contre toute mesure qui pourrait être prise par la suite par leurs employeurs pour les congédier ou les pénaliser.

L’Australie est un autre pays du Commonwealth qui a adopté une loi à ce sujet. Au niveau fédéral, conformément aux dispositions des Public Service Regulations, les fonctionnaires qui signalent des infractions, réelles ou présumées, au code d’éthique de la fonction publique de l’Australie sont protégés contre les mauvais traitements et la discrimination. Le règlement énonce également les règles minimales des procédures que les gestionnaires doivent établir pour faire rapport et enquête au sujet des dénonciations. Plusieurs États de l’Australie ont aussi adopté des mesures législatives sur le sujet; par exemple, l’Australie-Méridionale a adopté la Whistleblowers Protection Act 1993 et la Nouvelle-Galles du Sud la Protected Disclosures Act 1994.