Direction de la recherche parlementaire


MR-138F

 

LA RÉSERVE DES FORCES CANADIENNES :
LE PROCESSUS DE RESTRUCTURATION

 

Rédaction  Michel Rossignol
Division des affaires politiques et sociales

Le 10 mai 1996

                                      


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

CONTEXTE HISTORIQUE

LE LIVRE BLANC SUR LA DÉFENSE DE 1994

LA COMMISSION SPÉCIALE SUR LA RESTRUCTURATION DES RÉSERVES

EXAMEN PARLEMENTAIRE

DÉCLARATION DU 7 MAI 1996

 


 

LA RÉSERVE DES FORCES CANADIENNES :
LE PROCESSUS DE RESTRUCTURATION

 

INTRODUCTION

Au cours de la dernière décennie, la Réserve des forces canadiennes a subi une importante transformation pendant que le contexte stratégique évoluait de façon constante et qu'on sabrait dans les dépenses militaires. Dans le présent document, nous examinons brièvement les principaux événements qui ont façonné la structure et les rôles actuels de la Réserve canadienne, ainsi que les questions touchant la dernière phase du processus de restructuration.

CONTEXTE HISTORIQUE

Dans le Livre blanc sur la défense de 1987, Défis et engagements, le gouvernement de l’époque préconisait, entre autres, la revitalisation de la Réserve des forces canadiennes. Dans les années 80, la plupart des pays membres de l'OTAN ont entrepris de renforcer leur Réserve, non seulement parce que les réservistes pouvaient renforcer et appuyer la Force régulière, mais aussi parce qu'ils coûtaient moins cher.

Dans le Livre blanc de 1987, le gouvernement confiait deux fonctions à la Réserve navale, soit le contrôle naval et la défense maritime des côtes, y compris le dragage des mines. Le programme de revitalisation comprenait la construction de 12 navires de défense côtière (NDC), dont certains ont déjà été livrés à la marine. Le gouvernement incitait également la Réserve aérienne à jouer un rôle plus important au sein du Commandement aérien.

Cependant, c'est la Force terrestre, en particulier son élément de réserve, la Milice, qui a subi les plus importantes transformations par suite de l'adoption de la nouvelle politique. À l'instar d'autres pays membres de l'OTAN, le Canada a adopté le concept de Force totale en vertu duquel des réservistes et des membres de la Force régulière servent au sein d’une même unité. Vers la fin des années 80 et au début des années 90, le Canada a réorganisé la structure régionale de la Force terrestre afin de faciliter l'intégration des unités de la Force régulière et de la Réserve. La structure de la Force terrestre au Canada a été divisée en quatre secteurs (Ouest, Centre, Québec et Atlantique).

Bien qu'il n’en ait alors encore été qu’à la phase de mise en oeuvre, c'est dans le cadre de la participation du Canada aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies dans l'ex-Yougoslavie que le concept de Force totale a été le plus sérieusement mis à l'épreuve. Au cours des années 80, le Canada a affecté 2 000 soldats par année aux opérations de maintien de la paix dans le monde; cependant, en 1993, il en comptait autant seulement en ex-Yougoslavie, alors même qu'il devait participer à de nombreuses autres missions de maintien de la paix. Le Canada n'a donc pas eu d'autre choix que de recourir à des réservistes pour renforcer les unités de la Force régulière, surtout parce qu'il jugeait souhaitable de remplacer environ tous les six mois les unités sur le terrain.

L'utilisation de réservistes en ex-Yougoslavie ne s'est pas faite sans problème. Même si des réservistes avaient déjà participé à d'autres opérations des Nations Unies, les parlementaires et les journalistes se sont inquiétés du fait qu'on se serve de ces derniers dans le cadre d'une opération aussi difficile. On a également fait état de tensions entre le personnel de la Force régulière et les réservistes. En général, cependant, ces derniers se sont bien acquittés de leurs tâches et leur utilisation n'a posé aucun problème majeur.

Au moment où le ministère de la Défense nationale s'efforçait tant bien que mal de former des réservistes pour renforcer les unités déployées en ex-Yougoslavie et mettre en oeuvre le concept de Force totale, le Bureau du vérificateur général a entrepris une étude détaillée de la Réserve. Les résultats de cette étude, qui figurent au chapitre 18 du Rapport du vérificateur général de 1992, brossent un sombre tableau de l'état de préparation, du matériel et de la formation de la Réserve, ainsi de la planification ministérielle pour celle-ci.

Le vérificateur général a recommandé au ministère de la Défense de réexaminer les rôles de la Réserve ainsi que leur rentabilité et souligné que les politiques d'avancement en grade et les normes d'instruction faisaient problème. En outre, il s'est dit inquiet du niveau de préparation de la Réserve. Les médias ont prêté beaucoup d'attention aux déclarations fondées sur le sondage mené auprès des commandants d'unité, qui prédisaient que moins de la moitié des réservistes répondraient à l'appel en cas d'affectation à une mission de combat à l'étranger. Le Ministère a convenu qu'il y avait de graves problèmes, mais déclaré que le processus visant à les régler était déjà enclenché.

Au chapitre 2 de son rapport de 1994 (alinéas 2.192 à 2.219), le vérificateur général fait le suivi des recommandations formulées dans son rapport de 1992. Il y indique en outre que le Ministère a accepté les recommandations de 1992 concernant le recrutement des réservistes et qu'il a amélioré quelque peu l’instruction, mais que dans d'autres domaines, il a peu fait.

En 1994, le Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la politique de défense du Canada a examiné, entre autres, la question de la Réserve. Au chapitre IV de son rapport, le Comité a demandé que l'on procède à «un important remaniement, à une rationalisation et à une réaffectation de la Réserve pour qu'elle puisse mieux soutenir, grâce à un meilleur entraînement et à une meilleure formation, la Force régulière dans ses responsabilités au Canada comme à l'étranger» (page 45).

Au chapitre V, il a en outre recommandé que «la mission de la Réserve, et en particulier celle de la Milice, soit révisée dans le cadre du concept de Force totale, pour assurer un rôle de soutien plus utile, en faisant davantage appel aux compétences civiles» (page 59). Le Comité a également recommandé que l’on procède à une étude plus approfondie du cadre régissant l'emploi et les avantages des réservistes.

LE LIVRE BLANC SUR LA DÉFENSE DE 1994

Dans le Livre blanc sur la défense de 1994, le gouvernement a réaffirmé l'engagement du Canada envers le concept de Force totale et souligné que le nouveau contexte stratégique et les contraintes placées sur la capacité d'intervention immédiate de la Réserve et de la Force régulière exigeaient que l'on modifie les plans de mobilisation. Il a également annoncé que l'effectif de la Première réserve passerait de 29 400 réservistes en 1994 à 23 000 (dont 14 500 de la Milice) en 1999, en soutenant toutefois que cette diminution serait compensée par l'amélioration de la qualité et de la capacité globale de la Réserve.

Le gouvernement a également indiqué que la Réserve supplémentaire, qui se compose d'anciens militaires, ne se verrait plus attribuer de fonds. En ce qui concerne la Milice, il a souligné que même si tout serait mis en oeuvre pour préserver les traditions et l'efficacité des régiments de la Milice, les collectivités locales devraient assumer davantage de responsabilités à cet égard.

En raison du contexte stratégique et financier actuel, le gouvernement a recommandé un examen plus approfondi de la Première réserve et de la Réserve supplémentaire. Au début de 1995, le ministre de la Défense nationale a annoncé la création de la Commission spéciale sur la restructuration des Réserves, qui devait déposer son rapport au plus tard à la fin d'octobre 1995.

LA COMMISSION SPÉCIALE SUR LA RESTRUCTURATION DES RÉSERVES

La Commission spéciale, composée du très honorable Brian Dickson (président), du lieutenant-général (à la retraite) Charles H. Belzile et du professeur Jack Granatstein, a tenu des audiences un peu partout au Canada avant de présenter son rapport, qui renferme 41 recommandations. L'une des principales recommandations porte sur la modification du plan de mobilisation en quatre étapes énoncé dans le Livre blanc sur la défense de 1994 afin de définir plus clairement le rôle que sont censées jouer les unités de la Réserve. La plupart des autres recommandations principales portent sur la Milice. Les commissaires ont constaté peu de problèmes concernant la Réserve navale et la Réserve aérienne.

La Commission spéciale a réagi aux préoccupations soulevées par la proposition faite dans le Livre blanc sur la défense de 1994 de réduire le nombre de miliciens à environ 14 500 d'ici 1999, en soulignant qu'il s'agissait là d'un plafond de rémunération et que le nombre de miliciens devrait être plus élevé. Dans son rapport, la Commission a reconnu que certaines unités de la Milice pourraient être éliminées ou fusionnées par suite de la restructuration. Les commissaires n'ont pas fait de recommandations quant aux unités qui devraient être éliminées ou conservées, mais ils ont établi des critères qui devraient régir les décisions prises à ce sujet.

La Commission a en outre recommandé que les quatre quartiers généraux de secteur soient conservés et réorganisés en quartiers généraux divisionnaires. Elle a également proposé que les districts actuels de la Milice dans les secteurs soient remplacés par sept groupes-brigades de la Milice (deux par secteur sauf pour celui de l'Atlantique qui n'en compterait qu'un seul).

EXAMEN PARLEMENTAIRE

Le nombre proposé de groupes-brigades de la Milice s'est avéré l'une des questions les plus controversées durant l'examen du rapport de la Commission spéciale qu’a effectué, à la fin de 1995, le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants de la Chambre des communes. Dans le rapport qu'il a présenté au ministre de la Défense nationale en janvier 1996, le Comité a recommandé que l'on applique les recommandations de la Commission spéciale, mais non sans les avoir modifiées, notamment en remplaçant les districts de la Milice par neuf groupes-brigades de la Milice plutôt que par sept.

Le Comité s’est dit d'avis qu'en raison de la répartition de la population et de considérations géographiques, les secteurs de l'Ouest et du Centre devraient compter un groupe-brigade supplémentaire. Les Réformistes qui faisaient partie du Comité ont produit un rapport distinct recommandant que le secteur de l'Ouest de la Force terrestre soit divisé en deux nouveaux secteurs, l'un comprenant la Colombie-Britannique (doté d'un groupe-brigade) et l'autre, le reste de l'Ouest canadien.

Dans son rapport, le Comité a recommandé en outre que l'on fasse une analyse d'impact pour déterminer le coût et les effets des recommandations de la Commission spéciale, avant leur mise en oeuvre. Il a également recommandé qu'en appliquant les critères servant à déterminer la viabilité des unités de la Milice, on tienne compte de l'importance de maintenir une forte présence de la Milice dans les régions rurales du pays.

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui a déposé son rapport le 14 décembre 1995, a également examiné les recommandations de la Commission spéciale. À l'instar du comité de la Chambre, le Comité sénatorial a fait des recommandations concernant le problème de la rénumération et d’autres problèmes administratifs dans la Réserve et s'est dit d'accord avec les recommandations de la Commission spéciale sur la restructuration de la Milice. Il a également appuyé la recommandation de la Commission spéciale sur la revitalisation de la Réserve supplémentaire.

DÉCLARATION DU 7 MAI 1996

Le 7 mai 1996, lors d’une réunion du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants de la Chambre des Communes, le ministre de la Défense nationale, David Collenette, a annoncé que la plupart des recommandations formulées par la Commission spéciale sur la Restructuration des Réserves seront mises en oeuvre. Seulement deux recommandations n’ont pas été acceptées par le ministre et le ministère, à savoir la recommandation no 41 au sujet de la législation sur la protection de l’emploi (surtout à cause des difficultés que présenterait la mise en oeuvre d’une telle législation) et la résolution no 17, qui visait l’engagement de militaires dans la Réserve supplémentaire disponible lors de leur départ de la Force régulière. On estime que cette façon de faire est contraire aux traditions canadiennes.

Certaines recommandations qui seront mises en oeuvre requièrent une étude plus approfondie ou des modifications avant que des mesures ne soient prises. C’est notamment le cas des recommandations ayant trait à la restructuration de la Milice, y compris celle qui entraînera le remplacement des districts de la Milice par des groupes brigades. Le ministère déterminera au cours de l’été comment ces recommandations seront mises en oeuvre et le ministre prévoit faire connaître, en septembre 1996, les manèges qui devront fermer les unités qui seront éliminées. Cependant, il espère que le moins d’unités possibles seront éliminées.

En réponse aux craintes exprimées par la Commission spéciale et par les comités parlementaires quant au fait que le plafond de rémunération de 23 000 personnes prévu dans le Livre blanc sur la défense de 1994 pour la Première réserve en 1999 était trop bas, le ministre a annoncé que ce plafond sera dorénavant plus élevé. Cependant, en attendant que la planification soit terminée, il reste à établir le plafond de rémunération exact, bien que le ministre suggère qu’avec une efficacité accrue, la Première réserve pourrait avoir un effectif de 30 000 en 1999.

Dans le cadre de son annonce, le ministre a aussi réaffirmé l’engagement signalé dans le Livre blanc d’augmenter le soutien accordé aux organisations de cadets et déclaré que l’effectif passera de 53 000 à 60 000 cadets. Un programme national de jeunes Rangers dans les agglomérations du Nord a aussi été annoncé.