BP-379F

 

NORMES NATIONALES ET PROGRAMMES SOCIAUX :
QUE PEUT FAIRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL?

 

Rédaction  Jack Stilborn
Division des affaires politiques et sociales

Septembre 1997


 

TABLE DES MATIÈRES

 

 

PARTIE I : HISTORIQUE

   A. L’ère du « fédéralisme coopératif »

   B. Les programmes et les normes du début des années 70

   C. L’évolution depuis le début des années 70
      1. Les arrangements de 1977 sur le Financement des programmes établis
      2. La Loi canadienne sur la santé
     
3. Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux
      4. Les tendances au plan financier
      5. Les normes - Hier et aujourd’hui

PARTIE II : LES COMPÉTENCES

   A. L’éducation

   B. La santé

   C. Le soutien du revenu
      1. L’aide sociale
      2. L’assurance sociale

PARTIE III : LES PROCESSUS INTERGOUVERNEMENTAUX

   A. Les principaux mécanismes
      1. La fiscalité : des normes nationales par une voie détournée
      2. Le pouvoir fédéral de dépenser : des normes nationales contre remboursement
      3. Les secteurs de politique partagés ou divisés : des normes  nationales par la tactique
      4. Charte des droits et affirmations : des normes nationales par les politiques constitutionnelles
      5. Les accords intergouvernementaux : des normes nationales par le fédéralisme  exécutif

   B. Solutions de rechange aux mesures unilatérales : l’orchestration des normes
      1. Normes nationales en réponse aux exigences publiques : le pouvoir de persuasion
      2. Normes nationales et « ère de l’information »
      3. Normes nationales par consensus interprovincial

PARTIE IV : DEUX CONSIDÉRATIONS D’ORDRE PRATIQUE

   A. La volonté politique
      1. Les pressions intergouvernementales
      2. L’opinion publique

   B. L’argent
      1. Les moyens financiers des provinces
      2. L’efficacité des sanctions
      3. La dimension politique — Une note pour conclure

PARTIE V : OBSERVATIONS GÉNÉRALES ET CONCLUSIONS

PARTIE VI : CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXE I : PLAFONNEMENTS ET COMPRESSIONS IMPOSÉS PAR LE
                       GOUVERNEMENT FÉDÉRAL, 1972-1995

ANNEXE II : AUTRES RÉSULTATS DE SONDAGES

 


 

NORMES NATIONALES ET PROGRAMMES SOCIAUX :
QUE PEUT FAIRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL?

 

Ces dernières années, les réductions constantes des transferts fédéraux aux provinces au titre des programmes sociaux ont fait surgir des inquiétudes : le gouvernement fédéral peut-il continuer à faire en sorte que ces programmes respectent des normes nationales? Mais ces inquiétudes ne sont qu’une des dimensions d’un débat plus large sur les rôles qui doivent revenir au gouvernement fédéral.

La présente étude porte sur la capacité du gouvernement fédéral d’établir des normes nationales applicables aux programmes sociaux des provinces, puis de faire respecter ces normes par ces dernières. Logiquement, ce problème est distinct de celui de la définition du rôle qui revient au gouvernement fédéral, mais les conclusions tirées au sujet de la capacité de celui-ci ont des conséquences pour ce débat plus large. Ce qui convient est en partie déterminé par ce qui est possible.

Pour tirer des conclusions au sujet de la capacité que le gouvernement fédéral possède en ce moment, il faut réunir divers types de renseignements, ce qui a déterminé l’organisation de la présente étude. Dans la première partie, nous donnons un aperçu historique qui met l’accent sur la période de l’après-guerre, époque où a été mis en place l’essentiel du filet de sécurité sociale moderne, puis nous esquissons certaines des tendances à long terme. Dans la partie II, nous examinons les pouvoirs constitutionnels respectifs des gouvernements fédéral et provinciaux et leur portée pratique, qui évolue. Dans la partie III, nous traitons de certaines des institutions, des méthodes et des procédés politiques par lesquels le gouvernement fédéral interagit avec les gouvernements provinciaux et qui lui permettent d’exercer une influence plus ou moins grande. Dans la partie IV, nous nous penchons expressément sur deux des facteurs pratiques qui déterminent la portée réelle des rôles historiques, des pouvoirs constitutionnels et des processus politiques : la volonté politique et l’argent. Dans un dernier chapitre, nous donnons brièvement des observations générales et une conclusion fondamentale sur la capacité des autorités fédérales d’influer sur les programmes sociaux des provinces.

PARTIE I : HISTORIQUE

   A. L’ère du « fédéralisme coopératif »

Avant même la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement fédéral a commencé à se donner peu à peu un rôle en politique sociale à titre d’instigateur de programmes nationaux et de normes nationales, parfois dans des domaines au moins en partie de ressort provincial. Au nombre des programmes qui doivent en partie leur existence à ce rôle, notons : le premier programme de pensions de vieillesse (1927); l’aide sociale (1927, 1937, 1951, 1954 et, de façon globale, par l’entremise du Régime d’assistance publique du Canada, 1966); l’assurance-hospitalisation (1957); et l’assurance-maladie (1966). Dans la plupart des comptes rendus du développement du filet de sécurité sociale au Canada, on explique ces initiatives et le rôle accru qu’elles ont donné au gouvernement fédéral en insistant sur trois grands facteurs(1) :

  • Tout d’abord, les expériences traumatisantes de la crise économique et de la guerre avaient suscité des attentes du public et des idéaux humanitaires largement partagés, appuyés par l’émergence de la pensée keynésienne; tous ces éléments ont favorisé une forte croissance de l’activité gouvernementale dans le domaine de la politique sociale.

  • Deuxièmement, Ottawa a conservé un certain leadership en matière de politique, au moins à la fin des années 40 et au début des années 50. Le gouvernement fédéral a pu tabler sur la capacité d’élaboration de politiques de la fonction publique fédérale (relativement plus importante que celle de la plupart des provinces) pour formuler des propositions de programmes sociaux et de normes innovateurs; ces propositions ont obéi au départ aux exigences de la reconstruction et à une évolution plus fondamentale des attentes quant au rôle du gouvernement.

  • Troisièmement, le gouvernement fédéral a fait usage de ses moyens financiers supérieurs pour persuader les provinces, par des subventions conditionnelles, de coopérer à des initiatives fédérales que, sans ces subventions, elles n’auraient pas pu se permettre. Le rôle de la coopération fédérale-provinciale pendant cette période (notamment pour mettre en place le filet de sécurité sociale) a été très largement présenté comme l’ère du « fédéralisme coopératif », par opposition aux périodes ultérieures, caractérisées par les différends et, dans certains secteurs de la politique, par la concurrence.

 

Cette vue d’ensemble rend compte des relations essentielles, mais elle est trompeuse, à moins d’être tempérée par les éléments clés qui suivent :

  • La coopération fédérale-provinciale n’a pas toujours été facile à obtenir, et il est arrivé parfois qu’elle soit tout à fait inexistante. Ainsi, l’importante série de propositions et d’initiatives de reconstruction (y compris d’ambitieux programmes à frais partagés en santé et en politique sociale) que le gouvernement fédéral a présentées aux provinces en 1945 ont fait l’objet d’entretiens pendant deux ans et ont finalement été rejetées. L’Ontario et le Québec ont été les premières à critiquer les propositions, soutenant qu’elles mettraient les provinces dans une position de subordonnées dans des champs de leur propre compétence(2).

  • Le leadership fédéral en matière de politique a été relativement éphémère. S’il a été très évident au début des années 50, il a par la suite diminué, la croissance des gouvernements provinciaux pendant cette période (stimulée en partie par les premiers programmes de subventions conditionnelles) ne tardant pas à se manifester par des moyens plus étoffés sur le plan de la politique et par une plus grande assertivité. À compter de l’assurance-hospitalisation, en 1957, régime inspiré de modèles déjà en application en Saskatchewan et en Colombie-Britannique, le rôle de la législation fédérale s’est déplacé, l’implantation de programmes élaborés à l’échelon fédéral cédant la place à une application nationale de modèles mis à l’essai, dans une mesure plus ou moins grande, par certaines provinces(3).

  • Au cours des années 50, les provinces sont devenues de plus en plus mécontentes des accords sur les subventions conditionnelles. Les gouvernements provinciaux ont répugné de plus en plus à l’imposition de conditions précises à l’assistance fédérale. En outre, les subventions conditionnelles ont été perçues comme un facteur de distorsion dans les activités des gouvernements provinciaux, détournant des ressources rares de secteurs où le gouvernement fédéral ne favorisait pas les activités et les orientant vers ceux où les provinces devaient consentir des dépenses pour obtenir les subventions fédérales. Au Québec, l’hostilité de Duplessis à la tendance vers un mode de gouvernement interventionniste lui a permis de limiter ces distorsions par le seul moyen disponible, soit le refus de participer à certains programmes et le renoncement à certaines subventions.

  • Après l’élection du gouvernement Lesage, en 1960, le Québec a pressé Ottawa d’évacuer les champs dans lesquels les programmes à frais partagés avaient été établis dans les années 50, soutenant que les programmes étaient désormais bien implantés et que le soutien de l’opinion publique en garantissait suffisamment le maintien. Une loi fédérale permettant aux provinces de se retirer des divers programmes sociaux et de recevoir un abattement fiscal à la place des subventions fédérales a été adoptée en 1965. Le Québec s’est ensuite retiré de tous les principaux programmes à frais partagés. Même si les autres provinces n’ont pas emboîté le pas (parfois par crainte que le nouvel arrangement ne garantisse pas des ressources suffisantes), elles ont continué de résister aux conditions fédérales, qui leur paraissaient excessives, rattachées aux programmes à frais partagés.

  • Au milieu des années 60, au moment où se mettaient en place les derniers éléments du filet de sécurité sociale moderne, le gouvernement central renonçait déjà explicitement au niveau d’influence fédérale qui avait caractérisé l’ère des subventions conditionnelles. Dans une déclaration de 1966, l’hon. Mitchell Sharp, ministre des Finances, affirmait que les gouvernements devaient rendre compte à leurs propres électeurs de leurs décisions en matière de fiscalité et de dépenses et admettait que l’effet cumulatif des programmes à frais partagés dans les champs de compétence provinciale était de fausser les priorités des provinces et d’effriter la responsabilité des gouvernements provinciaux en matière financière(4). Par conséquent, les normes des nouveaux programmes (par ex., l’assurance-maladie) ont été conçues comme des principes généraux plutôt que comme les exigences administratives détaillées dont était assorti, par exemple, le programme d’assurance-hospitalisation.

 

   B. Les programmes et les normes du début des années 70

Au début des années 70, les principaux programmes fédéraux-provinciaux faisant partie du filet de sécurité sociale étaient les suivants :

  • Régime d’assistance publique du Canada : Mis sur pied en 1966 pour regrouper des programmes antérieurs et en faire un programme d’aide élargi (aide sociale, programmes d’adaptation au travail, foyers de soins infirmiers, soins à domicile et toute une gamme d’autres services) pour les personnes dans le besoin ou qui risquent d’être dans le besoin, ce programme était financé à parts égales par les autorités fédérales et provinciales.

Normes

  • Les normes laissaient les provinces libres d’administrer les programmes, notamment en ce qui concerne le niveau d’aide, les critères d’admissibilité, l’intégralité et les modalités de prestation.

  • Elles empêchaient les provinces d’imposer des critères d’admissibilité fondés sur la résidence.

  • Elles obligeaient les provinces à établir par voie législative des modalités d’appel.

 

  • Péréquation : Ce programme, élargi en 1967 pour verser aux provinces ayant une capacité de recettes relativement faible des subventions annuelles calculées selon une formule fondée sur la moyenne des dix provinces, avait pour objectif de faire en sorte que toutes les provinces puissent donner à leurs administrés des services publics d’un niveau raisonnablement comparable avec un taux d’imposition raisonnablement comparable.

Normes

  • Aucune condition; aucun service particulier ni niveau de service particulier.

  • Assurance-hospitalisation : Ce programme a été mis sur pied afin d’assurer dans tout le pays une protection pour les services aux patients hospitalisés dans des établissements de soins actifs, de convalescence ou pour malades chroniques. La loi fédérale établissant les exigences et les arrangements de partage des coûts a été adoptée en 1957; entre 1958 et 1961, les provinces ont soit intégré des régimes qui existaient déjà auparavant, soit mis sur pied de nouveaux régimes. Aux termes de la loi fédérale, les provinces touchaient une subvention proportionnelle au nombre d’habitants pour les services aux hospitalisés égale à 25 p. 100 de leur coût national par habitant et à 25 p. 100 de leur coût provincial par habitant.

Normes

  • Les textes législatifs relatifs aux accords fédéraux-provinciaux prévoyaient les éléments suivants :

  • couverture universelle (résidence définie par règlement fédéral; aucun délai de carence);

  • conditions uniformes (c’est-à-dire pas de vérification des ressources, de subventions ou de frais supplémentaires pour les groupes à risque élevé);

  • prestation de services spécifiés à des frais spécifiés (les provinces ayant la liberté d’ajouter des services complémentaires);

  • normes de services adéquates, garanties par les régimes d’accréditation des provinces, l’inspection et la surveillance des hôpitaux;

  • administration publique, comprenant nécessairement :

  • l’établissement de divisions provinciales de planification hospitalière;

  • l’approbation par les provinces des budgets des hôpitaux;

  • l’approbation par les provinces des achats de mobilier et de matériel;

  • d’autres exigences définies par règlement fédéral; et

  • autorisation de l’imposition de frais à des patients dans une province (mais avec soustraction de montants équivalents du transfert fédéral à la province)(5).

  • Assurance-maladie : Mis sur pied en 1968 en vertu d’une loi de 1966 visant à créer un système national d’assurance des soins de santé, le régime d’assurance-maladie bénéficiait d’un financement fédéral de 50 p. 100 du coût national moyen par habitant des services médicaux assurés; ceux-ci comprenaient les soins hospitaliers médicalement nécessaires, y compris les repas, les fournitures, les tests et de nombreux services externes; les soins médicalement nécessaires d’un médecin; et les services de chirurgie dentaire exigeant l’hospitalisation(6).

Normes

  • Les exigences imposées par la loi étaient les suivantes :

  • couverture de tous les services médicalement nécessaires offerts par des praticiens, reconnus par la province, et selon des conditions uniformes;

  • admissibilité dépendant d’un critère de résidence non supérieur à trois mois (membres des Forces canadiennes et de la GRC et prisonniers non admissibles);

  • au moins 95 p. 100 des habitants admissibles de la province devaient avoir droit à des paiements (proportion d’au moins 90 p. 100 pendant les deux premières années du régime);

  • accès raisonnable aux services assurés en fonction d’un barème autorisé qui permettait une rémunération raisonnable des médecins; et

  • ne nécessitait pas l’imposition de frais aux assurés ou ne dressait pas d’autres obstacles empêchant un accès raisonnable aux services;

  • pleine transférabilité des avantages partout au Canada;

  • administration publique des services médicaux (soit par le gouvernement, soit par un organisme sans but lucratif pleinement responsable)(7).

  • Éducation postsecondaire (EPS) : En 1967, un transfert fédéral-provincial au titre de l’enseignement supérieur a remplacé les subventions fédérales aux universités, en réaction aux besoins en financement découlant de l’arrivée de la cohorte du baby-boom aux études postsecondaires. Le transfert se composait de points d’impôt et de versements en espèces, et la contribution fédérale était soit 50 p. 100 de tous les frais de fonctionnement de l’enseignement postsecondaire dans une province, soit une subvention par habitant de 15 $ (environ 50 p. 100 des frais de fonctionnement de l’enseignement postsecondaire dans tout le pays).

Normes

  • Formule de financement sans conditions; aucune norme fédérale(8).

 

   C. L’évolution depuis le début des années 70

La plus grande souplesse assurée dans les programmes sociaux au milieu des années 60 n’a pas fait disparaître les pressions sous-jacentes des provinces en vue d’acquérir une plus grande indépendance. Ces pressions se sont manifestées, par exemple, dans les arrangements prévus dans la Loi sur les allocations familiales de 1974, qui non seulement augmentait de beaucoup les prestations, mais permettait aussi aux provinces de définir leurs propres régimes d’admissibilité en fonction de l’âge et du nombre d’enfants.

Au début et au milieu des années 70, il y a eu un certain nombre de tentatives importantes visant à réformer la politique sociale, efforts dont le point culminant a été la révision de la sécurité sociale, de 1973 à 1976. Ces initiatives n’ont toutefois pas débouché, dans l’ensemble, sur des réformes d’importance. Si les deux niveaux de gouvernement ont été moins à même de conclure des accords, c’est à cause des contraintes que les problèmes économiques des années 70 ont fait peser sur la capacité financière du gouvernement central : chocs pétroliers, stagflation, productivité nationale en perte de vitesse et chômage à la hausse. Ces tensions financières ont ajouté aux divergences en matière de politique (résultat de la capacité indépendante d’élaboration de politiques dans les provinces) et aux susceptibilités en matière de partage des compétences (surtout au Québec, après l’élection d’un gouvernement péquiste en 1976)(9).

      1. Les arrangements de 1977 sur le Financement des programmes établis

Des gouvernements provinciaux sont devenus de plus en plus mécontents devant les exigences rigides des accords sur l’assurance-hospitalisation et de la vérification fédérale qui déterminait quels frais entraient dans le calcul du partage. Pour sa part, Ottawa s’inquiétait de plus en plus devant l’augmentation rapide des transferts au titre de la santé et de l’enseignement postsecondaire, qui échappaient presque entièrement à son contrôle, puisqu’ils dépendaient du niveau des dépenses des provinces. C’est ainsi qu’on en est venu à remplacer le partage des coûts par le financement global dans les arrangements sur le Financement des programmes établis (FPÉ) et la Loi de 1977 sur le financement des programmes établis(10).

Le FPÉ a remplacé les subventions conditionnelles 50/50 pour l’assurance-hospitalisation, l’assurance-maladie et l’enseignement postsecondaire par une combinaison des éléments suivants :

  • une subvention globale unique égale à 50 p. 100 des contributions fédérales en espèces en 1975-1976, indexée en fonction de la moyenne triennale du PIB nominal et de la croissance de la population de la province;

  • le transfert aux provinces de 13,5 p. 100 de l’impôt sur le revenu des particuliers et de 1 p. 100 de l’impôt sur les sociétés, avec en plus un paiement de transition en espèces, au besoin, pour porter la valeur de ces points fiscaux au même niveau que les autres 50 p. 100 de la subvention de 1975-1976; et

  • des éléments complémentaires comme une subvention en espèces pour indemniser les provinces après l’abolition du Programme de revenus garantis de 1972, et la garantie d’assurance-maladie complémentaire, comprenant une subvention indexée en espèces et par habitant qui couvre les services complémentaires dont les coûts étaient auparavant partagés par moitié dans le cadre du RAPC.

 

Les provinces obtenaient plus de souplesse parce que les transferts au titre du FPÉ dissociaient le financement fédéral des dépenses provinciales faites pour chacun des programmes en cause; les provinces n’étaient donc plus obligées de faire des dépenses pour obtenir les versements fédéraux. Il importe toutefois de signaler que le gouvernement fédéral conservait le pouvoir de refuser ses versements si une province ne respectait pas les critères établis dans les lois sur l’assurance-hospitalisation et l’assurance-maladie(11). En outre, les arrangements sur le FPÉ prévoyaient des consultations au sujet des politiques sur l’enseignement postsecondaire ayant des conséquences au niveau national(12).

Le fait que le gouvernement fédéral conserve officiellement la capacité d’imposer des sanctions n’a pas empêché les débats sur le maintien de normes. Ainsi, aux audiences du groupe de travail parlementaire sur les arrangements fiscaux de 1981, il a été soutenu qu’un certain nombre de provinces profitaient du fait que les versements fédéraux ne soient plus liés à des programmes particuliers pour détourner les fonds vers des programmes étrangers à la santé et à l’enseignement et que cela menaçait de saper les normes(13).

      2. La Loi canadienne sur la santé

Vers la fin des années 70, de plus en plus de praticiens d’un certain nombre de provinces ont commencé à recourir à la surfacturation pour contrer les effets de l’inflation sur les honoraires fixés par les provinces. Cette évolution a amené le public à réclamer avec de plus en plus d’insistance des contrôles plus efficaces que ceux prévus dans les lois sur l’assurance-hospitalisation et l’assurance-maladie, qui n’interdisaient pas les frais aux usagers ni la surfacturation, pourvu qu’ils ne compromettent pas un « accès raisonnable ».

La réaction du gouvernement fédéral, qui a suscité de véhémentes protestations de la part de plusieurs provinces, a été la Loi canadienne sur la santé de 1984. Cette loi prévoyait des sanctions lorsque, en matière d’assurance-hospitalisation ou d’assurance-maladie, les exigences fédérales suivantes n’étaient pas respectées :

  • intégralité (tous les services médicalement nécessaires fournis par les hôpitaux, les praticiens et les dentistes);

  • couverture universelle, selon des conditions uniformes, pour tous les résidents exception faite des membres des Forces canadiennes et de la GRC, des prisonniers et des personnes qui ne satisfont pas aux exigences provinciales en matière de résidence (exigences qui ne peuvent excéder trois mois);

  • transférabilité (couverture temporaire à l’extérieur de la province de résidence);

  • accès raisonnable aux services assurés, sans frais ni autres obstacles, et rémunération raisonnable pour les prestataires des services;

  • administration publique (par le gouvernement même ou par un organisme surveillé par le gouvernement et comptable au gouvernement);

  • communication des renseignements exigés au gouvernement fédéral;

  • reconnaissance de la contribution fédérale dans les publications et la publicité.

 

La Loi canadienne sur la santé prévoit expressément une réduction des transferts fédéraux au titre du FPÉ d’un montant identique à celui des recettes tirées de frais aux usagers ou des paiements pour des services soumis à une surfacturation. De solides appuis dans l’opinion ont permis l’adoption de la loi malgré une importante opposition de gouvernements provinciaux et de nombreux médecins.

      3. Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux

La dernière grande modification structurale dans les arrangements fédéraux-provinciaux au titre des programmes sociaux est venue plus de dix ans après la Loi canadienne sur la santé. Elle reflétait une aggravation marquée, au début des années 90, des pressions sous-jacentes qui influaient depuis plus de 20 ans sur les arrangements relatifs aux programmes sociaux. Plus particulièrement, l’échec de l’Accord du lac Meech a ranimé et intensifié le nationalisme québécois, tandis que la récession de 1991 en Ontario (province qui, en 1990, avait fourni 47 p. 100 des recettes fédérales) a accru les contraintes financières du gouvernement fédéral et favorisé dans cette province une attitude de confrontation dans les affaires intergouvernementales (« l’Ontario d’abord »)(14). Plus précisément, cette modification était une réaction aux pressions suscitées par le plafonnement des transferts à la Colombie-Britannique, à l’Alberta et à l’Ontario au titre du RAPC (voir annexe I), qui avait provoqué une disparité de plus en plus accentuée dans ces transferts.

Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), établi en 1995, regroupe les transferts du FPÉ et du RAPC en un seul transfert global. En vertu du TCSPS,

  • les transferts fédéraux en espèces ont été réduits de quelque 2,5 milliards de dollars pour 1996-1997 et le seront de deux autres milliards en 1997-1998, par rapport aux montants prévus dans les programmes antérieurs;

  • les règles sur l’admissibilité au partage des coûts dans le cadre du RAPC ont été remplacées, laissant aux provinces plus de latitude pour innover ainsi que la possibilité d’utiliser les fonds pour des programmes non liés au RAPC;

  • les principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé ont été maintenus, ainsi que l’interdiction antérieure, dans le RAPC, d’imposer des critères de résidence pour l’aide sociale; et

  • le gouvernement fédéral s’est engagé à collaborer avec les gouvernements provinciaux pour définir les valeurs, principes et objectifs du nouveau transfert(15).

 

Les engagements pris en 1996 en matière de financement à long terme du TCSPS (voir annexe I) répondaient aux appréhensions de nombreux analystes de la politique sociale qui craignaient de voir le TCSPS, créé en 1995, réduire constamment et rapidement (après les coupes initiales) les transferts fédéraux en espèces, qui risquaient de disparaître entièrement peu après le début du siècle prochain(16).

      4. Les tendances au plan financier

Les efforts déployés récemment pour essayer de conserver aux autorités fédérales un moyen d’exercer une influence, par des transferts en espèces, n’ont pas inversé l’évolution qui a transformé le rôle fédéral dans le financement des programmes sociaux depuis le milieu des années 70. Si les modifications d’ordre structurel que nous venons d’évoquer à l’instant laissent entrevoir cette évolution, celle-ci ne ressort pleinement que dans l’effet cumulatif de la série de mesures de désindexation, de plafonnement et de compression qui ont frappé les transferts fédéraux au cours des trois dernières décennies (voir à l’annexe I la liste des principales mesures d’austérité).

On a tenté de quantifier l’incidence sur les provinces des mesures fédérales d’austérité. Ainsi, l’Association canadienne d’études fiscales a constaté que, entre 1986-1987 et 1994-1995, l’effet combiné de ces mesures a été une réduction des transferts au titre du FPÉ et du RAPC totalisant quelque 35 milliards de dollars (environ quatre fois le total des transferts annuels au milieu des années 80)(17).

Des données de cet ordre sont arbitraires, en soi (il n’y a pas de raison évidente pour choisir les arrangements de 1985 comme point de repère pour définir les « réductions »), mais elles n’en fournissent pas moins une indication utile de la tendance globale dans le financement fédéral. Du reste, elles sont confirmées par une deuxième série de données qui montrent que, depuis le début des années 70, les transferts fédéraux représentent un pourcentage décroissant des revenus des provinces :

Pourcentage des subventions dans le total des revenus des provinces (18)

 

T.-N.

Î. P.-É.

N-.É.

N.-B.

Qc

Ont.

Man.

Sask.

Alb.

C.-B.

1970-1971
1980-1981
1990-1991

62,2
46,8
45,6

61,5
51,5
43,7

47,1
45,5
36,6

47,3
43,5
39,8

29,1
21,8
18,9

17,2
17,6
11,1

31,7
36,4
27,9

28,2
15,7
23,2

23,5
7,9
14,9

17,6
15,2
12,3

 

      5. Les normes — Hier et aujourd’hui

Il est utile, enfin, de considérer l’effet qu’ont pu avoir les tensions intergouvernementales, les assouplissements adoptés pour y faire face et le fléchissement du financement fédéral sur les normes des programmes sociaux des provinces. Pour vider cette question, il faudrait examiner de près les normes et la rigueur de leur application, mais une comparaison générale permet néanmoins de tirer quelques conclusions.

Ce tableau permet de faire quelques observations :

  • Tout d’abord, il semble exister une bonne continuité dans le dispositif des normes, malgré la réduction des paiements de transfert et une affirmation plus nette des provinces dans les années 70 et 80.

  • Deuxièmement, la modification la plus notable est le remplacement des exigences administratives détaillées par des normes plus générales ou des principes. Dans certains cas (par ex., l’accès aux soins de santé), il semble y avoir renforcement des normes (plus rigoureuses) tandis que, dans d’autres (par ex., les normes sur les services hospitaliers), il semble y avoir eu au moins un léger fléchissement.

  • Troisièmement, un certain nombre d’éléments centraux du filet social au Canada — y compris le niveau des prestations et des services d’aide sociale — n’ont jamais été soumis à des normes nationales. Cela nous rappelle que la capacité du filet de sécurité sociale de répondre aux besoins dépend de nombreux facteurs, et que les normes, nationales ou autres, ne sont que l’un de ces facteurs.

 

 Normes nationales

Début des années 70

Aujourd’hui

Santé

- couverture intégrale (tous les services médicalement nécessaires)1

- universalité (conditions uniformes)

- L’assurance-maladie ne devait protéger que 95% des résidents.

- accès

- aucune norme (hôpitaux), frais autorisés aux usagers permis

- accès raisonnable (assurance-maladie), frais limités aux usagés permis

- critères de résidence

- aucun n’était autorisé (hôpitaux)

- jusqu’à trois mois (assurance-maladie)

- normes de service

- hôpitaux : « adéquats », régime provincial d’accréditation et de surveillance

- assurance-maladie : aucune norme

- administration publique

- exigences détaillées (hôpitaux)

- principe général (assurance-maladie)2

- aucune indication de la contribution fédérale

Santé

- couverture intégrale (tous les services médicalement nécessaires)1

- universalité (conditions uniformes)

 

- accès

- accès raisonnable, pas de frais aux usagers

 

 

 

- critères de résidence

- jusqu’à trois mois

 

- aucune norme de service

 

 

 

- administration publique

- principe général

 

- La contribution fédérale doit être indiquée dans les publications et la publicité.

Aide sociale

- prestations : aucune norme

- critères de résidence : interdits

- procédure d’appel (en droit) : exigée3

Aide sociale

- prestations : aucune norme

- critères de résidence : interdits

- procédure d’appel : non exigée

Enseignement postsecondaire

- aucune norme

Enseignement postsecondaire

- aucune norme

Péréquation

- aucune norme

Péréquation

- aucune norme

Notes

  1. Alors que la Loi sur l’assurance-hospitalisation et les services diagnostiques dressait une liste des services exigés et prévoyait des accords permettant d’y ajouter d’autres services, les mesures législatives qui ont suivi ne parlaient que des services médicalement nécessaires.

  2. Des sociétés d’assurance privées pouvaient être désignées pour administrer le régime sans but lucratif comme mandataires du gouvernement provincial (à cause des pressions exercées par l’Ontario).

  3. La différence ici est peut-être plus apparente que réelle. Selon Derek P.J. Hum (Federalism and the Poor: A Review of the Canada Assistance Plan, Toronto, Policy Study Series, Conseil économique de l’Ontario, 1983, p. 40), le droit d’appel ne s’était pas encore matérialisé de façon appréciable, jusqu’en 1983, à cause d’une information déficiente du public et parce que les instances d’appel avaient tendance à se comporter comme un prolongement des ministères provinciaux chargés de l’aide sociale.

 

PARTIE II : LES COMPÉTENCES

La capacité du gouvernement fédéral d’influencer les provinces dépend en fin de compte des pouvoirs que la Constitution lui accorde. Il convient donc de les passer en revue avant d’examiner, à la partie III, les types d’influence qu’ils permettent d’exercer.

Les fondements constitutionnels de l’intervention fédérale dans ce qu’on a fini par considérer comme les secteurs de politique de santé et sociale ne peuvent se comprendre qu’à la lumière de trois processus fondamentaux de changement qui sont à l’oeuvre depuis l’entrée en vigueur de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique en 1867.

  • Premièrement, la Constitution d’aujourd’hui diffère quelque peu de celle adoptée en 1867 en raison de modifications en bonne et due forme, notamment celles qui ont fait passer la responsabilité de l’assurance-chômage au gouvernement fédéral (1940) et remplacé la responsabilité provinciale à l’égard des pensions de vieillesse par l’actuelle compétence partagée entre les instances provinciales et fédérales (1951 et 1964)(19). La principale conséquence de ces modifications a été d’étendre la compétence fédérale, et donc la capacité fédérale d’établir des normes nationales directement dans les champs de la politique sociale à l’égard desquels elle a acquis des compétences.

  • Deuxièmement, par suite d’interprétations judiciaires, nombre des dispositions de la Constitution d’aujourd’hui revêtent une signification différente de celle prévue en 1867. On a largement fait état de cette histoire des interprétations judiciaires qui ont eu un effet décentralisateur sur la fédération(20). En général, des interprétations qui ont eu tendance à élargir les compétences provinciales (par exemple au sujet de la propriété et des droits civils), associées aux interprétations limitatives des pouvoirs fédéraux (comme la paix, l’ordre et le bon gouvernement), ont eu pour effet de préserver les compétences provinciales sur la majeure partie du secteur émergent de la santé et de la politique sociale.

  • Troisièmement, les provinces se sont affirmées; de structures extrêmement rudimentaires qu’elles étaient au départ, elles sont devenues un niveau de gouvernement qui, politiquement et administrativement, fait contrepoids au gouvernement fédéral. Un aspect de ce changement est l’énorme augmentation de l’importance de ce que l’on considère maintenant comme le secteur de la politique sociale. À l’époque de la Confédération, ce secteur (regroupant des éléments comme la santé, l’éducation et l’aide sociale) était vu comme une sphère d’activité minime pour le gouvernement. Mais, comme ces domaines sont devenus un élément central dans le rôle de l’État, les provinces ont acquis une plus grande visibilité et une plus grande légitimité politique. Cette évolution a renforcé une tradition d’affirmation provinciale et un déplacement progressif du centre de gravité politique en faveur des provinces qui remonte aux tout premiers jours de la Confédération(21).

  • Quatrièmement, l’accroissement considérable du champ d’action des gouvernements depuis 1867 a fait apparaître une série de nouveaux domaines de politique que les Pères de la Confédération n’avaient pas prévus, et dont on n’a pas pu établir qu’ils revenaient exclusivement à un ordre de gouvernement ou l’autre. Parmi ces domaines, dont aucun n’est mentionné dans les articles de la Constitution portant sur les pouvoirs fédéraux et provinciaux, notons l’environnement, la culture, les communications, le développement régional, les stratégies industrielles, la main-d’oeuvre et la formation, la condition physique et le sport, la santé, le tourisme et la politique scientifique(22). Dans ces nouveaux champs de la politique, les gouvernements fédéral et provinciaux interviennent en utilisant les divers pouvoirs législatifs que la Constitution leur attribue, selon les interprétations des tribunaux.

  • Cinquièmement, la croissance du gouvernement ne s’est pas limitée à l’ouverture de nouveaux domaines où légiférer; elle s’est aussi traduite par un élargissement substantiel de l’activité gouvernementale au-delà de la législation et de la réglementation. Ainsi, alors que les Pères de la Confédération semblent avoir envisagé le rôle des règlements comme axé avant tout sur la réglementation, avec des impôts et des dépenses réduits au minimum, les gouvernements ont aujourd’hui quatre grandes catégories d’activité : réglementation, imposition, prestation de services et dépenses. Le plus souvent, les initiatives fédérales directes dans les secteurs de la politique sociale font appel à ces quatre types d’action, dont chacun (à l’exception de la réglementation) peut influer sur les gouvernements provinciaux(23).

 

Les cinq changements décrits ont eu un profond retentissement sur les fondements constitutionnels de l’influence fédérale dans les domaines de la politique sociale. Ils ont déterminé la signification concrète des pouvoirs fédéraux. Plus fondamentalement, ils ont défini les aspects de compétence à l’égard desquels ces pouvoirs ont été précisés et ont modelé le contexte politique et intergouvernemental où un rôle fédéral peut s’exprimer concrètement. Les pouvoirs fédéraux qui en découlent, décrits par champ de politique, sont les suivants :

   A. L’éducation

Aux termes de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, les gouvernements provinciaux possèdent le pouvoir exclusif de « décréter des lois relatives à l’éducation », et il leur incombe donc d’établir et d’administrer les écoles et universités.

Aux termes du paragraphe 93(4), le gouvernement fédéral a le pouvoir de légiférer pour appliquer les dispositions constitutionnelles sur les écoles confessionnelles si les provinces ne le font pas. Ce pouvoir n’a cependant jamais été utilisé. Le gouvernement fédéral a également certaines responsabilités étroites qui se rattachent à divers pouvoirs fédéraux, notamment celui de gérer des écoles sur les bases militaires et dans les réserves indiennes(24).

Problème plus complexe, le gouvernement fédéral a acquis, en 1940, la compétence en matière d’assurance-chômage. Il a obtenu ainsi les fondements constitutionnels d’un rôle accru en formation de la main-d’oeuvre, au-delà de son rôle antérieur, qui repose sur le pouvoir de dépenser, comme instigateur et responsable du cofinancement de programmes à frais partagés. Les provinces ont réagi de façon variable à cette présence fédérale plus affirmée. Plusieurs soutiennent que toute formation est un type d’éducation et que, par conséquent, elle relève exclusivement des provinces. Elles ont donc agi énergiquement, prenant leurs propres initiatives en formation. Ainsi, le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannique se sont dotées, au début des années 90, de structures pour concurrencer directement (ou, dans le cas du Québec, devancer) les initiatives de la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d’oeuvre que le gouvernement fédéral a cherché à prendre à compter de 1991(25). Plus récemment, le gouvernement fédéral a proposé de se retirer en grande partie de ce secteur d’activités (voir p. 27 ci-dessous).

Le pouvoir de dépenser demeure néanmoins un des principaux fondements de la participation fédérale dans ce domaine. Il permet une participation directe et indirecte. La participation indirecte, ce sont les transferts aux provinces en points d’impôt et en espèces au titre de l’enseignement postsecondaire (maintenant un élément du TCSPS) et les fonds versés par l’entremise du ministère du Patrimoine canadien pour l’enseignement dans la langue officielle de la minorité et l’enseignement de la seconde langue officielle. La participation directe comprend l’aide aux étudiants (prêts, subventions et mesures fiscales) et le soutien direct de divers aspects de l’éducation postsecondaire, notamment la recherche (par l’entremise de contrats fédéraux et de conseils qui dispensent des subventions). En outre, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien soutient l’éducation postsecondaire des étudiants indiens et inuit(26).

   B. La santé

S’il est vrai que la Loi constitutionnelle de 1867 attribuait aux provinces la compétence à l’égard des hôpitaux, elle ne mentionnait pas les divers autres éléments qui se retrouvent aujourd’hui rattachés à la politique sur la santé et aux programmes connexes. En conséquence, les tribunaux ont considéré la santé comme un domaine indéterminé dans lequel l’un ou l’autre niveau de gouvernement (et peut-être les deux) peuvent agir, selon l’objectif et l’effet de la mesure en cause(27). C’est ainsi que les deux paliers de gouvernement sont intervenus dans ce domaine, s’appuyant sur les bases que leur procurait la Loi constitutionnelle de 1867 et la jurisprudence qui a suivi.

La compétence provinciale en matière de propriété et de droits civils (interprétée par les tribunaux) est devenue une source importante de pouvoirs provinciaux de réglementation dans le domaine de la santé. Elle permet de réglementer les aspects suivants : a) la fabrication et la vente d’aliments et de médicaments; b) la santé et la sécurité au travail (par le biais des relations et des normes de travail) dans la plupart des secteurs de l’économie; c) l’accréditation des médecins, infirmières et autres spécialistes du domaine de la santé et d) les régimes d’assurance-maladie et d’assurance-hospitalisation(28).

Les provinces sont les principaux protagonistes dans la fourniture d’installations et de services. Outre leur compétence très claire à l’égard des hôpitaux et des asiles, elles ont reçu de vastes pouvoirs en santé publique au motif que cela relève des questions locales ou privées que la Constitution confie aux provinces. Elles administrent également les régimes provinciaux d’assurance-maladie, conséquence de leur pouvoir de réglementation.

La compétence fédérale en droit pénal autorise le gouvernement central à interdire et à punir les comportements dangereux pour la santé, notamment en ce qui concerne les aliments et drogues. En plus de la responsabilité des hôpitaux de la marine et de la quarantaine qui lui a été conférée en 1867, le gouvernement fédéral a fini par fournir des services de santé aux Indiens et aux Inuit (dans le cadre de sa compétence générale à l’égard de ces groupes). Certains services sont également assurés aux habitants du Yukon, aux employés fédéraux, aux immigrants et au personnel de l’aviation civile. Le gouvernement fédéral réglemente les aliments et drogues, inspecte les instruments médicaux et fournit des services généraux d’information en matière de santé. En outre, il peut s’occuper des questions de santé et de sécurité au travail dans les secteurs économiques de ressort fédéral, grâce à son pouvoir à l’égard des relations et des normes de travail(29).

Comme nous l’avons vu dans la première partie du présent document, le gouvernement fédéral a eu recours à son pouvoir de dépenser de façon considérable dans le secteur des soins de santé. Outre qu’il a été utilisé pour lancer au niveau national les régimes d’assurance-hospitalisation et d’assurance-maladie, ce pouvoir a également servi de base à diverses autres activités fédérales dans le secteur des soins de santé, notamment le financement des recherches médicales(30).

   C. Le soutien du revenu

La notion de soutien de revenu ne figure pas dans la Constitution, mais les analystes de la politique sociale ont fini par employer cette expression, étant donné les effets concrets communs d’une gamme de programmes distincts, du point de vue de la Constitution, qui tous procurent un soutien financier justifié par des besoins. Ces programmes se répartissent en deux grandes catégories : les programmes du type aide sociale, sans cotisations, dont les critères d’admissibilité sont axés sur des besoins vérifiés ou l’appartenance à un groupe désigné qu’on suppose être probablement dans le besoin, et les programmes du type assurance, avec cotisations, qui procurent une aide aux personnes qui y ont cotisé grâce à leurs revenus antérieurs.

      1. L’aide sociale

On n’a jamais contesté la capacité des provinces de verser des prestations d’aide sociale. Cette capacité est fondée sur le pouvoir constitutionnel à l’égard des « établissements de bienfaisance » et appuyée par la compétence sur les « institutions municipales », la « propriété » et les « droits civils » et les « matières d’une nature purement locale ou privée dans la province »(31).

Le gouvernement fédéral n’a aucune compétence expresse relativement aux prestations ou aux services d’aide sociale, mais les tribunaux ont accepté que le pouvoir général de faire des lois pour « la paix, l’ordre et le bon gouvernement » serve de fondement à certains programmes d’aide, notamment les allocations familiales, pouvoir qui a été confirmé, sur cette base, en 1957(32). Étant donné que ce pouvoir ne s’applique qu’à l’extérieur des champs de compétence provinciale, son utilité est toutefois contestable comme fondement d’une importante intervention fédérale dans ce domaine.

Le pouvoir fédéral de dépenser s’est avéré être le point d’appui central de l’intervention fédérale dans ce domaine. Le gouvernement fédéral l’a invoqué pour faire des versements aux particuliers et aux institutions, par exemple des subventions pour améliorer l’administration et faire des expériences et de la recherche sur l’aide sociale, des subventions conditionnelles aux provinces et des transferts inconditionnels comme le TCSPS et les paiements de péréquation(33).

      2. L’assurance sociale

Le Comité judiciaire du Conseil privé a interprété la Constitution de 1867 comme donnant aux provinces la compétence à l’égard des programmes du type assurance sociale. Après qu’une loi fédérale qui aurait établi un programme national pour faire face à la crise économique d’assurance sociale eut été annulée par les tribunaux, en 1937, le gouvernement fédéral et les provinces se sont entendus sur une modification constitutionnelle donnant au gouvernement central la compétence exclusive à l’égard de l’assurance-chômage. Lorsque, dans les années 50 et 60, l’attention s’est tournée vers les régimes de pension avec cotisations, la décision judiciaire de 1937 a empêché le gouvernement fédéral d’établir quelque programme de pension que ce soit directement lié aux impôts ou cotisations perçus pour le financer. En 1951, la Constitution a été modifiée avec l’accord des provinces pour permettre au gouvernement fédéral d’administrer le régime de sécurité de la vieillesse; en 1964, une autre modification a élargi cette compétence pour l’étendre aux prestations supplémentaires comme les prestations aux survivants et les prestations d’invalidité. La compétence fédérale à l’égard des pensions et des prestations supplémentaires ne limitait pas la compétence provinciale existante, qui continuait de primer, en cas de divergence entre les lois fédérales et provinciales.

Les provinces ont conservé la compétence générale sur les programmes avec cotisations, exception faite de l’assurance-chômage; les régimes d’assurance pour accidents du travail sont donc demeurés de compétence provinciale exclusive. En outre, la primauté provinciale en matière de pensions a permis d’exiger des garanties explicites du gouvernement fédéral lorsque la Loi sur le Régime de pensions du Canada était en préparation. C’est pourquoi cette loi stipule : 1) que toute modification du régime doit être approuvée par les deux tiers des gouvernements provinciaux représentant au moins les deux tiers de la population et 2) que toute province peut se retirer, avec compensation, et établir son propre régime. Jusqu’à maintenant, le gouvernement du Québec a été le seul à se prévaloir de cette possibilité(34).

Le pouvoir fédéral de dépenser n’a qu’une importance limitée dans le secteur de l’assurance sociale, étant donné la compétence fédérale qui permet aux autorités centrales d’établir des programmes fédéraux et la nature de ces programmes financés par des cotisations.

PARTIE III : LES PROCESSUS INTERGOUVERNEMENTAUX

Le gouvernement fédéral peut utiliser les pouvoirs dont nous venons de donner un aperçu dans certains domaines pour appliquer directement des programmes sociaux. Dans les secteurs de compétence provinciale, les pouvoirs donnent au gouvernement les outils de base dont il a besoin pour tenter d’influer sur les programmes et les normes des provinces.

Dans la présente partie, nous faisons le point sur les principaux types d’influence que le gouvernement fédéral exerce sur les gouvernements provinciaux. Nous l’avons divisée en deux sections afin de tenir compte du fait que les relations intergouvernementales sont presque continuellement en évolution et que, à tout moment donné de l’histoire de la fédération, certains types d’influence sont restés stables ou ont perdu de l’importance tandis que d’autres en gagnaient.

On peut laisser entrevoir la distance parcourue depuis 1867 en examinant le sort de deux pouvoirs qui, au départ, ont pu être considérés comme les deux sources clés de la capacité du gouvernement fédéral de gérer la fédération. Le pouvoir de désaveu accordé au gouvernement fédéral en 1867 permettait à celui-ci d’annuler unilatéralement n’importe quelle loi provinciale dans l’année suivant son adoption; le pouvoir connexe de réserve permettait au lieutenant-gouverneur d’une province de réserver un projet de loi à l’approbation du gouverneur général en conseil et prévoyait qu’un projet de loi ainsi réservé n’était pas en vigueur tant qu’il n’avait pas été approuvé à l’échelon fédéral. Mais, les provinces s’affirmant comme un niveau de gouvernement distinct, cette influence fédérale qui s’exerçait au plus haut niveau est devenue de moins en moins acceptable politiquement, bien que ce pouvoir demeure dans la Constitution. Le pouvoir de désaveu n’a pas été utilisé depuis les années 40, et il n’avait pas été largement utilisé depuis le début du siècle, tandis que le pouvoir de réserve est également tombé en désuétude. Si on tentait d’utiliser ces pouvoirs aujourd’hui, il est assuré que cela donnerait lieu à une énorme controverse politique, et les tribunaux pourraient en rejeter l’usage comme une atteinte à une coutume constitutionnelle. En somme, le régime, dans son évolution, a abandonné ces pouvoirs.

   A. Les principaux mécanismes

      1. La fiscalité : des normes nationales par une voie détournée

La Loi constitutionnelle de 1867 traite en des termes généraux du pouvoir de lever des impôts. Le gouvernement fédéral possède des pouvoirs d’imposition non restreints, tandis que les gouvernements provinciaux ont le pouvoir de lever des impôts directs dans leur territoire (c’est-à-dire des impôts qui sont exigés directement du contribuable visé plutôt que des impôts indirects, qui peuvent être répercutés sur la clientèle) et le pouvoir de délivrer des permis.

Depuis 1867, le régime fiscal a fini par remplir un certain nombre de fonctions critiques, en plus de la perception de recettes. Il constitue un important moyen de gestion de l’économie et également un véhicule important pour assurer des avantages sociaux aux Canadiens(35). Un bon exemple de cette utilisation du régime fiscal est la prestation fiscale pour enfants qui (comme crédit d’impôt remboursable) a pour effet de bonifier le revenu des familles pauvres qui vivent d’aide sociale, touchent des prestations d’assurance-chômage ou tirent leurs revenus d’emplois mal rémunérés(36). Les crédits d’impôt remboursables sont versés directement par chèque au lieu de prendre la forme de réductions d’impôt; ils sont donc à l’avantage des contribuables dont le revenu imposable est faible, voire inexistant. Ils peuvent être ainsi un important moyen d’assurer un soutien fédéral du revenu qui pourrait aller jusqu’à un régime national de revenu garanti. Les crédits d’impôt fédéraux peuvent contribuer directement au respect des normes nationales en matière de soutien du revenu et peuvent aussi y contribuer indirectement en modifiant l’assiette fiscale des provinces et en les incitant à accorder involontairement des avantages fiscaux.

En outre, le mécanisme des crédits d’impôt peut être utilisé pour faire appliquer des normes dans des domaines très éloignés de celui du soutien du revenu. Ainsi, il pourrait procurer le remboursement intégral de l’argent dépensé en frais modérateurs ou autres frais médicaux, et maintenir de cette façon (en principe, du moins) des normes d’accessibilité sans recourir à la sanction des réductions des paiements de transfert que prévoit la Loi canadienne sur la santé.

Limites : Le recours au régime fiscal pour faire appliquer des normes nationales se heurte toutefois à quatre limites importantes :

  • L’aide fédérale ainsi dispensée va aux personnes plutôt qu’aux gouvernements. Le système risque donc davantage de jouer à l’encontre du respect des normes par les gouvernements provinciaux. Les gouvernements provinciaux seraient encouragés à réduire le plus possible les avantages que le crédit d’impôt fédéral vise à compléter (ou à accroître le plus possible les frais compensés par le crédit fédéral), libérant ainsi des ressources financières au niveau provincial.

  • Les crédits ou remboursements d’impôt peuvent porter les revenus à un niveau préétabli ou compenser les frais permis par les autorités provinciales, mais ils ne peuvent fournir d’autres types de soutien de programme ni combler directement les lacunes des programmes provinciaux.

  • Il faut assurer un financement fédéral qui n’est pas à frais partagés, puisque ce sont des recettes fiscales fédérales qui sont sacrifiées, si bien qu’il est difficile d’accroître les crédits d’impôt en période d’austérité.

  • Les provinces ont beaucoup de moyens à leur disposition pour contrer l’action fédérale. Tout d’abord, la Constitution leur donne, ainsi qu’au gouvernement fédéral, le pouvoir de lever des impôts directs. Une intervention unilatérale des autorités fédérales risque même de rompre l’harmonie dans la fiscalité fédérale et provinciale (les taxes de vente étant l’exception) établie au cours des années 40 et de provoquer une retour à la «jungle fiscale » qui a régné à une autre époque(37). En outre, les provinces peuvent abaisser leurs prestations ou réduire leurs services, annulant ainsi en partie les effets concrets des crédits d’impôt fédéraux.

      2. Le pouvoir fédéral de dépenser : des normes nationales contre remboursement

La Constitution ne définit pas explicitement le « pouvoir de dépenser » du gouvernement fédéral ni celui des provinces. Les deux niveaux de gouvernement se sont donc sentis libres de dépenser à l’extérieur des domaines où ils ont des pouvoirs importants. Dans le cas du gouvernement fédéral, on peut déduire l’existence d’un pouvoir de dépenser des pouvoirs qui lui sont accordés pour lever des impôts (ce qui suppose la collecte de recettes), légiférer à l’égard des biens publics et affecter des fonds fédéraux(38).

La gamme des programmes fédéraux-provinciaux à frais partagés qui ont été créés après la guerre suppose que le pouvoir fédéral de dépenser a une portée qui peut être extrêmement grande. Il importe de signaler que la Cour suprême, dans une cause de 1991 où le gouvernement de la Colombie-Britannique tentait de faire déclarer inconstitutionnel le plafonnement, imposé unilatéralement par le gouvernement fédéral, des transferts au titre du RAPC, a expressément confirmé le droit du Parlement fédéral d’autoriser des versements aux provinces pour des domaines de compétence qui sont les leurs et d’imposer des conditions aux provinces qui les reçoivent(39). Cette interprétation est fidèle aux précédents. Dans le compte rendu qu’elle donne de l’élaboration de la Loi canadienne sur la santé, l’hon. Monique Bégin insiste sur les efforts méticuleux qu’on a faits dans la rédaction du texte pour que cette loi ne puisse être interprétée comme une ingérence dans les compétences provinciales, mais plutôt comme une stricte utilisation du pouvoir fédéral de dépenser(40).

L’avantage principal du pouvoir de dépenser est précisément que l’absence de définition constitutionnelle en autorise une application extrêmement large. En conséquence, ce pouvoir a servi de fondement constitutionnel non seulement pour une multitude de transferts fédéraux-provinciaux au fil des ans, mais aussi pour des subventions et des prêts à des entreprises privées ou à des particuliers, les dispositions sur les dépenses fiscales de la Loi de l’impôt sur le revenu ainsi que les activités commerciales du gouvernement fédéral.

Limites : Même si le pouvoir de dépenser ne semble pas assujetti à de rigoureuses contraintes constitutionnelles, il reste soumis à d’importantes limites budgétaires et politiques.

  • Le recours au pouvoir de dépenser pour lancer de nouveaux programmes dépend de la disponibilité de nouvelles ressources fédérales, suivant le modèle des programmes à frais partagés des années 50 et 60. Les contraintes financières qui pèsent actuellement sur les gouvernements fédéral et provinciaux rendent moins probables l’instauration d’importants nouveaux programmes.

  • Le recours au pouvoir de dépenser pour amener les provinces à respecter les normes ou objectifs fédéraux dans les programmes ne se conçoit que s’il existe des transferts en espèces qui peuvent être assortis de conditions. Cela va donc à l’encontre des pressions exercées depuis longtemps par certaines provinces pour accroître la capacité fiscale des provinces à hauteur de leurs besoins en dépenses (éclaircissement des rôles).

  • Le recours au pouvoir fédéral de dépenser provoque depuis longtemps une résistance politique au Québec et, à des degrés divers, dans d’autres provinces au motif que cela constitue une intrusion dans les compétences provinciales(41). Par conséquent, une utilisation énergique de ce pouvoir risque de menacer le tissu plus large de la coopération intergouvernementale sans laquelle un régime fédéral ne saurait fonctionner.

  • Dans le discours du Trône de 1996, il a été annoncé que le gouvernement fédéral ne ferait pas usage de son pouvoir de dépenser pour créer de nouveaux programmes à frais partagés dans les domaines de compétence exclusivement provinciale sans le consentement de la majorité des provinces. En outre, tous les nouveaux programmes devaient comporter des dispositions permettant aux diverses provinces de se retirer avec compensation, pourvu qu’elles prennent des initiatives équivalentes ou comparables.

  • Lorsque des provinces ont des ressources financières suffisantes et un soutien politique assez solide, elles peuvent contrer les initiatives fédérales fondées sur le pouvoir de dépenser :

  • en refusant de prendre des initiatives « équivalentes ou comparables » aux nouveaux  programmes d’initiative fédérale;

  • en absorbant les sanctions financières imposées par le gouvernement fédéral sur les  transferts existants;

  • en utilisant le pouvoir provincial de dépenser pour indemniser les tiers touchés par les réductions des versements fédéraux qui découlent de l’application de normes nationales définies au niveau fédéral, réduisant ainsi (en principe) les pressions financières utilisées pour faire appliquer les normes; et

  • en réduisant ou en réaménageant les dépenses provinciales.

      3. Les secteurs de politique partagés ou divisés : des normes  nationales par la tactique

Les secteurs de politique qui sont partagés ou contestés ou qui se recoupent font apparaître un sous-ensemble d’activités intergouvernementales possibles faisant intervenir la capacité de chaque niveau de gouvernement de régir ou fournir les services dans ces secteurs. Ainsi, chaque niveau a à sa disposition une série d’occasions d’influencer l’autre, selon les compétences respectives, les activités en cause, les arrangements intergouvernementaux existants et les impératifs politiques de l’heure. En voici deux exemples :

L’élaboration des régimes de pension du Canada et du Québec illustre en partie la dynamique pouvant s’appliquer à l’intérieur d’un secteur à compétence partagée. Les pensions de retraite sont un domaine à compétences partagées dans lequel les provinces ont la primauté, ce qui a permis au Québec de se retirer du régime fédéral dès la création de celui-ci. Cependant, les considérations de mobilité et d’équité ont fortement milité en faveur de l’harmonisation des régimes. Le gouvernement du Québec a présenté, lors d’une conférence fédérale-provinciale en 1963, un régime de pensions qui assurait une plus large couverture, des prestations plus élevées et une meilleure redistribution que celui proposé par Ottawa. Le gouvernement fédéral s’est senti obligé de bonifier sa propre proposition pour affirmer son leadership politique et montrer que le régime fédéral pouvait offrir des pensions aussi attrayantes que celles proposées par le Québec. Ce qui en est résulté, c’est-à-dire le double programme RRQ/RPC, incarne donc des normes reflétant le modèle québécois(42).

Limites : Quatre grands facteurs limitent, dans les secteurs de politique partagés, l’action fédérale visant à influer sur les normes :

  • Le gouvernement fédéral n’a pas de moyens d’exercer son influence dans tous les secteurs de la politique, car cela dépend dans une très large mesure des circonstances propres à chaque situation.

  • L’influence qu’il peut exercer joue toujours de façon indirecte et dépend de la présence d’impératifs politiques ou d’autres facteurs de motivation susceptibles d’amener les gouvernements provinciaux à réagir.

  • Les doubles emplois et les chevauchements qui ont permis à l’influence fédérale de jouer ont été la cible de critiques de plus en plus importantes ces dernières années, résultat à la fois du ressentiment du public face aux coûts réels ou perçus pour les contribuables et, dans les relations intergouvernementales, de la synergie entre le nationalisme québécois et des pressions en faveur de la décentralisation qui viennent de l’Ontario et de l’Ouest. Comme leur ampleur est moins grande, l’influence susceptible d’être exercée sera elle aussi moins importante.

  • Le gouvernement fédéral a annoncé une série de limites qu’il s’impose lui-même, comportant un retrait fédéral (sous réserve d’un accord fédéral-provincial sur des conditions précises) d’un certain nombre de secteurs de politique où les responsabilités sont partagées, notamment :

  • La formation sur le marché du travail : le gouvernement a publiquement reconnu que ce secteur est de ressort provincial; il y abandonne progressivement ses achats et le financement de la formation et il cède aux provinces les mesures d’emploi actives et un financement connexe de quelque deux milliards de dollars;

  • Logement social : le rôle administratif du gouvernement fédéral dans le logement social est cédé aux provinces; le rôle que le gouvernement central conserve est limité au logement social dans les réserves indiennes et à d’autres fonctions qui ne sont pas directement liées aux objectifs de la politique sociale(43).

 

      4.  Charte des droits et affirmations : des normes nationales par les
           politiques constitutionnelles

Depuis 1982 (1985 pour les droits à l’égalité), la Charte canadienne des droits et libertés s’est affirmée comme un mécanisme puissant pour faire respecter des normes nationales. Selon les interprétations judiciaires, ses dispositions sur la liberté de circulation, les droits à l’enseignement dans la langue de la minorité et les droits à l’égalité, entre autres, ont pour effet de créer une série de normes nationales, et les Canadiens peuvent exiger que les gouvernements fédéral et provinciaux s’y conforment.

La Charte établit également certaines normes qui s’appliquent aux relations intergouvernementales. Bien que des questions subsistent sur la possibilité de les faire respecter, l’article 36 dit que les gouvernements fédéral et provinciaux s’engagent à respecter les grands principes de la péréquation : promotion de l’égalité des chances, réduction des disparités régionales et prestation de services publics essentiels de qualité raisonnable à tous les Canadiens.

S’ils avaient abouti, les efforts subséquents de réforme constitutionnelle auraient élargi le rôle des normes nationales constitutionnalisées. Ainsi, l’Accord de Charlottetown de 1992 proposait la constitutionnalisation d’un énoncé des principes de l’union sociale et économique canadienne, que devait surveiller un mécanisme intergouvernemental. Les discussions qui ont abouti à cette proposition avaient fait apparaître un certain nombre d’idées plus larges comme celles d’une « charte sociale » ou d’un « pacte social », qui comportaient la constitutionnalisation de divers droits positifs sociaux et économiques, notamment le droit à un logement décent, à l’alimentation et autres nécessités de la vie, aux soins médicaux, à l’éducation et à un environnement plus sain. On peut s’attendre à voir réapparaître des propositions de cet ordre dans des pourparlers constitutionnels ultérieurs(44).

En général, la constitutionnalisation de normes nationales est un excellent moyen de garantir ces normes nationales, qui deviennent justiciables(45). On ne peut recourir aux tribunaux pour faire respecter les chartes ou pactes qui ne sont pas justiciables, bien que ceux-ci puissent tenir compte du contexte constitutionnel pour arrêter leurs décisions. Comme permet de le croire la fréquence des allusions à l’article 36 de la Charte dans les débats au sujet de la péréquation, ces chartes fournissent également une définition des normes qui peut servir de référence dans les débats publics et dans l’évaluation de la performance des gouvernements(46).

Limites : Même si les chartes constitutionnelles et les textes semblables peuvent constituer une excellente protection pour les normes nationales, ils ont de façon inhérente des limites comme moyen, pour le gouvernement fédéral, d’exercer son influence :

  • Les circonstances particulières qui régnaient en 1982 ont permis aux instances fédérales d’agir unilatéralement dans une mesure qui est à peu près complètement interdite aujourd’hui à cause d’une procédure de révision qui exige que les propositions de modification (y compris des normes nationales) soient soigneusement étudiées pour satisfaire les impératifs régionaux et intergouvernementaux, de façon à recueillir l’appui d’au moins sept assemblées législatives provinciales représentant au moins 50 p. 100 de la population.

  • La Loi concernant les modifications constitutionnelles, qui a reçu la sanction royale le 2 février 1996, soumet les modifications futures à une autre exigence : aucun ministre fédéral ne proposera au Parlement une modification constitutionnelle sans avoir l’appui régional de la Colombie-Britannique, des provinces des Prairies, de l’Ontario, du Québec et des provinces de l’Atlantique. Cette loi non seulement rend les modifications moins probables, mais elle réduit aussi la portée de l’influence unilatérale du gouvernement fédéral dans toute négociation future en donnant à divers ensembles de provinces la possibilité de faire échec aux modifications.

  • Les chartes ou pactes non justiciables donnent aux instances fédérales un moyen doublement indirect d’exercer leur influence : leur constitutionnalisation est soumise à un consensus intergouvernemental et politique, et leur interprétation et leur application sont assurées avant tout par le débat politique et le processus électoral.

  • Les normes constitutionnalisées doivent être rédigées dans les termes généraux qui conviennent à des textes qui peuvent être modifiés assez peu et assez peu fréquemment. À moins que les Canadiens ne soient prêts à accepter les interprétations données par des juges non élus comme des facteurs de la première importance pour déterminer, concrètement, les normes des programmes sociaux, les chartes justiciables demeurent soumises à des limites très importantes comme source de normes ayant une signification réelle. La limite que constitue une inévitable généralité s’applique également dans le cas des normes non justiciables.

 

      5. Les accords intergouvernementaux : des normes nationales par le fédéralisme exécutif

Comme nous l’avons vu, la création du filet de sécurité sociale moderne a nécessité toute une série d’accords intergouvernementaux en bonne et due forme, dont beaucoup arrêtent des normes nationales détaillées qui s’appliquent aux programmes ainsi mis sur pied. Comme s’est effritée la capacité du gouvernement fédéral d’exercer une influence dominante dans ces négociations en faisant jouer son pouvoir de dépenser et d’autres atouts qu’il avait par le passé, la nature même de ces négociations a changé. Il est donc utile de discuter du processus des accords intergouvernementaux, en dehors des autres types d’influence qui jouent à l’intérieur, comme un mécanisme par lequel le gouvernement fédéral peut influencer les provinces.

Il existe des accords intergouvernementaux dans une vaste gamme de secteurs de politique, ce qui témoigne de la capacité des gouvernements fédéral et provinciaux de collaborer pour s’acquitter de leurs responsabilités communes(47). Par ailleurs, la plupart des évaluations générales des tendances observées dans les relations intergouvernementales concluent que les risques d’impasse ont augmenté depuis les années 50, ce qui montre qu’aucune des deux parties aux négociations fédérales-provinciales ne possède des moyens décisifs lui permettant de l’emporter(48).

Une importante expérience actuellement en cours permettra de voir si le processus peut permettre d’en arriver à des normes nationales dans le secteur de la politique sociale. Au moment de la rédaction du présent document, des entretiens annoncés dans le budget de 1996 se poursuivaient entre le gouvernement fédéral et les provinces en vue de définir conjointement des valeurs, des principes et des objectifs qui régiraient le TCSPS et, plus généralement, les divers programmes et pratiques qui définissent l’union sociale(49). Un conseil fédéral-provincial-territorial sur la refonte des politiques sociales a été créé en 1996 pour coordonner la participation provinciale-territoriale à ces entretiens et, à l’occasion de la conférence des premiers ministre d’août 1997, il a reçu le mandat de négocier avec le gouvernement fédéral un vaste accord-cadre pour s’attaquer aux enjeux intersectoriels comme l’établissement de principes communs(50). Les pressions provinciales en faveur de l’adoption de stratégies conjointes à l’égard de la définition et de l’application de normes dans des secteurs précis, comme la santé, ne suscitent toutefois pas un enthousiasme sans réserve de la part du gouvernement fédéral. Lors d’une réunion des ministres de la santé fédéral, provinciaux et territoriaux, les 11 et 12 septembre 1997, le ministre fédéral de la Santé, Allan Rock, a continué de soutenir que l’interprétation et l’application de la Loi canadienne sur la santé étaient de compétence fédérale. Il reste donc à voir s’il sera possible de dégager, grâce au processus d’entente intergouvernementale, des normes de fond sur les programmes sociaux.

Limites : Si on laisse de côté les limites liées au fait que le gouvernement fédéral n’a pas les mêmes ressources financières, avec le poids que cela lui donnait, le processus des accords intergouvernementaux comporte plusieurs limites inhérentes comme moyen d’exercer une influence fédérale :

  • La capacité de l’actuel processus intergouvernemental fédéral-provincial-territorial de définir par consensus des normes qui aient un sens réel (reflétant ou non une influence fédérale importante) demeure incertaine. Le processus est au moins soumis à la contrainte des tensions et impératifs politiques externes.

  • Le gouvernement fédéral ne peut pas, directement, obliger les provinces à adhérer à des normes définies dans des accords intergouvernementaux; les efforts pour le faire indirectement (sanctions monétaires, représailles) sont d’une efficacité incertaine.

  • Il reste à voir si la réaction publique à des normes peut-être importantes dans des domaines comme la santé et l’aide sociale différera de la réticence qui se manifeste à l’égard des processus qui se déroulent « derrière des portes closes », attitude qui a fini par être reconnue comme une limite importante à ce que les gouvernements peuvent réaliser dans les réformes constitutionnelles.

 

   B. Solutions de rechange aux mesures unilatérales : l’orchestration des normes

Les moyens classiques par lesquels le gouvernement fédéral a exercé une influence pour faire appliquer des normes nationales dans des domaines de ressort provincial semblent, pour des raisons diverses, perdre de leur efficacité, dans le contexte contemporain.

Tout d’abord, l’utilisation du pouvoir de dépenser et du régime fiscal et l’intervention fédérale directe dans les secteurs de politique partagés exigent des dépenses fédérales. À court terme au moins, cela va à l’encontre des rigoureuses mesures d’austérité qui s’imposent pour atteindre les objectifs de réduction du déficit.

Deuxièmement, ces mesures sont jusqu’à un certain point unilatérales. Cela a toujours été source de difficultés dans les relations fédérales-provinciales, même au cours de ce qui (partiellement à tort) a fini par être considéré comme l’âge d’or de la coopération fédérale-provinciale, soit les années 50. Plus récemment, la résistance politique à l’action unilatérale du gouvernement fédéral s’est intensifiée, en réaction à la diminution des transferts fédéraux. Il est à prévoir que les susceptibilités politiques de longue date et celles, plus récentes, qui reposent sur des facteurs financiers continueront de susciter dans les provinces des réticences à tout ce qui peut se présenter comme une action fédérale unilatérale.

Plusieurs modalités d’influence atténuent les inquiétudes au sujet des dépenses et des intrusions, mais elles supposent que le rôle fédéral qui consiste à établir et à faire appliquer directement des normes nationales sera remplacé par un rôle d’orchestrateur des processus visent à dégager des consensus qui sont à l’origine de normes nationales. Par définition, ces normes reposent moins sur des relations de contrôle et de surveillance entre le gouvernement fédéral et les individus ou d’autres gouvernements, et davantage sur les processus démocratiques pour lesquels des normes structurées sont d’importants points de référence. Nous indiquons ci-après quelques possibilités.

      1. Normes nationales en réponse aux exigences publiques : le pouvoir de persuasion

Le niveau fédéral de gouvernement a une grande présence sur le plan de la politique et des communications dans tout le Canada, indépendamment de la popularité de tel ou tel gouvernement. Un premier ministre et un Cabinet populaires sont fort bien placés pour influer sur les attentes du public et la demande politique en matières de normes. Les technologies modernes de communication renforcent cette capacité, qui reflète également le niveau relativement élevé d’attention de la part des médias, découlant de la « commerciabilité » de personnalités politiques connues à l’échelle nationale.

La capacité des dirigeants nationaux au Canada de faire directement appel à la population en contournant les gouvernements et politiques provinciaux est illustrée par les négociations constitutionnelles du début des années 80. Le gouvernement fédéral a délibérément mis l’accent sur ses propositions de Charte dans le cadre de ce qui a été présenté comme un ensemble de propositions faites pour la population, tout en dépeignant les propositions des gouvernements provinciaux comme le résultat d’ambitions qui tiennent de l’esprit de clocher et d’une obsession égocentrique pour l’accroissement des pouvoirs provinciaux. On peut continuer de discuter de l’impact précis de cette stratégie, et l’acceptation de la Charte par les provinces a d’ailleurs été acquise au moyen de concessions fédérales faites au cours des négociations, mais il n’en demeure pas moins vrai que la Charte canadienne des droits et libertés a été acceptée en fin de compte par la plupart des dirigeants, malgré une résistance provinciale à ces propositions qui remontait fort loin(51).

En outre, l’émergence de nouveaux secteurs de politique à l’égard desquels les gouvernements fédéral et provinciaux partagent les responsabilités, comme nous l’avons vu plus haut dans la partie II, s’est le plus souvent accompagnée de l’émergence de nouveaux groupes de protagonistes qui traitent constamment avec les deux niveaux de gouvernement. Lorsque le gouvernement fédéral réussit à susciter dans ces groupes des appuis pour des valeurs, des objectifs ou des normes nationales, les gouvernements provinciaux peuvent finir par adhérer à ces normes simplement par le jeu des processus consultatifs et démocratiques au niveau provincial.

Limites : Ces appels directs à la population ont de façon inhérente deux limites, comme moyens d’influer sur les normes qui régissent les programmes sociaux :

  • Les efforts visant à exercer des pressions politiques sur les gouvernements provinciaux peuvent facilement provoquer une réaction. Le système fédéral canadien s’est toutefois avéré très résistant face aux critiques souvent très émotives des dirigeants provinciaux à l’égard des mesures fédérales ayant une incidence sur les provinces.

  • L’efficacité des appels au public dépend de la force d’élaboration de politique au niveau fédéral, reflétée par des propositions de normes nationales qui peuvent résister à l’examen et au débat publics. Si cette force n’est pas là, l’approche davantage populiste et politique des normes nationales risque, en mobilisant l’opposition, de réduire la capacité d’intervention du gouvernement fédéral.

 

      2. Normes nationales et « ère de l’information »

Les réflexions sur l’ensemble des changements technologiques et sociaux (souvent évoqués globalement dans des expressions comme « révolution de l’information ») font largement état de l’énorme impact qu’ils peuvent avoir sur le gouvernement. On peut même dire que l’existence de publics de plus en plus instruits et informés de la chose politique, la diffusion d’une information qui était autrefois l’apanage des « spécialistes » et une désillusion croissante du public à l’égard des gouvernements sont parmi les grandes causes des initiatives de « réinvention du gouvernement » qui apparaissent depuis quelque temps dans de nombreux pays occidentaux(52).

Au Canada, les conséquences de ces tendances sautent aux yeux dans le domaine de la politique constitutionnelle depuis le milieu des années 80. L’échec de l’Accord du lac Meech est largement interprété comme signifiant que la réforme constitutionnelle ne peut plus se faire au moyen de négociations menées derrière des portes closes, dans une relative indifférence de l’opinion publique. Bien qu’on ait soutenu que la Charte avait joué un rôle spécial dans le développement de la participation au débat constitutionnel en dehors des cercles ordinaires des affaires intergouvernementales, il est probable que des exigences de participation et des suspicions analogues à celles qui se sont manifestées pendant l’épisode du lac Meech seraient apparues même si la Charte n’avait pas existé.

En dehors du processus constitutionnel, au fur et à mesure que le gouvernement se dégage de responsabilités pour les laisser aux administrés et s’efforce de devenir plus réceptif dans les rôles qu’il conserve, l’information publique deviendra de plus en plus importante comme fondement sur lequel les publics s’appuient pour juger les institutions et définir et appliquer des normes. Si le gouvernement fédéral souhaite des normes plus élevées dans des domaines comme l’éducation ou la formation de la main-d’oeuvre (à supposer que réussissent les initiatives actuelles de dévolution), la diffusion d’une information de grande qualité sur la performance, qui permettra aux électeurs de comparer la performance locale à d’autres, pourrait s’avérer un excellent moyen de faire appliquer de telles normes(53).

L’élément crucial est que le rôle des instances fédérales comme fournisseur (direct ou indirect) de cette information de qualité sur la performance favoriserait les processus démocratiques de responsabilité publique et de réceptivité, relativement aux programmes provinciaux. Indirectement, cela pourrait favoriser le respect de normes nationales, perçues davantage comme les normes de la société plutôt que comme des normes imposées unilatéralement par le gouvernement fédéral ou dégagées au moyen de négociations intergouvernementales.

Limites : Même si ce moyen peut avoir une portée très large, l’utilisation de l’information comme moyen de faire respecter des normes est soumise à des incertitudes non négligeables dans tout secteur de politique. Plus précisément :

  • L’impact d’une meilleure information sur la performance peut être annulé par l’absence de consensus public sur les objectifs ou sur les normes qui conviennent.

  • Cette amélioration de l’information ne garantit pas que les gouvernements accepteront des normes de performance particulières.

  • Des initiatives fédérales en matière d’information pourraient provoquer des contre-initiatives de la part des provinces, une « guerre de statistiques » entre le gouvernement fédéral et les provinces, une surcharge d’information et un cynisme plus profond.

 

     3. Normes nationales par consensus interprovincial

La conférence annuelle des premiers ministres provinciaux est un mécanisme qui permet aux dirigeants provinciaux d’essayer de dégager un consensus sur des questions d’intérêt commun dans le champ des compétences provinciales. On a vu apparaître ces dernières années un certain nombre de propositions préconisant un certain retrait des instances fédérales de l’établissement de normes dans ces domaines et une capacité, pour les gouvernements provinciaux, d’établir des normes d’un commun accord.

Ainsi, la conférence des premiers ministres qui a eu lieu le 23 août 1996 a permis l’étude d’un document parrainé conjointement par l’Ontario et l’Alberta qui proposait de vastes réformes allant dans ce sens. Cette proposition n’a pas été acceptée en raison de l’opposition d’un grand nombre de provinces plus petites, mais elle n’en constitue pas moins une illustration du point de vue des grandes provinces sur l’établissement de normes dans leurs champs de compétence. Les auteurs du document préconisent un important éclaircissement des rôles respectifs des deux ordres de gouvernement et (entre autres changements) la concentration entre les mains des gouvernements provinciaux seuls de toute la responsabilité de la conception et de la prestation des services de santé, d’aide sociale et d’éducation(54).

Cette proposition aurait éliminé les transferts fédéraux-provinciaux au titre des programmes sociaux et fait passer des points d’impôt aux provinces pour qu’elles puissent financer ces programmes par leurs propres moyens. Les aspects pancanadiens des responsabilités des programmes sociaux n’auraient pas été assumés au moyen du leadership ou de l’influence du gouvernement fédéral, mais par des accords interprovinciaux qui auraient garanti la transférabilité et la mobilité, et établi des principes et des normes. On admet que la viabilité d’une proposition comme celle-là dépend de la capacité des provinces de parvenir à un accord semblable et d’en respecter les dispositions.

Par définition, l’objectif central qui sous-tend l’approche du consensus interprovincial n’est pas de fournir un mécanisme pour que l’influence fédérale s’exerce, mais de remplacer cette influence. L’histoire des arrangements fédéraux donne toutefois à penser qu’un changement de cette ampleur risque d’avoir des conséquences non recherchées. L’une d’elles pourrait être de libérer le gouvernement fédéral des contraintes des négociations fédérales-provinciales et de lui permettre de définir et de préconiser publiquement des positions qui visent uniquement à servir l’intérêt national. Bien qu’il ne s’agisse pas là, en soi, d’une forme d’influence, cela pourrait donner une plus grande crédibilité et une plus grande portée aux appels politiques discutés plus haut.

Limites : En principe, il n’y a aucune limite à la portée des accords interprovinciaux dans des domaines de compétence provinciale. Toute influence fédérale qui pourrait s’exercer à l’intérieur ou par l’entremise de la recherche de consensus interprovinciaux serait cependant soumise à des limites concrètes touchant ce processus :

  • Comme il faut dégager un consensus entre les gouvernements provinciaux, cela rend moins probable, dans les faits, l’établissement de normes que ce que permet de faire une intervention unilatérale du gouvernement fédéral :

  • le consensus doit refléter le point de vue de dix premiers ministres et de dix gouvernements; et

  • le consensus doit recueillir l’appui du public (ou au moins ne pas faire l’objet d’une opposition importante) dans toutes les provinces (plutôt que les conditions préalables plus variées dans l’intervention fédérale).

  • L’incapacité des provinces d’imposer des sanctions financières et leur capacité limitée d’appliquer d’autres types de sanctions voudraient dire que les normes ne seraient pas faciles à faire respec(55).

PARTIE IV : DEUX CONSIDÉRATIONS D’ORDRE PRATIQUE

Il est facile de constater, après avoir passé en revue les modalités classiques de l’influence fédérale, pourquoi on peut penser que le gouvernement fédéral a moins d’influence sur les programmes sociaux dans les domaines de ressort provincial. On peut également conclure, cependant, que cette influence, même réduite, est loin d’être négligeable. Les deux facteurs déterminants pour l’exercice et pour l’efficacité de l’influence fédérale sont 1) la volonté politique et 2) les ressources financières fédérales. Ces facteurs méritent d’être traités à part.

   A. La volonté politique

Dans un régime démocratique, l’existence de la volonté politique au sein des gouvernements ne peut être perçue comme un facteur indépendant qui exprime uniquement la volonté des politiciens. Cette volonté découle plutôt d’une interaction complexe entre divers facteurs, dont les motivations et les engagements politiques de diverses personnalités politiques; les risques, coûts et avantages politiques qu’on prête à l’intervention; la demande publique de politique de fond; et la capacité concrète d’agir des gouvernements. Cette capacité dépend à son tour de facteurs comme l’existence de ressources sur les plans des finances, des compétences et autres et le degré de légitimité que les citoyens reconnaissent aux divers gouvernements et politiques. Plusieurs de ces facteurs revêtent une signification particulière pour l’intervention fédérale pour ce qui est des normes des programmes sociaux.

      1. Les pressions intergouvernementales

La dynamique fédérale-provinciale de l’heure revêt une importance centrale quant à l’issue des problèmes liés aux normes nationales des programmes sociaux. Il n’est pas difficile de prédire une persistance des pressions qui s’exercent sur le gouvernement fédéral pour qu’il réduise son influence dans cette sphère, tant dans les secteurs de compétence provinciale que dans ceux où les deux niveaux de gouvernement peuvent agir. Ces pressions sont à peu près constantes depuis le début de la fédération, dès les premiers efforts pour édifier la province d’Ontario(56). Ces dernières années, ces pressions ont été portées à l’avant-scène par l’émergence du nationalisme québécois moderne, une affirmation de plus en plus ferme des provinces de l’Ouest et, depuis la récession du début des années 90, par les ressentiments ontariens suscités par des causes d’ordre financier.

On trouve une indication sur l’orientation actuelle de ces pressions dans le rapport de décembre 1995 qui a été appuyé par les premiers ministres de toutes les provinces sauf le Québec comme fondement des discussions sur le renouvellement de la fédération et adressé au premier ministre du Canada en réponse à la Conférence des premiers ministres en 1996(57). Le rapport demande entre autres choses :

  • l’assujettissement des interventions fédérales dans des domaines de ressort provincial à des consultations intergouvernementales et à des accords avec les provinces et les territoires;

  • la dissociation des ressources financières (que les ressources soient cédées aux provinces pour qu’elles puissent s’acquitter de leurs responsabilités indépendamment);

  • l’acceptation du principe voulant que les dépenses fédérales dans des champs de compétence partagée n’autorisent pas le gouvernement fédéral à dicter la forme que les programmes doivent prendre; et

  • l’abandon du rôle que se donne actuellement le gouvernement fédéral comme seul interprète et responsable de l’application de la Loi canadienne sur la santé, l’établissement d’un processus « fédéral-provincial/territorial » pour tirer au clair les exigences de cette loi et d’une structure « fédérale-provinciale/territoriale » pour régler les différends dans l’interprétation de la loi.

 

Lors de leur réunion annuelle, en août 1997, les premiers ministres provinciaux ont examiné et approuvé un rapport d’étape sur les thèmes énoncés un an plus tôt, ainsi qu’un document faisant état d’options plus détaillées en ce qui concerne la gestion de l’union sociale(58). La décision de chercher à conclure un vaste accord-cadre avec le gouvernement fédéral pour s’attaquer aux enjeux intersectoriels comme les principes communs, l’utilisation du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral et l’établissement de nouveaux mécanismes de résolution des différends, donne une idée des orientations que les gouvernements provinciaux devraient prendre à brève échéance.

      2. L’opinion publique

L’opinion publique est un autre facteur clé dans la formation de la volonté politique. Dans le contexte du fédéralisme, elle peut constituer un contrepoids de première importance aux pressions intergouvernementales et devenir un important facteur agissant lorsque ces pressions ne reposent que sur les ambitions bureaucratiques ou politiques. Par exemple, le premier ministre albertain Don Getty, qui réclamait la dévolution d’importants pouvoirs au début des négociations sur l’Accord de Charlottetown, n’a pas tardé à mettre la sourdine lorsque des sondages ont montré qu’un transfert important de pouvoirs n’était guère appuyé par les électeurs albertains.

Selon des sondages d’opinion récents, les Canadiens sont de plus en plus ambivalents au sujet du rôle qui doit revenir au gouvernement fédéral dans le maintien de normes nationales en assurance-maladie et dans d’autres programmes sociaux. D’une part, ils appuient clairement les programmes (au moins ceux qui assurent de larges avantages directs au public). C’est ainsi qu’un sondage mené par le Globe and Mail et Environics entre le 18 décembre 1996 et le 15 janvier 1997, avec un échantillon de 2 000 personnes a permis de constater que :

  • 57 p. 100 des répondants étaient favorables à une augmentation des dépenses des programmes gouvernementaux (contre 35 p. 100 qui préféraient que l’on continue à réduire le déficit), tandis que les programmes de soins de santé venaient au deuxième rang dans la liste des priorités, choisis par 25 p. 100 des répondants (31 p. 100 ont placé au premier rang les infrastructures et la création d’emplois(59).

 

Le sondage de fin d’année mené par la revue Maclean’s et CBC a également permis de constater que, parmi les personnes interrogées,

  • 80 p. 100 craignaient que les pensions versées par l’État ne disparaissent d’ici 2005, 61 p. 100 d’entre eux jugeant cela inacceptable; et

  • 64 p. 100 craignaient que tout régime sérieux d’assurance-chômage ne disparaisse d’ici 2005, 77 p. 100 d’entre eux jugeant cela inacceptable.

 

D’autre part, d’après le même sondage, le régime universel d’assurance-maladie et le filet de sécurité sociale relativement généreux, considérés comme intouchables par le passé, semblent faire l’objet d’un scepticisme croissant. Les soins de santé et d’autres services sociaux continuent de figurer parmi la demi-douzaine de priorités indiquées par les Canadiens, mais, parmi les personnes interviewées,

  • 81 p. 100 prévoient qu’un système de soins à deux volets s’implantera d’ici 2005, et 47 p. 100 d’entre eux jugent cela acceptable; et

  • 79 p. 100 s’attendent à ce que les organismes privés de bienfaisance assument des rôles dans le secteur des services sociaux, et 53 p. 100 d’entre eux jugent cela acceptable(60).

 

Il semble également que l’opinion répugne à accepter les sanctions imposées par le gouvernement fédéral contre les provinces qui violent les normes qu’il a lui-même proclamées. Un sondage réalisé en novembre 1995 par Insight Canada Research (peu après l’application de sanctions fédérales contre des provinces au sujet des frais d’installations) a révélé que, parmi les personnes interrogées,

  • 39 p. 100 appuyaient la décision fédérale d’imposer des sanctions aux provinces, tandis que 57 p. 100 s’y opposaient et que 5 p. 100 étaient indécis(61).

 

Pour plus de détails sur les sondages que nous venons de résumer et les résultats du sondage de 1995 qui tranchent avec certaines de ces observations, voir l’annexe II.

On peut conclure qu'au moins deux éléments importants de « l’équation » de la volonté politique réduisent les chances que le gouvernement fédéral puisse mobiliser et conserver la volonté de recourir brutalement aux diverses stratégies à sa disposition pour influer sur les programmes sociaux dans les secteurs de compétence provinciale.

   B. L’argent

Un deuxième facteur général détermine la portée pratique de l’influence fédérale : les ressources financières du gouvernement fédéral. Comme nous l’avons signalé plus haut, les actuelles contraintes financières du gouvernement fédéral limitent rigoureusement les nouvelles ressources pour les nouveaux programmes (et pour les normes nationales nouvelles ou nouvellement mises en évidence). En outre, il faut reconnaître que les progrès accomplis récemment dans la réduction du déficit ont été largement favorisés par les faibles taux d’intérêt. Lorsque le cycle économique ramènera inévitablement des taux plus élevés, il est certain que, vu l’ampleur de la dette nationale, les frais d’intérêt constitueront un défi de taille pour les gouvernements. Ainsi, même s’il est possible que de l’argent frais soit disponible par intermittence pour un nombre limité d’initiatives choisies avec soin, les transferts fédéraux-provinciaux resteront, dans l’avenir prévisible, soumis à des restrictions générales.

Ce serait un travail très complexe que d’étudier à fond l’impact probable de la rareté de l’argent sur la capacité du gouvernement fédéral d’exercer son influence, étant donné que l’incidence sera plus grande sur certaines modalités d’influence (par ex., le pouvoir de dépenser) que sur d’autres (par ex., les demandes populaires). On peut néanmoins conclure qu’il restera nécessaire d’être extrêmement sélectif dans l’utilisation des types d’influence qui dépendent directement des dépenses (à commencer par le pouvoir de dépenser) et que les types d’influence qui ne lient pas les normes nationales directement à la capacité fédérale de les financer (par ex., les mesures de rechange discutées à la partie III B.) seront beaucoup plus avantageuses dans les circonstances prévisibles.

Les préoccupations soulevées au sujet des tendances récentes dans le domaine des normes nationales ont, pour un grand nombre, souvent été trop étroitement axées sur le pouvoir fédéral de dépenser. Mais, même dans cette optique étroite, la relation entre la diminution des transferts fédéraux et les normes nationales est compliquée. Il y a au moins trois relations possibles :

    1. La réduction des transferts fédéraux peut avoir rendu ou risque de rendre certaines provinces incapables de respecter les normes du filet de sécurité sociale qu’elles tiennent par ailleurs à respecter.

    2. Des gouvernements provinciaux peuvent chercher à s’écarter des normes nationales (pour épargner ou pour d’autres raisons) et les transferts en espèces peuvent être ou devenir insuffisants comme moyen de sanctionner efficacement ces dérogations aux normes.

    3. Les réductions des transferts fédéraux peuvent avoir fait fléchir (ou le faire ultérieurement) la volonté politique de faire respecter des normes nationales (peut-être en faisant disparaître un facteur qui avait jusque-là tempéré le ressentiment devant l’influence fédérale).

 

Il importe de prendre conscience des différences entre ces arguments, qui sont parfois regroupés par des critiques qui semblent uniquement soucieux de compiler le plus grand nombre possible de reproches aux réductions des paiements de transfert. Les deux premiers arguments reposent sur des hypothèses contraires et incompatibles au sujet des intentions des gouvernements provinciaux. Si, par exemple, on dit que les provinces sont forcées de s’écarter des normes fédérales à cause de la réduction des paiements de transfert, les sanctions fédérales ne régleront vraisemblablement pas le problème (logiquement, on peut même soutenir que des sanctions plus rigoureuses l’aggraveront). Le troisième argument fait apparaître une possibilité implicitement contenue dans le deuxième : l’incidence des réductions doit être compris avant tout dans une optique politique plutôt qu’étroitement financière. Le facteur clé, pour l’effet d’une réduction, serait donc sa perception par les politiques et la population de la province plutôt que ses conséquences directes pour la capacité financière d’une province.

      1. Les moyens financiers des provinces

Le premier argument - soit que les coupes dans les transferts fédéraux ont réduit les moyens que les provinces peuvent avoir de respecter les normes nationales - dépend de questions qui débordent largement la portée de la présente étude. Notons, par exemple, la possibilité que la province puisse avoir d’améliorer l’efficacité de ses programmes (et d’absorber ainsi les réductions des paiements de transfert) et la nécessité d’évaluations globales des programmes provinciaux pour examiner la possibilité de réaménagements avec d’autres postes du budget provincial. Il importe de souligner que les positions qui s’articulent autour des moyens financiers des provinces doivent être étayées par des arguments de cette nature si on veut qu’elles soient convaincantes.

Il vaut également la peine de faire observer que cet argument n’a pas été beaucoup utilisé par ceux qui ont le plus à en tirer, c’est-à-dire les premiers ministres provinciaux. Ainsi, ceux d’entre eux qui ont soutenu, à la conférence des premiers ministres des 20 et 21 juin 1996, que la diminution de la contribution fédérale devrait se traduire par un rôle moins grand du gouvernement fédéral dans l’établissement des normes n’ont pas prétendu que les provinces étaient devenues incapables de respecter les normes de la Loi canadienne sur la santé, mais plutôt que le gouvernement fédéral avait perdu toute prétention légitime au rôle de seul gardien des normes(62). Cela permet de croire que les provinces n’ont pas encore perdu la capacité de respecter les normes nationales (quoi que cela puisse se produire plus tard).

      2. L’efficacité des sanctions

Le deuxième argument traduit des préoccupations qui remontent au moins au début des années 90. À cette époque, le Conseil national du bien-être, entre autres, a calculé que les diverses désindexations et les divers blocages appliqués aux transferts du FPÉ depuis les années 80 ramèneraient dans un proche avenir les transferts à un montant qui serait complètement couvert par la valeur des points d’impôt (dès 1996-1997 dans le cas du Québec)(63). À ce moment-là, craignait-on, le gouvernement fédéral ne pourrait pas, faute de versement en espèces, appliquer (ni menacer d’appliquer) des sanctions financières pour dissuader les provinces de ne pas respecter les normes établies au niveau fédéral. Plus particulièrement, les normes de la Loi canadienne sur la santé seraient sapées, car elles reposent sur des dispositions autorisant Ottawa à réduire le versement en espèces du FPÉ (ou, maintenant, du TCSPS) d’un montant identique aux frais imposés aux patients que la province aurait autorisés.

Le budget de 1995, qui annonçait le TCSPS, a ravivé ces craintes. Ainsi, les auteurs d’une publication du Caledon Institute of Social Policy ont fait des prévisions selon lesquelles les versements en espèces du TCSPS (c’est-à-dire tous les paiements fédéraux en espèces pour les programmes autrefois visés par le FPÉ et les programmes d’aide sociale) disparaîtraient entre les années 2006 et 2011 dans la plupart des provinces et dès 2004 dans d’autres (par ex., le Québec). Leur conclusion était brutale :

La diminution rapide des paiements de transfert fédéraux amoindrira ou fera complètement disparaître l’influence fédérale à l’égard des services provinciaux de santé et sociaux avant que l’argent ne tarisse. [...] [S]ans contribution monétaire du gouvernement fédéral, l’assurance-maladie n’est pas protégée; c’est l’argent qui donne le poids nécessaire pour faire respecter les dispositions du régime(64).

Les engagements à long terme en matière de financement du TCSPS annoncés dans le budget fédéral de 1996 semblent répondre à ces préoccupations. Mais une question continue de susciter de l’intérêt : quelle doit être l’importance du versement en espèces pour qu’il puisse être efficace comme sanction? Est-ce que le minimum de 12,5 milliards de dollars fixé en 1997-1998 et censé s’appliquer jusqu’à l’an 2000, année où il doit recommencer à augmenter, est un montant suffisant(65)?

La répartition des versements, par province, sera la suivante en 1997-1998 (en millions de dollars)(66) :

 

C.-B
Alberta
Saskatchewan
Manitoba
Ontario
Québec
Nouveau-Brunswick
Nouvelle-Écosse
Île-du-Prince-Édouard
Terre-Neuve
Territoires du Nord-Ouest
Yukon

1 517
956
418
496
4 022
3 876
332
429
60
281
36
17

 

Le différend récent entre le gouvernement fédéral et l’Alberta au sujet des frais d’établissement peut servir d’exemple. Après une longue querelle avec l’Alberta au sujet de l’autorisation des « frais d’établissement » (c’est-à-dire des frais réclamés aux usagers pour le fonctionnement d’établissements plutôt que pour les services), le ministre fédéral de la Santé a annoncé que l’Alberta serait soumise à des sanctions parce qu’elle n’avait pas remplacé cette pratique par un financement public intégral, ou le financement privé intégral avec exclusion du soutien public. À compter de novembre 1995, une sanction de 422 000 $ par mois a été déduite des transferts du FPÉ à l’Alberta; ce montant équivalait à ce que la province touchait sous forme de frais d’établissement.

Les sanctions ainsi imposées à l’Alberta entre novembre 1995 et juin 1996 équivalent à une sanction annuelle de 5 064 000 $, soit seulement environ 0,52 p. 100 du TCSPS prévu pour l’Alberta en 1997-1998. Autrement dit, même lorsque la capacité fédérale de sanction atteint son niveau le plus bas, elle permet tout de même des sanctions 200 fois plus

lourdes que celle imposée à l’Alberta. Tout porte à croire donc que cette capacité n’est pas minée par le niveau de financement applicable au TCSP.

Le fait que, le 1er juillet 1996, le gouvernement albertain ait fait marche arrière sur la question des frais d’établissement semble confirmer le bien-fondé de cet optimisme. Aux termes d’un accord conclu avec le gouvernement fédéral en mai, le gouvernement provincial a assumé provisoirement la responsabilité de payer les frais d’établissement exigés par les cliniques privées, tandis que les autorités régionales en matière de santé devaient négocier des contrats à plus long terme avec les cliniques. Autrement dit, l’Alberta, même si elle a tardé à le faire, s’est conformée aux exigences fédérales.

Tandis que l’affaire de l’Alberta dominait dans les médias d’information, trois autres provinces ont également été soumises à des sanctions en novembre 1996 en raison de frais d’établissement également :

  • Le Manitoba a fait face à une sanction de 49 000 $ par mois à cause des frais d’établissement imposés par six cliniques d’ophtalmologie et de chirurgie.

  • Terre-Neuve a été soumise à une sanction initiale de 20 000 $, ensuite révisée sur la foi d’informations ultérieures pour s’établir entre 8 000 et 11 000 $ par mois, en raison de frais d’établissement imposés par une clinique d’avortement.

  • Pour la même raison, la Nouvelle-Écosse a été frappée d’une sanction initiale de 20 000 $, ensuite révisée pour s’établir entre 4 000  et 9 000 $ par mois sur la foi d’informations fournies ultérieurement.

 

Ces trois provinces n’ont rien changé à ces frais en réaction aux sanctions fédérales, même si les montants cumulatifs des sanctions (jusqu’à septembre 1997) sont d’au moins 1 150 000 $ (Manitoba), 180 000 $ (Terre-Neuve) et 130 000 $ (Nouvelle-Écosse)(67).

La persistance de cette pratique dans les trois provinces semble contredire les conclusions générales tirées de l’affaire albertaine. En outre, cela remet en question l’hypothèse voulant que l’impact financier des sanctions soit la clé permettant d’expliquer les conséquences, étant donné que le mode de calcul des frais (et donc de leur impact net) est le même dans tous les cas (sanction égale aux frais non admis). La grande différence qui saute aux yeux dans le cas de l’Alberta est que le montant en cause était plus élevé et que cela a mobilisé une plus grande attention dans les médias et dans l’opinion publique. Cela donne à penser que les sanctions influencent les gouvernements moins par leur répercussions financières directes que par la dimension politique, qui tourne autour du mécontentement du public, motivé par le fait que la province perd des revenus et des avantages au niveau local.

      3. La dimension politique — Une note pour conclure

Le cas du critère de résidence imposé par la Colombie-Britannique pour l’aide sociale semble appuyer les conclusions que permettent de tirer les effets des sanctions imposées pour frais d’établissement. Au début de novembre 1995, la Colombie-Britannique a annoncé l’imposition d’un critère de trois mois de résidence pour les assistés sociaux qui devait entrer en vigueur le 1er décembre 1995; le gouvernement fédéral a réagi à cette dérogation aux normes du Régime d’assistance publique du Canada (ensuite amalgamé au TCSPS) en retenant le dernier paiement de 47 millions de dollars qui était dû à la province dans le cadre du RAPC pour 1995. La sanction dépassait considérablement les 25 millions de dollars d’économie que, selon les estimations du gouvernement de la Colombie-Britannique, cette mesure promettait d’engendrer.

Le critère de résidence n’a toutefois pas été retiré avant le 6 mars 1997.

Le gouvernement fédéral a obtenu l’accord de la Colombie-Britannique à l’égard du retrait du critère de résidence en faisant en sorte d’aligner la sanction initiale avec celles imposées aux autres provinces (qui sont égales aux frais non admis); ainsi, il en a réduit le montant juste au-dessus de la barre des 20 millions de dollars (qui correspond aux économies réelles réalisées par la province grâce à l’application des critères de résidence). De même, on a convenu de mettre en oeuvre un processus multilatéral national pour se pencher sur les questions de mobilité interne dans un délai de deux ans. Il y a peut-être lieu de préciser aussi que l’accord relatif aux critères de résidence coïncidait avec un deuxième accord avantageux pour la province, en vertu duquel l’aide fédérale à l’égard de l’établissement des immigrants sera haussée de 67,2 millions de dollars sur trois ans(68).

Le fait que l’application du critère de résidence se soit poursuivie plus d’un an après l’imposition des sanctions fédérales s’explique peut-être par l’attrait politique que cette mesure exerce en Colombie-Britannique (le gouvernement a décrit sa position comme une courageuse tentative pour maintenir le niveau des prestations, malgré l’afflux d’assistés sociaux en provenance de provinces ayant récemment réduit leurs prestations, et malgré le plafonnement de 5 p. 100 imposé à la C.-B. à l’égard de l’augmentation des transferts au titre du RAPC). D’autres facteurs n’y sont peut-être pas étrangers non plus, par exemple, l’absence d’intention fédérale claire au sujet de la poursuite des sanctions. Quoi qu’il en soit, il est significatif de constater que l’annulation en question n’ait pas été obtenue au moyen de sanctions fédérales accrues, mais plutôt grâce à des mesures d’encouragement plus positives.

De façon plus générale, les observations des premiers ministres provinciaux sur les réductions des transferts des dernières années témoignent abondamment de la grande place qu’occupent les considérations politiques dans les réactions des provinces. Comme nous l’avons signalé plus haut, plusieurs premiers ministres ont appuyé, à la réunion des 20 et 21 juin 1996, une proposition voulant que les gouvernements fédéral et provinciaux se chargent conjointement de l’interprétation et de l’application de la Loi canadienne sur la santé parce que la diminution de la contribution fédérale doit s’assortir d’une diminution de l’influence du gouvernement fédéral. Les positions des provinces n’ont pas été dictées par le déterminisme financier. L’impact du retrait financier fédéral (et peut-être, dans certains cas, des sanctions financières) s’est fait sentir surtout dans la volonté des dirigeants provinciaux d’accepter que l’influence fédérale se maintienne.

PARTIE V : OBSERVATIONS GÉNÉRALES ET CONCLUSIONS

Pris tous ensemble, les points de vue historique, constitutionnel et intergouvernemental exposés dans la présente étude permettent de faire six observations suivantes :

  1. La subdivision des relations gouvernementales en périodes de fédéralisme « coopératif » et de fédéralisme « exécutif » a permis à la population de mieux comprendre des réalités complexes; toutefois, coupée des faits réels, cette classification donne à penser, à tort, que les relations entre gouvernements ont évolué dans une série de phases distinctes, marquées par des points tournants critiques. Cette optique ne tient pas compte de la très grande continuité qu’on observe dans le fédéralisme canadien.

  2. Le rôle du gouvernement fédéral à l’égard de l’établissement et du maintien des normes nationales a toujours été soumis à des limites, même à l’apogée de ce qu’on a fini par considérer comme l’ère du fédéralisme coopératif. Dans une mesure bien plus grande qu’on ne le reconnaît parfois, le respect des normes par les provinces reflète l’interaction de facteurs divers, notamment l’appui populaire pour ces normes et l’appui au sein des gouvernements provinciaux eux-mêmes.

  3. La résistance des provinces à l’intervention unilatérale des autorités fédérales pour établir des normes nationales n’est pas avant tout une réaction à la réduction des paiements de transfert fédéraux, bien que ces réductions aient donné aux premiers ministres provinciaux de nouvelles raisons de se plaindre. Au contraire, la résistance à l’influence fédérale, plus précisément dans les programmes sociaux des provinces, était très en évidence dès le milieu des années 60, bien avant que ne soient imposées des restrictions financières d’importance.

  4. La portée des sanctions fédérales pour obliger les provinces à se conformer aux normes nationales est plus politique que financière et demeure, dans la plupart des cas, très limitée. Les exemples récents, qui témoignent d’une volonté accrue de la part des provinces de s’écarter des normes, sont probablement attribuables à d’autres facteurs (pressions financières et politiques accrues sur les gouvernements provinciaux, auxquelles la diminution des transferts fédéraux a certainement contribué).

  5. La capacité financière réduite du gouvernement fédéral en matière de sanctions demeure plus ou moins intacte et ne peut par conséquent être à l’origine de la tendance croissante des provinces à ne pas se conformer aux normes. Si la diminution des transferts pécuniaires doit compromettre la capacité du gouvernement fédéral d’imposer des sanctions, les réactions provinciales seront influencées par les perceptions politiques plutôt que par l’incidence financière directe des sanctions, et risquent d’être moins drastiques que ce que prévoyaient les analystes des politiques sociales au début des années 90.

  6. La gamme des mécanismes par lesquels le gouvernement fédéral peut influencer les gouvernements provinciaux est restée remarquablement stable au fil des ans. Ce qui a changé, ce sont les multiples facteurs de l’univers des relations intergouvernementales qui fondent le potentiel concret de chacun des mécanismes. Les tendances actuelles semblent réduire le potentiel des mécanismes traditionnels de commandement-respect, mais, parallèlement, il est possible que l’impact possible de formes plus diffuses d’influence soit en train de se renforcer.

 

PARTIE VI : CONCLUSION

La conclusion fondamentale de la présente étude est que la portée de l’influence fédérale sur les programmes sociaux des provinces et les normes est nettement plus restreinte qu’elle ne l’était immédiatement après la guerre. Mais il est tout aussi clair que les causes de ce changement vont bien au-delà des réductions de paiements de transfert qui se succèdent depuis les années 70. Il en découle que les efforts en vue d’accroître l’influence fédérale, à supposer que cet objectif soit recherché, devront tenir compte de l’évolution du régime fédéral au lieu de viser à retrouver un monde qui était déjà en train de disparaître il y a 30 ans.

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ANNEXE I : PLAFONNEMENTS ET COMPRESSIONS IMPOSÉS PAR LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL, 1972-1995

 

Réagissant à l’effet combiné des contraintes financières et des pressions intergouvernementales et autres, le gouvernement fédéral a, depuis au moins le milieu des années 70, opéré ce qu’on a largement considéré comme un repli, sur le front de la politique sociale, par rapport au rôle qu’il s’était donné dans la période qui a suivi immédiatement la guerre. Les principales étapes de cette évolution sont les suivantes(69) :

  • Contribution fédérale à l’enseignement postsecondaire (EPS) plafonnée à 15 p. 100 - 1972

  • « Fonds de remplacement » du RAPC, négociés pour indemniser les provinces qui avaient perdu le partage des frais en rendant universels certains services additionnels - 1974

  • Croissance des versements fédéraux au titre de l’assurance-maladie plafonnée à 13 p. 100 pour 1976-1977 par rapport à 1975-1976 - 1975

  • Création du programme de Financement des programmes établis (FPÉ) - 1977, remplaçant les subventions conditionnelles 50/50 au titre de l’assurance-hospitalisation, de l’assurance-maladie et de l’enseignement postsecondaire par un ensemble de subventions globales, indexée en fonction de la croissance de la population et du PIB, et un transfert de points d’impôt. Cet accord a, au départ, accru la part fédérale des coûts globaux des programmes, mais cette part a commencé à fléchir à compter de 1978-1979.

  • Formule de péréquation modifiée pour empêcher des versements à toute province dont le revenu personnel par habitant dépasse la moyenne nationale (empêchant ainsi des versements à l’Ontario, qui, autrement, y aurait eu droit) - 1981

  • Renouvellement du FPÉ, moins la subvention de la garantie de recettes - 1982

  • Renouvellement du programme de péréquation, avec remplacement de la formule de la « moyenne nationale » par une moyenne de cinq provinces, qui empêchait l’augmentation des droits aux versements de péréquation qui aurait résulté de l’impact des recettes pétrolières de l’Alberta, aux termes de la formule précédente - 1982 Autres caractéristiques :

  • des versements transitoires de trois ans, disposition qui permettait d’ajouter aux versements calculés selon la nouvelle formule pour atteindre le même montant qu’aurait donné la formule précédente; et

  • un plafonnement des augmentations découlant de la croissance du PIB, et un niveau minimum empêchant une baisse de plus de 5, 10 ou 15 p. 100, selon la capacité financière de chaque province.

  • Croissance de l’élément « enseignement postsecondaire du FPÉ » plafonnée à 6 p. 100 (programme d’austérité des « six et cinq ») - 1983

  • Croissance de l’élément « enseignement postsecondaire » plafonnée à 5 p. 100 - 1984

  • Accord fédéral-provincial sur l’amélioration des possibilités d’emploi pour les assistés sociaux, 1985 : pour encourager la formation et d’autres mesures d’amélioration de l’employabilité des assistés sociaux (Q : incidence sur les coûts?) - 1985

  • Désindexation partielle des transferts du FPÉ (rajustement en fonction de la croissance du PIB remplacé par un rajustement proportionnel au PIB moins 2 p. 100) - 1986

  • Blocage des transferts fédéraux du FPÉ à leur niveau de 1989-1990 pour les exercice 1990-1991 et 1991-1992, suivi d’une indexation du PIB moins 3 p. 100 - 1990

  • Plafonnement du RAPC : pour les trois provinces les plus riches (Ontario, Alberta et Colombie-Britannique), plafonnement, à 5 p. 100 en 1990-1991 et 1991-1992, des transferts de partage des coûts de l’aide sociale et des services sociaux - 1990

  • Prolongation de trois ans, jusqu’en 1994-1995, des transferts du FPÉ, après quoi il y aurait indexation en fonction de la croissance du PIB moins 3 p. 100 - 1991

  • Plafonnement du RAPC (augmentation annuelle maximum de 5 p. 100 des transferts à l’Ontario, à l’Alberta et à la C.-B.) prolongé de trois ans, jusqu’en 1994-1995 - 1991

  • Renouvellement du programme de péréquation pour cinq ans, avec une formule de finncement modifiée qui devrait faire passer de 3 à 5 p. 100 le taux d’augmentation des paiements -1994

  • Plafonnement du RAPC (augmentation annuelle des transferts plafonnée à 5 p. 100 pour l’Ontario, l’Alberta et la C.-B.) prolongé d’un an (jusqu’à 1995-1996) et blocage général des versements pour l’élément enseignement postsecondaire du FPÉ - 1994

  • Transfert social canadien (TCSPS) établi en 1995; regroupe les transferts du FPÉ et du RAPC en un seul transfert global, et réduit le financement fédéral de quelque 2,5 milliards de dollars pour 1996-1997, et de 2 milliards de plus en 1997-1998, par rapport aux versements qu’auraient permis les dispositions antérieures sur les transferts.

  • Élaboration plus poussée du TCSPS - 1996. Principaux éléments :

  • établissement d’un financement à long terme, bloqué aux niveaux de 1997-1998, 25,1 milliards de dollars pour 1998-1999 et 1999-2000, puis indexation au taux de croissance du PIB moins 2 p. 100 en 2000-2001, moins 1,5 p. 100 en 2001-2002 et moins 1 p. 100 en 2002-2003;

  • les transferts en espèces ne doivent pas être inférieurs à 11 milliards et commenceront à augmenter après 2000-2001; et

  • la répartition entre les provinces va progressivement réduire les distorsions occasionnées par le plafonnement du RAPC en tenant compte de deux facteurs :

  • la part courante du TCSPS, rajustée pour tenir compte des mouvements migratoires entre provinces, et

  • la part provinciale de la population canadienne.

 


ANNEXE II : AUTRES RÉSULTATS DE SONDAGES

 

  1. Détails du sondage du Globe and Mail et d’Environics (effectué du 18 décembre 1996 au 15 janvier 1997) :

Question : Si le gouvernement fédéral décidait qu’il peut disposer de montants additionnels à l’approche du prochain budget, dans lesquels des domaines suivants faudrait-il affecter la majeure partie de cet argent, selon vous?

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  1. Un autre sondage récent confirme les résultats du sondage de Maclean’s et de la CBC sur l’attitude du public concernant l’accès universel et un système de santé à deux volets. Un sondage Gallup effectué à la mi-septembre 1996 a donné les résultats suivants(70) :

 

Question : À propos du système de soins de santé du Canada, seriez-vous tout à fait d’accord, modérément d’accord, modérément opposé ou fortement opposé au fait qu’un système à deux volets soit offert aux Canadiens : un niveau de service de base financé par le gouvernement et offert à tous les Canadiens, et, pour ceux qui sont disposés à payer, la possibilité d’obtenir les services supplémentaires souhaités?

Résultats :

 

Tout à fait d’accord

D’accord

Opposé

Fortement opposé

Incertain

 

Can. atlantique
Québec
Ontario
Prairies
C.-B.
Total

 

12 %
17 %
14 %
19 %
14 %
15 %

 

25 %
35 %
24 %
36 %
26 %
29 %

 

12 %
13 %
17 %
14 %
13 %
15 %

 

45 %
29 %
36 %
26 %
41 %
34 %

 

6 %
6 %
10 %
4 %
7 %
7 %

 

 Ces résultats tranchent avec ceux obtenus dans une vaste étude des attitudes de la population par Les Associés de recherche Ekos inc. en août 1995. Dans ce sondage, 53 p. 100 de l’échantillon de 3 000 personnes disaient que l’accès égal pour tous les Canadiens aux services de santé était ce qu’il y avait le plus d’importance pour eux personnellement; venaient ensuite la qualité des services de santé (31 p. 100), la santé de la population canadienne (9 p. 100) et le coût du système (8 p. 100). En outre, 60 p. 100 n’étaient pas d’accord sur l’affirmation selon laquelle « chacun doit pouvoir payer un montant supplémentaire pour avoir accès plus rapidement aux services de santé », tandis que 28 p. 100 étaient d’accord (11 p. 100 n’étaient ni d’accord ni en désaccord). Voir Les Assocités de recherche Ekos inc., Rethinking Government 1995 - Final Report, soumis à Rethinking Government Sponsors, 12 juillet 1996, Ottawa et Toronto, Les Associés de recherche Ekos inc., 1996, p. 35.)

La résistance de l’opinion aux sanctions fédérales imposées aux provinces qui ont dérogé aux normes proclamées par les autorités fédérales ne se répartit pas également dans toutes les régions du Canada. Le sondage de Insight Canada Research (abordé dans le corps du texte) a donné les résultats suivants(71) :

Question : Appuyez-vous la décision du gouvernement fédéral d’imposer des sanctions aux provinces qui autorisent les frais d’installations exigés des patients dans des cliniques privées où ils reçoivent les services médicalement nécessaires, ou vous y opposez-vous?

Résultats :

 

D’accord

Opposé

Incertain

 

Canada atlantique
Québec
Ontario
Prairies
C.-B.
Total

 

25 %
42 %
41 %
36 %
38 %
39 %

 

69 %
53 %
53 %
60 %
59 %
57 %

 

6 %
5 %
7 %
3 %
3 %
5 %

 


(1) Voir Ronald Manzer, Public Policies and Political Development in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1985, p. 56 et suivantes.

(2) Voir Paul Barker, « The Development of the Major Shared-Cost Programs in Canada », R.D. Olling et M.W. Westmacott (éd.), Perspectives on Canadian Federalism, Scarborough, Prentice-Hall Canada Inc., 1988, p. 197 et suivantes.

(3) On trouvera un exposé les divers aspects du développement des gouvernements provinciaux dans Richard Simeon, « Regionalism and Canadian Political Institutions », J.P. Meekison (éd.), Canadian Federalism: Myth or Reality, troisième édition, Toronto, Methuen, 1977, p. 292 et suivantes.

(4) Cité dans Parlement du Canada, Le fédéralisme fiscal au Canada, rapport du Groupe de travail parlementaire sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, ministre des Approvisionnements et Services, août 1981, p. 32.

(5) Voir Loi sur l’assurance-hospitalisation et les services diagnostiques de 1957, chap. 28, art. 1., et surtout les articles 3, 5 et 8, et Canada, Bureau du Conseil privé, Division des relations fédérales-provinciales, Programmes et activités fédéraux-provinciaux : répertoire, 30 septembre 1973, Ottawa, 1974, p. 214-215. Voir aussi Malcolm G. Taylor, Health Insurance and Canadian Public Policy, Institut d’administration publique du Canada, Kingston et Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1987, p. 239.

(6) Le fédéralisme fiscal au Canada (1981), p. 56.

(7) Voir Loi sur l’assurance-maladie de 1966-1967, chap. 64, art. 1.

(8) Voir Le fédéralisme fiscal au Canada (1981), p. 63 et suiv.

(9) Voir par exemple Keith G. Banting, The Welfare State and Canadian Federalism, deuxième édition, Kingston et Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1987, p. 75 et Derek J. Hum, « Social Security Reform during the 1970s », chapitre 3 de Jacqueline S. Ismael (éd.), Canadian Social Welfare Policy - Federal and Provincial Dimensions, Institut d’administration publique du Canada, Kingston et Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1985, p. 33 et suiv.

(10) Il vaut la peine de signaler que cette évolution obéissait avant tout aux pressions exercées par l’Ontario et le Québec; la plupart des petites provinces auraient préféré une version modifiée du partage des coûts (Barker (1988), p. 209).

(11) L’hon. Allan J. MacEachen, ministre des Finances, Mémoire au Groupe de travail parlementaire cité dans Le fédéralisme fiscal au Canada (1981), p. 76.

(12) Voir John F. Graham, « Funding of Universities in Canada », Thomas J. Courchene, David W. Conklin and Gail C.A. Cook (éd.), Ottawa and the Provinces: The Distribution of Money and Power, vol. 1, Toronto, Conseil économique de l’Ontario, 1985, p. 326.

(13) Le fédéralisme fiscal au Canada (1981), p. 80-82.

(14) Voir Judith Maxwell, « The Social Role of the State in a Knowledge-Based Economy », Patrick Grady, Robert Howse, Judith Maxwell, Redefining Social Security, Projet secteur public et compétitivité, Kingston School of Policy Studies, Université Queen’s, 1995, p. 34.

(15) Ministère des Finances du Canada, « Le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux », sous http://www.fin.gc.ca/fedprovf/chsf.html, 2 octobre 1996, p. 1.

(16) Sherri Torjman et Ken Battle, Can We Have National Standards?, Caledon Institute of Social Policy, mai 1995, p. 1.

(17) Données tirées d’un tableau cité dans Thomas J. Courchene, « Canada’s Social Policy Deficit: Implications for Fiscal Federalism », chapitre 3 de Keith G. Banting, Douglas M. Brown et Thomas J. Courchene, The Future of Fiscal Federalism, Kingston, School of Policy Studies, Université Queen’s, 1994, p. 99.

(18) D’après un tableau de Robin Boadway et Frank Flatters, « Fiscal Federalism: Is the System in Crisis? », chapitre 2 de Banting, Brown et Courchene (1994), p. 41.

(19) Voir, par exemple, Leslie A. Pal, « Federalism, Social Policy, and the Constitution », chapitre 1 de Ismael (1985), p. 12 et suiv.

(20) Voir, par exemple, Martha Fletcher, « Judicial Review and the Division of Powers in Canada », chapitre 7 de Meekison (1977), p. 100 et suiv.

(21) On a observé ces dernières années une tendance très répandue à attribuer cette évolution aux forces du nationalisme québécois et aux pressions décentralisatrices des provinces de l’Ouest, mais il importe de signaler que l’Ontario a joué un rôle central, au départ, dans les efforts pour faire contrepoids au gouvernement fédéral. Voir Garth Stevenson, Ex Uno Plures - Federal-Provincial Relations in Canada, 1867-1896, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 1993, p. 48 et suiv.

(22) Voir Garth Stevenson, « Le partage des pouvoirs », Richard Simeon, coordonnateur de recherche, Le partage des pouvoirs et la politique d’État, vol. 61 des études commandées par la Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada, Ottawa, Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada, 1985, p. 101 et suiv.

(23) Ibid., p. 81 et suiv.

(24) Voir Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, troisième édition, Scarborough (Ontario), Carswell, 1992, p. 1227 et suiv.

(25) Rodney Haddow, « Federalism and Training Policy in Canada: Institutional Barriers to Economic Adjustment » chapitre 14 de Francois Rocher et Miriam Smith (éd.), New Trends in Canadian Federalism, Toronto, Broadview Press, 1995, p. 353 et suiv.

(26) Gouvernement du Canada, La sécurité sociale dans le Canada de demain. L’apport du gouvernement fédéral à l’enseignement postsecondaire : Un document d’information, ministre du Développement des ressources humaines, 1994, p. 15 et suiv.

(27) Hogg (1992), p. 476.

(28) Ibid., p. 476 et 149.

(29) Nancy Miller Chenier, La politique canadienne en matière de santé, Bulletin d’actualité 93-4F, Service de recherche, Bibliothèque du Parlement, p. 2-3, et Hogg (1992), p. 475 et suiv.

(30) Le fédéralisme fiscal au Canada (1981), p. 54 et suiv.

(31) Leslie Pal, « Social Policy and the Constitution », chapitre 1 de Ismael (1985), p. 12.

(32) Banting (1987), p. 52.

(33) Ibid., p. 53.

(34) Ibid., p. 50.

(35) Ken Battle et Sherri Torjman, Federal Social Programs: Setting the Record Straight, Ottawa, Caledon Institute of Social Policy, printemps 1993, p. 5.

(36) Aux dernières nouvelles, les négociations visant à harmoniser les mesures fédérales et provinciales en vue de la création d’une prestation nationale pour enfants améliorée (le gouvernement fédéral s’étant engagé dans le budget de février 1997 à y consacrer 600 millions de dollars en nouveau fonds) se poursuivent toujours.

(37) On trouvera un exposé sur les formes complexes de coopération intergouvernementale que comportent les arrangements actuels en matière de fiscalité et les problèmes qu’elles ont permis de surmonter dans Le fédéralisme fiscal au Canada (1981), p. 46 et suiv.

(38) Hogg (1992), p. 150.

(39) Ibid., p. 152-153.

(40) Voir Monique Bégin, L’assurance-santé : plaidoyer pour le modèle canadien, Montréal Boréal, 1987, p. 116 et suiv.

(41) On trouvera un compte rendu portant expressément sur l’effet de cette pratique sur les relations intergouvernementales dans A.W. Johnson, « Federal-Provincial Fiscal Relations: An Historical Perspective », vol. 2 de Courchene, Conklin and Cook (1985), p. 126 et suiv.

(42) Banting (1987), p. 74.

(43) On trouvera un bilan de la situation dans Gouvernement du Canada, Renouvellement de la fédération canadienne, rapport d’étape, document d’information pour la réunion des premiers ministres, les 20 et 21 juin 1996, à Ottawa.

(44) Voir Joel Bakan et David Schneiderman (éd.), Social Justice and the Constitution - Perspectives on a Social Union for Canada, Ottawa, Carleton University Press, 1992, annexes II-V et passim.

(45) Katherine Swinton, « Federalism, the Charter, and the Courts: Rethinking Constitutional Dialogue in Canada », chapitre 15 de Karen Knop et al. (éd.), Rethinking Federalism: Citizens, Markets, and Governments in a Changing World, Vancouver, UBC Press, 1995, p. 300.

(46) L’article 36 de la Charte canadienne des droits et libertés engage les gouvernements au Canada à promouvoir l’égalité des chances et à fournir des services publics de qualité acceptable, et engage le gouvernement du Canada à faire des paiements de péréquation à cette fin.

(47) On trouvera un répertoire des accords en vigueur dans Gouvernement du Canada, Bureau du Conseil privé, Programmes et activités fédéraux-provinciaux : répertoire, 1993-1994 et 1994-1995, Ottawa, ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 1995.

(48) Voir par exemple Donald V. Smiley, « An Outsider’s Observations of Federal-Provincial Relations among Consenting Adults », chapitre 16 de Olling et Westmacott (1988).

(49) Ministère des Finances du Canada, « Le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux  » (1996), p. 1.

(50) Voir le communiqué de presse, Trente-huitième Conférence annuelle des premiers ministres provinciaux, « Refonte des politiques sociales », Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes, référence 850-061/009, p. 2.

(51) Les principales concessions ont été l’ajout d’une clause de dérogation et la prise en compte des exigences provinciales dans la procédure de révision de la Constitution. Le lecteur trouvera un exposé sur la stratégie fédérale plus large dans Alan C. Cairns, Reconfigurations: Canadian Citizenship and Constitutional Change, Douglas E. Williams (éd.), Toronto, McClelland and Stewart Inc., 1995, surtout aux p. 194 et suiv.

(52) Voir David Osborne et Ted Gaebler, Reinventing Government, Reading (Mass.), Addison-Wesley Publishing Company, 1992. Ces thèmes sont fort utilement abordés, dans le contexte de l’évolution qui se fait au Canada, dans F. Leslie Seidle (éd.), Rethinking Government: Reform or Reinvention?, Montréal, Institut de recherche en politiques publiques, 1993.

(53) La réaction du public à l’enquête annuelle de la revue McLean’s sur les universités donne une indication de l’appétit du public pour une information sur le rendement comparatif des institutions publiques et sur l’impact immédiat de cette information sur les pratiques de ces institutions. Ce numéro est devenu le plus populaire de la revue, d’après les ventes en kiosque, et il suscite normalement une foule d’observations et de demandes de renseignements. (Voir Robert Lewis, avant-propos du « The Maclean’s Guide to Universities », Toronto, Maclean Hunter, 1996, p. 4.)

(54) Voir Thomas J. Courchene, Access - A Convention on the Canadian Economic and Social Systems, document de travail rédigé pour le ministre des Affaires intergouvernementales de l’Ontario, août 1996, surtout les pages 16-19. Il importe de signaler que, même s’il ne reprend pas l’approche de Courchene, le Comité sur l’évolution du fédéralisme canadien du Parti libéral du Québec, dans son rapport le plus récent (L’identité québécoise et le fédéralisme canadien — Reconnaissance et interdépendance, Parti libéral du Québec, décembre 1996), affirme que le Québec doit participer activement au processus de prise de décisions visant à établir des normes communes dans des domaines comme l’aide sociale (p. 41-47) et dit que ce processus peut être efficace.

(55) Dans le document de Courchene (1996), il est soutenu qu’on pourrait assurer un certain degré « d’exécution» par les moyens suivants, par exemple :

  • des dispositions sur la forme des mesures législatives limitant le risque de modifications ultérieures,

  • des pressions politiques (appuyées par des contrôles crédibles et des rapports publics sur la performance des gouvernements) et, ultimement,

  • la capacité des provinces de punir une province récalcitrante en refusant la liberté de circulation à ses administrés (dans le contexte de la proposition de Courchene, cela se situerait dans le cadre d’une « union sociale», dont des provinces pourraient être expulsées), p. 29-31.

On peut soutenir que le deuxième moyen est important, mais que le premier serait d’une valeur limitée pour restreindre l’activité d’assemblées législatives souveraines; quant au troisième, même s’il était rendu possible par les changements qui s’imposent, y compris une modification de la Charte, il ne permettrait qu’une intervention ponctuelle radicale à laquelle on ne pourrait pas recourir, de façon crédible, pour des manquements mineurs.

(56) Voir Stevenson (1993), surtout le chap. 3, p. 48 et suiv.

(57) Conseil ministériel de la réforme et du renouveau de la politique sociale, Rapport aux premiers ministres, décembre 1995. Ce document n’a pas été appuyé par le gouvernement du Québec, mais il vaut la peine de signaler que le rapport publié en décembre 1996 par le Comité du Parti libéral du Québec sur l’évolution du fédéralisme canadien demande un important rééquilibrage des rôles fédéraux et provinciaux à l’intérieur de la fédération et, sur plusieurs questions clés, tient les mêmes propos que le rapport du conseil ministériel (voir par exemple les p. 86-88).

(58) Voir Conseil provincial-territorial sur la refonte des politiques sociales, Second rapport d’étape, juillet 1997, et Pour un renouvellement de l’union sociale canadienne - - Document de discussion, 29 avril 1997.

(59) Edward Greenspon et Hugh Winsor, « Spending Increase Favoured, Poll Finds », Globe and Mail (Toronto), 23 janvier 1997, p. A-1 et A-5.

(60) « Canada in the Year 2005 », Maclean’s, vol. 109, no 53, 30 décembre 1996/6 janvier 1997, p. 23 et suiv. et p. 46 et suiv.

(61) Jim Bronskill, « Ontario Residents Don’t Want Federal Crackdown on Provinces », The Ottawa Citizen, 26 août 1996, p. A-3.

(62) Voir Jack Stilborn, Les relations fédérales-provinciales, Bibliothèque du Parlement, Service de recherche, CIR 93-10F, p. 15.

(63) Voir Allan M. Maslove, « Reconstructing Fiscal Federalism», chapitre 3 de Frances Abele (éd.) How Ottawa Spends, Ottawa, Carleton University Press, 1992.

(64) Ken Battle et Sherri Torjman, « How Finance Re-Formed Social Policy », Ottawa Caledon Institute of Social Policy, avril 1995, p. 8 et 9 (traduction).

(65) Le 2 juin 1997, on a annoncé qu’en raison des résultats meilleurs que prévus obtenus au chapitre de la réduction du déficit, le versement en espèces au titre du TCSPS pourrait être maintenu à 12,5 milliards de dollars, au lieu d’être abaissé à 11 milliards de dollars, comme ce qui était initialement prévu.

(66) Ministère des Finances du Canada, « Le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux », page d’accueil du ministère sur Internet, 2/10/96, p. 3.

(67) Renseignements fournis par un fonctionnaire de Santé Canada et complétés par les chiffres cités dans Mark Kennedy, «.Provinces Continue to Flout Medicare », The Ottawa Citizen, 30 septembre 1997, p. A-6.

(68) Voir Colombie-Britannique, Bureau des communications gouvernementales, « PM, Premier Settle B.C. Residency Dispute, Agree to New Co-operation on Mobility, Immigration and Asia-Pacific », Communiqué de presse en date du 6 mars 1997.

(69) Faits de 1985-1993 tirés du résumé de Battle and Torjman (1993), p. 14 et suiv.

(70) R. Gary Edwards et Jon Hughes, « Public Remains Divided on Two-Tiered Health Care », The Gallup Poll, vol. 56, no 67, Toronto, Gallup Canada Inc., 19 septembre 1996.

(71) Jim Bronskill, « Ontario Residents Don’t Want Federal Crackdown on Provinces », Ottawa, The Ottawa Citizen, 26 août 1996, p. A-3.