LS-403F

 

PROJET DE LOI C-25 : LOI MODIFIANT LA LOI
SUR LA SOCIÉTÉ DU CRÉDIT AGRICOLE ET
D'AUTRES LOIS EN CONSÉQUENCE

 

Rédaction :
Jean-Denis Fréchette
Analyste principal
Division de l'économie
Le 23 avril 2001
Révisé le 8 juin 2001


 

HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-25

 

CHAMBRE DES COMMUNES

SÉNAT

Étape du Projet de loi Date Étape du projet de loi Date
Première lecture : 5 avril 2001 Première lecture : 12 juin 2001
Deuxième lecture : 1er mai 2001 Deuxième lecture : 12 juin 2001
Rapport du comité : 17 mai 2001 Rapport du comité : 13 juin 2001
Étape du rapport : 7 juin 2001 Étape du rapport :  
Troisième lecture : 11 juin 2001 Troisième lecture : 14 juin 2001


Sanction royale : 14 juin 2001
Lois du Canada 2001, chapitre 22







N.B. Dans ce résumé législatif, tout changement d'importance depuis la dernière publicaiton est indiqué en caractères gras.

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A.  Changement de nom de la Société et définition d’« entreprise liée à l’agriculture » (articles 1 à 4)

   B.  Services financiers et de gestion plus étendus et mission de la Société (article 5)

   C.  Régie d’entreprise : clarification du poste de premier dirigeant (article 6)

   D.  Gestion du risque (article 7)

   E.  Dispositions transitoires et modifications connexes (articles 8 à 22)

COMMENTAIRE


PROJET DE LOI C-25 : LOI MODIFIANT LA LOI SUR LA SOCIÉTÉ DU
CRÉDIT AGRICOLE ET D’AUTRES LOIS EN CONSÉQUENCE*

CONTEXTE

Le 5 avril 2001, le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, l’honorable Lyle Vanclief, a déposé à la Chambre des communes le projet de loi C-25 : Loi modifiant la loi sur la Société du crédit agricole et d’autres lois en conséquence.

Cette réforme législative est la première à survenir depuis les changements importants apportés en 1993, année où la Société du crédit agricole (la « Société »(1)) a subi une cure de rajeunissement visant à mieux adapter son rôle de prêteur agricole aux nouvelles exigences du marché.  En effet, la mondialisation des marchés avait déjà commencé à faire sentir son influence sur le secteur agroalimentaire canadien, notamment par une tendance à la diversification et l’accroissement de la valeur ajoutée.  Grâce à son nouveau mandat, la Société avait obtenu la possibilité d’offrir des services financiers spécialisés aux agriculteurs ou regroupements d’agriculteurs dont les activités commerciales s’étendaient au-delà du secteur primaire.

Le projet de loi C-25 propose d’élargir à nouveau le mandat de la Société en lui permettant non seulement d’améliorer et d’accroître la gamme de produits et de services déjà offerts aux producteurs primaires, mais aussi d’offrir ses services financiers et conseils aux entreprises agricoles en amont ou en aval, et ce, qu’elles appartiennent ou non à des agriculteurs.  Il s’agit là une modification majeure à la présente Loi sur la Société du crédit agricole : après avoir accru la gamme de ses produits et services aux agriculteurs en 1993, la Société pourra maintenant élargir sa clientèle, toujours afin de mieux répondre aux besoins de financement émergents de l’industrie agricole canadienne.  En fait, la Société réagit aux conditions du marché qui font que les différents secteurs agricoles – production primaire, transformation, fournisseurs d’intrants – sont devenus plus interdépendants que jamais et exigent une gamme variée et intégrée de services financiers.

Les services additionnels que la Société aimerait fournir à sa nouvelle clientèle élargie comprennent notamment :

  • des prêts à différents types d’agri-entreprises;

  • la capacité de fournir du capital-actions;

  • l’élargissement de la portée de son service de crédit-bail;

  • l’offre de services commerciaux de gestion étendus comme pour les biens-fonds et la planification de la relève;

  • la création de filiales pour diversifier ses services;

  • un éventail plus large d’outils de gestion du risque, qui pourraient être offerts en partenariat avec des consortiums financiers.

Cet accroissement et cette diversification de ses activités restent motivés par le désir de la Société de mieux se positionner dans le paysage agricole canadien afin d’appuyer les communautés rurales dans leur développement économique, tout en maintenant son engagement « à demeurer principalement axée sur la production primaire »(2).

Afin d’élaborer les changements législatifs proposés dans le projet de loi C-25, la Société a tenu des consultations avec plus d’une centaine d’intervenants régionaux et nationaux du milieu agricole, qui comprenaient des organisations d’agriculteurs représentant la plupart des productions, ainsi que des institutions financières comme les banques et les coopératives de crédit.

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A.  Changement de nom de la Société et définition d’« entreprise liée à l’agriculture » (articles 1 à 4)

Les articles 1 à 3 changent le titre de la loi et le nom de la Société, qui devient « Financement agricole Canada » (FAC), tandis que l’article 4 proroge la Société comme personne morale sous son nouveau nom.

Bien que ce changement de nom respecte les lignes directrices publiées par le Conseil du Trésor dans son « Programme de coordination de l’image de marque », (créé principalement pour fournir aux Canadiens une information plus normalisée et claire, notamment sur Internet), le choix du nom français laisse quelque peu perplexe.  En effet, lorsqu’un organisme du gouvernement fédéral change de nom, la tendance actuelle – bien que ce ne soit pas une directive établie – est d’harmoniser les noms français et anglais pour qu’ils partagent le même sigle, quitte à les contracter.  C’est ce qui a été fait, par exemple, pour la « Banque de développement du Canada/Business Development Bank of Canada », dont le sigle BDC est identique dans les deux langues officielles.

Le projet de loi C-25 change le nom anglais de « Farm Credit Corporation » à « Farm Credit Canada ».  Il semble que le législateur ait eu du mal à trouver un équivalent français qui corresponde aussi au sigle FCC – ou un équivalent anglais correspondant à FAC.  Le nouveau sigle français – FAC – risque aussi de prêter à confusion, puisqu’il se prononce à peu près de la même façon que le sigle de l’agence québécoise de financement agricole, la Financière agricole du Québec ou FAQ.

La Société souhaite élargir la base de sa clientèle pour y inclure les agri-entreprises, qu’elles soient ou non détenues par une majorité d’agriculteurs, pourvu qu’elles profitent aux agriculteurs.  Selon le paragraphe 3(2), une « entreprise liée à l’agriculture » est « une entreprise dont l’activité principale est la production, le transport, l’entreposage, la distribution, l’approvisionnement ou la transformation soit de moyens de production destinés à des exploitations agricoles, soit de produits de ces exploitations, ou l’adjonction de valeur à ceux-ci ».  Dans ses notes explicatives sur le projet de loi, la Société donne comme exemple qu’une épicerie de quartier ne répondrait pas aux critères précités, mais qu’un magasin de fruits et légumes qui s’approvisionne directement chez un producteur y répondrait.

Si cette définition est relativement exhaustive, la notion « d’activité principale » pourrait toutefois se prêter à plus d’une interprétation parce qu’elle n’est pas définie précisément dans le projet de loi.  Le problème de savoir ce qu’on entend par « activité principale » pourrait se présenter notamment dans le cas d’entreprises à haute valeur ajoutée. Par exemple, l’activité principale d’une petite ou moyenne compagnie brassicole est-elle « l’adjonction de valeur » à l’orge, ce qui en ferait une agri-entreprise visée par le projet de loi?

Comme on le verra dans la prochaine section, le paragraphe 5(1) du projet de loi précise la mission de la Société, ce qui pourrait permettre de mieux comprendre le genre de clientèle visée par la Société.

   B.  Services financiers et de gestion plus étendus et mission de la Société (article 5)

L’article 5 du projet de loi porte sur les principales modifications aux services et produits financiers et de gestion que la Société souhaite offrir pour mieux répondre aux nouvelles exigences du marché agricole.

Le paragraphe 5(1) du projet de loi modifie le paragraphe 4(1) de la Loi sur la Société du crédit agricole afin de permettre à la Société d’offrir – en plus de ses services actuels – des produits financiers et commerciaux personnalisés aux exploitations agricoles et aux petites et moyennes agri-entreprises en précisant que ces dernières doivent être liées à l’agriculture.   De plus, afin – semble-t-il – de dissiper tout doute sur la nouvelle clientèle de la Société, le paragraphe précise que les « activités de la Société visent principalement les exploitations agricoles, notamment les fermes familiales ».  Par conséquent, même si le projet de loi demeure muet sur ce qu’est une ferme familiale, le législateur investit la Société d’une mission dont les activités, même si elles débordent le secteur primaire, doivent tout de même procurer des bénéfices aux agriculteurs.

Les paragraphes 5(2) et 5(3) du projet de loi étendent les pouvoirs de la Société à l’octroi de prêts pour le paiement de frais relatifs à l’exploitation d’une entreprise liée à l’agriculture et pour l’acquisition ou l’amélioration de biens détenus par une telle entreprise.

Le paragraphe 5(4) constitue le point central du projet de loi C-25 parce qu’il apporte les modifications ou les ajouts les plus substantiels à la prestation des produits et services financiers de la Société.  Le paragraphe permet à la Société :

  • d’offrir des services et produits qui complètent ceux qui sont déjà offerts par les secteurs public et privé (alinéa 5(4)f.1));

  • d’incorporer, de fusionner ou de dissoudre des filiales (alinéa 5(4)f.2)) afin de diversifier ses services financiers et de gestion, notamment en créant des partenariats (voir alinéa 5(4)f.5));

  • de clarifier ses pouvoirs en matière de crédit-bail aux entreprises agricoles (alinéa 5(4)f.3));

  • d'aliéner des terres agricoles acquises par la Société (alinéa 5(4)f.4.1));

  • de participer au capital des entreprises agricoles (alinéa 5(4)f.4));

  • de clarifier sa capacité de s’associer à d’autres organismes financiers pour offrir – notamment dans la prestation de services financiers – des montages financiers complets (alinéa 5(4)f.5)).

Le fait d’offrir, en s’associant ou non avec d’autres organismes, des services de gestion d’entreprise qui s’ajoutent à la gamme de services déjà offerts et de pouvoir créer des filiales pour étendre ces services semble rendre la Société plus apte à servir les agriculteurs.  Toutefois, la possibilité d’offrir directement du crédit-bail et d’attirer du capital de risque dans le secteur agricole suscite davantage d’interrogations.

Il faut noter que la Société offre déjà du crédit-bail en partenariat avec la société CULEASE Financial Services, ce qui permet d’unir l’expertise en crédit-bail de cette dernière au réseau national de concessionnaires d’équipement agricole de la Société.  Bien que la Société vise un marché très précis, qui exige une expertise particulière, cette clarification du rôle de la Société en matière de crédit-bail risque d’irriter certaines institutions financières comme les banques.  Avec les modifications législatives qui permettent aussi à la Société de posséder et de louer des éléments d’actif comme de l’équipement, des biens et des biens-fonds, la possibilité d’offrir du crédit-bail pourrait devenir un puissant outil de marketing pour la Société.

Enfin, comme le secteur agricole est capitalistique et que la stratégie canadienne d’accroître le niveau de valeur ajoutée en agriculture passe par le démarrage d’entreprises et le développement des petites entreprises, l’accès au capital de risque peut effectivement apparaître comme un besoin.  Toutefois, les investisseurs qui veulent offrir du capital de risque sont généralement à la recherche de rendements élevés et rapides.  Or, en agriculture, il semble n’y avoir que peu de secteurs, hormis la biotechnologie, qui répondent à ces critères.  Il est généralement reconnu que le capital de risque est moins disponible au Canada qu’aux État-Unis, mais les banques, la BDC et des investisseurs privés offrent déjà ce type de financement.  La Société souhaite pouvoir jouer le rôle de catalyseur afin d’inciter les investisseurs à offrir davantage de capital de risque au secteur agricole, mais on peut se demander pourquoi elle veut intervenir de la sorte.  S’il y a actuellement une imperfection dans le marché, cette imperfection peut expliquer la volonté de la Société de corriger cette situation.   Cependant, on peut aussi penser que le capital de risque est peu présent dans le secteur agroalimentaire tout simplement parce que ce secteur n’est pas propice à ce type de financement.

   C.  Régie d’entreprise : clarification du poste de premier dirigeant (article 6)

Le gouverneur en conseil est responsable de la nomination du président du conseil et du président de la Société.  Toutefois, le paragraphe 7(2) de la loi actuelle – qui dit : « le premier dirigeant assure la direction générale de la Société » – ne précise pas lequel des deux présidents est le dirigeant principal qui, à ce titre, est responsable de la direction générale de la Société.  Le paragraphe 6(1) du projet de loi dispose que le président de la Société assure la direction générale.

Par ailleurs, le paragraphe 6(2) donne au conseil le pouvoir d’autoriser un administrateur à assurer l’intérim à la présidence du conseil.  Dans la loi actuelle, l’intérim – en cas d’absence ou d’empêchement du président du conseil, ou de vacance de son poste – revient de facto au président de la Société.

Le projet de loi confère aussi au conseil le pouvoir de désigner un premier dirigeant par intérim, si ce poste devient vacant ou si le président de la Société est absent ou empêché (paragraphe 6(3)).  Cet intérim peut être assuré pour un maximum de 90 jours, à la suite desquels l’approbation du gouverneur en conseil est nécessaire.

   D.  Gestion du risque (article 7)

Comme la Société veut étendre ses services financiers, l’article 7 du projet de loi lui permet de consigner des opérations touchant sa gestion financière afin de mieux gérer les risques financiers, notamment par l’utilisation d’options ou par des ententes en matière de taux d’intérêt et de transactions sur les devises.

   E.  Dispositions transitoires et modifications connexes (articles 8 à 22)

Les mesures transitoires des articles 8 et 9 prorogent la Société du crédit agricole sous le nom « Financement agricole Canada » pour :

  • que la nouvelle entité continue d’être responsable des contrats, des accords, des dettes, des obligations, etc., de la Société actuelle;

  • que les biens de la Société actuelle continuent de lui appartenir sous son nouveau nom;

  • que la nouvelle entité prenne la suite des procédures en cours devant les tribunaux.

Par suite du changement de nom de la Société, les articles 10 à 22 apportent des modifications connexes à six lois – entre autres la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur la pension de la fonction publique – ainsi qu’à de nombreux règlements dans lesquels « Société du crédit agricole » doit être remplacé par « Financement agricole Canada ».

COMMENTAIRE

La Société du crédit agricole, forte de 45 000 clients, est la seule institution financière nationale dont les activités visent exclusivement le secteur agricole canadien.  Ce dernier, comme d’autres secteurs économiques, est de plus en plus concurrentiel et nécessite des capitaux importants tout au long de la chaîne agroalimentaire – de l’exploitation agricole aux industries à valeur ajoutée, en passant par la recherche.

Le projet de loi C-25 permet à la Société – qui est déjà bien implantée dans le paysage agricole canadien avec son réseau de 100 bureaux – d’élargir la gamme de ses services financiers et de gestion afin de mieux répondre aux besoins émergents de l’industrie agricole.

Au cours des consultations relatives à l’avant-projet de loi, de nombreux intervenants agricoles ont reconnu l’expertise particulière la Société et l’importance de son rôle auprès des agriculteurs.  Le projet de loi précise d’ailleurs que la Société demeure axée principalement sur les besoins financiers et commerciaux des exploitations agricoles, mais qu’elle peut aussi servir une clientèle qui lui échappait jusqu’à maintenant, soit les agri-entreprises détenues par des non-agriculteurs.

Cet élargissement de sa clientèle serait-il motivé par le besoin de compléter des services financiers existants, mais offerts par les autres institutions financières d’une façon qui ne conviendrait pas à la situation de ces agri-entreprises?  La Société deviendrait-elle plutôt tout simplement un autre joueur dans le marché du financement des agri-entreprises?  Comme la BDC œuvre déjà dans ce créneau, il est légitime de se demander si la présence de deux sociétés d’État sur le même marché est véritablement nécessaire.

Par ailleurs, le projet de loi octroie à la Société le pouvoir d’offrir directement ou indirectement du crédit-bail, un marché que les banques défendent avec acharnement.  Ces dernières ont déjà fait valoir qu’elles ne souhaitent pas voir la Société offrir ce type de service.

Enfin, même si certaines études semblent démontrer que le secteur agricole a besoin de capital de risque et que ce type de financement, sous sa forme actuelle, correspond mal à la situation du secteur agricole, rien n’indique clairement qu’une société d’État comme la Société ait un rôle de catalyseur à jouer pour attirer le capital de risque en agriculture.  Les autres modes de financement que la Société offre déjà et l’expertise qu’elle a acquise au cours de ses 40 années d’existence semblent pour le moment mieux correspondre aux besoins véritables des agriculteurs canadiens.


Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur.  Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.

(1) Société » s’entend indifféremment de la Société actuelle et de la Société prorogée sous l’appellation « Financement agricole Canada » (voir plus loin).

(2) Société, Communiqué de presse, 5 avril 2001.