LS-390F
PROJET
DE LOI S-17 : LOI MODIFIANT
HISTORIQUE DU PROJET DE LOI S-17
TABLE
DES MATIÈRES B. Contestations auprès de l'OMC 1. Contestation de l'Union européenne 2. Contestation des États-Unis PROJET DE LOI S-17
: LOI MODIFIANT Le projet de loi S-17 : Loi modifiant la Loi sur les brevets, a été déposé en première lecture au Sénat le 20 février 2001 par lhonorable Sharon Carstairs, leader du gouvernement. Le projet de loi vise à modifier la Loi sur les brevets pour mettre en uvre deux décisions récentes de lOrganisation mondiale du commerce (OMC) se rapportant lune à la durée des brevets déposés avant le 1er octobre 1989 et lautre, à la disposition de la Loi concernant l« emmagasinage ». En 1987, plusieurs importantes modifications ont été apportées à la Loi sur les brevets, notamment un changement de la durée de la protection conférée par un brevet, qui est passée de 17 ans à compter de la date de sa délivrance à 20 ans après la date de dépôt de la demande. Cette modification est entrée en vigueur le 1er octobre 1989. Après cette modification, la Loi sur les brevets prévoyait deux périodes différentes de protection, lune de 17 ans et lautre de 20 ans. La période de 17 ans à compter de la date de délivrance du brevet (article 45) a continué à sappliquer aux demandes de brevet déposées avant le 1er octobre 1989 (brevets délivrés selon lancienne Loi), tandis que la période de 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande (article 44) sappliquait aux demandes de brevet déposées le 1er octobre 1989 ou par la suite (brevets délivrés selon la nouvelle Loi). Avant le cycle de lUruguay des négociations commerciales multilatérales ayant trait à lAccord général sur les tarifs et le commerce (GATT), le GATT ne traitait pas des droits de propriété intellectuelle. Le cycle de lUruguay, qui a donné naissance à lOMC, a également permis de conclure lAccord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), dont certaines dispositions portent sur la protection conférée par brevet. Larticle 33, par exemple, prévoit que la durée de la protection ne doit pas être inférieure à 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande de brevet. En 1992, le gouvernement fédéral a entrepris de modifier la Loi sur les brevets en déposant à la Chambre des communes le projet de loi C-91 : Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets. Cette mesure législative éliminait les licences obligatoires pour les produits pharmaceutiques. (La licence obligatoire est une licence prévue par la loi, qui autorise le détenteur et seulement le détenteur à fabriquer, à utiliser et à vendre une invention brevetée avant lexpiration du brevet.) Elle créait également deux exceptions à laction en contrefaçon de brevet (règle selon laquelle quiconque fabrique, utilise ou vend un produit protégé par un brevet valide sans le consentement du titulaire peut être poursuivi pour contrefaçon de brevet) en autorisant lutilisation dun brevet à certaines fins avant son expiration.
B. Contestations auprès de lOMC 1. Contestation de lUnion européenne Fin 1997, lUnion Européenne (UE) a demandé que le Canada tienne des consultations dans le cadre des procédures de règlement des différends de lOMC en raison, dune part, de la protection accordée aux inventions pharmaceutiques en vertu la Loi sur les brevets et, dautre part, des obligations du Canada découlant de lAccord sur les ADPIC. La plainte de lUE portait en particulier sur les exceptions relatives à lapprobation réglementaire et à lemmagasinage. Au début de 1999, lOMC a établi un groupe spécial chargé dexaminer la contestation européenne des deux exceptions aux termes de lAccord sur les ADPIC. LUE a soutenu que la Loi sur les brevets et le règlement autorisant la production et lemmagasinage de produits pharmaceutiques sans le consentement du titulaire du brevet pendant les six mois précédant son expiration (paragraphe 55.2(2)) étaient contraires aux obligations du Canada en vertu de lAccord sur les ADPIC (articles 28.1 et 33(1)). LUE a également soutenu quen réservant aux titulaires de brevets de produits pharmaceutiques un traitement moins favorable que celui qui est accordé dans tous les autres domaines technologiques, le Canada avait manqué aux obligations que lui imposait larticle 27.1 de lAccord sur les ADPIC, qui prévoit la délivrance de brevets et la jouissance des droits de brevet sans discrimination fondée sur le domaine technologique(2). LUE a affirmé en outre que les dispositions du paragraphe 55.2(1) de la Loi sur les brevets qui autorisent une tierce partie à utiliser, sans le consentement du titulaire, une invention brevetée pendant la durée du brevet afin dobtenir lapprobation réglementaire pour la vente dun produit équivalent après lexpiration du brevet violaient les dispositions de larticle 28.1 de lAccord sur les ADPIC. Pour sa part, le Canada a soutenu que les paragraphes 55.2(1) et 55.2(2) de la Loi sur les brevets étaient compatibles avec ses obligations aux termes de lAccord sur les ADPIC pour les raisons suivantes :
Le groupe spécial de lOMC a accepté les arguments du Canada dans le cas de lexception relative à lapprobation réglementaire prévue au paragraphe 55.2(1) de la Loi sur les brevets, convenant quelle nest pas incompatible avec les obligations du Canada aux termes de lAccord sur les ADPIC, mais a pris la part de lUE en ce qui concerne lexception relative à lemmagasinage prévue au paragraphe 55.2(2) de la Loi sur les brevets, estimant quelle est incompatible avec les obligations du Canada aux termes de lAccord sur les ADPIC(4). Le Canada devait mettre en uvre la décision du groupe concernant lexception relative à la constitution de stocks au plus tard le 7 octobre 2000. Le Règlement sur la production et lemmagasinage de médicaments brevetés a été révoqué en application de cette décision. 2. Contestation des États-Unis En septembre 1999, un groupe spécial de lOMC a été formé pour examiner une allégation des États-Unis selon laquelle la durée de la protection conférée par un brevet délivré au Canada par suite dune demande déposée avant le 1er octobre 1989 est incompatible avec les obligations découlant de lAccord sur les ADPIC. Selon les États-Unis, lAccord exige que la protection conférée par un brevet ait une durée minimale de 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande. Les brevets délivrés à légard de demandes déposées avant le 1er octobre 1989 (brevets délivrés selon lancienne Loi), dont la durée est de 17 ans à compter de la date de délivrance, seraient donc contraires à lAccord sur les ADPIC si la durée de 17 ans à compter de la date de délivrance est inférieure à la durée de 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande. Cet argument sappliquait aux brevets selon lancienne Loi délivrés dans les trois années suivant la date de dépôt de la demande. Le Canada a soutenu de son côté que les brevets délivrés selon lancienne Loi bénéficiaient essentiellement de la même protection que les brevets délivrés selon la nouvelle Loi et que les dispositions de lAccord sur les ADPIC concernant la durée de la protection ne sappliquaient pas aux brevets délivrés avant lentrée en vigueur de lAccord. En octobre 2000, lOMC a rendu une décision favorable aux États-Unis, estimant que la durée de la protection conférée par les brevets selon lancienne Loi était incompatible avec lAccord sur les ADPIC dans le cas des brevets délivrés dans les trois années suivant la date de dépôt de la demande(5). Le projet de loi S-17 modifierait la Loi sur les brevets conformément aux décisions rendues par lOMC par suite des contestations européenne et américaine de certaines dispositions de la Loi. Larticle premier modifierait larticle 45 de la Loi sur les brevets en disposant que, dans le cas des brevets dont la demande a été déposée avant le 1er octobre 1989 et dont la durée de 17 ans nest pas expirée avant la date dentrée en vigueur de larticle, la durée de la protection serait de 17 ans à compter de la date de délivrance ou de 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande, la date dexpiration la plus tardive prévalant. Cette modification étendrait la durée de protection de certains brevets délivrés selon lancienne Loi à 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande. Toutefois, les brevets dont la demande a été déposée avant le 1er octobre 1989 et dont la durée de protection de 17 ans est expirée avant lentrée en vigueur de larticle premier, ne seraient pas prorogés. Daprès Industrie Canada, sur les quelque 138 800 brevets délivrés selon lancienne Loi qui étaient en vigueur au 1er janvier 2001, 53 500 ont une durée inférieure à 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande(6). Une trentaine seulement de ces 53 500 brevets ont une valeur commerciale courante(7). Les articles 3 et 4 modifieraient les articles 78.1, 78.2, 78.4 et 78.5 de la Loi sur les brevets. Les modifications ont pour objet de concilier les différents régimes de protection(8) assurés par la Loi sur les brevets et de préciser quand et comment certaines dispositions de la Loi sappliqueraient à ces régimes. Larticle 5 prévoit lentrée en vigueur du projet de loi à la date ou aux dates prescrites par décret. Un arbitre de lOMC a rendu une décision le 28 février 2001 fixant à 10 mois, à compter du 12 octobre 2000, la durée de la « période raisonnable » dont le Canada dispose pour se conformer aux recommandations et décisions découlant de la contestation américaine. Ce délai expire donc le 12 août 2001(9). Le projet de loi S-17 vise à mettre en uvre deux décisions distinctes de lOMC concernant les dispositions de la Loi sur les brevets. Ces décisions ont des répercussions particulières sur le secteur pharmaceutique. La première, découlant dune contestation de lUnion européenne, sapplique à lexception relative à lemmagasinage prévue à larticle 55.2 de la Loi sur les brevets ainsi que dans le Règlement sur la production et lemmagasinage de médicaments brevetés. LOMC a conclu que ces dispositions qui autorisent les fabricants de médicaments génériques à fabriquer et à stocker une version générique dun médicament breveté pendant les six mois précédant lexpiration du brevet correspondant sont incompatibles avec certaines dispositions de lAccord sur les ADPIC. Dans la seconde décision, fondée sur une contestation américaine de la durée de protection de 17 ans des brevets dont la demande a été déposée avant le 1er octobre 1989, lOMC a jugé cette protection incompatible avec la durée de 20 ans prévue dans lAccord sur les ADPIC. Chacune des deux décisions aura une incidence sur la date à laquelle les versions génériques de médicaments brevetés pourront être offertes sur le marché canadien. Lexception relative à lemmagasinage permettait aux fabricants de médicaments génériques de mettre en vente leurs produits dès lexpiration de la période de protection du médicament breveté correspondant. En labsence de cette exception, il est probable quil y aura un délai entre lexpiration dun brevet et la mise en marché du produit générique. La disposition du projet de loi S-17 qui étendrait la durée de certains brevets délivrés selon lancienne Loi à 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande, toucherait de nombreux produits brevetés. Toutefois, cest dans le secteur pharmaceutique que ses effets seront les plus prononcés puisque, selon Industrie Canada, elle prolongerait « la durée de protection par brevet dune trentaine de médicaments importants protégés sur le marché en vertu de lancienne loi(10) ». La prolongation, daprès Industrie Canada, serait en moyenne inférieure à six mois(11), retardant dautant larrivée sur le marché de produits génériques équivalents. Les prolongations de ce genre se produiraient tant quil resterait des brevets valides antérieurs au 1er octobre 1989, cest-à-dire jusquen 2009. (1) Larticle 28.1 de lAccord sur les ADPIC est ainsi libellé : « Un brevet conférera à son titulaire les droits exclusifs suivants : a) dans les cas où lobjet du brevet est un produit, empêcher des tiers agissant sans son consentement daccomplir les actes ci-après : fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer à ces fins ce produit ». Lalinéa b) de larticle contient la même disposition, mais dans le cas où lobjet du brevet est un « procédé ». Larticle 33 de lAccord sur les ADPIC, relatif à la « durée de la protection », est ainsi libellé : « La durée de la protection offerte ne prendra pas fin avant lexpiration dune période de 20 ans à compter de la date du dépôt. » (2) Larticle 27.1 de lAccord sur les ADPIC prévoit ce qui suit : « [ ] un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition quelle soit nouvelle, quelle implique une activité inventive et quelle soit susceptible dapplication industrielle. [ ] des brevets pourront être obtenus et il sera possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au lieu dorigine de linvention, au domaine technologique et au fait que les produits sont importés ou sont dorigine nationale. » (3) Larticle 30 autorise les pays membres à prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet. (4) Canada Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques, WT/DS114, 7 avril 2000. (5) Canada Durée de la protection conférée par un brevet, WT/DS170, 12 octobre 2000. (6) Industrie Canada, Décision de lOrganisation mondiale du commerce sur la durée des brevets, Fiche documentaire, 20 février 2001. (7) Ibid. (8) Trois régimes de brevets sont prévus dans la Loi sur les brevets : (1) brevets déposés et délivrés avant le 1er octobre 1989; (2) brevets déposés avant le 1er octobre 1989, mais délivrés à cette date ou après; (3) brevets déposés et délivrés après le 1er octobre 1989. (9) OMC, Canada Durée de la protection conférée par un brevet, Arbitrage, WT/DS170/10, 28 février 2001, p. 17. (10) Industrie Canada (2001). (11) Ibid. |