Direction de la recherche parlementaire


MR-140F

 

LES ORDINATEURS ET L'ARRIVÉE
DU NOUVEAU MILLÉNAIRE

Rédaction  Daniel Brassard
Division des sciences et de la technologie

Le 10 septembre 1996

 


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

LE PROBLÈME ET SES RÉPERCUSSIONS

LA SOLUTION

PLANS D'ACTION DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 

 


 

 

LES ORDINATEURS ET L’ARRIVÉE DU NOUVEAU MILLÉNAIRE

 

INTRODUCTION

Dans l’économie actuelle, qui se mondialise de plus en plus, le savoir et l’information sont des ressources vitales. Cette ère de l’information repose sur deux éléments essentiels : les données numériques et les ordinateurs omniprésents, petits ou gros, qui la traitent.

La plupart des données et un grand nombre des ordinateurs et des programmes qui les utilisent ont été créés il y a déjà plusieurs décennies. À ce moment-là, le traitement informatique se faisait principalement sur des macroordinateurs relativement lents, et tant la mémoire informatique que le stockage revêtaient une grande importance. Pour simplifier le traitement informatique et les programmes eux-mêmes et réduire la taille des bases de données, il a fallu prendre beaucoup de raccourcis. L’un de ceux-là a été de ne se servir que de deux chiffres pour représenter l’année. Dans bien des cas, on n’avait même pas pensé à ce qui se produirait à l’arrivée d’un nouveau millénaire. En fait, ce n’est qu’au cours de la présente décennie qu’on a commencé à se pencher sérieusement sur le problème.

À l’aube de l’an 2000, un grand nombre d’organisations, comme les compagnies d’assurances, les institutions financières et les administrations publiques, qui accumulent et utilisent de l’information numérique depuis des décennies font maintenant face à des problèmes de taille en ce qui concerne leurs systèmes informatiques, en particulier les plus anciens (systèmes établis). Dans le présent document, nous analysons les grands problèmes informatiques que pose le changement de millénaire et les mesures prises par le gouvernement du Canada pour y apporter une solution.

LE PROBLÈME ET SES RÉPERCUSSIONS

De nombreux programmes tournant sur des macroordinateurs ou des ordinateurs personnels ne se servent que de deux chiffres pour désigner l’année. Lorsque l’on passera de 1999 à 2000, les routines utilisées pour différencier les dates, etc. produiront des erreurs. Dans un grand nombre de bases de données, les dates sont codées sous une forme abrégée ne comportant que deux chiffres pour l’année. Il se produira des erreurs de toutes sortes dans les factures, les renouvellements, etc. lorsque l’on passera de 12/31/99 à 01/01/00. Par exemple, nous pourrions voir des avions retenus au sol parce que leur dernière révision date de 99 ans, des interurbains faits juste après minuit qui seront facturés à 53 millions de minutes ou encore des soldes de carte de crédit VISA s’élevant subitement à des millions de dollars, le mécanisme de calcul des intérêts s’étant détraqué. Autre exemple : les systèmes informatiques d’assurance-automobile enregistrent toutes les condamnations pour infraction au code de la route et calculent la date à laquelle elles expireront (délai de cinq ans). Toutes les condamnations enregistrées à partir de janvier 1995 expireront donc à compter de janvier 2000, qui est codé janvier 00. Comme janvier 00 est considéré comme antérieur à la date de condamnation, le délai de cinq ans sera considéré comme écoulé, et l’infraction sera effacée.

La plupart des programmes qui calculent le jour de la semaine en ne se servant que des deux derniers chiffres de l’année arriveront à des résultats erronés à compter du 1er janvier 2000, parce que les formules de calcul implicites présumeront que les dates se situent dans les années 1900. Le 1er janvier 1900 était un lundi, mais le 1er janvier 2000 tombera un samedi. Ce jour-là, le système d’ouverture des chambres fortes dans les banques se croira en 1900 puisque l’année y est codée par les deux derniers chiffres; le système commandera donc l’ouverture des chambres fortes.

Bien des systèmes de gestion de base des entrées/sorties intégrés à des ordinateurs personnels munis d’une mémoire morte reviendront automatiquement à 1980 après l’année 1999. Même si la date est corrigée par le logiciel lorsque l’ordinateur est en marche, l’erreur se reproduira à chaque lancement de l’ordinateur. Le fonctionnement des tableurs, des progiciels de comptabilité, des rythmeurs, des systèmes de courrier électronique et même les cycles de sauvegarde pourraient être perturbés. La situation est maintenant corrigée dans les nouveaux ordinateurs; ainsi, IBM a annoncé que le problème ne se posera pas sur ses ordinateurs construits à partir de 1996. De même, même si certains systèmes d’exploitation installés sur des ordinateurs personnels (comme Windows 3.1 et DOS) et nombre de logiciels d’application ne pourront automatiquement accepter un changement de 1999 à 2000, Microsoft a annoncé que les versions de ses logiciels postérieures à 1997 pourront le faire.

La mise à niveau et le remplacement courants des systèmes d’application, des systèmes d’exploitation, des ordinateurs et des logiciels constitueront une solution partielle au problème; il faudra toutefois aussi apporter des corrections aux nombreux systèmes auxquels on n’avait pas prévu faire de modifications avant l’an 2000. Les répercussions du problème sont difficiles à quantifier. Une entreprise peut très bien régler ses problèmes informatiques liés à l’avènement de l’an 2000, mais si les sociétés avec lesquelles elle traite ne le font pas, des problèmes pourraient se poser. Les gouvernements et les entreprises devront consacrer beaucoup de temps et d’argent pour solutionner ces éventuels problèmes.

LA SOLUTION

La solution aux problèmes occasionnés par l’arrivée de l’an 2000 peut se diviser en trois étapes. La première consiste à faire l’inventaire de toutes les applications, à établir lesquelles l’arrivée du nouveau millénaire perturbera, à décider de ce qu’il faut faire et à établir l’ordre de priorité des tâches à accomplir. À la deuxième, il s’agira de faire les changements nécessaires, mais hors production, tandis qu’à la troisième, il faudra remettre en service les systèmes vérifiés.

Au cours des huit à dix derniers mois, de nombreuses conférences ont eu lieu sur le sujet, ce qui donne à penser que les spécialistes de l’informatique ont commencé à prendre le problème pas mal plus au sérieux. Mais assister à des conférences et composer avec la réalité dans une organisation sont deux choses très différentes. Le prochain changement de millénaire oblige les gestionnaires des systèmes informatiques à avertir les dirigeants et les agents financiers de leurs organisations que les millions de lignes de codes informatiques utilisées actuellement ne feront plus du tout l’affaire dans quelques années seulement. Selon les estimations, le changement d’une seule ligne de codes pourrait coûter entre 0,4 et 0,5 $US. Les analystes estiment qu’une grande entreprise typique devra débourser dans les 40 millions de dollars US pour cette opération, tandis qu’une société faisant partie des 1 000 plus grandes entreprises selon la revue Fortune, devra y consacrer entre 50 et 100 millions de dollars US. Le Gartner Group prévoit que le coût de cette opération à l’échelle mondiale se situera entre 400 et 600 milliards de dollars US.

Certains se sont déjà attaqués à la tâche. Un important fabricant de circuits imprimés a estimé que la solution aux problèmes que pose l’avènement d’un nouveau millénaire coûtera 56 millions de dollars et que 20 personnes devront s’y consacrer à temps plein jusqu’en 1998. La Bourse de New York a entrepris son projet de préparation à l’arrivée de l’an 2000 en 1987; plus de 100 programmeurs auront finalement participé à ce projet, qui coûtera environ 29 millions de dollars US. Une société financière canadienne a passé 24 semaines à évaluer cinq applications et estimé que son personnel devra passer 22 000 heures à faire les changements nécessaires.

Aux États-Unis, deux sous-comités du Congrès se sont penchés sur la question dernièrement. Des experts techniques ont averti le sous-comité de la Chambre sur la gestion du gouvernement, l’information et la technologie que les changements requis par l’arrivée de l’an 2000 coûteront à l’État environ 30 milliards de dollars. Les spécialistes ont insisté sur le fait que le gouvernement et l’industrie avaient tardé à réagir et devaient se mettre à la tâche immédiatement. Les organismes devront obtenir des fonds et trouver le temps de repasser tous leurs logiciels sur les macroordinateurs et les ordinateurs personnels. Pour les aider, on a formé un groupe de travail interorganismes.

L’information sur le problème de l’arrivée de l’an 2000 abonde. On peut la trouver dans les revues d’informatique spécialisées et dans Internet (voir les sources proposées à la fin de ce bulletin). En outre, on est en train d’élaborer de nouveaux outils et méthodes logiciels pour aider les informaticiens à corriger les problèmes et, on l’espère, à réduire les coûts.

PLANS D’ACTION DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

Le personnel du Conseil du Trésor, sous la direction du dirigeant principal de l’informatique, coordonne les actions du gouvernement fédéral en vue de faire face aux problèmes de l’arrivée de l’an 2000. Un groupe de travail formé de représentants de tous les grands ministères qui étudie la situation et les options depuis 1994 fait partie du Comité consultatif sur la gestion de l’information. Un autre examen doit avoir lieu à la fin de 1996. De façon plus concrète, un groupe de travail constitué d’agents de projet des services informatiques chargés de régler les problèmes de l’arrivée de l’an 2000 se réunit mensuellement depuis mai 1996 pour échanger des idées et des solutions. Les problèmes varient énormément d’un ministère à l’autre, le principal facteur étant la quantité de systèmes établis qui ne seront pas remplacés avant l’an 2000. On devrait avoir une meilleure idée de ce qu’il pourrait en coûter au gouvernement fédéral d’ici six mois.

Voici quelques-unes des autres mesures qui ont été prises ou sont envisagées.

  • À la fin de mai 1996, le Conseil du Trésor a demandé à tous les ministères et organismes fédéraux de lui exposer leurs problèmes informatiques liés à l’arrivée de l’an 2000; au début de septembre il avait reçu plus de 80 réponses. En général, les organismes se préoccupent uniquement du remplacement de leurs ordinateurs personnels non conformes. Les grands ministères évaluent le problème et y ont affecté des ressources.

  • Le Conseil du Trésor a établi un site Intranet sur l’an 2000 pour les employés du gouvernement fédéral. On y trouve de l’information sur le bureau chargé de projets, le groupe de travail interministériel, les meilleures façons de faire, etc.

  • Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a envoyé plus de 900 lettres à ses fournisseurs de technologie de l’information pour leur demander s’ils satisfont aux exigences posées par le changement de millénaire.

  • Services gouvernementaux de télécommunications et d’informatique (SGTI), une direction de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, envisage d’établir un site d’essai pour macroordinateurs afin de permettre aux ministères d’expérimenter leurs «solutions» sans perturber leurs activités courantes.

  • SGTI lancera probablement une demande de propositions pour obtenir des biens et des services afin de fournir aux ministères l’expertise supplémentaire nécessaire pour régler le problème de l’arrivée de l’an 2000.

 

CONCLUSION

Le problème de l’arrivée de l’an 2000 touchera tous ceux qui se servent d’ordinateurs : gouvernements, entreprises ou simples citoyens. Vu la complexité du problème, il faudra encore un certain temps avant d’en connaître le coût total et les répercussions opérationnelles. Tout ce que l’on peut dire, c’est que la solution sera coûteuse.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Dorobek Christopher J. «Panel, in House Testimony, Adds Weight to 2000 Conversion Urgency». Government Computer News, vol. 15, no 10, 13 mai 1996, p. 18(1).

Farber Arnold. «Impact of the Year 2000: Next Millennium No Cause for Celebration». Enterprise Systems Journal, vol. 10, no 12, novembre 1995, p. 36.

«Millenium Bug: Most Companies Waiting Too Long to Exterminate ‘Millenium Bug’ According to Findings by Auditors at Coopers & Lybrand». EDGE Work-Group Computing Report, vol. 7, no 310, 22 avril 1996, p. 5.

«2000: Three years, 230 Days and Counting before Dreaded Year 2000 Computer Glich; but Relief Is in Sight, Computer Associates Executive Tells Congressional Committee». EDGE: Work-Group Computing Report, vol. 7, 20 mai 1996, p. 28(1).

«The Year 2000 Frequently Asked Questions». Forum Internet sur l’informatique. Version 2.1, 29 février 1996.

«Year 2000 Problem ‘Solved’ With SBT Software». Newsbytes, 16 avril 1996.